L’Afrique n’a jamais eu autant de pays pourvus de systèmes politiques issus des élections multipartites. La grande majorité d’entre eux tient régulièrement des élections nationales (16 en 2016), régionales et locales, permettant à leurs citoyens de choisir leurs dirigeants politiques et de garantir la légitimité formelle des gouvernements. Seule l’Erythrée, l’Etat-caserne qui pousse sa population à l’émigration, ne s’encombre pas d’élections, tandis que la Somalie n’est, depuis l’effondrement du régime de Siyaad Barre en 1991, pas en mesure d’en organiser.
Le dramatique scrutin présidentiel d’août 2016 au Gabon rappelle qu’il faut se méfier d’une lecture à courte vue sur les bienfaits de l’élection présentée comme la meilleure et la plus symbolique des conquêtes démocratiques. Elle a été souvent obtenue puis mise en œuvre dans un faisceau de contraintes qui en fragilisent les acquis. Pour s’en convaincre, il suffit de constater que l’élection qui est devenue presque partout la modalité de conquête du pouvoir (parfois pour sanctifier par les urnes d’anciens putschistes) ou de maintien au pouvoir (douze chefs d’Etat africain sont au pouvoir depuis plus de vingt ans) se déroule très souvent dans la violence : Côte d’Ivoire 2000 et 2010 ; Kenya, 2007 et 2008 ; Zimbabwe, 2007 ; Gabon, 2009 ; RDC, 2006 et 2011 ; Ouganda, 2011 ; Congo, 2016.
La raison tient à cette réalité : l’élection cache d’autres enjeux que le renforcement de la démocratie. Les acteurs politiques n’ont souvent pas de références idéologiques très précises ; ils sont surtout attachés, une fois élus, à gérer leurs intérêts et leurs alliances. Face à eux, les électeurs, une fois qu’ils ont touché la rétribution de leur vote, n’utilisent guère la modeste information disponible pour superviser ensuite la mise en œuvre des engagements de campagne des élus et surveiller les activités de ceux qui les gouvernent.
Les positions d’autorité légalisées par l’élection confortent le patrimonialisme ambiant et continuent de permettre à ceux qui les occupent d’extraire et de redistribuer les ressources. Entre Ali Bongo Odimba et Jean Ping, l’enjeu principal demeure l’accès privilégié aux rentes économiques et politiques du pays que la classe dominante qu’ils représentent amoncelle (plus qu’elle n’investit) et qu’elle redistribue pour endiguer la violence sociale endémique. L’instauration d’un « Etat de droit » est pervertie par la personnalisation du pouvoir et par la stratégie d’accumulation -redistribution qui préside à chaque niveau de la hiérarchie, du sommet à la base en passant par les intermédiaires. L’Etat gabonais existe, mais il adopte la forme d’un rhizome dont les tiges – les institutions – sont moins importantes que les racines souterraines qui plongent dans la réalité complexe des solidarités et des rivalités.
Depuis la vague des élections, qui ont suivi les Conférences nationales et l’instauration du multipartisme dans les années 1990, l’interpénétration de l’économie et du politique s’est consolidée. Dans de nombreux cas, c’est la démocratie élective qui a été adaptée à la logique du clientélisme et non l’inverse. On parle désormais de « pseudo-démocratie », de « démocratie de faible intensité », de « démocratie par délégation ».
Le système de l’élection n’annule donc pas ipso facto la marchandisation du politique dans les Etats où règne encore un système patrimonial. Au mieux, quand les circonstances sont les plus favorables, le combat politique, exacerbé le temps de l’élection, permet de limiter les prébendes en forçant les détenteurs du pouvoir à, pour reprendre une formule africaine imagée, « manger moins vite et moins seul ».
Reconnaissons toutefois que dans certains cas, l’évolution est positive. Au Sénégal ou au Ghana, deux bons exemples, les jeux politiques sont plus ouverts, la contestation intérieure plus militante, la surveillance extérieure plus vigilante. La violence d’Etat s’est atténuée au fur et à mesure de l’adhésion aux droits politiques et humains et à la liberté d’expression. De telles évolutions sont perceptibles sur la base de certains indicateurs. Le Worldwide Governance Indicators (WGI) qui tente de capturer les manières avec lesquelles une population est capable de jouir de ses libertés (expression, association) et d’interroger le gouvernement sur ses actes, donne des résultats plutôt en hausse, particulièrement en Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Ghana, Liberia, Niger et Nigeria).
La vague de rages populaires et de mouvements de protestation en Afrique depuis la fin des années 2000 témoigne de l’engagement d’une jeunesse qui n’hésite plus à recourir à la « légitimité de la rue » contre les abus et les inerties des pouvoirs en place. Véritables poils à gratter des impostures politiques, porte-étendards des aspirations au changement, depuis l’apparition de Y en a marre au Sénégal en 2011, les mouvements citoyens s’imposent comme des acteurs politiques à part entière, avec à leur actif quelques trophées (l’échec d’Abdoulaye Wade au Sénégal en 2011, l’éviction de Blaise Compaoré au Burkina Faso en 2014). Ces manifestations de résistance sociale devenues plus fréquentes traduisent l’émergence d’une démocratie du quotidien et le renforcement de la société civile. Même si l’idée de citoyenneté demeure souvent embryonnaire, davantage de pays laissent s’exprimer les médias sur les affaires publiques. Dans un tel contexte favorable, les acteurs non-étatiques jouent un double rôle : ils élargissent les possibilités d’engagement citoyen et font pression pour tenir les gouvernements et institutions publiques responsables de leurs actes.
Il n’y a donc pas lieu de désespérer de la démocratie africaine. Aucun système n’est immuable. A l’origine profondément rétifs à prendre le risque de l’ouverture, les détenteurs du pouvoir devront évoluer et bientôt en céder une partie, ne serait-ce que par pragmatisme. D’autant qu’il pourra leur paraître opportun de rechercher une nouvelle rente dans l’arrivée des investissements étrangers et dans l’attribution des aides extérieures qui sont consenties à la condition que le système politique et social s’ouvre enfin. N’est-il pas significatif de constater que les membres de la classe au pouvoir en Afrique commencent à se rendre compte que leurs privilèges sont le mieux à l’abri s’ils sont définis comme des droits communs plutôt que comme des prérogatives personnelles. Ils devront, coûte que coûte, entériner cette ouverture, contrainte et nécessaire, par des réformes institutionnelles, étendant progressivement l’accès aux droits à la citoyenneté à une plus large partie de la population.
L’Etat islamique a perdu son dernier point de passage avec la Turquie. Quelle(s) conséquence(s) cela peut-il avoir pour le groupe terroriste ?
C’était une des voies de ravitaillement de l’Etat islamique, notamment en direction de la ville de Raqqa qu’ils nomment leur capitale. Ça va donc compliquer la tâche des djihadistes en terme de livraison d’armes, de ravitaillement sanitaire ou alimentaire mais aussi en terme de lieux de passage des apprentis djihadistes qui confluaient vers l’Etat islamique. De ce point de vue, sans pour autant considérer qu’on en a fini avec l’Etat islamique, les avancées de l’armée turque et des groupes rebelles liées à l’armée turque au cours des derniers jours sont un pas en avant dans l’étranglement de ce groupe terroriste. Nous sommes probablement à l’orée d’une nouvelle séquence parce que maintenant les vrais objectifs militaires ne vont plus être de conquérir quelques villages, quelques points de passage mais de reconquérir Raqqa, en Syrie, et Mossoul, en Irak. Et là, ça ne sera pas une promenade de santé.
