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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 2 weeks 4 days ago

L’Amérique de Trump

Wed, 14/09/2016 - 17:50

Marie-Cécile Naves est chercheuse associée à l’IRIS. Elle répond à nos questions à propos de son dernier ouvrage « Trump, l’onde de choc populiste » paru aux éditions FYP :
– De quelle Amérique Trump est-il le nom ?
– L’ascension de Trump symbolise-t-elle la faillite du parti républicain ?
– L’ascension de Trump peut-elle avoir un impact sur celle des partis populistes européens ?

Essais nucléaires : le bluff nord-coréen

Wed, 14/09/2016 - 15:25

Pascal Boniface, directeur de recherche à l’IRIS, revient sur les derniers essais nucléaires nord-coréens.

Syrie : enfin un espoir de paix ?

Wed, 14/09/2016 - 14:58

L’accord entre la Russie et les Etats-Unis sur une trêve en Syrie va-t-il mettre un terme à cette guerre absurde et atroce ? L’accord tiendra-t-il sur le terrain et résistera-t-il aux ambitions contradictoires des pays engagés en Syrie, en faveur des opposants, des djihadistes ou du régime de Damas ? La situation sur le terrain, l’évolution des positions turques, la volonté clairement affichée de Washington à parvenir à un cessez-le feu, ainsi que la relance des négociations, incitent aujourd’hui à plus d’optimisme.

L’engagement de la Russie au côté de du régime syrien a, dans un premier temps, modifié l’équilibre des forces sur le terrain. Durant l’été 2015, Bachar al-Assad se trouvait dans une mauvaise posture. L’opposition armée, en particulier le Front al-Nosra (al-Qaïda), se trouvait aux portes de Damas. Les forces du Hezbollah libanais, pourtant déterminées et aguerries, ne parvenaient pas non plus à endiguer la progression des djihadistes. Les combattants venus au secours de Bachar al-Assad se cantonnaient à des positions sur la frontière libano-syrienne ou dans la banlieue de Damas, afin de protéger les lieux saints chiites, tel le sanctuaire de « Bibi Zaînab ». Ces lieux sont également protégés par des milliers de volontaires chiites venant d’Afghanistan, d’Irak et du Pakistan. Ceux-ci, dont on parle peu, jouent un rôle important sur le plan militaire. Ils ont libéré l’armée syrienne dans ces zones et lui ont permis de mener le combat ailleurs contre l’opposition. On dénombre à ce jour plus de 300 morts parmi les seuls Afghans. Afin d’encourager les volontaires à partir combattre en Syrie dans le but de protéger les lieux saints, le Guide iranien ayatollah Ali Khamenei vient d’ordonner que les familles qui y perdrait un combattant les verraient considérés comme des « martyrs », au même titre que les Iraniens tués dans la guerre Iran-Irak. Elles bénéficieront par conséquent, des mêmes avantages, notamment une allocation financière.

L’engagement militaire russe a été, à la surprise des observateurs et des Occidentaux, massif et efficace. Des centaines de centres d’entraînement et de dépôts d’armes appartenant à l’opposition ont été détruits. Les bombardements de l’aviation russe coordonnés par des conseillers et des soldats envoyés sur le terrain, ont permis à l’armée syrienne de reprendre plusieurs villes aux rebelles ou, dans certains cas, de les encercler, comme actuellement à Alep.

L’opposition perd du terrain. Ses positions sont aussi contestées par les Forces démocratiques syriennes, essentiellement composées des combattants kurdes du PYG. Ces derniers ont repris aux forces de l’Etat islamique une grande partie des territoires du nord de la Syrie, à la frontière turque. L’avancée des Kurdes en Syrie et les nombreux attentats perpétrés par l’Etat islamique sur le sol turc ont fini par convaincre Ankara de s’engager dans une lutte efficace contre l’EI. La lutte contre le terrorisme permet à la Turquie de gagner en crédibilité et d’attaquer, par la même occasion, les positions des Kurdes, soutenus par Washington et Paris.

En Turquie, le coup d’Etat avorté du 15 juillet s’est suivi d’une répression tout azimut contre les Kurdes et les forces vives de la société, par le biais d’arrestations et de l’emprisonnement arbitraire de milliers de personnes. Le 9 septembre, le gouvernement d’Erdogan a franchi un nouveau palier vers un pouvoir autocratique et arbitraire, en destituant 28 maires élus au suffrage universel. Cette politique a suscité l’indignation des Occidentaux, Etats-Unis en tête, et a rapproché Erdogan de Vladimir Poutine avec une normalisation des relations entre la Turquie et la Russie. Ce rapprochement a engendré une révision des positions de la Turquie sur la Syrie. Erdogan, farouche opposant de Bachar al-Assad, rêvait autrefois de sa destitution au profit des Frères musulmans. Depuis sa visite à Moscou, le président turc est plus conciliant avec son homologue syrien.

L’accord conclut le 9 septembre entre le secrétaire d’Etat américain et le ministre russe des Affaires étrangères, qui prévoit des actions communes, consacre non seulement le rôle et les intérêts de la Russie en Syrie, mais aussi dans la région et dans le monde. Ce tête-à-tête entre deux puissances écarte les pays qui ont joué un rôle important en Syrie tels la France, la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Iran, aujourd’hui contraints de soutenir l’accord signé entre Washington et Moscou. Barack Obama, en fin de mandat, souhaiterait conclure ses huit ans à la Maison-Blanche par un succès diplomatique sur la question syrienne. A cette occasion, il prouverait à ses alliés, la France en tête, qu’il a eu raison de privilégier la recherche d’une solution politique à une intervention militaire en Syrie. Un regard objectif sur la nature et la composition de l’opposition syrienne témoigne aisément qu’une intervention militaire ne pouvait qu’installer l’EI et ses alliés à Damas avec des conséquences désastreuses pour la région, l’Europe et le monde.

Le succès militaire et politique de la Russie en Syrie et le réalisme américain avec comme objectif principal la destruction des djihadistes, l’EI et Al-Qaïda, se manifestent dans le dernier accord. Il prévoit la création d’un « centre conjoint » russo-américain destiné à coordonner d’éventuelles frappes des deux puissances contre les djihadistes, non seulement le groupe Etat islamique, mais aussi le Front Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra). L’impact devrait être considérable. Le Front al-Nosra a changé de nom, fin 2015, et a renoncé à son rattachement à Al-Qaïda sous la pression de l’Arabie saoudite et du Qatar pour le rendre plus présentable. Il est la principale force combattant le régime à Alep. S’ils sont alliés à l’opposition dite « modérée » soutenue par les Occidentaux, Fateh al-Cham est considéré comme « terroriste » par Moscou et Washington. John Kerry a ainsi déclaré que si les groupes rebelles veulent conserver leur légitimité, ils doivent se distancier totalement du Front Fateh al-Cham et de l’EI.

L’accord russo-américain a reçu le soutien de la Turquie, de la Grande-Bretagne, de la France et de la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. De l’autre côté, Damas a immédiatement annoncé qu’il était au courant des discussions et qu’il appliquerait l’accord. L’autre grand allié de Damas, l’Iran, ainsi que le Hezbollah libanais lui ont emboîté le pas.

Tout est mis en place pour que, cette fois, l’accord de paix tienne. Certains estiment cependant que Damas et ses alliés sont favorisés par les accords, au détriment des rebelles dits « modérés » alliés aux djihadistes, notamment à Alep. Ils risquent d’être également ciblés par les attaques du fait qu’ils refusent de rompre leur alliance avec les ces derniers. La rupture avec les djihadistes est pourtant un point essentiel pour le succès du cessez-le-feu et la reprise des négociations pour la mise en place d’un gouvernement de transition. Le sort de Bachar al-Assad, dont le départ était jusqu’alors exigé par la France, la Turquie, l’Arabie saoudite et l’opposition, n’a pas été évoqué. Mais son départ à l’issue du processus de paix semble acquis. Moscou a plusieurs fois laissé entendre qu’il ne tenait pas au maintien du président syrien à tout prix. La Russie se distingue sur ce point de l’Iran. Reste à savoir s’il serait autorisé à se présenter aux élections, à la fin du processus de paix, comme le souhaite Téhéran.

JO 2024 : A un an de la désignation de la ville hôte des Jeux, tour de table des candidatures

Tue, 13/09/2016 - 19:28

Dans un an jour pour jour, le Comité International Olympique (CIO) désignera, à Lima, la ville qui accueillera les Jeux Olympiques de 2024. Quelles villes restent en compétition ? Quels sont leurs atouts, leurs points faibles ?

