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Diplomacy & Defense Think Tank News

L’aggravation des inégalités : quelle réalité ?

IRIS - Thu, 07/01/2016 - 17:41

L’aggravation des inégalités que nous connaissons aujourd’hui est-elle inédite dans l’histoire du monde ?
Si la question de l’aggravation des inégalités économiques est d’une actualité brûlante (on ne compte plus les rapports et études qui font état de cette concentration des richesses dans les mains de quelques-uns), c’est effectivement parce que celles-ci ont bondi en trente ans pour atteindre un niveau record dans la plupart des pays du Nord comme dans ceux du Sud (OCDE, 2015 ; Oxfam, 2015). D’une part, lorsqu’on s’intéresse à l’évolution des inégalités entre individus à l’échelle du monde, on observe un accroissement des inégalités globales à partir de 1980 et une stabilisation de celles-ci à un niveau historiquement élevé (Milanovic, 2012). D’autre part, si on observe une stabilisation des inégalités entre pays du Nord et pays du Sud depuis le début des années 1980, et une tendance à la réduction depuis les années 2000 (ibidem), celle-ci est loin d’être uniforme, mais principalement due à la croissance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui totalisent plus de 41 % de la population du globe. De plus, au sein de ces pays, la forte croissance n’a pas bénéficié à tous de la même manière. Le cas de l’Inde est particulièrement illustratif de cette contradiction : si l’Inde est l’un des pays où le taux de croissance est le plus élevé au monde, il est aussi celui où le nombre de pauvres est le plus grand, quel que soit l’indicateur retenu (Jaffrelot, 2012). Malgré un taux de croissance qui avoisine les 5 % depuis 2004, l’Afrique subsaharienne reste quant à elle la seule région où le nombre de personnes extrêmement pauvres a augmenté durant les trente dernières années (Giraud, 2012).
Cette aggravation des inégalités prend la forme d’un paradoxe inacceptable à l’heure où l’humanité n’a jamais produit autant de richesses. Ainsi l’exprime parfaitement l’économiste français Jean-Marie Harribey (2013) : « Le monde n’a jamais été aussi riche de marchandises, mais chacune d’elles vaut de moins en moins. Le monde n’a jamais autant disposé de richesses produites, mais s’approche du moment où beaucoup de richesses naturelles seront épuisées ou dégradées. Le monde, enfin, compte de plus en plus de riches et aussi de plus en plus de pauvres, du moins relativement puisque les inégalités s’accroissent. Comme si la richesse accumulée par certains et concentrée en leurs mains trouvait son origine dans la dévalorisation des autres. »

Les inégalités sont-elles intrinsèquement liées au capitalisme néolibéral ? Qui sont les gagnants et les perdants de la globalisation économique ?
Les inégalités de richesses et leur accroissement ne sont nullement une conséquence imprévue ou imprévisible de ce modèle dominant. En effet, la doctrine néolibérale légitime, au moyen de divers arguments, un processus de distribution des richesses à la faveur de quelques-uns, encouragé principalement par la dérégulation, la financiarisation, la privatisation, le retrait de l’État des domaines traditionnels de la protection sociale et le détricotage des systèmes de redistribution fiscale.
De plus, le capitalisme n’a pas « toujours existé », contrairement à l’idée profondément ancrée dans l’imaginaire économiciste. L’avènement, après des siècles de préparation, de ce mode de production lors de la révolution commerciale issue des grandes découvertes des 15e et 16e siècles, son accomplissement par la révolution industrielle (1765-1845) et son développement jusqu’à sa forme actuelle ont nécessité la réunion de trois conditions matérielles majeures : une séparation des producteurs de leurs moyens de production, la constitution d’une classe sociale qui détient la propriété des moyens de production et la transformation de la force de travail en marchandise – qu’une classe distincte n’a d’autre choix que de vendre pour subsister. Au cours de son développement, on assiste à une croissance de plus en plus forte des inégalités de richesses, entrecoupée, tantôt d’une stabilisation à un niveau extrêmement élevé, tantôt d’une forte réduction de celles-ci entre 1914 et 1945 dans les pays riches, suite aux « guerres mondiales et [aux] violents chocs économiques et politiques qu’elles ont entraînés » (Piketty, 20013). En effet, comme le rappelle Michel Beaud (2010), « toute la phase d’industrialisation capitaliste se fait à travers des mouvements cycliques d’une certaine régularité : périodes de prospérité et d’euphorie freinées par une récession ou brisées par une crise ». Ces périodes de prospérité ne profitent cependant pas aux pays du Sud, victimes tour à tour de l’exploitation coloniale et de décennies d’échange inégal avec les pays du Nord et ce, trop souvent avec la complicité des gouvernements nationaux. À la fin des années 1970, le néolibéralisme entre donc en scène avec pour ambition de libérer le capital des entraves imposées par le libéralisme intégré et, ainsi, de restaurer le pouvoir de l’élite économique, ou de la classe dominante. Ce qui conduisit, par la même occasion, à la remontée des inégalités sociales au sein des États néolibéraux (Piketty, 2013), ainsi qu’à leur aggravation entre le Nord et le Sud.
In fine, Branko Milanovic s’est posé la question suivante : durant les vingt années qui séparent la chute du mur de Berlin et la crise financière de 2008, quels ont été les gagnants et les perdants à l’échelle globale d’une mondialisation, avant tout commerciale et financière, en pleine accélération ? En une courbe, cet ancien économiste en chef de la Banque mondiale montre sans fard que ce sont les très riches et la classe moyenne des pays émergents (un tiers de la population mondiale) qui ont le plus bénéficié de l’accroissement mondial des richesses pendant cette période. En revanche, les grands perdants de la mondialisation sont les 5 % les plus pauvres, qui ont vu leurs revenus stagner, ainsi que la classe moyenne des pays industrialisés, dont les revenus ont légèrement baissé.

