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Robert Fico veut sonner le glas du « politiquement correct »

HU-LALA (Hongrie) - lun, 12/12/2016 - 16:02
Le premier ministre slovaque Robert Fico a tenu un discours qui le place, une nouvelle fois, bien loin des radars de la sociale-démocratie à laquelle il est censé appartenir. Sans challenger, il a été réélu sans difficulté à la tête de son parti, samedi à Nitra, rapporte The slovak spectator.

Samedi 10 décembre, le Smer-SD tenait son congrès de fin d’année à Nitra, une ville 80 000 habitants située dans le centre-ouest de la Slovaquie, une cinquantaine de kilomètres à l’est de la capitale Bratislava. Le Smer-Sociálna Demokracia (pour « Direction Social-démocratie ») qui a été fondé en 1999 par Robert Fico lui-même est membre de l’Internationale socialiste et du Parti socialiste européen (PSE). Ce que ne laisse pas supposer la rhétorique de son leader, souvent qualifié d’ « Orbán slovaque ».

Comme lors du congrès au début du mois de mars, dans le discours de cinquante minutes de Fico, il a été question de l’accueil des réfugiés relocalisés en Slovaquie selon des quotas élaborés par la Commission européenne. Robert Fico a dénoncé les « sujets abstraits concernant les droits humains » et estimé que la priorité pour son parti était de « prendre soin de ses électeurs » avant de répondre aux exigences imposées de l’extérieur. Selon le patron du Smer, il est temps de « mettre fin au politique correct » et de « nommer les choses par leur nom ».

Sur la question de l’intégration des Roms, M. Fico s’est opposé à l’Ombudsman Jana Dubovcová et déclaré « Assez avec la tolérance ». Deux semaines après avoir traité des journalistes de « sales putes anti-slovaques », il a maintenu sa ligne en considérant que « les médias ne sont pas corrects avec nous ». Sur les questions sociales, le Smer s’est fixé pour objectif d’augmenter le salaire minimum à 500 euros, à l’horizon 2019.

Quelques manifestants s’étaient retrouvés dans le froid devant le bâtiment où se tenait le congrès pour réclamer la démission du ministre de l’Intérieur Robert Kalinak, englué dans l’affaire Bašternák qui secoue le pays depuis des mois. En vain, puisque celui-ci a été reconduit à son poste de vice-président du parti avec l’appui de 318 des 417 délégués.

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Les Hongrois de Roumanie se maintiennent au parlement à Bucarest

HU-LALA (Hongrie) - dim, 11/12/2016 - 22:59
Malgré les affaires de corruption qui concernent certains de ses cadres, l’Union démocrate magyare de Roumanie a réussi à mobiliser ses électeurs dimanche, lors des élections législatives roumaines marquées par la victoire des sociaux-démocrates du PSD.

Kelemen Hunor aurait pu manger son inimitable chapeau ce dimanche soir. Mais en obtenant plus de 6 % des voix (résultat non-définitif, selon les sondages de sorties des urnes, AFP), le président du principal parti des Hongrois de Roumanie, l’UDMR/RMDSz (Union démocrate magyare de Roumanie) a finalement réussi à se maintenir au-dessus du seuil fatidique de 5 % pour être représenté au parlement national roumain à Bucarest. « Nous avons pu sortir de la spirale négative dans laquelle nous étions entrés lors des dernières élections. Notre score reflète bien notre poids démographique », a-t-il déclaré (Index).

Effectivement, environ 6,5 % de la population de la Roumanie a déclaré être de nationalité/ethnicité hongroise lors du dernier recensement de population, en 2011. Kelemen Hunor s’est aussi félicité sur sa page facebook : « Aujourd’hui nous a montré la force de notre communauté. Aujourd’hui, nous avons démontré que si nous travaillons ensemble, nous pouvons réussir ». C’était pourtant loin d’être gagné et les sondages ont longtemps indiqué que l’UDMR/RMDSz en coalition avec le PCM/MPP (Parti civique magyar), n’était pas assurée de pouvoir se maintenir au parlement à Bucarest, miné par des affaires de corruption que le Fidesz avait considéré être des « attaques contre les Hongrois ».

Des bisbilles entre Bucarest et Budapest

C’est un grand classique des élections dans les pays voisins de la Hongrie : que ce soit en Slovaquie, en Serbie ou en Roumanie, la musique est toujours la même et chacun joue sa partition sans fausse note : Budapest se pose en rassembleuse de la nation éparpillée par le démembrement du Royaume de Hongrie en 1920 et en protectrice des minorités hongroises maltraitées, tandis que Bratislava, Belgrade ou Bucarest agite la menace du séparatisme hongrois.

