Londres a donné jeudi, son feu vert à la construction de deux réacteurs nucléaires de type EPR par EDF à Hinkley Point. Le contrat s’élève à 21 milliards d’euros. Est-ce une bonne nouvelle pour l’industrie nucléaire française ? Le pari est-il risqué alors que l’EPR coûte cher et qu’il n’a pas véritablement démontré sa fiabilité et son efficacité ?
Tout d’abord, EDF n’a obtenu qu’un accord politique. Il manque encore la décision finale sur la partie business du contrat. L’entreprise a donc fait un pas en avant mais le contrat n’est pas signé.
Ce feu vert de Londres fait, dans tous les cas, office de bonne nouvelle pour le nucléaire français. La filière connaît actuellement une période difficile au niveau des exportations. Areva et EDF ont notamment fait face à de nombreuses difficultés et pris du retard sur la construction de réacteurs EPR en France et à l’étranger (en Finlande). La confiance accordée par la Grande-Bretagne, cinquième puissance économique mondiale, relance le nucléaire français et améliore sa notoriété à travers le monde.
Les réacteurs nucléaires de type EPR (Génération III +) sont nouveaux et constituent une avancée technologique. Il est vrai qu’EDF et Areva ont enregistré une série d’échecs lors des deux premiers chantiers de construction de réacteurs à Flamanville (Normandie) et en Finlande (les deux chantiers ne sont pas encore terminés, celui de Finlande a pris dix ans de retard). Mais ces chantiers ont, en quelque sorte, servi d’expérimentation pour EDF et Areva. Les entreprises ont analysé leurs échecs et connaissent aujourd’hui les erreurs à ne pas reproduire. Grâce aux expériences françaises et finlandaises, ils avancent sur leur 3e chantier, la construction, en Chine, des réacteurs Taishan I et II, où ils n’accusent d’aucun retard.
La décision britannique vous semble-t-elle anachronique alors que de nombreux pays européens mettent en place des calendriers de sortie de l’atome ? Le nucléaire en Europe peut-il être relancé ?
Au sein de l’UE, seule l’Allemagne a mis en place un calendrier de sortie de l’atome tandis que de nombreux pays semblent, au contraire, prendre la voix opposée. Les pays d’Europe centrale et orientale, retournent notamment vers l’atome. Sous l’impulsion de Moscou, les pays de l’ex-URSS s’étaient dotés de centrales nucléaires. Devenues obsolètes, elles ont été abandonnées lors de l’adhésion à l’Union européenne. Aujourd’hui, plusieurs de ces pays veulent redynamiser leur secteur nucléaire. Des pays comme la Roumanie, la Slovaquie, la Bulgarie, mais aussi des pays comme la Finlande se sont lancés sur la voix d’un redémarrage de l’énergie atomique. Nous sommes donc loin d’une phase noire du nucléaire et Fukushima n’a eu que peu d’impact, majoritairement en Allemagne et au Japon.
Les Britanniques ont, quant à eux, une vieille tradition du nucléaire. Ils disposaient autrefois de technologies nationales dans ce domaine qu’ils ont abandonnées lorsqu’ils ont choisi de recourir aux réserves de gaz en mer du Nord. Mais leurs réserves s’amenuisent et les Britanniques se retrouvent à nouveau dans l’obligation d’effectuer un mix électrique combinant centrales nucléaires et sources d’énergie alternative.
Alors que Fessenheim devrait bientôt fermer et que la France s’est engagée à réduire la part du nucléaire dans sa production d’électricité de 50% d’ici 2025. Où en est la transition énergétique en France ? Ne pensez-vous pas que la France accuse d’un retard sur le déploiement des énergies vertes censé pallier la baisse du nucléaire ?
La France a pris du retard dans sa politique de transition. A ce rythme, elle ne tiendra probablement pas ses objectifs. Par ailleurs, je pense que les objectifs fixés par la France étaient trop ambitieux. Un remplacement massif et immédiat des sources d’énergie nucléaire par des sources d’énergie renouvelable augmenterait sensiblement la facture d’électricité des Français. En Allemagne, le coût financier de sa sortie du nucléaire s’est répercuté sur les ménages allemands qui ont perdu en pouvoir d’achat. Etant donnée la situation économique de la France, la poursuite d’une transition trop rapide augmenterait le prix de l’électricité des ménages, celui des entreprises, et casserait notre faible retour à la croissance.
La France doit trancher entre sa volonté de déployer vite et massivement des énergies vertes et la prospérité de l’économie française dans sa globalité.
Les deux plus gros émetteurs de CO2 au monde ont décidé d’annoncer, ensemble, leur ratification des accords sur le climat. Quelle est la portée symbolique de cette action conjointe ? Considérez-vous cette double ratification comme une avancée majeure pour la mise en application des accords de Paris sur le climat ?
Deux enseignements sont à tirer de cette double ratification. Elle constitue premièrement un changement de paradigme majeur par rapport aux années précédentes. Aujourd’hui, Chine et Etats-Unis peuvent être considérés comme des moteurs du processus, alors qu’ils avaient toujours compté parmi les principaux obstacles à toute réglementation internationale visant à lutter contre le changement climatique. On peut évidemment discuter de la faiblesse de l’Accord de Paris sur de nombreux points, notamment en termes d’engagements chiffrés, mais voir Pékin et Washington ratifier avant l’Union européenne est tout de même une évolution impressionnante.
Deuxièmement, cette double signature permet de mettre l’accord sur la voie de l’entrée en vigueur après que Laurent Fabius, ancien président de la COP21, se soit inquiété dans une tribune de la lenteur du processus. Rappelons-le, pour que l’accord soit appliqué, il faut qu’au moins 55 pays représentant 55% des émissions totales de gaz à effet de serre le ratifient. Chine et Etats-Unis, respectivement premier et deuxième émetteurs, rassemblent à eux seuls environ 40% des émissions mondiales (20,09% et 17,89%). Cela ouvre la porte à une ratification rapide, car la ratification de l’UE permettrait de remplir la condition sur les émissions et encouragerait les pays à ratifier. Cela permet aussi de limiter les négociations périphériques comme lors de la ratification de Kyoto où la Russie avait habilement échangé sa ratification du traité contre son entrée à l’OMC et l’exigence de la date référence de 1990 pour sa réduction d’émissions, sachant que l’effondrement de son économie survenu l’année suivante lui permettait ainsi d’atteindre ses objectifs en la matière sans effort.
Où en sommes-nous sur la ratification des autres États ? La ratification constitue-t-elle l’étape finale de la mise en place des accords ?
L’accord de Paris a été adopté à l’unanimité le 12 septembre 2015 puis signé par 175 parties le 22 avril 2016 à New York à l’occasion de la journée de la terre (180 aujourd’hui). Pour l’instant, l’ONU a validé 27 ratifications sachant que le processus est en cours dans plusieurs autres pays. Les membres de l’AOSIS (Alliance of Small Island States) l’avaient fait dès la signature de l’accord. Depuis, la Chine, les Etats-Unis, le Laos, Panama ou le Brésil les ont rejoints. Le Maroc, qui accueillera la COP22 à Marrakech, a prévu de le faire le 21 septembre prochain. Les ratifications de la Russie et de l’Inde sont maintenant tout particulièrement attendues (respectivement 7,53% et 4,1% des émissions mondiales). Mais pour l’heure, la grande absente reste l’Union européenne. Rappelons que même si les pays de l’UE sont partie à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, l’UE doit ratifier le traité. Pour cela, les 28 Etats-membres doivent nationalement ratifier l’accord de Paris selon les modalités prévues (voie parlementaire ou référendaire) avant que le texte soit ratifié par l’UE. Pour l’instant seules la Hongrie et la France – par voie parlementaire le 15 juin 2016 – l’ont ratifié. C’est là un autre changement de paradigme : voir l’UE à la traine, empêtrée dans ses divisions autour de la gestion de la crise des migrants et des dettes souveraines, doublé par les Etats-Unis et la Chine, un comble.
Une fois que les deux conditions seront remplies, le texte entrera en vigueur dans un délai de deux mois. Mais entrée en vigueur ne signifie pas mise en place. En France, nous sommes bien souvent confrontés au problème de l’application concrète de la loi. Ce n’est pas parce qu’un texte est publié au Journal officiel qu’il s’applique correctement. La ratification est donc non pas l’étape finale, mais plutôt le point de départ de la mise en œuvre des principes et objectifs édités dans l’accord. Concrètement, cela engage les Etats qui ont affiché des objectifs de réduction d’émissions à les tenir et donc à mettre en place les mesures et outils nécessaires. Cela implique de réorienter les investissements, modifier la réglementation, réformer les politiques publiques, etc. Bref, à se donner les moyens financiers et politiques de respecter les dispositions inscrites dans l’accord.
Quels seront les enjeux des discussions de la COP 22 en novembre prochain à Marrakech ?
Les enjeux de la COP22 sont multiples. En effet, si la signature de l’Accord de Paris le 12 septembre 2015 a constitué une avancée déterminante dans le traitement du problème à l’échelon international, nombre de questions n’ont pas été tranchées. Il faudra ainsi traduire en mécanismes juridiques les principes de Paris pour garantir l’application de l’accord et discuter de la problématique financière, notamment de la répartition de l’enveloppe du Fonds vert pour le climat, censée rassembler 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Des fonds sont encore à collecter et les modalités de répartition à définir. Quels sont les pays prioritaires ? En fonction de quel critère ? Quels projets doivent être financés le plus urgemment ?