Est dénoncée dans l’ouvrage la théorie du ruissellement – consistant à dire que la richesse des riches permettrait aux pauvres d’être moins pauvres – qui aurait justifié les inégalités jusqu’ici. En quoi est-elle erronée ?
D’une part, conjuguée à d’autres arguments majeurs de légitimation (la revendication de la liberté, l’égalité des chances…), cette théorie du ruissellement, revenue en force après les « trente glorieuses » pour justifier les inégalités galopantes et permettre l’augmentation de la régressivité fiscale, ne résiste pas aux faits et aux chiffres. Mais comme l’observe John Quiggin (2012), il s’agit peut-être de « l’idée zombie ultime, capable de remonter à la surface, peu importe combien de fois elle est tuée par l’expérience, et toujours au service des riches et puissants sorciers de la finance. En effet, aussi longtemps qu’il y aura des riches et des pauvres, ou des gens puissants et d’autres impuissants, il y aura des avocats pour expliquer qu’il est préférable pour tout le monde que les choses restent ainsi ».
D’autre part, comme Adam Smith le soulignait déjà à l’époque où le libéralisme prit son essor, différentes études viennent appuyer ce qui relève selon nous du bon sens, soit le fait qu’« aucune société ne peut prospérer et être heureuse, dans laquelle la plus grande partie des membres est pauvre et misérable » (Smith, 1776). Ainsi, les épidémiologistes britanniques Richard et Kate Pickett (2013) ont confirmé les limites de la croissance économique sur l’augmentation des niveaux du bien-être et du bonheur dans les pays riches : au-dessus d’un certain seuil, l’enrichissement n’améliore plus la qualité de la vie sociale. Par ailleurs, plusieurs études réalisées par les économistes du FMI démentent la théorie du ruissellement, que cette institution promeut elle-même depuis les années 1980 : « Si la part des revenus des 20 % les plus riches augmente, la croissance du PIB diminue effectivement à moyen terme, ce qui suggère que les bénéfices ne ruissellent pas vers le bas. En revanche, une augmentation de la part des revenus des 20 % les plus pauvres est associée à une croissance du PIB plus élevée » (Dabla-Norris et al., 2015). Précisons cependant que les remises en question opérées par le FMI quant à ses théories économiques restent largement sans effet et profondément cantonnées dans une optique de croissance.

Quelles sont les pistes politiques qui existent pour renverser la croissance des inégalités ?
S’il « n’existe aucun processus naturel et spontané permettant d’éviter que les tendances déstabilisatrices et inégalitaires l’emportent durablement » (Piketty, 2013), les inégalités extrêmes vécues aujourd’hui ne sont pas une fatalité. Elles résultent de choix politiques et sont un des plus grands échecs de la société capitaliste. L’ampleur des inégalités économiques et sociales nécessite donc de s’attaquer aux fondements mêmes du système qui les produit. Ce qui, pour l’essentiel, n’a jamais été le cas durant les dernières décennies, marquées par la recherche d’une croissance infinie.
Cependant, de nombreuses mesures, complémentaires, permettent de réguler les excès du néolibéralisme en faveur d’une répartition juste des richesses et du pouvoir entre les pays et au sein de ceux-ci : augmenter l’aide publique au développement, développer un commerce plus juste, réformer les institutions financières internationales, taxer la spéculation financière, agir sur les inégalités entre hommes et femmes, annuler les dettes publiques illégitimes, etc. En matière de justice fiscale, les organisations de la société civile présentes au dernier Forum social mondial ont exigé des gouvernements la mise en place d’un organe fiscal intergouvernemental sous les auspices des Nations unies, d’une transparence fiscale concernant les entreprises multinationales, de politiques fiscales progressives pour faire face à l’inégalité au sein des pays et de règles fiscales internationales équitables pour renforcer la redevabilité et la responsabilité des multinationales.[1]