Quatre villes sont, aujourd’hui, encore candidates : Budapest, Rome, Los Angeles et Paris.
Budapest, tout d’abord, est considérée comme le petit poucet des candidates. Pourtant, son projet est sérieux et sa désignation serait un symbole fort sur la scène internationale sportive. Toutefois, le contexte dans lequel évolue aujourd’hui la Hongrie complexifie la tâche des soutiens de cette candidature. Le pays se distingue notamment par son premier Ministre, Viktor Orban, qui multiplie sorties et déclarations fracassantes, poussant certains partenaires européens à réclamer des sanctions à son encontre. En outre, la gestion par la Hongrie de la crise migratoires que connait l’Europe engendre des tensions aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières hongroises, tendant considérablement les rapports avec ses voisins. Ces éléments sont autant de points négatifs pour la candidature de Budapest.
La deuxième ville candidate est Los Angeles, considérée par beaucoup comme une des favorites. Propulsée sur le devant de la scène suite à l’abandon de Boston -qui s’était finalement retirée de la campagne faute de soutien populaire, cette candidature est principalement portée par son maire, Eric Garcetti, qui peut compter sur l’appui d’importantes entreprises présentes dans la Silicon Valley. Au-delà de l’aspect sportif, les différentes échéances politiques des États-Unis doivent aussi être prises en compte dans le cadre de cette candidature, puisqu’elles auront un impact direct sur le scrutin. Selon certains analystes, le principal point faible de la candidature américaine porte un nom : Donald Trump. Le candidat républicain véhicule une mauvaise image à l’étranger, et son ascension pourrait obscurcir celle de Los Angeles, et par conséquent, sa candidature.
La situation autour de la candidature de Rome est, quant à elle, particulière. Lors de la campagne des municipales italienne, la candidate du Mouvement 5 étoiles, Virginia Raggi s’était, à plusieurs reprises, prononcée contre la candidature romaine. Portée au pouvoir par les urnes, la nouvelle maire a, depuis, quelque peu tempéré ses propos et doit annoncer sa décision pour l’automne, laissant planer le doute sur ses intentions. Le Président du Conseil et le monde sportif italien se mobilisent, quant à eux, pour faire valoir les aspects positifs de l’accueil des Jeux par Rome, tâchant ainsi de mettre sous pression Virginia Raggi. En tout état de cause, si Rome se lance dans la campagne, sa candidature aurait pris un certain retard sur ses concurrentes, à quelques mois de la désignation. Dans le cas contraire, ce serait le deuxième désistement de Rome, au cours de la procédure de candidature, après celui en 2012 pour les Jeux de 2020. En conséquence, cela pourrait défavoriser les éventuelles candidatures de Rome pour les prochaines olympiades.

Selon Virginia Raggi, accueillir les Jeux Olympiques à Rome alourdirait considérablement sa dette. Pensez-vous que les Jeux Olympiques soient sources d’opportunités économiques ou de gouffre financier ?

Organiser des Jeux Olympiques la mise en place d’un budget important qui sera consacré d’une part à la candidature mais de façon plus importante encore à la mise en œuvre du projet, une fois les Jeux obtenus. L’argument économique est donc pleinement justifié. Les dernières olympiades démontrent la débauche de moyens humains et financiers pour livrer les infrastructures, voire les terminer dans les temps : Sotchi et Rio peuvent en témoigner. Aussi, différents économistes soulignent ces budgets exponentiels, laissant parfois de véritables « éléphants blancs ». A l’inverse, différentes olympiades ont permis d’apporter des changements importants, positifs pour les villes hôtes. L’exemple de Barcelone est ici le plus éloquent. Pourtant, face à cette augmentation exponentielle des budgets, pouvant entrainer d’une part l’absence de candidatures, et d’autre part, une critique de la société civile, fatiguée de voir les deniers publics investis dans le sport, le CIO a publié, quelques mois après Sotchi, une nouvelle feuille de route. L’agenda 2020 contient ainsi les nouvelles orientations que doit prendre l’Olympisme dans les années à venir. Ainsi, les principes de la durabilité et l’héritage mis en avant. En d’autres termes, les infrastructures construites ou utilisée à l’occasion des Jeux devront désormais avoir une vie après la quinzaine olympique et paralympique.
Les candidatures d’aujourd’hui, rentrent en partie dans cette optique. Pour l’organisation des JO 2020, Madrid, candidate au même titre qu’Istanbul et Tokyo, avait ainsi proposé une candidature « low cost ». La ville considérait qu’elle était en mesure, malgré la situation économique du pays plus que compliquée, d’organiser des jeux dignes de ce nom, où les infrastructures déjà existantes étaient ainsi mises à dispositio le temps de la tenue des jeux, pour ensuite être rendues à la population.
Le CIO est donc aujourd’hui à un tournant, largement encouragé par l’Agenda 2020.

Où en est la France ? Les attentats, perpétrés dans différentes parties de l’hexagone peuvent-ils remettre en cause la candidature française ?

Après les différents candidatures malheureuses de Lille, Paris ou encore Annecy, un audit a été fait pour tirer des leçons de ces échecs. L’objectif était de comprendre les raisons, de trouver une stratégie pour éviter de le commettre de nouveau et surtout de s’inspirer des candidatures victorieuses. Aujourd’hui, le comité de candidature est en ordre de marche, notamment emmené par Tony Estanguet et Bernard Lapasset, deux fins connaisseurs du monde olympique, du monde sportif, et du fonctionnement des campagnes de candidatures.
La question sécuritaire, qui n’est pas spécifique au cas français, est une question qui se pose depuis 2001 pour l’organisation de tout grand évènement sportif. On a ainsi vu le budget sécurité des villes ou des pays hôtes considérablement augmenté au cours des dernières années.
Concernant le cas spécifique de la France, il est difficile de dire en quelle mesure la question sécuritaire pourrait influer positivement ou négativement sur la candidature. Au-delà de la menace sécuritaire, quelle qu’elle soit, en attribuant l’organisation des JO à Paris, le CIO pourrait vouloir affirmer une volonté de la communauté internationale à ne pas céder face au terrorisme et montrer qu’en dépit des attaques, une ville peut continuer à avoir une vie culturelle et sportive. Pour preuve, cette question s’était déjà posée lors de l’Euro 2016 où certaines voix s’étaient même prononcées en faveur de l’annulation ou du report de la compétition. Elle s’est finalement bien déroulée et la France a démontré sa capacité à assurer efficacement la tenue de la compétition.

Russie : des législatives aux enjeux « limités »

Tue, 13/09/2016 - 10:28

Dans quel contexte politique et économique se tiennent les élections législatives du 18 septembre prochain ?

La Russie traverse, depuis 2014, une crise économique profonde. La récession de 3,7% enregistrée l’an dernier, la chute de 10% des revenus réels de la population ou la dévaluation du rouble – qui a perdu près de la moitié de sa valeur face aux devises occidentales – illustre ce choc. Pour autant, l’économie russe ne s’est pas effondrée comme on a pu le dire en Occident. Elle a même plutôt bien résisté au vu des défis auquel elle a dû faire face, en particulier la chute des cours des hydrocarbures et les sanctions occidentales. Aujourd’hui, l’économie russe s’est adaptée à la « nouvelle réalité ». Le pays est peu endetté (12% du PIB) et dispose d’importantes réserves de change (environ 400 milliards de dollars). Pour 2016, on attend un recul situé entre 0,5% et 1%, puis un retour à une croissance d’environ 1,5% en 2017. Le risque est désormais plutôt celui d’une croissance durablement molle, insuffisante pour mener à bien la modernisation du pays et soutenir ses ambitions internationales. Aujourd’hui, l’économie russe se situe environ à son niveau de 2011 ; les effets de la crise devraient être effacés en 2019. Après « 10 glorieuses » – entre 1999 et 2008, le pays a connu une croissance moyenne de 7%, on peut donc parler d’une décennie perdue. La question est de savoir quels choix seront faits dans les prochains mois.
Le contexte politique est celui de la préparation du – probable- 4e mandat de Vladimir Poutine. Les élections législatives ne sont que la première étape d’un cycle électoral qui se conclura par les élections présidentielles de printemps 2018. Le phénomène le plus significatif est le renouvellement au sein de l’appareil d’Etat, illustré cet été par des départs et des nominations inattendus au niveau régional mais également au cœur du système (administration présidentielle, FSB, douanes). Cette rotation est la plus importante depuis 2007. A l’époque, Vladimir Poutine parachevait sa « verticale du pouvoir » en plaçant des hommes de confiance (issus pour la plupart du KGB et de la mairie de St-Pétersbourg). Aujourd’hui, il fait émerger une nouvelle génération de dirigeants qui l’accompagneront jusqu’en 2024 et qui gouverneront la Russie après son départ du Kremlin.

Pourquoi Vladimir Poutine a-t-il décidé d’avancer la date des élections législatives initialement prévues en décembre ?