L’Etat islamique a-t-il perdu tout contact avec l’extérieur ?
Non, il subsiste toutes les voies de ravitaillement qui passent par l’Irak. La frontière irako-syrienne avait, vous vous en souvenez, été détruite symboliquement par les troupes de l’Etat islamique au mois de juin 2014. Là encore, l’Etat islamique est affaibli mais pas du tout éradiqué, il y a encore des voies de communication entre la Syrie et l’Irak.
Quel impact cette nouvelle peut-elle avoir pour la Turquie, qui a subi plusieurs attentats sur son sol, revendiqués par l’Etat islamique ?
La Turquie a souvent été accusée de complicité avec l’Etat islamique, je parlerais plutôt de complaisance. On sait très bien qu’il y a eu, par exemple, des combattants de l’EI qui sont allés se faire soigner dans des hôpitaux turcs. Il y a eu aussi du trafic de pétrole brut ou des livraisons d’armes. Cette forme de complaisance est désormais terminée depuis début 2015. Cette décision a été renforcée ces dernières semaines à cause de la multiplication des attentats attribués à l’EI sur le sol turc. La Turquie prend désormais toute sa place dans la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. Maintenant, les défaites que subit l’Etat islamique depuis plusieurs semaines risquent de radicaliser une partie de ses membres, de multiplier les attentats à travers le monde. La Turquie étant un des pays de la ligne de front, il est plus facile d’acheminer des kamikazes en passant la frontière que de venir dans une autre capitale occidentale.
Propos recueillis par Margaux Duguet
Benoit Muracciole est Vice président de l’ONG Action sécurité éthique républicaine (Aser). Il répond à nos questions à l’occasion de la parution de son ouvrage « Quelles frontières pour les armes ? » (éd. A. Pedrone) :
– En quoi le TCA est-il capital ? La géopolitique de ces dernières années aurait-elle été similaire si ce traité était entré en vigueur plus tôt ?
– Votre mouvement s’inscrit-il dans une démarche pacifiste ?
– Que retirez-vous de vos contacts avec la société civile, dont le puissance complexe militaro-industriel ?
– Dans quelle mesure votre parcours a-t-il mis en lumière les rapports de force entre les grandes puissances ? Quel rôle pour la France dans les négociations sur le TCA ?
Du 29 août au 2 septembre 2016, s’est tenue à Paris la désormais traditionnelle « Semaine des ambassadeurs ».
L’occasion d’une réflexion collective de la part de nos représentants à l’étranger sur les questions stratégiques, mais également sur leur méthode de travail. Occasion également d’aller vers les citoyens en organisant une journée ouverte aux échanges sur leur métier et un concours d’éloquence pour les étudiants. Lilian Thuram, champion du monde de football et citoyen engagé, était le grand témoin de cette journée.
Mais c’est avant tout l’occasion de discours cadrant l’action internationale de la France : du président de la République, du Premier ministre et du ministre des Affaires étrangères et du Développement international.
François Hollande prononçait le dernier discours de son mandat actuel. Alors que son bilan économique et social est largement contesté, F. Hollande est généralement crédité de succès en matière de politique étrangère. Il a dû faire face au terrorisme et aux diverses crises : accords de Minsk, COP 21, intervention au Mali, réconciliation avec les pays heurtés par le style de l’ancien président (et actuel candidat), Nicolas Sarkozy. Il a été à la fois bon diplomate et guerrier, quand cela était nécessaire. S’il a bien commencé par évoquer la place particulière de la France dans le monde, il n’a pas par la suite continué sur un discours global. F. Hollande n’a jamais aimé être enfermé dans un cadre conceptuel. Il pense que son pragmatisme protège sa liberté, mais cela l’a aussi empêché de dégager une grande fresque sur la France et le monde.
Il a donc, comme depuis 2012, évoqué les uns après les autres les grands dossiers internationaux en commençant par le terrorisme, puis les différents conflits qui agitent la planète : de la guerre civile en Syrie à la crise ukrainienne. Sur Israël et la Palestine, il s’est contenté de rappeler que la solution est connue : deux États qui peuvent vivre en paix et en sécurité, sans parler de Jérusalem ni des frontières, en retrait par rapport aux discours de N. Sarkozy. Il s’est montré ferme à l’égard du Royaume-Uni, en jugeant irréversible sa sortie de l’Union européenne et également insisté sur la nécessité de conclure rapidement l’accord sur le réchauffement climatique, signé à Paris en décembre 2015. Il a enfin officialisé la fin des négociations sur le traité transatlantique.
Mais, à la conclusion de son discours, il a pris le chemin d’un dessein globalisant sur la voix de la France dans le monde. C’est contraire à ses habitudes mais il l’a fait pour des raisons de politique intérieure. Faisant référence, de manière implicite, au discours sur la place de l’islam en France, il a déclaré que « céder sur nos valeurs serait non seulement une régression pour l’État de droit mais aussi un risque pour notre cohésion nationale. Ce serait surtout un discrédit pour notre influence internationale. La France est forte quand elle est elle-même, pas quand elle se défigure. Ainsi, face à l’intolérance, à la haine et à l’obscurantisme, la France n’a renoncé à rien de ce qu’elle est. »
Il est vrai que pratiquement tous les ambassadeurs présents ont fait part en privé ou en public des dégâts qu’ont créés les polémiques sur les musulmans, le voile (plus récemment le Burkini), sur l’image de notre pays dans le monde. Dans les pays occidentaux, la France passe désormais pour un pays intolérant. Dans les pays musulmans, elle passe pour un pays islamophobe. La photo de policiers encadrant une femme sur une plage qui portait un Burkini a eu un effet désastreux. Le constat, sévère, est unanime, quelles que soient les sensibilités personnelles des ambassadeurs : le prestige et le rayonnement de la France sont largement entamés. Les responsables politiques français qui se sont exprimés avec véhémence sur le sujet n’ont soit pas conscience des répercussions à l’international, soit n’en ont cure.
Manuel Valls, dans son discours centré sur la compétitivité économique du pays, n’a pas évoqué le sujet, au grand soulagement des ambassadeurs.
Dans son discours de conclusion, Jean-Marc Ayrault est revenu sur le sujet : « certains d’entre vous sont les témoins de l’impact dévastateur à l’étranger des emballements dont notre vie politique est capable. Il est urgent de retrouver un peu de sérénité (…) Le risque d’interdire, c’est de stigmatiser et de finir par rejeter. Cela, ce n’est pas la France. Quand la France rejette, elle ne règle aucun problème, notamment pas celui de l’intégration. Elle n’est plus en phase avec elle-même. » Or, si personne ne l’a exprimé, chacun sait que le clivage sur ce point ne se situe pas uniquement entre le gouvernement et l’opposition, mais au sein du gouvernement, et en l’occurrence entre le Premier ministre d’un côté, le ministre des Affaires étrangères et celui de l’Intérieur de l’autre.
François Hollande a un goût prononcé pour la synthèse. Mais, sur ce sujet, si la polémique venait à reprendre, il lui faudrait trancher clairement et publiquement, pour que cela soit audible aussi bien en France qu’à l’étranger.