Références
Beaud M. (2010), Histoire du capitalisme : 1500-2010, 6e édition, Paris, Points.
Dabla-Norris E., Kochhar K., Suphaphiphat N., Frantisek Ricka F. et Tsounta E. (2015), Causes and consequences of income inequality : a global perspective, IMF Staff Discussion Note, 15/13, www.imf.org.
Giraud P. (2012), « Inégalités, pauvreté, globalisation : les faits et les débats », CERISCOPE Pauvreté, http://ceriscope.sciences-po.fr/
Harribey J.-M. (2013), La richesse, la valeur et l’inestimable, Les liens qui libèrent, Paris.
Jaffrelot C. (2012), Inde, l’envers de la puissance. Inégalités et révoltes, Paris, CNRS Éditions.
Milanovic B. (2012), « Global income inequality by the numbers : in history and now », Policy research working paper, n° 6259, Groupe de recherche sur le développement, Banque mondiale.
OCDE (2015), In it together : why less inequality benefits all, Paris, OCDE.
Oxfam (2015), Insatiable richesse : toujours plus pour ceux qui ont déjà tout, rapport thématique, Oxford, Oxfam GB.
Piketty T. (2013), Le capital au XXe siècle, Paris, Seuil.
Quiggin J. (2012), Zombie economics : how dead ideas still walk among us, Princeton, Princeton University Press.
Smith A. (1776), Recherches sur la nature et les causes de richesse des nations, la traduction française date de 1881.
Wilkinson R. et Pickett K. (2013), Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous, Paris/Namur, Les petits matins/Institut Veblen/Etopia.

[1] « Mettre fin aux inégalités avec la justice fiscale », déclaration des organisations de la société civile prononcée lors du Forum social mondial qui s’est déroulé à Tunis du 24 au 28 mars 2015.

« Le véritable vainqueur de la crise saoudo-iranienne est Daech »

IRIS - Thu, 07/01/2016 - 16:35

Pensez-vous que l’Arabie saoudite n’a pas évalué à leur juste mesure les répercussions de la décision d’exécution du chef religieux Nimr Baqer al Nimr et qu’elle serait ainsi une erreur stratégique de sa part ?
On peut penser qu’il s’agit d’un risque calculé de la part des Saoudiens, même si leur calcul risque de s’avérer inexact. Le régime saoudien a choisi, par rapport aux menaces auxquelles il estime devoir faire face, de répondre avant tout par une politique de force. Mais comme très souvent les réponses dites sécuritaires ne permettent pas d’apporter davantage de sécurité.
Riyadh a voulu envoyer un message de force à la fois aux djihadistes, qui commettent des attentats dans le royaume, et à la minorité chiite, même si celle-ci exprime de façon pacifique ses revendications et ne remet pas en cause le régime. Au-delà — et surtout — c’est un message adressé à l’Iran dont les Saoudiens craignent la montée en puissance, surtout après la signature de l’accord nucléaire du 14 juillet 2015.
Il n’est pas certain que ces exécutions tempèrent les ardeurs des djihadistes, de la minorité chiite et rendent l’Iran plus conciliant à l’égard de l’Arabie saoudite. Malheureusement, la crise ouverte a plutôt renforcé le clan des faucons en Iran au détriment des modérés.

La recherche d’une solution politique aux conflits syrien et yéménite va-t-elle pâtir de la tension entre ces deux acteurs majeurs de la région ?
Il est évident que la recherche d’une solution politique au conflit syrien et yéménite va pâtir de cette tension. Au Yémen, chacun va vouloir nuire à l’autre par alliés interposés et probablement renforcer son aide militaire à son allié local.
Pour la Syrie, les espoirs nés de la résolution de décembre et de la conférence de Vienne s’envolent. La vaste coalition internationale contre Daech semble s’éparpiller après que la Turquie eut abattu un avion russe (jamais au cours de la guerre froide un avion soviétique n’avait été abattu par l’armée d’un pays de l’OTAN) et la crise ouverte entre Riyadh et Téhéran. Le véritable vainqueur de cette crise est d’ailleurs Daech qui voit s’éloigner le risque de la mise en place d’une véritable coalition ayant pour priorité le combat contre lui.

