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Les Polonaises (et des Polonais) dans la rue pour défendre leurs droits

HU-LALA (Hongrie) - mar, 04/10/2016 - 01:47
Plusieurs milliers de femmes sont descendues dans les rues des plus grandes villes de Pologne pour protester contre l’interdiction totale d’avorter. Récit de ce «lundi noir».

Varsovie, correspondance – #CzarnyProtest. Le hashtag s’est rapidement répandu sur les réseaux sociaux du monde entier ces dernières semaines, quand l’interdiction totale d’avorter a cessé d’être une vague lubie des milieux ultra-catholiques pour devenir une véritable menace juridique.

C’était le 27 septembre, au Sejm, la chambre basse du Parlement polonais. Deux propositions de loi citoyennes étaient étudiées par les députés, majoritairement issus du parti conservateur et catholique Droit et Justice (PiS), grand vainqueur des législatives d’octobre 2015. La première, à l’initiative du comité «Stop Avortement», dont la pétition a rassemblé un demi-million de signatures, propose une interdiction totale de l’IVG et des peines de prison ferme pour les femmes qui avortent et les médecins qui les aident. L’autre, portée par l’association «Sauvons les femmes», soutenues par 215 000 signatures, défendait une légalisation de l’avortement sans conditions jusqu’à 12 semaines de grossesse. C’est celle-ci qui a été écartée par les parlementaires. Lesquels ont choisi d’envoyer en commission celle de Stop Avortement pour relecture.

L’adoption de l’interdiction totale de l’IVG remettrait en cause le «compromis de 1993», pourtant l’une des lois les plus strictes d’Europe (l’avortement n’est autorisé qu’en cas de danger pour la santé de la mère, maladie grave et irréversible de l’embryon et de viol), satisfaisant une majorité des Polonais. «On se contentera du compromis !», lancent en chœur Marta, Ola, Ania, Ewa et Masza, la trentaine, rencontrées dans les rues de Varsovie pendant la manifestation de lundi. Elles ne se disent pas particulièrement en faveur de l’avortement, mais craignent beaucoup la nouvelle loi. Merzena, 36 ans, est «pro-choix, mais je tiens quand même au compromis : je ne veux pas qu’on me retire ce minimum pendant que je me bats pour avoir plus de droits !»

Crédit : (c) Hulala

Ils sont nombreux dans la rue (30 000 à Varsovie, voir ci-dessus), à n’être pas seulement là pour défendre la libéralisation de l’avortement. «Je n’ai pas voté aux élections, ce n’était pas ma priorité. Je le regrette beaucoup et je me sens coupable de ce qui arrive, c’est un cauchemar !», témoigne Zuzanna, 29 ans, designer, venue aussi «pour défendre les droits des femmes et montrer que l’on est pas tous d’accord avec ce gouvernement». Avec son conjoint Aleksander, 27 ans, également designer, ils ont aussi participé aux manifestations du KOD (comité pour la démocratie), lorsque le PiS a pris le contrôle des médias publics. «Cette loi sur l’avortement, c’est un retour en arrière», résume Aleksander.

IVG en Pologne : « Un retour à l’enfer pour les femmes »

C’est aussi un profond facteur de division – beaucoup d’éditorialistes pensaient que les deux propositions seraient rejetées afin de conserver le compromis et la certaine stabilité qu’il apporte. «Je suis en colère ! Avant ce projet, je ne l’étais pas, mais ça m’a poussée à sortir dans la rue», admet Ewa, 31 ans. Zuzanna et Aleksander estiment que cette loi «a repolitisé beaucoup de jeunes». Certains couples manifestent main dans la main, parfois avec leur bébé dans la poussette et s’accordent sur tous les détails comme Ewa et Konrad, 27 ans. «Venir manifester était une évidence pour tous les deux, et on signera la prochaine pétition !» Iwona, 57 ans, attend ses trois filles : «Dans la famille nous sommes tous en faveur de la libéralisation. Mon mari n’a pas fait grève, mais il est allé travailler habillé tout en noir». Weronika, 18 ans, est venue avec sa mère Beata, 49 ans, à qui elle ressemble trait pour trait. «C’est pour l’avenir de ma fille que je suis ici. Ce ne sont pas de vieux hommes qui vont décider à sa place !» Deux lycéennes, Ola et Julia, 17 ans, ont attendu la fin des cours pour aller manifester en cachette : «Nos parents sont contre l’avortement, mais ça concerne notre futur !».

Le mouvement Czarny Protest s’est propagé en dehors des frontières, un soutien bienvenu pour les Polonais qui craignent «d’être isolés diplomatiquement», comme Zuzanna. «Le gouvernement va à rebours du reste de l’Europe, dirige le pays comme si c’était une île isolée !» Si la loi était votée, la Pologne deviendrait l’un des pays où la législation sur l’avortement est la plus stricte du monde. Même le Belarus voisin a proposé aux Polonaises de venir subir une IVG gratuitement dans leurs hôpitaux. D’après les associations, elles sont déjà plus de 100 000 chaque année à passer les frontières pour avorter en Allemagne, au Royaume-Uni ou en République Tchèque. «Du moins celles qui en ont les moyens. Les autres risquent leur vie en avortant clandestinement !», précise Merzena, qui travaille avec des gens de toutes nationalités, «tous choqués de voir ce qui se passe ici». Moins de 2 000 avortements sont pratiqués légalement chaque année en Pologne.

«Qu’elles s’amusent !»

Ce «lundi noir», inspiré par la grève des Islandaises en 1975 – faisons comme elles, a invité l’actrice Krystyna Janda : pas de ménage, pas de courses, pas de sexe – était une première. Dans un pays où les grèves sont rares, l’initiative a largement mobilisé, même si elle n’est pas encore chiffrée précisément. Des commerçants ont offert leur journée à leurs employées, des écoles ont fermé, des musées et instituts publics se sont déclarés en grève, des conseils juridiques ont été offerts dans certaines villes. En réaction, certains médias conservateurs et des évêques ont invité les anti-avortement à se vêtir de blanc. Alors que la colère monte et que le PiS perd des points dans les sondages, le ministre des Affaires étrangères, Witold Waszczykowski, a choisi la moquerie : «Qu’elles s’amusent !»

La Pologne ouvre la voie à l’interdiction totale d’avorter

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Déroute pour Viktor Orbán après le référendum en Hongrie

HU-LALA (Hongrie) - lun, 03/10/2016 - 10:04
Le plébiscite tant espéré par le gouvernement chrétien-conservateur (Fidesz-KDNP) s’est transformé en déroute. Selon les résultats quasi-définitifs de la Commission électorale (Nemzeti Választási Iroda), le référendum portant sur les quotas de migrants établis par l’Union européenne a été invalidé, faute de participation suffisante.

Pour être valide, le scrutin devait atteindre un quorum de 50% de suffrages exprimés. On en est très loin. La participation s’établit à 43,3 %, et 6,2 % des bulletins sont nuls. La stratégie des différents partis de gauche appelant au boycott a donc fonctionné. Quant au grand nombre de bulletins invalides glissés dans les urnes, il faut sans doute y voir un succès de la campagne très active menée par le parti satirique du chien à deux queues (MKKP).

Parmi les bulletins exprimés, 90,89 % sont en faveur du gouvernement (Non), pour seulement 2,88 % de Oui. En chiffres  absolus, 3,3 millions d’électeurs ont apporté leur soutien au gouvernement. Premiers à s’exprimer, Zsolt Semjén (KDNP) et Gergely Gulyás (Fidesz) ont tenu une conférence de presse au cours de laquelle ils ont feint d’y voir une «victoire qui balaie tout sur son passage».

En #Hongrie, à 99,98%dépouillés : OUI 2,88% NON 90,89% NUL 6,23% pour une participation de 43,35% via @indexhu #ReferendumHongrie pic.twitter.com/qWzAqebjST

— Hulala (@Hulala_org) 2 octobre 2016

Une partie de l’opposition appelle à la démission

Du côté des autres partis pro-non, le Jobbik a déploré la dramatisation des enjeux par le Fidesz, le parti gouvernemental, regrettant que les «Hongrois boivent la soupe de son arrogance». Le président de la formation d’extrême-droite, Gábor Vona, a comparé la situation de Viktor Orbán avec celle de David Cameron après le référendum sur le Brexit, l’enjoignant à en tirer les mêmes conséquences : démissionner.

À gauche, l’ancien premier ministre socialiste, actuel président de la Coalition démocratique (DK) Ferenc Gyurcsány a déclaré : «Plusieurs millions de gens se sont opposés à la campagne de la peur et ont dit “non” à Orbán» et appelé la gauche à trouver les voies de l’alternative après cette «victoire». Sa formation a également appelé Viktor Orbán à abandonner la tête de l’exécutif. Le président du parti socialiste (MSzP), Gyula Molnár, a quant à lui ironisé sur «une étude d’opinion particulièrement salée à propos du référendum». Le gouvernement – qui a initié ce référendum – aurait dépensé 50 millions d’euros pour sa campagne, selon le site d’investigation Átlátszó (Transparence). Pour Gergely Karácsony (PM), «le référendum appartient déjà au passé, les gens préfèrent désormais se concentrer sur l’avenir»

Marginalisé par son refus de donner une consigne de vote, le petit parti écologiste Une autre politique est possible (LMP) s’est félicité que l’invalidation du référendum «ait fragilisé le gouvernement», tout en rappelant que la question migratoire restait un «problème légitime».

Qui vote quoi ? Les consignes de vote des partis politiques hongrois. (c) Hulala Un test politique raté pour Viktor Orbán

«Voulez-vous que l’UE décrète une relocalisation obligatoire de citoyens non-hongrois en Hongrie sans l’approbation du Parlement hongrois ?». La question référendaire a été soumise à la Commission électorale (Nemzeti Választási Iroda) le 24 février 2016, par le gouvernement chrétien-conservateur de Viktor Orbán. L’initiative a été approuvée par le parlement avec les votes de la coalition du Fidesz et du parti chrétien-démocrate KDNP ainsi qu’avec les votes de l’extrême-droite (Jobbik). 8 272 625 Hongrois sont inscrits pour participer au scrutin, dont 274 627 établis hors du pays, notamment dans les pays limitrophes. Pour que le scrutin soit validé, le nombre de votes exprimés devait être supérieur à la moitié des inscrits, soit 4 136 313.

Depuis dimanche soir, Viktor Orbán cherche à tout prix à transformer cette défaite en victoire, rappelant à qui veut l’entendre que plus de 90% des suffrages exprimés l’ont été en faveur du «non». Si la Commission européenne a jugé cette semaine que ce référendum n’aurait eu aucun impact juridique sur les engagements adoptés, le Premier ministre hongrois a de nouveau déclaré dimanche soir que l’«UE ne pourra pas imposer sa volonté à la Hongrie». Dans sa déclaration post-scrutin, Viktor Orbán a laissé entendre que son gouvernement proposerait une modification de la Constitution qui bloquerait les velléités de Bruxelles.

Champion d’une nouvelle droite européenne en gestation, l’invalidation du référendum prive néanmoins le maître de Budapest de l’illusion d’un pays rassemblé derrière lui. Ce d’autant plus qu’il est le premier leader eurosceptique à perdre ainsi à domicile.

Retrouvez le LiveTweet du dimanche 2 octobre

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Réfugiés : les Hongrois de Roumanie regardent le référendum de loin

HU-LALA (Hongrie) - dim, 02/10/2016 - 10:29
120 000 Hongrois de Roumanie sont inscrits sur les listes électorales pour le référendum de ce dimanche sur les quotas de réfugiés — ce qui représente près de la moitié des Hongrois de l’étranger. Beaucoup ont l’intention de voter, même si la campagne est restée relativement discrète et si le rejet des migrants et des réfugiés ne fait pas l’unanimité. Reportage à Timișoara. Cet article fait l’objet d’une publication commune avec le Courrier des Balkans, site d’information de référence sur l’Europe du Sud-Est. Festival hongrois dans le centre de Timișoara (© CdB / Aline Fontaine)

Timișoara, correspondance – Ce dimanche, alors que les citoyens de Hongrie sont appelés aux urnes, les Hongrois de Timișoara (Temesvár, en hongrois) auront peut-être la tête ailleurs. Tout le week-end, ils organisent un festival en l’honneur de leur culture d’origine. Pour autant, ils n’ont pas oublié le référendum. Irina, chargée du stand d’information du Festival, a déjà envoyé son bulletin de vote. Il y a plusieurs semaines, elle s’est enregistrée sur le site de l’ambassade de Hongrie à Bucarest, et elle a reçu une enveloppe contenant une autre enveloppe à retourner aux autorités diplomatiques locales avec un bulletin «oui» ou «non».

«Même si je suis née ici, je ne suis pas indifférente à ce qui se passe en Hongrie. Il y a deux ans, je suis passée par la gare centrale de Budapest, où erraient des milliers de migrants. Ce n’est pas durable», assure Anna. A la question posée : «Voulez-vous que l’Union européenne décrète une relocalisation obligatoire de citoyens non hongrois en Hongrie sans l’approbation du Parlement hongrois ?», la jeune femme a donc répondu non. «Si ce même référendum avait lieu en Roumanie, je dirais non tout pareil. Que 100 personnes viennent à Timisoara, ça va, mais imaginez 3 000 migrants, l’équivalent d’une petite ville, ce n’est pas possible».

A quelques mètres, derrière les sachets de lavande qu’elle cultive, Andrea a un avis moins tranché. Elle est du genre «ni oui, ni non». «Pour moi, il faudrait trouver un compromis, car ça ne sert à rien de tourner le dos à Bruxelles. C’est sûr que certaines personnes ont souffert et ont besoin d’aide. Une meilleure sélection des personnes qu’on accueille serait une solution», déclare-t-elle entre deux visiteurs. Indécise, elle préfère ne pas voter. En plus, depuis la Roumanie, elle ne se sent pas directement touchée. «Les migrants ne sont pas nombreux. Ils ne veulent pas venir ici, ils ne font que passer en petite quantité».

«C’est normal que les Hongrois de Roumanie ne se sentent pas tous concernés. Ils n’ont pas un bureau de vote au bout de leur rue.»

La réaction d’Andrea ne surprend pas Zsolt Szilágyi, le président du Parti populaire hongrois de Roumanie. «C’est normal que les Hongrois de Roumanie ne se sentent pas tous concernés. Ils n’ont pas un bureau de vote au bout de leur rue. En plus, nous n’avons organisé que deux ou trois réunions d’information, mais nous n’avons pas eu les moyens financiers de mener une véritable campagne comme en Hongrie»¸ explique-t-il.

Comme les deux autres responsables des partis hongrois de droite de Roumanie, il invite tous ceux qui ont la double citoyenneté à participer au référendum, et à opter pour le non. Il n’existe aucun parti hongrois orienté à gauche en Roumanie. «Aujourd’hui la politique migratoire est de la compétence des États, pas de la Commission européenne. Cette institution ne peut donc pas imposer de quotas. Nous ne sommes pas contre les quotas mais ils doivent rester optionnels, comme l’a également déclaré le Président roumain Klaus Iohannis. En Roumanie, le problème se pose moins, car la Constitution précise qu’aucune instance ne peut obliger le pays à accueillir des non-Roumains. En Hongrie, il faudra de toute façon changer la Constitution», argumente ce natif d’Oradea, en Transylvanie : 50.000 des 120.401 Hongrois de Roumanie inscrits sur les listes électorales de ce dimanche résident dans cette région.

