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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 2 weeks 4 days ago

La menace djihadiste

Tue, 18/10/2016 - 19:14

Entretien avec Gérard Chaliand, spécialiste des conflits irréguliers, lauréat du Prix du livre des Géopolitiques de Nantes 2016 pour “Pourquoi perd-t-on la guerre ? Un nouvel art occidental” (Odile Jacob). Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisées les 30 septembre et 1er octobre 2016 par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole :

-Le djihadisme est-il la principale menace sécuritaire ?
– Comment lutter contre la menace djihadiste ?
– Quel rôle exercent les puissances régionales dans la prolifération du terrorisme islamiste ?

António Guterres : un nouveau souffle à l’ONU ?

Tue, 18/10/2016 - 17:16

La nomination d’Antonio Guterres au poste de Secrétaire général de l’Organisation des nations unies (ONU) est une très bonne nouvelle pour l’organisation mondiale.

Antonio Guterres a fait preuve de ses capacités par le passé : comme Premier ministre du Portugal, dans un premier temps, puis en tant que Haut-commissaire aux réfugiés où, pendant dix ans, il a dû faire face, avec efficacité et courage, à de très graves crises. Il est donc aussi bien au fait des responsabilités nationales que des responsabilités internationales et multilatérales.

Mais, Antonio Guterres, homme charismatique et de caractère, se distingue surtout par son tempérament. Les Secrétaires généraux sont souvent confrontés au risque d’être étouffés par des membres permanents qui lui dictent la politique à suivre. Certes, Antonio Guterres n’est pas le président de l’ONU et n’aura pas la capacité d’ordonner aux cinq membres permanents leur mode de conduite. On peut néanmoins penser qu’il sera plus actif que son prédécesseur, Ban Ki Moon, parfois trop respectueux des convenances et surtout trop soumis aux volontés de Washington. En conséquence, bien que sa marge de manœuvre ne soit pas totale, on peut penser qu’il donnera plus d’impulsion à la fonction. D’ailleurs, les membres permanents ne pensaient pas d’emblée à lui pour exercer le poste de Secrétaire général, craignant précisément son indépendance. Son rôle est important ; il a la capacité d’initier. On a vu, par le passé, des personnalités comme Boutros Boutros-Ghali ou Kofi Annan œuvrer avec plus d’indépendance que Ban Ki-Moon vis-à-vis des autres membres permanents.

Certes, l’ONU n’empêche pas les guerres, et d’aucuns avancent qu’elle s’est davantage illustrée par ses échecs que ses succès,comme le prouve actuellement son inanité et impuissance face à la situation syrienne. Ce genre d’allégation est fondée. Il existe, en effet, des divergences entre les membres permanents qui peuvent bloquer l’ONU et l’empêcher de jouer son rôle. Mais ce n’est pas le droit de veto qui est mis en cause car, sans ce droit, les Nations unies n’existeraient pas. Il constitue donc un mal nécessaire. Si l’ONU n’empêche évidemment pas la totalité des guerres, il convient également de prendre en compte l’ensemble de son œuvre : d’une part, par ses institutions spécialisées (de l’Organisation mondiale de la santé au Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés) ; d’autre part, par son travail de prévention et de prise de contact. Car la diplomatie se veut aussi discrète dans le but d’aboutir à la conclusion d’une guerre ou empêcher son déclenchement. Les critiques à l’égard de l’ONU sont souvent excessives et son bilan doit-être considéré sous un angle plus global. L’ONU, en tant que telle, n’est pas responsable des profondes divisions de la communauté internationale. Elle n’en est pas la cause, mais le simple reflet.

L’épilogue de la guerre du Golfe, de 1990 à 1991, porta l’espoir que l’ONU retrouve son rôle initialement prévu par les rédacteurs de la charte. Mikhaïl Gorbatchev, à la tête de l’URSS à l’époque, avait accepté de lâcher son allié irakien, car ce dernier avait très lourdement violé le droit international, en envahissant le Koweït. Pour la première fois, un membre du Conseil de sécurité n’opposait pas un veto à une résolution demandant des sanctions à l’encontre de l’un de ses alliés. On avait célébré un nouvel ordre mondial. Pour la première fois, la charte de l’ONU avait été utilisée telle qu’elle avait été prévue, dans une action de sécurité collective. Les clivages et blocages avaient ensuite repris le dessus ; il n’existe plus de guerre idéologique entre les Etats-Unis et l’Union soviétique, mais des rivalités nationales. C’est sur ce point que la communauté internationale a loupé une étape, en laissant Gorbatchev quitter le pouvoir, faute d’avoir été soutenu, à la fin de la Perestroïka.

António Guterres ne fera donc pas de miracle, mais il pourra redynamiser la maison et offrir un nouveau souffle à l’ONU, qui en a bien besoin.

Antonio Guterres à l’ONU : une bonne nouvelle ?

Fri, 14/10/2016 - 17:19

Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, sur la nomination d’Antonio Guterres à la tête de l’ONU, et sur le rôle essentiel de l’organisation.

Bob Dylan, antidote pour une Amérique en manque de rêve

Fri, 14/10/2016 - 12:07

L’attribution du prix Nobel de Littérature à Bob Dylan met fin à vingt-trois ans de disette – et la récompense de Toni Morrison en 1993 – pour les écrivains américains. Si Dylan est le premier auteur-compositeur récompensé par l’académie de Stockholm, il ne s’agit pas pour autant d’une surprise. Depuis des décennies, des universitaires américains réclament cette récompense pour l’auteur de textes aux accents puissants, comme Blowin’ in the Wind, The times they are a-Changin’, Masters of War, Like a Rolling Stone, Subterranean Homesick Blues ou Hurricane. La carrière de Bob Dylan, c’est plus de 500 chansons, des dizaines d’albums, des dizaines de reprises par des artistes du monde entier… Peu d’artistes de la pop culture peuvent revendiquer un tel parcours, et s’il en fallait un reconnu à ce niveau, ce devait sans doute être lui. Récompenser Dylan, c’est rendre hommage à une nouvelle forme d’expression littéraire, et en ce sens son prix n’est ni usurpé, ni surprenant, quoi qu’en disent ses détracteurs. Mais des détracteurs, il y en a toujours, quels que soient les prix, et quels que soient les lauréats.

Plus surprenant, en revanche, est la volonté du comité Nobel de s’inviter dans la campagne présidentielle américaine. Dylan aurait pu être récompensé depuis des années, et il aurait pu également l’être dans un ou deux ans. Mais en choisissant (après un délai supplémentaire d’une semaine) de se prononcer en faveur de celui qui était présenté comme le champion de la génération beatnik (son amitié avec Allan Ginsberg en porte le témoignage) et le porte-parole de sa génération dans les années 1960 (contre son gré d’ailleurs), le comité envoie un message aux Américains qui désigneront, le 8 novembre prochain, leur prochain président. Ce message est celui d’une Amérique éprise de liberté et de justice, anticonformiste, en rébellion mais porteuse d’espoir, qui dénonce un quotidien parfois difficile et prône pour un rêve américain dénué de cynisme et de course à la croissance. Une Amérique qui dénonce la violence des armes à feu, les guerres illégitimes, la dérive des élites politiques, les inégalités sociales, les discriminations raciales, un monde des affaires déconnecté des réalités… Une Amérique que ni Hillary Clinton, ni Donald Trump, ne semblent pouvoir incarner.

Car c’est bien le manque de rêve qui, depuis des mois, caractérise cette sinistre campagne. Entre une candidate démocrate sans programme et qui peine à écarter le doute sur ses différences de vue avec Barack Obama, dont elle revendique pourtant le bilan, et un candidat républicain qui accumule mensonges et imprécisions sur fond d’insultes et de provocations, les électeurs sont désespérés. Seule la polarisation poussée à son paroxysme de la vie politique américaine maintient, pour l’un comme pour l’autre, une base électorale par défaut. Au point que de nombreux Américains ne voteront pas pour un candidat, mais contre l’autre.

