Vous êtes ici

PECO

En Europe centrale, la Russie cherche à accélérer le déclin américain

HU-LALA (Hongrie) - lun, 28/11/2016 - 12:06
Un quart de siècle après que l’Union soviétique se soit retirée des pays d’Europe centrale et orientale, la Russie de Vladimir Poutine use de moyens d’influence plus subtiles pour faire son retour dans un espace désormais partie intégrante de l’Union européenne et protégé par l’Otan. Le point de vue de Péter Krekó, directeur d’un think tank libéral et atlantiste. Pensez-vous que l’on assiste à l’émergence d’un soft power centre-européen ? Comment se manifeste-t-elle ?

Je pense que, de plus en plus, l’Europe centrale prend conscience que le soft power est un outil important. Les dernières annonces concernant la création d’une chaîne de télévision Visegrád sur les modèles d’Al-Jazeera et de Russia Today sont en ce sens révélatrices. Récemment, Orbán et Kaczinsky ont déclaré à Krynica qu’ils voulaient mener une « contre-révolution » à Bruxelles – ce qui implique un soft power. D’une manière générale, il y a une tentative, en particulier du côté hongrois et polonais, de définir ou redéfinir les valeurs de la coopération des quatre pays de Visegrád basée sur des valeurs nationalistes, religieuses et traditionalistes.

Quelle est la position stratégique de ces pays dans la nouvelle géopolitique russe ? Les pays de Visegrád sont-ils considérés de la même manière par Moscou ?

La plus grande fracture entre les pays du groupe de Visegrád est justement leur relation avec la Russie et vice versa. Alors que la Russie tente de toucher des pays comme la Hongrie et la Slovaquie et de les compter parmi ses alliés les plus proches, la Pologne est plutôt considérée comme un ennemi à Moscou en raison de sa position pro-OTAN. La République tchèque se trouve à mi-chemin entre les deux, avec un gouvernement qui se montre réservé vis-à-vis de la Russie et un président qui est l’un des plus fervents admirateurs de Poutine dans la région. La Russie a toujours joué la stratégie de « diviser pour régner » dans la région, préférant certains pays aux dépens d’autres.

Qui sont les acteurs du soft power côté russe, ses relais traditionnels et émergents ? 

Le soft power russe compte beaucoup d’acteurs. Des partis politiques (y compris le parti communiste en Russie, Rodina et le parti libéral de Vladimir Jirinovski), des groupes de réflexion tels que le Club Valdai, l’Eglise orthodoxe russe, des ambassades, des idéologues comme Alexandre Douguine, etc. Le soft power russe n’est pas seulement fondé sur l’attraction envers la Russie, mais aussi sur la répulsion (détruire l’image des Etats-Unis et de l’OTAN), la confusion (jouer avec des récits qui sont en contradiction avec d’autres) et des mesures actives. Il y a des tentatives dans les pays d’Europe centrale et orientale de diffuser les valeurs ultraconservatrices du régime russe et de construire et de soutenir des acteurs de la droite et la droite radicale ayant une forte admiration pour Vladimir Poutine et de promouvoir les objectifs de la politique russe. Le parti communiste tchèque, le Jobbik en Hongrie, et le mouvement de Ján Čarnogurský en Slovaquie comptent parmi eux.

Au-delà des relais politiques et diplomatiques, on a l’impression que la limite de l’influence russe reste l’opinion publique, assez profondément hostile à Moscou. Pensez-vous que les choses puissent changer ?

Malheureusement, c’est déjà en train de changer. En République tchèque et en Slovaquie, il y a des sentiments pro-russes assez forts, et en Hongrie, Poutine est plus populaire que Merkel selon plusieurs sondages. L’Union européenne reste populaire, mais l’image des États-Unis se ternit.

L’étoile ternie des États-Unis en Europe centrale et orientale

Avec la crise ukrainienne, l’ancien bloc de l’Est redevient un terrain de confrontations entre la Russie et l’Occident. Quelle est votre analyse ? Quelle est la responsabilité de l’Europe et des pays concernés ?

La crise ukrainienne est principalement la responsabilité de la Russie, car c’est elle qui a été l’agresseur et qui a violé la souveraineté de l’Ukraine. La responsabilité des États-Unis ayant été de la laisser agir. Quant à l’Union européenne, le problème c’est qu’elle ne s’est toujours pas convaincue d’agir sur le terrain ukrainien, alors même que là-bas, les gens sont descendus dans la rue en brandissant le drapeau européenne durant la révolution de Maidan.

Comment l’élection de Donald Trump peut-elle changer la situation géopolitique et les relations entre l’Europe centrale et la Russie ?

Difficile à prévoir, mais j’espère que cela ne changera pas beaucoup. Les Républicains ne permettront pas à Donald Trump d’abandonner complètement la région.

Catégories: PECO

1972 : le socialisme sauce magyare

HU-LALA (Hongrie) - sam, 26/11/2016 - 12:00
« Messieurs, quand on n’a pas les moyens, on ne voyage pas ». Ce message qui me fut adressé par un réceptionniste hongrois était sans doute peu conforme à l’idée qu’un touriste occidental pouvait se faire du socialisme.

Je ne suis pas, tant s’en faut, un spécialiste de Karl Marx, encore moins de Lénine, mais il me semble qu’un des paradoxes du régime communiste est qu’il se vit imposé précisément là où on l’attendait le moins : la Russie paysanne et l’Europe de l’Est de tradition conservatrice et relativement peu industrialisée (Tchéquie et RDA mises à part). Mais bon, mon propos n’est pas ici d’analyser un mouvement qui aura fait couler et continue à faire couler des tonnes et des tonnes d’encre. Il s’agit plus modestement d’apporter un témoignage qui, je pense, illustrera ce constat.

1972 : je résidais à Budapest, invité par une maison d’édition (Corvina) en tant que rédacteur-correcteur dans sa section française (livres d’art, littérature). Simple expérience qui ne dura qu’un an, ne souhaitant pas à l’époque m’implanter en Hongrie.  Un séjour qui me valut la visite de mon frère et de son épouse.

Première expérience : souhaitant nous offrir un bon dîner dans une ambiance typique au son de la musique tzigane, nous nous rendîmes dans le quartier du Château (Várnegyed). Car à l’époque, on y trouvait encore des restaurants offrant une excellente cuisine à prix abordable, dans une ambiance romantique à souhait (caves éclairées à la bougie). Budapest n’était pas encore envahie par le tourisme et les restaurants du quartier n’étaient pas ces coupe-gorges attrape-touristes qu’ils sont souvent devenus aujourd’hui. Je parle de la colline du Château – un peu le Montmarte local – et non du reste de la ville (Pest) qui foisonne aujourd’hui d’excellentes adresses très abordables. « Ambiance romantique » : dans toute la ville, non seulement les restaurants, mais aussi les salons de thé, disposaient d’un petit ensemble tzigane (cymbalum, clarinette, contrebasse, violon) qui agrémentait les soirées et fins d’après-midi. On en trouvait même dans des buffets de gare (Keleti). Pratique aujourd’hui disparue, mis à part quelques hauts lieux du tourisme. A l’époque, on ne jouait pas pour le touriste (il y en avait bien peu), mais pour les clients hongrois qui, bien souvent, s’associaient aux musiciens pour entonner en chœur des chansons du cru  (« Vörös bórt ittam az este », « A véncigány », et non ces sempiternelles danses de Brahms, « Kalinka » ou valses viennoises qu’on nous fourgue aujourd’hui).

Bref, c’est donc dans une excellente humeur que nous débarquâmes là-haut. Et là, quelle ne fut pas notre stupeur ! Première adresse : nous nous vîmes littéralement jetés. La raison : nous n’avions pas de cravate. Deuxième adresse : idem, Troisième adresse: rebelote. Je n’invente pas (et  pourrais même encore citer les noms) ! Dépités, nous redescendîmes en ville (côté Pest) pour nous réfugier dans un troquet plus modeste, certes, mais plus accueillant

Seconde expérience. Effectuant un circuit à travers la Grande Plaine hongroise[1], nous nous retrouvâmes le soir dans la petite bourgade de Szolnok pour y chercher une chambre dans le seul et unique hôtel de la ville. M’étant enquis (en hongrois) du prix des chambres, j’en fis part à frère qui me dit le trouver trop cher. Là-dessus, le réceptionniste nous lança d’un ton méprisant dans un  français impeccable : « Messieurs, quand on n’a pas les moyens, on ne voyage pas ». Bref, peu conforme à l’idée qu’un touriste occidental pouvait se faire du socialisme.

Un propos que, pour être juste, je me dois ici de nuancer. Car, si, certes, de telles expériences n’étaient  pas si rares, force est de reconnaître que régnait alors dans la société un certaine convivialité « bon enfant » aujourd’hui en partie disparue ou du moins estompée. Avec notamment un usage systématique du tutoiement. Le téléphone étant pratiquement inconnu dans les foyers, il n’était pas rare de voir débarquer à l’impromptu un voisin (parfois en pyjama) monté vous annoncer une nouvelle ou vous demander un petit service. J’avoue pour ma part en garder un bon souvenir et y repense souvent non sans une petite pointe de nostalgie.

Témoigner du quotidien de l’autre côté du Rideau de fer

  • [1] périple au cours duquel il nous arriva une bien curieuse surprise. En plein milieu de la Grande Plaine, nous nous trouvâmes brusquement bloqués à deux voitures par un immense troupeau d’oies – plusieurs centaines -qui venaient d’envahir la chaussée. Peu rassurés, je l’avoue, nous dûmes attendre un bon quart d’heure avant que ces charmantes (et bruyantes) damoiselles daignassent enfin nous céder le passage.
Catégories: PECO

Le groupe de Visegrád et le couple franco-allemand

HU-LALA (Hongrie) - sam, 26/11/2016 - 06:39
Entretien avec Philippe Gustin, préfet, ancien ambassadeur de France en Roumanie, co-auteur de l’ouvrage France-Allemagne : relancer le moteur de l’Europe (avec Stephan Martens), 2016, Lemieux. 755368 MKQ27575 items 1 le-tapuscrit-author-date default ASC http://hu-lala.org/wp-content/plugins/zotpress/ (c) Hulala. Réalisé à Budapest, mai 2016. Entretien et réalisation : Corentin Léotard et Ludovic Lepeltier-Kutasi, Montage : Paul Saïsset
Catégories: PECO

Budapest recrute trois mille chasseurs frontaliers

HU-LALA (Hongrie) - ven, 25/11/2016 - 16:50
La lutte contre l’immigration extra-européenne reste tout en haut de l’agenda politique du gouvernement hongrois. Le recrutement de trois mille gardes-frontières a débuté en septembre et les formations au 1er novembre.

Nouveau rouage du dispositif de protection des frontières, les « Határvadász » (chasseurs frontaliers) sont une sorte de patrouille civile placée sous l’autorité de la police nationale et sensée renforcer l’arsenal déployé le long de la clôture serbo-hongroise.

Moitié gadget, moitié instrument politique, ce contingent visant les jeunes et les personnes en reconversion professionnelle suscite débat et scepticisme… Formés en un semestre, « ce ne seront pas des moitié de policiers« , affirme Károly Papp, chef de la police nationale.

Par ailleurs, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a annoncé, le 21 novembre, le renforcement du dispositif de protection de la frontière méridionale avec la construction d’une seconde « clôture intelligente » sur sa section avec la Serbie. Elle sera dotée de capteurs de chaleur et de caméras nocturnes.