Zsolt Szilágyi considère que le débat autour des migrants doit avoir lieu. «Personne ne conteste les droits de ceux qui fuient pour leur vie, comme ceux qui s’échappaient de la région sous le régime de Ceaușescu pour rejoindre l’Autriche. Ils attendaient là-bas avant d’être placés. Mais aujourd’hui, il y a aussi des migrants économiques, et là c’est différent. L’Europe ne peut résoudre les problèmes de l’Afrique ou de l’Asie en accueillant leurs populations». Pour lui, quel que soit le résultat de ce référendum consultatif, le peuple hongrois enverra un signal à Bruxelles. «Un non vainqueur conforterait la position tranchée du gouvernement hongrois. Si le oui passe, cela voudra dire que les gens sont prêts à laisser la Commission européenne élargir ses compétences».

«Bien avant l’idée de ce référendum, nous étions contre ces quotas. Ils ne peuvent pas s’appliquer aux pays de l’Est, plus pauvres que le reste de l’Europe.»

Ce que ne souhaite pas non plus Péter Kovács, président de l’Union démocrate magyar de Roumanie, parti majoritaire. «Bien avant l’idée de ce référendum, nous étions contre ces quotas. Ils ne peuvent pas s’appliquer aux pays de l’Est, plus pauvres que le reste de l’Europe», pense-t-il. Selon oui, les quotas ne résoudront pas la crise migratoire. «En plus, qui va décider de la répartition des personnes ? Sur quels critères ? Les ouvriers viendront en Roumanie et les ingénieurs iront en Finlande ? Rien n’est clair».

En tout, 250 000 Hongrois sont inscrits sur les listes électorales à l’étranger, dont la moitié en Roumanie, leur voix pourrait donc peser dans la balance. Ceux qui n’ont pas encore renvoyé leur bulletin de vote par courrier pourront venir le déposer dimanche à l’ambassade de Hongrie à Bucarest ou aux consulats de Cluj et de Miercurea-Ciuc. Ces trois sites sont ouverts ce dimanche depuis 6 heures du matin.

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Référendum en Hongrie : le pays a basculé il y a dix ans

HU-LALA (Hongrie) - sam, 01/10/2016 - 16:06
Demain 2 octobre 2016 aura lieu en Hongrie le référendum sur le système européen de répartition des réfugiés. Ce scrutin couronne une campagne particulièrement virulente de la part du gouvernement en faveur du «non». Même si les rapports de force sont très inégaux, ce sont bien deux Hongrie qui s’affronteront dans comme hors les urnes. Retour dix années en arrière, au moment où le pays s’est presque irrémédiablement fracturé. Cet éditorial fait l’objet d’une publication commune avec le Courrier des Balkans, site d’information de référence sur l’Europe du Sud-Est.

Éditorial – Automne 2006. Des émeutiers mettent à sac des quartiers de Budapest. Dans un chaos de gaz lacrymogène, ils réussissent à s’emparer d’un tank T-34 (désarmé), un de ceux qu’avait utilisé l’Armée rouge pour mater le soulèvement hongrois, exactement cinquante années plus tôt. C’est le 23 octobre et la Hongrie commémore les martyrs de la révolution. Un grand rassemblement est organisé dans le centre de la capitale par Viktor Orbán et son parti, le Fidesz. La police anti-émeute intervient et frappe sans discernement dans la foule, les familles et les personnes âgées comme les hooligans. La télévision publique censure, mais la chaîne Hír TV, liée au Fidesz, se charge de retransmettre en direct les événements. Les images choquent, on n’avait pas vu pareille violence depuis…1956, année de l’insurrection des Hongrois contre le pouvoir communiste, justement.

Quelques mois plus tôt, au printemps, la coalition socialiste-libérale avait déjoué tous les pronostics en réussissant à se maintenir au pouvoir. Lors d’un débat télévisé décisif, Viktor Orbán avait été terrassé par son ennemi juré, Ferenc Gyurcsány. Les socialistes du MSzP avaient promis, beaucoup promis, durant la campagne, mais c’est une douche froide qui s’abattait sur la population au lendemain des élections : augmentation de la TVA, des prix du gaz, de l’électricité et de nombreux produits de consommation. Avant l’annonce périlleuse de ce plan d’austérité, le jeune leader socialiste avait réuni à Balatonőszöd les cadres du parti pour les préparer aux secousses à venir, à huis-clos. «Nous n’avons fait que mentir tout au long des dix-huit derniers mois. […] Nous avons tout fait pour cacher pendant la campagne ce dont le pays avait vraiment besoin, ce que nous comptions faire après la victoire. Car nous savions, et vous aussi !».

Ces mots fuitent le 17 septembre par la Magyar Rádió. Le soir même, des milliers de manifestants se massent devant le Parlement, pour réclamer la démission du Premier ministre Gyurcsány et le lendemain soir le siège de la Magyar Televízió est pris d’assaut par des groupes d’extrême-droite et de hooligans de clubs de foot, sur la place de la Liberté. Parmi eux, un certain László Toroczkai, celui-là même qui a, à la tête d’une petite bourgade frontalière avec la Serbie (Ásotthalom), réclamerait le premier, des années plus tard, la construction d’un mur entre la Hongrie et la Serbie. Face au pouvoir qui s’accroche, c’est tout la droite qui n’aura de cesse de harceler, de dénoncer les « traîtres à la patrie ». La vague de la crise américaine des subprimes qui submergera le pays en 2008, laissant sur le carreau des centaines de milliers de foyers surendettés, achèvera de paver la voie à un Viktor Orbán promettant le retour de l’ordre et la fin de la sévère cure d’austérité mise en place par le gouvernement de Gordon Bajnai, un exécutif composé de technocrates soutenu par la gauche.

Selon le récit de la droite, sa «révolution dans les isoloirs» en 2010 – par laquelle elle prendra le contrôle des deux-tiers du parlement – viendra achever une bonne fois pour toutes la révolution de 1956, en chassant pour de bon les communistes et leurs derniers avatars : les sociaux-libéraux et l’intelligentsia progressiste. Pour gouverner, le Fidesz ne cessera d’en appeler à la défense de la nation : contre le FMI tout d’abord, puis la Commission européenne, contre le milliardaire-philanthrope George Soros et les ONG qu’il finance… Des autobus déversent dans Budapest des Polonais du PiS et des Magyars des pays voisins pour scander «Nous ne serons pas une colonie !» lors de manifestations monstres pour soutenir la «lutte pour l’indépendance» menée par le gouvernement hongrois.

Aujourd’hui, contre un Occident « décadent » et « nihiliste » au pouvoir à Bruxelles et son plan de relocalisation de réfugiés, et contre un nouvel ennemi cette fois de chair et d’os – les migrants -, c’est encore l’imaginaire de la nation agressée que le Fidesz tente à nouveau de convoquer, jusqu’à la mobiliser dans ses marges. Les Hongrois d’outre-frontières sont rappelés à leur ancienne fonction de gardiens de la mère-patrie et de la chrétienté contre les Ottomans (lire ce reportage du Courrier des Balkans dans le nord de la Serbie), les Roms sont menacés de voir les aides sociales diminuées au profit d’hypothétiques réfugiés «relocalisés», les municipalités menacées de voir leur dotation diminuer si par malheur elles faisaient oeuvre d’hospitalité… L’enjeu pour le pouvoir étant une participation de 50%, sans quoi le référendum serait invalidé et le revers cuisant pour Viktor Orbán.

Ostracisée, vilipendée, divisée et hors d’état de nuire, la gauche n’a pas eu droit au moindre débat avec le Fidesz depuis que ce dernier lui a repris le pouvoir en 2010. Dans les forums citoyens du parti gouvernemental qui mobilisent en vue du référendum de ce dimanche 2 octobre, elle est selon la terminologie employée par la communication gouvernementale, «le parti des clandestins». Lors d’un rassemblement du MSzP jeudi soir à Debrecen (la deuxième ville du pays, dans l’est), des jeunes activistes du Fidesz se sont invités pour scander des «traître ! traître !», à l’adresse de son président, Gyula Molnár, qui appelait au boycott du référendum. Le «peuple de gauche», qui existe bel et bien en Hongrie, est dans un désarroi tel, qu’il ne lui reste plus – grâce à la contre-campagne du parti satirique du chien à deux queues (MKKP) – que le rire pour pleurer.

En six ans, Viktor Orbán est parvenu à essuyer l’affront de sa défaite de 2006 en transformant l’État hongrois en appareil politique au service de ses ambitions. Grâce à une habile stratégie de contre-feu permanent, le leader conservateur a pu tranquillement forger, à l’ombre de polémiques savamment entretenues, un système quasi-féodal à la tête du pays. Sur le plan intérieur, malgré de bons résultats économiques apparents, la société hongroise souffre dans son ensemble d’une nette montée des inégalités, sa jeunesse quitte le pays par dizaines de milliers, ses actifs sont confrontés tous les jours à la précarisation du marché du travail, et les plus fragiles payent durement la mise à sac des systèmes publics de santé et d’enseignement. Sur le plan extérieur, le chef du Fidesz fait de la Hongrie – le référendum de demain le montre bien – sa tribune idéologique, le laboratoire d’une nouvelle droite européenne débarrassée des gardes fous moraux de la démocratie chrétienne d’après-guerre.

Il y a dix ans, lors de son fameux discours, Ferenc Gyurcsány s’était fait visionnaire : «C’est fantastique de diriger un pays, s’exclamait-il sans savoir qu’il changerait avec ses mots le cours de la vie politique hongroise. Pendant ces dix-huit derniers mois, (…) j’avais une ambition : convaincre la gauche qu’elle pouvait gagner, qu’elle n’avait pas à courber la tête dans ce putain de pays, qu’elle n’avait pas à faire dans son froc devant Viktor Orbán et la droite. […] Changeons ce putain de pays ! Sinon qui va le faire ? Viktor Orbán et son équipe ?»

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En Serbie, les Magyars de Voïvodine roulent pour Viktor Orbán

HU-LALA (Hongrie) - sam, 01/10/2016 - 10:56
Les Hongrois de Voïvodine aussi s’apprêtent à voter au référendum convoqué dimanche par le Premier ministre Viktor Orbán. Alors que la région se trouve aux premières loges de la crise des réfugiés, en raison de la fermeture de la frontière hongroise, nationalisme, peurs et xénophobie battent leur plein. Et le vote des minorités hongroises «de l’extérieur» sera bien peu contrôlé… Cet article fait l’objet d’une publication commune avec le Courrier des Balkans, site d’information de référence sur l’Europe du Sud-Est. «Pour notre foyer, votons non au référendum sur les quotas». Crédit : Philippe Bertinchamps.

« Moi, je n’irai pas voter, parce que je n’ai pas encore le passeport hongrois », explique Tibor K., un jeune peintre de Sombor, chef-lieu du district de la Bačka occidentale, au nord-ouest de la province autonome de Voïvodine, en Serbie. « Mais, même si je l’avais, je ne voterais pas. Ça ne m’intéresse pas… » Dimanche 2 octobre, les citoyens hongrois sont invités à se prononcer sur l’accueil de réfugiés assignés à Budapest selon l’accord européen de septembre 2015 ayant abouti à la décision de « relocaliser » par quotas 160 000 réfugiés en Europe. Ils sont appelés à répondre à cette question : « Voulez-vous que l’Union européenne puisse décider de la réinstallation obligatoire de citoyens non hongrois en Hongrie, même sans l’aval de l’Assemblée nationale ? » En Serbie, les électeurs qui possèdent la double nationalité serbe et hongroise ont aussi le droit de s’exprimer par oui ou par non.

«Dans ma rue, je connais beaucoup de gens, amis et voisins, qui iront voter », poursuit Tibor K. « Non seulement parce qu’ils en ont le droit, mais aussi parce qu’ils le veulent. Ils voteront “non”. Ils sont un peu nationalistes et ils ont peur des réfugiés, tout comme ils n’aiment pas les Rroms… Cette idée de la Grande Hongrie et de la défense des Magyars d’outre-frontières, reprise par le gouvernement hongrois et, en termes plus explicites, par les néonazis du Jobbik, moi, ça ne me plaît pas. Mon grand-père habite Mohács, dans le sud de la Hongrie. Dans tous ces villages le long de la frontière croate, les skinheads prolifèrent».

Qui a le droit de vote ?

En Voïvodine, les Magyars représentent la minorité la plus importante, environ 13 % de l’ensemble de la population de la province autonome selon le recensement de 2011. Seuls ceux qui possèdent la double nationalité — donc aussi un passeport UE — et qui se sont inscrits au préalable sur les listes électorales hongroises bénéficient du droit de vote. Or, il n’existe pas de base de données précise. Selon des chiffres non confirmés, quelque 150 000 citoyens de Voïvodine ont la double nationalité et 30 000 d’entre eux se seraient enregistrés. La procédure électorale est elle-même bien peu contrôlée : les électeurs pourront voter par courrier, en envoyant leur bulletin par la poste à Budapest, ou bien en le glissant dans la boîte aux lettres de tout consulat de Hongrie…

Dans la province, la campagne pour le « non », menée par les partis hongrois locaux, l’Alliance des Magyars de Voïvodine (SVM/VMSz) d’István Pásztor en tête, bat son plein. « Partout dans les villes et villages, des affiches électorales en hongrois appellent les citoyens à voter non », explique Natalia Jakovljević, rédactrice en chef du site d’informations Magločistač, à Subotica, une ville frontalière de près de 100 000 habitants, où le hongrois est la deuxième langue. « Ils s’alignent à fond sur la politique de Budapest. Seul un nouveau parti d’opposition, le Mađarski pokret ([Magyar mozgalom en hongrois, ndr], « Mouvement hongrois »), a appelé les Hongrois de Serbie à voter suivant leur conscience…»

« 99 % des inscrits voteront non », assure Gábor Bódis, ancien journaliste à Radio Slobodna Evropa. « Tout comme 99 % d’entre eux ont voté pour le Fidesz-Union civique hongroise du Premier ministre Viktor Orbán aux législatives de 2014. En Voïvodine, il n’existe pas de parti hongrois de gauche. Quelques rares intellectuels, médias et ONG se sont élevés contre la xénophobie, mais c’est comme s’ils prêchaient dans le désert. »

«S’élever contre la xénophobie, c’est comme prêcher dans le désert…»

« La campagne a été lamentable », déplore l’écrivain et journaliste László Végel, originaire de Novi Sad, la « capitale » de la Voïvodine. « Un prêtre de la minorité magyare a enjoint les électeurs à voter non afin de défendre l’Europe chrétienne. Un fonctionnaire du Conseil national hongrois est allé jusqu’à proclamer que les hordes de migrants allaient tous nous dévorer ! »

Pour ne rien arranger, les médias serbes ont publié cette semaine un fait divers concernant des Pakistanais ayant molesté en rue une adolescente de quatorze ans, à Subotica. Il faut dire que depuis cet été, la tension est palpable. Les réfugiés qui espèrent pouvoir pénétrer légalement dans l’espace Schengen se retrouvent parqués de part et d’autre de Subotica, dans les no man’s land de Horgoš et de Kelebija, au pied de la barrière frontalière. Or, les listes d’attente sont longues et, dans les « zones de transit », la police hongroise ne laisse entrer les candidats à l’asile qu’au compte-goutte, conformément à la politique d’accueil restrictive de Budapest. Agressions, vols dans les magasins, les jardins et les vergers se sont multipliés… Des actes commis par des jeunes hommes exacerbés par une attente interminable et complètement démunis d’argent. Aussi, des habitants de Subotica ont lancé une pétition demandant aux autorités d’interdire l’accès au centre-ville aux migrants et réfugiés. Entre-temps, les deux camps à la frontière ont été « nettoyés » par la police serbe.