Il y a eu beaucoup de spéculations à ce sujet. La décision a été prise l’année dernière, à un moment où les perspectives économiques étaient alarmantes. L’explication généralement admise est que le gouvernement russe a souhaité raccourcir la durée de la campagne électorale, réduite, de facto, à une quinzaine de jours au sortir des vacances d’été. Ce n’est, au demeurant, pas la seule priorité du Kremlin dans cette affaire. Il souhaite que le scrutin, à défaut d’être irréprochable, soit plus « présentable » que celui de 2011 dont, rappelons-le, la légitimité avait été contestée dans les rues de Moscou pendant de nombreuses semaines. D’où certains signes d’ouverture, comme la nomination d’Ella Pamfilova, une personnalité respectée y compris chez les adversaires de Poutine, à la tête de la Commission électorale centrale. Mais ces ajustements, qui n’allaient pas de soi au vu du « serrage de vis » à l’œuvre depuis 2012, s’inscrivent dans un jeu politique étroit, codifié, opaque. En Russie, les vrais débats ont lieu en coulisses, et les décisions importantes sont prises par un cercle restreint autour du président, le plus souvent hors des instances officielles (gouvernement, conseil de sécurité).

Quels sont les enjeux des élections législatives ? Pensez-vous que l’hégémonie quasi-totale de Russie unie, le parti de Vladimir Poutine, sur la vie politique russe peut être remise en cause ? Qui sont les autres partis composants la Douma ?

Les enjeux de ces élections sont limités, car la Douma n’a pas vraiment de pouvoirs. Le Parlement – Douma et Conseil de la Fédération – s’apparente plus à une courroie de transmission voire à une chambre d’enregistrement. Ces élections seront cependant l’occasion d’un renouvellement du personnel politique russe : de nombreux élus ne se représentent pas et le pouvoir cherche, tout comme dans l’appareil d’Etat, à faire émerger de nouvelles personnalités issues de la société civile, en tout cas de ses composantes jugées loyales.
Russie unie aura sans doute la majorité dans la prochaine mandature même si ses résultats seront sans doute moins bons qu’en 2011. Il faut savoir que les législatives sont organisées selon un mode de scrutin mixte : la moitié des députés est élue à la proportionnelle, les listes recueillant 5% au niveau national obtenant des sièges ; l’autre moitié est élue en circonscriptions au scrutin uninominal à un tour. Russie unie aura sans doute la majorité absolue, les autres partis se partageront les restes. Parmi eux, le Parti communiste, crédité de 17% dans les sondages, le Parti libéral-démocrate de Vladimir Jirinovski et Russie juste. Ces trois formations se disent d’opposition mais sont en réalité très dociles. Certes, il leur arrive de hausser la voix contre le gouvernement Medvedev – notamment sur les questions sociales – mais ils ne contestent en aucun cas le leadership de Vladimir Poutine. En politique étrangère, ces partis s’inscrivent dans le « consensus post-Crimée ». En d’autres termes, ils soutiennent la politique étrangère du Kremlin.
Quant à la vraie opposition, celle dite « hors système », elle est faible, divisée et sous pression. Ses chances de faire élire des candidats sont très limitées, peut-être un ou deux sièges à Moscou et Saint-Pétersbourg.

Depuis l’annexion de la Crimée, la Russie est très incisive sur la scène internationale. Quelle est la stratégie du Kremlin en termes de politique étrangère ? Est-ce aussi un enjeu de ces élections ?

La politique extérieure de la Russie ne représente pas un enjeu lors des élections du 18 septembre dans la mesure où la Douma n’a aucune prérogative en la matière. Mais ces questions sont tout de même importantes, car elles font partie du débat politique et le pouvoir les utilise pour mettre en avant ses succès.
En termes de stratégie, la Russie cherche avant tout, me semble-t-il, à obtenir de la considération de la part des Occidentaux. Elle veut être traitée d’égale à égale et voir reconnus ce qu’elle considère comme ses intérêts légitimes. Elle est en passe d’obtenir ce statut d’acteur incontournable dans la crise syrienne. Mais pas au-delà, que ce soit en ex-URSS ou en Europe. Pour l’instant en tout cas.
L’annexion de la Crimée, en 2014, a clos une parenthèse historique de 30 ans ouverte avec la perestroïka. Au-delà des brouilles et des différends, on estimait généralement à Moscou et dans les capitales occidentales que les deux Europe avaient vocation à converger (dans les faits, cela signifiait que la Russie allait, tôt ou tard, adopter les standards ouest-européens). C’est cette perspective qui a disparu depuis deux ans. L’objectif de la Russie n’est plus de s’intégrer dans un grand ensemble occidental, mais de s’affirmer comme une grande puissance qui propose un autre modèle, conservateur, axé autour de valeurs telles que la souveraineté ou l’équilibre des forces. Cela constitue un tournant majeur et la situation n’a pas, selon moi, vocation à changer dans les années à venir.

[Chronique US] L’âge du capitaine

Tue, 13/09/2016 - 09:20

Le 8 novembre approche à grand pas, et avec lui l’épilogue d’une campagne électorale américaine d’une rare violence, et dont chaque jour révèle de nouvelles attaques, parfois très éloignées du champ politique. Dernier épisode en date, les rumeurs insistantes sur la santé de la candidate démocrate, Donald Trump allant même jusqu’à demander des bulletins médicaux hebdomadaires de sa rivale. Avec le malaise de Madame Clinton à New York lors des commémorations du 11 septembre et les révélations sur une pneumonie diagnostiquée quelques jours plus tôt, ces rumeurs vont devenir de plus en plus insistantes, le camp républicain cherchant à semer le doute chez les électeurs indécis sur la capacité de la candidate démocrate à assumer la fonction jusqu’à son terme. Et même sans tenir compte de ces parasitages, les Américains ne manqueront pas de s’interroger sur l’état de santé de leur ancienne First Lady, partant du principe qu’une pneumonie annoncée peut très bien cacher des problèmes plus sérieux. En clair, il s’agit d’un moment clef de cette campagne 2016, plus que jamais indécise.

L’état de santé d’Hillary Clinton soulève plus largement la question de l’âge de la candidate, et par la même occasion de son adversaire, tout en rappelant à quel point cette campagne déjà longue de plusieurs mois est particulièrement éprouvante. Mais la fonction présidentielle l’est tout autant, comme en témoignent les différents présidents américains successifs. La récupération prévisible des images du malaise de Madame Clinton, certes choquante, n’en est pas moins inscrite dans le prolongement d’un combat désormais physique, comme si la candidate démocrate venait malgré elle de donner partiellement raison à ses adversaires et, dans une certaine mesure, de perdre ce combat.

Ce n’est pas non plus la première fois, dans l’histoire américaine récente, que l’âge du capitaine est évoqué. John McCain, qui avait 72 ans à l’époque, en avait fait les frais en 2008, notamment après avoir choisi Sarah Palin comme colistière. Le vice-président des Etats-Unis prête en effet serment et accède directement à la fonction suprême en cas de décès ou de démission du chef de l’Exécutif. Depuis 1945, Harry Truman, Lyndon Johnson et Gerald Ford sont ainsi devenus présidents sans être élus. La perspective de voir Sarah Palin devenir la première présidente des Etats-Unis en raison de l’âge avancé du candidat républicain fut ainsi agitée comme un chiffon rouge par les adversaires de John McCain. De même, l’élection de novembre 1992, opposant le président sortant George H. Bush au candidat démocrate Bill Clinton fut un choc générationnel, 22 ans séparant les deux hommes.Et la réalité est là : les deux candidats sont, en comparaison avec leurs prédécesseurs, âgés. Barack Obama (47 ans quand il prêta serment), George W. Bush (54 ans) et Bill Clinton (46 ans) étaient de jeunes présidents. Il faut ainsi remonter aux présidences de George H. Bush et de Ronald Reagan pour trouver des dirigeants américains plus âgés. Des deux candidats (principaux, Gary Johnson et Jill Stein étant plus jeunes de quelques années, mais tous deux sexagénaires), Donald Trump est le plus âgé. Le milliardaire newyorkais a fêté ses 70 ans le 14 juin 2016. Hillary Clinton, qui aura 69 ans le 26 octobre, est sa cadette d’un an, soit un écart très réduit. Dans tous les cas, le prochain locataire de la Maison-Blanche sera, aux côtés de Ronald Reagan, l’un des deux présidents les plus âgés de l’histoire des Etats-Unis. Trump sera, s’il est élu en novembre prochain, le chef de l’Exécutif le plus âgé dans l’histoire de ce pays, et Clinton sera, en cas de victoire, en deuxième position derrière Reagan. Et dans l’hypothèse de deux mandats, le premier aura 78 ans, et la seconde 77 ans, à la fin de leur présidence. Or, Ronald Reagan est le seul président de l’histoire des Etats-Unis à avoir occupé la Maison-Blanche au-delà de 75 ans. Le tableau ci-après nous rappelle la situation des quatre présidents américains les plus âgés lors de leur investiture.