Les membres de cette unité des Határvadász doivent contenir un flux de réfugiés pourtant tari depuis le blocage de la « Route des Balkans ». Cependant, le président turc Recep Tayyip Erdogan menace régulièrement de faire voler en éclats l’accord entre la Turquie et l’Union européenne entravant la marche des migrants et réfugiés de guerre vers l’Europe. Ce vendredi, il a violemment menacé l’Union européenne en représailles du vote du Parlement européen demandant le gel des négociations d’adhésion avec la Turquie. « Ecoutez-moi bien. Si vous allez plus loin, ces frontières s’ouvriront, mettez-vous ça dans la tête ! », a tonné M. Erdogan lors d’un discours à Istanbul, rapporte « Le Monde ».

Retrouvez notre émission bi-hebdomadaire « Francia Hangja » du 19 novembre 2016 sur Tilos Rádió, consacrée à ces « chasseurs frontaliers », et plus largement à la question des frontières et de l’identité hongroises.

Photos : page facebook de Határvadász-képzés

Catégories: PECO

Le nouveau chantier du PiS : nationaliser la société civile polonaise

HU-LALA (Hongrie) - jeu, 24/11/2016 - 16:31
La Première ministre polonaise, Beata Szydło, a annoncé cette semaine la création d’un « Centre national de la société civile » qui centralisera tous les programmes de subventions destinés au monde associatif afin de redistribuer les fonds de façon plus « transparente ». L’opération a été préparée en amont par une campagne de communication controversée.

En polonais (ou en russe), cela s’appelle la « sociotechnique » : comment manipuler l’opinion publique à l’aide de méthodes de communication sophistiquées pour atteindre des buts politiques précis. Les régimes communistes d’Europe de l’est s’en étaient fait une spécialité en organisant périodiquement des chasses aux sorcières sur le modèle des deux minutes de la haine imaginées par George Orwell. Agriculteurs indépendants, agents de l’étranger, entrepreneurs, Juifs… Les victimes étaient choisies en fonction de l’objectif recherché et du potentiel de mobilisation dans la population.

En Pologne, le communisme a peut-être disparu – encore que le parti au pouvoir affirme le contraire – mais la sociotechnique n’a pas été oubliée. Cela commence par une bonne préparation du terrain. Depuis fin octobre, la télévision publique, officiellement rebaptisée au début de l’été « télévision nationale » (lire télévision d’État), diffuse des reportages sur des prétendues liaisons incestueuses entre le personnel politique de l’opposition et de grandes ONG polonaises comme la Fondation pour le développement de la démocratie locale.

A l’aide de schémas suggestifs reliant l’ancien président de la République Bronisław Komorowski, le président du Tribunal constitutionnel Andrzej Rzepliński – qui s’acharne à défendre l’indépendance de sa juridiction face au gouvernement – et leurs enfants respectifs, figures actives de la scène associative polonaise, les journalistes laissent entendre que les ONG sont à la solde de l’« ancien régime ».

Des flèches grosses comme des ficelles montrent également les millions de zlotys versés par différentes institutions publiques (ministères, municipalités…) à ces organisations, représentées par les visages de quelques personnalités bien choisies. Ces gens-là s’engageraient donc dans des associations non par souci du bien commun, mais pour se gaver de subventions.

Si c’est encore trop compliqué, on ajoute que non seulement ils recevaient du temps de l’« ancien régime » des fonds de leurs amis politiques , mais qu’en plus ils sont soutenus par George Soros, «  milliardaire controversé qui finance des organisations de gauche dans le monde  ». On s’abstient de faire explicitement allusion à ses origines juives – on est à la télévision, tout de même –, mais la référence n’échappe à personne : c’est encore la Żydokomuna (judéo-communisme) !

Le Fidesz cible George Soros, son «premier opposant»

En revanche, le reportage ne dit pas un mot des procédures d’attribution des subventions, des projets, des dizaines de milliers de personnes qui les mettent en œuvre… ni des millions de zlotys que le gouvernement ultra-conservateur investi il y a un an distribue sans compétition à d’étranges bénéficiaires comme le père Rydzyk, directeur des influents media ultra-catholiques Radio Maryja et TV Trwam.

Le doute ainsi jeté dans la population créé une demande d’intervention des pouvoirs publics, qui se montrent étonnamment prompts à réagir. On apprend ainsi que moins d’un mois après le début du « scandale », le gouvernement dispose d’un projet tout prêt, déjà consulté avec les intéressés. Le premier ministre Beata Szydło a annoncé cette semaine vouloir créer un « Centre national pour le développement de la société civile » qui centralisera les subventions destinées aux ONG (programmes des ministères, d’agences publiques sectorielles…) pour les redistribuer selon des critères plus « transparents ».

L’expérience d’un demi-siècle de communisme autoritaire, pendant lequel la quasi-totalité de la vie publique (syndicats, associations, media…) était sous le contrôle d’un parti unique, continue de marquer la société civile polonaise, relativement moins développée qu’à l’ouest de l’Europe. Cela se compte en nombre d’organisations, de volontaires, de moyens financiers mais aussi de confiance de la population dans ces initiatives. À cet égard, le projet du gouvernement de renationaliser le tissu associatif représente un test de robustesse décisif pour les acteurs de la société civile, qui sont loin d’être certains de l’emporter.

En Europe centrale, «le projet de société civile a été dénaturé»

Catégories: PECO

En Hongrie, histoires de bananes

HU-LALA (Hongrie) - mer, 23/11/2016 - 12:00
« Si tu vois une queue quelque part dans la rue, mets toi dedans, tu peux être sûr qu’il y aura des bananes au bout! » Tel était le conseil que m’avait donné un collègue hongrois de l’Alliance française. Ce fruit jouissait encore dans la Hongrie de la fin de l’ancien régime d’une aura insoupçonnable.

D’une manière générale, le pays subissait de temps à autre des pénuries incompréhensibles. C’était en particulier le cas du papier sous toutes ses formes, papier aluminium, essuie-tout et surtout papier toilette dont les rouleaux se vendaient à l’unité très logiquement dans les papírbolt (« papeteries ») ou dans les kiosques à journaux. D’autres produits pouvaient manquer comme l’huile ou le concentré de tomates dans sa boite rouge Arany fácán (« faisan doré ») que les Français parlant mal hongrois prenaient pour des boîtes de pâté. A contrario, je découvris à mon arrivée en Hongrie de nouveaux produits que je n’avais jamais vus comme les kakis ou les oranges à peau verte qui venaient de Cuba, le pays frère.

Ces pénuries avaient des effets induits intéressants. Tout d’abord, les Hongrois se promenaient souvent avec toute leur fortune sur eux en liquide. Car il ne fallait surtout pas rater faute d’argent l’achat qui se présentait de manière inattendue. Car point de chèque, ni encore moins de cartes de crédit dans la Hongrie de la fin des années 80. D’autre part, on avait toujours sur soi des sacs en plastique susceptibles d’accueillir les produits achetés au hasard. Ensuite, on stockait beaucoup de peur de manquer.Par ailleurs, des filières existaient pour certaines denrées: j’avoue humblement avoir été pendant les premières années de mon séjour à Budapest dans une boucherie de Buda que m’avait indiquée une de mes amies hongroises, où on trouvait le vendredi entre midi et 13h de la viande de bœuf délicieuse. Il n’était pas besoin de demander ; le vendeur me reconnaissait, partait dans l’arrière boutique et revenait avec un paquet tout emballé de papier gris qu’il me remettait sans rien dire. Enfin donc, on voyait poindre au gré des rues des files d’attente.

C’est ainsi que le 8 novembre 1989 à l’aube en sortant du métro Felszabadulás tér (l’actuelle Ferenciek tere), je tombais sur une de ces fameuses files d’attente dont on m’avait parlé. Et sans réfléchir, je fis comme tout le monde. Les bananes étaient en effet au bout et pour la première fois de ma vie, j’en achetai 4 kg d’un coup. En reprenant le chemin de l’institut Szegfű utca, après mon cours de hongrois à l’Alliance française Galamb utca, je m’aperçus qu’il y avait un point de vente de bananes improvisé quasiment à chaque coin de rue. Arrivé au bureau, je distribuai généreusement mes précieuses bananes qui firent des heureux. J’appris aussi la raison de cette invasion soudaine. La veille, le 7 novembre, les Budapestois avaient profité du jour férié à l’occasion de la grande révolution bolchevique et de la toute récente exemption de visa par l’Autriche pour se rendre à Vienne et remplir leurs coffres au retour de bananes et autres produits de l’Ouest.

Le système D à la hongroise fonctionnait ainsi à merveille. Trop bien même puisque, à peine le rideau de fer tombé, Budapest se trouva vite envahi des produits occidentaux. À la phase de pénurie succéda un problème bien plus difficile à résoudre : celui du pouvoir d’achat qui ne permettait pas à la plupart des Hongrois de céder à la tentation.

Témoigner du quotidien de l’autre côté du Rideau de fer

Catégories: PECO

Hongrie-Kazakhstan : un amour fraternel calculé ? (2/2)

HU-LALA (Hongrie) - dim, 20/11/2016 - 16:15
Depuis peu, une porte vers l’Europe s’est ouverte pour le Kazakhstan à Budapest. Plus exactement dans la « Asztana utca », rebaptisée du nom de la capitale centre-asiatique l’été dernier. Ce changement de nom constitue un symbole du rapprochement politique et économique des deux pays observé ces dernières années. Pourquoi, cependant, le Kazakhstan renforce-t-il ses liens avec la Hongrie ? Quels espoirs place Astana dans ce « peuple frère » ? Un regard sur les relations entre ces deux partenaires dépareillés. Article publié le 14 janvier 2015 dans Novastan. Il a été corrigé par Daniela Neubacher et Antje Lehmann et traduit de l’allemand par Pierre Falconetti.

Hongrie-Kazakhstan : un amour fraternel calculé ? (1/2)

La poussière virevolte autour des chevaux qui s’agitent en tous sens – on joue au kokpar. Non pas dans la steppe kazakhe, mais dans le village hongrois de Bugac – 3000 âmes – situé à environ 160 kilomètres au sud de Budapest, dans les basses plaines de Hongrie. Chaque année se tient ici le «Kurultáj», la «rencontre des racines», où participent entre autres des représentants kazakhs afin de faire revivre le passé «commun».

Peu de gens se sont consacrés de manière aussi intense au thème des racines historiques communes entre la Hongrie et le Kazakhstan que le Hongrois István Kongur Mándoki. Contrairement à son collègue András Zsolt Bíró, Mándoki étudie l’histoire au travers de la turcologie. Beaucoup de ses publications indiquent que les Hongrois seraient originaires d’un peuple de cavaliers turciques. Mándoki est retourné à la fin de sa vie là où tout aurait commencé. Après sa mort en 1982, il a été enterré à Almaty. En septembre dernier, une partie de son énorme bibliothèque de 16 000 volumes a été transférée dans la capitale kazakhe d’Astana, située à plus de 1000 kilomètres au nord d’Almaty. A cette occasion, sa femme, Onaysha Maksumkyzy, a souligné qu’il «a toujours souhaité que les peuples turciques soient réunis».

Passé, présent et futur – une création de liens rhétoriques

Le président kazakh Noursoultan Nazarbaïev prolonge l’héritage de Mándoki jusqu’à nos jours : « Il est nécessaire de regarder le passé afin de comprendre le présent et de prévoir l’avenir », est une phrase habituelle du président. Le «partenariat stratégique» établi entre les deux pays démontre la volonté de leurs représentants de porter aux nues leur proximité culturelle pour transformer le passé en futur. En effet, si les relations diplomatiques sont établies depuis 1992, elles se sont élargies par une collaboration étroite dans le domaine économique grâce à la création du Conseil économique magyaro-kazakh en 2012. Une des commissions créées pour l’occasion se consacre au combat contre le terrorisme et le trafic de drogue.