La COP22 doit être celle qui concrétise l’engagement pris à Paris, placée sous le signe de l’action comme le présente le Maroc. L’accord ne rentrera sans doute pas en vigueur avant la conférence, qui se tiendra du 7 au 18 novembre, mais c’est bien cet esprit qui doit animer chefs d’Etat et négociateurs qui s’y rendront. Si le processus, sur les rails, reste fragile et suspendu à la volonté des acteurs, la perspective de le voir totalement remis en cause semble peu probable. Ainsi, Donald Trump qui avait fait part de ses intentions de renégocier l’accord ne le pourra plus désormais. S’il était élu, sa seule option serait de se retirer de l’accord contre la promesse de son prédécesseur, et il n’est pas certain qu’il soit prêt à endosser cette responsabilité et les répercussions que cela pourrait engendrer.
Le 16 septembre 2016, les chefs d’État ou de gouvernement de vingt-sept pays de l’Union européenne (sans le Royaume-Uni), ainsi que les présidents du Conseil européen et de la Commission européenne, se retrouvent à Bratislava (Slovaquie) pour une réunion informelle censée prolonger les réflexions autour du futur de l’Union initiées après le référendum britannique du 23 juin. Le 29 juin dernier, à Bruxelles, les Vingt-Sept avaient convoqué un premier sommet informel afin de tenter de répondre à la situation inédite créée par le vote des citoyens britanniques en faveur du retrait de leur pays de l’Union européenne (UE). À cette occasion, les Vingt-Sept avaient rappelé leur détermination à « rester unis » et leur souhait d’entamer des réflexions afin de donner une nouvelle « impulsion » à l’UE.
Après le référendum britannique, l’heure était donc une fois encore à la réflexion sur le futur de l’Europe pour les responsables politique de l’UE. Encore, car depuis une dizaine d’années, les sommets européens, les groupes d’experts et autres rapports consacrés à l’avenir de l’Union européenne n’ont eu de cesse de se multiplier, sans qu’aucun ne trouve jusque-là de réponses à l’intensification de la désaffection citoyenne à l’égard du projet européen, à la défiance généralisée à l’égard du personnel politique national et des institutions européennes, à la montée en puissance des forces nationales réactionnaires anti-européennes ou encore à la fragmentation européenne.
Sans compter la convention sur l’avenir de l’Europe initiée en 2001 et qui a donné corps au Traité établissant une Constitution pour l’Europe – rejeté en 2005 –, au cours des douze dernières années, plusieurs groupes de réflexion, officiels ou informels, ont été créés pour réfléchir à l’avenir ou au futur de l’Europe. En 2004, à la demande du président de la Commission européenne, Romano Prodi, une table ronde intitulée « Un projet durable pour l’Europe de demain », présidée par Dominique Strauss-Kahn, s’était réunie à plusieurs reprises avant de remettre un rapport en avril 2004 (Construire l’Europe politique. 50 propositions pour l’Europe de demain), dans lequel était notamment évoqué le diagnostic d’une Europe confrontée à une triple crise (institutions, projet, territoire) et les moyens d’y répondre. En 2007, à la demande du Conseil européen, c’était au tour d’un groupe de réflexion composé de « douze sages » européens, présidé par l’ancien Premier ministre espagnol, Felipe González, de réfléchir au futur de l’Europe ; les sages avaient remis leur rapport (Projet pour l’Europe à l’horizon 2030. Les défis à relever et les chances à saisir) au président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, le 8 mai 2010. En 2012, onze ministres des Affaires étrangères de l’UE se réunissaient dans un groupe de réflexion informel consacré à l’avenir de l’UE, remettant leur rapport en septembre de la même année. Exercices plus ou moins obligés par temps d’incertitudes, toutes ces réflexions ont été menées et rendues publiques à chaque fois dans l’indifférence générale.
La triple crise diagnostiquée en 2004 s’est transformée en « polycrise » en 2016, trouvaille sémantique utilisée pour décrire les défis auxquels l’UE est confrontée autant que pour souligner le caractère inédit de la situation et justifier éventuellement les réponses européennes, ou encore, à l’adresse des citoyens européens, pour reconnaître le sentiment d’incertitudes tous azimuts qui semblent gagner les opinions publiques – si tant est que ce terme ait pu dépasser le cercle des professionnels de l’Europe. Pourtant, singulier ou pluriel, la référence à la catégorie de « crise » en Europe reconduit le même dispositif rhétorique et analytique de représentation de l’Europe, appelant la mobilisation d’un même répertoire d’action politique en faveur du renforcement de l’intégration européenne pour les uns et de renationalisation des politiques européennes pour les autres.
« Sécuriser l’Europe » : le nouveau mot d’ordre
À l’heure du Brexit, pas de groupe d’experts, mais des États censés s’entendre sur des projets de relance consensuels et fédérateurs susceptibles d’envoyer le signal d’une construction européenne encore en marche, qui ne renonce pas à l’unité et qui peut apporter une plus-value aux citoyens européens. C’est, d’une certaine manière, les messages à retenir du discours sur l’état de l’Union européenne prononcé par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le 14 septembre 2016 devant le Parlement européen réunis en session plénière, mais également le sens de la lettre envoyée le 13 septembre 2016 par Donald Tusk, président du Conseil européen, aux chefs d’État ou de gouvernement qui se retrouvent à Bratislava. Parmi les thèmes susceptibles de satisfaire les préoccupations des citoyens européens, particulièrement leur désir supposé de sécurité et de protection, les Vingt-Sept ont décidé de mettre en avant trois priorités : « sécuriser les frontières extérieures de l’UE ; combattre la menace terroriste en Europe et ailleurs ; reprendre le contrôle de la mondialisation ».
Alors que les projets de défense ont constamment divisé les membres de la Communauté économique européenne (CEE) puis de l’UE par le passé, aujourd’hui, sécurité et défense semblent faire office de thèmes fédérateurs. Ainsi, des initiatives concrètes en la matière pourraient voir le jour rapidement après le sommet de Bratislava. À travers les thématiques de la sécurité et de la défense, qui sont ainsi censées impulser un renouveau de la construction européenne, voire figurer un nouveau moteur de l’intégration, l’UE post-référendum britannique se cherche un futur pour éviter le délitement. Toutefois, à défaut de nouvelles idées, de réorientations économiques et sociales, ou de décisions majeures, il est probable que les Vingt-Sept tenteront, une fois encore, de parer au plus pressé et essaieront dès lors de s’inventer un futur immédiat commun, en attendant peut-être la nomination du prochain groupe d’experts sur l’avenir de l’Europe.
Mercredi le Parquet brésilien a inculpé Lula (PT). Il est soupçonné d’être « le chef suprême du réseau de corruption » dans le dossier Petrobras. Que sait-on sur cette affaire ? Un retour de Lula en 2018 est-il envisageable ?
La nouvelle est surprenante. Jusque-là, Lula avait plusieurs fois été mis en cause pour l’acquisition supposée douteuse de deux appartements, que des entreprises impliquées dans des scandales de corruption lui auraient cédé. Mais mercredi 13 septembre, le procureur responsable du dossier Petrobras a effectué, en conférence de presse, une présentation spectaculaire durant laquelle il a essayé de démontrer, en s’appuyant sur un document PowerPoint, des dessins et des graphiques, que Lula était le point central, si ce n’est le cerveau de tous les maux du Brésil en matière de corruption. La démonstration a été spectaculaire mais était dépourvue des preuves qui auraient dû l’étayer. L’exercice médiatique rappelait celui de Colin Powell, qui en 2003, essayait de démontrer, vidéos et power point à l’appui, devant les Nations-unies, que l’Irak détenait des armes de destruction massive.
Lula semble être la cible d’un acharnement judiciaire. A-t-il pour objet de faire baisser sa cote de popularité, alors qu’il est pressenti pour la présidentielle de 2018 ? Nettement en tête des intentions de votes, ce scandale pourrait en effet écorner l’image de l’ancien président et remettre en cause sa légitimité en tant que candidat du PT (Parti des travailleurs, gauche) aux élections présidentielles.
Le Brésil fait face aujourd’hui à un emballement judiciaire incontestable ciblé sur les dirigeants ou ex-dirigeants du PT. Dilma Roussef, notamment, a été destituée dans des conditions constitutionnellement et politiquement douteuses. A l’ origine de son évincement, Eduardo Cunha (PMDB, centre droit), député, président du congrès mis en examen dans l’affaire Petrobras, a perdu son immunité parlementaire, après le vote de destitution de la présidente Dilma Rousseff.
Dilma Roussef, également accusée de corruption dans le dossier Pétrobras, a été destituée pour maquillage de comptes publics. L’ex-présidente a fait appel. Quelles sont ses perspectives d’avenir et celles de son parti le PT ?
Le procès de Dilma Roussef est présenté par ses détracteurs comme celui d’une femme corrompue. Ce n’est pas le cas. Cette présentation est d’autant plus étonnante que la moitié des sénateurs à l’origine de la destitution de Dilma Roussef sont eux-mêmes mis en examen pour corruption. La présidente a effectivement masqué des dépenses effectuées par l’Etat qu’elle avait omis de soumettre préalablement au vote du parlement. Cette pratique est habituelle au Brésil et les précédents gouvernements, ont été coutumiers du fait. La régulation parlementaire est opérée a posteriori. Pour la première fois que cette pratique f a justifié la destitution d’un chef d’Etat. Les sénateurs semblaient en être conscients. Selon la jurisprudence brésilienne, un président déchu pour « crime de responsabilité », c’est-à-dire une atteinte grave à la Constitution, doit également être privé de ses droits politiques et civiques pendant huit ans. Or, faisant suite au vote de destitution de la présidente, les parlementaires ont, dans un second vote, décidé de maintenir ses droits civiques et politiques. En les conservant, Dilma Roussef sera libre de se porter candidate aux prochains scrutins du pays. Les sénateurs semblent donc, par ces scrutins successifs, accréditer la thèse d’une élimination politique exempte de culpabilité constitutionnelle. Le Brésil est doté d’un système présidentiel qui empêche la censure parlementaire d’un chef d’Etat. La seule initiative possible pour faire tomber Dilma Rousseff était celle de recourir à l’accusation d’avoir violé la Constitution. Le Parlement, devenu oppositionnel étant constitutionnellement habilité à se prononcer sur la culpabilité de la présidente, a conclu par l’affirmative.