Les présidents américains les plus âgés le jour de leur investiture

Ronald Reagan (1981-1989) > 69 ans et 349 jours

William Henry Harrison (1841) > 68 ans et 23 jours

James Buchanan (1857-1861) > 65 ans et 315 jours

George H. W. Bush (1989-1993) > 64 ans et 222 jours

Notons ici que William Henry Harrison, qui accéda à la Maison-Blanche le 4 février 1841, décéda d’une… pneumonie (autre époque, dirons-nous) le 4 mars 1841, soit exactement un mois plus tard, battant au passage le record de la présidence la plus courte de l’histoire des Etats-Unis. Et de ces présidents, seul Ronald Reagan a effectué deux mandats. Notons enfin que si Theodore Roosevelt devint en 1901, à 42 ans et 322 jours, le plus jeune président de l’histoire des Etats-Unis, Bill Clinton arrive en troisième position (derrière John F. Kennedy), avec 46 ans et 154 jours quand il entra à la Maison-Blanche. Notons enfin que le dernier candidat en course dans les primaires (côté démocrate), Bernie Sanders, vient de fêter ses 75 ans, ce qui aurait fait de lui, dans l’hypothèse d’une victoire et d’un second mandat, le premier président américain octogénaire. En clair, cette campagne a la particularité de compter deux candidats âgés, conséquence somme toute assez logique de l’augmentation de l’espérance de vie, mais malgré tout singulière, d’autant qu’à l’âge vient désormais se superposer les interrogations sur l’état de santé.

Les dernières semaines de campagne vont être focalisées autour de cette question médicale et liée à l’âge des candidats. Tant pis pour ceux qui espéraient un vrai débat, certes tardif, d’idées. Il faudra attendre au moins 2020. On se demande même si Trump et Clinton ne devraient pas envoyer des médecins les représenter aux débats télévisés qu’ils vont enchainer à partir de la fin septembre. Car l’un et l’autre sont concernés, et Trump lui-même a promis de transmettre des bulletins médicaux complets le concernant. Promesse de campagne ?

« Qui gouverne le monde ? » 3 questions à Bertrand Badie

Fri, 09/09/2016 - 11:44

Betrand Badie, expert en relations internationales, est professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po). Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage : « Qui gouverne le monde ? L’état du monde en 2017 », aux éditions La Découverte, codirigé avec Dominique Vidal et cartographié par Philippe Rekacewicz.

Vous travaillez depuis très longtemps sur la question de la puissance et du rôle de l’État dans les relations internationales. Pensez-vous que ce dernier est désormais un acteur obsolète ?

Il n’est certainement pas obsolète : qui oserait dire que l’État chinois ou russe est obsolète ?! Simplement, face à la complexité de la mondialisation, l’État ne parvient plus à contrôler l’extrême diversité et la très grande subtilité des mécanismes de pouvoir qui s’exercent et qui, difficulté supplémentaire, sont de plus en plus interdépendants. D’où l’incapacité croissante des États, même les plus autoritaires, d’accomplir une régulation effective des jeux sociaux nationaux et, plus encore internationaux. Ajoutez à cela que les acteurs politiques nourrissent une vision très conservatrice de l’État et de la nature de la souveraineté qui le définit, ce qui nuit au besoin de s’adapter aux données nouvelles issues de la mondialisation.

Vous écrivez que la mondialisation a à la fois suscité des mouvements contestataires et entretenu des réseaux de pouvoir ? Qui en sort gagnant ?

À mesure que les capacités de l’État s’étiolent et que les uns et les autres s’enferment dans une vision conservatrice, il est à craindre que la contestation l’emporte de plus en plus sur le pouvoir…C’est en partie le mal dont souffre aujourd’hui tout particulièrement l’Europe où le populisme ne cesse de progresser, à la fois comme marqueur et comme résultat des incapacités croissantes de l’État face aux contextes nouveaux issus de la mondialisation. Il en dérive une crispation des comportements sociaux autour des questions d’identité, de sécurité et de rejet de l’altérité qui sont les scories du modèle étatique d’antan : on attend de l’État qu’il protège face à des réalités sociales qui le dépassent et sur lesquelles il n’a pas prise. En même temps, on dénonce cette impuissance de l’État, comme si celui-ci avait des vertus de démiurge…

Les théories du complot se développent-elles ? Si oui, comment l’expliquer ?

Deux paramètres convergent pour faire le succès des thèses complotistes : la défiance croissante à l’égard d’une classe politique en laquelle on ne croit plus et dont le discours perd de plus en plus son crédit, et la sophistication croissante des mécanismes de pouvoir qui rendent celui-ci peu visible, anonyme et complexe. La dérive est dangereuse et sert, à son tour, les stratégies de pouvoir de certains…

Associations professionnelles nationales de militaires (APNM) : le paysage se met en place au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) et de l’enceinte militaire

Thu, 08/09/2016 - 11:34

Le 24 mars 2016, nous annoncions sur le site de l’IRIS la parution prochaine de 2 décrets suite à la promulgation de la loi N°2015-917 du 28 juillet 2015 relative à la programmation militaire. Deux décrets du ministère de la Défense viennent effectivement d’être publiés les 20 et 29 juillet 2016. Le premier, sous le N° 2016-997, porte sur la concertation des militaires ; le second, N° 2016-1043, sur l’organisation et le fonctionnement des associations professionnelles nationales de militaires.

Nous avions évoqué les limites posées par la loi au regard du fait syndical, tout en soulignant les avancées en matière de droit d’association en milieu militaire. Nous avions également abordé le rôle du Conseil supérieur de la fonction militaire et la place réservée en son sein aux APNM.

Cet article fait le point sur les modalités d’acquisition de la capacité juridique des APNM, sur les règles comptables et financières qui s’imposent, mais aussi sur la représentativité et les moyens qui, d’une manière ou d’une autre, vont modifier la vie dans l’enceinte militaire.

Une capacité juridique acquise à l’issue d’une procédure à deux étages

Si le code de la défense dans son article L4126-1 fait expressément référence au Titre premier de la loi 1901 au sujet des APNM, nous soulignions l’assujettissement de ces dispositions à la loi du 28 juillet 2015. Cette superposition est manifeste dans le décret du 29 juillet 2016, car contrairement aux associations relevant de la loi 1901, la capacité juridique des APNM n’est pas acquise par la publicité et la déclaration préalable en préfecture, mais par la satisfaction de ces obligations, prévues à l’article 5 de la loi de 1901, et par le dépôt des statuts et de la liste des administrateurs des APNM auprès du ministre de la Défense. Bien entendu, l’article R.4126-1 du code de la défense vise également le code civil local applicable aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

Cette procédure n’est pas comparable à celle relative à la reconnaissance d’utilité publique. Contrairement à ce qui est fréquemment dit cette dernière n’offre pas, après les démarches en préfecture et suite à la procédure discrétionnaire devant le gouvernement, une « grande capacité juridique » à l’association, mais un élargissement de sa capacité de jouissance (art.11 de la loi 1901).

L’article R.4126-2 du code de la défense donne au ministre de la Défense un véritable pouvoir de vérification de la licéité des pièces qui lui sont fournies lors de la création ou de la modification de l’APNM, d’injonction de modification des statuts et de saisine de l’autorité judiciaire en cas d’inaction de l’association dans un délai de deux mois.

Cela dit, le ministère de la Défense n’a pas mis en œuvre une procédure d’agrément avec l’adoption de statuts types et une navette entre lui, qui donne son avis, et les services de la préfecture chargés de recevoir les modifications, comme c’est le cas, par exemple, pour les associations de pêcheurs en eau douce (articles R*443-42 et R*434-43 du code de l’environnement). On notera, que selon l’article R 434-44 du même code, il revient au préfet d’agréer la désignation du président et celle du trésorier de ces associations.

Le choix singulier de l’Etat, soucieux de maîtriser la nouveauté que constitue la création des APNM, est également inspiré par le principe de « stricte indépendance à l’égard notamment du commandement », principe que l’on retrouve à l’article L4126-6 du code de la défense.