L’intensité du partenariat stratégique entre les deux pays est montée d’un cran au début de l’an dernier. Le signal de départ a été donné en février 2014, lorsqu’une délégation kazakhe composée notamment du Ministre des Affaires étrangères Yerlan Ydyryssov a assisté à un forum multilatéral à Budapest concernant un rapprochement entre l’Union Européenne (UE) et le Kazakhstan. Au niveau bilatéral, la délégation kazakhe a rendu visite aux ministres hongrois de l’Economie et de l’Agriculture. Les deux parties n’ont pas signé d’accord mais ont toutefois déclaré leur volonté d’établir des relations plus étroites dans les domaines économique, agricole et éducatif.

L’esprit du partenariat a en revanche été renforcé. L’ancien Ministre hongrois des Affaires étrangères János Martonyi a encore souligné les supposées origines communes à cette occasion : «nous partageons un passé et des racines. Comme il a été prouvé dans de nombreuses études, la patrie historique des Hongrois se trouve sur le territoire du Kazakhstan contemporain». Dans cette perspective, le Kazakhstan pourrait se présenter comme un «pont vers l’Orient» pour la Hongrie. Cette dernière, toujours selon Martonyi, serait prête en contrepartie à devenir le « pont vers l’Occident » du Kazakhstan.

Sur les talons des Seychelles : les négociations d’entrée à l’OMC

Le même ton fut employé en mai et en juin derniers lors de rencontres bilatérales entre les premiers ministres Orbán et Massimov à Budapest et Astana. La coopération économique entre les deux pays se trouvait au premier plan de ces deux rencontres. M. Orbán a alors déclaré dans son discours que le Kazakhstan se dirigeait vers un brillant futur, du moins économiquement.

Le Premier ministre hongrois faisait notamment allusion à l’entrée du Kazakhstan dans l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Les négociations d’entrée, après une décennie de procédure, se concentrent actuellement sur les chapitres légaux concernant la protection des producteurs et travailleurs locaux, ainsi que sur l’harmonisation des tarifs douaniers. Lorsque ces points seront clarifiés, le Kazakhstan pourrait dès cette année suivre les traces des Seychelles en intégrant l’OMC.

Pour le Kazakhstan, cette intégration est d’autant plus importante qu’elle s’inscrit dans la perspective de la fondation de l’Union Economique Eurasiatique (UEE). La Russie, membre de l’OMC depuis 2012, a ouvert son marché aux pays tiers, qui ont donc automatiquement accès aux deux autres pays de l’Union douanière, le Kazakhstan et la Biélorussie. Par la force des choses, une bonne partie des standards de l’OMC a trouvé de cette façon une porte d’entrée dans les accords portant sur l’UEE, sans que le Kazakhstan ne puisse profiter des avantages d’une intégration formelle dans l’Organisation, tels que le mécanisme de règlement des différends.

Boîtes de conserves, maïs et pesticides

La richesse du Kazakhstan se base encore et toujours sur l’export de matières premières, notamment d’hydrocarbures. L’Italie est son premier client européen depuis plusieurs années. Par ailleurs, environ un quart des importations pétrolières allemandes provient du Kazakhstan. Depuis quelques années, le gouvernement kazakh essaie de se dégager de cette dépendance à l’égard des matières premières. «Un des secteurs à forte croissance potentielle du Kazakhstan est l’agriculture et la transformation de produits agricoles» selon une analyse de la Délégation de l’économie allemande pour l’Asie centrale.

Il manque toutefois des matériels durables, des entrepôts frigorifiques et des silos. Les principales fabriques se concentrent au sud du pays, qui ne peut ainsi pas devenir autosuffisant, malgré des récoltes en hausse constante. Selon le ministère kazakh de l’Agriculture, le pays importerait actuellement environ 40% de ses produits laitiers, 29% de sa viande, et environ 40% de ses fruits et légumes chaque année. Une étude de la Société Allemande pour la Coopération Internationale (GIZ) explique que «la principale raison à l’origine de la désolation actuelle du secteur agraire est le manque de moyens financiers».

C’est ici que la Hongrie entre en jeu : en effet, le partenaire occidental ne se contente pas d’apporter des investissements afin de développer l’industrie. L’importation de technologies pour le secteur agro-alimentaire constitue également une des facettes du partenariat. Doualt Aitzkhanov, patron de la holding agraire « KazAgro » espère que la coopération avec la Hongrie peut améliorer la filière, notamment lors des processus manufacturiers. M. Aitzkhanov explique être persuadé que des spécialistes hongrois pourraient aider à résoudre les problèmes de qualité (notamment dans le traitement de la viande et du lait), ainsi que ceux posés par le manque de technologies innovantes et de main-d’œuvre qualifiée. La Hongrie était déjà connue du temps de l’URSS pour ses conserves de fruits et légumes.

L’ambassadeur kazakh en Hongrie, Nourbakh Roustemov, souligne également dans une interview au Times d’Astana que son pays est intéressé par la valeur qui pourrait être dégagée de l’optimisation et de l’automatisation de la filière agro-alimentaire.

La prospérité grâce à la Hongrie ?

Au vu de la situation désolante du secteur agricole, le gouvernement du Kazakhstan a établi des objectifs ambitieux. La stratégie «Agrobusiness 2020» prévoit de couvrir 80% des besoins en denrées alimentaires par la production nationale. Les subventions étatiques qui jusqu’à présent permettaient de moderniser les chaînes de production ne suffiront pas à atteindre ces objectifs ; des investisseurs étrangers doivent donc être mis à contribution. Dans ce but, des facilités ont été introduites en 2003 : des exemptions de taxes douanières ou bien des abattements fiscaux pour les personnes morales. La banque hongroise Eximbank et la holding publique KazAgro ont par ailleurs créé fin 2014 un fonds à hauteur de 40 millions de dollars afin de réaliser plusieurs projets communs dans le secteur agricole.

Les semences d’origine hongroises constituent un facteur essentiel. Le pays a fondé en 2012, en partenariat avec FLORA, un consortium visant à fournir le marché kazakh en semailles hongroises. La Hongrie a ainsi exporté 25 000 sacs de graines de maïs vers le Kazakhstan l’an dernier. L’objectif à court terme est de passer à 60 000 par an, selon FLORA. Des exportations de pesticides seraient également à l’étude. La suite du programme prévoit des recherches sur les différentes espèces de maïs sur le sol kazakh.

Selon l’ambassadeur Roustemov, outre dans le secteur agricole, le Kazakhstan souhaiterait se montrer attractif pour les banques et instituts financiers hongrois, et également pour d’autres investisseurs : «le Kazakhstan s’intéresse à la médecine et aux équipements médicaux hongrois». Un centre commercial a d’ores et déjà été ouvert à Astana. De plus, cet été, sous la houlette du Premier ministre kazakh Karim Massimov, un accord de transfert de technologies et d’investissement à hauteur de 100 millions de dollars entre Alibi LPP et Tranzit-Ker Zrt a été signé.

Selon les médias hongrois, la coopération entre les deux pays se serait étendue dirigée en 2014 au secteur éducatif. Un programme d’échange permettra dorénavant à des étudiants et professeurs kazakhs d’étudier à l’Université Corvinus de Budapest. L’ambassadeur kazakh à Budapest a également soulevé dans une interview la question d’une liaison aérienne directe entre les deux capitales (comme l’avait rapporté Novastan).

Du côté hongrois, l’on paraît ouvert à une coopération élargie. Les médias hongrois insistent sur le rôle de la république centre-asiatique en tant que troisième partenaire commercial de la Hongrie au sein de la Communauté des Etats Indépendants (CEI). Le Ministre du Commerce extérieur Varga accompagne le processus de rapprochement avec une admiration personnelle pour le « peuple frère », visible sur la page d’une association de consommateurs dont il est le président. Le Kazakhstan y est présenté comme un exemple pour la Hongrie. Le ministre admire particulièrement la bonne estime d’elle-même qu’entretient la nation kazakhe, et conclut son argumentation en déclarant qu’une nation «a besoin d’au moins une de ces choses : du gaz, du pétrole, de la steppe ou de la Puszta».

 

Catégories: PECO

1972-1992 : Transports loufoques et scènes de rue à Budapest

HU-LALA (Hongrie) - dim, 20/11/2016 - 12:00
Celles et ceux qui ont connu la Hongrie des années soixante-soixante-dix gardent peut-être en mémoire cette légère odeur de brûlé qui flottait dans l’air de Budapest en hiver.

Une odeur à vrai dire pas si désagréable, du moins pour mes narines, probablement corrompues par l’habitude. M’évoquant un fumet de café fraîchement torréfié, pas si désagréable en fin de compte. Le coupable : le chauffage qui s’effectuait encore en grande partie au charbon. Nettement moins attrayantes, par contre, ces couches de suie noire qui se déposaient un peu partout en ville et noircissaient la neige qui couvrait alors chaussées et trottoirs. Car oui, la neige, qui semble aujourd’hui nous bouder, tombait alors en abondance sur les bords du Danube. Un Danube au demeurant en grande partie gelé, sur lequel dérivaient de grands blocs de glace, offrant, vu des hauteurs, le spectacle d’un puzzle en mouvement.

Autre souvenir dans un autre genre: le fameux « paternoster ». Inconnu des Parisiens, il s’agissait d’une sorte de monte-charge pour personnes: des cabines ouvertes en formation de chapelet (d’où son nom) qui montaient et descendaient doucement, sans porte et dans lesquelles on pouvait donc grimper en marche pour monter ou descendre quelques étages, sans besoin d’attendre l’ascenseur. Dans l’immeuble de bureaux où je travaillais[1], je l’utilisais constamment. Pratique et amusant (du moins pour le jeune que j’étais), on le trouvait un peu partout, dans les immeubles de bureaux et établissements publics. Non seulement en Hongrie, mais dans toute l’Europe centrale[2]. Jugé dangereux, il fut par la suite supprimé. Dommage, il me manque bien. Mais il fut probablement supprimé non sans raison.

Autre danger : ces escalators ultra rapides qui permettaient aux passagers d’accéder au nouveau métro[3]. Pratiques, car assurant un flux important, mais dont la vitesse en rendait l’usage particulièrement risqué pour les personnes âgées. Plus de 65 ans s’abstenir ! De sorte qu’étaient placés en faction à chaque extrémité des employés musclés chargés de prendre par le bras les personnes en difficulté. (C’était encore la période du plein emploi…) Cela n’a guère duré, jusqu’au jour où les autorités, probablement alertées par de nombreux accidents, décidèrent d’en diminuer la vitesse.

Puis est survenue la suppression du rideau de fer et le changement de régime qui suivit dans la lancée. Avec ses attraits évidents. Notamment cette coloration du paysage urbain par ces réclames en tout genre dont l’absence conférait par le passé un air de grisaille au paysage urbain. Alors bienvenues, elles ont aujourd’hui envahi la ville de façon souvent tapageuse. Mais bon, c’est une autre histoire.

Autre revers de la médaille, cette multiplication des sujets suspects qui vous attendaient au coin la rue pour vous aborder avec un agressif ‘change money ? . Bien sûr frauduleux. Aujourd’hui totalement disparus. Également disparues du paysage, ces dames qui, exerçant le plus vieux métier du monde, s’affichaient sans la moindre pudeur au bord des voies. Notamment au bord des routes qui menaient à l’aéroport, à raison d’une tous les 500 mètres – je n’exagère pas – un peu comme une haie d’honneur. Si, certes, la profession a toujours existé et existera toujours, ce spectacle peu engageant nous est aujourd’hui épargné.

Une Hongrie passée sans transition du Karl Marx au Mac’Do, de la Trabant au 4×4, mais il n’y a là rien de spécifiquement hongrois, les autres pays de l’ex bloc en ayant fait tout autant. Une vague qui s’est d’ailleurs vite tassée, avec des nouvelles générations apparemment blasées et qu’il en faudrait bien davantage pour épater.