Quelles sont les prochaines échéances électorales ?
Le 2 octobre prochain se tiendront les élections municipales, sur fond de crise morale, politique et économique. Il est difficile de prédire l’attitude des électeurs. Selon un sondage effectué à la fin du mois d’août par l’institut Datafolha, à Rio des Janeiro et São Paulo, les principales villes du pays, tous les grands partis régressent : le PT, mais aussi les partis qui ont provoqué la chute de Dilma Rousseff, le PMDB, le PSDB. Un parti mêlé aux scandales, mais moins ciblé par les medias, le PRB, récupérerait de nombreux électeurs. Le PRB, est un parti évangéliste (lié à l’Eglise universelle du Royaume de Dieu). Ses candidats sont crédités, selon Datafolha, de 28 et 30 % d’intentions de vote. Mais l’avenir du pays se jouera en 2018, année des prochaines élections législatives et présidentielles.
Comment évolue le contexte économique, social et politique du Brésil ? Que doit-on attendre des politiques de Michel Temer, désormais président à part entière ?
La « nouvelle majorité » a deux objectifs. Le premier était d’écarter Dilma Roussef et le PT du pouvoir. Mission accomplie. Quant au deuxième objectif, il vise à réaliser des coupes dans le budget de l’Etat pour réduire son déficit. Les bourses pour les étudiants brésiliens qui partent à l’étranger ont notamment été supprimées – le gouvernement de Dilma Roussef avait programmé d’envoyer 100.000 étudiants dans les disciplines scientifiques en Europe et aux Etats-Unis, dont 10.000 en France. Un certain nombre de mesures sont en préparation, visant à effectuer des coupes dans les budgets sociaux. Ces mesures toucheront principalement les classes les plus pauvres du Brésil ; des mouvements sociaux sont donc à prévoir. Le gouvernement attendra probablement les municipales du 2 octobre avant de lancer ce vaste programme d’austérité et d’équilibre budgétaire. D’ici 2018, les Brésiliens peuvent s’attendre à des jours difficiles dans un contexte où la situation économique ne s’est guère améliorée depuis le changement de majorité. Elle est, en effet, toujours marquée par une décroissance, une augmentation du chômage et un décrochage économique.
De même que le XXe siècle s’ouvre avec le déclenchement de la Première guerre mondiale, les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont marqué l’entrée historique dans le XXIe siècle. La portée symbolique de l’évènement est exceptionnelle : l’hyperpuissance américaine est frappée sur son propre territoire, en plein cœur de New York et de Washington, sur des « sites-cibles » phares de sa puissance financière (les tours jumelles du World Trade Center) et militaire (le Pentagone). Toutefois, l’attaque perpétrée par Al-Qaida et ses conséquences marquent moins un basculement de l’ordre mondial que l’accélération de mouvements qui étaient déjà perceptibles : déclin américain, globalisation du terrorisme islamiste, valorisation du discours du « choc des civilisations ».
Depuis cette date, la figure de l’Arabo-musulman incarne plus que jamais l’ennemi symbolique et stratégique de l’Occident. Une perception étayée par la thèse du « choc des civilisations », développée par le politologue américain Samuel Huntington, selon laquelle l’ordre du monde tient à un conflit de systèmes de valeurs dans lequel la civilisation islamique menace l’Occident. Tenants de cette théorie, les néoconservateurs américains ont exploité l’évènement avec cynisme pour justifier une invasion militaire de l’Irak. Dans un contexte post-11 Septembre propice au réflexe vengeur et à la rhétorique manichéenne du « bien contre le mal », le président Bush et le Premier ministre britannique Tony Blair ont engagé leurs armées, imposé leur vision du monde reposant sur la Machtpolitik et la violence. L’opération « Liberté pour l’Irak » est une tragédie politique et humaine : si le tyran Saddam Hussein a chuté, c’est l’Etat et le peuple irakiens qui ont sombré dans le chaos. Le désordre mondial post-septembre c’est aussi le caractère impensable d’un quelconque procès pénal international à l’encontre du duo Bush-Blair, ce même si l’Histoire les a déjà condamnés…
Ironie de l’histoire, cette intervention militaire qui prétendait vouloir exporter la démocratie est à l’origine de la naissance d’une créature djihadiste plus destructrice encore qu’Al-Qaida : Daech. L’ « Etat islamique », organisation terroriste aux prétentions califales, frappe indistinctement les mondes arabe, musulman et occidental. Une violence qui se déchaîne sur fond de montée d’idéologies identitaro-nationalistes dans le monde. La montée des diverses variantes de l’islamisme en est une manifestation spectaculaire, mais ce n’est pas la seule, loin s’en faut. Un national-populisme teinté de xénophobie agite les démocraties occidentales américaines, européennes, indienne ou encore israélienne.
Les réactions identitaires suscitées par la globalisation trahissent aussi un profond désenchantement. La globalisation heureuse et la consécration universelle de la « démocratie de marché » (F. Fukuyama) s’avèrent illusoires. (…..) Le sentiment de vide s’explique notamment par l’absence de perspective, de transcendance face à une offre politique qui se résume aux lois du marché. (…). Convaincu de sa propre existence, l’Occident doute de l’universalité des valeurs humaines, craint aussi sa propre fin, du moins son déclin. Le sentiment d’être « en danger » ou d’être menacé par la civilisation islamique alimente la montée en puissance d’une idéologie « occidentaliste ». Outre une remise en cause de sa centralité géopolitique, l’Occident a perdu sa capacité à produire un récit universel. Pis, il se retrouve lui-même en quête de sens, de spiritualité, de sacré, de valeurs structurantes, autant de substrat que ne créé pas encore notre monde globalisé.
Marie-Cécile Naves est chercheuse associée à l’IRIS. Elle répond à nos questions à propos de son dernier ouvrage « Trump, l’onde de choc populiste » paru aux éditions FYP :
– De quelle Amérique Trump est-il le nom ?
– L’ascension de Trump symbolise-t-elle la faillite du parti républicain ?
– L’ascension de Trump peut-elle avoir un impact sur celle des partis populistes européens ?
Pascal Boniface, directeur de recherche à l’IRIS, revient sur les derniers essais nucléaires nord-coréens.
L’accord entre la Russie et les Etats-Unis sur une trêve en Syrie va-t-il mettre un terme à cette guerre absurde et atroce ? L’accord tiendra-t-il sur le terrain et résistera-t-il aux ambitions contradictoires des pays engagés en Syrie, en faveur des opposants, des djihadistes ou du régime de Damas ? La situation sur le terrain, l’évolution des positions turques, la volonté clairement affichée de Washington à parvenir à un cessez-le feu, ainsi que la relance des négociations, incitent aujourd’hui à plus d’optimisme.
L’engagement de la Russie au côté de du régime syrien a, dans un premier temps, modifié l’équilibre des forces sur le terrain. Durant l’été 2015, Bachar al-Assad se trouvait dans une mauvaise posture. L’opposition armée, en particulier le Front al-Nosra (al-Qaïda), se trouvait aux portes de Damas. Les forces du Hezbollah libanais, pourtant déterminées et aguerries, ne parvenaient pas non plus à endiguer la progression des djihadistes. Les combattants venus au secours de Bachar al-Assad se cantonnaient à des positions sur la frontière libano-syrienne ou dans la banlieue de Damas, afin de protéger les lieux saints chiites, tel le sanctuaire de « Bibi Zaînab ». Ces lieux sont également protégés par des milliers de volontaires chiites venant d’Afghanistan, d’Irak et du Pakistan. Ceux-ci, dont on parle peu, jouent un rôle important sur le plan militaire. Ils ont libéré l’armée syrienne dans ces zones et lui ont permis de mener le combat ailleurs contre l’opposition. On dénombre à ce jour plus de 300 morts parmi les seuls Afghans. Afin d’encourager les volontaires à partir combattre en Syrie dans le but de protéger les lieux saints, le Guide iranien ayatollah Ali Khamenei vient d’ordonner que les familles qui y perdrait un combattant les verraient considérés comme des « martyrs », au même titre que les Iraniens tués dans la guerre Iran-Irak. Elles bénéficieront par conséquent, des mêmes avantages, notamment une allocation financière.
L’engagement militaire russe a été, à la surprise des observateurs et des Occidentaux, massif et efficace. Des centaines de centres d’entraînement et de dépôts d’armes appartenant à l’opposition ont été détruits. Les bombardements de l’aviation russe coordonnés par des conseillers et des soldats envoyés sur le terrain, ont permis à l’armée syrienne de reprendre plusieurs villes aux rebelles ou, dans certains cas, de les encercler, comme actuellement à Alep.
L’opposition perd du terrain. Ses positions sont aussi contestées par les Forces démocratiques syriennes, essentiellement composées des combattants kurdes du PYG. Ces derniers ont repris aux forces de l’Etat islamique une grande partie des territoires du nord de la Syrie, à la frontière turque. L’avancée des Kurdes en Syrie et les nombreux attentats perpétrés par l’Etat islamique sur le sol turc ont fini par convaincre Ankara de s’engager dans une lutte efficace contre l’EI. La lutte contre le terrorisme permet à la Turquie de gagner en crédibilité et d’attaquer, par la même occasion, les positions des Kurdes, soutenus par Washington et Paris.