Pour Natalia Jakovljević, ce référendum ne présage rien de bon : « Quand toute cette hystérie en Hongrie, et dans une moindre mesure en Voïvodine, sera retombée, l’islamophobie et la haine des migrants, promues par la démagogie de Viktor Orbán, resteront… »

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Remaniement ministériel en Pologne… une seule sortie

HU-LALA (Hongrie) - mer, 28/09/2016 - 18:49
Beata Szydło, la première ministre, a annoncé mercredi soir la démission du ministre des Finances, Paweł Szałamacha.

Varsovie, correspondance – Vendredi soir, après la fin d’une session parlementaire mouvementée avec l’examen notamment des propositions de loi citoyennes sur l’avortement, la Première ministre, Beata Szydło, avait annoncé un important remaniement ministériel pour la semaine suivante.

Ce qui a laissé plusieurs jours aux médias polonais pour spéculer sur les éventuelles sorties et entrées au gouvernement. En fait de nouvelle composition du gouvernement, il n’y a eu qu’une sortie, celle du ministre des Finances, Paweł Szałamacha, qui a proposé sa démission lundi. Son portefeuille est récupéré par le vice-Premier ministre, Mateusz Morawiecki, qui conserve le Développement et sera également le président du Conseil économique du conseil des ministres, pas encore effectif.

Puisqu’il n’y a pas de ministre de l’Économie en Pologne et que le ministère du Trésor doit être supprimé d’ici à la fin de l’année, tous les leviers concernant l’économie de la Pologne sont entre les mains de Mateusz Morawiecki, 48 ans, un ancien banquier qui n’a rejoint le parti Droit et Justice qu’en mars 2016. Il y a quelques années, il a travaillé avec Donald Tusk, l’actuel président du Conseil européen, alors membre du parti libéral Plateforme Civique (PO).

La démission de Paweł Szałamacha, ancien éditorialiste du quotidien Rzeczpospolita et co-fondateur de l’Institut Sobieski, un think tank conservateur, intervient une dizaine de jours après la suppression de l’impôt sur le commerce de détail – grande promesse de campagne du PiS – qui fait l’objet d’une enquête de la Commission européenne.

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Référendum : «le résultat compte moins que la campagne qui le précède»

HU-LALA (Hongrie) - mer, 28/09/2016 - 14:20
L’institution du référendum trouve chez les démocrates, des partisans et des adversaires aussi sincères les uns que les autres. Pour la sociologue Mária Vásárhelyi, ce qui compte, c’est la façon dont ces consultations sont instrumentalisées par les pouvoirs en place. Concernant le référendum du 2 octobre prochain en Hongrie, elle estime que l’organisation du scrutin a surtout permis aux conservateurs de Viktor Orbán de monopoliser l’agenda politique comme jamais. La version originale de cet article a été publiée le 9 septembre 2016 dans la revue littéraire Élet és Irodalom («Vie et Littérature»). La traduction en français a été réalisée par Paul Maddens.

Dans les démocraties, le référendum est peut-être l’institution la plus vulnérable, celle qui donne la part belle à la plupart des abus. Ce n’est pas un hasard si cette institution compte au moins autant d’opposants que de partisans dans les cercles de spécialistes, y compris chez les démocrates les plus engagés.

Même dans les démocraties vivantes, le référendum peut être facilement un moyen de manipulation par l’élite populiste au pouvoir. Dans les dictatures et les systèmes autocratiques, il sert en revanche exclusivement le renforcement du pouvoir du dictateur et de la classe politique dirigeante.

Le référendum dans les dictatures

Dans les dictatures et les régimes autoritaires, le référendum est l’un des instruments de manipulation les plus efficaces. Non seulement parce que celui-ci légitime encore et toujours le pouvoir, mais aussi parce que la campagne qui précède le vote crée la possibilité – laquelle ne pourrait être assurée autrement – de manipuler l’opinion publique, de rabâcher de façon unilatérale le «récit» de l’élite au pouvoir, par le biais de telle ou telle question. Nous pouvons évoquer à titre d’exemple extrême la pratique du Troisième Reich, dont les dirigeants ont souvent eu recours à cet outil. Ce n’est pas un hasard si dans l’Allemagne de 1933, la liquidation de la démocratie, l’acte de transformation du pays en État à Parti unique, ainsi que les lois sur le référendum ont été adoptés le même jour.

Les « nationaux-socialistes » qui sont arrivés au pouvoir en 1933 ont utilisé l’institution référendaire comme un moyen de stabiliser leur pouvoir totalitaire en construction, lequel n’avait aucun rapport avec la mise en œuvre du principe du peuple souverain. Selon la loi entrée en vigueur le 14 juin, ce n’est non pas le peuple, mais «seul le gouvernement de sa propre initiative [qui] peut consulter le peuple». Dans la mesure où «dans le Troisième Reich, les référendums et les élections ont été réduits à de purs exercices de propagande, le régime ayant mobilisé les électeurs avec tous les moyens à sa disposition pour obtenir l’apparence de son appui aux mesures controversées»¹. Aux élections législatives organisées quelques mois après l’accès au pouvoir des nazis, il n’existait qu’un seul bulletin de vote, le plus souvent celui du NSDAP. Ceux qui se rendaient aux urnes n’avaient que le choix de l’accepter ou de le refuser, en votant «oui» ou «non». Par ailleurs, les membres des commissions électorales avaient reçu la consigne secrète de considérer les bulletins abîmés comme comptant pour le «oui».

Il est apparu à travers les comptes-rendus des scrutins que, malgré le fait que la majorité écrasante de la population vivait dans une totale intimidation, le pouvoir avait combiné les modalités les plus variées de fraudes électorales, afin que l’existence d’un nombre infime de votes de protestation n’émerge au grand jour. Celui-ci avait ainsi porté atteinte au secret du vote en numérotant les bulletins, en faisant remplir par les membres des commissions de dépouillement les bulletins blancs, ou encore en éliminant des listes électorales les opposants au système. Quelques mois plus tard, après que Hitler se soit proclamé chef d’Etat, le scandale a été que l’approbation de cette décision soit ratifiée par référendum. Lors de ce scrutin déjà, le pouvoir ne reculait pas devant l’usage de la force brutale. Des chemises brunes se tenaient à la porte des bureaux de vote en de nombreux endroits pour faire obstacle au secret du vote, des inscriptions avaient été placées dans les isoloirs avec pour mention «Entrée pour les traîtres uniquement». Ailleurs, des bulletins pré-remplis avaient été donnés à ceux qui se présentaient pour voter. A la lumière de tout ceci, il n’est pas étonnant que, dans de nombreuses circonscriptions, le nombre de votes exprimés dépassait le nombre d’électeurs inscrits. «Un tiers a voté oui par peur, un tiers en état d’ivresse, un tiers par peur et en état d’ivresse» – constata le superbe Victor Klemperer dans son journal à la suite du vote.

Le cas de l’Autriche fournit un cas d’école de manipulation du référendum par le pouvoir. Le chancelier Schuschnigg, défenseur de l’indépendance de l’Etat autrichien, avait fixé la date d’un référendum sur l’autonomie du pays au 13 mars 1938, car il était confiant dans le fait que la majorité refuse la réunification avec l’Allemagne. En réponse à la nouvelle du référendum, Hitler ordonna à l’armée allemande d’occuper l’Autriche, ce qui se produisit la veille du scrutin. A peine un mois plus tard, les nazis organisaient un référendum dans lequel il fallait répondre à trois questions avec un seul «oui» ou «non». Au-delà de l’union de l’Allemagne et de l’Autriche, le peuple décidait s’il votait la confiance à Hitler et s’il approuvait les mesures prises par lui jusque là. Le résultat final du vote témoigne du fait que Schuschnigg avait mal mesuré le mouvement de l’opinion populaire dans son pays. En effet, 99,75 % des votes furent en faveur du « oui ». Ceci signifiait que la majorité écrasante des Autrichiens, même en tenant compte de l’intimidation et des fraudes, soutenait la réunification et la politique de Hitler

Le chancelier autrichien Kurt von Schuschnigg en 1936.

Dans les pays de l’empire soviétique, l’institution du référendum était inconnue, mais il y avait tous les quatre ans de fausses élections parlementaires. Celles-ci étaient comparables aux faux référendums des dictatures. Jusqu’à la fin des années 1980, il n’était possible de «choisir» que parmi un seul candidat sur les listes électorales. Une campagne de propagande géante précédait les élections avec le slogan «Votez pour les candidats du Front Populaire», même si le citoyen n’avait pas la possibilité de voter pour qui que ce soit d’autre. Malgré un système très assuré, les résultats étaient falsifiés. [Nous par exemple, dans notre circonscription électorale, nous étions plusieurs à déposer un bulletin invalide et malgré cela, au moment de la proclamation des résultats, l’opinion publique était informée que, dans cette circonscription, 100% des votes étaient valides. En ce temps-là, ce qui paraissait le plus probable, c’est qu’ils ne prennent même pas la peine d’ouvrir les enveloppes et de décompter les votes].

Le référendum dans les démocraties

Dans les démocraties vivantes, un référendum est généralement organisé sur des questions qui décident à long terme du destin de la communauté politique donnée, au-delà des questions de politique quotidienne : une nouvelle Constitution, un changement de forme de l’Etat, une refonte des formes de propriété (privatisation, propriété de la terre), l’adhésion à un organisme international (UE, OTAN), l’appartenance territoriale de la collectivité donnée (par exemple l’indépendance des pays baltes en 1991), des questions idéologiques ou morales touchant directement ou indirectement tous les membres de la communauté (divorce, avortement, utilisation d’une langue, peine de mort…). En même temps, à côté des questions de large portée et s’inscrivant dans le long terme, l’on organise de plus en plus souvent dans ces pays des référendums pour trancher des questions touchant des affaires politiques quotidiennes, de court terme, ce qui n’est pas sans rapport avec l’affaissement de la confiance des citoyens dans la démocratie représentative ainsi qu’avec le renforcement du populisme. L’institution du référendum se trouve toujours sous le feu croisé de vives controverses politiques et de nombreux arguments démocratiques et dignes de réflexion peuvent être alignés en sa faveur ou sa défaveur.

Ce sont les partisans de la démocratie directe qui soutiennent fondamentalement l’institution puisqu’ils considèrent la manifestation directe de la volonté du peuple comme la forme la plus élevée de démocratie, renforçant significativement la légitimité des décisions politiques. Ils estiment que le référendum impose la vraie volonté du peuple en invoquant le principe de la souveraineté populaire, et qu’il accroît également la participation politique des citoyens et leur association aux décisions. Le vote de tous les électeurs ayant la même valeur, le référendum réaliserait l’exigence d’égalité politique entre les citoyens, bien plus que ne le ferait la démocratie représentative. Ils estiment également que les campagnes et les controverses qui précèdent les référendums rendent les citoyens plus informés sur les questions politiques importantes.

Les opposants aux référendums peuvent énumérer des arguments ayant au moins autant de poids pour défendre leur point de vue. Parmi ceux-ci, je soulignerai ceux que je tiens comme les plus importants. Tandis que les référendums accroissent vraiment dans une part importante des cas la légitimité des décisions, en prenant en compte les évolutions à long terme, on peut observer que la participation est déterminée plutôt par le niveau de culture politique de la collectivité donnée et le niveau général de confiance accordée à la démocratie d’une part, et d’autre part par la mesure dans laquelle les citoyens sont concernés par les questions posées. Dans les pays où ceux-ci participent en grande proportion aux élections parlementaires, la participation aux référendums est également élevée. Par contre, dans les pays où les citoyens sont peu nombreux à aller voter pour les institutions démocratiques, la participation aux référendums est presque toujours plus faible. Toutefois dans les dernières décennies, les données des référendums organisés dans les états démocratiques montrent que la participation est en général plus faible que lors des élections législatives.

L’un des arguments les plus forts contre les référendums est le manque de connaissances, la sous-information d’une partie importante des votants et le niveau très inégal des compétences. […] Selon les détracteurs du référendum, la manifestation de la volonté des citoyens dont les niveaux de culture, de connaissances, de préparation sont totalement inégaux ne rapproche pas de la manifestation du bien commun, mais assure au contraire un large espace à la manipulation. Des expériences nationales le confirment. En 2008, l’une des questions du référendum dénommé « référendum social » proposait la suppression de l’introduction d’un forfait de 300 forints pour une consultation médicale hospitalière. 82% des participants au référendum (51% de participation) ont soutenu la suppression de ce forfait introduit quelques mois plus tôt, car ils pensaient que ce n’était pas justifié, que cela représenterait une trop grande charge pour leurs familles. Autrement dit, ils n’ont pas accepté que l’introduction du forfait puisse améliorer le niveau des soins. Huit ans plus tard, l’Institut Publicus a réalisé une enquête d’opinion à propos du forfait de laquelle il ressortait qu’alors deux tiers de la population soutiendrait l’introduction du forfait dans la mesure où cela contribuerait à l’amélioration du niveau des soins. Le « référendum » social fournit un exemple éclatant au contre-argument selon lequel le référendum devient de plus en plus souvent un outil technique d’exercice du pouvoir aux mains de l’élite politique. Dans ces cas-là le référendum sert de moyen pour atteindre les buts politiques des initiateurs, pour consolider le pouvoir ou pour le conquérir. C’est justement ce qui s’est produit en Hongrie en 2008 et les mêmes motivations se tiennent derrière l’annonce du référendum du 2 octobre.

Les référendums en Hongrie

En Hongrie, six référendums ont été organisés depuis le changement de régime. Leur niveau de participation a été habituellement plus faible qu’aux élections législatives. Les deux référendums initiés par les partis de gouvernement alors au pouvoir touchaient des thèmes symboliques tels que l’adhésion à l’UE et l’OTAN. En revanche, dans la majorité des cas, c’est en vue d’élections à venir que l’opposition a présenté une proposition de référendum. Dans la majorité des cas, les référendums ne traitaient donc pas de la question posée, ce qui au cours des années a érodé la considération pour cette institution. Le pourrissement de l’institution du référendum est parallèle à la décadence de la démocratie.

Au référendum « des 4 oui » qui s’est déroulé en 1989 (ndlr : l’année du changement de régime), trois des quatre questions avaient été tranchées avant le vote : liquider la milice ouvrière, supprimer les organes du parti en activité sur les lieux de travail, faire rendre des comptes au Parti unique. Le véritable enjeu était le mode d’élection du président de la République. Les forces d’opposition qui avaient gagné d’un cheveu, avaient obtenu que ce soit le parlement multipartite issu des élections et non le peuple qui le choisisse. Dans la situation extrêmement inégalitaire de l‘époque, cette orientation était compréhensible : car le parti successeur jouissait d’un avantage de situation irrattrapable en termes de connaissances et de ressources. Et ainsi, dans la mesure où c’est le peuple qui choisirait le président de la République, il était prévisible qu’Imre Pozsgay – qui figurait sur la scène politique depuis des décennies – sortirait vainqueur contre les candidats presque inconnus des partis nouvellement formés. Ce n’est pas un hasard si, alors que dans les trois autres questions le « oui » a remporté une victoire écrasante, la question de l’élection du Président de la République a profondément divisé la population, et il s’en ait fallu de quelques centaines de voix pour que Imre Pozsgay ne devienne le premier président de la République hongroise.

En 2004, affiche de campagne du MSzP contre l’octroi de la double-citoyenneté aux Hongrois d’outre-frontières.