Manque de rêve, perte du rêve américain. Le temps de la victoire de Barack Obama en 2008 semble loin, et si cette campagne ne passionne pas au-delà des polémiques, c’est parce que les candidats sont incapables de faire rêver. Les jeux politiques ont pris le dessus sur la capacité à rassembler les foules et à susciter l’espoir, et la sagesse s’efface derrière les coups bas, écrasée sans pouvoir combattre. « We live in a political world, wisdom is thrown in jail » (Political World, 1989).

Bob Dylan ne s’est pas contenté de critiquer l’action des politiques, il a parfois exprimé de façon prophétique les problèmes auxquels ils peuvent être confrontés. Comme ces lignes dans It’s Alright Ma (I’m only Bleeding) en 1965, quand il écrit “But even the President of the United States sometimes must have to stand naked”. Le président de l’époque est un certain Lyndon Johnson, engagé au Vietnam (auquel la chanson fait référence) et son successeur sera Richard Nixon, poussé à la démission en 1974 suite au scandale du Watergate deux ans plus tôt. Comme un appel à la révolte face à des responsables politiques qui ne tiennent pas compte de leur électorat, et moins encore des lois. Voilà un message que devraient entendre Trump et Clinton à qui Dylan pourrait chanter : « You better start swimmin’ or you’ll sink like a stone, for the time they are a changin’ ». Le comité Nobel s’en charge à sa place, comme s’il voulait rappeler que l’Amérique a été capable de produire des antidotes à ses dérives, des Bob Dylan dénonçant le Vietnam, et derrière lui des générations d’artistes engagés.

Le prix Nobel de Littérature n’apporte rien de plus à la carrière de Bob Dylan, qui n’a jamais été particulièrement avide de récompenses de toute façon, et traine sa nonchalance depuis plus de cinquante ans de succès. En revanche, qu’apporte Bob Dylan au prix Nobel de littérature ? Une petite dose de modernité, la promesse d’une ouverture à d’autres formes d’expression littéraire, et l’espoir que ce symbole rappelle aux Américains, et au reste du monde, que l’Amérique peut encore faire rêver. Cela sera-t-il suffisant, tant cette campagne pourra laisser des cicatrices ? The answer, my friend, is blowin in the wind

Thaïlande : le « pays du sourire » entre douleur et incertitude

Fri, 14/10/2016 - 11:51

Au lendemain du décès de son vénéré souverain Rama IX (Bhumibol Adulyadej), la nation thaïlandaise s’est réveillée ce vendredi matin avec des sentiments partagés, lestés principalement par la douleur d’une disparition redoutée ; mais pas seulement. Si l’émotion et le respect dû au défunt prévalent chez une majorité de sujets de l’ancien Siam, si la retenue de circonstance et la gravité du moment imposent mécaniquement, pour un temps, de repousser sine die les diverses contingences politiques ou partisanes pour se consacrer tout entier au souvenir du disparu, il n’empêche : les 67 millions de résidents du royaume peinent malgré tout en ce 14 octobre à ne pas se projeter sur le moyen-terme et, ce faisant, se retrouvent confrontés à quelques légitimes appréhensions. S’il est en cette période de deuil débutant malvenu d’en faire état – la rigide administration civilo-militaire du Premier ministre (ex-général) Prayut Chan-ocha n’en fait guère mystère… -, doute, préoccupations et projections pessimistes sont à l’esprit de tout un chacun ou presque. A commencer par la résilience de la monarchie (constitutionnelle), de son futur représentant (pour le moins sujet à controverse) ou encore des contours politico-institutionnels (plus ou moins flous) à venir à moyen terme.
Le sujet de la résilience de l’institution monarchique est peu ou prou tabou dans ce royaume bouddhiste du sud-est asiatique très pointilleux sur le sacro-saint concept de lèse-majesté. Ces dernières années, il est cependant revenu avec insistance dans les débats feutrés, au gré de la santé déclinante du monarque Bhumibol et de son retrait de plus en plus marqué, loin de ses interventions (rares mais décisives) jalonnant quand de besoin les décennies 1970, 80 et 90, pétries de crises politiques diverses et régulières et de coups d’Etat réussis (rien moins qu’une dizaine…). Une résilience d’autant plus éprouvée par la succession des soubresauts politiques (crises, mobilisations et manifestations, paralysie de l’économie, clivage profond de la société entre l’establishment et une Thaïlande d’en bas autrement plus populiste, etc.), soubresauts observés dans le royaume depuis l’entrée dans le IIIe Millénaire (deux nouveaux coups d’Etat militaire entre 2006 et 2014).

En théorie, la question de la succession du roi Bhumibol est réglée par le protocole depuis une quarantaine d’années. En 1972, le souverain consacrait son unique fils le prince Maha Vajiralongkorn (64 ans aujourd’hui) comme héritier, conformément aux dispositions de la Palace Law of Succession de 1924. Un euphémisme commode consisterait à dire que le prince héritier n’a pas précipité le traditionnellement long apprentissage des fonctions royales censées en son temps lui revenir… Entre écarts divers et variés (trois divorces, existence fréquemment tapageuse essentiellement passée à l’étranger, loin de la retenue et de l’attitude volontairement vertueuse adoptée par son père), souci très relatif pour le quotidien du royaume et de ses sujets, la réputation du futur souverain s’est forgée exclusivement ou presque sur une trame de désinvolture et de manquements, écornant durablement son image, érodant avant même son couronnement son capital d’autorité. Une « faiblesse » évidente pour l’intéressé, une carence déplorée par ses administrés ; un avantage pour d’autres.

S’il fut un temps question (en termes purement théoriques) de lui « préférer » une de ses sœurs, la princesse Sirindhorn (61 ans), 3e enfant du couple royale, à la réputation et à l’engagement pour son peuple d’un tout autre niveau, l’arbitrage final du palais royal et de l’establishment (élites urbaines, armée, milieux industriels et financiers) – mais également l’absence de jurisprudence favorable à ce choix dérogatoire du protocole – confirmèrent in fine le disputé Vajiralongkorn dans ses fonctions à venir.

Une perspective qui n’est pas sans ravir l’actuelle junte et ses puissants mentors, ces derniers préférant probablement composer demain, pour leur gouverne, autorité et intérêts personnels, avec un souverain au crédit aussi limité que ses excès passés sont décriés.
Au-delà de la dimension purement politique et institutionnelle, un paramètre comptable entre également en ligne de compte ; et il n’est pas négligeable, loin de là. En 2016, le magazine Forbes classait le souverain Bhumibol au tout premier rang des fortunes princières, fort d’un patrimoine évalué alors à 30 milliards de dollars (soit près du double, à titre de comparaison, des actifs du souverain saoudien Abdullah bin Abdul Aziz Al Saud…). Ces fonds considérables, leur gestion que l’on devine somme toute confortable, ne disparaissent pas avec le défunt monarque. Qui succède à Bhumibol sur le trône se trouve de jure en situation avantageuse pour disposer (noblement s’entend) de cette formidable manne – l’équivalent d’une fois et demi le Produit Intérieur Brut nominal de l’Afghanistan…

Il y a quelques jours encore, le Conseil National pour la Paix et l’Ordre (CNPO) – l’appellation officielle des plus parlantes de l’administration actuelle, en place depuis 2014 – du peu souriant Premier ministre Prayuth Chan-ocha renouvelait sa (bonne ?) volonté d’organiser d’ici 2017 le prochain scrutin législatif national, afin de convaincre ses administrés de son souci de redonner droit de citer à la règle démocratique (mais dans un cadre constitutionnel revisité). La période de deuil national s’étirant au niveau des instances gouvernementales sur une année entière à compter de ce jour, on peut sans grande difficulté ni prescience aucune envisager l’hypothèse d’un éventuel report de ce rendez-vous électoral, très attendu par une population très éprise de scrutin et aux appétences démocratiques fortes, infiniment moins désiré par une junte droite dans ses bottes et un establishment ayant enregistré revers électoral sur revers électoral depuis 2001.

Sur une ligne assez unanime, les observateurs du dossier thaïlandais s’accordent à penser que dans l’ancien Siam, les prochains mois et trimestres devraient être rythmés, sur un mode consensuel négocié en amont du deuil national, par un tempo épuré de contentieux politiques ou partisans majeurs ; autrement dit, une pax domestica temporaire et de circonstance. La suite immédiate de cette trêve politique, une fois la douleur passée et la patience (de certains) éprouvée, pourrait s’avérer d’une toute autre fébrilité. Il ne s’agirait alors guère de trop miser sur l’influence et le poids du nouveau roi pour peser favorablement sur les débats.