La décision de certains pays de rompre leurs relations diplomatiques en soutien à Riyadh n’est-elle pas, selon vous, un fait aggravant de cette crise ?
Les pays qui ont rompu leurs relations, comme le Soudan et Bahreïn, le font pour montrer leur solidarité avec l’Arabie saoudite. Dans le cas de Bahreïn, il ne faut pas oublier que 70% de la population est chiite et qu’en 2011 l’Arabie saoudite avait envoyé des troupes mater une révolte qui avait lieu dans la vague du « Printemps arabe ». Il faut également remarquer que les Émirats arabes unis n’ont pas rompu leurs relations mais les ont seulement diminuées. Une grande partie du commerce de l’Iran passe par Dubai et les Émirats en tirent un grand profit. Ils n’ont aucun intérêt au développement de la crise.

Ce n’est pas la première fois que le torchon brûle entre les deux pays. Sommes-nous de votre avis dans le même contexte géostratégique ?
Les relations entre les deux pays sont toujours compliquées parce qu’il s’agit, surtout depuis la destruction de l’Irak, des deux pays les plus importants de la région que de nombreux facteurs opposent : le clivage sunnites/chiites existe mais n’est pas le seul et il n’est pas la principale explication. Il y a avant tout une rivalité géopolitique traditionnelle entre deux pays majeurs, l’un arabe l’autre perse ; un royaume conservateur et un autre qui se veut une république révolutionnaire ; un qui était jusqu’ici l’un le meilleur allié des États-Unis et un autre le pire ennemi.
La clé réside sans doute dans la crainte de l’Arabie saoudite d’être lâchée par les Américains après la signature de l’accord sur le nucléaire iranien. Il ne faut pas oublier que dans les années 1970, Nixon et les États-Unis, avaient désigné l’Iran comme le gendarme régional de la région. Si le clivage sunnites/chiites n’est pas le facteur de crise le plus important, il y a une sorte de prophétie auto-réalisatrice et ce clivage devient de plus en plus un facteur stratégique.

Pensez-vous enfin que les appels à la désescalade lancés par des pays alliés, tant de Ryadh que de Téhéran, seront écoutés ?
On peut surtout espérer qu’il n’y aura pas d’escalade. Aucun des deux pays n’a intérêt à un affrontement militaire direct qui risquerait d’être mortel et extrêmement handicapant pour chacun d’entre eux. Le tout est de trouver une issue qui permet à chacun de sortir la tête haute de ce bras de fer et de trouver un pays qui puisse servir d’intermédiaire. Il n’est pas certain que les États-Unis puissent le faire, l’Iran n’ayant certainement pas envie de leur faire si rapidement le cadeau d’apparaître comme le parrain d’un accord dans la région. Oman, la Turquie ou la Russie pourrait jouer ce rôle.

L’Arabie Saoudite et ses ennemis chiites

IRIS - Thu, 07/01/2016 - 16:13

Figure de l’islam chiite saoudien, l’ayatollah Nimr Baqer Al-Nimr a été exécuté sur décision du pouvoir à Riyad. Cette exécution a provoqué une montée de la tension (déjà forte) avec le régime iranien qui s’est conclue par une rupture des relations diplomatiques et économiques entre l’ Arabie Saoudite et l’Iran.
La guerre froide entre les deux régimes théocratiques prend une nouvelle tournure dont les conséquences devraient se vérifier sur les conflits de la région (Syrie, Yémen) où l’ Arabie Saoudite et l’Iran continuent de mener leur guerre par procuration. C’est donc à nouveau le Moyen-Orient dans son ensemble qui devrait pâtir de l’escalade de la violence- rhétorique et militaire, même indirecte- entre les deux principales puissances de la région, lancées toutes deux dans une quête de leadership à la fois politique et confessionnelle.

L’instrumentalisation des paramètres confessionnels et religieux par les deux puissances s’inscrit certes dans un contexte régional de confrontation entre deux blocs de coalitions (voir notre chronique à ce sujet), mais elle doit aussi être mise en relation avec des données de politique interne. L’accession au pouvoir en Arabie Saoudite, il y a un an, du roi Salman s’est traduite, d’une part, par la réaffirmation de l’ Arabie Saoudite sur la scène régionale, en vue d’incarner le leadership arabe et sunnite ; d’autre part, par un raidissement du régime wahhabite contre toute contestation intérieure. Considérés comme « hérétiques », les chiites forment une minorité (près de 10% de la population) perçue comme une menace pour le régime. Ainsi, en 1979, la Grande Mosquée de La Mecque avait été assiégée pendant deux semaines, en signe de protestation contre la corruption du régime, alors qu’au même moment le pouvoir faisait face à un soulèvement chiite dans la province du Hassa. Dans le contexte du « réveil des peuples arabes » de 2011, la communauté chiite s’est également mobilisée et a notamment manifesté à Qatif (à l’ouest du pays).