Cette fois, c’est le Ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, qui a lancé les hostilités, une semaine avant le scrutin en Roumanie. Comment ? En interdisant à ses diplomates de prendre part aux célébrations de la fête nationale roumaine organisées par l’Ambassade de Roumanie à Budapest, déclarant que « les Hongrois n’ont aucune raison de célébrer le 1er décembre ». Un geste très peu diplomatique et destiné à susciter l’ire de Bucarest et, in fine, à mobiliser le million et demi de Hongrois vivant en Roumanie autour de ses cadres traditionnels. Même s’il est toutefois indéniable que la fête nationale roumaine célébrant la constitution de la Grande Roumanie au sortir de la Première Guerre mondiale a une signification très douloureuse pour la Hongrie : la perte de la Transylvanie.

« Nous estimons que les Hongrois qui vivent ici ne reçoivent pas toujours le respect qu’ils méritent »

En déplacement pour soutenir les représentants des Hongrois de Roumanie, jeudi à Satu Mare (Szatmárnémeti), une ville du nord-ouest de la Roumanie adossée à la frontière hongroise, le Premier ministre Viktor Orbán ne s’est pas privé d’une nouvelle pique à l’adresse de Bucarest : « Nous estimons que les Hongrois qui vivent ici ne reçoivent pas toujours le respect qu’ils méritent ». Celui-ci est aussi intervenu vendredi sur la chaîne des Sicules EMT (Erdélyi Magyar Televízió) en les enjoignant de participer à ce scrutin qui mettait en jeu, selon lui, « la survie des Hongrois en Transylvanie ».

Une fois n’est pas coutume, les autorités roumaines ont su éviter le piège de la surenchère. Les rares réactions en provenance de Bucarest ont été très mesurées. A l’exception de celle de l’ancien président, Traian Băsescu, qui entretenait pourtant de bonnes relations avec Viktor Orbán, mais qui est aujourd’hui en quête d’un siège au Sénat. Ce dernier a réclamé l’expulsion de l’Ambassadeur hongrois de Roumanie et a vulgairement menacé : « Viktor Orbán, mon ami, nous ne voulons pas venir visiter Budapest comme nous l’avons fait il y a 100 ans, sans le vouloir. Toutefois, arrête de nous provoquer, parce que nous avons, nous aussi, nos limites. […] Nous n’avons aucun complexe d’infériorité vis-à-vis des Hongrois » (agence Mediafax). Une allusion à l’occupation d’une partie de la Hongrie par l’armée roumaine en 1919.

Le Fidesz, a fait adopter une nouvelle Constitution en 2012 qui stipule que : « Gardant à l’esprit qu’il y a une seule nation hongroise, la Hongrie est responsable du sort des Hongrois vivant au-delà de ses frontières, doit faciliter la survie et le développement de leurs communautés, soutenir leurs efforts pour préserver leur identité hongroise, l’utilisation effective de leurs droits individuels et collectifs, l’établissement de leurs collectivités autonomes et leur prospérité dans leur pays d’origine. » Budapest a par ailleurs octroyé la citoyenneté hongroise à quelques huit cent dix mille Hongrois des pays voisins ces six dernières années.

Photo issue de la page facebook de Kelemen Hunor, président de l’UDMR/RMDSz.

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À la rencontre des volontaires à la frontière serbo-hongroise

HU-LALA (Hongrie) - sam, 10/12/2016 - 10:10
Passant très souvent au second plan lors de la couverture de la crise par les médias, les bénévoles sont pourtant une partie intégrante de l’aide aux réfugiés. Alors que la route des Balkans est désormais – officiellement – fermée, nous sommes allés à la rencontre des volontaires de l’ONG North Star à Kelebija, à la frontière entre la Serbie et la Hongrie. Article publié le 2 novembre 2016 dans Hajde

Kelebija, tout le monde descend. Mon bus est arrivé à son terminus, à quelques mètres de la frontière avec la Hongrie. L’autocar, jusque là bondé, se vide. Des femmes, des enfants, des hommes, emmitouflés, descendent puis se dirigent vers le camp de fortune dressé un peu plus loin, dans le No Man’s Land entre les deux pays, avec l’espoir de traverser la frontière.