La deuxième tentative de référendum du MSzP (ndt : le parti socialiste hongrois) a échoué lamentablement. Celui-ci proposait à nouveau l’élection du Président de la République par le peuple et 14 % de la population en âge de voter y a participé en tout et pour tout. En 2004 (ndlr : le MSzP est alors au pouvoir), c’est l’Association mondiale des Hongrois (Magyarok Világszövetsége), d’extrême droite, qui a été à l’origine du référendum sur la double nationalité (ndlr : il s’agissait d’octroyer la citoyenneté hongroise aux personnes d’origine hongroise habitant dans les pays limitrophes). Au début, même le président du comité électoral du Fidesz, László Kövér, avait qualifié l’initiative de «risque pour la sécurité nationale», mais les dirigeants du parti ont pris rapidement conscience que ce référendum – en excitant les sentiments nationalistes – pouvait leur apporter un bénéfice politique important, et c’est pour cela – mettant de côté leurs scrupules antérieurs – qu’ils sont entrés en force en campagne. Bien que le référendum fût invalidé à cause de sa faible participation, en agissant ainsi ils ont réussi à diviser totalement, non seulement la population nationale, mais également les Hongrois d’outre-frontières et à détourner pour longtemps une partie importante d’entre eux de la gauche et des libéraux hongrois, ce que la campagne sans conviction, sans empathie et totalement ratée de la coalition de gauche-libérale a grandement aidé. Bien qu’au total, seuls 37 % des inscrits ont participé au vote et qu’à peine 20 % de la population adulte a soutenu par son vote l’introduction de la double citoyenneté, le Fidesz a réussi à communiquer le résultat comme s’il avait remporté une victoire écrasante et comme si ce n’était pas une majorité importante de la population qui avait empêché l’accès des Hongrois d’outre-frontières à la double citoyenneté, mais bien la gauche et les libéraux «anti-patriotiques». Ce n’est pas le résultat de ce référendum en 2004 (ou l’absence de résultat) qui a ouvert des blessures inguérissables dans la relation des partis de gauche et libéraux avec les minorités vivant outre-frontières, mais la campagne de communication du Fidesz qui continue encore à ce jour.

Le référendum de 2008¹, dénommé «référendum social» n’avait déjà que peu à voir avec les référendums pris au sens classique (ndlr : la coalition socialiste –libérale est au pouvoir). Dès l’instant de sa genèse il avait perdu son caractère démocratique puisque dans la polémique entre la Commission électorale (Országos Választási Bizottság) et le Conseil Constitutionnel (Alkotmánybíróság) ce dernier est sorti vainqueur, lequel avait laissé passer des questions appartenant manifestement au domaine des sujets interdits. En effet la loi sur le référendum stipulait qu’il n’est pas possible d’organiser un référendum à propos de questions touchant au budget. Or les droits de scolarité dans l’enseignement supérieur, le forfait médical, le forfait hospitalier journalier déjà introduits, concernait manifestement pour le profane le côté «recettes» du budget. Malgré cela, celui qui a présenté le thème, le président du Conseil constitutionnel, Mihály Bihari a soumis aux membres du Conseil une résolution afin que les questions du référendum ne concernent pas le budget. Le piquant et la preuve du dilettantisme politique des socialistes fut que Bihary est devenu membre puis président du Conseil constitutionnel sur proposition du MSzP. La question de l’autorisation a complètement divisé les membres du Conseil, pour finir les « oui » ont triomphé par 5 contre 4 et cela a lancé la coalition socialiste-libérale sur la voie de l’anéantissement et de la dislocation morale totale. 51% des inscrits ont participé au «référendum social» et 82% d’entre eux – 40% de la population adulte – ont voté pour la suppression des taxes. Il est évident que pour le Fidesz, ce référendum n’avait pas d’autre but que de préparer les élections de 2010 en soulevant ces questions et par le biais de la campagne précédant le référendum.

«En 2010, une des premières tâches des partis au gouvernement fut de réécrire la loi sur le référendum»

En 2010 – comme dans le Troisième Reich – une des premières tâches des partis au gouvernement (ndlr : suite aux élections qui ont porté le Fidesz au gouvernement avec une majorité écrasante) fut de réécrire la loi sur le référendum et de remplacer les membres des commissions veillant au déroulement correct des élections démocratiques par des «soldats» du parti. Ce n’est pas un hasard si en tout premier lieu ils ont relevé de leur fonction les membres de la Commission électorale qui avaient «fauché» leur initiative de référendum en 2008, exclusivement pour des considérations d’Etat de droit. En temps voulu, ils ont pris soin qu’il ne reste aucun comité indépendant satisfaisant les normes d’une démocratie pluraliste et qui puisse mettre des «bâtons dans les roues» des initiatives de référendum des partis de gouvernement ou laisse passer des initiatives «douteuses» de l’opposition, telle que la fermeture des magasins le dimanche ou encore la loi sur la terre.

Le référendum sur «le quota obligatoire d’accueil et d’installation de réfugiés» ne convient même pas aux exigences de la Constitution réécrite par le Fidesz. Non seulement parce que la question embrouillée mise au vote est incorrecte grammaticalement, mais surtout parce que elle est complètement dénuée de sens, dans la mesure où jusqu’à maintenant – et à l’avenir non plus, l’UE ne veut pas prescrire de «quotas de peuplement» obligatoires. Cette expression est exclusivement un produit des œuvres de Finkelstein-Habony pour la communication. Son acclimatation par contre peut être attribuée à l’action réussie de la machine à propagande du Fidesz. La disposition en question stipule combien de demandes de statut de réfugié devrait obligatoirement examiner chaque État membre et stipule qu’il doit décider si l’accueil du demandeur est justifié. Dans la mesure où l’autorité hongroise compétente le juge conforme à l’esprit des accords internationaux, alors il faut provisoirement assurer une protection à ceux qui fuient une mort certaine. Ce que d’ailleurs rend obligatoire pour nous non pas l’UE, mais au-delà des commandements du système de valeurs judéo-chrétien, l’accord de Genève sur les réfugiés signé par la Hongrie. La question est dénuée de sens également parce que les organes décisionnels de l’UE peuvent prendre et prennent des décisions qui sont contraires à la volonté de la majorité du parlement hongrois, et bien qu’ils vont demander l’opinion des parlements nationaux en ce qui concerne le placement des réfugiés, si les deux tiers de ceux-ci approuve l’idée, alors la résolution entrera en vigueur.

«La campagne de propagande construite sur l’exacerbation de la peur et de la haine ramène au bercail des électeurs qui par ailleurs ne sympathisent pas avec la politique du Fidesz»

Ainsi qu’il en a été question précédemment de façon détaillée, l’un des arguments les plus importants de ceux qui soutiennent l’institution du référendum est qu’il assure la possibilité que les citoyens soient mieux informés sur les questions qui président au destin de la communauté antérieurement au vote. Mais cela ne se réalise qu’à la condition que les partis au gouvernement et l’opposition bénéficient des mêmes possibilités d’argumentation (accès aux médias et aux ressources). Chez nous, cette égalité des chances n’existe pas. Selon le décompte de l’institut Kantar Media, alors que la campagne n’avait même pas encore commencé, entre le 13 mai et le 13 août, les messages de haine anti-réfugiés des partis du gouvernement sont apparus à 10 481 occasions dans les différents médias (sans compter les médias online, ceux qui publient le plus de publicités anti-réfugiés) : à 6 224 reprises à la télévision, à 2 078 reprises dans l’espace public, 1 403 fois à la radios et 53 fois dans les hebdomadaires.

Dans les médias publics, les spectateurs se trouvent confrontés à des spots ou des actualités incitant à la haine toutes les 11 minutes lors des retransmissions des Jeux Olympiques. Même les «commandos de propagande» des dictatures totalitaires n’auraient pas été capables d’un lavage de cerveau plus intensif. Pendant cette période, les partis d’opposition et les organisations non-gouvernementales n’avaient pas accès aux médias puisque le gouvernement a «qualifié» de façon perfide cette action en campagne d’information, ce à quoi seul le gouvernement a droit. Personne ne peut avoir de doute que le «non» emporte une victoire écrasante lors du scrutin.

Pour les partis du gouvernement, apparemment, l’enjeu du 2 octobre est le succès du scrutin, pour lequel il est nécessaire que plus de 4 millions de citoyens aillent voter. Ce qui n’est arrivé que lors du référendum des « 4 oui » de 1989 et du référendum « social » de 2008. Cependant, ma conviction est que son succès est secondaire pour les partis au gouvernement ; si au lieu des 4 millions, seulement 3 millions et demi de nos concitoyens vont voter, ils présenteront cela comme un succès éclatant, comme si le scrutin avait été fructueux. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi, s’ils ont été capables de convertir en succès la cinglante défaite subie lors du référendum sur la double citoyenneté ? Pour le gouvernement, le résultat final compte moins que la campagne intense qui le précède et qui dure depuis des mois. La campagne de propagande construite sur l’exacerbation de la peur et de la haine ramène au bercail des électeurs qui par ailleurs ne sympathisent pas avec la politique du Fidesz. Une série d’expériences de psychologie sociale montrent en effet que les gens qui peuvent être facilement manipulés émotionnellement ont tendance à accepter leur oppresseur s’ils ressentent que celui-ci les sauve d’un danger plus grand que l’oppression, l’anéantissement.

« Un malicieux Parti Socialiste »

A la lumière de tout cela, il ne semble peut-être pas précipité d’affirmer que les relativement grands partis d’opposition démocratiques – le Parti Socialiste (MSzP), la Coalition démocratique (DK), Une autre politique est possible (LMP) – ont commis une faute en ne parvenant pas se mettre d’accord sur leur campagne et sur le discours à tenir à leurs soutiens, sur la meilleure façon de se comporter. Pour l’essentiel, il aurait été égal qu’ils conseillent de s’abstenir ou d’aller voter, l’unique message important aurait été qu’ils répondent de façon unitaire au défi, au lieu de cela ils gèrent la campagne du référendum comme un terrain de compétition entre eux de façon égoïste et avec étroitesse d’esprit, apportant ainsi de l’eau au moulin du Fidesz. C’est une faute impardonnable contre les démocrates hongrois. En observant le comportement impénétrable et trouble dont a témoigné le «malicieux Parti Socialiste» dans les quatre mois passés et surtout dans l’affaire du référendum, il est difficile de s’empêcher de soupçonner qu’au-delà des calculs politiques sans principe, une éventuelle coalition Fidesz-Mszp figure dans les calculs concernant l’avenir.

Note

1) L’initiative du référendum de 2008 a été prise par le Fidesz, parti de Orbán Viktor et par le KDNP –petit parti démocrate-chrétien hongrois-, tous deux étaient alors dans l’opposition. Il proposait de supprimer certaines taxes introduites par le gouvernement socialiste-libéral : forfait de visite médicale, forfait journalier hospitalier et des droits d’inscription dans l’enseignement supérieur.

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«En tant que guitariste de jazz rom, qu’est-ce que j’avais à perdre ?»

HU-LALA (Hongrie) - mer, 28/09/2016 - 10:16
Le grand guitariste et compositeur Ferenc Snétberger mériterait d’être aussi célèbre en France qu’il l’est en Hongrie et en Allemagne. Rencontre avec ce musicien, né en 1957 à Salgótarján, lors d’un stage d’été pour enfants défavorisés, roms pour la plupart, organisé par le Snétberger Music Talent Center, sa fondation. Celle-ci a été récemment distinguée par le prix Justitia Regnorum Fundamentum. La version originale de cet article écrit par Gabriella Szijjartó, a été publiée le 19 août 2016 dans Szabad Föld sous le titre «Snétberger Ferenc:Kincsvadászat az életem» (Ma vie est une chasse au trésor). La traduction en français a été réalisée par Paul Maddens. Les chemins de la destinée ne sont pas seulement impénétrables, ils sont également sinueux. Le votre, depuis Salgótarján, en passant par Budapest et Berlin, vous a conduit à Felsőörs dans le haut pays du Balaton.

Ma route jusqu’à ce jour est vraiment longue et difficile. Une « carrière rapide » est donnée à peu de personnes, et d’ailleurs il vaut mieux travailler durement pour réussir et progresser par degrés plutôt que de tomber d’un sommet éphémère. J’ai la même origine que ces enfants roms défavorisés mais très doués en musique. J’ai peut-être seulement eu plus de chance.

Pourquoi vous sentez-vous plus chanceux qu’eux ?

A Salgótarján (ndlr : où est né Snétberger, dans le nord de la Hongrie) nous vivions dans la pauvreté, dans des conditions semblables à celles des autres familles roms, mais chez nous la musique nous aidait à supporter les difficultés quotidiennes. Mon père était reconnu comme un bon guitariste, le soir il jouait du jazz américain et du Django (ndlr : Django Rheinardt) et il entretenait sa famille de sept enfants grâce à cela. C’est lui qui m’a fait aimer cet instrument et cet art, alors que les autres n’entendaient du jazz que sur Radio Free Europe. A côté de mes quatre sœurs, avec mes deux frères aînés, nous nous livrions à un combat rapproché pour l’unique guitare. Il fallait que j’attende beaucoup pour que vienne mon tour et que je puisse un peu « gratter ». Mes parents ont remarqué mon sens musical et ma mère a insisté pour m’inscrire à l’école de musique quand j’avais 13 ans. Ça a tout changé, je suis devenu amoureux de la guitare classique. Par chance, il y avait en moi le désir d’aventure et le courage pour que je voie déjà le monde alors que j’étais encore jeune.

«Le soir, mon père jouait du jazz américain et du Django Rheinardt»

Qu’est-ce qui vous attendait dans le vaste monde ?

Le choc des cultures ! Dans le club culte de Berlin-Ouest, le Quartier, dans les années 80 les chanteurs les plus passionnants de rock, de blues, de jazz grouillaient. C’était une autre dimension par rapport à la vie au-delà du rideau de fer. C’est là qu’ils organisaient tous les ans le festival « Jazz en Juillet », auquel j’ai été invité en 1988. En tant que complet inconnu j’ai eu droit de me produire vingt minutes, avant Al di Meola.

Au juste, comment avez-vous réussi à accéder à ça ?

J’ai rencontré ma future épouse allemande en Hongrie. Les Berlinois de l’Est qui vivaient chez nous pouvaient rendre visite à leurs parents berlinois de l’ouest avec une autorisation et quand elle passait le Mur, elle emportait quelques cassettes avec elle pour les faire écouter dans les clubs de là-bas. C’est comme ça que j’ai reçu une invitation pour le festival. J’ai eu du mal à croire que ces applaudissements énormes étaient pour moi. Cet instant a déterminé ma vie. J’ai su que je reviendrai.

«Nous nous sommes lancés avec une guitare et quelques centaines de marks, je parlais à peine l’allemand»

Quand vous êtes-vous décidé ?

L’année suivante, en 1989, quand le mur de Berlin craquait de partout pour de bon. Nous avions commencé notre vie commune avec ma femme à Budapest, nous sommes partis difficilement de Hongrie mais la liberté et le foisonnement musical plaidaient en faveur de Berlin. Nous nous sommes lancés avec une guitare et quelques centaines de marks, je parlais à peine l’allemand.

Vous n’aviez pas peur de l’inconnu ?