Au-delà de la menace interne incarnée par la minorité chiite (concentrée dans le sud-ouest du pays), l’ Arabie saoudite est obsédée par l’influence et la menace régionale que représente l’Iran depuis la Révolution islamique en 1979. Le spectre d’un « arc chiite »- allant du Liban jusqu’au nord-ouest de l’Afghanistan en passant par le sud de la Syrie et de l’Irak et remontant par l’Iran- est conforté par la montée en puissance des chiites irakiens après la chute de Saddam Hussein et du Hezbollah libanais qui incarne la résistance à Israël. C’est à cette aune qu’il convient d’interpréter l’interventionnisme de Riyad dans les crises qui ont secoué ces voisins directs : au Yémen, où il est militairement intervenu dès 2009 et 2015 contre des rébellions chiites ; à Bahreïn, où les manifestations de la majorité chiite ont été réprimées en 2011 par les forces saoudiennes alliées aux Emirats Arabes Unis; en Syrie, à travers un soutien diplomatique et financier aux insurgés contre le régime Al-Assad, émanation de la communauté chiite alaouite et allié de l’Iran.

Dans la continuité de son histoire impériale, l’Iran contemporain continue de développer une politique d’hégémonie régionale qui est perçue comme une menace directe pour l’ Arabie saoudite et les micro-monarchies sunnites de la région du Golfe : Bahreïn, le Koweït, le Qatar et les Emirats Arabes Unis. Relativement admise par les Occidentaux à l’époque du Shah, lorsque l’Iran était promu par les Etats-Unis « gendarme du Moyen-Orient » en vue de préserver l’exploitation des gisements pétrolifères de la région, toute velléité expansionniste est devenue inconcevable depuis la Révolution islamique (en 1979) et l’instauration d’une République théocratique chiite. Le régime des mollahs a opté pour une politique d’influence ou d’hégémonie politique, plutôt que l’invasion des territoires (terrestres et maritimes) convoités. Une alliance stratégique a ainsi été scellée en 1982 avec le régime syrien tenu par les chiites alaouites et les chiites libanais du Hezbollah.

En réaction, les Etats-Unis, soutenus par les monarchies sunnites du Golfe et par l’ Arabie saoudite en particulier, fragilisés par la présence de fortes minorités chiites en leur sein (communauté majoritaire à Bahreïn), ont déployé une stratégie d’encerclement et d’isolement de l’Iran. Outre l’installation et le renforcement progressif de bases militaires de l’ Arabie saoudite à l’Afghanistan, en passant par le Qatar et les Emirats Arabes Unis, ces pays arabes se sont regroupés au sein du Conseil de coopération du Golfe.

Afin de briser le « bloc sunnite », l’Iran a tenté de se faire le nouveau porte-drapeau de la « cause palestinienne », en l’« islamisant » et en la « désarabisant », tentative qui a causé des tensions diplomatiques avec Israël et s’est traduite par un soutien matériel et financier aux islamistes sunnites du Hamas (au pouvoir à Gaza). Surtout, la chute du régime de Saddam Hussein a permis à la majorité chiite de s’imposer au sein du nouvel appareil d’Etat irakien. Par une ruse de l’histoire, l’intervention américaine en 2003 a renforcé l’avènement d’un « arc chiite » (allant des Hazaras d’Afghanistan à la minorité chiite présente en Arabie Saoudite), si redouté par les régimes sunnites de la région. L’enjeu est à la fois stratégique et symbolique : entre chiites et sunnites, Arabes et Perses, c’est le « leadership islamique » qui est en jeu.

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« 48 2/3 » – 3 questions à Christian Jeanpierre

IRIS - Thu, 07/01/2016 - 15:15

Christian Jeanpierre est journaliste et commentateur sportif, et suit depuis 1988 toutes les coupes du monde de football et de rugby pour TF1. Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de son ouvrage « 48 2/3 », paru aux éditions Les Arènes.