En Turquie, le coup d’Etat avorté du 15 juillet s’est suivi d’une répression tout azimut contre les Kurdes et les forces vives de la société, par le biais d’arrestations et de l’emprisonnement arbitraire de milliers de personnes. Le 9 septembre, le gouvernement d’Erdogan a franchi un nouveau palier vers un pouvoir autocratique et arbitraire, en destituant 28 maires élus au suffrage universel. Cette politique a suscité l’indignation des Occidentaux, Etats-Unis en tête, et a rapproché Erdogan de Vladimir Poutine avec une normalisation des relations entre la Turquie et la Russie. Ce rapprochement a engendré une révision des positions de la Turquie sur la Syrie. Erdogan, farouche opposant de Bachar al-Assad, rêvait autrefois de sa destitution au profit des Frères musulmans. Depuis sa visite à Moscou, le président turc est plus conciliant avec son homologue syrien.
L’accord conclut le 9 septembre entre le secrétaire d’Etat américain et le ministre russe des Affaires étrangères, qui prévoit des actions communes, consacre non seulement le rôle et les intérêts de la Russie en Syrie, mais aussi dans la région et dans le monde. Ce tête-à-tête entre deux puissances écarte les pays qui ont joué un rôle important en Syrie tels la France, la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Iran, aujourd’hui contraints de soutenir l’accord signé entre Washington et Moscou. Barack Obama, en fin de mandat, souhaiterait conclure ses huit ans à la Maison-Blanche par un succès diplomatique sur la question syrienne. A cette occasion, il prouverait à ses alliés, la France en tête, qu’il a eu raison de privilégier la recherche d’une solution politique à une intervention militaire en Syrie. Un regard objectif sur la nature et la composition de l’opposition syrienne témoigne aisément qu’une intervention militaire ne pouvait qu’installer l’EI et ses alliés à Damas avec des conséquences désastreuses pour la région, l’Europe et le monde.
Le succès militaire et politique de la Russie en Syrie et le réalisme américain avec comme objectif principal la destruction des djihadistes, l’EI et Al-Qaïda, se manifestent dans le dernier accord. Il prévoit la création d’un « centre conjoint » russo-américain destiné à coordonner d’éventuelles frappes des deux puissances contre les djihadistes, non seulement le groupe Etat islamique, mais aussi le Front Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra). L’impact devrait être considérable. Le Front al-Nosra a changé de nom, fin 2015, et a renoncé à son rattachement à Al-Qaïda sous la pression de l’Arabie saoudite et du Qatar pour le rendre plus présentable. Il est la principale force combattant le régime à Alep. S’ils sont alliés à l’opposition dite « modérée » soutenue par les Occidentaux, Fateh al-Cham est considéré comme « terroriste » par Moscou et Washington. John Kerry a ainsi déclaré que si les groupes rebelles veulent conserver leur légitimité, ils doivent se distancier totalement du Front Fateh al-Cham et de l’EI.
L’accord russo-américain a reçu le soutien de la Turquie, de la Grande-Bretagne, de la France et de la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. De l’autre côté, Damas a immédiatement annoncé qu’il était au courant des discussions et qu’il appliquerait l’accord. L’autre grand allié de Damas, l’Iran, ainsi que le Hezbollah libanais lui ont emboîté le pas.
Tout est mis en place pour que, cette fois, l’accord de paix tienne. Certains estiment cependant que Damas et ses alliés sont favorisés par les accords, au détriment des rebelles dits « modérés » alliés aux djihadistes, notamment à Alep. Ils risquent d’être également ciblés par les attaques du fait qu’ils refusent de rompre leur alliance avec les ces derniers. La rupture avec les djihadistes est pourtant un point essentiel pour le succès du cessez-le-feu et la reprise des négociations pour la mise en place d’un gouvernement de transition. Le sort de Bachar al-Assad, dont le départ était jusqu’alors exigé par la France, la Turquie, l’Arabie saoudite et l’opposition, n’a pas été évoqué. Mais son départ à l’issue du processus de paix semble acquis. Moscou a plusieurs fois laissé entendre qu’il ne tenait pas au maintien du président syrien à tout prix. La Russie se distingue sur ce point de l’Iran. Reste à savoir s’il serait autorisé à se présenter aux élections, à la fin du processus de paix, comme le souhaite Téhéran.
Dans un an jour pour jour, le Comité International Olympique (CIO) désignera, à Lima, la ville qui accueillera les Jeux Olympiques de 2024. Quelles villes restent en compétition ? Quels sont leurs atouts, leurs points faibles ?
Quatre villes sont, aujourd’hui, encore candidates : Budapest, Rome, Los Angeles et Paris.
Budapest, tout d’abord, est considérée comme le petit poucet des candidates. Pourtant, son projet est sérieux et sa désignation serait un symbole fort sur la scène internationale sportive. Toutefois, le contexte dans lequel évolue aujourd’hui la Hongrie complexifie la tâche des soutiens de cette candidature. Le pays se distingue notamment par son premier Ministre, Viktor Orban, qui multiplie sorties et déclarations fracassantes, poussant certains partenaires européens à réclamer des sanctions à son encontre. En outre, la gestion par la Hongrie de la crise migratoires que connait l’Europe engendre des tensions aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières hongroises, tendant considérablement les rapports avec ses voisins. Ces éléments sont autant de points négatifs pour la candidature de Budapest.
La deuxième ville candidate est Los Angeles, considérée par beaucoup comme une des favorites. Propulsée sur le devant de la scène suite à l’abandon de Boston -qui s’était finalement retirée de la campagne faute de soutien populaire, cette candidature est principalement portée par son maire, Eric Garcetti, qui peut compter sur l’appui d’importantes entreprises présentes dans la Silicon Valley. Au-delà de l’aspect sportif, les différentes échéances politiques des États-Unis doivent aussi être prises en compte dans le cadre de cette candidature, puisqu’elles auront un impact direct sur le scrutin. Selon certains analystes, le principal point faible de la candidature américaine porte un nom : Donald Trump. Le candidat républicain véhicule une mauvaise image à l’étranger, et son ascension pourrait obscurcir celle de Los Angeles, et par conséquent, sa candidature.
La situation autour de la candidature de Rome est, quant à elle, particulière. Lors de la campagne des municipales italienne, la candidate du Mouvement 5 étoiles, Virginia Raggi s’était, à plusieurs reprises, prononcée contre la candidature romaine. Portée au pouvoir par les urnes, la nouvelle maire a, depuis, quelque peu tempéré ses propos et doit annoncer sa décision pour l’automne, laissant planer le doute sur ses intentions. Le Président du Conseil et le monde sportif italien se mobilisent, quant à eux, pour faire valoir les aspects positifs de l’accueil des Jeux par Rome, tâchant ainsi de mettre sous pression Virginia Raggi. En tout état de cause, si Rome se lance dans la campagne, sa candidature aurait pris un certain retard sur ses concurrentes, à quelques mois de la désignation. Dans le cas contraire, ce serait le deuxième désistement de Rome, au cours de la procédure de candidature, après celui en 2012 pour les Jeux de 2020. En conséquence, cela pourrait défavoriser les éventuelles candidatures de Rome pour les prochaines olympiades.
Selon Virginia Raggi, accueillir les Jeux Olympiques à Rome alourdirait considérablement sa dette. Pensez-vous que les Jeux Olympiques soient sources d’opportunités économiques ou de gouffre financier ?
Organiser des Jeux Olympiques la mise en place d’un budget important qui sera consacré d’une part à la candidature mais de façon plus importante encore à la mise en œuvre du projet, une fois les Jeux obtenus. L’argument économique est donc pleinement justifié. Les dernières olympiades démontrent la débauche de moyens humains et financiers pour livrer les infrastructures, voire les terminer dans les temps : Sotchi et Rio peuvent en témoigner. Aussi, différents économistes soulignent ces budgets exponentiels, laissant parfois de véritables « éléphants blancs ». A l’inverse, différentes olympiades ont permis d’apporter des changements importants, positifs pour les villes hôtes. L’exemple de Barcelone est ici le plus éloquent. Pourtant, face à cette augmentation exponentielle des budgets, pouvant entrainer d’une part l’absence de candidatures, et d’autre part, une critique de la société civile, fatiguée de voir les deniers publics investis dans le sport, le CIO a publié, quelques mois après Sotchi, une nouvelle feuille de route. L’agenda 2020 contient ainsi les nouvelles orientations que doit prendre l’Olympisme dans les années à venir. Ainsi, les principes de la durabilité et l’héritage mis en avant. En d’autres termes, les infrastructures construites ou utilisée à l’occasion des Jeux devront désormais avoir une vie après la quinzaine olympique et paralympique.
Les candidatures d’aujourd’hui, rentrent en partie dans cette optique. Pour l’organisation des JO 2020, Madrid, candidate au même titre qu’Istanbul et Tokyo, avait ainsi proposé une candidature « low cost ». La ville considérait qu’elle était en mesure, malgré la situation économique du pays plus que compliquée, d’organiser des jeux dignes de ce nom, où les infrastructures déjà existantes étaient ainsi mises à dispositio le temps de la tenue des jeux, pour ensuite être rendues à la population.
Le CIO est donc aujourd’hui à un tournant, largement encouragé par l’Agenda 2020.
Où en est la France ? Les attentats, perpétrés dans différentes parties de l’hexagone peuvent-ils remettre en cause la candidature française ?
Après les différents candidatures malheureuses de Lille, Paris ou encore Annecy, un audit a été fait pour tirer des leçons de ces échecs. L’objectif était de comprendre les raisons, de trouver une stratégie pour éviter de le commettre de nouveau et surtout de s’inspirer des candidatures victorieuses. Aujourd’hui, le comité de candidature est en ordre de marche, notamment emmené par Tony Estanguet et Bernard Lapasset, deux fins connaisseurs du monde olympique, du monde sportif, et du fonctionnement des campagnes de candidatures.
La question sécuritaire, qui n’est pas spécifique au cas français, est une question qui se pose depuis 2001 pour l’organisation de tout grand évènement sportif. On a ainsi vu le budget sécurité des villes ou des pays hôtes considérablement augmenté au cours des dernières années.