Kelebija, dernier arrêt avant la frontière Serbo-Hongroise © Jérôme Cid

Je m’écarte du groupe, pour me rendre dans la cour de l’une des dernières maisons avant la frontière. Des enfants courent et s’amusent, des adultes discutent en buvant le thé devant une caravane, alors que d’autres s’abritent sous une tente, se protégeant de quelques gouttes de pluie.

Bienvenue au Community Center

Un homme sort de la caravane et me souhaite le bonjour. Il s’agit de Syd, coordinateur du community center de Kelebija géré par North Star, l’une des quelques ONG présentes dans la zone.

Syd me présentant la future tente de Médecins sans frontières © Jérôme Cid

Nous faisons ensemble le tour du centre. Tout a commencé par cette caravane, à laquelle rapidement s’est rajoutée un premier chapiteau, puis une douche. Une nouvelle tente est quasiment prête, elle servira à Médecins sans Frontières. « Le centre prend forme progressivement », me lance Syd, enthousiaste.

Au-delà de l’aide humanitaire, m’explique-t-il, le but du community center est de rendre les réfugiés actifs. Ils y ont la possibilité de cuisiner, de jouer, de discuter, bref, de vivre une vie la plus normale possible, malgré la situation critique.

L’arrivée de Diana au Community Center © Jérôme Cid

Syd s’interrompt, une volontaire vient d’arriver de Suisse. Diana sera là pour quelques jours, l’occasion d’apprendre aux réfugiés des rudiments d’allemand. Alors que Syd lui présente le centre, j’en profite pour entamer la conversation avec Khalid, le troisième volontaire ce jour-là, qui me décrit la vie dans le No Man’s Land, bien plus dure que l’impression paisible qui ressort du community center.

Syd et Diana rejoignent finalement Khalid, l’occasion d’aborder avec eux la question de leurs motivations.

Syd Syd dans la salle de vie du Community Center © Jérôme Cid

« Je viens à l’origine du Michigan, ou j’ai étudié l’arabe. Mon premier contact avec la crise des réfugiés s’est passée il y a un an, alors que j’avais passé six mois en Jordanie en échange universitaire. Le semestre fini, je suis allé rejoindre des amis à Lesbos, qui s’étaient portés bénévoles dans l’un des camps de réfugiés de l’île. Ce voyage, qui devait initialement durer une semaine, a finalement duré plusieurs mois, d’abord sur les îles grecques, puis dans d’autres camps en Grèce, jusqu’à Idomeni. Je suis ensuite rentré aux Etats-Unis où j’ai monté ma propre ONG, ce qui m’a permis de lever des fonds pour revenir aider sur le terrain ici, à Kelebija.

Pour résumer, le travail que je fais ici est très enrichissant malgré la difficulté de la situation. En tant que traducteur anglais-arabe, je discute beaucoup avec les réfugiés, les récits de guerre qu’ils me racontent sont souvent très durs à entendre. Je me sens cependant utile pour les liens que je tisse avec les réfugiés, et les équipes de volontaires sont incroyables. »

Diana Diana préparant son premier cours d’allemand © Jérôme Cid

« Venant de Suisse, j’ai commencé à me poser des questions sur la perception de l’islam et des musulmans dans mon pays lors du référendum sur l’interdiction des minarets en 2009 et dans les années qui ont suivi. L’aggravation de la crise des réfugiés a été en quelque sorte le second déclic. Je me suis d’abord portée volontaire à la frontière serbo-croate, à Bapska, puis à la frontière Serbo-Macédonienne, à Preševo, où je suis finalement restée plus de deux mois, avant de me rendre sur d’autres points de la crise, comme Idomeni. Pour résumer, j’essaye de me rendre là où je peux être utile.

En allant sur le terrain, j’espère aider les gens, les faire sourire, les écouter. Malgré la situation critique, j’ai été impressionnée par l’aide et la générosité dont font preuve les populations des Balkans. Cela me donne de l’espoir. Si nous coopérons, quelque chose de « magique » se produit. »

Khalid Khalid me présentant la réserve de jouets du community center © Jérôme Cid

« Mon histoire est un peu plus compliquée, je suis marocain et je travaillais jusqu’à peu comme ingénieur en Corée du Sud. Lors d’un voyage en Europe, alors que je comptais voyager de Turquie jusqu’en Italie via la Grèce, mes papiers ont été volés à Thessalonique. Ne sachant que faire, j’ai suivi les rumeurs qui me conseillaient d’emprunter la route des Balkans pour me rendre jusqu’en Autriche. Je me suis finalement retrouvé bloqué en Serbie. En attendant de trouver une solution, je me porte bénévole ici, en tant que traducteur anglais-arabe.