Vous rassemblez, dans votre livre, des personnes aux parcours de vie extrêmement différents. Quel est, par exemple, le rapport entre Arsène Wenger et le comte de Bouderbala ?
En écrivant le livre, j’ai souhaité rassembler des personnalités d’horizons différents – des artistes, des sportifs, des aventuriers – mais qui ont en commun d’avoir su faire de grandes choses tout en ayant traversé des épreuves.
Le Comte de Bouderbala et Arsène Wenger, comme par ailleurs Christian Califano, Kad Mérad ou encore Jean-Claude Olivier, sont tous des « artistes de la vie », de grands bosseurs qui ont su saisir leur chance et tracer leur propre destin. Ils ont des trajectoires de vie fascinantes et ont su s’imposer comme des références dans leur domaine respectif mais derrière chaque quête, chaque victoire, il y a des fêlures et de l’humain. C’est cela que j’ai voulu présenter.
Arsène Wenger a commencé sa carrière d’entraineur au Japon, à Nagoya, par huit défaites. Lorsqu’il a débarqué à Arsenal, il a dû affronter le scepticisme de la presse qui titrait alors « Arsène who ?». Il est désormais le manager d’Arsenal depuis vingt ans, avec de nombreux titres à son palmarès.
Sami Ameziane, alias le comte de Bouderbala, est né à Saint-Denis dans « la rue de la mort ». Malgré une taille d’1m78, qui lui a valu d’essuyer bien des critiques, il s’est imposé dans le championnat de basket universitaire aux Etats-Unis et a joué contre Tony Parker. C’est outre atlantique qu’il a démarré le stand-up, en anglais, lui l’enfant de Saint-Denis, avant de revenir en France et de réunir plus d’un million de spectateurs avec son spectacle.
Christian Califano a grandi avec un père en prison et a su canaliser sa rage pour devenir un des meilleurs piliers de l’histoire du rugby. Kad Mérad a claqué la porte à une carrière dans le rugby qui lui tendait les bras, pour « faire clown », au grand désarroi de son père.
Les douze personnalités que je présente ont connu des trajectoires cabossées, mais se sont tous appuyées sur le travail, une force mentale incroyable, et de profondes valeurs pour forcer leur destin.

Essayez-vous de réhabiliter les sportifs de haut niveau dans ces portraits ? La presse parle-t-elle plus des dérives de certains que de l’exemplarité de beaucoup ?
Je ne pense pas que les sportifs de haut niveau aient besoin d’être réhabilités. Je pense au contraire que, dans l’ensemble, ils jouissent d’une très bonne image auprès du grand public. Il y en a bien quelques-uns qui concentrent les critiques mais c’est propre à tous les milieux, et va souvent de pair avec la notoriété.
Les sportifs devraient avoir un comportement exemplaire sur et en dehors des terrains et on ne fait pas preuve à leur égard de la même mansuétude qu’envers des personnalités d’autres domaines. Tout ça prend parfois des proportions démesurées dans notre « siècle de l’image » et le moindre petit dérapage, qui serait passé inaperçu il y a vingt ans, tourne aujourd’hui en boucle sur internet et les chaines télévisuelles.
Malek Boukerchi, coureur de l’extrême et conteur, un type fabuleux que je vous invite vraiment à découvrir dans le livre, reprend souvent, lors de ses nombreuses conférences, une citation de Gandhi qui disait : « le problème de nos sociétés actuelles, ce ne sont pas les mauvaises actions mais le silence des bonnes actions. »

Existe-t-il une recette pour rester les pieds sur terre lorsqu’on est devenu un personnage public ?
Il faudrait la demander à Arsène Wenger, à Kad Mérad ou encore à Lionel Messi. Je n’ai pas la prétention de penser être en mesure de donner des leçons mais eux auraient sans doute beaucoup à vous dire sur le sujet, comme on peut s’en rendre compte dans les chapitres qui leur sont consacrés dans le livre. Lorsque j’ai reçu Lionel Messi à Téléfoot pour lui remettre son premier Ballon d’Or, en 2009, j’ai eu l’impression de passer la journée avec un jeune cadet, tant il avait su rester simple et humble.
Je pense qu’ils ont su s’appuyer sur de profondes valeurs transmises par le giron familial au cours de leur éducation, comme sur des principes de vie fondamentaux.
J’ai plaisir à constater que, comme le dit le dicton, « qui se ressemble s’assemble ». Par exemple, lorsque je rassemble les personnes de cet ouvrage dans la vie réelle et que je les laisse entre elles quelques temps, je m’aperçois qu’elles s’entendent très bien.

Vier Hindernisse überwinden. Das müsste Europa tun, damit die Türkei uns in der Flüchtlingskrise hilft

SWP - Thu, 07/01/2016 - 13:35
Immer wieder heißt es, die Türkei sei das Schlüsselland, um die Flüchtlingskrise zu lösen – aber...

Handeln statt Visionen

SWP - Thu, 07/01/2016 - 10:43
Klimapolitik sollte sich weniger auf hehre Ziele als auf praktikable Maßnahmen konzentrieren

La France face au terrorisme

Institut Montaigne - Wed, 06/01/2016 - 16:57
Date: Mardi 26 Janvier 2016Adresse: École nationale supérieure des mines de Paris - 60 boulevard Saint-Michel, Paris 6e

"Es geht nicht um wirtschaftliche Vorteile für die EU"

SWP - Tue, 05/01/2016 - 10:34
Zum Jahreswechsel tritt das Freihandelsabkommen zwischen der Ukraine und der EU in Kraft. Ob das...