En tant que guitariste de jazz rom, qu’est-ce que j’avais à perdre chez moi ?! Je conseille aux enfants du Centre d’Aptitude Musicale de Felsőörs de prendre des risques, d’essayer de nouvelles choses. Je sais que face à l’inconnu le foyer misérable représente le nid, mais je crois dur comme fer que pour les Tsiganes, la seule possibilité de réussite est l’apprentissage assidu. C’est en eux, chez ces jeunes, ils amènent dans leur musicalité l’aptitude innée à l’improvisation – il faut tirer cela hors d’eux car en cela ils sont bons et imbattables. Ils en tirent un sentiment de réussite, en partant de là, on peut les inspirer vers des études musicales.

«En tant que guitariste de jazz rom, qu’est-ce que j’avais à perdre ?»

Photos – © Zsófia Raffay (www.snetberger.com) Donc dans le Centre Snétberger vous formez 60-65 futurs musiciens roms ?

Nous les choisissons avec grande circonspection, mais pour autant il n’y a pas ici 60 ou 65 jeunes doués. Ils sont adroits, je le dirais plutôt comme ça. Il faut un ou deux ans pour que se révèle leur potentiel. Une chose est sûre, il y a de grandes chances pour que la musique les accompagne toute leur vie, même si cela ne sera pas leur profession. Par contre, les plus prometteurs reviennent ici depuis déjà trois ou quatre ans. Pendant ce temps environ 30 enfants ont été admis au conservatoire, en école supérieure, et je fais des concerts avec les meilleurs, ici et à l’étranger. Ils ont un succès énorme, plus d’une fois le public est debout pour les applaudir.

Comment les enfants arrivent-ils jusqu’ici ?

Nous parcourons le pays avec mes collègues pour les recherchons et les écouter. C’est une chasse au trésor extrêmement palpitante. Devant moi il n’y a pas de mystère, je regarde un enfant et je sais de quoi il est capable. Il n’y a même pas besoin qu’il joue beaucoup. Comment je le sais ? Je les connais, je suis l’un d’eux. Il arrive que je recrute un élève en qui un autre professeur ne croit pas. Je vois simplement en lui la possibilité de progrès. S’il vous plaît, écrivez dans l’interview qu’ils préparent et m’envoient sans crainte un enregistrement, j’écoute volontiers tout le monde ! Bien sûr, même ainsi, combien de points d’interrogation et de pierres d’achoppement se présentent le long de la route ! Car à partir de là, ces jeunes entament une longue route et le contraste est gigantesque entre le centre d’aptitude musicale qui est du XXIe siècle jusqu’au bout des ongles et le monde de chez eux. Ils passent douze semaines ici chaque année : six semaines l’été, trois en automne et trois au printemps. Ils apprennent avec les meilleurs musiciens hongrois et étrangers – entre autres avec mon fils Tony. Tous les instruments et le soutien technique est donné dans cet environnement merveilleux du haut pays du Balaton. Nous jouons ensemble dès le premier jour pour qu’ils puissent ressentir la joie qui réside dans le jeu collectif et nous les incitons à improviser. Ce sont des vertus énormes de notre stage par rapport aux écoles de musique traditionnelles. Pendant les autres mois, chacun va habituellement à l’école là où il habite, mais pendant ce temps aussi nos mentors les aident, les motivent. Nous faisons attention à ce que les enfants ne s’égarent pas.

Pour cela il faut de l’argent, n’est-ce pas ?

Le montage financier a été mis sur pieds par le Fonds Norvégien et par l’État hongrois, puis de nombreux soutiens s’y sont associés. Cette année le gouvernement a triplé son aide, la portant à 40 millions de forints (environ 130000 euros). Nous sommes sur des bases solides, enfin.

…Et en plus, il fallait pour que cela se réalise votre crédit professionnel et votre détermination.

Je me souviens que depuis l’âge de 25 ans, alors que je bâtissais ma carrière, cela me préoccupait de prendre sous mon aile d’autres musiciens doués. J’ai toujours cherché l’opportunité de faire quelque chose pour les miens. En tant qu’artiste guitariste déjà connu, j’ai expliqué lors d’une interview dans un journal allemand qu’avec les moyens des écoles de musique classiques, on peut difficilement amener à s’extérioriser la musicalité des enfants roms et qu’il faut approcher cela d’une manière particulière pour y parvenir. L’idée a plu. Le choix s’est arrêté sur Neukölln, où vit la plus grande communauté rom berlinoise. J’ai recruté des compagnons de musique décidés et j’allais trois fois par semaine enseigner à vélo à travers la ville. En y repensant, l’histoire du centre de Felsőörs a vraiment commencé là-bas à ce moment-là. Notre objectif est aussi que ces jeunes Hongrois, au-delà de leur développement musical, s’élèvent au rang de modèle dans leurs petites communautés. Je parle de tout cela avec les enfants pendant les cours, ainsi que de la tolérance : ils doivent être ouverts s’ils espèrent une acception inconditionnelle de la part des autres. Pour l’instant, dans la situation actuelle, il est toujours beaucoup plus difficile de réussir quand on a une origine rom.

Votre exemple montre que se battre a un sens.

C’est vrai, pour moi c’est déjà plus facile. Mais je ne sais combien de temps doit s’écouler pour qu’ils ne m’aiment pas seulement quand je suis sur la scène…

Ferenc Snétberger est né en 1957 dans le nord de la Hongrie à Salgótarján. Il a appris la guitare jazz et la musique classique. Il vit à Berlin depuis 1988. En 1995 il a composé In Memory of My People à l’occasion du 50e anniversaire de l’Holocauste. Il a ouvert en 2011 le centre de Felsőörs.

Photos – © Zsófia Raffay (www.snetberger.com)

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Les relations tchéco-slovaques au beau fixe

HU-LALA (Hongrie) - mar, 27/09/2016 - 17:55
Pour la quatrième fois de l’histoire, les gouvernements tchèque et slovaque étaient réunis à Bratislava lundi. Un peu plus d’une semaine après le sommet européen, cette rencontre interministérielle a permis d’évoquer certains dossiers clefs tant de l’actualité européenne que des relations bilatérales. Surtout, elle a été l’occasion de réaffirmer les liens très forts qui unissent les deux pays. Article publié le 27 septembre 2016 dans Radio Prague

L’histoire de la relation tchéco-slovaque, c’est un peu celle de ces couples qui se marient, puis divorcent, affirment à qui veut bien l’entendre qu’ils restent quand même de bons amis avant finalement de s’apercevoir qu’ils n’étaient somme toute pas si mal que ça ensemble, et décident au bout du compte de se remarier. Bien entendu, Tchèques et Slovaques n’entendent pas aller aussi loin dans leur rapprochement et reformer ensemble un Etat commun. Mais, preuve que leurs rapports sont plus que jamais au beau fixe, ils prévoient quand même de célébrer ensemble, en 2018, le vingt-cinquième anniversaire de leur divorce et de la partition de la Tchécoslovaquie. En 2018 toujours, les deux pays se souviendront du 100e anniversaire de la création de la Première République tchécoslovaque ou encore des douloureux événements de 1968.

Ainsi donc, les deux cabinets ont passé un certain temps à se féliciter de la qualité de leurs relations de voisinage. Particulièrement friand de ce genre d’occasions, Robert Fico a même cité cette union tchéco-slovaque en exemple pour de nombreuses régions de l’Union européenne (UE). A l’heure où les possibles conséquences du résultat du référendum sur le « Brexit » au Royaume-Uni suscitent quelques craintes en Europe centrale, le Premier ministre slovaque a rappelé le danger qui existait que la République tchèque et la Slovaquie se retrouvent en marge du projet d’intégration européenne.

C’est aussi dans cette optique que Prague et Bratislava envisagent la nécessité de leur rapprochement et de leur solidarité sur des dossiers bien concrets, comme celui bien entendu, inévitable, de la migration, comme l’a rappelé Robert Fico : « Nous souhaitons une protection complète et systématique des frontières extérieures de l’UE, ainsi qu’une coopération avec les Etats dont sont originaires les migrants. Nous pouvons leur proposer une aide d’ordre financier ou infrastructurel. Ce qui importe, c’est de retenir les migrants dans leurs pays ».

Un discours qui, à peu de choses près, a été également celui de son homologue tchèque, Bohuslav Sobotka : « L’accord entre la République tchèque et la Slovaquie reste le même, à savoir que les quotas de répartition contraignante des réfugiés représentent une voie sans issue. Il n’est pas possible dans l’état actuel des choses de poursuivre ces discussions alors que la priorité pour l’Europe est de rester unie ».

Les deux pays souhaitent également approfondir leur travail en commun dans des domaines comme le domaine extérieur. Alors que la République tchèque est le deuxième partenaire commercial de la Slovaquie, le reste du monde continue toujours d’associer les deux Républiques à un seul et même Etat, la Tchécoslovaquie. C’est pourquoi Robert Fico aimerait faire revivre une marque « Made in Czechoslovakia » autrefois très appréciée sur certains marchés tiers.

Les deux parties ont également signé certains accords relatifs à la défense de l’espace aérien commun, ainsi qu’à l’amélioration des liaisons routière et ferroviaire entre deux pays conscients de l’importance de leur position géographique au cœur de l’Europe. Une position qu’ils veulent également stratégique entre le Nord et le Sud.

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Lire pour redonner un visage aux migrants

HU-LALA (Hongrie) - mar, 27/09/2016 - 14:56
Cette contribution est le premier volet d’une série destinée à comprendre l’exil vers la France des écrivains d’Europe médiane.

Le XXe siècle a été désigné par Edward Saïd, reprenant les propos de George Steiner, comme le siècle des migrations. Si notre connaissance des chiffres et des lieux de migration devient de plus en plus précise, cette expérience, qui dérange les schèmes modernes de l’identité : territoire, communauté,… nécessite, en plus d’être expliquée, d’être comprise. Dans ce premier mouvement, en se concentrant sur les auteurs qui ont connu cette expérience, nous tenterons de comprendre pourquoi ils partent en exil et comment d’une expérience subie, par la littérarisation, ils en font une expérience choisie et orientant leurs œuvres.

« J’essaie de redonner un visage aux migrants » (Velibor Čolić)

En savoir plus sur Velibor Čolić Velibor Čolić a publié en 2015 le livre Manuel d’exil ou comment réussir son exil en trente-cinq leçons. Il déserte en 1992 l’armée bosniaque et est accueilli en France.

Pour saisir ce départ, nous pouvons, bien sûr, chercher dans les archives et les recensements pour retrouver les traces et les anecdotes des individus. Nous pourrons alors être aptes à mesurer les flux, à en connaître l’ampleur, à en saisir le contexte des migrations. Mais serons-nous capables de les comprendre ? Que nous disent ces chiffres sur l’identité de ceux dont ils reflètent le parcours ? Comment comprendre leur identité, non plus celle figée sur une carte, mais celle qui émerge du récit de l’expérience exilique ?Partir en exil, ce n’est pas partir en voyage. Brusque et violent, le moment de départ vous plonge dans une incertitude permanente – perdre son foyer, sans jamais être sûr d’en retrouver un. Vous partez également sans bagage, vous abandonnez les objets qui ont fait votre quotidien, les seuls bagages que l’exilé emporte avec lui sont ses souvenirs et son histoire qu’il présente comme unique carte d’identité. Les papiers que l’on vous demande sans cesse, vous ne pouvez que les raconter, les décrire. Votre vie tient dans une histoire.

Comprendre l’exil diffère de l’explication des migrations. Celle-ci relève d’une volonté de parvenir à une « vérité » sur les mouvements de population. Par des instruments de mesure précis, il est possible de quantifier scientifiquement les flux, et de parvenir à éclairer les causes déclenchant ces mouvements. Cependant, l’explication du contexte et la quantification des flux ne permettent pas d’accéder à la compréhension du phénomène. Pour comprendre, il faut s’intéresser aux motifs qui poussent l’individu à s’exiler : quel sens confère-t-il à ce phénomène si particulier ? Pour interpréter l’exil, nous choisissons de lier l’explication, en effet une analyse sérieuse ne peut se passer de données contextuelles, à la compréhension, c’est-à-dire de s’intéresser aux récits que font les individus de ce phénomène.

La littérature d’Europe médiane offre un corpus très riche de textes qui abordent la notion de l’exil. Du fait de l’Histoire de cette partie de l’Europe – choc du nazisme et du soviétisme – nombre d’individus sont partis en exil. Le vingtième siècle a conduit à mettre sur la route un grand nombre d’écrivains qui ont choisi de mettre en récit cette expérience. Aussi, nous proposons de prendre la route avec ces écrivains, afin de comprendre le visage qu’ils proposent, visage nourri de cette expérience.

En savoir plus sur la notion de visage La notion du visage pour comprendre l’exilé est au cœur du mouvement lancé par les études d’Alexis Nouss. Voir : La condition de l’exilé, FMSH, 2015 ou http://socio.revues.org/1970
Nous renvoyons également le lecteur curieux aux travaux exercés sur ce thème par le programme de recherche: « Non-lieu de l’exil. » http://nle.hypotheses.org
Partir en exil

Dubravska Ugresic dans l’essai « Writer in exile » tente de définir la particularité de ce phénomène. Le recours à la littérature semble nécessaire pour comprendre ce phénomène, en effet, comme elle l’indique : l’écrivain est le seul à laisser une trace sur la carte culturelle mondiale. L’identité d’auteur de ces écrivains est singulière. Elle est toujours menacée par l’interrogation portant sur les motifs de l’arrivée dans une nouvelle terre. L’écrivain ne sera jamais un écrivain parmi d’autres, mais toujours une plume qui devra légitimer sa volonté d’être reconnue par une nouvelle communauté lectrice. Devant toujours s’excuser d’être là, son identité, parfois utilisée comme un outil commercial dans les notices biobibliographiques, entrave sa liberté. L’écrivain, qui ne veut pas devenir un témoin, mais un artiste, doit alors légitimer le nouveau visage qu’il souhaite faire connaître par la communauté de lecteurs. Ce détachement de l’identité du témoin des catastrophes du XXe siècle s’exprime au travers d’une mutation sémantique qui porte sur le sens qu’ils confèrent à leur exil.

En savoir plus sur la notion de motif Dans le livre Qu’est-ce que le cosmopolitisme ? Ulrich Beck parle de la d’« erreur carcérale de l’identité » lorsqu’il s’agit des interrogations qu’on ne cesse d’entendre « D’où viens-tu ? »

Si l’exil est perçu sémantiquement comme une condamnation formulée à l’encontre d’un individu qui est banni de la cité, il faut voir que ce sens est contredit par les auteurs de la francophonie choisie d’Europe médiane. Lorsque Virgil Tanase, auteur d’origine roumaine qui est banni par le régime de Nicolae Ceaușescu, revient sur la notion d’exil, il refuse de percevoir celui-ci comme un bannissement, mais préfère entrevoir celui-ci sous le signe du choix.

En savoir plus sur Virgil Tanase Virgil Tanase est un romancier et dramaturge d’origine roumaine. Avec Tsepeneag, il participe au mouvement onirique roumain. En 1977, il parvient en France après avoir été exclu de l’Université du fait d’une phrase prononcée en faveur de Cioran. Il est au cœur de l’affaire Tanase qui entraîne une réception de son œuvre sous le signe du témoin et dans laquelle, il refuse de se laisser enfermer.
Pour aller plus loin : « L’affaire Tanase : cache-cache avec la mort », Ionut Teneau, 2013

Dans son livre d’entretiens, il affirme que lorsqu’il est arrivé à Paris, il se sentait libre et non pas persécuté par le pouvoir communiste. Ce que refuse l’auteur c’est la mythologie exilique qui ferait, de celui qui en est victime, un pantin de l’Histoire. Du fait d’une décision politique, l’exilé serait condamné à errer sur les chemins.