[1] 1972, place Vörösmarty, immeuble aujourd’hui détruit (Editions Corvina)
[2] mais inventé, paraît-il, au Royaume Uni.
[3] 1970-1972, actuelle ligne M2.

Témoigner du quotidien de l’autre côté du Rideau de fer

Catégories: PECO

La Hongrie aura le plus faible impôt sur les sociétés en Europe

HU-LALA (Hongrie) - sam, 19/11/2016 - 10:15
Le Premier ministre Viktor Orbán a annoncé jeudi, lors d’une conférence sur le numérique, que les taux d’imposition des sociétés seront réduits à 9 % pour toutes les entreprises à compter du 1er janvier.

Les taux d’imposition actuels sont de 19 % pour les entreprises qui génèrent plus de 500 millions de forint de chiffre d’Affaires annuel et de 10 % pour toutes les autres.

Ce taux de 9 % sera le plus faible dans l’Union européenne où la moyenne est de 25 %. A l’heure actuelle la Bulgarie a un impôt sur les sociétés à 10 % et l’Irlande a 12,5 %. La Britannique Theresa May envisage aussi de descendre à 10 %. En France, il est officiellement de 33 % mais ce chiffre ne prend pas en compte diverses exemptions.

Les entreprises en Hongrie économiseraient ainsi un total de 145 milliards de forint, selon le Premier ministre, soit environ 500 millions d’euros. Avec cette mesure choc, la Hongrie espère attirer plus de capitaux des grandes entreprises.

Baisse des charges contre hausse des salaires – Le ministre de l’Économie, Mihály Varga, est chargé de mener des négociations en parallèle avec les partenaires sociaux afin de s’entendre sur une augmentation des salaires. Le gouvernement a proposé une hausse du salaire minimum des travailleurs non-qualifiés de 15 % l’an prochain et de 8 % en 2018 et une hausse de 25 % pour les salaires minimum des employés qualifiés en 2017 et de 12 % en 2018.

Catégories: PECO

L’institut français de Budapest en 1988

HU-LALA (Hongrie) - ven, 18/11/2016 - 12:00
C’est donc Szegfű utca 6 que se trouvaient les services culturels de l’ambassade de France en Hongrie et l’Institut français. Il y régnait une ambiance bon enfant quasi familiale qui devait beaucoup à l’intimité du lieu et en particulier à cette cour intérieure, point de passage obligé de tous les visiteurs.

Au fil du temps, tous les espaces avaient été investis pour abriter les salles de cours tant de l’école française le matin que de l’institut l’après-midi et le soir. Ainsi, la cave, le grenier, le garage servaient à accueillir des élèves et étudiants, faisant fi de toutes les règles minimales de sécurité. La France était locataire et ne souhaitait pas investir outre mesure dans le bâtiment d’autant plus que depuis des années, on attendait la construction d’un nouvel institut, à Buda, Fő utca, à l’emplacement qu’occupait la légation française avant la Seconde Guerre mondiale.

Les premiers plans dataient du début des années 60 et au fil des relations diplomatiques entre nos deux pays, le dossier avançait, reculait ou le plus souvent stagnait. A mon arrivée en 1988, le projet avait repris de la vigueur et c’est en janvier 1990, une fois le mur de Berlin tombé et à la veille d’élections législatives qui allaient acter définitivement le changement de régime dans le pays, qu’on fit poser au Président Mitterrand lors d’une visite d’Etat, la première pierre de l’actuel bâtiment. Ses collaborateurs avaient sans doute soigneusement omis de lui rappeler qu’il avait annoncé la construction du nouvel institut lors de son premier voyage officiel en Hongrie près de 8 ans plus tôt, en juillet 1982…

Le projet avait tellement traîné qu’inévitablement on s’aperçut très vite que ce qui allait sortir de terre n’était plus adapté à la réalité du pays et de la relation franco-hongroise. Parmi ces petits points de détails, il y en eût un que je dus traiter avec ma double casquette de directeur adjoint des cours de l’institut et de président de l’association des parents d’élèves qui gérait la petite école française. Parallélisme des formes avec le bâtiment de Szegfű utca, celui de Fő utca avait été conçu pour accueillir à la fois l’école française et les cours de langue de l’institut. Personne n’avait anticipé le changement de régime et l’envolée du nombre d’élèves inscrits à l’école d’une part et l’augmentation phénoménale du nombre d’étudiants de l’institut.

Dés l’année scolaire 1988-89, je dus me mettre en quête de nouveaux bâtiments pour accueillir la classe de maternelle qui était abritée dans l’ancien garage de Szegfű utca. Cette recherche de locaux scolaires dans une Hongrie en pleine incertitude politique mériterait un livre en soi tant il fallut naviguer à vue jusqu’à ce que je déniche les locaux d’un jardin d’enfants appartenant au Secrétariat d’Etat aux relations extérieures et qui accueillait Mátyás király útja dans les beaux quartiers de Svábhegy les enfants d’apparatchiks qui avaient eu la chance de travailler à l’étranger pour le régime. Ces démarches et les négociations compliquées qui en suivirent eurent un mérite: en quelques mois, ma maîtrise du hongrois fit des progrès fantastiques, je devenais en particulier incollable sur les termes juridiques des contrats de location.

L’école française, devenue entre temps lycée français déménagea dans son intégralité Mátyás király útja à la rentrée de septembre. Le nouveau bâtiment de l’institut Fő utca fut quant à lui inauguré officiellement en présence du Président Árpád Gönz en mars 1992. Il s’avéra très vite sous-dimensionné pour les 5000 étudiants que nous recevions par an à l’époque.

Le déménagement au bord du Danube, s’il permit incontestablement de bénéficier d’une superbe visibilité et de conditions d’accueil et de travail bien meilleures, ne dissipa pourtant pas la nostalgie qui étreint aujourd’hui encore tous ceux qui ont vécu dans la maison close comme je l’appelais de Szegfű utca.

Témoigner du quotidien de l’autre côté du Rideau de fer

Catégories: PECO

Hongrie-Kazakhstan : un amour fraternel calculé ? (1/2)

HU-LALA (Hongrie) - mer, 16/11/2016 - 15:35
Sous le slogan de « l’ouverture vers l’Est », le pouvoir hongrois tisse et renforce de façon croissante ses liens avec l’Asie centrale. Notamment, avec le Kazakhstan. Mais l’établissement de ces relations avec l’Orient met ce membre de l’Union Européenne (UE) sur un chemin parsemé de polémiques. Article publié le 14 janvier 2015 dans Novastan. Il a été corrigé par Daniela Neubacher et Antje Lehmann et traduit de l’allemand par Pierre Falconetti.

Les pieds calés dans les étriers. La tête portée par de larges épaules. Le Prince Árpád regarde au loin, mille ans en arrière, le long de la l’avenue Andrássy de Budapest. Chef des magyars, ce conquérant s’est établi dans la vallée du Danube, conquête pour laquelle les Hongrois lui ont consacré un monument au centre de la Place des Héros dans l’actuelle capitale magyare. Le mythe du peuple hongrois, cavaliers venus de la lointaine Asie, était né, et sous-tend depuis l’identité nationale.

« Nous sommes tous parents »

Le nom du pays lui-même porte une racine asiatique: dans la langue nationale, la Hongrie s’appelle « le pays des Magyars » (Magyarország), nommée d’après les peuplades d’origine ouralienne qui se sont installées dans la cuvette carpatique du Danube au Xème siècle de notre ère. Depuis lors, d’innombrables conquérants et suzerains étrangers ont effacé les traces de ces migrants. Parmi eux, les conquêtes mongoles, l’arrivée de peuples turciques au Moyen-Âge, des migrations germaniques et slaves, ainsi que la domination ottomane.

Cependant, beaucoup de Hongrois prétendent qu’il serait encore possible aujourd’hui de prouver la parenté de leur peuple avec des ethnies de l’Oural ou des steppes centre-asiatiques. On cite à ce titre l’étude du scientifique hongrois András Zsolt Bíró, qui clame avoir trouvé une relation génétique entre la branche kazakhe des « Madjars » et les Hongrois (Magyars). M. Bíró a reçu en 2008 une décoration du Ministère de la Culture du Kazakhstan pour ses recherches.

Le slogan « nous sommes tous parents » a jusqu’à présent été utilisé par les dirigeants du parti d’extrême droite Jobbik comme justification des contacts étroits et croissants avec le soi-disant « peuple frère », les Kazakhs. La science ne serait toutefois pas en demeure de prouver de façon claire la relation génétique entre les deux peuples, selon une historienne hongroise contactée par Novastan, qui souhaite rester anonyme. « Le peuple hongrois veut croire que nous sommes quelque chose de spécial, d’unique en Europe, quelque chose que l’on doit protéger de la mondialisation ou, de façon générale, toujours protéger de quelque chose ».

Orbán et l’ouverture vers l’Est

Entre-temps, les contacts avec le Kazakhstan se sont construits en dehors des bannières l’extrême droite. Le premier Ministre hongrois Viktor Orbán, du parti conservateur Fidesz, s’emploie lui aussi à promouvoir un retour vers les anciens « parents » orientaux. C’est ainsi qu’il justifie la politique extérieure et la politique économique du gouvernement : « L’ouverture vers l’Est », une diplomatie tournée vers des pays tels que la Russie, l’Azerbaïdjan et la Turquie, mais également vers la Chine, l’Arabie Saoudite ou l’Iran.

Politiquement, ce rapprochement se traduit par de fréquentes visites mutuelles de délégations diplomatiques. En Azerbaïdjan au printemps dernier, et quelques mois plus tard au Kazakhstan. M. Orbán explique l’intérêt que porte la Hongrie au Kazakhstan en des termes simples : nous venons d’une partie du monde en proie à la crise, et nous venons d’arriver dans une autre partie, où il n’y en a pas.

Beautés kazakhes : pétrole, pierres et poissons

L’Institut Polonais de Relations Internationales (PISM) observe un tournant dans la diplomatie hongroise depuis l’arrivée de M. Orbán au pouvoir, plaçant l’économie au premier rang. Le PISM s’appuie notamment sur la signature de plusieurs nouveaux accords économiques entre la Hongrie et le Kazakhstan.

Selon des données de l’ambassade kazakhe à Budapest, 58 entreprises et joint-ventures hongroises seraient actuellement en activité au Kazakhstan. Parmi elles, principalement des industries dans les domaines de l’agriculture et du BTP, de même que dans le secteur énergétique.

A titre d’exemple, la plus grande compagnie gazière et pétrolière hongroise MOL (Magyar Olaj- és Gázipari Részvénytársaság) est impliquée dans les projets de développements des gisements « Fedorov » (25%) et « Karpovskiy North » (49%), dans l’Ouest du Kazakhstan. Elle y est associée avec KazEnergy, un conglomérat de plus de 50 entreprises spécialisées dans le secteur des hydrocarbures.

D’une manière révélatrice, les deux entreprises (MOL et KazEnergy) ont organisé en 2013 un rallye automobile, afin de suivre les « racines historiques » des anciens Magyars.

Djamboulat Sarsenov, Vice-Président de KazEnergy, a dernièrement confirmé que la coopération avec la Hongrie dans le domaine de l’exploitation des hydrocarbures était en vue. La Hongrie se dit d’ailleurs prête à soutenir le Kazakhstan comme candidat à l’organisation du World Petroleum Congress de 2017 à Astana, selon M. Sarsenov.

Le BTP est également une branche attractive pour la Hongrie. Surtout avec l’annonce de l’EXPO 2017. L’Etat se serait proposé comme soutien à l’organisation de l’EXPO, selon le Ministère des Affaires étrangères kazakh. L’engagement de la Hongrie pour la construction de certaines infrastructures fait d’ores et déjà partie de la stratégie de M. Nazarbaïev à l’horizon 2050.