Les gens ici ont besoin de trouver quelqu’un qui parle leur langue, et c’est là que j’entre en jeu. Le temps passant, j’ai l’impression de faire partie d’une grande famille, entre les réfugiés et les volontaires.

Je suis à une période charnière de ma vie. Je crois en la destinée. Dieu m’a amené ici pour une raison. J’espère que la frontière finira par s’ouvrir, et que Dieu m’apportera son pardon pour mes péchés. » De l’aide, mais pour combien de temps ?

Alors que je me prépare à repartir, Diana réalise que nous nous étions déjà rencontrés il y a près d’un an, alors que je couvrais la crise des réfugiés à Preševo. Le monde est petit, et encore plus celui des volontaires multiculturel comme me l’avait déjà dit Kelsey, la co-fondatrice de North Star, lorsque j’avais commencé à travailler sur ce reportage : « difficile de dresser un portrait-type du volontaire », m’avait-elle confié « Les origines et les centres d’intérêts des bénévoles sont très différents, mais tous se retrouvent dans une sorte de relation symbiotique ».

Khalid me montrant des photos de la situation dans le No Man’s land © Jérôme Cid

Une note d’espoir, alors que la situation est très loin d’être rose. Quelques jours après ma visite à Kelebija, Khalid me fit parvenir de nouvelles photos du camp, des personnes aux mains et pieds gelés, forcés de marcher en tongs dans la boue, brûlant des couvertures pour se réchauffer.

Des images dures, qui ne sont pas près de s’arrêter. Plus d’un an après la construction d’un mur par le gouvernement hongrois sur ses frontières avec la Serbie et la Croatie, les réfugiés se pressent toujours aux portes de l’Europe. Si l’aide s’organise, elle est aussi rendue de plus en plus compliquée par les gouvernements locaux. En Hongrie par exemple, différentes lois sont passées criminalisant l’aide indépendante aux réfugiés. En Serbie, la ville de Belgrade a fait fermer la semaine dernière un stand de distribution de nourriture situé dans un parc de la ville.

L’étoile du nord continue donc de briller, mais pour combien de temps ?

À propos de North Star

Créée en 2015 dans le but de porter assistance aux réfugiés transitant par la Serbie, l’ONG s’est orientée assez rapidement vers la promotion du volontariat en Serbie au niveau administratif et financier. Au-delà du community center de Kelebija, d’autres projets sont en cours, visibles sur le site internet de l’organisation : http://northstarserbia.org/

Les refoulés de l’Europe

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17 juillet 1973

HU-LALA (Hongrie) - ven, 09/12/2016 - 13:41
Après une escale à Prague je débarquai à Budapest dans le no man’s land, le désert mental que je ressentais chaque fois que j’arrivais dans un nouveau pays : le temps de parcourir le trajet entre la sortie de l’avion et la sortie de l’aéroport.

Le temps où les dernières impressions de l’endroit que l’on quitte doivent laisser la place aux premières impressions de l’endroit que l’on trouve. Un moment de vide, d’attente, d’insécurité et d’excitation. J’étais d’autant plus perplexe que je ne savais pas où j’arrivais, qui j’allais rencontrer, comment je reconnaîtrais les personnes qui m’attendaient. Et pourtant confiante, surtout confiante en moi-même et optimiste, j’avançais avec assurance entre les deux rangées de militaires armés de leur kalachnikov.

L’examen du passeport et du visa prit de longues minutes, le militaire observant minutieusement la couverture, les écritures, les cachets, la photo du document, relevant plusieurs fois la tête comme s’il lui paraissait vraiment incongru qu’une jeune Française de 17 ans s’aventure seule dans un pays comme le sien. Il secoua presque imperceptiblement la tête, empoigna le tampon libérateur et l’appuya dans un élan autoritaire sur le papier. D’un geste rapide je remis mon passeport dans ma poche, comme pour le protéger et osai regarder autour de moi.