Dr Filippa Chatzistavrou discusses the Greek crisis and the role of the EU on RTBF, 29/12/2015

ELIAMEP - Mon, 04/01/2016 - 11:00

Research Fellow of  ELIAMEP Dr Filippa Chatzistavrou discussed  the Greek crisis and the role of the EU in an interview with RTBF. The interview is available here.

Marcelo Rebelo de Sousa est le grand favori de l'élection présidentielle du 24 janvier au Portugal

Fondation Robert Schuman / Publication - Mon, 04/01/2016 - 01:00
9,7 millions de Portugais sont appelés aux urnes le 24 janvier prochain pour désigner le successeur d'Anibal Cavaco Silva (Parti social-démocrate, PSD), président de la République portugaise depuis le 9 mars 2006. L'article 123 de la Constitution du pays interdit au chef de l'Etat sortant de...

Seminarjahr startet mit Ferienprogramm

Hanns-Seidel-Stiftung - Sat, 02/01/2016 - 11:38
Vom 2. bis 6. Januar 2016 fand im Bildungszentrum Kloster Banz das Ferienprogramm statt. In generationenübergreifenden Seminaren haben sich die Teilnehmer mit der Problematik der aktuellen Flüchtlingskrise auseinander gesetzt.

ELIAMEP working paper focuses on sex trafficking in Greece

ELIAMEP - Mon, 28/12/2015 - 16:47

In ELIAMEP Working Paper 69/2015 Research Associate of Migration Programme Ms Eleni Zervos analyses sex trafficking in Greece. In particular, she focuses on structural barriers and vulnerability victims face in seeking protection.

ELIAMEP working paper deals with quality of democracy in the Balkans

ELIAMEP - Mon, 28/12/2015 - 16:32

Since the early 2000s in Western Balkans (WBs) powerful groups have misused democracy in numerous ways. Governing elites have tolerated the capture of public policy sectors by business conglomerates and have also invited in selected businessmen to capture such sectors.  Elites have adapted to inherited frail institutions and have created other deficient institutions to serve their changing strategies. To a lesser extent, the same holds for policy capture by relatively privileged occupational groups of insiders, who are less powerful than elites. On their way up to enrichment and reproduction of relatively privileged status, elites and privileged occupational groups have not encountered the obstacles usually found in other European democracies, such as a relatively strong parliament, judiciary, civil society, mass media and a public bureaucracy functioning with a minimum of autonomy from the government. Policy capture would have been impossible without first achieving and consolidating the supremacy of the government over the legislature and the judiciary. This vital for contemporary democracies balance of powers has been destroyed in WBs to an extent larger than in other European democracies. It will not be rectified, as long as civil society and parliamentary opposition remain weak, while media pluralism is restricted in WB democracies.

Working Paper 70/2015: An Inventory of Misuses of Democracy in Western Balkans

Author: Dimitri A. Sotiropoulos

 

Palestine News Forum

ELIAMEP - Mon, 28/12/2015 - 15:56

More than any other conflicts globally that of Palestine-Israel remains an enigmatic riddle waiting to be deciphered. After more than seven decades of constant regional instability and many efforts to reach a consensus, few things have changed today. This period has been one of the most fruitful in the diplomatic history of the conflict. It is perhaps the most productive one after the Oslo Accords (1993). As a result of the upgrade of the representation of Palestine to a non-member observer State in UN in November 2012 and the subsequent change of the mission title from “Palestine (represented by PLO)” to State of Palestine, in 2014 there was an intensive political effort by the international community to take the initiative and create the suitable political framework that could revive negotiations and lead to a permanent and viable solution to the conflict.

Cooperation between Greece and Palestine is much needed both in regard to the Palestinian-Israeli conflict and in areas of mutual interest. Greek-Palestinian relations are of particular importance for geopolitical stability in the Eastern Mediterranean involving a series of issues including that of Cyprus. Increased cooperation between Palestine and Greece is a positive factor for enhancing geopolitical stability in the region. As a result of bilateral contact and cooperation both countries can be benefited mutually, both in resolving critical issues related to geopolitical stability and security and the geopolitical configuration of a secure environment conducive to the economic development of these areas.

Description: The Palestine News Forum is an online news platform and part of the ELIAMEP Middle East Research Project, focusing on political, economic and cultural news and developments regarding Palestine and Palestinian-Greek relations. These topics aim to provide the reader with an update as a means of shedding more light to this riddle which has a strong impact on future regional developments.