Concernant le cas spécifique de la France, il est difficile de dire en quelle mesure la question sécuritaire pourrait influer positivement ou négativement sur la candidature. Au-delà de la menace sécuritaire, quelle qu’elle soit, en attribuant l’organisation des JO à Paris, le CIO pourrait vouloir affirmer une volonté de la communauté internationale à ne pas céder face au terrorisme et montrer qu’en dépit des attaques, une ville peut continuer à avoir une vie culturelle et sportive. Pour preuve, cette question s’était déjà posée lors de l’Euro 2016 où certaines voix s’étaient même prononcées en faveur de l’annulation ou du report de la compétition. Elle s’est finalement bien déroulée et la France a démontré sa capacité à assurer efficacement la tenue de la compétition.
Dans quel contexte politique et économique se tiennent les élections législatives du 18 septembre prochain ?
La Russie traverse, depuis 2014, une crise économique profonde. La récession de 3,7% enregistrée l’an dernier, la chute de 10% des revenus réels de la population ou la dévaluation du rouble – qui a perdu près de la moitié de sa valeur face aux devises occidentales – illustre ce choc. Pour autant, l’économie russe ne s’est pas effondrée comme on a pu le dire en Occident. Elle a même plutôt bien résisté au vu des défis auquel elle a dû faire face, en particulier la chute des cours des hydrocarbures et les sanctions occidentales. Aujourd’hui, l’économie russe s’est adaptée à la « nouvelle réalité ». Le pays est peu endetté (12% du PIB) et dispose d’importantes réserves de change (environ 400 milliards de dollars). Pour 2016, on attend un recul situé entre 0,5% et 1%, puis un retour à une croissance d’environ 1,5% en 2017. Le risque est désormais plutôt celui d’une croissance durablement molle, insuffisante pour mener à bien la modernisation du pays et soutenir ses ambitions internationales. Aujourd’hui, l’économie russe se situe environ à son niveau de 2011 ; les effets de la crise devraient être effacés en 2019. Après « 10 glorieuses » – entre 1999 et 2008, le pays a connu une croissance moyenne de 7%, on peut donc parler d’une décennie perdue. La question est de savoir quels choix seront faits dans les prochains mois.
Le contexte politique est celui de la préparation du – probable- 4e mandat de Vladimir Poutine. Les élections législatives ne sont que la première étape d’un cycle électoral qui se conclura par les élections présidentielles de printemps 2018. Le phénomène le plus significatif est le renouvellement au sein de l’appareil d’Etat, illustré cet été par des départs et des nominations inattendus au niveau régional mais également au cœur du système (administration présidentielle, FSB, douanes). Cette rotation est la plus importante depuis 2007. A l’époque, Vladimir Poutine parachevait sa « verticale du pouvoir » en plaçant des hommes de confiance (issus pour la plupart du KGB et de la mairie de St-Pétersbourg). Aujourd’hui, il fait émerger une nouvelle génération de dirigeants qui l’accompagneront jusqu’en 2024 et qui gouverneront la Russie après son départ du Kremlin.
Pourquoi Vladimir Poutine a-t-il décidé d’avancer la date des élections législatives initialement prévues en décembre ?
Il y a eu beaucoup de spéculations à ce sujet. La décision a été prise l’année dernière, à un moment où les perspectives économiques étaient alarmantes. L’explication généralement admise est que le gouvernement russe a souhaité raccourcir la durée de la campagne électorale, réduite, de facto, à une quinzaine de jours au sortir des vacances d’été. Ce n’est, au demeurant, pas la seule priorité du Kremlin dans cette affaire. Il souhaite que le scrutin, à défaut d’être irréprochable, soit plus « présentable » que celui de 2011 dont, rappelons-le, la légitimité avait été contestée dans les rues de Moscou pendant de nombreuses semaines. D’où certains signes d’ouverture, comme la nomination d’Ella Pamfilova, une personnalité respectée y compris chez les adversaires de Poutine, à la tête de la Commission électorale centrale. Mais ces ajustements, qui n’allaient pas de soi au vu du « serrage de vis » à l’œuvre depuis 2012, s’inscrivent dans un jeu politique étroit, codifié, opaque. En Russie, les vrais débats ont lieu en coulisses, et les décisions importantes sont prises par un cercle restreint autour du président, le plus souvent hors des instances officielles (gouvernement, conseil de sécurité).
Quels sont les enjeux des élections législatives ? Pensez-vous que l’hégémonie quasi-totale de Russie unie, le parti de Vladimir Poutine, sur la vie politique russe peut être remise en cause ? Qui sont les autres partis composants la Douma ?
Les enjeux de ces élections sont limités, car la Douma n’a pas vraiment de pouvoirs. Le Parlement – Douma et Conseil de la Fédération – s’apparente plus à une courroie de transmission voire à une chambre d’enregistrement. Ces élections seront cependant l’occasion d’un renouvellement du personnel politique russe : de nombreux élus ne se représentent pas et le pouvoir cherche, tout comme dans l’appareil d’Etat, à faire émerger de nouvelles personnalités issues de la société civile, en tout cas de ses composantes jugées loyales.
Russie unie aura sans doute la majorité dans la prochaine mandature même si ses résultats seront sans doute moins bons qu’en 2011. Il faut savoir que les législatives sont organisées selon un mode de scrutin mixte : la moitié des députés est élue à la proportionnelle, les listes recueillant 5% au niveau national obtenant des sièges ; l’autre moitié est élue en circonscriptions au scrutin uninominal à un tour. Russie unie aura sans doute la majorité absolue, les autres partis se partageront les restes. Parmi eux, le Parti communiste, crédité de 17% dans les sondages, le Parti libéral-démocrate de Vladimir Jirinovski et Russie juste. Ces trois formations se disent d’opposition mais sont en réalité très dociles. Certes, il leur arrive de hausser la voix contre le gouvernement Medvedev – notamment sur les questions sociales – mais ils ne contestent en aucun cas le leadership de Vladimir Poutine. En politique étrangère, ces partis s’inscrivent dans le « consensus post-Crimée ». En d’autres termes, ils soutiennent la politique étrangère du Kremlin.
Quant à la vraie opposition, celle dite « hors système », elle est faible, divisée et sous pression. Ses chances de faire élire des candidats sont très limitées, peut-être un ou deux sièges à Moscou et Saint-Pétersbourg.
Depuis l’annexion de la Crimée, la Russie est très incisive sur la scène internationale. Quelle est la stratégie du Kremlin en termes de politique étrangère ? Est-ce aussi un enjeu de ces élections ?
La politique extérieure de la Russie ne représente pas un enjeu lors des élections du 18 septembre dans la mesure où la Douma n’a aucune prérogative en la matière. Mais ces questions sont tout de même importantes, car elles font partie du débat politique et le pouvoir les utilise pour mettre en avant ses succès.
En termes de stratégie, la Russie cherche avant tout, me semble-t-il, à obtenir de la considération de la part des Occidentaux. Elle veut être traitée d’égale à égale et voir reconnus ce qu’elle considère comme ses intérêts légitimes. Elle est en passe d’obtenir ce statut d’acteur incontournable dans la crise syrienne. Mais pas au-delà, que ce soit en ex-URSS ou en Europe. Pour l’instant en tout cas.
L’annexion de la Crimée, en 2014, a clos une parenthèse historique de 30 ans ouverte avec la perestroïka. Au-delà des brouilles et des différends, on estimait généralement à Moscou et dans les capitales occidentales que les deux Europe avaient vocation à converger (dans les faits, cela signifiait que la Russie allait, tôt ou tard, adopter les standards ouest-européens). C’est cette perspective qui a disparu depuis deux ans. L’objectif de la Russie n’est plus de s’intégrer dans un grand ensemble occidental, mais de s’affirmer comme une grande puissance qui propose un autre modèle, conservateur, axé autour de valeurs telles que la souveraineté ou l’équilibre des forces. Cela constitue un tournant majeur et la situation n’a pas, selon moi, vocation à changer dans les années à venir.
Le 8 novembre approche à grand pas, et avec lui l’épilogue d’une campagne électorale américaine d’une rare violence, et dont chaque jour révèle de nouvelles attaques, parfois très éloignées du champ politique. Dernier épisode en date, les rumeurs insistantes sur la santé de la candidate démocrate, Donald Trump allant même jusqu’à demander des bulletins médicaux hebdomadaires de sa rivale. Avec le malaise de Madame Clinton à New York lors des commémorations du 11 septembre et les révélations sur une pneumonie diagnostiquée quelques jours plus tôt, ces rumeurs vont devenir de plus en plus insistantes, le camp républicain cherchant à semer le doute chez les électeurs indécis sur la capacité de la candidate démocrate à assumer la fonction jusqu’à son terme. Et même sans tenir compte de ces parasitages, les Américains ne manqueront pas de s’interroger sur l’état de santé de leur ancienne First Lady, partant du principe qu’une pneumonie annoncée peut très bien cacher des problèmes plus sérieux. En clair, il s’agit d’un moment clef de cette campagne 2016, plus que jamais indécise.
L’état de santé d’Hillary Clinton soulève plus largement la question de l’âge de la candidate, et par la même occasion de son adversaire, tout en rappelant à quel point cette campagne déjà longue de plusieurs mois est particulièrement éprouvante. Mais la fonction présidentielle l’est tout autant, comme en témoignent les différents présidents américains successifs. La récupération prévisible des images du malaise de Madame Clinton, certes choquante, n’en est pas moins inscrite dans le prolongement d’un combat désormais physique, comme si la candidate démocrate venait malgré elle de donner partiellement raison à ses adversaires et, dans une certaine mesure, de perdre ce combat.