Le succès de la manifestation de jeudi 1er septembre relance-t-il les chances de l’opposition vénézuélienne face au président Maduro ?
Cette manifestation confirme que les électeurs qui ont amené l’opposition au pouvoir lors des élections législatives de décembre 2015 sont toujours mobilisés.
Cette force, constatée dans les urnes, s’est manifestée dans les rues de Caracas. Mais cela ne change pour l’instant rien aux données du problème : l’opposition doit rassembler 20 % de l’électorat pour tenir un référendum de révocation, et veut le réaliser avant le 10 janvier, qui est la date de mi-mandat. S’il est organisé après, la destitution possible du président Nicolas Maduro ne ferait qu’amener son vice-président à le remplacer.
Cette manifestation maintient la mobilisation et enlève des arguments à une partie des opposants qui défendent un recours à la violence. Mais il ne faut pas oublier que le gouvernement a lui aussi réuni de nombreux soutiens lors de plusieurs manifestations qui se sont déroulées plus tôt dans la semaine.
La situation risque-t-elle de se durcir entre le gouvernement et l’opposition ?
Comme Hugo Chavez en son temps, le président Nicolas Maduro est pris à son propre discours et est tenu d’organiser un référendum comme le prévoit la Constitution promue par Hugo Chavez.
Le gouvernement essaie cependant de jouer la montre : il retarde la date en mettant en avant les difficultés techniques qu’engendre la vérification des votes. Il est toujours en situation de freiner le processus, la question est jusqu’à quand ?
L’expérience des manifestations de 2014, où des violences avaient fait 40 morts dans les deux camps, a douché les appels à la violence d’une partie de l’opposition. Henrique Capriles, l’ancien candidat à la présidence contre Nicolas Maduro, est aujourd’hui leur leader.
Or, il préfère s’appuyer sur le succès électoral de la coalition de la Table de l’unité démocratique (MUD) aux élections de décembre 2015, ainsi que sur la mobilisation pacifique dans la rue. De nouvelles manifestations sont d’ailleurs déjà prévues et devraient mobiliser autant.
Quel rôle peut jouer la communauté internationale dans cette crise ?
Plus personne ne parle d’une démarche de ce type. Pour que la communauté internationale intervienne, encore faudrait-il que les différents acteurs le souhaitent. On est actuellement dans une phase intermédiaire, un face-à-face entre le gouvernement et l’opposition. La nécessité d’un recours à un médiateur pourrait refaire surface si le blocage persiste dans les semaines à venir.
Une médiation internationale, menée par le Vatican et l’Union des nations sud-américaines (Unasur), avait déjà été acceptée auparavant, avec notamment la présence de l’ancien chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero et l’ex-président dominicain Leonel Fernandez.
Mais le rapport de force en Amérique latine n’est aujourd’hui plus en faveur de Nicolas Maduro, avec l’alternance électorale en Argentine et la destitution de Dilma Rousseff au Brésil. Le Venezuela n’a plus comme alliés régionaux que Cuba, qui se consacre à ses réformes économiques, l’Équateur et la Bolivie, dont le poids diplomatique est limité.
Recueilli par Olivier Bories
L’offensive de l’armée turque à la frontière syrienne contre les forces du groupe État islamique et les forces démocratiques syriennes (FDS), principalement constituées et encadrées par les YPG (Unités de protection du peuple), va-t-elle redistribuer les cartes quant aux forces présentes sur le terrain ?
Oui, incontestablement. L’intervention de l’armée turque a permis de reprendre un certain nombre de localités à l’État islamique, prises aujourd’hui en tenaille entre les forces turques et les YPG. L’enjeu des affrontements de ces derniers jours se situe dans la zone située entre la localité de Jarabulus, récemment reconquise par les forces rebelles syriennes soutenues par l’armée turque, et la frontière turque. Cette zone fait office de point de passage sanitaire, alimentaire et militaire pour l’État islamique. Si les FDS ou l’armée turque venait à la contrôler, cela porterait un coup dur à l’organisation.
D’autre part, l’intervention de la Turquie redistribue les cartes dans cette partie de la Syrie en termes de forces présentes sur le terrain. Les FDS, au sein desquels les Kurdes liés au YPG sont majoritaires, étaient il y a quelques semaines la seule force capable de s’opposer victorieusement à l’État islamique. Au fil de leur avancée, les Kurdes de Syrie sont en mesure de modifier les rapports de force, mais aussi les enjeux politiques de la région. Car le Parti de l’union démocratique (PYD) profite de la progression militaire de sa branche armée, le YPG, pour instaurer des administrations cantonales sous sa direction. Le but de Recep Tayyip Erdogan est donc de freiner la montée en puissance militaire et politique du PYD, voire, comme il l’a déclaré publiquement, de « nettoyer » la zone de leur présence. L’intervention de son armée doit leur empêcher de relier les trois cantons qu’ils dominent : deux d’entre eux sont à l’est, un autre est à l’ouest. Si les Kurdes parvenaient à faire la jonction des cantons, ils contrôleraient la majeure partie du territoire frontalier à la Turquie. C’est ce que craint le chef de l’Etat turc et ce qui l’a, en partie, motivé à envoyer son armée.
Pensez-vous que l’offensive turque contre les combattants kurdes de Syrie, soutenus par les États-Unis, pourrait provoquer une crise diplomatique entre Ankara et Washington ?
Non, je ne le pense pas. Au cours des derniers mois, les Etats-Unis ont soutenu et équipé les YPG alors que la Turquie, alliée des Etats-Unis et membre de l’OTAN, les considère comme une organisation terroriste car extension syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). L’attitude des Etats-Unis était ambiguë, mais il y a encore quelques semaines, les combattants kurdes constituaient la seule force, au sol, capable de tenir tête à l’État islamique. L’intervention de l’armée turque avec son opération « bouclier de l’Euphrate » change la donne. Joe Biden, le vice-président des Etats-Unis en visite à Ankara mercredi dernier, a clairement affirmé son soutien à l’opération. Il a également appelé les combattants kurdes à se retirer sur la partie orientale de l’Euphrate. Aussi si les Etats-Unis ne devraient pas stopper leur aide aux Kurdes de Syrie, ils devraient se montrer à l’avenir beaucoup plus exigeants.
Les États-Unis ont donc fait un choix stratégique. Ils préfèrent une alliance forte, efficace et opérationnelle avec la Turquie plutôt qu’avec les groupes kurdes de Syrie. Pour eux, l’enjeu est, en effet, bien plus important du point de vue géopolitique. Cela étant la situation est très volatile et peut évoluer très rapidement.
Quelle est la situation des forces en présence en Syrie ? Daech est-il toujours en train de perdre du terrain ?
En réalité, Daech n’est qu’une partie de l’équation. Il détient quelques pans du territoire, mais leur véritable implantation s’est faite dans les villes, notamment à Raqqa. Si le retrait de Daech dans des petites localités est incontestable, son affaiblissement est relatif. Il reste maître de villes importantes et de son bastion, Raqqa pour laquelle Daech s’est particulièrement préparé à sa défense.
Les forces kurdes de Syrie, qui ne se trouvent qu’à une trentaine de kilomètres de cette dernière depuis plusieurs mois, ont plusieurs fois été sollicitées par les Etats-Unis pour passer à l’offensive, mais ils s’en gardent bien. Pour s’y attaquer, il leur faut avant tout se préparer en termes de tactique militaire et essayer d’assécher les réseaux d’approvisionnement de la ville de Raqqa pour affaiblir les positions de l’Etat islamique.