« L’attitude machiste de Donald Trump entre dans sa stratégie de sa campagne »

Fri, 14/10/2016 - 10:30

Que dit le comportement de Donald Trump sur son rapport aux femmes ?

Au fond son mépris pour les femmes et son machisme ne le distinguent pas franchement de nombreux hommes politiques. Aux États-Unis, c’est plutôt répandu. Ce qui rend sa personnalité plus abjecte vis-à-vis de certains, c’est sans doute son côté décomplexé. C’est le vrai le reflet de sa manière d’être.
Ses écarts de comportement datent d’il y a un moment. Des concours de Miss Univers dans les années 1990 à la vidéo de 2005, où il s’est presque vanté d’avoir profité de sa notoriété pour abuser de femmes. Ses provocations n’épargnent aucune femme. Ni dans son camp politique – souvenez-vous des moqueries contre son ex-rivale républicaine Carly Fiorina – ni dans sa propre famille, pour celui qui a affirmé qu’il sortirait bien avec sa fille s’il ne la connaissait pas.

Cela dit, je crois aussi que cette attitude machiste entre dans sa stratégie de sa campagne, où règne un « story telling » de la virilité, avec une puissance américaine à restaurer, selon le slogan « Make America great again ». C’est très calculé je crois, cette vulgarité, lorsqu’il affirme que les États-Unis ne doivent pas être le « pussy » de la Chine. Il privilégie un électorat masculin, blanc, patriarcal.

Comment cette rhétorique machiste se traduit-elle dans le programme de Donald Trump et des Républicains ?

À bien y regarder, le programme de Donald Trump est assez indifférent au genre. Il s’adresse tout de même aux mères, quand il propose un abattement fiscal sur la garde d’enfants. L’été dernier, le candidat républicain était allé jusqu’à envoyer un signal aux femmes, affirmant qu’elles avaient des droits. Mais aucune proposition concrète n’a suivi.

Le parti républicain, au final, va beaucoup plus loin que lui, par exemple en s’opposant au droit à l’égalité salariale des femmes. Leur programme législatif comprend des positions très dures, comme l’interdiction totale de l’avortement, donc y compris en cas de viol ou d’inceste.

Est-il pertinent de parler de vote des femmes dans la politique américaine ?

Parler du vote des femmes en général n’a pas grand sens, même si elles ont plutôt voté Démocrate (à 55 %) à l’élection présidentielle de 2012. Les minorités ou les plus diplômées, par exemple, n’iront pas voter Trump.

À l’inverse, il reste un socle électoral qui votera républicain quoiqu’il arrive. Selon les derniers sondages, ce socle représente encore 35 % des suffrages féminins. Ce sont des conservatrices attachées à d’autres sujets comme la faible régulation économique, la lutte contre l’avortement ou l’immigration. Elles viennent plutôt du Midwest, surtout en milieu rural. Ce sont des femmes moins diplômées, plus attachées aux valeurs religieuses.

Au final, la stratégie de Donald Trump fera certainement perdre encore plus de voix féminines que lors des scrutins précédents. Le registre de la provocation lui avait plutôt bien réussi jusqu’à présent. Maintenant que ça marche moins bien, saura-t-il faire autre chose ?

Propos recueillis par Jean-Baptiste François

La santé : Un enjeu mondial, stratégique et diplomatique

Thu, 13/10/2016 - 11:29

Dominique Kerouedan est médecin spécialiste des politiques internationales de santé, fondatrice de la spécialisation en santé mondiale de l’Ecole des affaires internationales de Paris (PSIA/Sciences Po). Elle répond à nos questions à propos de l’ouvrage “Santé mondiale : enjeu stratégique, jeux diplomatiques” (Presses de Sciences Po) qu’elle a co-dirigé avec Joseph Brunet-Jailly :
– En quoi la santé mondiale est-elle un enjeu géopolitique et stratégique ? Pourquoi l’accès à la santé doit-il être la priorité de la communauté internationale ?
– En quoi les violences extrêmes ont un impact plus conséquent sur la santé que n’importe quelle épidémie ?
– Vous évoquez dans l’ouvrage l’intervention discriminante des bailleurs dans la santé.Comment interpréter cette discrimination ?
– Vous évoquez la concentration de l’organisation de l’aide en santé à New-York et Genève.Pourquoi est-il nécessaire de réarticuler les différents niveaux de décision en matière de santé?

« Dr. Saoud et Mr. Djihad » – 3 questions à Pierre Conesa

Thu, 13/10/2016 - 11:09

Pierre Conesa, agrégé d’Histoire, est enseignant à Sciences Po. Il répond à mes questions à l’occasion de son ouvrage : « Dr. Saoud et Mr. Djihad : la diplomatie religieuse de l’Arabie Saoudite », paru aux éditions Robert Laffont et préfacé par Hubert Védrine.

Pourquoi décrivez-vous l’Arabie Saoudite comme une entreprise idéologique qui tient du soft power américain dans la structure, mais serait soviétique dans la méthode ?

J’ai été frappé, en étudiant la diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite, de la mise en place d’un système d’influence (un soft power) très efficace, illustré notamment par la propagation réussie du salafisme. La comparaison avec les grands systèmes de soft power connus s’est imposée rapidement : la politique publique de diffusion du wahhabisme est affichée dès la constitution du régime (certaines ambassades incluent un conseiller aux affaires religieuses en contradiction avec la convention de Vienne) ; elle est appuyée par de multiples et richissimes fondations privées, d’ONG à vocation humanitaire ou éducatives… C’est un système « multicouches » qui associe privé et public comme dans le système américain. D’un autre côté, il y a un bras armé très tôt mis en place, la Ligue Islamique mondiale (LIM), qui agit en interaction complète avec les ambassades. La politique de formation de cadres religieux dans l‘université islamique de Médine, qui n’est pas sans rappeler la célèbre Université Lumumba de Moscou, a porté ses résultats dans nombre de pays notamment d’Afrique francophone.  Enfin, la diffusion d’une idéologie totalitaire inoxydable : le salafisme. Le résultat est impressionnant : entre 25 et 30 000 diplômés en une trentaine d’années, dont bon nombre ont pris la tête de structures représentatives des musulmans dans différents pays ; et un budget de 8 milliards de dollars !

Le plus grands succès de ce soft power est probablement d’avoir su rester discret, « au-dessous des radars », au point qu’il n’existe aucune étude sur l’action de la LIM y compris au Quai d’Orsay.

Comment expliquer que la diplomatie occidentale considère l’Arabie Saoudite comme un pays « modéré » ?

Il y a plusieurs explications historiques, qui aujourd’hui devraient être totalement réexaminées :

D’abord, l’Arabie saoudite a combattu le Nassérisme à une époque où les chancelleries occidentales regardaient le nationalisme arabe comme un allié objectif de l’URSS. La diplomatie religieuse de Riyad s’est d’abord structurée en opposition à celle de Nasser, puisque le Royaume accueille les Frères Musulmans persécutés par le Rais. En face du panarabisme, la monarchie promeut le panislamisme ; pour contrer la Ligue arabe, elle crée la Ligue Islamique mondiale ; et pour rivaliser avec l’Université Al Azhar, elle crée celle de Médine qui, grâce à son offre de bourses, attire tous les étudiants du Tiers monde.

Ensuite, lors de l’invasion soviétique en Afghanistan, le royaume devient le relais de la diplomatie américaine pour soutenir les moudjahidines. Le postulat stratégique occidental de la guerre froide est simple : « les ennemis de nos ennemis sont nos amis ». En fait, dès cette date, Riyad mène déjà sa propre action consistant pour l’essentiel à implanter des madrasas wahhabites au Pakistan, dont il sortira les talibans (étudiants en religion).

Le royaume semble aussi faire barrage à l’islam révolutionnaire de Khomeiny, et son argent paiera en partie les armes fournies à Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran.