Le secteur kazakh de la construction a connu un développement rapide lors de ces dernières années. Et la Hongrie, comme d’autres pays européens, y voit l’ouverture de nouvelles possibilités dans la région centre-asiatique. « Le Kazakhstan est la preuve vivante qu’une crise économique mondiale n’existe pas. », a déclaré Viktor Orbán en 2012, peu après son retour d’un déplacement à Astana.

Troisième appât, le poisson kazakh. Afin de préserver le romantisme de la plus large étendue d’eau hongroise, le lac Balaton, la pêche industrielle y est interdite depuis décembre dernier. Alors, la demande issue de cette interdiction est couverte à 95% par des importations en provenance du Kazakhstan et de la Turquie.

Selon Kashagan Today, les investissements hongrois dans l’économie kazakhe de 2005 à 2013 s’élèvent à 60 millions de dollars.

Un Sonderweg hongrois ?

Même si la soi-disant « ouverture vers l’Est » semble se trouver sous le primat des considérations économiques, ses implications politiques se voient rapidement balayées sous le tapis par le gouvernement de M. Orbán.

La passivité du gouvernement hongrois envers les régimes autoritaires, voire dictatoriaux, de ses partenaires, est particulièrement critiquée. Même sur des pancartes lors de la grande manifestation de décembre 2014, l’on pouvait lire « Nous disons non à la politique extérieure actuelle ! ».

Celle-ci serait avant tout « magyarophile », selon l’expression du premier Ministre

Mais c’est avec fermeté que ce dernier rejette les reproches. Dans les déclarations officielles, les points communs et la reconnaissance mutuelle sont célébrés : «  Dans l’Union Européenne, nous pensons que les institutions fonctionnent d’elles-mêmes, mais même une voiture ne fonctionne pas sans chauffeur. Heureux sont les pays qui ont un leadership clair », a déclaré M. Orbán lors d’une rencontre entre hommes d’affaires hongrois et azerbaïdjanais à la mi-novembre. Un certain style politique est partagé par les deux pays. C’est à peu près ce dont il s’agit lorsque l’on visite le site internet du Ministère des Affaires étrangères kazakh : « les deux parties partagent des positions similaires sur la plupart des thèmes importants de la politique internationale ».

Ouverture vers l’Est, fermeture vers l’Ouest ?

De plus, la position hongroise lors de la crise ukrainienne ne lasse pas d’inquiéter Bruxelles et Washington, et est parfois reprochée à Budapest comme étant « russophile ». En première ligne des critiques se trouvent l’arrêt des livraisons de gaz à l’Ukraine sous le prétexte d’une augmentation de la demande interne, ainsi que la priorité réservée au remplissage des réserves hongroises de gaz. La Hongrie s’est montrée par ailleurs intéressée par une coopération avec la Russie pour la construction du pipeline South Stream. En collaboration avec l’entreprise d’Etat Gazprom, le projet aurait pour effet de transporter du gaz russe vers l’Europe centrale et occidentale sans se trouver sous la dépendance des deux principaux pays de transit, l’Ukraine et la Biélorussie. Le projet a cependant échoué en raison de l’opposition de la Bulgarie. Une autre raison pourrait en être l’engagement du gouvernement hongrois dans les Carpates ukrainiennes et ses prétentions de protection de la minorité magyare dans cette région.

Cette diplomatie hongroise grippe, à long terme, les rouages du partenariat transatlantique aussi bien que de la politique étrangère communautaire. Dans quelle mesure la mise en avant de cette « ouverture vers l’Est » accélère ce processus ou bien n’en est qu’un symptôme passager, reste à déterminer.

Philipp Karl est un chercheur spécialisé dans l’extrême droite en Hongrie. Interrogé par Novastan, il démontre que la soi-disant relation originelle est utilisée par les politiques comme légitimation de leurs positions : « Le discours à portée domestique a pour but clair de surestimer les origines et le passé de façon mythologique et pseudo-scientifique, et ainsi de se détourner d’un présent morose. La portée extérieure représente, elle, la possibilité de légitimer et de faire passer pour naturelle le rapprochement avec des régimes autoritaires ou dictatoriaux ». P. Karl insiste par ailleurs sur le programme électoral du parti Jobbik, qui établit comme un devoir cette ouverture vers l’Est dans les domaines économique, politique et culturel. Jobbik est devenu, avec 20% des voix, la troisième force politique du pays depuis les élections législatives de 2014.

Cependant, selon P. Karl, il serait invraisemblable qu’un « touranisme » (l’idée d’une origine commune des peuples turciques et de langue finno-ougrienne, ainsi que la nécessité de les regrouper en une entité politique unique) quelconque voie une renaissance en Hongrie. La christianisation menée par Saint Stéphane (Szent István), le premier roi hongrois, ainsi que le conséquent ancrage occidental du pays, sont trop inscrits dans l’identité collective. Néanmoins, des éléments empruntés à l’idéologie touraniste servent de « superstructure idéologique à la rencontre et la conciliation du gouvernement hongrois notamment avec le Kazakhstan ».

Echanges culturels entre puszta et steppe

A vol d’oiseau, les capitales hongroise et kazakhe se trouvent à un peu moins de 4000 kilomètres de distance. Comme l’ont rapporté les média hongrois cet été, des vols directs entre les deux pays devraient bientôt être mis en place. Du côté de l’aéroport de Budapest, on aurait effectivement entendu parler de ces plans, mais il n’y aurait aucune information concrète. La compagnie aérienne Wizzair, qui offre également des vols vers Bakou et Dubaï, et qui selon le service de communication de l’aéroport aurait été en compétition pour des vols directs vers Astana, a répondu à Novastan en déclarant qu’elle avait seulement entendu parler de quelques plans.

Peut-être que dès l’été 2015, des touristes hongrois pourront prendre un vol direct en direction du Kazakhstan, de façon appropriée pour le festival annuel du film hongrois d’Almaty. Ce dernier a été fondé en 2010, et constitue un autre exemple du renforcement des échanges culturels entre les deux pays. Par ailleurs, le « jour de la culture kazakhe » en Hongrie et son équivalent au Kazakhstan sont organisés depuis 13 ans.

L’Académie hongroise des sciences (MTA) présente cette année une traduction de l’autobiographie du Président Noursoultan Nazarbaïev, avec le soutien de l’entreprise MOL. Et cet été le film basé sur cet ouvrage a été diffusé à la télévision publique hongroise.

Aux cavaliers au garde-à-vous d’Árpád sur la Place des Héros de Budapest s’associent également depuis peu d’autres traces du passé centre-asiatique. En 2013, dans le parc de Budapest jouxtant la Place, une rue a été renommée « rue d’Astana ». Et, en été 2014, une délégation kazakhe a inauguré un buste du poète Abai Qunanbajuly. Le monument de quatre mètres de haut serait, selon l’ancien maire adjoint Miklós Csomós (Fidesz) « un cadeau du peuple kazakh » et un signe des « excellentes » relations kazakho-hongroises.

Catégories: PECO

1985-1995 : les années folles

HU-LALA (Hongrie) - mer, 16/11/2016 - 10:00
Celles et ceux qui ont connu la Hongrie du milieu et de la fin des années quatre-vingt gardent encore en mémoire ces files de Trabant revenant de la frontière autrichienne, lestées d’énormes réfrigérateurs sur leur toit (au moins aussi volumineux, sinon plus que la pauvre voiture quasiment écrasée en dessous).

Car, contrairement à une idée répandue, les gouvernements hongrois et autrichien avaient passé un accord pour la suppression des visas entre les deux pays et la simplification des formalités. Ce qui, en échange, marqua le départ de cette vague de patients autrichiens venant se faire soigner les dents en Hongrie (au grand dam des dentistes viennois). Une mode qui perdure, voire s’est généralisée, plus de trente années après.

Certes, les ressortissants hongrois eurent, encore sous le régime communiste, la possibilité de se rendre dans le Burgenland voisin ou – pour les plus téméraires – à Vienne. Mais moyennant une restreinte de taille: le forint n’étant pas monnayable en Autriche, ils ne pouvaient se procurer avant le départ des devises autrichiennes que dans la limite d’un montant relativement modique par voyageur adulte (et pour un seul voyage). D’où un spectacle pour le moins cocasse : toutes les voitures se trouvaient occupées par un nombre maximum de passagers, ce qui augmentait d’autant le contingent de devises autorisées. Souvent, c’était même au grand-père et à la grand-mère que l’on faisait appel.

C’est aussi l’époque où, côté autrichien, l’on vit pousser comme des champignons de grands « shopping centers » à quelques centaines de mètres de la frontière où, bien évidemment, les vendeurs parlaient hongrois. Donc nul besoin de gaspiller inutilement du temps et de l’essence. Des centres de vente aujourd’hui pour la plupart disparus, mais qui, à l’époque, réalisèrent un confortable chiffre d’affaires.

Autre expérience assez significative, vécue cette fois-ci juste après le changement de régime de 1989-90, la multiplication à l’infini des « Kft » : ces petites SARL, le plus souvent familiales. Ayant fait un jour le tour des boîtes au lettres d’un quartier de HLM, j’en vis plusieurs par cage d’escalier. Une mode aujourd’hui retombée. Parallèlement, ce fut la multiplication des « seconds emplois » (déjà reconnus sous le régime précédent). Ce qui me valut une expérience quelque peu douloureuse.

Au loisir de la visite d’une délégation (hommes d’affaires français et allemands membres d’un club francophile d’Allemagne), j’avais rencontré les dirigeants de la filière francophone de l’Université polytechnique de Budapest qui nous avaient reçus, la plus grande université (en nombre) d’Europe centrale. Je ne me souviens plus exactement des personnes rencontrées, mais il devait y avoir, sinon peut-être le recteur lui-même, du moins son assesseur. Peu importe. Toujours est-il qu’un beau samedi matin, je me retrouvai côte à côte avec sa voiture à un feu rouge. Je lui fis alors de grands signes, mais il devint gêné et tourna aussitôt la tête. Lorsque nous redémarrâmes, je m’aperçus qu’il avait pris place dans une voiture d’auto-école et donnait donc des leçons de conduite. Quelle bourde de ma part ! Mais comment aurais-je deviné ? Un universitaire reconnu. Voilà un épisode également assez significatif, je crois, de cette « folle période ».

Témoigner du quotidien de l’autre côté du Rideau de fer

Catégories: PECO

Amin, ancien réfugié afghan, fier d’être hongrois

HU-LALA (Hongrie) - mer, 16/11/2016 - 09:21
La Hongrie n’est pas toujours synonyme de xénophobie et de rejet. Dans ce pays aussi il s’écrit de belles histoires de gens venus d’ailleurs. Telle l’histoire d’Amin, 27 ans, solidement ancré en Hongrie après être arrivé, il y a plusieurs années, via ce qui allait devenir la tristement célèbre « route des Balkans ».

La version originale de cet article écrit par Anna Kertész, a été publiée le 15 octobre 2016 dans le journal Szabad Föld sous le titre «Felnőttnek született» (Né adulte). La traduction en français a été réalisée par Paul Maddens.

Amin Mohammad Rezai (facebook).

Aussi loin qu’il s’en souvienne, il a fallu qu’il travaille et pourtant il aurait aimé étudier. A dix ans, il avait son propre magasin et lisait Dostoïevski. Plus tard, il a pris la route de l’Iran vers l’Europe pour ne plus être une proie. Amin a trouvé une famille et un foyer en Hongrie et il raconte son histoire encore et encore aux participants d’une discussion pour aider ses compagnons d’infortune. Toi, au fond, comment te comporterais-tu s’il fallait que tu fuies ? Que ferais-tu pour survivre au voyage et parvenir dans un endroit sûr ? Jusqu’à quel point il serait important que tu restes un homme pendant tout ce temps ?