Par cette réflexion, Tanase souhaite montrer que si l’exil ne transforme pas « un salopard en héros »[1], il expose l’individu à une expérience qui ne doit pas devenir sa « profession », mais un événement capable de déclencher une réflexion. Ce que les exilés d’Europe médiane refusent, c’est que d’être perçus selon une identité prise dans la mythologie qui accompagne les « victimes de l’Histoire » ; au contraire, ils souhaitent être perçus comme des individus libres ayant choisi l’exil. Aussi, la mise en récit de leur exil constitue une tentative de faire d’un événement où le sujet est passif, un choix exprimé par l’individu.

En savoir plus sur la notion de mise en récit Nous situons, bien entendu, notre analyse dans la poursuite des études ricoeuriennes. Cependant, ce blog n’est pas le lieu pour s’étendre sur cette conception. Se référer à la trilogie Temps et Récit.

C’est cette pensée qui guide la rédaction des mémoires de Virgil Gheorghiu. Le titre de cet ouvrage en porte la marque: L’épreuve de la liberté. Dans ses mémoires, l’auteur indique qu’il aurait pu choisir de rentrer en Roumanie, mais ce choix aurait été une condamnation de son identité et de la Roumanie elle-même. Choisir de partir en exil, n’est plus alors perçu comme une fuite, mais comme un choix engageant. Par cette expression, nous entendons la volonté qu’expriment les sujets de pouvoir choisir leur destin.

En savoir plus sur Virgil Gheorghiu Virgil Gheorghiu est un romancier d’origine roumaine. Il est connu pour son livre La 25e heure. Dans ses mémoires, il fait le récit de son exil vers la France.

«  Etre ou ne pas être une miette de la Roumanie libre dépend uniquement de ma volonté. Si je rentre, je deviens un Roumain captif et asservi. Si je ne rentre pas, je reste et préserve par ma seule présence un morceau de la Roumanie libre ».[2]

Paradoxalement, la seule façon de pouvoir conserver son identité roumaine, réside donc dans le choix de l’exil, de ne pas mener une « bios abios ». C’est sur les chemins, au sein d’une nouvelle communauté, que l’auteur pourra conserver les traits qui ont constitué sa « roumanité ». Cette réflexion sur la possibilité de se maintenir en exil, permet de revenir sur ce qui fonde, selon les auteurs, leur identité.

Par le récit de leur exil, les auteurs démontrent que leur identité n’est pas prise dans les schèmes de l’identité forte : ceux inscrits sur une carte d’identité, mais par les choix qu’ils font. C’est dans ce but, que la configuration narrative de leur exil est essentielle à saisir. En effet, selon eux, la seule considération identitaire qu’ils acceptent n’est pas celle qui émerge d’une pensée du lieu, mais celle présente dans le récit de leur expérience. Le récit devient alors explication – ils donnent les causes de leur exil- qui permet de comprendre le sens qu’ils confèrent à leur exil. Cette seconde vie, n’est pas une vie qu’ils présentent sous le statut de  victime, mais bien plus, une vie marquée par l’expression d’un choix individuel afin de pouvoir conserver une vie éthique.

La communauté de naissance devenue infernale, le départ devient une nécessité

La compréhension de l’exil des francophones choisis doit alors se pencher sur les causes de ce phénomène. Par cause, nous n’entendons non pas celles empiriques, mais celles que l’auteur tisse dans son récit. Christine Arnothy, dans J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir, offre un récit exemplaire de la légitimation de son exil. Si l’incipit de son roman, expose la vie dans une cave budapestoise lors de la libération soviétique de la ville ; les motifs qu’elle expose, pour justifier le choix de la migration, ne résident pas essentiellement sur ceux de la guerre. En effet, celle-ci décrit, peu à peu, la communauté budapestoise comme devenant une société animale, où les valeurs humaines semblent avoir disparues.

En savoir plus sur Christine Arnothy Christine Arnothy est une romancière d’origine hongroise. Son récit de l’exil vers la France J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir reçoit le Grand Prix de la Vérité en 1954.

« La conduite de nos amis cadre bien avec le spectacle qu’offre actuellement la capitale. Elle n’est ni repoussante ni inconcevable. Toutes les notions morales sont bouleversées dans cette ville en ruine. Le vice compte pour la vertu et les cœurs durs ont plus de chances de survivre que les cœurs tendres. […] Des êtres fantomatiques nous croisent sur les trottoirs : ils sont déguisés comme si, nous étions les protagonistes de quelque drame shakespearien, des rescapés hors la loi, vivant en marge d’un monde normal »[3].

Aussi, si une analyse en termes de migration peut percevoir le départ comme étant causé par la guerre, il faut percevoir que le sens que confère l’auteur à celui-ci n’est pas exactement le même.

Si le départ est choisi, ce n’est pas en fonction des risques, mais, avant tout, puisque la communauté est devenue folle et représente un mundus inversus. Ainsi, il n’est plus possible de continuer à vivre en son sein. Ce récit expose la mutation, la rhinocérisation (pour reprendre une expression de Ionesco) de la communauté dans laquelle était inscrit l’individu. C’est à cause de la transformation, de l’impossibilité de pouvoir communiquer et vivre dans la société que l’individu choisit de partir, alors qu’il n’y est pas forcé. Choisir l’exil se résume à choisir de vivre une « vie normale». Le « eux » que dessinent les francophones choisis n’est pas perçu comme étant représenté par un envahisseur extérieur, les soviétiques notamment, mais par la société elle-même qui se transforme en enfer.

Tzvetan Todorov présente selon les mêmes causes son exil en France. Ce n’est pas une fuite, mais un choix de se maintenir en vie. Dans le livre d’entretien Devoirs et délices : une vie de passeur, il raconte son enfance et son implication au sein de son collège où il était chef des pionniers. Il explique alors comment, par jalousie exprimée envers une jeune fille, il a convoqué celle-ci et l’a fait pleurer. Le récit de cet événement expose la cause de son exil.

En savoir plus sur Tzvetan Todorov Tzetan Todorov est un intellectuel d’origine bulgare. Outre ces travaux scientifiques, dans ses deux livres d’entretiens L’homme dépaysé et Devoirs et Délices, il récite son exil vers la France et l’importance de cette expérience dans sa formation.

« Mais le reste du temps, il faut vivre, et c’est autre chose qui se produit : une gangrène en profondeur, une corruption générale de tout. Ce que révèle mon petit épisode, c’est l’effacement de la frontière entre le public et privé, le moralisme rigide, la vulnérabilité de l’individu face au représentant de l’appareil Etat-Parti. Et donc la corruption de l’enfant que j’étais alors. »[4]

Il n’y a pas alors de bannissement, mais simplement un choix de ne pas sombrer dans la gangrène du pays. Les termes médicaux employés par Todorov permettent de désigner la façon dont le régime pénètre l’ensemble des membres de l’Etat : les citoyens de ces « républiques » sont soumis à la gangrène et à la corruption. C’est d’un corps malade qu’il faut se séparer afin de pouvoir maintenir une vie éthique. Ainsi, il est à propos de parler de l’exil comme d’une déchirure, non pas territoriale, mais se produisant eu égard à une atmosphère maladive corrompant l’être dans sa quotidienneté.

Par le retour sur cette expérience, l’auteur se positionne en rupture avec ce monde ; le portrait du « je » qu’il propose se présente comme diamétralement opposé à cette figure. Le récit de l’exil permet de présenter celui-ci comme le choix exprimé par un sujet qui se détache de la communauté devenue folle ; ainsi, si cette communauté représente le contexte familier du sujet, la rhinocérisation de celle-ci conduit à la faire devenir un « eux », duquel il convient de se détacher. L’exil semble alors être la seule possibilité de pouvoir conserver son identité.

« Václav Havel en a bien parlé : la perversité des régimes communistes, c’est qu’il n’y a pas, d’un côté, « eux » et, de l’autre, « nous » – « eux », les méchants qui nous oppriment, et nous qui subissons l’oppression en attendant de pouvoir nous en libérer. Non tout le monde participe parce que c’est notre vie et qu’il n’y en a pas d’autre. Une autre attitude paraît facile à imaginer une fois que la dissidence est devenue possible. Mais tant qu’il n’y en a pas… »[5]

Loin du manichéisme qui voudrait situer le bien et le mal comme deux instances séparées, Todorov répond à tous les tribunaux hâtifs de l’histoire qui condamnerait son exil ou le fait qu’il n’est pas appartenu à la dissidence. Le choix de l’exil est présenté par les auteurs comme la seule possibilité de ne pas tomber dans la gangrène soviétique. Si cette affirmation ne reflète pas la vérité empirique, en effet certains auteurs ont choisi l’exil intérieur (Imre Kertész, voir à ce propos : Journal de galère) ou la double pensée (Czesław Miłosz, voir à ce propos : La pensée captive et sa description de l’effet ketmann), elle marque le positionnement de ceux-ci.

En savoir plus sur Václav Havel Président de la Tchécoslovaquie de 1989 à 1992, Havel est un des membres signataire de la Charte 77. Son œuvre littéraire se partage entre théâtre, poésie et essais.

L’exil n’est plus condamnation, mais choix, l’opportunité de pouvoir se maintenir en vie.

Un visage teinté du choix qui se rechampit lors de la traversée des frontières

Commencer à partir en exil avec les auteurs de la francophonie choisie d’Europe médiane nécessite donc d’être à l’écoute de ce visage qui se détache de leur fiction. En effet, ce visage ne respecte pas la vérité empirique, mais respecte une autre vérité : peut-être celle de la fiction ? C’est-à-dire celle d’un individu qui dépeint son visage au travers du récit des événements qui l’ont fondé.

Le critère de validité de ces récits n’est plus alors celui de la vérité, mais de son authenticité. Ce rapide parcours nous permet de voir que la compréhension de l’exil, à la différence de la migration, doit naître de la saisie du sens que l’individu exilique confère à ce phénomène. Cette narrativisation permet d’échapper à un des schèmes communs des sociétés d’accueil pour percevoir ces auteurs : des victimes du siècle.

Au contraire, ils souhaitent être perçus selon un autre imaginaire : celui de la liberté individuelle qui peut s’engager dans un parcours existentiel singulier. Il faut comprendre alors ces penseurs comme animés par la volonté de se détacher d’une communauté devenue folle, pour pouvoir conserver leur intégrité ainsi que leur liberté.

L’exil alors n’est plus une condamnation, mais devient un choix. Néanmoins, le parcours de l’exilé pour rejoindre la nouvelle communauté nécessite le passage de la frontière.

Nous verrons par la suite comment d’une notion territoriale, les auteurs que nous considérons perçoivent la frontière comme étant un enjeu éthique.

Notes
  • [1] ARNOTHY, Christine, J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir, Fayard, Paris, 1955, p.71.
  • [2] TODOROV, Tzetan, Devoirs et Délices : un vie de passeur,  Seuil, Paris, 2002, p. 29.
  • [3] Ibid, p.44.
  • [4] TANASE, Virgil, Ma Roumanie, Ramsay, Paris, 1990, p. 102.
  • [5] GHEORGHIU, Virgil, L’épreuve de la liberté, Editions du Rocher, Monaco, p.73
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Explosion à Budapest : la piste djihadiste serait à écarter

HU-LALA (Hongrie) - lun, 26/09/2016 - 20:13
Une vive déflagration a retenti samedi dernier vers 22h30 dans le 7e arrondissement de Budapest. L’explosion, due vraisemblablement à une bombe artisanale, a blessé deux policiers en patrouille. Pour le quotidien Népszabadság, la piste d’un attentat djihadiste est à écarter. Un parti de gauche accuse même ouvertement le gouvernement Fidesz d’être derrière cet attentat, en vue du referendum dimanche 2 octobre.

L’explosion d’une bombe placée au sous-sol d’un immeuble du Teréz körút a secoué le centre-ville de Budapest samedi dernier. Celle-ci visait visiblement les deux membres des forces de l’ordre blessés, selon les déclarations d’un porte-parole de la police dimanche soir en conférence de presse. Pour autant, les motifs de l’agression restent inconnus à ce jour. Le service de sécurité nationale a diligenté une enquête sur la vie privée des deux agents de police, afin d’examiner s’ils auraient pu être personnellement visés par cet attentat. Selon le consultant Péter Tarjányi, présenté par Népszabadság comme «expert des questions de sécurité», la piste d’une attaque djihadiste visant la Hongrie est à exclure, dans la mesure où le modus operandi de l’explosion ne ressemble en rien aux techniques et visées stratégiques habituellement retenues par l’État islamique.

Des images enregistrées par des caméras de surveillance samedi soir montrent un jeune homme coiffé d’un chapeau blanc, déposer un sac sur les lieux quelques minutes avant l’explosion. En attendant de mettre la main sur le suspect, la police a dépêché des experts en explosif afin d’identifier le procédé employé et comparer les relevés avec ceux de leur base de données. Selon des photos postées sur les réseaux sociaux, des clous auraient été dispersés sur le boulevard où se trouve l’immeuble, ce qui laisserait penser à l’usage d’une bombe artisanale. La police hongroise a lancé un appel à témoins, promettant une récompense de 10 millions de forint pour toute information décisive, et a annoncé travailler en étroite collaboration avec les services du renseignement territorial, afin d’identifier des personnes susceptibles d’avoir pu développer un tel savoir-faire en matière d’engin explosif.

An inside job ?

La police hongroise, ainsi que le comité parlementaire de sécurité nationale réunissant des députés de la majorité et de l’opposition, ont choisi de rester discrets durant le déroulement de l’enquête. Ce mutisme des autorités semble en tout cas avoir favorisé depuis samedi soir la propagation de nombreux scénarios conspirationnistes sur les réseaux sociaux.

Cet évènement s’est produit dans un contexte politique tout à fait particulier : la campagne pour le referendum “anti-migrants” du 2 octobre bat son plein et le gouvernement ne cesse d’amalgamer immigration et terrorisme islamiste. Ainsi les théories et les rumeurs vont bon train sur internet. Le parti de la Coalition Démocratique (DK), par la voix de György Kakuk, membre de la direction du parti, a même déclaré à l’agence de presse MTI que le gouvernement pouvait se trouver derrière cet attentat : “C’était le dernier acte désespéré du gouvernement avant le referendum. Même Orbán et son équipe pourraient être derrière cet acte“.Il y a plusieurs mois, la police avait laissé planer le doute sur une possible piste terroriste pendant plus de 24 heures lorsque deux collectionneurs avaient été arrêtés avec deux fusils achetés dans une brocante.

Ci-dessous la vidéo de la caméra de surveillance mise en ligne par la police hongroise. Attention, l’explosion est visible à la fin de la vidéo.

Sources : police.hu, Népszabadság.

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Des milliards pour réhabiliter le balcon de Budapest

HU-LALA (Hongrie) - lun, 26/09/2016 - 13:31
Le gouvernement hongrois va augmenter son soutien au programme de réhabilitation de Normafa, vaste parc arboré situé sur les hauteurs du 12e arrondissement de Budapest. L’enveloppe allouée par l’État pourrait dépasser les 5 milliards de forint.

Avalisé en janvier 2015 par la municipalité du 12e arrondissement de Budapest, le programme de réhabilitation de Normafa devrait entrer dans sa deuxième phase de travaux. Confronté à des difficultés de financement, le projet vient en effet de recevoir un coup de pouce décisif de l’État, qui a décidé d’augmenter significativement l’enveloppe alloué jusqu’alors – évalué à 620 millions de forint par an. Selon le bourgmestre d’arrondissement Zoltán Pokorni (Fidesz), cette aide substantielle devrait porter à plus de 5 milliards de forint la subvention globale accordée par le gouvernement.