Enfin, les industries énergétiques, aéronautiques, militaires, de luxe et BTP sont là pour rappeler aux gouvernants occidentaux l’eldorado qu’est l’Arabie, aspect qui surpasse les questions de droit de l’homme. On remarquera que notre premier ministre souhaite rencontrer des dissidents quand il va en Chine, mais jamais quand il se rend à Riyad. Est-ce parce qu’ils sont tous décapités ? Ou qu’ils vivent à l’étranger ? Ou peut-être parce que les dissidents vivant dans le pays sont encore plus radicaux que le régime et ne souhaiteraient pas du tout rencontrer le chef d’un gouvernement « mécréant » ?

Riyad n’a-t-elle pas créé un monstre qui s’attaque à elle ?

Oui, Riyad est aujourd’hui cernée par les problèmes que sa diplomatie religieuse a suscités :

La rupture avec les Frères musulmans date de la guerre du Golfe, au cours de laquelle les dirigeants de la confrérie soutiennent S. Hussein et rejettent l’arrivée des armées occidentales. Or, les révolutions arabes ont fait sortir des urnes presque partout des équipes fréristes. Riyad préfère aujourd’hui le maréchal Sissi au président égyptien élu Morsi.

La réintégration de l’Iran, depuis la signature de l’accord sur le nucléaire signé à Vienne en juillet 2015, affaiblit la relation de l’Arabie avec Washington. Or l’action anti-chiite est une constante de sa diplomatie religieuse sur la planète entière.

Enfin, et surtout, parce que les radicaux issus du système éducatif saoudien en arrivent à contester la légitimité des Saoud. Déjà, Ben Laden avait critiqué l’appel aux Occidentaux en 1991 et la rupture s’était traduite par une vague d’attentats dans le Royaume. Mais Daech est aujourd’hui une menace bien plus grave. L’Etat islamique a réussi à marginaliser Al-Qaida, à se présenter comme le défenseur des sunnites opprimés par les pouvoirs chiites de Bagdad et de Damas et à symboliser l’Oumma et le seul véritable régime islamique. La proclamation du Califat, commandeur des Croyants, « horizon mythologique » de nombre de musulmans, vient rappeler que les Saoud n’ont aucune légitimité religieuse à diriger l’Oumma et à gérer les lieux saints. Riyad, qui redoute les effets de la guerre contre Daech, s’est donc lancée dans une compétition anti-chiite avec ce dernier, en abandonnant sa lutte contre lui et en attaquant le Yémen. Une fois de plus, ce sont les « mécréants » qui viennent sauver la dynastie puisqu’aujourd’hui seules les forces occidentales (dix pays de l’OTAN et l’Australie) bombardent Daech.

Brexit : Quel divorce pour le Royaume-Uni ?

Thu, 13/10/2016 - 10:09

Selon Theresa May, la procédure de divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sera lancée avant fin mars 2017. Vers quel Brexit nous dirigeons-nous ?

Lors de la conférence des conservateurs britanniques, Theresa May a annoncé l’activation de l’article 50 du Traité de Lisbonne, désormais prévue avant fin mars. On peut espérer de cette annonce qu’elle déplace la discussion de la forme et du calendrier vers le débat de fond et d’idées. Pour l’instant, le gouvernement britannique ne semble pas prêt à entrer dans le vif du sujet, à esquisser les conditions du divorce ou les modalités précises de la relation entre Londres et le continent. Il fait face en effet à une contradiction majeure : l’accès au marché unique ou le contrôle de l’immigration. Le gouvernement britannique se retrouve dans la position pour le moins paradoxale de faire l’apologie du libre-échange d’une part, et de la sortie du marché unique de l’autre.

L’équation sera difficile. Encore faut-il que les conservateurs la reconnaissent et s’attèlent à sa résolution. Si l’on se tient aux propos de Theresa May la semaine passée, ils ont pour l’heure choisi le déni. A leur tête, une Première ministre qui estime pouvoir négocier un Brexit sans être confrontée à cette alternative, comme elle l’a formulé lors de la conférence des conservateurs.

Mais l’Union européenne ne l’entend pas de cette façon et ses poids lourds politiques l’ont fait savoir. Angela Merkel estime que les deux libertés sont indissociables. François Hollande, pour sa part, affirme que le Royaume-Uni, « ne bénéficiera pas d’un accès au marché unique si les principes de libre circulation ne sont pas respectés ». Jean-Claude Junker, précise que la Commission n’entamera aucune négociation tant que l’activation de l’article 50 ne lui aura pas été notifiée. Quant à Donald Tusk, il fait preuve de fermeté en déclarant que les 27 Etats membres seront en mesure de faire valoir leurs intérêts. Ces réactions sont logiques : ces principes sont inscrits dans les traités, et les Etats membres ne peuvent négocier un accord à la carte sans remettre en cause les principes qui sous-tendent le fonctionnement de l’Union.

Dans les deux camps, on peut s’attendre à une inflation dans la fermeté des déclarations au cours des prochains mois, chaque partie mettant en avant ses lignes rouges. Mais je pense que sur ce point précis au moins le Royaume-Uni sous-estime la détermination des dirigeants européens à défendre quatre libertés fondamentales de l’UE. Les dirigeants britanniques devront, un jour ou l’autre, admettre qu’ils ne pourront tenir les promesses faites durant la campagne en faveur du Brexit.

Ce divorce avec l’Union européenne pourrait-il créer des ruptures au sein du Royaume-Uni, entre notamment les supporters et les opposants au Brexit au sein du gouvernement, du parlement et au sein même du Parti conservateur ?

Je poserais la question inverse : les Britanniques seront-ils en mesure du surmonter les divisons qui minent le pays pour aboutir à une position consolidée, condition sine qua non à la négociation de la procédure de divorce ? Avant d’aborder les questions de fond avec l’Union européenne, il faut tout d’abord que Theresa May se mette d’accord avec elle-même : il ne faut pas oublier qu’elle avait fait campagne (du bout des lèvres certes) contre un Brexit qu’elle doit aujourd’hui mener. Pour ce faire, elle tente aujourd’hui de transformer en consensus national un référendum qui a fracturé le pays, et où 48% des Britanniques se sont prononcés contre le Brexit.

De même, les conservateurs ont cherché à présenter un front uni la semaine passée, alors que les divisions latentes ressurgiront au cours des prochains mois entre les eurosceptiques traditionnels et les défenseurs des intérêts économiques et financiers de la City, favorables au maintien dans le marché unique. Le cabinet britannique doit également se mettre d’accord avec lui-même, puisqu’il est écartelé entre les trois mousquetaires du Brexit (Boris Johson, David Davies, Liam Fox), et le Chancelier de l’Echiquier, qui cherchera à préserver les intérêts de la City. Reste encore Westminster, où le Parlement est divisé sur la question, et les autres instances législatives du pays, comme le Parlement d’Ecosse, vent debout contre une décision qu’ils estiment imposée par Londres. Enfin, la société civile britannique reste meurtrie et profondément divisée sur la question. Ainsi, malgré la volonté des conservateurs de faire du Brexit un consensus national, de profondes divisions et incompréhensions demeurent dans un Royaume-Uni coupé en deux.

Ce divorce pourrait-il en engendrer un autre avec l’Ecosse et l’Irlande du Nord ?

Aujourd’hui, il est impossible de se prononcer sur la question sans savoir de quoi le futur sera fait. Les réactions de l’Ecosse et de l’Irlande du Nord dépendront de la situation du Royaume-Uni au printemps 2017, puis des conditions de sortie qui seront négociées d’ici 2019. A mon sens, tout ne sera pas réglé d’ici là. L’Ecosse et l’Irlande du Nord ne peuvent se positionner tant que l’on ne connait rien des modalités des relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni.

Comment l’Union européenne gère-t-elle la question ?

L’UE n’a pas non plus établi de modalités précises quant au Brexit. A bon droit, dans la mesure où elle ne peut entamer de négociations tant que l’article 50 n’a pas été activé, car des discussions informelles entre des représentants britanniques et de différents pays européens ne seraient pas en mesure de prendre en compte l’intérêt des citoyens européens.