Par ailleurs, Alep est un des considérables enjeux géopolitiques et militaires : des groupes qui parviendront à contrôler Alep, dépendra certainement l’avenir de la Syrie. Mais pour l’instant, aucune force n’est en mesure de dominer la ville, et les populations civiles en paient le prix fort.
Les combats y font rage entre les forces de Bachar al-Assad et les combattants de l’Armée syrienne libre (ASL) considérés comme « modérés ». Ces derniers, sur la défensive, se sont vus contraints au cours de l’été de s’allier aux islamistes du Front Fatah al-Sham (ex-Front al-Nosra, lié à d’Al-Qaïda) pour reprendre certains quartiers et desserrer l’étreinte que fait peser l’armée syrienne restée loyale à Bachar al-Assad.
On assiste ainsi, à Alep comme ailleurs, à une polarisation extrême des tensions et l’on constate que désormais il n’y a plus beaucoup de place pour les forces dites « modérées » entre, d’une part les forces de Bachar al-Assad massivement soutenues par la Russie, le Hezbollah et l’Iran, et d’autre part les groupes djihadistes qu’ils s’appellent Etat islamique ou Fatah al-Sham, en bonne partie soutenus par les Etats arabes du golfe.
La Syrie est aujourd’hui divisée entre forces gouvernementales, Kurdes, Etat islamique, rebelles dits « modérés » et groupes djihadistes ou salafistes et aucune faction n’est en mesure d’imposer sa prééminence aux autres. Et l’on constate que, malheureusement, les djihadistes, autres que l’Etat islamique, sont en passe de s’imposer comme des combattants incontournables pour régler un certain nombre de sous-conflits nationaux.
L’accord de paix, que de nombreux observateurs qualifient d’historique et qui a débouché sur un « cessez-le feu définitif » entre les FARC et les forces gouvernementales, doit encore être ratifié. Quelles sont les étapes manquantes à l’adoption définitive de l’accord ? Peuvent-elles l’empêcher de voir le jour après cinquante-deux ans de conflit armé ?
La première étape importante de ces accords concerne le « cessez-le-feu définitif » déclaré le 27 août 2016, au terme de quatre années de négociation en Norvège et à Cuba. Les FARC doivent consulter leur base à la mi-septembre pour valider le compromis signé avec les autorités. Une cérémonie officielle de signature doit ensuite être organisée, peut-être aux Nations unies. Le processus sera validé, ou rejeté, par référendum le 2 octobre. Les Colombiens doivent se prononcer pour ou contre les accords de paix mettant un terme à un conflit cinquantenaire et qui aurait causé la mort de 260 000 personnes. Si la majorité des Colombiens sont pour, la campagne n’a pas encore commencé. Et il faudra compter avec des opposants aux accords de paix, à commencer par l’ancien président Alvaro Uribe. Les opposants dénoncent notamment la remise en liberté et l’amnistie des guérilleros présentés comme des criminels.
Quels sont les principaux points de l’accord de paix entre les FARC et le gouvernement de Juan Manuel Santos ? Vont-ils changer le quotidien des Colombiens ?
Les accords de paix comportent six points. Ils concernent l’agriculture, la reconversion politique des FARC, la remise des armes et la réinsertion des combattants, le trafic de drogue, le dédommagement des victimes ainsi que la mise en place d’un mécanisme de vérification de l’application du processus de paix.
L’agriculture est un point essentiel des négociations car les combats en raison de la présence des FARC, principalement dans les campagnes, ont déplacé plus de deux millions de personnes à l’intérieur des frontières de la Colombie qui est le pays, après les deux Soudan, avec le plus grand nombre de déplacés à l’intérieur de ses frontières. La plupart d’entre eux ont fui les zones rurales contrôlées par les FARC, et disputées par les forces de sécurité et les irréguliers paramilitaires, pour gagner les centres urbains. Les accords doivent garantir leur retour. Un cadastre doit être mis en place. Des aides au développement sont aussi prévues pour les régions agricoles.
Qu’est-il prévu pour la réinsertion des FARC ?
La réinsertion des guérilleros est également un élément crucial du processus de paix. Elle est notamment mentionnée dans le deuxième volet des négociations qui concernent la reconversion politique des FARC. Ceux qui n’ont pas commis de crimes contre l’humanité devraient être autorisés à participer à la vie politique de la Colombie, en constituant, par exemple, des partis politiques et en se présentant aux élections. Un seuil de cinq élus sur deux législatures a été garanti aux ex-guérilleros. Ce point pourrait contredire un autre volet des accords. Celui qui concerne les victimes et les sanctions pénales à l’égard de ceux, agents des forces gouvernementales ou guérilleros, ayant commis des graves violations des droits de l’homme. L’accord prévoit la mise en place d’un système intégral de justice et de réparation, avec notamment une commission de la vérité une juridiction spéciale pour la paix et les réparations, etc. Reste à savoir comment tout cela va pouvoir être appliqué. Le tri entre ceux qui seront considérés comme criminels et donc mis hors-jeu politique, et ceux qui seront admis à la réinsertion démocratique ne sera pas des plus aisés.
Un autre point a suscité d’importants débats : la remise des armes. Les guérilleros (8000 selon l’armée colombienne) veulent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de représailles après avoir remis leurs armes. Cela s’est déjà produit par le passé. Dans les années 1980, des combattants, avaient accepté de rendre les armes. Deux à trois mille d’entre eux, devenus militants d’une formation appelée Union patriotique, avaient été assassinés. Un système de sécurité doit être mis en place en vue d’assurer la protection des anciens membres des FARC, afin qu’ils puissent rendre les armes sans risquer d’être assassinés. Une commission nationale de garantie de sécurité, un corps d’élite spécialisé de la police nationale, une unité spéciale d’investigation, seront notamment créés.
Au-delà de ces aspects concernant la protection des ex-combattants, un « Conseil national de réincorporation » sera mis en place. Il doit aider les anciens guérilleros à trouver un emploi et à s’insérer dans la société. Une indemnité doit leur être versée pendant la période de démobilisation. La réinsertion est essentielle pour mettre fin aux violences. Les négociateurs ont de toute évidence tiré les leçons des lacunes des processus de paix signés dans les pays d’Amérique centrale, il y a près de trente ans. On meurt dans ces pays en 2016 autant et même davantage qu’à l’époque des conflits civils. Militaires démobilisés et anciens guérilleros se sont reconvertis dans la criminalité et la délinquance, faute de formation professionnelle, de plan d’éducation ou d’offre d’emploi. Le cas du Salvador est de ce point de vue démonstratif des carences des accords signés. Le taux des homicides est au Salvador l’un des plus élevés au monde. Le pays enregistre chaque année plus de 100 personnes assassinées pour 100 000 habitants. Les homicides sont plus nombreux aujourd’hui que durant la guerre civile qui a ensanglanté le pays entre 1980 et 1992. À titre de comparaison, les taux d’homicides enregistrés au Brésil et au Mexique, considérés particulièrement élevés, se situent dans une fourchette de 25 à 27 homicides pour 100 000 habitants.
Ces accords vont-ils bénéficier à la Colombie quant à sa place sur la scène régionale voire internationale ?