Amin prend ta main et te conduit jusqu’au bout des épreuves, pour lui vécues et pour toi imaginées. Il le fait dans le cadre d’une représentation théâtrale interactive : « Menekülj Okosan ! » (Fuie intelligemment) ¹. En évoquant son histoire, il répond aux questions fréquemment posées aux réfugiés : pourquoi quelqu’un quitte sa famille, sa patrie, son continent, pourquoi il accepte autant d’humiliations et de danger quand il part pour l’Europe ? Comment peut-il commencer enfin une vraie vie et – s’il est accueilli – que peut-il donner à ce pays qui représente pour lui une nouvelle patrie ?

Le sac à dos d’Amin Rezai Mohammad porte un ruban tricolore hongrois. Lui-même parle un hongrois choisi et dit que c’est une grande fierté pour lui de pouvoir se sentir appartenir à un peuple qui a tant fait pour l’humanité sur le terrain des sciences et des arts. Il est croyant, mais n’est attaché à aucune religion, sa marraine lui a enseigné qu’il faut vivre sa foi dans ses actes. Il agit comme volontaire dans de nombreuses associations humanitaires, il étudie dans l’ameublement et travaille comme interprète de persan dans un foyer pour enfants. Il n’est pas facile de le rencontrer car tout son temps est occupé par ses activités sociales ou salariées. Il ne le regrette pas, mais il ne se souvient pas ne pas avoir travaillé. Il ne se souvient pas avoir été enfant, ne serait-ce qu’une minute. Sur son jeune visage, on ne trouve pas de traits issus de l’enfance, et c’est à l’âge de sept ans que sa vie d’adulte a commencé.

Amin commence son histoire ainsi : « Je n’ai aucun souvenir du temps où nous vivions en Afghanistan. J’avais trois ans quand les Talibans ont assassiné mon père pour des raisons religieuses et ethniques et notre famille a dû fuir en Iran… » En compagnie de ses sept frères et sœurs et de sa mère, le garçon s’est réfugié dans un petit logement et dès son plus jeune âge a pris sa part du travail, sans avoir personne avec qui jouer. « Je ne pouvais pas descendre dans la rue et les enfants étaient très hostiles à l’égard des Afghans. J’aurais aimé étudier mais en Iran, en tant que sans-papier, je n’avais pas le droit d’aller à l’école. Quand nous avions un peu d’argent j’allais dans une école illégale mais d’une minute à l’autre ils les fermaient et bien que j’avais des bonnes notes, je n’ai jamais eu un quelconque diplôme. »

Parmi ses premiers souvenirs, le plus précieux est celui de son 8e anniversaire, lorsqu’il a reçu un appareil photo en cadeau, le début de sa passion. « Quelques mois plus tard je suis descendu imprudemment dans la rue prendre des photos et je me le suis fait voler immédiatement. Se faire voler quelque chose c’était le quotidien, j’étais comme une proie disponible. N’importe qui pouvait me prendre n’importe quoi. Depuis, je ne suis pas attaché aux objets car je sais que ce que j’ai en main peut disparaître à tout moment ». Le garçon dit cela en souriant et ajoute que c’est peut-être de là que lui vient le goût pour la musique, à commencer par le classique et le jazz. La littérature a aussi procuré beaucoup de plaisir au petit garçon pourchassé, lui qui dévorait Dostoïevski dès ses dix ans.

Une année sur la route

Pendant ce temps, il essayait de tenir sa place, comme apprenti tailleur ou comme aide-métallier auprès de ses grands frères. L’instinct de survie en avait fait un homme à tout faire. Il s’y connaissait en menuiserie, en peinture, en montage de téléphone, en informatique et en commerce. A treize ans, il ouvrait une boutique de téléphonie qui aurait pu bien marcher si elle n’avait été régulièrement pillée. Sa mère est morte peu de temps après d’un cancer du poumon. Il n’a pas supporté plus longtemps. Il aurait aimé retourner s’installer en Afghanistan, mais ses frères aînés estimaient que leur ancienne patrie était un endroit trop dangereux. Par contre ils lui ont donné leur accord pour qu’il parte en Europe. Il restait à convaincre ses grandes sœurs, car il ne serait jamais parti sans leur bénédiction. Il a amassé l’argent nécessaire au voyage pendant plusieurs années. Il avait seize ans quand une opportunité s’est présentée. Il fit la première partie du voyage dans la soute à bagages d’un bus, puis a marché sept jours pour passer la frontière turque et s’est enfui en Grèce en jet ski. C’est là qu’il a perdu ses économies. Il est resté coincé sur l’île grecque de Paros pendant dix mois car il ne voulait pas accepter l’argent de ses frères pour continuer son chemin. Il habitait dans un camp de tentes, essayant chaque jour d’accéder au pont d’un bateau, jusqu’au jour où un tournant miraculeux s’est produit.

« Je crois que nous avons été les premiers à faire la route des Balkans il y a sept ans – dit Amin. Nous avions entendu quelqu’un dire qu’il serait peut-être jouable d’essayer dans cette direction. Nous n’osions pas monter dans une voiture, alors nous avons marché pendant un mois et nous avons traversé les « frontières vertes » sans aucune difficulté (ndlr : les zones frontalières traversées clandestinement). Nous marchions depuis dix jours le long de l’autoroute en Hongrie quand on s’est fait repérer. Comme j’étais mineur, ils m’ont envoyé à Bicske. L’autre gars était plus grand, il a fui plus loin, en Finlande ».

A Bicske (ndlr : un centre ouvert pour réfugiés) il a pu enfin être en sécurité. Jusqu’à aujourd’hui, il garde le contact avec ses éducateurs de là-bas et c’est avec joie qu’il se souvient de sa première année scolaire passée dans le calme. En effet, dans l’école du foyer pour enfants de Bicske, il a été inscrit en 8e année (ndlr : l’équivalent de la 3e en France). Après sa majorité, il a été envoyé à Fót où Antónia Balogh est devenue son éducatrice. Ils se sont pris d’affection l’un pour l’autre, elle le prenait en plus de ses deux jumeaux quand il avait des problèmes et il l’appelait « ma petite marraine ». Depuis, ils vivent ensemble comme une vraie famille et Amin a passé le bac et poursuivi ses études. Aujourd’hui il retourne régulièrement à Fót pour faire l’interprète et veiller à ce que les horreurs qu’il a vécues dans l’institution ne se reproduisent pas. « Je ne peux empêcher quelqu’un de se mettre en danger mais, si je le vois, je l’avertis et l’aide à se protéger ».

Il ne veut pas devenir travailleur social ou éducateur pour autant, car il ne se verrait pas avoir les mains liées par les règlements. Il donne beaucoup plus volontiers son temps et son enthousiasme comme bénévole. Il a choisi de faire carrière dans l’ameublement et la décoration. Un métier dans lequel il pourra valoriser les expériences et les compétences qu’il a acquises dans son enfance et satisfaire son intérêt pour les arts visuels. Avec les années, il est devenu une figure populaire de la capitale hongroise. L’an dernier, au moment de la vague de réfugiés, on l’a souvent vu là où il fallait de l’aide. Depuis il estime nécessaire de faire connaître les motivations des réfugiés aux Hongrois. Selon lui, ces derniers sont beaucoup plus accueillants que ce qu’aimerait les politiciens. Alors qu’il est lui-même confronté à l’incitation à la haine sur les réseaux sociaux et dans les journaux, il reçoit des encouragements et de la reconnaissance dans la rue dès qu’il engage la conversation avec une personne. « Nous sommes allés à un festival, il y avait une représentation de Mentőcsónak (note : « canot de sauvetage ») ². Deux garçons se disant d’extrême-droite sont venus à moi et m’ont dit que leur opinion à propos des réfugiés avait complètement changé. Ils ont pris conscience que chacun des réfugiés est quelqu’un qui a une histoire et une personnalité au même titre que toi, que moi, qu’eux. Autrefois, Kaboul était une ville merveilleuse, Alep également. Là-bas les gens vivaient heureux et les enfants pouvaient être des enfants. Un malheur peut arriver n’importe où, n’importe quand ».

Dans le spectacle « Fuie intelligemment », la Hongrie est devenue un lieu invivable d’où il faut fuir vers le pays imaginaire de Kanaan. « Qui ne prendrait pas la route dans cette situation ? Les participants à la représentation prennent la route comme moi autrefois et comme des centaines de milliers en ce moment ». Ce n’est pas facile pour ce garçon de revivre encore et toujours les horreurs subies, mais c’est sa façon d’apporter son aide aux réfugiés. Amin ne veut pas aller plus loin, il se sent chez lui, avec sa nouvelle famille. Il a aujourd’hui vingt-quatre ans et aspire à ce que sa famille s’agrandisse plus tard avec ses propres enfants. « J’ai promis à „ma petite marraine” que je resterai avec elle jusqu’à la fin de notre vie, que je prendrai soin d’elle. Chez nous ça ne viendrait jamais à l’esprit des enfants de se séparer de leurs parents. J’ai amené cette part de ma culture afghane et j’y tiendrai toujours ».

Notes du traducteur :

1 – Menekülj okosan. Cette pièce de théâtre interactive met en scène quatre familles contraintes de fuir leur village détruit par une guerre civile. Au cours de leur exode elles sont confrontées à des situations exigeant des décisions communes déterminantes pour leur avenir. Amin Rezai Mohammed se joint à eux pour leur apporter de l’aide car il a de l’expérience en la matière. Le but est de confronter le public à des dilemmes humains et juridiques fondamentaux. Une personne du Comité Helsinki hongrois participe en tant que « meneuse de jeu ». Pour plus d’informations, voir le site Juranyihaz (accessible en anglais). Ce programme réunit la troupe Mentőcsónak, le Füge Produkció (une troupe de théâtre indépendante) et le Comité Helsinki hongrois.

2- Mentőcsónak est le nom d’une troupe de théâtre créée en 2014 qui travaille sur des thèmes tels que la grande pauvreté, le racisme, les préjugés, l’émigration…

Catégories: PECO

Le meilleur de la musique de l’Europe de l’Est à Budapest

HU-LALA (Hongrie) - mar, 15/11/2016 - 15:11
BUSH, c’est un nouveau festival qui vient de voir le jour et qui se déroulera de jeudi 16 à samedi 19 novembre dans la capitale de la Hongrie. Des musiciens venus de toute l’Europe centrale et orientale y seront !

En fait, il s’agit d’un « showcase festival », où les professionnels de la scène musicale viennent faire leurs emplettes lors de conférences et de concerts : les programmateurs, les clubs, les maisons de disque….

Mais pour le public, c’est l’occasion de découvrir des groupes triés sur le volet, une sélection des groupes les plus prometteurs de toute la région, de la Baltique aux Balkans.

Les concerts publics seront mercredi, jeudi et vendredi soir dans quatre clubs connus de Budapest : A38, Gozsdu Manó Klub (GMK), Gödör et Kuplung.

Il y aura au total 25 groupes issus de 13 pays ! Côté hongrois, notons les biens connus Volkova Sisters et Fran Palermo. Golan et Otherside feront le voyage depuis la Roumanie, Jimmy Pé de Slovaquie, Mayen et Ghost of you de République tchèque, Koala Voice de Slovénie, etc. Le programme complet.

Le site officiel de BUSH et sa page facebook.

 

Catégories: PECO

La Hongrie soutient l’Iran sur l’accord nucléaire

HU-LALA (Hongrie) - lun, 14/11/2016 - 16:06
La diplomatie hongroise développe depuis longtemps son art du pied de nez. Alors que le Premier ministre Viktor Orbán se félicitait avec enthousiasme de l’accession de Donald Trump à la Maison Blanche, le président du parlement hongrois, László Kövér, s’envolait lui pour une visite diplomatique en Iran.