Alors que la perspective d’un lancement de la procédure de divorce approche, une équipe de négociation se met progressivement en place autour de Michel Barnier. Le négociateur en chef de la Commission européenne se rendra dans les capitales des Etats membres dans l’optique de sonder les 27.

En attendant, les deux parties adopteront sans doute des postures fermes sur la scène publique. Cela fait partie de la tactique politique qui permet à la diplomatie d’un Etat d’obtenir une plus grande marge de manœuvre dans les négociations.

Humanitarian Assistance in the Information Economy: The Role of Information Management

Wed, 12/10/2016 - 10:01

Improving humanitarian information management is at the heart of next week’s conference “GeONG 2016 -Impact of humanitarian IM: Lessons from the past, shaping the future”. The conference takes place in Chambery from 17th to 19th of October. Find out more about the agenda and secure your tickets here: http://cartong.org/geong/2016/agenda

Few specialisations within humanitarian assistance have undergone as dramatic a change as Information Management (IM) over the past ten years. In 2006 CartONG was founded with the goal to improve how data is collected, analysed and displayed so that stakeholders have better information when making critical decisions in humanitarian emergencies.

What seems obvious today, took a lot of convincing at the beginning: many programme staff and decision makers did not see why dedicated information officers (IMO) should be added to rapid response teams – after all, programme staff and reporting officers had been counting tents and estimating population size for decades. Why change?

Three things have been the primary drivers behind establishing information management as a core support function since then:

– Increased expectations regarding transparency and accountability have shown that data quality was often not good enough. In addition, data sets were frequently not compatible with each other. Professional information managers were able to standardize data, collect them with better quality and satisfy donors’ demands for more frequent updates.
– Like all other professions, humanitarian aid has become far more digital over the past ten years. The number of digital tools and sensors has increased massively, resulting in amounts of data that required dedicated staff to sift through and interpret. It is simply no longer possible for someone to do this in addition to their regular job.
– The visualization tools have gotten much better: having timely and accurate data is of little value when the analysis cannot be easily interpreted by stakeholders. Where (offline) excel sheets and occasional pie charts were the state of the art, today’s decision makers can expect visual representations of data that are updated as soon as new data is uploaded and that are available to anyone with an internet connection.

THE POWER OF THE MAP

The most powerful of these visualizations tools is the modern, digitally created map. More often than not, this map is built on information that is available for free and enhanced by data that has been collected on the ground or by drones or satellites from above. In some cases the map is further augmented by volunteers who are contributing their time and expertise. IMOs – and more specifically Geographic Information Systems (GIS) Officers – help to bring it all together.

Ten years ago most humanitarians – apart from logisticians – still needed to be convinced that putting things on a map would be helpful to their work; that the ability to visualize places, infrastructure, distribution points or other operational data with a spatial context would make it easier to take take decisions, communicate and coordinate activities. A map, just like a picture, can say more than a thousand words. While this had already been impressively demonstrated 150 years ago when the English Physician John Snow used a map to identify the cause of cholera, in the humanitarian sector even epidemiologists have been slow to embrace GIS.

Part of this reluctance was due to inadequate tools. Even just a few years ago, a GIS officer had to dig deep to patch spotty basic maps together, often scanning outdated maps since GPS devices and the knowledge on how to operate them were scarce. This occasionally included interpreting pictures taken from a mountain or top of car, or, if you were very lucky, from a helicopter. Mapping drones were still years in the future in 2006 and aerial photographs and satellite images were rare and expensive.

GAME CHANGERS

Google and OpenStreetMap (OSM) changed that. When Google released Google Maps and Google Earth in 2005, the company made satellite imagery and GIS tools accessible to everyone. What had been expensive and complicated was suddenly ubiquitous and so easy that people used it to map their favourite bars and plot the route to their next holiday destinations.

Almost immediately aid workers realized that the same tools could help them at work, pinpointing locations they needed to visit and assess or where they needed to build or distribute something. Just as has been predicted by futurists like Daniel Burrus, the use of GIS rose as the technology became more user friendly. Others, like Tim Bowdon went so far as proclaiming the end of the GIS professional, believing that the user friendly tools would shortly make GIS staff obsolete

Of course, today we know that reports of the death of the GIS officer have been greatly exaggerated. While many of the basic tasks that used to require specialist knowledge can now be performed by almost anyone, it still requires trained experts to develop and maintain the tools and the data behind them.

OpenStreetMap (the “wikipedia of maps”), which was a project that started in 2004, is probably the best example that illustrates this point: on OSM, users are in full control; they collect, edit, comment and decide which datasets are published. However, this is only possible because IMs and GIS officers meticulously developed – and continue to develop – tools that are so user friendly that “amateurs” can enter data with little risk of making mistakes. Similarly, below the surface, experts define the dataset and the rules according to which data is saved, changed and harmonised.

As a result, today, OSM is the most detailed and reliable map available in many parts of the world. Within this open ecosystem, groups like the Missing Maps Project and the Humanitarian OpenStreetMap Team are organizing local “Mapathons” during which they inspire digital volunteers to map regions of the world that are poorly represented on the map, particularly those that are vulnerable to natural disasters or other humanitarian crises.

This is a stark difference to Google that looks at mapping from a command-and-control approach. The company relies almost exclusively on commercial data providers for their mapping products. While users can send in suggestions, they have very little influence over the official data that is shown publicly. This reliance on commercial providers ensures a comparatively high quality of the data, but because it is proprietary, GIS officers cannot extract and re-use it for their own information products. Google deserves a lot of credit for opening the door to GIS for the masses with Google Earth and Google Maps. Yet, today, community based tools such as OSM are more relevant for humanitarians.

CHANGES IN THE FIELD

What do these innovations mean for a GIS officer in the field today?

She no longer needs to convince people that maps are useful and she is able to produce simple, printable maps far quicker and with far less effort than in the past: Within 24 hours she can put together a fairly comprehensive, basic map for most regions of the world – not completely error free, but good enough to be of use before the first data collected in the field comes in. For the most part, this data will be uploaded remotely by smartphones or drawn by the field staff directly within the Google Earth application itself. Occasionally, she will still receive data from stand-alone GPS devices. Within a few days, this fresh data will allow her to edit and improve the first maps and include relevant information that field staff and sector specialists need, such as: Which bridges are damaged? Where will water collect when it rains? What is the slope of the terrain? How many people live in this community?

CHALLENGES

What are the main challenges that an IM and specifically a GIS has to deal with today?

Given the many new tools and data sources as well as the ability to access them from almost anywhere in the world, the demands placed on IM and GIS officers have changed substantially:

Herself not being able to know each and every tool by heart, she is expected to advise what tools to use, to collect, analyze and visualize the data. This is difficult, unless she has a peer group or a supporting organisation that is regularly comparing the different tools that are on the market. Knowing that the technology can change quickly, she needs to understand that a well through procedure to collect or verify data might be more important than a specific tool.

She needs to try to ensure that her work has a lasting impact. This means she needs to identify and work with the different data silos that need to be connected to allow a holistic view of a given situation in a humanitarian crisis. She needs to communicate with the users of her data products as well as with all partners. In larger crisis, she might even be expected to take on a coordinating role to ensure that the data coming in through collaborations with other partners is consistent, follows agreed standards and can be easily turned into information.

She also better have a sense of humour when she is once again asked to fix someone else’s Excel problems or is mistaken for a reporting officer.

In the commercial world, these diverse skillsets are collected in business intelligence units where whole teams of people work on these issues to find out whether shelves in a supermarket need to be stocked differently, or when gadgets needs to be ordered in China to ensure they arrive in time for Christmas. Humanitarian Information Managers on the other hand are frequently alone in the field and need to document and predict the needs for life saving assistance.

Over the last ten years, decision makers in the humanitarian sector have embraced the fact that information is available at their fingertips. This is progress since it has helped to professionalise humanitarian aid and has also increased transparency and accountability.

Following acceptance of the role of humanitarian information managers, we now need to resource the function properly. This means in-house capacity building as well as either hiring more staff or entering into partnerships that can provide surge staff when needed. Organisations that neglect these investments will find that they don’t have information, they just have data. But data without structure is meaningless and organizations that base their operational decisions on bad information will not be able to survive in the long term. After all, one thing has not changed in the last ten years: if you put garbage in, you get garbage out.