Et pour cause, bien que Normafa est avant tout connu pour son vaste parc, lequel fait la jonction entre les sommets de Széchenyi-hegy et János-hegy, le programme de réhabilitation concerne également la remise en état de vieux édifices construits au tournant du XXe siècle dans un esprit «villégiature». Ainsi, l’ancien Fácán vendéglő («Auberge du faisan») et son palais Hild, ainsi que le vieux terminus du tramway hippomobile (egykori Lóvasút végállomás) vont connaître une nouvelle jeunesse. Dans un état de dégradation avancée, voire carrément en ruines, leur réfection explique à elle seule le montant de l’investissement.

L’ancienne villa Hild, proche de l’auberge du faisan, est désormais en ruines. Wikimedia Creative commons.

Le gouvernement prévoit ainsi de débloquer 950 millions de forint pour la seule Auberge du faisan d’ici la fin de l’année, puis la même somme l’année prochaine. Le projet est de transformer ce monument construit selon les plans de József Hild en Maison de l’environnement, principalement à destination des scolaires. Sur le même terrain, la villa Hild (photo) devrait recevoir 1,6 milliards de forint en 2017 puis 550 millions en 2018. Le vieux terminus du tramway hippomobile devrait bénéficier de 622,3 millions de forint de travaux afin d’y aménager un musée d’histoire locale.

Projet de réhabilitation du vieux terminus du tramway hippomobile.

Ce programme de réhabilitation a fait l’objet d’une loi spéciale, votée par le Parlement en septembre 2013, prévoyant le déblocage des fonds par l’État ainsi que la délégation à la municipalité d’arrondissement de compétences plus larges pour aménager ce secteur protégé. 340 hectares appartenant à l’État ont depuis été cédés à la collectivité et plusieurs consultations locales ont permis d’associer les riverains au projet d’aménagement. Des premiers travaux ont déjà été réalisés l’année dernière dans le parc (principalement des tables et des bancs), en lien avec le Parc national du Pilis, qui gère les zones de protection de la faune, de la flore et des paysages.

Aperçu des nouveaux bancs, avec en fond le centre de Budapest et le Danube. (c) WeloveBudapest

Le site Magyar Idő rappelle qu’une seconde villa Hild, située sur Budakeszi út, va également être transformée de fond en comble. Les travaux de réhabilitation ont déjà commencé avec la destruction des parties non originelles du bâtiment et la construction de nouvelles extensions. Ce projet, piloté cette fois par l’Académie des sciences, a un coût évalué à 824 millions de forint. Il est prévu d’y aménager les locaux du Centre de recherche en théories et pratiques artistiques (MMKI). Enfin, nous voulions signaler la réhabilitation imminente du vieux train à crémaillère, qui permettra de relier Széll Kálmán tér au sommet du Széchényi-hegy, où se trouve le départ du train des enfants.

Au-delà de l’aspect récréatif de ces aménagements, le programme va permettre de revigorer un quartier peu connu des non-Budapestois. Les hauteurs du 12e arrondissement, avec ses villas et ses infrastructures ferroviaires atypiques (tramway, train à crémaillère, train des enfants) rappellent un peu l’ambiance du Grand Budapest Hotel de Wes Anderson. Les villas et pavillons qu’on y trouve sont souvent des beaux témoin du style «villégiature» (Bäderarchitektur), assez rare dans la capitale hongroise. Ce style est né sur les rives de la Baltique, à Heiligendamm à la fin du XVIIIe siècle et a prospéré dans toute l’Europe jusqu’au début du XXe siècle, principalement dans des cités thermales. En Europe centrale, on trouve ainsi de beaux exemples de ce style à Karlovy Vary, ville tchèque proche de la frontière allemande, ou encore à Lądek-Zdrój en Basse-Silésie (Pologne).

Ancienne carte postale avec le train à crémaillère de Budapest.
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La Pologne ouvre la voie à l’interdiction totale d’avorter

HU-LALA (Hongrie) - sam, 24/09/2016 - 19:06
Les parlementaires ont voté pour le renvoi en commission du texte proposant l’interdiction totale d’avorter, rendant possible un durcissement de la loi actuelle, pourtant l’une des plus strictes d’Europe.

Varsovie, correspondance – Les débats sur l’avortement, qui secouent la Pologne depuis le retour des ultraconservateurs au pouvoir en octobre 2015, rappellent à Paul, franco-polonais, une anecdote. « Vers la fin des années 60, le début des années 70, ma mère, ancien membre éminent du parti communiste qui en a été virée, s’est absentée de France pour aller avorter… En Pologne. Qui était alors un pays libéral sur ces questions ! ».

En 2016, ce sont les Polonaises qui traversent les frontières pour avorter. En Allemagne ou en République Tchèque, quand elles ne le font pas clandestinement : entre 100 000 et 150 000 cas par an selon les associations de défense des droits des femmes. La loi, l’une des plus strictes en Europe, n’autorise l’IVG que dans trois cas : danger pour la santé ou la vie de la mère, pathologie grave et irréversible du fœtus et grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste. Officiellement, moins de 2 000 avortements par an sont pratiqués en Pologne – encore faut-il trouver un médecin qui accepte.

« Vers la fin des années 60, le début des années 70, ma mère, ancien membre éminent du parti communiste qui en a été virée, s’est absentée de France pour aller avorter… En Pologne. Qui était alors un pays libéral sur ces questions ! ».

Cette loi, issue d’un compromis de 1993 entre les différents partis et l’Église, satisfait 42% des Polonais, selon un sondage TNS Polska. L’IVG reste cependant un débat très sensible, entre les partisans d’une loi plus stricte et ceux d’une libéralisation. Avec le retour au pouvoir du parti Droit et Justice (PiS), conservateur et catholique, les militants d’une interdiction totale d’avorter ont vue l’opportunité de durcir l’actuelle législation.

Plusieurs associations, réunies en un comité appelé «Stop Avortement» (Stop Aborcji), ont lancé une pétition qui a récolté plus d’un demi-million de signatures – il n’en fallait que 100 000 pour que leur proposition de loi soit présentée au Parlement. Leur texte prévoit une interdiction totale de l’avortement, sauf en cas de danger immédiat pour la vie de la mère. Il stipule que les collectivités locales doivent venir en aide aux femmes qui ont des enfants handicapés ou qui ont été violées. Subir ou pratiquer une IVG serait puni d’une peine de prison ferme (jusqu’à 5 ans).

Une pétition lancée en réaction par le collectif «Sauvez les femmes» (Ratujmy Kobiety), forte de 215 000 signatures, a permis de présenter au Sejm un texte en faveur de la libéralisation de l’avortement : sans condition jusqu’à douze semaines de grossesse, sous condition au-delà.

Pendant plusieurs heures, jeudi soir, les voix qui s’opposaient jusqu’alors dans la rue – et devant le Sejm au même moment – ont résonné dans l’hémicycle. Joanna Banasiuk de «Stop Avortement» a résumé la loi actuelle en une phrase : « Massacre d’enfants innocents, enfer des femmes, lâcheté morale des hommes ». Barbara Nowacka, représentante de «Sauvons les femmes» a relevé l’hypocrisie d’un système qui  « ne tient pas compte de la réalité » et « a conduit à l’apparition d’un énorme réseau d’avortements clandestins ». Elle a qualifié le texte de «Stop Avortement» de «démentiel» et qui «introduira des solutions barbares, inhumaines, en vigueur dans certains pays d’Amérique Latine».

Ce n’est que le lendemain matin que le Sejm a tranché pour un durcissement de la loi sur l’IVG. Contrairement à ce qui avait été promis par le PiS, la proposition de «Sauvons les femmes» a été rejetée en première lecture, à 230 voix sur 432. La Première ministre, Beata Szydło, pourtant ouvertement pour une interdiction totale, s’est abstenue. La proposition de «Sauvons les femmes» a recueilli le vote surprenant du très puissant président du parti conservateur, Jarosław Kaczyński.

En revanche, la proposition prônant l’interdiction totale a été envoyée à la Commission de la Justice et des Droits de l’homme (267 voix pour, 154 contre et 11 abstentions). Les députés du PiS – qui n’avaient pas reçu de consignes de vote au nom de la liberté de conscience – ont voté comme un seul homme, rejoints notamment par 4 députés de PO (parti libéral) et quelques élus du parti « antisystème » Kukiz15. « Elle risque d’y rester longtemps », a déclaré à l’AFP le président de l’agence catholique KAI Marcin Przeciszewski. « Et quand elle en sortira, elle sera probablement allégée du paragraphe prévoyant de punir les femmes (qui avortent) ». Une disposition à laquelle s’oppose l’épiscopat polonais.

Même si l’interdiction totale de l’IVG est loin d’entrer en vigueur, les députés ont tranché pour son durcissement, en acceptant de remettre en cause le compromis de 1993. Et montré à la frange la plus conservatrice de la société polonaise que c’était bien elle qui avait le pouvoir – et non l’élite de Varsovie, dont les « valeurs occidentales » sont régulièrement dénigrées par le PiS. Comme une revanche sur les années libérales de Plateforme Civique (PO, parti centriste dont est issu notamment Donald Tusk, le président du Conseil européen).

Ce samedi, le parti de gauche Razem a annoncé la tenue dimanche de manifestations pour la défense du droit à l’avortement dans les plus grandes villes de Pologne et à Londres. Le mouvement «Czarny Protest» (Manifestation noire) a pris depuis les débats au Sejm une ampleur internationale, particulièrement sur les réseaux sociaux.

Photographie : Manifestation contre l’avortement en 2014 à Cracovie (Source : Piotr Drabik / creative commons).

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L’avenir incertain de l’aménagement urbain à Prague

HU-LALA (Hongrie) - jeu, 22/09/2016 - 21:13
Depuis 2012, la ville de Prague prépare un nouveau plan territorial. Baptisé « plan métropolitain » (metropolitní plan), ce document est censé apporter de nombreuses innovations dans le futur développement de la capitale tchèque. Cependant, l’avenir de ce projet est actuellement gravement menacé car l’équipe de l’Institut de planification et de développement (IPR), responsable de son élaboration, a perdu treize de ses quinze membres. La raison de leur départ : la révocation mardi du directeur de l’Institut par la mairie de Prague. Article publié le 22 septembre 2016 dans Radio Prague

Créé par l’ancien maire de Prague Tomáš Hudeček, l’Institut de planification et de développement est un centre de recherches spécialisé dans les questions relatives à l’architecture, à l’urbanisme et à la gestion de la ville. Son principal objectif : préparer un nouveau plan qui définirait les règles de l’aménagement urbain dans la capitale tchèque pour les décennies à venir. Salué pour son caractère innovant, ce document, qui devrait être introduit en 2020, détermine donc concrètement où et comment peut-on construire de nouveaux bâtiments, tout en fixant par exemple la hauteur maximale, la future fonction ou les paramètres techniques des édifices, dans le contexte d’une volonté de développement durable de la capitale tchèque.

Pourtant, ce projet doit actuellement faire face à des problèmes qui menacent gravement son existence future, notamment en raison de la révocation, mardi par les conseilleurs municipaux, du directeur de l’Institut de planification et de développement et ancien vice-doyen de la Faculté d’architecture de l’Université technique de Prague, Petr Hlaváček. Après cette décision, treize des quinze membres de l’équipe ont annoncé mercredi leur démission. Pour eux, ces événements ne sont que la dernière tentative des politiques locaux pour intervenir dans la préparation du plan métropolitain. La maire adjointe de Prague, Petra Kolínská (du parti des Verts), explique quant à elle les changements dans la direction de l’établissement par le retard pris par le projet, qui serait lié au manque de volonté, de la part de l’Institut, d’accepter les critiques faites par certains conseillers, mais aussi par exemple par la maire de Prague, Adriana Krnáčová. Petra Kolínská poursuit : « Petr Hlaváček a été révoqué parce qu’il ne voulait se préoccuper du fait que l’équipe du plan métropolitain a été dirigée par l’architecte Roman Koucký, lequel arefusé de mener un dialogue avec les autorités de la ville et de l’Etat. J’ai dans mon bureau des dizaines de lettres datées de 2014 et de 2015 qui signalent des manquements dans le plan. Mais Roman Koucký les prenait à la légère et ne voulait rien faire pour changer cette situation. Monsieur le directeur Petr Hlaváček a pour sa part préféré la solidarité professionnelle à l’intérêt de la ville de ratifier le plan métropolitain à temps. A l’heure actuelle, ce plan a donc un retard de plus de trois ans et nous n’arriverons pas à l’approuver dans le délai défini par la loi qui est 2020 ».

D’après Petra Kolínská, le plan métropolitain ne serait de plus pas en conformité avec la loi sur les constructions. Autant d’arguments que réfutent les auteurs du projet qui estiment que la ville leur met des bâtons dans les roues depuis le début des travaux, en exigeant par exemple des consultations avec les autorités de différents arrondissements de la capitale, ce qui n’était pas prévu initialement. Selon l’une de treize démissionnaires, Marie Smetana, la révocation de Petr Hlaváček représente ainsi pour l’équipe le dernier d’une série de signes montrant que la municipalité n’a aucune intention d’introduire une règlementation innovante.

Quel est donc l’avenir du projet qui a déjà coûté à la ville environ 50 millions de couronnes (un peu plus de 1,8 millions d’euros) ? Petra Kolínská : « Il y a deux possibilités : soit Roman Koucký considère que ce plan est prêt et le remettra, d’ici fin septembre, à la mairie qui l’évaluera ensuite en conformité avec la loi relative à la construction, ou il ne le remettra pas et nous chercherons une nouvelle équipe capable de terminer ce travail. Personne n’est irremplaçable et si ces gens veulent quitter le travail en cours, nous trouverons quelqu’un qui voudra l’achever ».

La décision du conseil municipal de révoquer M. Hlaváček est aussi critiqué par les représentants de l’opposition, dont l’ancien maire et l’initiateur du projet Tomáš Hudeček, mais aussi par exemple par de nombreux experts en urbanisme. Quoi qu’il en soit, une chose est sure : il faudra attendre encore plusieurs années avant que les citoyens de Prague puissent voir leur ville se transformer vers une métropole plus moderne selon les conceptions de ce plan métropolitain.

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«No-go-zones» en Europe : l’exécutif hongrois tourné en dérision

HU-LALA (Hongrie) - jeu, 22/09/2016 - 17:53
Dans le cadre du référendum du 2 octobre sur le mécanisme européen de répartition des réfugiés, les arguments brandis par le gouvernement hongrois en faveur du «non» commencent à se retourner contre lui.

L’affaire ne fait surface qu’aujourd’hui dans les médias, mais elle remonte au printemps dernier avec la mise en ligne par le gouvernement hongrois d’un site internet destiné à promouvoir le référendum «anti-migrants» qui se déroulera le 2 octobre prochain. On peut lire sur ce site que l’on recense «plus de 900 no-go zones dans les grandes villes européennes». Des no-go zones décrites comme des «espaces urbains que les autorités ne parviennent pas à garder sous leur contrôle. Les règles écrites ou non écrites de la société d’accueil ne s’y appliquent pas. Dans les villes d’Europe où les immigrés vivent en grande quantité, on trouve plus de cent no-go-zones de ce type».