Des obligations comptables et financières identiques à celles des syndicats

Les APNM désireuses de figurer sur la liste des associations représentatives prévue à l’article R.4126-8 du code de la défense « sont tenues à une transparence financière », c’est-à-dire, au respect des obligations comptables et financières prévues aux articles R.4126-4 et 5 du code de la défense. Au-delà de 2000 euros de ressources, les APNM doivent établir un bilan, un compte de résultat et une annexe conformes au règlement de l’autorité des normes comptables et au-delà de 230 000 euros avoir recours au commissariat aux comptes. Les APMN aux ressources modestes ont des obligations simplifiées. Les APNM disposant de ressources supérieures à 230 000 €, dont le cas échéant des subventions, ont également l’obligation de transmettre à la Direction de l’information légale et administrative (DILA) ces éléments qui seront consultables gratuitement sur le site du Journal officiel. En effet, c’est la DILA, née en janvier 2010 de la fusion de la direction de La Documentation française et des Journaux Officiels, qui accueille les comptes des grandes associations comme Action Contre la faim et ceux des grands syndicats comme la CGT (9).

Les limites de ressources pour déterminer le degré des obligations des APNM sont les mêmes que celles des syndicats 230 000 euros de ressources (décret N°2009-1665 du 28 12 2009 (10)) et non celles des associations (article L612-4 du code de commerce (11) : 153 000 € de subventions d’une autorité publique ou de dons ouvrant droit à avantage fiscal)

Les APNM devront se mobiliser pour acquérir un caractère représentatif

Les articles L4126-1 à L4126-8 du code de la défense fixent les conditions qui sous-tendent la représentativité qui permet aux APNM d’occuper au plus 16 places sur 61 au sein du CSFM. Outre la forme juridique, on y trouve le respect des valeurs républicaines, l’indépendance à l’égard du commandement, la transparence financière, une ancienneté minimale d’un an, une influence significative. Si l’on rajoute que la liste de ces APNM est fixée à chaque renouvellement du CSFM, sous réserve de quelques particularités tenant à l’état militaire, aux missions et aux opérations, tout cela est comparable aux conditions prévues pour les syndicats dans la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 « portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ».
S’agissant de l’influence significative qui doit caractériser l’APNM, le décret du 29 juillet précise que l’association doit non seulement compter un effectif minimal à jour de ses cotisations par rapport à l’effectif total des forces armées, mais aussi comprendre des adhérents relevant de tous les grades et issus d’au moins 3 forces armées et 2 formations rattachées. Les choses ne s’arrêtent pas là : des seuils minimums sont prévus pour chaque catégorie envisagée. Jusqu’au 1er janvier 2021, les pourcentages sont compris entre 1 et 5% selon la force armée.

Si la logique du ministère repose sur une recherche bien comprise « du caractère effectif du dialogue social », du côté des associations désireuses de participer au CSFM, en raison notamment des sujets qui y sont traités (article R4124-1 :condition militaire, statuts, régime indiciaire et indemnitaire), on peut imaginer qu’il conviendra de faire preuve d’une certaine force de conviction auprès de militaires confrontés à une nouvelle culture associative et œuvre d’unions entre les APNM (cf. article 4124-2 code de la défense)

La vie en caserne également rythmée par le dialogue social ?

La création des APNM et le renforcement de la concertation auront un impact sur la vie en caserne. En effet, le recueil des adhésions et des cotisations pourra avoir lieu à l’intérieur même de l’enceinte militaire. Elle pourra, en outre, accueillir, sur autorisation des autorités, des personnes extérieures invitées par les APNM. Ces nouvelles activités seront animées par des administrateurs des APNM qui disposeront de crédits de temps associatifs et qui utiliseront des moyens mis à leur disposition par les autorités (R4126-10 à 15 du code de la défense). L’article L4126-4 du code de la défense rappelle, s’il en est besoin, qu’aucune discrimination ne peut être faite à l’encontre des militaires en raison de leur appartenance ou non à une APNM. L’article R4135-3 du code de la défense, prévoit en outre que les militaires déchargés à temps complet de leur service feront l’objet d’une notation particulière.

Cela dit, le ministre, mais pour des raisons liées à la bonne marche du service et de manière motivée, pourra toujours refuser tout ou partie de la liste proposée les APNM visant les militaires autorisés à se consacrer à temps complet à l’activité associative.

N. Sarkozy : « Tout pour la France » : quelle vision du monde ?

Thu, 08/09/2016 - 11:30

Nicolas Sarkozy vient de publier « Tout pour la France » [1], un livre-programme pour les prochaines élections présidentielles de 2017.

À la lecture de l’ouvrage, une première interrogation vient à l’esprit : qu’en est-il de la politique étrangère française ? Il n’y a pas réellement un chapitre consacré au sujet, mais celui-ci est évoqué à divers moments. Cela étant, ces passages sont très marqués par le contexte immédiat : les questions d’identité, d’islam et de terrorisme sont centrales. Il n’y a pas de grands dégagements globaux ou conceptuels sur la place de la France dans le monde et le rôle spécifique éventuel qu’elle pourrait y jouer. Sur ce point, N. Sarkozy et François Hollande sont en phase : les deux évitent le sujet. Pensent-ils que cela n’intéresse pas les électeurs ? Sans doute !

Il s’en prend au concept « d’identité heureuse » mis en avant par Alain Juppé, sans citer ce dernier, dénonçant les « accommodements raisonnables pas souci prétendu d’apaisement ». On en vient selon lui à ce qu’il n’y ait plus une seule France mais « une agrégation de communautés d’identités particulières, où le droit à la différence devient plus important que la communauté de destin » [2]. Il regrette l’obligation faite à la France de « cesser de chercher à assimiler ceux qui venaient d’ailleurs » [3], préférant l’assimilation à l’intégrationEn l’état actuel, ce rappel à l’ordre vigoureux peut plaire à un certain nombre d’électeurs. Mais est-ce vraiment la tradition française ? Notre pays a-t-il voulu vraiment effacer les différences ? Ne peut-on pas au contraire avoir une identité multiple et être Français d’origine italienne, espagnole, portugaise, polonaise, etc. ? S’il ne faut pas nier les origines chrétiennes de la France, il faut également admettre qu’elles ne sont pas uniques. Car la dénonciation de communautarisme par N. Sarkozy ne touche qu’une seule communauté : les musulmans. Comme si les Français d’origine diverse avaient été totalement assimilés, n’avaient conservé aucune spécificité et que seuls les musulmans, dans leur globalité, faisaient tâche dans le paysage.

Il prône l’interdiction du voile, y compris à l’université, parce qu’il pense qu’il ne s’agit pas d’un choix libre mais d’une pression communautaire et familiale qui est devenue « si pesante qu’en fait ces jeunes filles sont infiniment moins libres qu’on ne le dit ». « C’est l’exemple typique », écrit-il, « de la tyrannie d’une minorité »[4]. Malheureusement, il ne précise pas quelle enquête de terrain ou étude sociologique lui permet de l’affirmer. Car les travaux existants en sciences sociales ne vont pas dans ce sens.

Il admet que la mondialisation n’est pas un choix que l’on peut refuser. Mais ce constat ne conduit pas à s’interroger sur le débat de l’islam en France (qui nous rend impopulaire à l’étranger), mais à proposer de supprimer l’impôt sur la fortune… [5]

En parlant de la guerre sans merci contre le terrorisme, il écrit que « le djihadisme nous a déclaré une guerre totale, qu’il déploie sur un champ de bataille qui ne connaît aucune frontière ». Dénonçant une politique qui se contente « des minutes de silence, des jours de deuils et des discours », il préconise « d’agir vite et fort » [6]. « Contrairement aux dix commandements reçus par Moïse au Mont Sinaï, l’État de droit n’est pas gravé pour l’éternité dans les tables de pierre » [7]. Il propose même de porter « une réforme de la Convention européenne des droits de l’homme afin qu’elle ne fasse plus obstacle à l’expulsion systématique des étrangers condamnés à une peine d’emprisonnement de plus de cinq ans, à l’issue de leur détention » [8]. Cela risque d’être relativement délicat à obtenir. Il ajoute que, si « tous les amalgames sont insupportables (…) à l’inverse, la naïveté est coupable. Il y a bien une question spécifique à l’islam. Les appels au djihad n’émanent pas, à ma connaissance, des églises ou des synagogues, pas davantage des temples protestants. »[9] Mais peut-on croire que seules des mesures répressives pourront venir à bout du terrorisme ? Y-a-t-il des exemples réussis du tout sécuritaire ? Mettre en cause de façon répétée et systématique les musulmans ne revient-il pas, au contraire, à alimenter indirectement la cause de Daech, qui dénonce précisément l’impossibilité de vivre sa foi en terre mécréante ? N. Sarkozy est muet sur les causes du terrorisme et les stratégies politiques à mettre en œuvre.

Mais son propos, s’il est très centré sur l’identité et le terrorisme, évoque d’autres sujets.