Je vis pour la première fois ce qui allait faire ma vie et je ne le savais pas encore ! Un désordre rassurant laissait entrevoir un espace limité mais instinctif de liberté : des sacs, des ballots en très mauvais état partout, des militaires avec le mégot à la bouche, des enfants endimanchés pour venir chercher un parent éloigné, des vieux en costume traditionnel. La famille qui m’attendait ne savait rien de moi. Je ne savais pas encore qu’ils me reconnaîtraient facilement : j’ étais tellement différente d’eux ! La différence, c’est le mot essentiel, la clef de l’existence. Moi aussi, je les reconnus de suite : Kati, 19 ans et son père Miklós. Elle, une grande brune aux yeux bleus, un peu molle, un peu grasse, un peu lourde, très souriante et toute excitée de voir arriver chez elle une gamine qui vient de l’Ouest. Lui, petit et rondouillard sembla plus inquiet que sa fille ou simplement indifférent : le professeur d’université, physicien reconnu appartenant à l’élite intellectuelle et politique du pays en a vu d’autres !

Je ne savais rien de ce pays, mais fis confiance instinctivement à ma curiosité. Embarquée dans une 404 Peugeot comme on en voyait partout en France mais luxe inouï dans ce pays à cette époque, je fis le trajet jusqu’à la maison en écoutant Kati me décrire le programme des deux semaines à venir. Dès le premier mot, je fus frappée par l’accent hongrois qui me semblait venir d’une langue ouverte, douce et rugueuse à la fois, laiteuse, pleine de « e » et de « a » prononcés de différentes manières et de « r » roulés comme de gros bigoudis. Nous fûmes accueillis par Baba dans un petit appartement du quartier chic de Pest dans Váci utca. La communication se faisait en Français donc avec Kati, en Allemand avec ses parents.

La vie était agréable à Budapest, la « baraque la plus joyeuse » du camp communiste comme aiment toujours le dire les Hongrois ! Je ne portai d’ailleurs aucune attention aux différences qui devaient alors forcément exister entre ces deux pays, la France et la Hongrie. Ces vacances promettaient d’être belles. J’étais entourée et même choyée par Baba et Kati, reconnaissantes peut-être d’avoir par mon intermédiaire une ouverture vers le monde idéalisé qu’était l’Europe de l’Ouest. Miklós passait ses journées enfermé dans son bureau, Baba se chargeait de l’intendance, Kati et moi menions la belle vie : sorties au musée, au cinéma, au zoo, buli chez des amis. Cette incursion dans la vie d’une famille hongroise me surprenait et remettait beaucoup de choses en question. L’universalité de mon mode de vie ! En 1973 à 17 ans, j’ étais privilégiée de pouvoir connaître autre chose qu’un environnement immuable.

L’appartement de Baba et Miklos était un « grand » appartement de 70m², grand pour une famille de 4 personnes dans ce pays communiste où les appartements communautaires existaient encore. Pas de pièce dédiée spécialement à une fonction : les 3 pièces étaient tout à la fois au moins salon et chambre, la plus grande servait en plus de bureau à Miklós et était encombrée de meubles de style « koloniál » , le style must de l’époque dans la nomenklatura. En arrivant dans cet endroit, je me demandai avec inquiétude où j’allais dormir. Dans la cuisine une petite gazinière en tôle émaillée aux pieds baroques jouait le premier rôle, la petite cafetière italienne se chargeait du second. J’observai vite que la vie en société respectait des habitudes, presque des rituels qui avaient gardé une grande importance malgré le passage au communisme. Ou peut-être justement à cause de lui. Le chapeau pour les dames, le baisemain, la politesse des messieurs, le « cognac napoléon », le rite de l’eszpreszó côtoyaient d’une façon anachronique les comportements sociaux exigés par la ligne du parti.

C’est dans cet environnement que je rencontrai mon futur mari.

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La loi sur la liberté de religion en Slovaquie est-elle une loi anti-Islam ?

HU-LALA (Hongrie) - mer, 07/12/2016 - 09:17
On dénombre seulement quelques milliers de Musulmans dans ce pays de 5,4 millions d’habitants et la Slovaquie ne se trouve pas non plus sur la route migratoire conduisant vers l’Allemagne et le nord de l’Europe. Mais cela n’empêche pas le gouvernement slovaque d’utiliser le levier politique très efficace qu’est la peur de l’Islam.

Bratislava, correspondance – C’est à la majorité des deux-tiers que le Parlement slovaque a approuvé, mercredi 30 novembre, un amendement à la loi sur la liberté de religion, devant entrer en vigueur au 1er janvier 2017. La loi sur la liberté de religion fixe le cadre législatif de la pratique religieuse et est garante des positions des différents clergés et entités religieuses à l’intérieur de la société, dans un pays à forte majorité catholique.