Comme on peut le voir sur la brochure ci-dessus, la géographie de ces zones de déréliction est assez aléatoire, plaçant sur le territoire français des no-go-zones à Orléans, Tours, Chartres, Montargis et Nevers, ainsi qu’à Montpellier, Béziers, Nîmes et Mende. Curieusement, n’y figurent ni la région parisienne ni Marseille, laquelle avait été présentée en 2015 par Viktor Orbán comme un «grand camp de réfugiés». Interrogé par le site d’actualité 444.hu, l’ambassadeur de France à Budapest, Éric Fournier, a estimé que les «no-go-zones» étaient «une expression à la consonance exotique, laquelle ne correspondait (…) à aucun concept connu en français».

Mais les premiers à avoir réagi sont les Britanniques par la voix du Foreign Office lui-même, puis de sa représentation officielle à Budapest : «les éléments rassemblés dans le livret communiqué ne correspondant pas à la réalité : il n’existe pas de zone au Royaume-Uni où les lois ne sauraient être appliquées». Interviewé par la BBC sur les sources d’informations ayant permis aux autorités hongroises de décréter de telles no-go zones à Londres, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, s’est trouvé quelque peu déstabilisé.

Également interpellées par nos confrères de 444.hu, les ambassades d’Allemagne et de Suède ont réagi sensiblement de la même façon aux allégations du gouvernement hongrois. Les Allemands se félicitant que de «nombreux Hongrois visitent chaque année Berlin et les autres régions allemandes (…) et qu’ils puissent ainsi se faire leur propre idée de ce pays».

Cette polémique n’est pas sans rappeler la petite guerre de tranchées qui a opposé l’année dernière le «Petit journal» de Canal+ avec la chaîne américaine Fox News, laquelle mettait en garde les touristes américains contre ces prétendues zones de non-droit au cœur de Paris.

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Menace législative sur l’avortement en Pologne

HU-LALA (Hongrie) - mer, 21/09/2016 - 17:07
Une pétition d’associations “pro-vie”, signée par 500 000 personnes, invite le Parlement polonais à revoir la loi sur l’avortement.

Si le Parlement adopte la proposition de loi soumise au vote ce 22 septembre, l’avortement sera alors complètement interdit en Pologne. Le texte prévoit également des peines d’emprisonnement pour les femmes qui avortent et les personnes qui pratiquent l’IVG, ainsi que l’obligation pour l’État de venir en aide aux femmes ayant des enfants handicapés ou nés d’un viol.

La proposition est le fruit d’une pétition lancée par le comité pro-vie «Stop aborcji», qui a récolté 500 000 signatures – quand 100 000 suffisait pour que le texte soit porté au Parlement. La loi actuelle est  pourtant l’une des plus restrictives en Europe. Issue d’un compromis entre tous les partis en 1993, elle autorise l’IVG dans trois cas : risque pour la santé de la mère, grave pathologie de l’embryon et grossesse résultant d’un viol.

L’ultraconservateur et catholique parti PiS, qui dispose de la majorité au Parlement, n’a pas donné de consignes de vote. En effet, certains de ses dirigeants se montrent déjà satisfaits de la loi actuellement en vigueur.

IVG en Pologne : « Un retour à l’enfer pour les femmes »

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Le président slovaque attaque Viktor Orbán sur l’Europe

HU-LALA (Hongrie) - mer, 21/09/2016 - 12:46
Dans une interview publiée dans le quotidien slovaque de langue hongroise Új Szó, le président slovaque Andrej Kiska critique l’attitude du Premier ministre hongrois Viktor Orbán vis-à-vis de l’Union européenne.

En Europe centrale, les sorties répétées de Viktor Orbán contre l’exécutif européen ne sont pas du goût de tout le monde, notamment du président de la République slovaque, le philanthrope Andrej Kiska. Alors que le dirigeant hongrois a estimé que le sommet de Bratislava avait été un «échec en matière de politique migratoire», le chef d’État slovaque lui reproche d’avoir été «un peu injuste envers les participants et les organisateurs». Reconnaissant que l’idée européenne est souvent bafouée «par des erreurs, des malentendus ou des problèmes de la vie», il a également estimé qu’elle l’est également «quand des politiciens sont incapables de prononcer le moindre mot positifs sur ​​l’UE et ses institutions, et quand Bruxelles devient synonyme d’injure».

Andrej Kiska a poursuivi sa charge en critiquant de façon à peine voilée la façon dont Viktor Orbán utilise sa confrontation avec l’exécutif bruxellois à des fins partisanes. Pour le chef d’État slovaque, l’idée européenne est ainsi trop souvent instrumentalisée par des gouvernants qui «gardent souvent leurs propres objectifs nationaux en vue».  Et de poursuive en ces termes : «ils ne s’intéressent pas à l’amélioration de l’UE, mais seulement à leurs résultats aux élections nationales, ils simplifient donc des questions complexes par cynisme ou par exagération». Engagé dans un référendum sur les quotas de réfugiés, le gouvernement hongrois s’est distingué ces derniers mois par une campagne d’affiches ciblant explicitement «Bruxelles» et les institutions européennes.

«Le saviez-vous ? L’attentat de Paris a été commis par des migrants»

Les victoires du groupe de Visegrád n’arrangent pas les affaires d’Orbán

La charge d’Andrej Kiska ne peut pas être considérée comptable de celle de l’exécutif slovaque, dirigé par son ancien adversaire à l’élection présidentielle de 2014, Robert Fico. Ce d’autant qu’en Slovaquie, le président de la République ne jouit que d’un rôle honorifique. Elle traduit néanmoins une certaine incompréhension suite à un sommet de Bratislava, marqué par un certain nombre de victoires symboliques des pays d’Europe centrale, notamment sur le plan de la sécurisation des frontières extérieures de l’UE et du dossier chaud des quotas de réfugiés.

Concernant la relocalisation de 160 000 réfugiés selon une clé de répartition décidée en septembre 2015 par la Commission européenne, le rapport de force a clairement évolué en faveur des anciens pays de l’Est. Le Monde rapporte notamment que ce principe de solidarité entre États membres n’apparaît même pas dans les conclusions du sommet. Et de citer un diplomate européen : «Les relocalisations restent nécessaires pour soulager l’Italie et la Grèce [où sont coincés plus de 50 000 migrants]. Mais il est vrai que la solidarité doit être encouragée et accompagnée plutôt qu’imposée». Plus tôt avant son discours sur l’état de l’Union, le président de la Commission Jean-Claude Juncker, avait déjà donné le ton du virage de Bruxelles, évoquant une  «solidarité qu’on ne peut pas imposer».

Ce changement de pied de la Commission européenne n’arrange pourtant pas forcément les affaires du gouvernement hongrois, qui cherche à mobiliser ses troupes en vue du référendum du 2 octobre. Le porte-parole de l’exécutif, Zoltán Kovács, a même été jusqu’à justifier en marge du sommet le maintien de la consultation nationale, au nom de son caractère «préventif». Alors que l’opposition de gauche appelle au boycott du scrutin, Viktor Orbán court un risque politique si ses résultats sont invalidés par une trop faible participation (moins de 50% du corps électoral).

À Bruxelles, les principaux dirigeants semblent aussi avoir appris de leurs erreurs passées, cherchant désormais la pacification des relations avec le chef du gouvernement hongrois. Cette stratégie semble reposer sur deux axes. D’une part, en cherchant à se relégitimer et rassembler les États membres, la Commission évite de donner trop de prise au projet d’Europe des Nations, véritable objectif du maître de Budapest, allié en son temps sur ce sujet avec David Cameron. D’autre part, en acceptant d’amender ses politiques, elle met ses détracteurs face à leurs responsabilités et cherche à les rendre davantage comptables des décisions communes.

Les intentions de Viktor Orbán au sommet de Bratislava

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La Tchéquie plaide pour une stabilisation des pays des migrants

HU-LALA (Hongrie) - mar, 20/09/2016 - 16:24
La société internationale devrait se concentrer sur l’élimination des raisons de la migration dans les pays qui sont fuis par leurs populations. C’est ce qu’a affirmé le ministre des Affaires étrangères tchèque dans un discours tenu lundi à New York dans le cadre du sommet des Nations unies pour les réfugiés et les migrants. Article publié le 20 septembre 2016 dans Radio Prague

Le ministre tchèque des Affaires étrangères, Lubomír Zaorálek, estime que la priorité doit être de garantir dans les pays en guerre ou dans une situation économique difficile des conditions de vie dignes de ce nom à leurs habitants afin de les dissuader de partir ailleurs.

A la différence de la majorité de ses collègues et des autres intervenants mardi à New York, le chef de la diplomatie tchèque s’est montré essentiellement critique sur les conséquences de la migration. Si Lubomír Zaorálek adhère lui aussi à l’idée de la protection des migrants, il se dit toutefois convaincu que la solution se trouve ailleurs : « Compte tenu de la taille de la vague de migration, nous devons nous efforcer de faire en sorte que ces gens ne quittent pas leurs pays d’origine. Cela signifie qu’il convient de veiller à ce que ceux-ci soient bien gouvernés. Avec la corruption et les conflits, cette mauvaise gouvernance est la principale raison des fuites massives. C’est pourquoi nous devons nous concentrer en priorité sur la stabilisation politique de ces pays et sur l’aide aux populations qui restent sur place. Ceci dit, même si on parle beaucoup des droits à la protection des migrants, il ne faut non plus oublier la sécurité des populations qui vivent dans les pays dits de transit ou dans les pays de résidence des migrants. Aujourd’hui, il apparaît clairement que lorsqu’ils sont très nombreux, les migrants peuvent constituer une menace pour la stabilité et la sécurité des pays dans lesquels ils s’installent. On en arrive alors à une situation où l’Europe, qui s’est efforcée de propager dans le monde les principes de bonne gouvernance, de démocratie et de liberté, peut devenir elle-même incapable de protéger ces valeurs ».

Si la République tchèque apparaît peut-être aux yeux de certains comme une donneuse de leçons, alors qu’elle s’est elle-même très peu engagée dans l’accueil des migrants, Lubomír Zaorálek affirme, lui, qu’une aide concrète est déjà apportée depuis Prague aux pays dans le besoin : « D’une part, cela fait déjà quelque temps que nous sommes engagés dans des pays comme la Syrie ou l’Irak. Dans le cas de l’Irak, nous nous efforçons de participer à la lutte contre l’extrémisme, et ce de différentes manières, que ce soit à travers des dons du gouvernement, l’entraînement de pilotes ou de policiers. Je pense pouvoir affirmer que ce n’est pas négligeable. Nous avons également fourni aux Irakiens des moyens matériels, comme des munitions, pour qu’ils puissent lutter contre le terrorisme. Ce que je dis vaut aussi pour d’autres pays du nord de l’Afrique, qui s’efforcent de mettre en place des équipes de gardes-frontières. Sur ce point, je pense notamment à la Tunisie, que nous nous efforçons d’aider aussi. Et puis il y a la Syrie, où nous appliquons un vaste programme humanitaire de trois à quatre ans ».

En Syrie justement, la trêve a vécu, après que l’aviation syrienne a multiplié les raids aériens, lundi, dans la région d’Alep, causant la mort d’au moins trente-six civils. L’un de ces bombardements, qui a également pu être mené par l’aviation russe, a détruit un convoi humanitaire affrété par les Nations unies et le Croissant-Rouge syrien, tuant douze employés de cette organisation. Il s’agit de l’attaque la plus sanglante jamais menée contre un convoi de l’ONU depuis le début de la crise syrienne, en 2011. Avant cela, le gouvernement syrien avait unilatéralement annoncé la fin de la trêve, décrétée lundi 12 septembre par le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, et son homologue russe, Sergueï Lavrov, au motif que ses opposants n’avaient respecté aucun des engagements contenus dans cet accord. Selon Lubomír Zaorálek, il s’agit pourtant là de l’unique voie possible : « Je suis convaincu que nous n’aurons pas d’autre solution que de rassembler tout le monde autour de la table des négociations. Je souhaite que cette assemblée générale de l’ONU contribue à un nouvel accord et permette de prendre conscience qu’il n’existe pas d’autre solution que les négociations politiques et un processus de paix pour parvenir à l’organisation d’élections en Syrie. Il n’y a pas d’autre moyen pour empêcher l’escalade de la violence et toutes les souffrances que celle-ci engendre ».

Ce mercredi, devant l’Assemblée générale de l’ONU, le président tchèque Miloš Zeman s’exprimera à son tour sur le thème de la migration.

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Le Fidesz cherche à mobiliser les Roms pour son référendum

HU-LALA (Hongrie) - mar, 20/09/2016 - 15:16
Toute la nation hongroise est mobilisée par le parti de Viktor Orbán pour dire «Non» à ce que «l’Union européenne décrète une relocalisation obligatoire de citoyens non hongrois en Hongrie sans l’approbation du Parlement hongrois», lors d’un référendum organisé dimanche 2 octobre. Y compris les citoyens hongrois appartenant à la minorité rom.

« Maintenant il est encore possible de laisser nos enfants aller librement à l’école car ils ne risquent rien. Si les migrants entrent alors nous auront peur pour nos filles, nos femmes et nos familles, car personne ne sera en sécurité ». C’est avec ces paroles qu’Attila Lakatos, voïvode des Roms du comitat de Borsod-Abaúj-Zemplén, dans le nord-est de la Hongrie, a intronisé l’Union des Roms Européens (Európai Romák Egyesülete) samedi dernier.

Le but de cette association – dont les fondateurs ont visiblement bien assimilé la propagande du Fidesz – est de lutter pour les droits des Roms et contre l’installation de migrants, perçue comme une menace par une partie de la communauté. Elle se présente comme une organisation internationale qui a réussi à recruter des membres dans les régions magyarophones de Transylvanie (Roumanie), Voïvodine (Serbie) et de Subcarpatie (Ukraine). Attila Lakatos prétend vouloir recruter des membres en République Tchèque, en Europe de l’ouest ainsi qu’au Canada et aux États-Unis.

Attila Lakatos dit aussi craindre pour les emplois des Roms de Hongrie car « les migrants sont aussi peu éduqués qu’eux et peuvent effectuer le même travail ».

A l’opposé, plusieurs maires d’origine rom ont pris position publiquement contre la position hostile du gouvernement vis-à-vis des réfugiés.

La droite se fait menaçante : en cas de défaite lors du référendum, affirme-t-elle, une partie de l’aide sociale pourrait être redirigée en direction des réfugiés accueillis en Hongrie (Cf. article ci-dessous)

Référendum en Hongrie : le chef des députés en campagne

Sources : 444.hu, Mandiner, Népszabadság.

Crédit photo : Hulala.

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Netflix arrive en Pologne

HU-LALA (Hongrie) - mar, 20/09/2016 - 12:21
La plateforme propose à partir d’aujourd’hui « un vrai service polonais ».

Des séries et des films polonais ont été ajoutés aux programmes produits par Netflix et aux contenus étrangers jusqu’alors proposés. La plateforme est disponible à partir d’aujourd’hui en polonais, les abonnements sont payables en złotys et les sous-titres des séries étrangères seront disponibles en polonais.

Parmi les titres disponibles :

The Best Of – Rafał Rutkowski, Olka Szczęśniak
Seriously Funny – Rafał Pacześ, Katarzyna Piasecka
Hilarious Trio – Mariusz Kałamaga, Karol Kopiec, Wiolka Walaszczyk
Laugh at Hybrydy – Tomasz Jachimek, Jacek Stramik
Laugh out Loud – Michał Leja, Rafał Banaś
No Offense – Karol Modzelewski, Łukasz Lodkowski

Netflix vient également de signer son premier partenariat avec une entreprise locale, l’opérateur téléphonique T-Mobile.

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