Parmi les nombreuses incertitudes que suscitent la future présidence américaine, il en est une qui inquiète hautement les diplomates du monde entier : Donald Trump compte-t-il réellement remettre en cause l’accord historique sur le nucléaire iranien signé à l’été 2015? Cela remettrait en cause la normalisation en cours des relations entre Téhéran et les pays occidentaux et pourrait être une source potentielle d’instabilité régionale.

C’est dans ce contexte que le président du parlement hongrois, László Kövér, a effectué une visite diplomatique qui l’a conduite à rencontrer le chef de la diplomatie, Mohammad javad Zarif, ainsi que le Président de la République islamique d’Iran, M. Hassan Rohani.

Outre les questions bilatérales de développement des échanges, comme la coopération universitaire florissante entre les deux pays, la délicate question du nucléaire iranien a été abordée. László Kövér a estimé – en accord avec la diplomatie européenne – que l’accord signé « était dans l’intérêt de tout le monde. La Hongrie est persuadée que rien ne devrait entraver cet accord. La République islamique d’Iran a tenu tous ses engagements et les autres parties devraient en faire de même. »

« L’UE peut nous aider à régler les problèmes de la région. Il faut juste prendre les bonnes initiatives au bon moment, car de nos jours la politique d’indulgence ne répond plus », a pour sa part déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères.

Cette visite fait suite à celle de Viktor Orbán et d’une importante délégation composée d’une centaine de représentants économiques, à Téhéran en décembre 2015. Le parti Jobbik qui entretient des relations étroites avec les autorités iraniennes est à l’initiative depuis plusieurs année dans le renforcement des relations irano-magyares. C’est son député Márton Gyöngyösi qui a conduit la délégation. Tiszavasavári, la « capitale du Jobbik », est même jumelée à la ville iranienne Ardabil.

En fait, les véritables secousses ne sont pas venues d’Iran, mais de Nouvelle-Zélande où le président hongrois, János Áder, était de son côté en visite diplomatique. Aucune personne de la délégation hongroise n’a été blessée par le tremblement de terre qui a frappé l’île.

Sources : parstoday.com, kormany.hu

Catégories: PECO

Déménagement à Budapest

HU-LALA (Hongrie) - lun, 14/11/2016 - 08:21
Trois mois après notre premier séjour en Hongrie, vint le grand jour du déménagement. Il n’avait pas été simple de trouver un prestataire acceptant la mission de transporter les effets d’une famille de 4 personnes dans un pays de l’Est.

Une fois la perle rare dénichée, il fallut remplir des tonnes de documents décrivant dans le moindre détail le contenu du camion. Ce dernier fut plombé au départ d’Allemagne et il était prévu que la douane hongroise lève les scellés à l’arrivée à Budapest et vérifie chaque pièce mentionnée sur la liste. Telle était la règle mais c’était sans compter avec la bureaucratie communiste.

J’étais parti seul en voiture quelques jours avant l’arrivée du camion pour le réceptionner à Budapest. Ce fut le premier voyage d’une longue série. L’autoroute s’arrêtait à la hauteur de Bruck an der Leitha, 50 kms après Vienne et ne reprenait qu’à Győr. Il me fallut ce jour-là pas moins de 5 heures entre Bruck et Budapest: le passage à la frontière se déroula paradoxalement sans trop d’encombres, avec toutefois les contrôles habituels à l’aide de grands miroirs qui étaient glissés sous la voiture. Ce qui fut plus laborieux c’était la traversée des villages qui se succédaient entre Hegyeshalom et Győr. Les bas-côtés de la route étaient en effet couverts d’échoppes qui vendaient des produits locaux, en particulier ces énormes bocaux dans lesquels cuisaient au soleil de cette fin du mois d’août de gros cornichons et autres paprikas.

Le camion de déménagement arriva en avance le vendredi matin. Il fallut alors aller à la recherche du douanier qui devait autoriser l’ouverture des scellés. La maison d’Adonisz utca avait toutes les qualités sauf une: elle n’avait pas le téléphone. Les portables n’existaient naturellement pas encore et il fallait donc courir en permanence à la cabine la plus proche ( ou à la suivante quand la première était défectueuse ) où muni de menue monnaie, on tentait de joindre son correspondant. Appeler quelqu’un de Budapest à Budapest pouvait ainsi relever de l’épopée. Ce fut le cas ce jour-là et finalement ce n’est que vers 15h30 que le douanier tant attendu se présenta. Il parlait heureusement quelques mots d’allemand et on comprit très vite qu’il aurait préféré en ce vendredi aprés-midi ensoleillé être au bord du Balaton ou du Velencei tó que de devoir travailler. Son visage blêmit quand il constata que le camion était plein et que de surcroît, il contenait des antiquités. Il me fut donné alors de vivre pour la première fois en Hongrie une scène digne de Kafka. Le douanier fit décharger en premier un fauteuil Voltaire dans lequel il prit place. Puis il demanda que les déménageurs lui présentent une à une les pièces de meubles ou tableaux anciens sur lesquelles il appliqua scrupuleusement le tampon officiel de la République populaire de Hongrie.

Il me suffit 28 ans plus tard de retourner une chaise ou de regarder au dos d’un tiroir pour retrouver le tampon avec le marteau et la faucille qui scellait ainsi définitivement notre installation en Hongrie.

Témoigner du quotidien de l’autre côté du Rideau de fer

Catégories: PECO

Trump président : les ultraconservateurs polonais entre satisfaction et incertitude

HU-LALA (Hongrie) - ven, 11/11/2016 - 14:46
L’élection présidentielle américaine a été suivie de très près en Pologne, pays dont la position atlantiste est notoire. Si la victoire de Donald Trump semble ravir les ultraconservateurs au pouvoir, elle soulève de nombreuses inquiétudes concernant la Russie et les politiques de défense. Petit tour des réactions suscitées, de Jarosław Kaczyński à Lech Wałęsa.

La presse internationale n’a pu s’empêcher de faire le rapprochement entre l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis et l’arrivée au pouvoir il y a un an en Pologne du parti ultraconservateur Droit et Justice (PiS) –  deux exemples de la “vague populiste” qui déferle sur le monde occidental. Incontestablement, le chef du parti, Jarosław Kaczyński, partage des points communs avec le président-élu Donald Trump : tous deux ont fait campagne sur le rejet des migrants, critiquent vertement les médias et les élites et veulent instaurer des mesures protectionnistes.

Witold Waszczykowski, le ministre polonais des Affaires étrangères, s’est déclaré « plein d’espoir » : « Une grande partie des Américains a choisi le retour aux valeurs et à la tradition. (…) La voie de la permissivité est inacceptable pour un bon nombre d’Américains. Dans un monde globalisé, au moment où les Américains et les Européens moyens doivent prendre des décisions concernant leur vie, ils recherchent des leaders qui peuvent les y aider. ». Il estime qu’il s’agit là d’un avertissement pour l’Union européenne, dont « les politiques ont besoin d’une sérieuse correction ».

L’ancien président et dissident Lech Wałęsa, pourtant très critique à l’égard du PiS, s’est félicité sur Facebook d’avoir inspiré Donald Trump, qui lui aurait envoyé ses « salutations cordiales » : « Je suis heureux qu’il se souvienne de notre conversation en 2010 dans son club en Floride. Apparemment, il a pensé : “Si en Pologne un travailleur a renversé le communisme puis est devenu président, alors pourquoi un millionnaire ne pourrait pas être président de l’Amérique capitaliste ?Comme vous pouvez le voir, mon histoire a été pour lui une source d’inspiration pour agir. Comme vous le savez, je soutiens toujours des changements, aussi longtemps qu’ils mènent à bien ! (…) J’espère que nous allons bientôt nous rencontrer et parler sérieusement. »

Malgré ces messages de félicitations, l’élection de Donald Trump inquiète une partie des Polonais. Son « respect » pour Vladimir Poutine – le président russe lui rend bien, le qualifiant d’homme « remarquable » – est un premier point de désaccord, alors que les relations entre Varsovie et Moscou sont très tendues. Il y a moins de deux semaines, le gouvernement s’est alarmé du déploiement en mer Baltique de deux navires russes « capables de transporter des armes nucléaires », qualifié de « comportement agressif et irresponsable ».

Ces tensions ont conduit l’Otan à accepter de déployer, début 2017, 4 bataillons dans les États baltes et en Pologne. Les soldats stationnés en Pologne seront sous commandement américain. Une victoire pour les Polonais, obtenue en juillet lors du sommet de l’Organisation, à Varsovie. Les déclarations du candidat Donald Trump au sujet de l’interventionnisme américain, au même moment, avaient inquiété les Polonais : il avait assuré qu’en cas d’attaque des membres de l’Otan, il vérifierait avant d’impliquer les États-Unis qu’ils « ont bien respecté leurs obligations à leur égard ».

Donald Tusk, le président du Conseil Européen et ancien Premier ministre polonais, a choisi l’optimisme en estimant que Washington n’avait « tout simplement pas d’autre option » que d’intervenir en Europe : « Je ne crois pas qu’un pays aujourd’hui puisse prétendre à être grand en restant isolé ».

Andrzej Duda, le président polonais, a donc très vite rappelé, dès le résultat de l’élection connu,  que « pendant le sommet de l’Otan tenu cette année à Varsovie, les États-Unis ont décidé de renforcer leur présence militaire en Pologne, renforçant ainsi le flanc oriental de l’Alliance ». Et de conclure : « Nous espérons sincèrement que votre leadership ouvrira de nouvelles opportunités pour notre coopération fondée sur un engagement mutuel ».

Photo d’illustration : un exercice de l’US Army dans le cadre de l’OTAN, cette année en Europe orientale (Markus Rauchenberger / creative commons)

Catégories: PECO

«Donald Trump sait au moins où se trouve la République tchèque»

HU-LALA (Hongrie) - ven, 11/11/2016 - 14:09
« Une énorme surprise »« Donald Trump a choqué l’Amérique et le monde », « C’est un appel au changement et le rejet des élites qui l’ont remporté » : tels étaient quelques-uns des titres que l’on trouvait mercredi matin dans les médias tchèques suite à l’élection de Donald Trump 45e président des Etats-Unis. La République tchèque partage la surprise générale, ainsi que l’inquiétude de l’Europe vis-à-vis de ce nouveau chef d’Etat américain que beaucoup considèrent comme imprévisible. Article publié le 9 novembre 2016 dans Radio Prague

« Nous croiserons les doigts pour Hillary Clinton qui promet plus de stabilité, de coopération et de bonnes manières. Mais si Trump est élu, notre univers démocratique ne s’écroulera pas non plus », pouvait-on lire dans l’hebdomadaire Respekt à la veille de cette élection présidentielle ô combien tendue et dramatique.

Après l’annonce du résultat du scrutin, les dirigeants tchèques ont adopté cette même attitude pragmatique. Le Premier ministre a déclaré que le gouvernement respectait le choix des électeurs américains qui ont opté, de manière démocratique, pour le changement. « A la différence de certains de ces prédécesseurs, Donald Trump sait au moins où se trouve la République tchèque », a également remarqué Bohuslav Sobotka, en faisant allusion au premier mariage du nouveau président américain avec la Tchèque Ivana, mère de trois de ses cinq enfants. Le ministre de l’Intérieur Milan Chovanec, quant à lui, espère même une visite de Donald Trump en République tchèque.