Week period 1

Dr Evangelos Venetis writes about the triangle between Greece, Cyprus and Palestine in Kathimerini, 22/12/2015

ELIAMEP - Mon, 28/12/2015 - 15:36

The unanimous decision of the plenary committee of the Greek Parliament that urges the Greek government to recognise the Palestinian State in conjunction with the visit of Palestinian Authority President Mahmoud Abbas in Athens on 20-22 / 12/2015  are developments of particular importance both for bilateral Greek-Palestinian relations and the Palestinian Question. It reiterates the historical friendship of the two peoples and takes place in a period of geopolitical instability and change of balance of power in the Eastern Mediterranean and the Middle East. Additionally this initiative, which was launched during the presidency of Zoe Konstantopoulou, reflects indirectly the intentions of the Greek foreign policy on the Palestinian issue and the Arab world, boosting the image of the current Greek government in the Greek public opinion. The only imperfection in this initiative of the Greek parliament was the fact that President Abbas spoke at the Senate Hall and not the Plenary Hall.

Just a year ago (12.14.2014, Daily) we wrote about the prospect of an initiative of the Greek Parliament to proceed to the direction of recognising the Palestinian State. The basic argument for such a development is the necessary motivation and diversity of Greek foreign policy in the Middle East with the Palestinian be a reference point in the relationship between Greece and Palestine particularly, and the Arab and Muslim world in general.

As for the decision of the Greek Government to use in the official documents of the Greek state, the term “Palestine” instead of “Palestinian Authority” is in the right direction, but it will become essential when the Greek Government applies systematically the decision of the Greek Parliament. Otherwise it will be a fleeting decision not binding for future Greek governments. Greece is one of the 57 members of a total of 193 members of the UN and one of 21 members in total 28 EU members that have not recognised the Palestinian State government. Knowing that Cyprus, with which Greece shares a common geopolitical, and not only, environment, recognised the Palestinian State in 2013, the question is why Athens is reluctant to do something similar. Obviously the politicians in Greece need to be more courageous and determined.

Currently Greece participates in two “triangles” (Greece-Cyprus-Israel and Greece-Cyprus-Egypt) which form essentially a quadrangular (Greece-Cyprus-Israel-Egypt). In this context the Greece-Cyprus-Palestine relations have their own potential regardless of whether there is in practice an independent Palestinian state. The size and importance of Palestine is not confined to the narrow context of a nation-state but is represented by the Palestinian Diaspora around the world. The power of the Diaspora is greater in the economy and culture although politically-strategically there is not yet a state-benchmark for this. The Greek political and business world needs to acknowledge the strength of the Palestinian Diaspora in order to continue the Greek-Palestinian cooperation in the future on more solid foundations. When this is understood, then we can talk about a new regional triangle, that between Greece-Cyprus-Palestine.

This article was published in Kathimerini.

Die Türkei als Partner der EU in der Flüchtlingskrise

SWP - Wed, 23/12/2015 - 12:33

Selten ist ein Beschluss der Staats- und Regierungschefs und -chefinnen der Europäischen Union aus so unterschiedlichen Perspektiven und Interessenlagen kritisiert worden wie die Vereinbarungen der EU mit der türkischen Regierung vom 29. November 2015 zur Eindämmung der Flüchtlingskrise. Osteuropäische Staaten, Menschenrechtsorganisationen, eine türkeikritische europäische Öffentlichkeit und türkische Intellektuelle sind in Skepsis gegenüber der Brüsseler Politik vereint. Die EU sei der Türkei finanziell und politisch zu weit entgegengekommen. Die Situation der Türkei dagegen spielt in der Diskussion kaum eine Rolle. Wenig wird danach gefragt, mit welchen finanziellen Mitteln die Türkei diese Aufgaben lösen soll, welche politischen Kosten der Regierung entstünden und wie groß der Umbruch in der türkischen Asyl- und Ausländerpolitik wäre. Noch weniger wird darüber nachgedacht, warum die Türkei zu einer Zusammenarbeit mit der EU bereit sein sollte, wie sie dafür zu gewinnen wäre und auf welche gemeinsamen Ziele und Interessen sich eine solche Kooperation gründen könnte.

La situación de seguridad en Argelia

Real Instituto Elcano - Wed, 23/12/2015 - 02:46
DT 19/2015 - 23/12/2015
Carlos Echeverría Jesús
La seguridad y la defensa de Argelia se ven hoy afectadas por un abanico de realidades de carácter interno e internacional que provocan preocupación en sus autoridades, en su población y en sus vecinos más o menos inmediatos. Este Documento de Trabajo procede a analizarlas alimentando una reflexión necesaria en clave regional.

Siria después de Westfalia

Real Instituto Elcano - Wed, 23/12/2015 - 02:25
23/12/2015
Josep Piqué i Camps
El orden “westfaliano” en Oriente Medio se vio trastocado por la invasión de Irak para derrocar a Saddam Hussein, y en su lugar ha vuelto la lógica de la realidad “wilsoniana”, a veces con resultados perversos, como estamos viendo en Siria.

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