L’accord est historique pour la Colombie. Le qualificatif est pour une fois tout à fait justifié. Il met fin à 52 années de conflit. Il va permettre au pays de bonifier son image et ainsi d’attirer des investisseurs étrangers. Le gouvernement, aura également la possibilité de diminuer un budget militaire, qui accapare l’investissement public avec 4,5% du PIB (moins de 2% pour la Grande Bretagne et la France) et de consacrer davantage à l’éducation, la santé et le développement. En ce qui concerne la drogue, les accords signés par les autorités avec les FARC ne mettront pas fin au trafic. La lutte contre les trafics de stupéfiants et la culture de la coca ont fait l’objet d’un autre point, le point 4, des négociations. Les FARC sont tenues d’abandonner les liens établis avec les « drogues illicites » dans les régions qu’elles contrôlaient. Mais ces régions ainsi abandonnées vont faire l’objet de convoitises de la part des petits groupes de délinquants, issus des anciens cartels de la drogue, ainsi que par les bacrims (bandes criminelles) héritières des anciens paramilitaires, acteurs importants de ces trafics. L’ELN (Armée de libération nationale), autre groupe de guérilla est d’autre part toujours active.
La paix en Colombie, est une des rares nouvelles positives de ces dernières années. Elle est en effet porteuse d’espoir pour une communauté internationale désarmée diplomatiquement par des conflits sans solutions autres que militaires. Les Nations unies, l’Union européenne, mais également le Pape sont intervenus en faveur des accords. L’Allemagne et les Etats-Unis ont désigné des ambassadeurs en charge du dossier. La Norvège et Cuba sont garants du processus de paix, tandis que le Venezuela et le Chili en sont les accompagnateurs. Ces pays auront un rôle à jouer pour aider le mécanisme d’application du processus de paix, sixième point important des accords, à fonctionner de façon optimale. Et ainsi présenter la résolution de l’interminable guerre interne colombienne comme exemple de règlement international d’un différend jugé pendant des années imperméable à toute solution négociée.
Alexandre Andorra, spécialiste des Etats-Unis, répond à nos questions à l’occasion de la parution de son ouvrage « Géopolitique des Etats-Unis » (PUF), co-écrit avec Thomas Snégaroff :
– Perpétuer le “siècle américain”, est-ce encore l’objectif des Etats-Unis dans un monde devenu multipolaire ?
– Est-ce la fin de l’hyperpuissance américaine ?
– Les Etats-Unis sont-ils prêts à négocier la refonte du système internationale et la suprématie du dollar ?
Le traité sur la mise en place d’une zone de libre-échange transatlantique (désigné par son sigle anglais TAFTA ou TTIP) est en cours de négociation dans la plus grande discrétion entre les dirigeants des États-Unis et de l’Union européenne (UE). Il pourrait aboutir à la création de la plus vaste zone de libre-échange du monde (29 États, 820 millions d’habitants). Le TAFTA prévoit l’élimination des droits de douane, la suppression des « obstacles non-tarifaires » au commerce (comme le contrôle sur la qualité des importations) ainsi que l’harmonisation des normes et des réglementations. Dans l’optique d’une harmonisation, il pourrait menacer les normes européennes en matière sociale ou environnementale, plus avancées que celles des États-Unis. Ainsi, cela pourrait remettre en cause la liberté syndicale, ou ouvrir l’Europe au bœuf aux hormones américain.
En outre, le TAFTA prévoit de donner la possibilité aux multinationales, si elles s’estiment « discriminées » par une réglementation, de réclamer des indemnités aux États, devant des tribunaux d’arbitrage privés opérant en dehors de la juridiction nationale, les ISDS (« Investor State Dispute Settlement »).
Ces tribunaux sur-mesure existent en fait depuis 1957, date de la création de la Communauté économique européenne (ancêtre de l’UE). Cela visait, à l’origine, à protéger les entreprises contre les expropriations. Les multinationales l’ont ensuite étendu aux « expropriations des droits intellectuels », un concept flou qui permet d’englober tous les types de lois et régulations.
Dans ces tribunaux privés, le juge n’est pas un magistrat officiel. L’entreprise plaignante choisit un premier arbitre, l’État poursuivi en désigne un second, et les deux parties, un troisième. Ces arbitres sont choisis dans un cercle étroit, fermé, et favorable aux milieux d’affaires. « On confie à trois individus privés le pouvoir d’examiner, sans aucune restriction ni procédure d’appel, toutes les actions du gouvernement, toutes les décisions de ces tribunaux, toutes les lois et régulations émanant de leur parlement. », comme le résume Juan Fernandez‑Antonio, lui‑même arbitre international [1]. Ces ISDS fournissent une protection aux investisseurs au détriment des États et des citoyens. Ils permettent aux investisseurs de poursuivre des États, mais pas l’inverse ! Par exemple, le groupe nucléaire suédois Vattenfall poursuit en justice le gouvernement allemand suite à sa décision d’abandonner l’énergie nucléaire après la catastrophe de Fukushima. Autre exemple avec Veolia, qui avait lancé, il y a quelques années, une filiale de traitement des déchets en Egypte celle-ci a peu fait recette. L’entreprise française a attaqué le gouvernement égyptien pour avoir augmenté le salaire minimum à la suite de la révolution arabe de 2011. Ces affaires ont déjà coûté aux gouvernements des centaines de millions d’euros. Cette justice est si inique que certains pays ont décidé de l’abandonner : l’Australie, la Bolivie, l’Equateur et l’Afrique du Sud.
Le TAFTA constitue aussi une menace pour l’exercice du droit syndical et les protections sociales, comme le salaire minimum. En effet, les normes sociales seraient uniformisées à celles des États-Unis. Or ce pays ne reconnaît pas la plupart des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la protection des travailleurs (liberté de réunion, droit aux négociations collectives) car il les considère comme des entraves au commerce et à la libre concurrence.
Au nom du respect de la « concurrence libre et non faussée », les multinationales pourraient, par exemple, obliger des États à privatiser les services de santé. Les multinationales pourraient aussi contester les standards de l’OIT comme discriminants. Elles pourraient également faire valoir la protection des travailleurs et des droits syndicaux comme des obstacles au commerce et au libre-échange.
De plus, le TAFTA va à l’encontre de plusieurs textes importants des Nations unies, comme les conventions de l’OIT et le principe directeur n°9 de l’ONU sur les affaires et les droits de l’homme. Il contraint les Etats à s’assurer que les accords sur le commerce et l’investissement ne contraignent pas leur capacité à assurer leurs obligations concernant les droits de l’homme. Un expert des Nations unies, l’avocat américain d’origine cubaine Alfred de Zayas, s’est publiquement opposé au TAFTA. Dans une interview donnée au quotidien britannique The Guardian, il réclame la suspension des négociations entre les États-Unis et l’Union européenne visant l’adoption du projet. Alfred de Zayas, nommé « rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable », a préparé pour l’ONU un rapport sur les tactiques utilisées par les multinationales dans les négociations du TAFTA pour arriver à leurs fins. Il juge sévèrement les ISDS, qui constituent selon lui « une tentative d’échapper à la juridiction des tribunaux nationaux et de contourner l’obligation de tous les États d’assurer que toutes les affaires juridiques soient traitées devant des tribunaux indépendants, publics, transparents, responsables et susceptibles d’appel ». Il ajoute que le TAFTA enfreindrait la Charte de l’ONU, signée par tous les États membres. En effet, « l’article 103 de la Charte de l’ONU dit que s’il y a un conflit entre les dispositions de la Charte et n’importe quel autre traité, c’est la Charte qui prévaut ». Zayas réclame qu’on inclue au moins des syndicats et des experts médicaux et environnementaux dans les négociations du TAFTA. Sur plus de 600 affaires jugées devant les ISDS, la plupart ont abouti à un jugement en faveur des multinationales. « Pourquoi? Parce que les juges sont des avocats d’affaires extrêmement bien payés. Ils travaillent aujourd’hui pour une multinationale, demain comme avocats, le surlendemain comme lobbyistes, le jour d’après comme arbitres [dans ces ISDS]. Ce sont des situations classiques de conflit d’intérêts et de manque d’indépendance » [2].