Il se prononce contre le traité de libre-échange avec les États-Unis estimant que depuis 2012 « jamais la France ne fut aussi suiviste des États-Unis et jamais elle n’a pas eu si peu d’influence auprès d’eux ». [10] De la part de celui qui s’auto-désignait « Sarko l’américain », c’est une forte déclaration. Mais, à part sur le TAFTA (Transatlantic Free Trade Agreement) –que la France vient de rejeter – on ne sait pas sur quels dossiers se fonde. N. Sarkozy pour reprocher à F. Hollande son « suivisme » à l’égard des États-Unis. Il estime que les élargissements européens des années 1990 ont été prématurés et se prononce contre tout nouvel élargissement, en premier lieu celui qui pourrait concerner la Turquie [11].

Il propose, dans la lutte contre Daech, de convaincre Vladimir Poutine d’agir en commun avec les Occidentaux et de lever les sanctions contre la Russie. Il s’oppose à toute intervention militaire terrestre occidentale Il estime que « seuls des Arabes pourront combattre d’autres Arabes »[12]. Il s’élève contre ceux qui proposent de rompre avec l’Arabie Saoudite, l’Iran, les Émirats Arabes Unis ou le Qatar : s’il y a désaccord avec ces pays, ils demeurent nos alliés dans la lutte contre les terroristes dont ils sont également les victimes, estime-t-il[13]. Ce n’est pas inexact, mais on est frappé par la différence de jugement entre les musulmans de ces pays et les musulmans français.

Il estime que « nous avons bien agi militairement en Libye », mais qu’ « à partir de 2012, nous avons failli à maîtriser les conséquences politiques de cette action » [14]. On pourrait demander un peu plus d’introspection sur les résultats de cette expédition catastrophique, qui, entre autres malédictions (chaos libyen, répercussions au Sahel, développement du terrorisme) est l’une des causes de blocage russe sur la Syrie. Moscou, qui s’était abstenue sur le vote de la résolution 1973, s’est senti trahie lorsque la mission est passée de la protection de la population à un changement de régime.

Les limites de l’exercice de ce livre, c’est que N. Sarkozy prend en compte ce qu’il croit être porteur en politique intérieure (islam, identité, terrorisme), sans dégager de perspectives globales à long terme pour le rayonnement de la France. Et on peut craindre que les mesures proposées risquent de nous faire entrer dans un cercle vicieux stigmatisation/radicalisation, le remède venant aggraver le mal au lieu de le combattre.

[1] SARKOZY (Nicolas), Tout pour la France, Plon, 2016, 240 pp.

[2] Ibid., p. 17.

[3] Ibid., p 59.

[4] Ibid., p 63.

[5] Ibid., p 101.

[6] Ibid., p 182.

[7] Ibid., p 183.

[8] Ibid., p 186.

[9] Ibid., p 186.

[10] Ibid., p 137.

[11] Ibid., p149.

[12] Ibid., p192.

[13] Ibid., p 193.

[14] Ibid., p 194.

Le G 20 : ni directoire mondial, ni forum inutile

Wed, 07/09/2016 - 12:13

Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, répond à nos questions :– Le G20 a t-il abouti sur des accords concrets et d’intérêt public?
– L’accord sur l’évasion fiscale est-il une avancée?
– Les négociations sur la Syrie entre la Russie et les USA ont échoué. Que faut-il penser de cet échec ?

Le G20 : ni directoire mondial, ni forum inutile

Wed, 07/09/2016 - 10:53

Les représentants du G20 se sont réunis à Hangzhou (Chine) les 4 et 5 septembre dernier. Retour sur un sommet qui, s’il n’influe pas réellement sur les grandes décisions mondiales, n’est pas pour autant dépourvu de toute utilité.

Beaucoup disent du G20, comme l’on pouvait l’entendre pour le G8 ou le G7, qu’il est un directoire mondial qui gouverne le monde contre l’assentiment des peuples. Pour d’autres, ces rencontres sont tout simplement inutiles. Dans les faits, le G7 et le G20 ne méritent ni cet excès d’honneur, ni cette indignité. Ils ne sont pas des directoires du monde, car l’on n’y prend pas des décisions fondamentales qui en changeraient le cours. Mais ils ne sont pas non plus inutiles car, si les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances, ces sommets ont au moins le mérite de permettre une concertation des dirigeants.

Le G20 de Hangzhou a tout d’abord permis à la Chine, pays-hôte pour la première fois, d’accueillir les autres pays et d’affirmer son rang de grande puissance mondiale qui traite l’ensemble des dossiers. C’est également en Chine que Pékin et Washington ont signé l’accord de Paris contre le réchauffement climatique. Par cette double signature, la Chine affirme son importance dans le dispositif. La ratification par les deux premiers pollueurs mondiaux est également un signal fort, bien que certains n’y voient qu’un « condominium sino-américain », qui n’existe pas dans les faits. Dans tous les cas, le G20 aura au moins permis d’avancer sur le climat.

La lutte contre les paradis fiscaux fut un autre sujet important du G20. Le dossier est en progression ; un accord a même été trouvé. Mais il semble que les chefs d’État n’ont pas pris de décisions effectives. L’étau se resserre néanmoins autour des paradis fiscaux. Si nous ne sommes pas face à un tournant de la lutte contre l’évasion fiscale, comme envisagé, les accords représentent tout de même une réelle avancée.

Concernant le dossier syrien, Barack Obama s’est félicité de de son entretien avec Vladimir Poutine. Mais d’importantes divisions sont toujours perceptibles et peu de progrès sont enregistrés sur le terrain. Les divergences entre la Russie, les Occidentaux ainsi que les pays arabes sont suffisamment importantes pour qu’un accord ne puisse être trouvé, et la population syrienne civile continue d’en payer les conséquences. Le G20 déçoit également sur la question des réfugiés. La guerre en Syrie est la principale source de flots des réfugiés. Pourtant, aucune mesure concrète n’a été annoncée. Une désillusion, alors que les pays du G20 possèdent 85 % de la richesse mondiale.

Voilà les limites de ces grands shows médiatico-stratégiques où l’on parle plus que l’on agit. Ces limites sont à l’origine de la lassitude perçue par l’opinion publique : ces grands évènements, s’ils ne sont pas inutiles, ne créent pas pour autant d’espace nouveau. Les membres du G20 sont censés incarner une communauté internationale qui n’existe pas. Les divisions et les intérêts contradictoires sont trop nombreux. Lorsqu’une question ne concerne pas un pays, comme celle des réfugiés où l’Europe est la principale concernée, on se tient à l’écart et aucune décision n’est prise.

Pascal Boniface vient de publier « L’année stratégique 2017 : analyse des enjeux internationaux », aux éditions Armand Colin.

Pourquoi les Chinois voteraient Trump

Wed, 07/09/2016 - 09:41

Le sommet du G20 de Hangzhou a été marqué par un énième incident entre la Chine et les Etats-Unis, qualifié de « red carpet gate » par certains observateurs américains. Lors de l’arrivée du président Barack Obama, les hôtes chinois n’avaient pas installé de tapis rouge à la sortie d’Air Force One. Au-delà du caractère anecdotique de cet incident, il convient de nous interroger sur le regard que portent les Chinois (à la fois les dirigeants et la société civile) sur les responsables politiques américains, tandis qu’Obama effectue sa dernière visite officielle en Chine, et que le prochain président américain à fouler le sol chinois sera donc Hillary Clinton ou Donald Trump. A deux mois du scrutin qui désignera le prochain locataire de la Maison-Blanche, les Chinois semblent porter leur choix sur le milliardaire américain.

Il est notoire que les citoyens des Etats membres de l’OTAN, et en particulier ceux d’Europe occidentale, auraient élu Hilary Clinton, s’ils avaient eu la possibilité de participer à l’élection présidentielle américaine. De manière plus large, les préférences des Européens pour les candidats démocrates est assez nette depuis la fin de la Guerre froide, à l’exception de certains pays de l’ancien bloc de l’Est dont les choix peuvent occasionnellement se porter sur le candidat républicain (on pense notamment à la présidence de George W. Bush). Conséquence de ces positionnements désormais très marqués (ce qui n’était pas le cas jusque dans les années 1980), le suivi de la campagne électorale américaine est souvent parasité par des préférences qui ont pour effet de caricaturer les candidats républicains, que ce soit Trump ou d’autres, comme si l’élection américaine devait se résumer par un choix manichéen.

A l’inverse, et de manière parfois tout autant manichéenne, les Chinois ont une préférence pour les Républicains qui remonte à l’établissement d’un dialogue entre Pékin et Washington, sous la présidence Nixon. Les Démocrates sont, eux, souvent pointés du doigt comme trop sensibilisés par des questions des droits de l’homme et de la démocratie, sujets qui fâchent en Chine. A ce titre, la présidence de Bill Clinton, de 1993 à 2001, fut souvent marquée par des incidents entre les deux pays autour de ces questions sensibles. Les Républicains sont, de leur côté, plus pragmatiques sur ces sujets (ou plus cyniques), dans la continuité des positionnements d’Henry Kissinger.