Histoire : Des visions divergentes ?

Mon, 10/10/2016 - 18:06

François Reynaert est journaliste à L’Obs. Il répond à nos questions à propos de son ouvrage « La grande Histoire du Monde » qui vient de paraître aux éditions Fayard :– Avons-nous une vision autocentrée de l’Histoire du monde ?
– En quoi consiste la “Global History” ?
– Des visions divergentes de l’Histoire selon les pays peuvent-elles être problématiques ?

Elections au Maroc : quels défis attendent le PJD ?

Mon, 10/10/2016 - 14:42

Les législatives marocaines ont été remportées, samedi 8 octobre, par le Parti de la justice et du développement (PJD). Quelles seront les prérogatives et à quels défis devra faire face le nouveau gouvernement ?

Les prérogatives seront celles prévues par la constitution. Le roi devra reconduire, ou non, l’actuel Premier ministre Abdelilah Benkirane (PJD) qui sera chargé de la formation d’un nouveau gouvernement. Le premier enjeu du PJD sera de constituer une majorité parlementaire, car bien qu’arrivés en tête, les islamo-conservateurs, avec 125 sièges, n’ont pas la majorité absolue. Ils seront ainsi contraints, comme lors de la précédente magistrature, de sceller des alliances avec les autres partis. Des tractations sont en cours.
Les défis du Maroc restent inchangés. La jeunesse, notamment celle diplômée, vit une terrible crise sociale. Elle manque de débouchés dans un marché du travail inadéquat aux formations et aux enseignements dispensés dans les écoles marocaines. Le nouveau gouvernement devra proposer du travail à toute cette jeunesse en déshérence.

Le PJD est un parti islamo-conservateur. Quelles sont les raisons de son succès ? Celui-ci repose-t-il sur le positionnement religieux du parti ?

Le PJD, très bien implanté au Maroc, progresse. Il est constitué de militants organisés, disciplinés et convaincus. Le parti est présent dans tout le Royaume et laboure le terrain depuis des années. Il y exerce un important travail de proximité pour améliorer son image, parfois diabolisée par ses adversaires. Ainsi, les réseaux des islamo-conservateurs ont eu un impact conséquent sur leur victoire aux législatives. Le parti est très populaire, notamment dans les grandes villes et il a réussi à élargir sa base électorale à la classe moyenne des centres urbains, autrefois acquise à des partis plus conventionnels, de centre-gauche ou de centre-droit.
Le Maroc dont 95% à 97% des habitants sont musulmans, est un pays conservateur. La question de la religion a une place importante. Aux législatives, le PAM (Parti authenticité et modernité), proche du pouvoir (fondé par un ancien conseiller du roi) reste très présent dans les campagnes et les zones rurales, où les habitants sont viscéralement attachés à la monarchie. C’est plutôt ce parti qui incarne la tradition, car si le PJD est conservateur au niveau des mœurs, il l’est beaucoup moins sur les questions politiques. Le vote PJD est donc plus motivé par des questions de mœurs que par des questions de traditions qu’incarne son adversaire du PAM.

Le Maroc semble avoir l’économie la plus stable de la région. Quels sont ses atouts ? Concourent-ils à faire du Maroc un interlocuteur privilégié sur la scène régionale et internationale ?

Les sous-sols marocains ne regorgent pas des richesses que contiennent les sous-sols algériens. Le Maroc est cependant compétent dans plusieurs domaines : l’agriculture, l’exportation de phosphate et le tourisme. Cette année, les exportations agricoles, premier atout du pays, risquent d’être revues à la baisse, en raison du manque de pluie. Mais l’économie du pays restera stable, car s’il ne dispose pas d’un coffre-fort aussi conséquent que l’Algérie, les ressources économiques du Maroc sont multiples et diversifiées. Aujourd’hui, le pays s’affirme comme un expert africain dans le domaine bancaire et des technologies. Depuis cinq ans, ses stratégies sont tournées vers l’Afrique, où il a décidé d’implanter ses entreprises.
Aussi, le Maroc tisse, depuis longtemps, des liens privilégiés avec l’Occident, et ce, bien avant la seconde guerre mondiale. N’oublions pas que le pays est l’un des plus vieux Etats du monde, l’un des premiers à avoir reconnu l’indépendance des Etats-Unis. Cette profondeur historique lui donne une place particulière sur le continent africain et sur le monde arabe.
Sur la scène régionale, le Maroc joue une partition singulière de par ses relations avec l’Occident et par sa stabilité au sein d’une région troublée. Son rôle est cependant englué par ses mauvaises relations avec l’Algérie qui nuisent au développement de la région et empêchent la constitution d’un ensemble régional.

Référendum : « La Catalogne fait un saut dans un vide inconstitutionnel »

Fri, 07/10/2016 - 17:46

La défiance entre Madrid et Barcelone semble aujourd’hui à son apogée. Cette tension, entre l’Etat et une région indépendantiste constitue-t-elle un fait inédit en Espagne ?

Non. Au XIXe siècle, l’Espagne était déjà émaillée de conflits opposant le Pays basque et la Catalogne à Madrid, puis pendant la République espagnole et la guerre civile. Le rétablissement de la démocratie, après la mort de Franco, ainsi que la nouvelle Constitution, laissaient penser qu’un équilibre avait été trouvé, ce n’est pas le cas. Depuis quelques années, des tentatives de réajustement ont été effectuées, notamment par la rédaction d’un nouveau statut d’autonomie pour la Catalogne. Celle-ci n’a cependant pas été achevée. Le Parti populaire (PP) est parvenu à bloquer le processus d’élaboration d’un nouveau statut d’autonomie, en saisissant le tribunal constitutionnel. Aujourd’hui, le dialogue a tourné à l’autisme, et Madrid, depuis l’arrivée du PP au pouvoir, refuse tout dialogue avec les autorités de Barcelone.
En conséquent, les partis de Barcelone initialement autonomistes, sont devenus indépendantistes.

Par le passé, d’autres régions comme le Pays basque ont connu des revendications indépendantistes. Ces revendications ont-elles permis d’aboutir à la création d’un nouveau statut pour ces régions ?

Il y a une dizaine d’années, l’exécutif du Pays basque alors présidé par M. Ibarretxe, avait tenté d’effectuer un référendum pour l’indépendance, mais l’initiative a été bloquée par la cour constitutionnelle. Suite à cet échec, la cote de popularité des partis indépendantistes a baissé au profit du PP et du PSOE. Après une période de crise, le parti nationaliste basque revenu au pouvoir a opté pour un discours plus modéré. Il considère la démarche indépendantiste comme obsolète et revendique désormais un élargissement de son statut d’autonomie. Ce qui devrait lui permettre d’avoir plus facilement accès aux institutions européennes. Ce discours s’est avéré payant. Aujourd’hui, le parti nationaliste a retrouvé sa vitalité électorale.

Le Parlement catalan s’est prononcé, jeudi 6 octobre, pour la tenue d’un référendum d’ici septembre 2017. Que peut espérer le gouvernement catalan, deux ans après le vote -non reconnu – sur l’indépendance de 2014, à travers ce nouveau référendum ?

Les autorités barcelonaises sont en train d’opérer une fuite en avant institutionnelle. Les partis nationalistes ont conscience que ce genre d’initiative est contraire à la Constitution. Le tribunal constitutionnel a d’ailleurs déjà sanctionné la décision prise par le Parlement catalan le 29 juillet dernier, d’accepter la procédure d’organisation d’un référendum d’indépendance. Le tribunal constitutionnel menace aujourd’hui la présidente du Parlement catalan de poursuites pour violation de la Constitution. Les juges suprêmes ont également menacé de poursuivre d’autres responsables de Catalogne s’ils continuaient dans cette voie.
En conséquent, il est difficile d’imaginer comment ce référendum pourrait être organisé dans la légalité. Jusqu’à présent, le gouvernement catalan cherchait à négocier, à l’instar des Ecossais avec Londres, la possibilité d’organiser une consultation avec l’accord des autorités de Madrid. Les conditions actuelles et l’absence de gouvernement à Madrid, rendent cependant l’option inenvisageable. En l’absence de réponse du gouvernement espagnol, qui s’explique aussi par la crise politique, les Catalans ont décidé d’effectuer un saut dans le vide, tout en sachant que ce saut est inconstitutionnel et qu’il ne sera pas reconnu par les autorités judiciaires espagnoles. Barcelone a donc pris la responsabilité d’un conflit avec Madrid.