« Les Etats-Unis ont besoin d’une Europe forte et le résultat de l’élection présidentielle n’y changera rien », estime l’ambassadeur des Etats-Unis en République tchèque. Andrew Schapiro assure que la victoire du candidat républicain ne devrait pas influencer les relations tchéco-américaines. Tout comme le Premier ministre, le chef de la diplomatie tchèque, Lubomír Zaorálek espère lui aussi la poursuite de la coopération entre les deux pays, notamment en matière de lutte contre le terrorisme. Si, pendant sa campagne électorale, le magnat new-yorkais a inquiété les alliés des Etats-Unis en étiquetant l’OTAN d’institution obsolète, voire inutile, Lubomír Zaorálek pense que la réalité post-élections sera différente de cette rhétorique : « Les propos tenus pendant les campagnes électorales ont leur sens propre et s’adressent plutôt aux citoyens du pays en question. L’élection de Donald Trump marque le début d’une nouvelle étape, aussi dans le domaine du partenariat atlantique. Mais pour l’instant, nous ne savons pas quel sera son contenu. Nous ne savons pas non plus de quelle manière Donald Trump changera les accords commerciaux entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada. En ce qui concerne l’accord de libre-échange avec l’Union européenne (UE), je suis assez sceptique, son avenir est incertain. »

En effet, Donald Trump est un franc détracteur du partenariat transatlantique (TTIP). Nous écoutons l’euro-commissaire tchèque Věra Jourová : « Ce n’est pas seulement l’avenir de l’accord de libre-échange TTIP qui m’inquiète. J’ai mené avec les Etats-Unis des négociations extrêmement difficiles qui ont abouti récemment à la signature d’un accord sur la protection des données des ressortissants de l’UE aux Etats-Unis. L’avenir de ce projet me tient beaucoup à cœur. Pour ce qui est de l’accord commercial avec l’UE, il reste un sujet controversé dans plusieurs pays européens également. Je m’attends à ce que le président Trump exprime ses réserves vis-à-vis de ce partenariat transatlantique, à la différence de l’administration du président Obama. »

Un doute plane aussi autour de l’évolution des relations russo-américaines qui pourraient connaître un renouveau après l’accession de Donald Trump à la Maison blanche. « Donald Trump s’exprime en des termes très positifs sur le président Vladimir Poutine. Visiblement, il entend renforcer la coopération avec Moscou, ce qui pourrait affaiblir toute la structure de l’OTAN. En tout cas, c’est assez déstabilisant », estime Petr Boháček, analyste à l’Association pour les questions internationales.

Si l’élection du milliardaire Donald Trump suscite donc l’enthousiasme du Kremlin, elle a également réjoui le chef de l’Etat tchèque Miloš Zeman et son entourage. « Les élections américaines ont prouvé qu’il était possible de vaincre les médias et les pseudo-élites », a déclaré son porte-parole Jiří Ovčáček, en espérant que la même chose se reproduise en République tchèque lors de la prochaine élection présidentielle en 2018.

Scoop : Trump a gagné grâce au soutien du président tchèque !

Catégories: PECO

Mariage à la hongroise

HU-LALA (Hongrie) - ven, 11/11/2016 - 13:43
Le fait qu’un ressortissant français épouse une Hongroise n’a rien d’original. Sauf quand ce mariage se déroule dans la Hongrie de la fin des années soixante (1969).

Car, à l’époque, les jeunes fiancées avaient à effectuer un véritable parcours du combattant avant de se voir délivrer l’autorisation de quitter le pays. De sorte que, ayant prévu de nous marier religieusement en août (dans le magnifique cadre de la basilique Saint-Étienne), nous fixâmes la date du mariage civil quatre mois plus tôt, c’est-à-dire en avril. Il fallait, en effet, être officiellement marié(e) avant de pouvoir entamer les formalités de sortie. Je passe le détail des épreuves administratives par lesquelles dut passer ma fiancée. Mais on en imaginera aisément le charme.

Un mariage civil qui, par contre, se déroula dans la meilleure ambiance avec, dans le rôle du maire, une femme absolument charmante qui nous tint, non le sermon que je redoutais, mais un laïus empreint d’humour et de bienveillance. Merci à elle ! Mariage où je n’ai donc pas eu à prononcer le «oui» rituel, mais le igen hongrois, soit dit en passant sans interprète.

M’étant rendu quelques jours plus tôt à notre ambassade pour signaler mon intention et me renseigner sur les formalités, je m’étais fait littéralement jeter avec cette réponse laconique: «Vous n’avez rien à faire !» Repartant tête basse, un peu vexé et surtout inquiet. Or, effectivement, il n’y avait «rien à faire», comme l’avait lancé, mais sans plus d’explication, notre charmante cerbère. A peine deux semaines après le mariage civil, mon épouse m’écrivit avoir effectivement reçu de l’ambassade un passeport français accompagné d’une pièce attestant sa nationalité française. Alors qu’elle n’avait jamais mis les pieds en France et ne parlait alors pas un mot de notre langue. Les autorités hongroises avaient transmis le dossier à notre chancellerie où l’enregistrement s’était effectué de façon automatique[1].

Pour en revenir aux formalités côté hongrois, j’en garde le souvenir d’un épisode assez désagréable. Accompagnant mon épouse «civile» au KÉOK[2] pour un entretien, celle-ci se fit dire par la fonctionnaire : «Ma petite, pourquoi vas-tu en France? C’est tellement mieux chez nous !». Là-dessus, je ne fis qu’un bond pour protester vigoureusement. «Asszonyom ! Kikérem magam ! Ilyet ne tessék mondani !» (Bref «Arrêtez vos âneries !», certes plus poliment, mais sèchement formulé). Elle aurait pu me jeter dehors, mais un peu interloquée, elle ne réagit point. Par la suite, des amis, à qui je relatai l’incident, m’en expliquèrent la raison: les policiers, douaniers et militaires n’avaient en principe, me dirent-ils, pas le droit de quitter le pays et étaient donc jaloux… ce que je peux comprendre.

Le pire se déroula le lendemain de notre mariage, lorsque nous parvînmes à la frontière. Mon épouse n’avait le droit de ne sortir ses effets personnels que dans une quantité limitée, accompagnés d’un inventaire visé par le ministère de l’Intérieur. Était limité non seulement le nombre de livres autorisés, mais également celui des vêtements et sous-vêtements (détail que l’on me pardonnera de citer, mais que je n’invente pas) ! Parvenus le soir au poste de Letenye, nous nous vîmes repoussés avec ce motif. «Revenez demain, il ne fait pas assez clair». Alors que le poste était admirablement éclairé par de grands néons. Furieux, nous fîmes donc demi tour pour chercher un hébergement dans la ville voisine (Nagykanizsa, 25 km). Ce qui nous obligea du même coup à changer des dollars, notre stock de forints – non reconvertibles – ayant été volontairement épuisé. Le lendemain, donc, après qu’une douanière eût longuement fouillé mon épouse et son bagage, nous pûmes enfin passer dans le «monde libre», en l’occurrence… la Yougoslavie.

Témoigner du quotidien de l’autre côté du Rideau de fer

  • [1] Rencontré en 1974 à Matignon à l’occasion d’une cérémonie familiale, Jacques Chirac nous avoua lui-même ignorer cette facilité accordée à l’époque (attribution automatique de la nationalité par mariage). Un Jaqcues Chirac qui nous déclara avoir exigé et obtenu de Ceaușescu le départ pour la France de Hongrois de Transylvanie. Propos qui nous fut confirmé par la suite par le témoignage d’un ami qui en bénéficia.
  • [2] KÉOK: Service du ministère de l’Intérieur, je crois, dont j’ai oublié le libellé, situé à l’époque avenue de la République populaire (Népköztársaság útja), aujourd’hui avenue Andrássy.
La photographie, issue de la base Fortepan, n’a aucun lien avec l’auteur du post.
Catégories: PECO

L’élection de Trump, a fucking good news pour Viktor Orbán !

HU-LALA (Hongrie) - jeu, 10/11/2016 - 19:46
Le Fidesz avait tout intérêt à ce que la candidate démocrate Hillary Clinton n’accède pas à la présidence. Le Premier ministre hongrois a donc reçu la nouvelle de la victoire de Donald Trump mercredi matin avec enthousiasme. Il y voit une défaite du « politiquement correct » et une chance de « revenir à la réalité ». Ce résultat de l’élection présidentielle américaine ne peut que renforcer la conviction de M. Orbán qu’il est dans le sens de l’histoire.

Viktor Orbán et son entourage ont dû pousser un « ouf ! » de soulagement avec la victoire de Donald Trump. « Quelle superbe nouvelle. La démocratie est encore vivante.« , a promptement réagit le Premier ministre, sur sa page facebook dès l’annonce des résultats. Même si il n’avait pas formellement soutenu le candidat Trump, il souhaitait sa victoire et l’avait clairement affirmé. Au soir de la victoire de M. Trump et alors qu’il se trouvait à Londres où il venait de rencontrer Theresa May, Viktor Orbán a déclaré à la télévision publique hongroise :

« Le monde est toujours sorti grandit à chaque fois qu’il a réussi à se libérer de la captivité de l’idéologie et des tendances idéologiques dominantes, et à revenir à la réalité. À mon avis, c’est ce qui s’est produit aux États-Unis. Cela donne également au reste du monde occidental l’opportunité de se libérer de la captivité des idéologies, du politiquement correct et des modes de pensée et d’expression qui sont éloignés de la réalité : la chance de revenir sur terre. Nous devons regarder le monde tel qu’il est en réalité, nous devons regarder les gens tels qu’ils sont réellement, nous devons accepter leur approche et leur façon de penser, et nous devons les servir avec nos politiques. »

Le gouvernement hongrois a de nombreuses raisons objectives pour se féliciter de l’accession de Donald Trump à la présidence. Outre le rejet du politiquement correct et des élites, les deux dirigeants partagent une certaine admiration pour la poigne de Vladimir Poutine et la volonté d’entretenir de bonnes relations avec la Russie. L’isolationnisme de M. Trump est également très bien perçu à Budapest, qui a maintes fois dénoncé la politique interventionniste américaine de « regime change » et de « democracy building », qualifiée de « folie » par le président du parlement László Kövér. Le désintérêt du candidat soutenu par le parti Républicain pour les questions liées aux libertés individuelles et à l’État de droit permettent d’entrevoir des relations plus apaisées entre Budapest et Washington. Enfin, la volonté de Donald Trump, affichée lors de sa campagne, de mettre l’Otan au service de la lutte contre l’immigration et la protection des frontières rencontre l’approbation de Budapest.

Plusieurs années de relations tendues avec les Démocrates

La relation entre les conservateurs à Budapest et l’administration démocrate à Washington était exécrable depuis plusieurs années. Les relations entre les deux pays se sont cristallisées il y a deux, à l’automne 2014, lorsque « l’affaire de la NAV » a éclaté, la directrice du Fisc hongrois étant accusée de corruption par les États-Unis. Puis la contestation dans la rue d’un projet de taxe sur l’internet avait un peu déstabilisé le gouvernement qui y avait vu la main des Américains et celle d’un axe Clinton- Soros. La présence du chargé d’Affaires de l’ambassade des États-Unis dans les cortèges avait exaspéré le gouvernement hongrois.

George Soros, le milliardaire américain qui veut la peau de Viktor Orbán

Au mois de septembre 2014, lors de la conférence annuelle de la Fondation de l’ancien président Bill Clinton, le président Barack Obama avait taclé Viktor Orbán et ses attaques contre la « société civile ». L’administration Obama avait aussi durement critiqué la loi sur les églises. Le même Bill Clinton attaquait le Premier ministre hongrois au printemps dernier lors d’un meeting de campagne en faveur de son épouse, estimant que les prises de position répétées de Viktor Orbán en faveur d’un modèle démocratique « illibéral » signifiaient le glissement de la Hongrie vers un régime autoritaire à l’instar de la Russie.

Mais rappelons aussi que même chez les Républicains, le gouvernement hongrois ne fait pas l’unanimité et c’est même de ce côté qu’était venu la critique la plus grave : à l’hiver 2015, John McCain avait en effet qualifié Viktor Orban de « dictateur néo-fasciste ».

Catégories: PECO

Pages