Dans le contexte actuel, la présidence Obama a été marquée en Asie-Pacifique par la stratégie du pivot dont les résultats sont discutables, et surtout dont la réception est assez négative en Chine. Si le président américain bénéficie d’une côte de sympathie assez forte chez les Chinois, celle qui incarne – et revendique – le pivot, Hillary Clinton, est en revanche nettement moins appréciée. Les positions de Donald Trump, critique du pivot et opposé à la ratification par le Congrès de sa principale réalisation, le Traité transPacifique, sont à l’inverse plus appréciées des dirigeants chinois qui y voient une forme de pragmatisme, et une reconnaissance de facto de la puissance chinoise dans son environnement régional. Perçu comme peu porté sur l’ingérence en politique étrangère, le milliardaire new-yorkais est également vu comme un interlocuteur plus qu’un rival, et Pékin y voit dans le cas de sa victoire la marque d’un engagement moins marqué de Washington aux côtés de pays comme le Japon, les Philippines et le Vietnam.

Se superpose à cette différence d’approche sur les dossiers en Asie-Pacifique le profil des deux candidats, et en particulier celui de Donald Trump, dans la société civile, qui ne manque pas de s’exprimer sur ces questions dans les réseaux sociaux. Pour les Chinois, Trump est avant tout la star de la série de téléréalité The Apprentice, qui symbolise pour de nombreux chinois la réussite sociale et l’entreprenariat.. Là où Madame Clinton symbolise l’establishment et la classe politique, Donald Trump est présenté comme un self-made-man – ce qui est, bien sûr, très exagéré – et un homme d’affaire grand public, ce qui a pour effet de faire rêver de nombreux chinois. Son franc-parler est enfin apprécié en Chine, là où il est le plus souvent montré du doigt en Europe. Gageons que les attaques à répétition du tycoon contre la politique économique et financière chinoise, qui se multiplieront à l’occasion des débats présidentiels, pourraient modifier ces perceptions. Force est de constater malgré tout qu’un candidat comme Trump séduit les dirigeants chinois autant que la société civile, là où une présidence Clinton est plutôt perçue comme la continuité des deux mandats de Bill dans les années 1990, et d’une stratégie du pivot mal acceptée.

Gabon, retour sur le principe des élections en Afrique

Tue, 06/09/2016 - 09:36

L’Afrique n’a jamais eu autant de pays pourvus de systèmes politiques issus des élections multipartites. La grande majorité d’entre eux tient régulièrement des élections nationales (16 en 2016), régionales et locales, permettant à leurs citoyens de choisir leurs dirigeants politiques et de garantir la légitimité formelle des gouvernements. Seule l’Erythrée, l’Etat-caserne qui pousse sa population à l’émigration, ne s’encombre pas d’élections, tandis que la Somalie n’est, depuis l’effondrement du régime de Siyaad Barre en 1991, pas en mesure d’en organiser.

Le dramatique scrutin présidentiel d’août 2016 au Gabon rappelle qu’il faut se méfier d’une lecture à courte vue sur les bienfaits de l’élection présentée comme la meilleure et la plus symbolique des conquêtes démocratiques. Elle a été souvent obtenue puis mise en œuvre dans un faisceau de contraintes qui en fragilisent les acquis. Pour s’en convaincre, il suffit de constater que l’élection qui est devenue presque partout la modalité de conquête du pouvoir (parfois pour sanctifier par les urnes d’anciens putschistes) ou de maintien au pouvoir (douze chefs d’Etat africain sont au pouvoir depuis plus de vingt ans) se déroule très souvent dans la violence : Côte d’Ivoire 2000 et 2010 ; Kenya, 2007 et 2008 ; Zimbabwe, 2007 ; Gabon, 2009 ; RDC, 2006 et 2011 ; Ouganda, 2011 ; Congo, 2016.

La raison tient à cette réalité : l’élection cache d’autres enjeux que le renforcement de la démocratie. Les acteurs politiques n’ont souvent pas de références idéologiques très précises ; ils sont surtout attachés, une fois élus, à gérer leurs intérêts et leurs alliances. Face à eux, les électeurs, une fois qu’ils ont touché la rétribution de leur vote, n’utilisent guère la modeste information disponible pour superviser ensuite la mise en œuvre des engagements de campagne des élus et surveiller les activités de ceux qui les gouvernent.

Les positions d’autorité légalisées par l’élection confortent le patrimonialisme ambiant et continuent de permettre à ceux qui les occupent d’extraire et de redistribuer les ressources. Entre Ali Bongo Odimba et Jean Ping, l’enjeu principal demeure l’accès privilégié aux rentes économiques et politiques du pays que la classe dominante qu’ils représentent amoncelle (plus qu’elle n’investit) et qu’elle redistribue pour endiguer la violence sociale endémique. L’instauration d’un « Etat de droit » est pervertie par la personnalisation du pouvoir et par la stratégie d’accumulation -redistribution qui préside à chaque niveau de la hiérarchie, du sommet à la base en passant par les intermédiaires. L’Etat gabonais existe, mais il adopte la forme d’un rhizome dont les tiges – les institutions – sont moins importantes que les racines souterraines qui plongent dans la réalité complexe des solidarités et des rivalités.

Depuis la vague des élections, qui ont suivi les Conférences nationales et l’instauration du multipartisme dans les années 1990, l’interpénétration de l’économie et du politique s’est consolidée. Dans de nombreux cas, c’est la démocratie élective qui a été adaptée à la logique du clientélisme et non l’inverse. On parle désormais de « pseudo-démocratie », de « démocratie de faible intensité », de « démocratie par délégation ».
Le système de l’élection n’annule donc pas ipso facto la marchandisation du politique dans les Etats où règne encore un système patrimonial. Au mieux, quand les circonstances sont les plus favorables, le combat politique, exacerbé le temps de l’élection, permet de limiter les prébendes en forçant les détenteurs du pouvoir à, pour reprendre une formule africaine imagée, « manger moins vite et moins seul ».

Reconnaissons toutefois que dans certains cas, l’évolution est positive. Au Sénégal ou au Ghana, deux bons exemples, les jeux politiques sont plus ouverts, la contestation intérieure plus militante, la surveillance extérieure plus vigilante. La violence d’Etat s’est atténuée au fur et à mesure de l’adhésion aux droits politiques et humains et à la liberté d’expression. De telles évolutions sont perceptibles sur la base de certains indicateurs. Le Worldwide Governance Indicators (WGI) qui tente de capturer les manières avec lesquelles une population est capable de jouir de ses libertés (expression, association) et d’interroger le gouvernement sur ses actes, donne des résultats plutôt en hausse, particulièrement en Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Ghana, Liberia, Niger et Nigeria).

La vague de rages populaires et de mouvements de protestation en Afrique depuis la fin des années 2000 témoigne de l’engagement d’une jeunesse qui n’hésite plus à recourir à la « légitimité de la rue » contre les abus et les inerties des pouvoirs en place. Véritables poils à gratter des impostures politiques, porte-étendards des aspirations au changement, depuis l’apparition de Y en a marre au Sénégal en 2011, les mouvements citoyens s’imposent comme des acteurs politiques à part entière, avec à leur actif quelques trophées (l’échec d’Abdoulaye Wade au Sénégal en 2011, l’éviction de Blaise Compaoré au Burkina Faso en 2014). Ces manifestations de résistance sociale devenues plus fréquentes traduisent l’émergence d’une démocratie du quotidien et le renforcement de la société civile. Même si l’idée de citoyenneté demeure souvent embryonnaire, davantage de pays laissent s’exprimer les médias sur les affaires publiques. Dans un tel contexte favorable, les acteurs non-étatiques jouent un double rôle : ils élargissent les possibilités d’engagement citoyen et font pression pour tenir les gouvernements et institutions publiques responsables de leurs actes.

Il n’y a donc pas lieu de désespérer de la démocratie africaine. Aucun système n’est immuable. A l’origine profondément rétifs à prendre le risque de l’ouverture, les détenteurs du pouvoir devront évoluer et bientôt en céder une partie, ne serait-ce que par pragmatisme. D’autant qu’il pourra leur paraître opportun de rechercher une nouvelle rente dans l’arrivée des investissements étrangers et dans l’attribution des aides extérieures qui sont consenties à la condition que le système politique et social s’ouvre enfin. N’est-il pas significatif de constater que les membres de la classe au pouvoir en Afrique commencent à se rendre compte que leurs privilèges sont le mieux à l’abri s’ils sont définis comme des droits communs plutôt que comme des prérogatives personnelles. Ils devront, coûte que coûte, entériner cette ouverture, contrainte et nécessaire, par des réformes institutionnelles, étendant progressivement l’accès aux droits à la citoyenneté à une plus large partie de la population.