Le TAFTA pourrait considérablement aggraver la pauvreté et la précarité dans l’Union européenne. Face à ces dangers, la CNUDCI, Commission des Nations unies pour le droit commercial international, a adopté en 2014 la « Convention sur la transparence dans l’arbitrage entre investisseurs et États, fondée sur des traités ». Elle rassemble des règles de procédure visant à rendre accessibles au public les informations sur les arbitrages entre investisseurs et États découlant de traités d’investissement. De cette manière, tous les textes du TAFTA doivent être rendus publics afin que dans tous les pays de l’UE, les parlementaires et les citoyens aient du temps pour les examiner et les évaluer de manière démocratique. Cette convention constitue un pas vers plus de transparence dans les jugements rendus par les ISDS.
C’est maintenant aux citoyens de peser pour que les textes et valeurs humanistes de l’ONU prévalent sur ces tribunaux arbitraires et pour que le TAFTA ne soit pas adopté.
[1] Sylvain Laporte, « TAFTA: les tribunaux du diable », Fakir, n°69, avril 2015,
[2] « UN calls for suspension of TTIP talks over fears of human rights abuses », The Guardian, 5 mai 2015.
Dans une biographie, ni hagiographique ni à charge, extrêmement fouillée, à la fois passionnante et relevant d’un véritable travail de recherche, Chérif Ghemmour, journaliste spécialiste du football hollandais, livre un portrait détaillé et global de Johan Cruyff, ses contradictions et son génie.
Johan Cruyff était-il un libéral libertaire avant l’heure ?
En Europe, la figure la plus précoce de l’attitude « libérale libertaire » parmi la jeunesse reste Mick Jagger. Chanteur et leader des Rolling Stones, il incarne vraiment le premier, dès le début des années 60, la confluence décomplexée d’intérêts commerciaux personnels liés à l’industrie du disque et d’un mode de vie en rupture avec les règles sociales corsetées des sociétés occidentales. Johan Cruyff est un suiveur immédiat aux Pays-Bas, où il devient un des précurseurs du renversement de paradigme favorisé par le « poids du nombre » de la jeune génération du Baby-Boom. Dès 1964, à 17 ans, J. Cruyff fait plier les dirigeants de l’Ajax sur son salaire de jeune professionnel dont il exige qu’il soit égal à ceux de ses coéquipiers plus âgés et internationaux. C’est une révolution ! Le jeune a gagné contre les vieux sur un sujet crucial dans les Pays-Bas conformistes et calvinistes de l’époque : l’argent. Johan est un jeune flambeur individualiste qui veut tout, tout de suite, comme le sont les Rolling Stones en Angleterre. Très tôt, vers 1968, il a un agent qui négocie salaires, transferts et contrats publicitaires très juteux. La même année, son mariage est télévisé de façon très mediatico-mondaine, inaugurant la future pipolisation du football. Par sa façon aussi d’incarner, dès ses 20 ans, un leadership sportif incontesté avec l’équipe de l’Ajax, il élargira sans le savoir aux jeunes, autrefois sous utilisés, le domaine managérial qu’on connaît aujourd’hui, qui mêle seniors et jeunes cadres. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les préceptes de jeu et de gestion d’équipe de J. Cruyff (comme joueur, puis comme entraineur) se sont déclinés plus tard dans des manuels d’organisation des ressources humaines d’entreprise aux Pays-Bas… Mais il faut préciser que l’idéologie libérale que véhicule J. Cruyff (argent qu’il gagne, hiérarchie sportive qu’il établit, refus de toute autorité) est contrebalancée par une éthique personnelle très forte. En contrepartie de l’argent qu’il revendique et obtient, J. Cruyff s’impose d’offrir le meilleur spectacle possible. Joueur, puis entraineur, il a ainsi toujours proposé un football offensif et attrayant donnant à l’expression « distraction populaire » son sens le plus noble.
Est-il l’un des symboles de la fin du franquisme ?
Incontestablement, oui. Même si Johan Cruyff n’a jamais « fait » de politique, ni milité à aucun parti, dans son pays ou en Espagne. Arrivant en 1973 de sa Hollande libertaire en Catalogne encore durement oppressée par le Franquisme, il ne pouvait qu’adhérer « en esprit » aux élans émancipateurs d’un peuple à qui il ne restait que le football pour vibrer ensemble et le stade du Nou Camp, seul lieu public où on bravait l’interdit de parler catalan. C’est pour ça que J. Cruyff a toujours considéré que la fameuse manita du Barça à Bernabeu, dont il a pris part (5-0 face au Real Madrid en février 1974), était à ses yeux une victoire politique. Dans l’Espagne autarcique de 1974, soit un an avant la mort du Caudillo, J. Cruyff apparaissait comme un héros libertaire aux cheveux longs et complet jean’s se promenant sur les ramblas avec son épouse blonde en mini-jupe. La venue de J. Cruyff, comme pour celle de beaucoup de joueurs étrangers en Liga, marque aussi un début d’ouverture d’une Espagne repliée sur elle-même qui déclinait dans tous les domaines : économique, social et même en football (la Roja n’a pas disputé les coupes du Monde 1970 et 1974). Johan Cruyff est l’agent extérieur qui apporte un souffle libertaire et de jeunesse de manière cool, souriante et pacifique. Outre le 5-0 à Bernabeu face au Real considéré – exagérément – comme club du pouvoir dictatorial, J. Cruyff avait aussi fait plier l’administration franquiste de Barcelone en lui imposant le prénom catalan Jordi, celui de son fils né aussi en février 74. Les prénoms catalans étant interdits, cette victoire symbolique sur l’État-Civil contribua à une popularité éternelle du n°14 dans toute la Catalogne. Reste que, même s’il a choisi de rester vivre à Barcelone et qu’il est devenu plus tard entraineur de la sélection de Catalogne, J. Cruyff ne s’est jamais engagé publiquement pour la cause indépendantiste dont se réclamait son ami Joan Laporta, président du Barça des grandes années 2003-2010.
Est-il un leader générationnel ?