Le Parti des socialistes de Catalogne (PSC) propose quant à lui la solution d’une Espagne plurinationale. Cette solution pourrait-elle constituer une troisième voie susceptible de mettre d’accord Madrid et Barcelone ?

Par cette proposition, le Parti socialiste de Catalogne a pris le risque d’affronter son frère, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). La direction du PSOE s’est opposée à cette proposition. Si le PSOE défend une solution de fédéralisation de l’Espagne, la proposition des socialistes catalans va beaucoup plus loin. Elle souhaite que l’Espagne soit reconnue comme un Etat plurinational et que la Catalogne, au même titre que d’autres régions, soit considérée comme une nation. Cette proposition a été soumise au Parlement catalan. Elle a été rejetée. Elle aurait être acceptée il y a une dizaine d’années car les indépendantistes d’aujourd’hui ne l’étaient pas hier. Ils étaient plus ouverts à un compromis. Madrid n’a pas voulu. La proposition arrive donc trop tard.

Portrait d’un monde en crise – Présentation de l’Atlas des crises et des conflits

Thu, 06/10/2016 - 14:50

Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, présente dans cette vidéo son ouvrage « Atlas des crises et des conflits » (Armand Colin/Fayard, 2016) co-écrit avec Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères.

L’OPEP n’est pas morte, elle se transforme !

Thu, 06/10/2016 - 14:38

Dans quel contexte du marché des hydrocarbures survient cette annonce des pays de l’OPEP ?

La déclaration d’Alger a surpris de nombreux analystes qui estimaient que les conditions politiques n’étaient pas réunies pour trouver un accord entre les deux principales puissances régionales et pays producteurs de l’Organisation (Arabie Saoudite et Iran). Cette annonce est donc historique à plus d’un titre puisqu’elle intervient après les réunions de novembre 2014, décembre 2015 et avril 2016, qui ont vu successivement l’OPEP ne pas intervenir dans un contexte d’effondrement des cours, inonder les marchés pétroliers pour finalement échouer à trouver un compromis sur les marchés. Ainsi, après une « politique de la vanne ouverte » initiée en 2015, l’OPEP cherche désormais à reprendre le marché en main avec une décision de diminution de production, une première depuis près de 8 ans !
Les facteurs qui ont poussé les producteurs à retrouver les bases d’un accord jugé impossible en avril dernier sont nombreux et ne relèvent pas des derniers développements enregistrés sur les prix qui se révèlent par ailleurs très volatils. En effet, la séquence d’effondrement des cours du brut (une baisse de près de 70 % entre juin 2014 et décembre 2015) s’est interrompue début 2016 à moins de 30 dollars le baril et les prix oscillent désormais dans une fourchette comprise entre 40 et 50 dollars le baril. Le pré-accord trouvé à Alger peut en partie s’expliquer par les incertitudes de la production des pays non-OPEP pour les mois à venir. Ainsi, lors de son allocution du 28 septembre dernier, le ministre de l’Energie et de l’Industrie du Qatar et président de la conférence de l’OPEP à Alger -HE Dr. Mohammed Bin Saleh Al-Sada- a insisté sur le fait que l’Organisation avait révisé à la baisse la réduction anticipée de la production non-OPEP en 2016 (de 760 000 barils prévue initialement, la baisse pourrait n’atteindre que 600 000 barils), mais également pour 2017. Pour l’année prochaine, l’Organisation anticipait une réduction de 100 000 barils de la production non-OPEP alors qu’elle prévoit désormais une hausse de 200 000 barils. Dans un contexte où la demande mondiale de pétrole devrait progresser d’environ 1,3 % l’année prochaine, l’OPEP se devait dès lors d’envoyer un signal au marché.
En août 2016, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’OPEP a ainsi produit 33,47 mbj, soit un niveau record notamment pour de nombreux pays producteurs au Moyen-Orient. Le Koweït et les Emirats Arabes Unis ont pompé à des niveaux sans précédent ; l’Arabie Saoudite s’est rapprochée de son record de production et l’Iran a produit près de 3,64 mbj, contre 2,8 mbj en décembre 2015.
Au final, en août 2016, la production totale de l’Organisation était supérieure de près de 930 000 barils à celle de 2015. La réduction annoncée de 2 % devrait retirer plus de 700 000 barils du marché, un chiffre inférieur à l’augmentation de production observée depuis près d’un an au sein du cartel. Si la déclaration d’intention se transforme en accord en novembre prochain, il pourrait ainsi contribuer à un rééquilibrage du marché en 2017.

Pourquoi cette décision aujourd’hui et quel sera son impact ?

Les pays producteurs souffrent dans leur grande majorité et à des degrés divers de l’effondrement des prix du pétrole. Le département américain à l’énergie (DOE) a ainsi estimé que les revenus d’exportations de pétrole des principaux membres avaient atteint 404 milliards de dollars en 2015, contre plus de 750 milliards en 2014, soit une chute d’environ
46 %. La chute des prix du pétrole a ainsi conduit au niveau de revenu le plus faible depuis 2004 pour les pays de l’OPEP. Les premières estimations pour l’année 2016 laissent envisager une nouvelle baisse des recettes d’environ 15 %. Ces chiffres expliquent les difficultés économiques de certains pays membres, qui ont enregistré un ralentissement marqué de leur croissance (voire une entrée en récession) dès 2015. La situation du Venezuela, qui combine une crise politique et une crise économique (PIB en chute de 6 %, inflation à plus de 150 % en 2015), parait difficilement soutenable tout comme les situations observées au Nigeria, en Libye ou en Angola, particulièrement difficiles. Dans ce contexte, il ne faut pas s’attendre à un changement radical de la conjoncture économique des 14 pays membres de l’OPEP. Pour nombre d’entre eux, les difficultés rencontrées sont d’ordre structurel (diversification limitée, concentration de la rente, crise sociale…).
Toutefois, la promesse d’un accord pourrait donner un peu d’air à certaines économies de l’Organisation qui conjuguent une crise économique et politique. Les marchés pétroliers ont ainsi accueilli favorablement cet accord avec une hausse du prix du pétrole brut Brent de plus de 3,5 % à Londres, à environ 48 dollars le baril et de plus de 5 % à New-York pour le WTI. Toutefois, les effets à moyen terme sur les prix restent suspendus à de nombreux facteurs. Le premier, capital, reste la capacité de l’OPEP à transformer l’essai d’une déclaration de principes à un véritable accord de production, assorti d’une réduction des quotas des différents pays membres. Sur ce premier point, il faudra notamment observer le combat à distance que risquent de se livrer l’Arabie Saoudite et l’Iran. Historiquement, l’hétérogénéité économique, politique et sociale des membres du cartel rend difficiles les accords à long terme sur le marché. Et le contexte actuel est inédit puisque l’OPEP doit gérer le retour marqué de l’Iran sur la scène internationale, le potentiel de développement considérable de l’Irak sur les marchés pétroliers et la quasi-faillite de l’un de ses membres fondateurs (le Venezuela). Les contours de l’accord restent flous et le cartel devra dépasser la seule stratégie de l’effet d’annonce s’il veut entretenir un effet durable sur les prix.
Le second facteur interroge les transformations structurelles du marché pétrolier. En effet, la simple déclaration d’intention n’aura de conséquences, sur le marché, à moyen terme, que si d’autres pays producteurs de pétrole non-membres du cartel s’associent à cette nouvelle politique. On pense bien évidemment à la Russie, qui par le passé, a souvent joué le rôle de passager clandestin des politiques de l’OPEP. D’autres éléments pourraient également rendre cet accord caduc. Ainsi, de manière globale, l’environnement économique mondial reste soumis à une myriade de risques. La croissance mondiale, tout comme celle du commerce international, décélère et les perspectives actuelles interrogent : le risque bancaire en Europe, les incertitudes sur le rééquilibrage économique en Chine et la situation financière de l’Empire du milieu sont autant de facteurs induisant une forte volatilité sur les marchés. En outre, le contexte électoral aux Etats-Unis et les incertitudes sur la politique monétaire américaine renforcent le sentiment de flou sur les perspectives économiques mondiales et, en tout premier lieu, sur le marché pétrolier.