Frontière syro-turque : « Un pas en avant dans l’étranglement de l’Etat islamique »

Mon, 05/09/2016 - 18:11

L’Etat islamique a perdu son dernier point de passage avec la Turquie. Quelle(s) conséquence(s) cela peut-il avoir pour le groupe terroriste ?

C’était une des voies de ravitaillement de l’Etat islamique, notamment en direction de la ville de Raqqa qu’ils nomment leur capitale. Ça va donc compliquer la tâche des djihadistes en terme de livraison d’armes, de ravitaillement sanitaire ou alimentaire mais aussi en terme de lieux de passage des apprentis djihadistes qui confluaient vers l’Etat islamique. De ce point de vue, sans pour autant considérer qu’on en a fini avec l’Etat islamique, les avancées de l’armée turque et des groupes rebelles liées à l’armée turque au cours des derniers jours sont un pas en avant dans l’étranglement de ce groupe terroriste. Nous sommes probablement à l’orée d’une nouvelle séquence parce que maintenant les vrais objectifs militaires ne vont plus être de conquérir quelques villages, quelques points de passage mais de reconquérir Raqqa, en Syrie, et Mossoul, en Irak. Et là, ça ne sera pas une promenade de santé.

L’Etat islamique a-t-il perdu tout contact avec l’extérieur ?

Non, il subsiste toutes les voies de ravitaillement qui passent par l’Irak. La frontière irako-syrienne avait, vous vous en souvenez, été détruite symboliquement par les troupes de l’Etat islamique au mois de juin 2014. Là encore, l’Etat islamique est affaibli mais pas du tout éradiqué, il y a encore des voies de communication entre la Syrie et l’Irak.

Quel impact cette nouvelle peut-elle avoir pour la Turquie, qui a subi plusieurs attentats sur son sol, revendiqués par l’Etat islamique ?

La Turquie a souvent été accusée de complicité avec l’Etat islamique, je parlerais plutôt de complaisance. On sait très bien qu’il y a eu, par exemple, des combattants de l’EI qui sont allés se faire soigner dans des hôpitaux turcs. Il y a eu aussi du trafic de pétrole brut ou des livraisons d’armes. Cette forme de complaisance est désormais terminée depuis début 2015. Cette décision a été renforcée ces dernières semaines à cause de la multiplication des attentats attribués à l’EI sur le sol turc. La Turquie prend désormais toute sa place dans la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. Maintenant, les défaites que subit l’Etat islamique depuis plusieurs semaines risquent de radicaliser une partie de ses membres, de multiplier les attentats à travers le monde. La Turquie étant un des pays de la ligne de front, il est plus facile d’acheminer des kamikazes en passant la frontière que de venir dans une autre capitale occidentale.

Propos recueillis par Margaux Duguet

Traité sur le commerce des armes : quels enjeux derrière les négociations ?

Mon, 05/09/2016 - 14:15

Benoit Muracciole est Vice président de l’ONG Action sécurité éthique républicaine (Aser). Il répond à nos questions à l’occasion de la parution de son ouvrage « Quelles frontières pour les armes ? » (éd. A. Pedrone) :
– En quoi le TCA est-il capital ? La géopolitique de ces dernières années aurait-elle été similaire si ce traité était entré en vigueur plus tôt ?
– Votre mouvement s’inscrit-il dans une démarche pacifiste ?
– Que retirez-vous de vos contacts avec la société civile, dont le puissance complexe militaro-industriel ?
– Dans quelle mesure votre parcours a-t-il mis en lumière les rapports de force entre les grandes puissances ? Quel rôle pour la France dans les négociations sur le TCA ?

La France et l’islam : débats internes, dégâts internationaux

Mon, 05/09/2016 - 09:34

Du 29 août au 2 septembre 2016, s’est tenue à Paris la désormais traditionnelle « Semaine des ambassadeurs ».

L’occasion d’une réflexion collective de la part de nos représentants à l’étranger sur les questions stratégiques, mais également sur leur méthode de travail. Occasion également d’aller vers les citoyens en organisant une journée ouverte aux échanges sur leur métier et un concours d’éloquence pour les étudiants. Lilian Thuram, champion du monde de football et citoyen engagé, était le grand témoin de cette journée.

Mais c’est avant tout l’occasion de discours cadrant l’action internationale de la France : du président de la République, du Premier ministre et du ministre des Affaires étrangères et du Développement international.

François Hollande prononçait le dernier discours de son mandat actuel. Alors que son bilan économique et social est largement contesté, F. Hollande est généralement crédité de succès en matière de politique étrangère. Il a dû faire face au terrorisme et aux diverses crises : accords de Minsk, COP 21, intervention au Mali, réconciliation avec les pays heurtés par le style de l’ancien président (et actuel candidat), Nicolas Sarkozy. Il a été à la fois bon diplomate et guerrier, quand cela était nécessaire. S’il a bien commencé par évoquer la place particulière de la France dans le monde, il n’a pas par la suite continué sur un discours global. F. Hollande n’a jamais aimé être enfermé dans un cadre conceptuel. Il pense que son pragmatisme protège sa liberté, mais cela l’a aussi empêché de dégager une grande fresque sur la France et le monde.

Il a donc, comme depuis 2012, évoqué les uns après les autres les grands dossiers internationaux en commençant par le terrorisme, puis les différents conflits qui agitent la planète : de la guerre civile en Syrie à la crise ukrainienne. Sur Israël et la Palestine, il s’est contenté de rappeler que la solution est connue : deux États qui peuvent vivre en paix et en sécurité, sans parler de Jérusalem ni des frontières, en retrait par rapport aux discours de N. Sarkozy. Il s’est montré ferme à l’égard du Royaume-Uni, en jugeant irréversible sa sortie de l’Union européenne et également insisté sur la nécessité de conclure rapidement l’accord sur le réchauffement climatique, signé à Paris en décembre 2015. Il a enfin officialisé la fin des négociations sur le traité transatlantique.

Mais, à la conclusion de son discours, il a pris le chemin d’un dessein globalisant sur la voix de la France dans le monde. C’est contraire à ses habitudes mais il l’a fait pour des raisons de politique intérieure. Faisant référence, de manière implicite, au discours sur la place de l’islam en France, il a déclaré que « céder sur nos valeurs serait non seulement une régression pour l’État de droit mais aussi un risque pour notre cohésion nationale. Ce serait surtout un discrédit pour notre influence internationale. La France est forte quand elle est elle-même, pas quand elle se défigure. Ainsi, face à l’intolérance, à la haine et à l’obscurantisme, la France n’a renoncé à rien de ce qu’elle est. »

Il est vrai que pratiquement tous les ambassadeurs présents ont fait part en privé ou en public des dégâts qu’ont créés les polémiques sur les musulmans, le voile (plus récemment le Burkini), sur l’image de notre pays dans le monde. Dans les pays occidentaux, la France passe désormais pour un pays intolérant. Dans les pays musulmans, elle passe pour un pays islamophobe. La photo de policiers encadrant une femme sur une plage qui portait un Burkini a eu un effet désastreux. Le constat, sévère, est unanime, quelles que soient les sensibilités personnelles des ambassadeurs : le prestige et le rayonnement de la France sont largement entamés. Les responsables politiques français qui se sont exprimés avec véhémence sur le sujet n’ont soit pas conscience des répercussions à l’international, soit n’en ont cure.

Manuel Valls, dans son discours centré sur la compétitivité économique du pays, n’a pas évoqué le sujet, au grand soulagement des ambassadeurs.

Dans son discours de conclusion, Jean-Marc Ayrault est revenu sur le sujet : « certains d’entre vous sont les témoins de l’impact dévastateur à l’étranger des emballements dont notre vie politique est capable. Il est urgent de retrouver un peu de sérénité (…) Le risque d’interdire, c’est de stigmatiser et de finir par rejeter. Cela, ce n’est pas la France. Quand la France rejette, elle ne règle aucun problème, notamment pas celui de l’intégration. Elle n’est plus en phase avec elle-même. » Or, si personne ne l’a exprimé, chacun sait que le clivage sur ce point ne se situe pas uniquement entre le gouvernement et l’opposition, mais au sein du gouvernement, et en l’occurrence entre le Premier ministre d’un côté, le ministre des Affaires étrangères et celui de l’Intérieur de l’autre.

François Hollande a un goût prononcé pour la synthèse. Mais, sur ce sujet, si la polémique venait à reprendre, il lui faudrait trancher clairement et publiquement, pour que cela soit audible aussi bien en France qu’à l’étranger.

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