Ce n’est pas non plus la première fois, dans l’histoire américaine récente, que l’âge du capitaine est évoqué. John McCain, qui avait 72 ans à l’époque, en avait fait les frais en 2008, notamment après avoir choisi Sarah Palin comme colistière. Le vice-président des Etats-Unis prête en effet serment et accède directement à la fonction suprême en cas de décès ou de démission du chef de l’Exécutif. Depuis 1945, Harry Truman, Lyndon Johnson et Gerald Ford sont ainsi devenus présidents sans être élus. La perspective de voir Sarah Palin devenir la première présidente des Etats-Unis en raison de l’âge avancé du candidat républicain fut ainsi agitée comme un chiffon rouge par les adversaires de John McCain. De même, l’élection de novembre 1992, opposant le président sortant George H. Bush au candidat démocrate Bill Clinton fut un choc générationnel, 22 ans séparant les deux hommes.Et la réalité est là : les deux candidats sont, en comparaison avec leurs prédécesseurs, âgés. Barack Obama (47 ans quand il prêta serment), George W. Bush (54 ans) et Bill Clinton (46 ans) étaient de jeunes présidents. Il faut ainsi remonter aux présidences de George H. Bush et de Ronald Reagan pour trouver des dirigeants américains plus âgés. Des deux candidats (principaux, Gary Johnson et Jill Stein étant plus jeunes de quelques années, mais tous deux sexagénaires), Donald Trump est le plus âgé. Le milliardaire newyorkais a fêté ses 70 ans le 14 juin 2016. Hillary Clinton, qui aura 69 ans le 26 octobre, est sa cadette d’un an, soit un écart très réduit. Dans tous les cas, le prochain locataire de la Maison-Blanche sera, aux côtés de Ronald Reagan, l’un des deux présidents les plus âgés de l’histoire des Etats-Unis. Trump sera, s’il est élu en novembre prochain, le chef de l’Exécutif le plus âgé dans l’histoire de ce pays, et Clinton sera, en cas de victoire, en deuxième position derrière Reagan. Et dans l’hypothèse de deux mandats, le premier aura 78 ans, et la seconde 77 ans, à la fin de leur présidence. Or, Ronald Reagan est le seul président de l’histoire des Etats-Unis à avoir occupé la Maison-Blanche au-delà de 75 ans. Le tableau ci-après nous rappelle la situation des quatre présidents américains les plus âgés lors de leur investiture.
Les présidents américains les plus âgés le jour de leur investiture
Ronald Reagan (1981-1989) > 69 ans et 349 jours
William Henry Harrison (1841) > 68 ans et 23 jours
James Buchanan (1857-1861) > 65 ans et 315 jours
George H. W. Bush (1989-1993) > 64 ans et 222 jours
Notons ici que William Henry Harrison, qui accéda à la Maison-Blanche le 4 février 1841, décéda d’une… pneumonie (autre époque, dirons-nous) le 4 mars 1841, soit exactement un mois plus tard, battant au passage le record de la présidence la plus courte de l’histoire des Etats-Unis. Et de ces présidents, seul Ronald Reagan a effectué deux mandats. Notons enfin que si Theodore Roosevelt devint en 1901, à 42 ans et 322 jours, le plus jeune président de l’histoire des Etats-Unis, Bill Clinton arrive en troisième position (derrière John F. Kennedy), avec 46 ans et 154 jours quand il entra à la Maison-Blanche. Notons enfin que le dernier candidat en course dans les primaires (côté démocrate), Bernie Sanders, vient de fêter ses 75 ans, ce qui aurait fait de lui, dans l’hypothèse d’une victoire et d’un second mandat, le premier président américain octogénaire. En clair, cette campagne a la particularité de compter deux candidats âgés, conséquence somme toute assez logique de l’augmentation de l’espérance de vie, mais malgré tout singulière, d’autant qu’à l’âge vient désormais se superposer les interrogations sur l’état de santé.
Les dernières semaines de campagne vont être focalisées autour de cette question médicale et liée à l’âge des candidats. Tant pis pour ceux qui espéraient un vrai débat, certes tardif, d’idées. Il faudra attendre au moins 2020. On se demande même si Trump et Clinton ne devraient pas envoyer des médecins les représenter aux débats télévisés qu’ils vont enchainer à partir de la fin septembre. Car l’un et l’autre sont concernés, et Trump lui-même a promis de transmettre des bulletins médicaux complets le concernant. Promesse de campagne ?
Betrand Badie, expert en relations internationales, est professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po). Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage : « Qui gouverne le monde ? L’état du monde en 2017 », aux éditions La Découverte, codirigé avec Dominique Vidal et cartographié par Philippe Rekacewicz.
Vous travaillez depuis très longtemps sur la question de la puissance et du rôle de l’État dans les relations internationales. Pensez-vous que ce dernier est désormais un acteur obsolète ?
Il n’est certainement pas obsolète : qui oserait dire que l’État chinois ou russe est obsolète ?! Simplement, face à la complexité de la mondialisation, l’État ne parvient plus à contrôler l’extrême diversité et la très grande subtilité des mécanismes de pouvoir qui s’exercent et qui, difficulté supplémentaire, sont de plus en plus interdépendants. D’où l’incapacité croissante des États, même les plus autoritaires, d’accomplir une régulation effective des jeux sociaux nationaux et, plus encore internationaux. Ajoutez à cela que les acteurs politiques nourrissent une vision très conservatrice de l’État et de la nature de la souveraineté qui le définit, ce qui nuit au besoin de s’adapter aux données nouvelles issues de la mondialisation.
Vous écrivez que la mondialisation a à la fois suscité des mouvements contestataires et entretenu des réseaux de pouvoir ? Qui en sort gagnant ?
À mesure que les capacités de l’État s’étiolent et que les uns et les autres s’enferment dans une vision conservatrice, il est à craindre que la contestation l’emporte de plus en plus sur le pouvoir…C’est en partie le mal dont souffre aujourd’hui tout particulièrement l’Europe où le populisme ne cesse de progresser, à la fois comme marqueur et comme résultat des incapacités croissantes de l’État face aux contextes nouveaux issus de la mondialisation. Il en dérive une crispation des comportements sociaux autour des questions d’identité, de sécurité et de rejet de l’altérité qui sont les scories du modèle étatique d’antan : on attend de l’État qu’il protège face à des réalités sociales qui le dépassent et sur lesquelles il n’a pas prise. En même temps, on dénonce cette impuissance de l’État, comme si celui-ci avait des vertus de démiurge…
Les théories du complot se développent-elles ? Si oui, comment l’expliquer ?
Deux paramètres convergent pour faire le succès des thèses complotistes : la défiance croissante à l’égard d’une classe politique en laquelle on ne croit plus et dont le discours perd de plus en plus son crédit, et la sophistication croissante des mécanismes de pouvoir qui rendent celui-ci peu visible, anonyme et complexe. La dérive est dangereuse et sert, à son tour, les stratégies de pouvoir de certains…
Le 24 mars 2016, nous annoncions sur le site de l’IRIS la parution prochaine de 2 décrets suite à la promulgation de la loi N°2015-917 du 28 juillet 2015 relative à la programmation militaire. Deux décrets du ministère de la Défense viennent effectivement d’être publiés les 20 et 29 juillet 2016. Le premier, sous le N° 2016-997, porte sur la concertation des militaires ; le second, N° 2016-1043, sur l’organisation et le fonctionnement des associations professionnelles nationales de militaires.
Nous avions évoqué les limites posées par la loi au regard du fait syndical, tout en soulignant les avancées en matière de droit d’association en milieu militaire. Nous avions également abordé le rôle du Conseil supérieur de la fonction militaire et la place réservée en son sein aux APNM.
Cet article fait le point sur les modalités d’acquisition de la capacité juridique des APNM, sur les règles comptables et financières qui s’imposent, mais aussi sur la représentativité et les moyens qui, d’une manière ou d’une autre, vont modifier la vie dans l’enceinte militaire.
Une capacité juridique acquise à l’issue d’une procédure à deux étages
Si le code de la défense dans son article L4126-1 fait expressément référence au Titre premier de la loi 1901 au sujet des APNM, nous soulignions l’assujettissement de ces dispositions à la loi du 28 juillet 2015. Cette superposition est manifeste dans le décret du 29 juillet 2016, car contrairement aux associations relevant de la loi 1901, la capacité juridique des APNM n’est pas acquise par la publicité et la déclaration préalable en préfecture, mais par la satisfaction de ces obligations, prévues à l’article 5 de la loi de 1901, et par le dépôt des statuts et de la liste des administrateurs des APNM auprès du ministre de la Défense. Bien entendu, l’article R.4126-1 du code de la défense vise également le code civil local applicable aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
Cette procédure n’est pas comparable à celle relative à la reconnaissance d’utilité publique. Contrairement à ce qui est fréquemment dit cette dernière n’offre pas, après les démarches en préfecture et suite à la procédure discrétionnaire devant le gouvernement, une « grande capacité juridique » à l’association, mais un élargissement de sa capacité de jouissance (art.11 de la loi 1901).
L’article R.4126-2 du code de la défense donne au ministre de la Défense un véritable pouvoir de vérification de la licéité des pièces qui lui sont fournies lors de la création ou de la modification de l’APNM, d’injonction de modification des statuts et de saisine de l’autorité judiciaire en cas d’inaction de l’association dans un délai de deux mois.
Cela dit, le ministère de la Défense n’a pas mis en œuvre une procédure d’agrément avec l’adoption de statuts types et une navette entre lui, qui donne son avis, et les services de la préfecture chargés de recevoir les modifications, comme c’est le cas, par exemple, pour les associations de pêcheurs en eau douce (articles R*443-42 et R*434-43 du code de l’environnement). On notera, que selon l’article R 434-44 du même code, il revient au préfet d’agréer la désignation du président et celle du trésorier de ces associations.
Le choix singulier de l’Etat, soucieux de maîtriser la nouveauté que constitue la création des APNM, est également inspiré par le principe de « stricte indépendance à l’égard notamment du commandement », principe que l’on retrouve à l’article L4126-6 du code de la défense.