J. Cruyff l’a d’abord été aux Pays-Bas au milieu des années 60. En tant que footballeur prodige et comme rebelle sociétal à la suite de sa suspension démesurée d’un an en 1966, après qu’il eut reçu le premier carton rouge de l’histoire de la sélection nationale. Dans lessixties, il est à la fois considéré dans son pays à l’égal de la déferlante Pop anglaise des Beatles-Stones mais aussi à la Nouvelle Vague du cinéma français, version Godard, rebelle et esthétisante. Mais c’est plus dans les années 70 que Johan a atteint dans le monde entier le statut unique de rock star et de vedette de cinéma qu’un George Best n’avait qu’approché dans les sixties. Aux Pays-Bas, tout le monde voulait adopter un mode de vie « cruyffien » : footballeur beatnik, look décontracté à la Redford, fortune assumée, coolitude de sportif fumeur et mondain, rejet des convenances et des hiérarchies du vieux monde « d’avant », charisme de beau brun ténébreux à la Delon… Tout comme son alter ego de l’époque, David Bowie (mort lui aussi au même moment que Johan) en matière de rock, Cruyff a transcendé une simple passion populaire, le foot, en le rendant à la fois spectaculaire et très sophistiqué. La modernité foot de Cruyff, c’est l’esthétisme, la vitesse supersonique et le sens tactique visionnaire qui élèvent les adorateurs de ce sport à une meilleure compréhension du jeu. En tant que joueur, son influence a été énorme. Pour exemple, les cinq joueurs du Carré magique de Michel Hidalgo (Platini, Tigana, Giresse, Genghini, puis Fernandez) avaient tous été des gamins fascinés par le Hollandais Volant, au point pour certains de revendiquer le n°14 en bleu. Même la plus belle génération du foot français doit quelque chose à Johan Cruyff.
Le 2 août, le ministère de la Défense japonais (MOD) a publié son document annuel de la défense, intitulé « Défense du Japon 2016 », approuvé par le Cabinet du Premier ministre japonais Shinzo Abe. Le Japon est, en particulier, préoccupé par les activités de remblaiement d’ilots menées par la Chine en mer de Chine du Sud et de militarisation de ces eaux stratégiques et riches d’hydrocarbures et de ressources halieutiques, ce qui a déclenché une course aux armements dans la région. « Il y a une tendance notable entre les pays voisins à moderniser et à renforcer leurs capacités militaires et d’intensifier leurs activités militaires », note ce consistant rapport de 484 pages, 60 pages de plus que l’année dernière, remarque The Diplomat.
Depuis 1989, la Chine a constamment augmenté son budget de défense avec croissance à deux chiffres, selon le MOD japonais et a lancé un programme de modernisation militaire rapide : « La Chine est en train d’effectuer des réformes militaires (…) que certains considèrent comme étant les plus importantes dans l’histoire du pays. (…) Récemment, ces réformes ont eu lieu à un rythme rapide. »
Tokyo est très préoccupé par les développements chinois. Dans l’Est et le Sud de la mer de Chine, Pékin « continue d’agir de manière autoritaire » et est « déterminé à atteindre ses exigences unilatérales sans compromis » et sans tenir compte des normes internationales, remarque le document. En outre, le Livre Blanc de la défense souligne que le mépris de la Chine vis-à-vis des normes internationales pourrait entraîner des « conséquences non intentionnelles ».
Le mois dernier, le tribunal d’arbitrage de La Haye aux Pays-Bas a invalidé les revendications radicales de la Chine dans la mer de Chine du Sud contestée, dans une affaire introduite par les Philippines. Mais la Chine a refusé de reconnaître la décision. Le Japon a alors appelé la Chine à respecter le verdict, dont il a dit qu’il est contraignant. Pékin a répliqué en avertissant Tokyo de ne pas s’immiscer dans cette affaire. La Chine revendique la majeure partie des 3,5 millions de kilomètres carrés de la mer de Chine méridionale, avec le sultanat de Bruneï, la Malaisie, les Philippines, Taïwan et le Vietnam qui, eux aussi, ont des revendications territoriales. Le Japon n’a, lui, aucune revendication territoriale dans cette zone de la mer de Chine mais craint que les bases militaires chinoises ne renforcent l’influence de Pékin sur une région par laquelle passe chaque année l’équivalent de 5 000 milliards de dollars de marchandises, une grande partie allant vers et depuis les ports nippons. Plutôt que de faire face à la Chine directement en déployant des navires de guerre, le Japon préfère fournir de l’équipement et de la formation aux nations d’Asie du Sud, y compris les Philippines et le Vietnam, qui sont les plus opposés aux ambitions territoriales de Pékin.
S’agissant du Nord de la mer de Chine, le rapport énumère diverses incursions chinoises dans les eaux autour des îles Senkaku / Diaoyu, îles japonaises en mer de Chine orientale mais revendiquées par la Chine. Il met en évidence l’entrée d’un navire de guerre chinois dans la zone contiguë autour des îles Senkaku : « C’est le premier cas où un vaisseau chinois militaire entre dans cette zone contiguë ».
Le document rappelle également que l’armée de l’air japonaise a dû faire décoller en alerte ses avions de combat quelques 571 fois au cours de l’exercice 2015 pour intercepter les avions militaires chinois approchant ou s’introduisant dans l’espace aérien japonais. C’est une augmentation significative par rapport à 2014, année déjà marquée par 464 sorties.
Le Livre Blanc consacre 50 pages à l’alliance Japon-Etats-Unis, qui s’est encore renforcée l’an dernier. Il consacre également une section distincte à la réinterprétation de la constitution pacifiste du Japon par l’administration Abe. Le document souligne la nécessité d’une approche plus proactive à l’égard de la sécurité japonaise (la constitution réinterprétée permet désormais « la légitime défense collective » et le soutien militaire limité à des alliés à l’étranger).
Autre sujet abordé dans le nouveau Livre Blanc, le développement nucléaire de la Corée du Nord. Tokyo juge possible que Pyongyang soit parvenu, comme il l’affirme, « à miniaturiser des charges nucléaires et à développer des têtes nucléaires ». Depuis le quatrième essai nucléaire nord-coréen du 6 janvier, qui a provoqué un net durcissement des sanctions de l’ONU à son égard, la Corée du Nord a, en effet, revendiqué toute une série d’avancées techniques inquiétantes.
Autre sujet de préoccupation dans cette région d’Asie du Nord-Est mentionné dans « Défense du Japon 2016 », la puissance militaire montante de la Russie en Extrême-Orient, qui y déploie un arsenal croissant. Le document mentionne aussi les différends territoriaux que le Japon connaît avec la Corée du Sud et la Russie : « La question territoriale sur notre territoire souverain des Territoires du Nord [nom japonais donné aux îles Kouriles sous occupation russe] et Takeshima [nom donné à l’îlot sud-coréen de Dokdo] reste encore en suspens. ». Le terrorisme est aussi une grande préoccupation auquel le Japon doit répondre notamment après l’attaque par des militants islamistes au Bangladesh qui a coûté la vie le mois dernier à sept travailleurs humanitaires japonais et treize autres personnes.
La publication de ce Livre Blanc très attendu n’a pas laissé indifférent son grand voisin. Les médias d’Etat chinois ont condamné le rapport sur la défense, indiquant qu’il attise les tensions dans la région en vue de justifier de nouveaux projets de loi de sécurité du Japon et de se rapprocher des objectifs de longue date de l’administration Abe de réviser la constitution pacifiste japonaise. Le ministre de la Défense chinois, Chang Wanquan, en visite dans la province côtière de Zhejiang, a exhorté forces armées, police et population à se préparer à « une guerre maritime populaire » pour contrecarrer les menaces et sauvegarder sa souveraineté. Quant à l’’agence officielle Chine nouvelle, elle a violemment critiqué ce Livre Blanc, accusant le Japon de « proférer des remarques irresponsables à l’égard de la défense nationale de la Chine et des activités maritimes normales et légales de la Chine dans les mers de Chine orientale et méridionale ».