Les pays OPEP ont-ils, aujourd’hui, les moyens de faire durablement augmenter le prix du baril, alors que certains pays, en particulier les Etats-Unis, ont commencé à exploiter leurs propres réserves pétrolières et que de nombreux pays diversifient leurs ressources en énergie, notamment dans le cadre de la transition énergétique et de la COP 21 ?

Il est intéressant d’observer que l’OPEP utilise toujours les mêmes recettes (annonce de réduction de production…), alors que le marché pétrolier a connu de profondes transformations structurelles. Ainsi, la révolution du pétrole de schiste aux Etats-Unis a considérablement flexibilisé le marché pétrolier. Désormais, toute diminution de production du cartel peut être compensée à courte échéance par une hausse de la production aux Etats-Unis. La chute des prix de près de 65 %, entre juin 2014 et décembre 2015, avait permis de réduire la production américaine de pétrole de schiste. En juillet 2016, cette dernière a ainsi atteint environ 4 mbj, soit une diminution de 15 % par rapport à son pic de mars 2015. Si l’accord est confirmé en novembre prochain, l’OPEP devra rester attentive à une possible reprise de la production américaine. En effet, des prix compris entre 45 et 55 $ le baril constituent une zone grise de reprise possible de l’activité aux Etats-Unis.
A plus long terme, les politiques de transition énergétique au niveau mondial risquent d’accélérer la substitution des énergies carbonées et, en premier lieu du pétrole, par d’autres sources énergétiques. Toutefois, ces processus restent ancrés dans le très long terme et le secteur des transports, grand consommateur de produits pétroliers, restera encore longtemps dépendant de l’or noir. Cependant, l’OPEP et les pays producteurs commencent à préparer leur après pétrole. Les Emirats Arabes Unis constituent l’exemple le plus avancé en matière de diversification. Pour l’OPEP, ces évolutions induisent également des changements structurels. Ainsi, le retour de l’Indonésie – un pays importateur net – et du Gabon au sein de l’OPEP sont sûrement le symbole d’un nouvel état d’esprit au sein du cartel. L’Organisation a conscience que son pouvoir d’influence est désormais limité dans un contexte d’abondance pétrolière et elle tend à opérer sa mue sur les marchés. Marqueur politique, géopolitique et économique des années 1970, l’OPEP pourrait chercher à moyen terme à devenir plus globale et, pourquoi pas, élargir son leadership en se positionnant comme une Agence de l’énergie des pays du sud…
Ne nous trompons pas, l’OPEP n’est pas morte, et tout comme les marchés pétroliers, elle se transforme !

Éthiopie : les signaux faibles s’accumulent

Thu, 06/10/2016 - 09:28

Le 11 septembre 2016, en raison de son calendrier julien, l’Éthiopie a fêté son entrée en 2009. Depuis quelques semaines, l’ambiance n’est pas aux explosions de joies. Addis Abäba et les grandes métropoles régionales semblent comme assommées par une fin d’année où les signes négatifs s’accumulent. L’économie se ralentit et les objectifs fixés dans le Growth and Transformation Plan[i] deviennent, dès la deuxième année, très illusoires d’autant que l’inflation reprend. Les mouvements sociaux réprimés dans la violence ne paraissent pas s’arrêter. Le pouvoir politique n’a pas de solutions à court terme. Faudra-t-il attendre les congrès en 2017 des différents partis composant la coalition au pouvoir pour entrevoir une amorce de décisions ? Ou faudra-t-il attendre les élections de 2020 ?

Comme nous l’avions écrit en mai 2015[ii], il était à prévoir que les résultats des élections législatives et régionales avec des scores de 100 % laissaient entrevoir des lendemains douloureux. Nous y sommes.

Les cent millions d’Éthiopiens demandent maintenant que les fruits de la croissance soient visibles dans leur quotidien. Le parcours de l’Éthiopie de ces deux dernières décennies est remarquable mais il a impliqué beaucoup de sacrifices pour la population. Les modernes et les anciens s’affrontent. Le modèle éthiopien, celui d’un État « développementaliste » autoritaire, comme le décrit Jean Nicolas Bach[iii], est à bout de souffle. S’il fut porté à bout de bras par Mälläs Zénawi, il a atteint ses limites et un tournant majeur doit être effectué. Il va falloir s’appuyer sur une nouvelle classe politique, sur le dynamisme d’entrepreneurs, sur des orientations économiques modernes.

À défaut, l’Éthiopie risque de perdre le bénéfice de ces vingt dernières années en très peu de temps. La communauté internationale semble s’apercevoir que le modèle éthiopien est porteur de sévères contradictions. Alors qu’Addis Abäba refuse d’appliquer la décision internationale de démarcation de la frontière de 2002 entre l’Érythrée et l’Éthiopie, elle vient d’obtenir un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Et pourtant, le Conseil de sécurité est compétent au premier chef pour assurer la paix et la sécurité internationales[iv] ! Encore une occasion manquée de régler le problème entre les deux États. Car l’Éthiopie et l’Érythrée ont besoin l’un de l’autre. L’incident de Tsorona en juin n’est pas à négliger. Il pourrait donner à penser qu’une fuite en avant avec une reprise du conflit apparaîtrait aux yeux de quelques « anciens » comme une solution pour maintenir le régime. À ce titre, il sera intéressant de voir l’accueil réservé au prochain rapport sur l’embargo en Érythrée, en octobre 2016. Depuis trois ans, les analyses des rapporteurs sont peu crédibles et partiales. Il faut prendre garde à ne pas envoyer de tels signaux dans une région où la violence perdure et est devenue un recours facile (Soudan du Sud, Somalie).

L’Éthiopie vit des heures cruciales. Si les incidents continuent, les activités liées au tourisme, déjà en baisse[v], s’amenuiseront et ce secteur pourtant prometteur et nécessaire pour l’économie connaîtra une perte de vitesse rapide. C’est un indicateur important. Si les Éthiopiens ne voient pas émerger une nouvelle classe de dirigeants, ils pourraient débuter un printemps est-africain et la stabilité de la Corne de l’Afrique, déjà fragile, s’en ressentirait.

La fin de l’année 2016 et le début de 2017 vont être tendus pour l’Éthiopie. L’échéance de 2020 est trop loin pour attendre une sanction dans les urnes. L’ancien chef d’état-major des Forces de défense nationale éthiopiennes, le général Gäbrä Tsadqan a souligné en août que l’heure est grave. Les Éthiopiens attendent des changements politiques et économiques rapides, des sanctions contre l’emploi démesuré de la violence par les forces de l’ordre lors des derniers événements, de l’efficacité dans la lutte contre la corruption et la fin d’une « bureaucratie incompétente et médiocre[vi] ».

Sans réponses majeures, l’héritage de Mälläs Zénawi risque d’être dilapidé en quelques mois et l’Éthiopie pourrait effectuer un grand bond en arrière.

[i] Plan à cinq ans de prévision de l’économie éthiopienne (2015-2020).
[ii] « Des élections sans suspense en Éthiopie pour un pays à l’avenir incertain », Ferras Patrick, 26 mai 2015, www.iris-france.org.
[iii] « Privilégier la stabilité économique à l’ouverture politique a créé une situation explosive », Le Monde du 27 septembre 2016. Voir Jean-Nicolas Bach, « L’Ethiopie après Meles Zenawi : l’autoritarisme ethnique à bout de souffle ? », Politique africaine, n°142, juin 2016, p. 5-29.
[iv] www.un.org consulté le 28 septembre 2016.
[v] Entretiens à Addis Abäba en septembre 2016.
[vi] « Hailemariam Desalegn’s limited room to manœuvre », journal Fortune du 25 septembre 2016.

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