Des obligations comptables et financières identiques à celles des syndicats
Les APNM désireuses de figurer sur la liste des associations représentatives prévue à l’article R.4126-8 du code de la défense « sont tenues à une transparence financière », c’est-à-dire, au respect des obligations comptables et financières prévues aux articles R.4126-4 et 5 du code de la défense. Au-delà de 2000 euros de ressources, les APNM doivent établir un bilan, un compte de résultat et une annexe conformes au règlement de l’autorité des normes comptables et au-delà de 230 000 euros avoir recours au commissariat aux comptes. Les APMN aux ressources modestes ont des obligations simplifiées. Les APNM disposant de ressources supérieures à 230 000 €, dont le cas échéant des subventions, ont également l’obligation de transmettre à la Direction de l’information légale et administrative (DILA) ces éléments qui seront consultables gratuitement sur le site du Journal officiel. En effet, c’est la DILA, née en janvier 2010 de la fusion de la direction de La Documentation française et des Journaux Officiels, qui accueille les comptes des grandes associations comme Action Contre la faim et ceux des grands syndicats comme la CGT (9).
Les limites de ressources pour déterminer le degré des obligations des APNM sont les mêmes que celles des syndicats 230 000 euros de ressources (décret N°2009-1665 du 28 12 2009 (10)) et non celles des associations (article L612-4 du code de commerce (11) : 153 000 € de subventions d’une autorité publique ou de dons ouvrant droit à avantage fiscal)
Les APNM devront se mobiliser pour acquérir un caractère représentatif
Les articles L4126-1 à L4126-8 du code de la défense fixent les conditions qui sous-tendent la représentativité qui permet aux APNM d’occuper au plus 16 places sur 61 au sein du CSFM. Outre la forme juridique, on y trouve le respect des valeurs républicaines, l’indépendance à l’égard du commandement, la transparence financière, une ancienneté minimale d’un an, une influence significative. Si l’on rajoute que la liste de ces APNM est fixée à chaque renouvellement du CSFM, sous réserve de quelques particularités tenant à l’état militaire, aux missions et aux opérations, tout cela est comparable aux conditions prévues pour les syndicats dans la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 « portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ».
S’agissant de l’influence significative qui doit caractériser l’APNM, le décret du 29 juillet précise que l’association doit non seulement compter un effectif minimal à jour de ses cotisations par rapport à l’effectif total des forces armées, mais aussi comprendre des adhérents relevant de tous les grades et issus d’au moins 3 forces armées et 2 formations rattachées. Les choses ne s’arrêtent pas là : des seuils minimums sont prévus pour chaque catégorie envisagée. Jusqu’au 1er janvier 2021, les pourcentages sont compris entre 1 et 5% selon la force armée.
Si la logique du ministère repose sur une recherche bien comprise « du caractère effectif du dialogue social », du côté des associations désireuses de participer au CSFM, en raison notamment des sujets qui y sont traités (article R4124-1 :condition militaire, statuts, régime indiciaire et indemnitaire), on peut imaginer qu’il conviendra de faire preuve d’une certaine force de conviction auprès de militaires confrontés à une nouvelle culture associative et œuvre d’unions entre les APNM (cf. article 4124-2 code de la défense)
La vie en caserne également rythmée par le dialogue social ?
La création des APNM et le renforcement de la concertation auront un impact sur la vie en caserne. En effet, le recueil des adhésions et des cotisations pourra avoir lieu à l’intérieur même de l’enceinte militaire. Elle pourra, en outre, accueillir, sur autorisation des autorités, des personnes extérieures invitées par les APNM. Ces nouvelles activités seront animées par des administrateurs des APNM qui disposeront de crédits de temps associatifs et qui utiliseront des moyens mis à leur disposition par les autorités (R4126-10 à 15 du code de la défense). L’article L4126-4 du code de la défense rappelle, s’il en est besoin, qu’aucune discrimination ne peut être faite à l’encontre des militaires en raison de leur appartenance ou non à une APNM. L’article R4135-3 du code de la défense, prévoit en outre que les militaires déchargés à temps complet de leur service feront l’objet d’une notation particulière.
Cela dit, le ministre, mais pour des raisons liées à la bonne marche du service et de manière motivée, pourra toujours refuser tout ou partie de la liste proposée les APNM visant les militaires autorisés à se consacrer à temps complet à l’activité associative.
Nicolas Sarkozy vient de publier « Tout pour la France » [1], un livre-programme pour les prochaines élections présidentielles de 2017.
À la lecture de l’ouvrage, une première interrogation vient à l’esprit : qu’en est-il de la politique étrangère française ? Il n’y a pas réellement un chapitre consacré au sujet, mais celui-ci est évoqué à divers moments. Cela étant, ces passages sont très marqués par le contexte immédiat : les questions d’identité, d’islam et de terrorisme sont centrales. Il n’y a pas de grands dégagements globaux ou conceptuels sur la place de la France dans le monde et le rôle spécifique éventuel qu’elle pourrait y jouer. Sur ce point, N. Sarkozy et François Hollande sont en phase : les deux évitent le sujet. Pensent-ils que cela n’intéresse pas les électeurs ? Sans doute !
Il s’en prend au concept « d’identité heureuse » mis en avant par Alain Juppé, sans citer ce dernier, dénonçant les « accommodements raisonnables pas souci prétendu d’apaisement ». On en vient selon lui à ce qu’il n’y ait plus une seule France mais « une agrégation de communautés d’identités particulières, où le droit à la différence devient plus important que la communauté de destin » [2]. Il regrette l’obligation faite à la France de « cesser de chercher à assimiler ceux qui venaient d’ailleurs » [3], préférant l’assimilation à l’intégration. En l’état actuel, ce rappel à l’ordre vigoureux peut plaire à un certain nombre d’électeurs. Mais est-ce vraiment la tradition française ? Notre pays a-t-il voulu vraiment effacer les différences ? Ne peut-on pas au contraire avoir une identité multiple et être Français d’origine italienne, espagnole, portugaise, polonaise, etc. ? S’il ne faut pas nier les origines chrétiennes de la France, il faut également admettre qu’elles ne sont pas uniques. Car la dénonciation de communautarisme par N. Sarkozy ne touche qu’une seule communauté : les musulmans. Comme si les Français d’origine diverse avaient été totalement assimilés, n’avaient conservé aucune spécificité et que seuls les musulmans, dans leur globalité, faisaient tâche dans le paysage.
Il prône l’interdiction du voile, y compris à l’université, parce qu’il pense qu’il ne s’agit pas d’un choix libre mais d’une pression communautaire et familiale qui est devenue « si pesante qu’en fait ces jeunes filles sont infiniment moins libres qu’on ne le dit ». « C’est l’exemple typique », écrit-il, « de la tyrannie d’une minorité »[4]. Malheureusement, il ne précise pas quelle enquête de terrain ou étude sociologique lui permet de l’affirmer. Car les travaux existants en sciences sociales ne vont pas dans ce sens.
Il admet que la mondialisation n’est pas un choix que l’on peut refuser. Mais ce constat ne conduit pas à s’interroger sur le débat de l’islam en France (qui nous rend impopulaire à l’étranger), mais à proposer de supprimer l’impôt sur la fortune… [5]
En parlant de la guerre sans merci contre le terrorisme, il écrit que « le djihadisme nous a déclaré une guerre totale, qu’il déploie sur un champ de bataille qui ne connaît aucune frontière ». Dénonçant une politique qui se contente « des minutes de silence, des jours de deuils et des discours », il préconise « d’agir vite et fort » [6]. « Contrairement aux dix commandements reçus par Moïse au Mont Sinaï, l’État de droit n’est pas gravé pour l’éternité dans les tables de pierre » [7]. Il propose même de porter « une réforme de la Convention européenne des droits de l’homme afin qu’elle ne fasse plus obstacle à l’expulsion systématique des étrangers condamnés à une peine d’emprisonnement de plus de cinq ans, à l’issue de leur détention » [8]. Cela risque d’être relativement délicat à obtenir. Il ajoute que, si « tous les amalgames sont insupportables (…) à l’inverse, la naïveté est coupable. Il y a bien une question spécifique à l’islam. Les appels au djihad n’émanent pas, à ma connaissance, des églises ou des synagogues, pas davantage des temples protestants. »[9] Mais peut-on croire que seules des mesures répressives pourront venir à bout du terrorisme ? Y-a-t-il des exemples réussis du tout sécuritaire ? Mettre en cause de façon répétée et systématique les musulmans ne revient-il pas, au contraire, à alimenter indirectement la cause de Daech, qui dénonce précisément l’impossibilité de vivre sa foi en terre mécréante ? N. Sarkozy est muet sur les causes du terrorisme et les stratégies politiques à mettre en œuvre.
Mais son propos, s’il est très centré sur l’identité et le terrorisme, évoque d’autres sujets.
Il se prononce contre le traité de libre-échange avec les États-Unis estimant que depuis 2012 « jamais la France ne fut aussi suiviste des États-Unis et jamais elle n’a pas eu si peu d’influence auprès d’eux ». [10] De la part de celui qui s’auto-désignait « Sarko l’américain », c’est une forte déclaration. Mais, à part sur le TAFTA (Transatlantic Free Trade Agreement) –que la France vient de rejeter – on ne sait pas sur quels dossiers se fonde. N. Sarkozy pour reprocher à F. Hollande son « suivisme » à l’égard des États-Unis. Il estime que les élargissements européens des années 1990 ont été prématurés et se prononce contre tout nouvel élargissement, en premier lieu celui qui pourrait concerner la Turquie [11].