Face à cela, la nouvelle ministre de la Défense japonaise, la très nationaliste Tomomi Inada, s’en est pris, lors de son premier jour à son poste début août, à la Corée du Nord pour ses « provocations » et à la Chine qu’elle accuse de vouloir « changer par la force le statu quo » dans la région. Les faits récents lui donnent partiellement raison. Outre l’incursion d’un navire de guerre chinois dans les eaux territoriales japonaises au large des Senkaku, Pékin a installé dans une zone disputée de mer de Chine orientale un radar qui pourrait être utilisé à des fins militaires, selon la presse japonaise, un geste qui pourrait aggraver les tensions avec Tokyo. Le ministère des Affaires étrangères japonais s’est plaint auprès de Pékin par les canaux diplomatiques du fait que la Chine a installé un radar de veille de surface et des caméras de surveillance sur une de ses structures marines construites sur un champ gazier revendiqué par les deux capitales, selon le quotidien Nikkei. Il s’agit selon la publication du premier radar connu installé par la Chine sur une de ses structures dans cette zone vraisemblablement riche en pétrole et gaz. Le Japon s’inquiète de ce que la Chine ne cherche à renforcer sa présence militaire dans cette mer. La tension à propos de ces îlots et rochers situés au sud de l’archipel nippon a culminé fin 2012, nuisant sérieusement aux relations bilatérales. Elle n’est pas près de disparaître tant les tensions sont vives et chaque camp reste sur le qui-vive.
Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, répond à nos questions à propos de son ouvrage « Le monde au défi » (Fayard, 2016) :
– Selon vous, la communauté internationale n’existe pas. Pourquoi ?
– La perte du monopole occidental sur les affaires du monde nous conduit-elle à vivre durablement dans un système international instable et chaotique ?
– Le processus d’écologisation permettra-t-il de faire émerger une communauté internationale effective ?
Rio ou quand les Jeux olympiques se transforment en tribune politique. L’Ethiopien Feyisa Lilesa a franchi la ligne d’arrivée les bras croisés au-dessus de sa tête, comme ligotés, en signe de protestation contre la politique d’Addis-Abeba. Le coureur algérien Taoufik Makhloufi a pour sa part fustigé les responsables sportifs de son pays. Notre invité : Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), auteur de JO politiques aux éditions Eyrolles. Il répond à Jean-Jacques Louarn.
Les JO de Rio sont marqués par une image très forte. L’Ethiopien Feyisa Lilesa a franchi la ligne d’arrivée les bras croisés au-dessus de sa tête, comme ligotés.
Il a expliqué la nature de ce geste en conférence de presse en disant que c’était en soutien aux opposants dans son pays et on pourrait faire une filiation entre ce geste et celui de Carlos et Smith, lors des jeux de 1968, qui avaient tendu le poing lors de la cérémonie de remise des médailles. Alors, effectivement, je crois que ce geste, il lui a donné une signification tout à fait politique par la suite, en conférence de presse.
Oui, il a déclaré : « J’ai des proches en prison. Au pays, si vous parlez de démocratie, ils vous tuent et si je retourne en Ethiopie, peut-être qu’ils vont me tuer ou me mettre en prison. »
Effectivement, ce sont des paroles très fortes. Normalement, les manifestations politiques sont tout à fait chassées par le Comité international olympique (CIO), il faudra voir s’il y a des réactions ou non. Mais il ne l’a pas fait lors de la cérémonie de remise des médailles, il l’a fait lors d’une conférence de presse. Il faut souhaiter que le CIO ne soit pas excessivement sévère avec cet athlète qui a quand même envoyé un message assez fort par rapport à un régime qui, malheureusement, devient de plus en plus répressif. Et finalement, les Jeux olympiques ont servi de tribune à cet Ethiopien.
Autre pavé dans la mare politique, le double médaillé olympique, l’Algérien Taoufik Makhloufi, accuse les responsables du sport en Algérie de sabotage et il semble qu’il ne rentrera pas dans son pays.
Là, encore une fois, les JO ont servi de tribune. C’est vrai que finalement, de nombreux athlètes se plaignent parfois de la gestion de leur fédération, de la gestion de leur comité olympique, et finalement, cela prouve que le sport leur permet des revendications politiques qui ont un écho encore plus important parce que tous les micros sont tendus lors des JO et que toutes les caméras sont braquées sur les JO.
On parle là de l’Algérie, de la gestion du sport en Algérie : défaut de gouvernance, manque de moyens… l’Algérie est-elle un cas isolé sur le continent ?
Non, on sait que dans les pays du Sud, et pas seulement d’ailleurs, il y a parfois des fédérations qui ne sont pas gérées dans la plus parfaite transparence. Finalement, il est peut-être sain que les athlètes essaient de se faire entendre.
Il y a un constat, le poids des Nations africaines est faible au sein des instances internationales sportives. Au CIO, sur les 98 membres actifs du conseil, seuls 14 représentent l’Afrique.
Effectivement, mais il y a eu un rattrapage par rapport à une époque plus ancienne où le Sud n’était pas du tout représenté. Il y a un rééquilibrage qui se fait aussi bien au sein du CIO qu’au sein de la Fifa. C’est une bonne chose et donc effectivement l’Afrique n’a peut-être pas tout à fait sa représentation en termes démographique. Mais elle est beaucoup plus écoutée qu’elle ne l’était auparavant. Et puis, en termes de résultats, on voit que le tableau des médailles commence également à se diversifier.
Vous parlez des médailles, quel bilan tirer ? L’Afrique de l’Est est plus que jamais en pointe. L’Afrique centrale est le très mauvais élève avec un zéro pointé. Et l’Afrique de l’Ouest, quatre médailles seulement.
C’est un problème à la fois de talent, mais également d’organisation de ces talents. L’Afrique de l’Est dans les courses de demi-fond et de fond a une sorte de quasi-monopole. Pour l’Afrique de l’Ouest, cela commence un peu à percer. De belles victoires qui doivent donner envie parce qu’on ne fait pas des champions rapidement, il faut une ou deux générations. Il faut des modèles qui donnent envie de suivre et de dépasser. Il faut aussi que les structures soient là. Elles doivent permettre aux talents de s’exprimer et pour cela, on le voit bien, il faut une décision nationale.
Verra-t-on un jour les JO se tenir en Afrique ?
Pour l’instant, la prochaine candidature, ce sera pour 2028. Pour le moment, aucun pays africain n’a jamais organisé les Jeux. La Coupe du monde est déjà venue en Afrique, mais une Coupe du monde est relativement plus facile à organiser que des Jeux olympiques et effectivement, on ne pourra pas longtemps laisser l’Afrique sans avoir les Jeux. Mais il faut là aussi des moyens, il faut un dossier qui coûte quand même un petit peu d’argent. Peut-être qu’il faudrait réfléchir à une organisation conjointe ou sur une seule ville et là il y a d’une part le problème de la concurrence entre les pays africains et puis l’investissement quand même relativement important nécessaire pour organiser les Jeux. Mais il ne serait que justice que les Jeux olympiques fassent un tour sur le continent africain après avoir été sur les autres continents.