Il propose, dans la lutte contre Daech, de convaincre Vladimir Poutine d’agir en commun avec les Occidentaux et de lever les sanctions contre la Russie. Il s’oppose à toute intervention militaire terrestre occidentale Il estime que « seuls des Arabes pourront combattre d’autres Arabes »[12]. Il s’élève contre ceux qui proposent de rompre avec l’Arabie Saoudite, l’Iran, les Émirats Arabes Unis ou le Qatar : s’il y a désaccord avec ces pays, ils demeurent nos alliés dans la lutte contre les terroristes dont ils sont également les victimes, estime-t-il[13]. Ce n’est pas inexact, mais on est frappé par la différence de jugement entre les musulmans de ces pays et les musulmans français.
Il estime que « nous avons bien agi militairement en Libye », mais qu’ « à partir de 2012, nous avons failli à maîtriser les conséquences politiques de cette action » [14]. On pourrait demander un peu plus d’introspection sur les résultats de cette expédition catastrophique, qui, entre autres malédictions (chaos libyen, répercussions au Sahel, développement du terrorisme) est l’une des causes de blocage russe sur la Syrie. Moscou, qui s’était abstenue sur le vote de la résolution 1973, s’est senti trahie lorsque la mission est passée de la protection de la population à un changement de régime.
Les limites de l’exercice de ce livre, c’est que N. Sarkozy prend en compte ce qu’il croit être porteur en politique intérieure (islam, identité, terrorisme), sans dégager de perspectives globales à long terme pour le rayonnement de la France. Et on peut craindre que les mesures proposées risquent de nous faire entrer dans un cercle vicieux stigmatisation/radicalisation, le remède venant aggraver le mal au lieu de le combattre.
[1] SARKOZY (Nicolas), Tout pour la France, Plon, 2016, 240 pp.
[2] Ibid., p. 17.
[3] Ibid., p 59.
[4] Ibid., p 63.
[5] Ibid., p 101.
[6] Ibid., p 182.
[7] Ibid., p 183.
[8] Ibid., p 186.
[9] Ibid., p 186.
[10] Ibid., p 137.
[11] Ibid., p149.
[12] Ibid., p192.
[13] Ibid., p 193.
[14] Ibid., p 194.
Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, répond à nos questions :– Le G20 a t-il abouti sur des accords concrets et d’intérêt public?
– L’accord sur l’évasion fiscale est-il une avancée?
– Les négociations sur la Syrie entre la Russie et les USA ont échoué. Que faut-il penser de cet échec ?
Les représentants du G20 se sont réunis à Hangzhou (Chine) les 4 et 5 septembre dernier. Retour sur un sommet qui, s’il n’influe pas réellement sur les grandes décisions mondiales, n’est pas pour autant dépourvu de toute utilité.
Beaucoup disent du G20, comme l’on pouvait l’entendre pour le G8 ou le G7, qu’il est un directoire mondial qui gouverne le monde contre l’assentiment des peuples. Pour d’autres, ces rencontres sont tout simplement inutiles. Dans les faits, le G7 et le G20 ne méritent ni cet excès d’honneur, ni cette indignité. Ils ne sont pas des directoires du monde, car l’on n’y prend pas des décisions fondamentales qui en changeraient le cours. Mais ils ne sont pas non plus inutiles car, si les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances, ces sommets ont au moins le mérite de permettre une concertation des dirigeants.
Le G20 de Hangzhou a tout d’abord permis à la Chine, pays-hôte pour la première fois, d’accueillir les autres pays et d’affirmer son rang de grande puissance mondiale qui traite l’ensemble des dossiers. C’est également en Chine que Pékin et Washington ont signé l’accord de Paris contre le réchauffement climatique. Par cette double signature, la Chine affirme son importance dans le dispositif. La ratification par les deux premiers pollueurs mondiaux est également un signal fort, bien que certains n’y voient qu’un « condominium sino-américain », qui n’existe pas dans les faits. Dans tous les cas, le G20 aura au moins permis d’avancer sur le climat.
La lutte contre les paradis fiscaux fut un autre sujet important du G20. Le dossier est en progression ; un accord a même été trouvé. Mais il semble que les chefs d’État n’ont pas pris de décisions effectives. L’étau se resserre néanmoins autour des paradis fiscaux. Si nous ne sommes pas face à un tournant de la lutte contre l’évasion fiscale, comme envisagé, les accords représentent tout de même une réelle avancée.
Concernant le dossier syrien, Barack Obama s’est félicité de de son entretien avec Vladimir Poutine. Mais d’importantes divisions sont toujours perceptibles et peu de progrès sont enregistrés sur le terrain. Les divergences entre la Russie, les Occidentaux ainsi que les pays arabes sont suffisamment importantes pour qu’un accord ne puisse être trouvé, et la population syrienne civile continue d’en payer les conséquences. Le G20 déçoit également sur la question des réfugiés. La guerre en Syrie est la principale source de flots des réfugiés. Pourtant, aucune mesure concrète n’a été annoncée. Une désillusion, alors que les pays du G20 possèdent 85 % de la richesse mondiale.
Voilà les limites de ces grands shows médiatico-stratégiques où l’on parle plus que l’on agit. Ces limites sont à l’origine de la lassitude perçue par l’opinion publique : ces grands évènements, s’ils ne sont pas inutiles, ne créent pas pour autant d’espace nouveau. Les membres du G20 sont censés incarner une communauté internationale qui n’existe pas. Les divisions et les intérêts contradictoires sont trop nombreux. Lorsqu’une question ne concerne pas un pays, comme celle des réfugiés où l’Europe est la principale concernée, on se tient à l’écart et aucune décision n’est prise.
Pascal Boniface vient de publier « L’année stratégique 2017 : analyse des enjeux internationaux », aux éditions Armand Colin.
Le sommet du G20 de Hangzhou a été marqué par un énième incident entre la Chine et les Etats-Unis, qualifié de « red carpet gate » par certains observateurs américains. Lors de l’arrivée du président Barack Obama, les hôtes chinois n’avaient pas installé de tapis rouge à la sortie d’Air Force One. Au-delà du caractère anecdotique de cet incident, il convient de nous interroger sur le regard que portent les Chinois (à la fois les dirigeants et la société civile) sur les responsables politiques américains, tandis qu’Obama effectue sa dernière visite officielle en Chine, et que le prochain président américain à fouler le sol chinois sera donc Hillary Clinton ou Donald Trump. A deux mois du scrutin qui désignera le prochain locataire de la Maison-Blanche, les Chinois semblent porter leur choix sur le milliardaire américain.
Il est notoire que les citoyens des Etats membres de l’OTAN, et en particulier ceux d’Europe occidentale, auraient élu Hilary Clinton, s’ils avaient eu la possibilité de participer à l’élection présidentielle américaine. De manière plus large, les préférences des Européens pour les candidats démocrates est assez nette depuis la fin de la Guerre froide, à l’exception de certains pays de l’ancien bloc de l’Est dont les choix peuvent occasionnellement se porter sur le candidat républicain (on pense notamment à la présidence de George W. Bush). Conséquence de ces positionnements désormais très marqués (ce qui n’était pas le cas jusque dans les années 1980), le suivi de la campagne électorale américaine est souvent parasité par des préférences qui ont pour effet de caricaturer les candidats républicains, que ce soit Trump ou d’autres, comme si l’élection américaine devait se résumer par un choix manichéen.
A l’inverse, et de manière parfois tout autant manichéenne, les Chinois ont une préférence pour les Républicains qui remonte à l’établissement d’un dialogue entre Pékin et Washington, sous la présidence Nixon. Les Démocrates sont, eux, souvent pointés du doigt comme trop sensibilisés par des questions des droits de l’homme et de la démocratie, sujets qui fâchent en Chine. A ce titre, la présidence de Bill Clinton, de 1993 à 2001, fut souvent marquée par des incidents entre les deux pays autour de ces questions sensibles. Les Républicains sont, de leur côté, plus pragmatiques sur ces sujets (ou plus cyniques), dans la continuité des positionnements d’Henry Kissinger.
Dans le contexte actuel, la présidence Obama a été marquée en Asie-Pacifique par la stratégie du pivot dont les résultats sont discutables, et surtout dont la réception est assez négative en Chine. Si le président américain bénéficie d’une côte de sympathie assez forte chez les Chinois, celle qui incarne – et revendique – le pivot, Hillary Clinton, est en revanche nettement moins appréciée. Les positions de Donald Trump, critique du pivot et opposé à la ratification par le Congrès de sa principale réalisation, le Traité transPacifique, sont à l’inverse plus appréciées des dirigeants chinois qui y voient une forme de pragmatisme, et une reconnaissance de facto de la puissance chinoise dans son environnement régional. Perçu comme peu porté sur l’ingérence en politique étrangère, le milliardaire new-yorkais est également vu comme un interlocuteur plus qu’un rival, et Pékin y voit dans le cas de sa victoire la marque d’un engagement moins marqué de Washington aux côtés de pays comme le Japon, les Philippines et le Vietnam.
Se superpose à cette différence d’approche sur les dossiers en Asie-Pacifique le profil des deux candidats, et en particulier celui de Donald Trump, dans la société civile, qui ne manque pas de s’exprimer sur ces questions dans les réseaux sociaux. Pour les Chinois, Trump est avant tout la star de la série de téléréalité The Apprentice, qui symbolise pour de nombreux chinois la réussite sociale et l’entreprenariat.. Là où Madame Clinton symbolise l’establishment et la classe politique, Donald Trump est présenté comme un self-made-man – ce qui est, bien sûr, très exagéré – et un homme d’affaire grand public, ce qui a pour effet de faire rêver de nombreux chinois. Son franc-parler est enfin apprécié en Chine, là où il est le plus souvent montré du doigt en Europe. Gageons que les attaques à répétition du tycoon contre la politique économique et financière chinoise, qui se multiplieront à l’occasion des débats présidentiels, pourraient modifier ces perceptions. Force est de constater malgré tout qu’un candidat comme Trump séduit les dirigeants chinois autant que la société civile, là où une présidence Clinton est plutôt perçue comme la continuité des deux mandats de Bill dans les années 1990, et d’une stratégie du pivot mal acceptée.