L’amendement en question prévoit de relever le nombre minimum des membres adultes à l’intérieur d’un mouvement religieux pour que celui-ci puisse espérer être inscrit au registre national, et ainsi obtenir une subvention de l’État et le droit à ouvrir des écoles confessionnelles. Ainsi, le seuil minimal de 20 000 fidèles actuellement en vigueur passera à 50 000. Il a été présenté par un député du Parti National Slovaque (Slovenská národná strana, SNS) en coalition gouvernementale dirigée par Robert Fico du SMER-SD (Smer – sociálna demokracia, parti à tendance social-démocrate). Le texte a été adopté par les députés de la coalition gouvernementale et soutenu par une partie de l’opposition.

Le texte a été présenté par le gouvernement comme une volonté de mieux contrôler les finances publiques, mais certains médias étrangers et commentateurs voient dans cet amendement une volonté du gouvernement de s’opposer à toute « islamisation » de la société. Comme pour confirmer cet objectif masqué, le parti d’extrême-droite Notre Slovaquie (Ľudová strana Naše Slovensko, LSNS) avait proposé de faire passer le seuil à 250 000 fidèles, ce qui aurait exclu de fait toute autre entité religieuse que la religion chrétienne. Cette proposition a toutefois été rejetée par le Parlement. Selon le dernier recensement de 2011, les Musulmans seraient 2 000 en Slovaquie, 5 000 selon les autorités religieuses, et ne possèdent aucune mosquée reconnue à ce jour dans le pays.

Un contre-coup de la crise migratoire de 2015

La position du gouvernement sur le sujet est claire depuis la crise migratoire de l’année dernière : Robert Fico avait érigé le pays comme un « rempart migratoire », en s’opposant avec ses partenaires du groupe de Visegrád aux quotas de relocalisation de migrants décidés par l’Union Européenne. En août 2015, il avait affirmé pouvoir accepter un nombre restreint de migrants, mais seulement de religion chrétienne, facteur, selon lui, d’une meilleure intégration dans le pays. Le ministre de l’Intérieur Robert Kaliňák avait aussi insisté sur la menace potentielle pour la sécurité du pays. Durant l’année 2016, les déclarations du chef du gouvernement Robert Fico à l’encontre de l’Islam ont été nombreuses : selon lui, la préservation de la culture locale implique de ne pas laisser s’installer des milliers de Musulmans qui feraient la promotion de leur culture. Cela irait à l’encontre « de l’essence du pays », selon ses mots. Ces déclarations avaient fortement déplu dans les rangs de la gauche européenne, le groupe socialiste au Parlement européen (PSE) ayant demandé des clarifications à Robert Fico, sans toutefois le sanctionner.

Cet amendement semble donc s’inscrire dans cette rhétorique anti-islam qui cimente la coalition au pouvoir depuis le mois de mars 2016, dans un pays où le parti d’extrême-droite ouvertement néo-nazi LSNS de Marian Kotleba a fait une percée à 8 % lors des dernières législatives. L’alliance gouvernementale avec les nationalistes du SNS oblige Robert Fico à s’ancrer à droite et cette mesure vient à le confirmer. Après tout, Andrej Danko, président du SNS et chef du parlement, n’a-t-il pas déclaré qu’il fallait « tout faire pour empêcher la construction de mosquées » en Slovaquie ? Dans une interview à l’agence Reuters, il déclarait vouloir interdire la burka et le niqab en public et interdire l’enregistrement de l’Islam comme communauté religieuse. Car, comme il aime à le dire, l’islamisation « commence avec un kebab ».

L’islamophobie de Robert Fico dérange le parti socialiste français ?

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Retour sur le parcours de l’écrivaine Ágota Kristóf

HU-LALA (Hongrie) - mer, 07/12/2016 - 06:14
Dans une émission d’une heure, « France Culture » revient sur le parcours et sur l’œuvre de cette écrivaine hongroise en langue française.

Ágota Kristóf, née en Hongrie en 1935, exilée en Suisse en 1956, décédée en 2011 à l’âge de 75 ans à Neuchâtel. Enfance heureuse dans les années trente dans un petit village de Hongrie proche de la frontière autrichienne où, déjà, elle écrit ses premiers poèmes, en hongrois, sa langue maternelle et la seule qu’elle connaisse.

1956, l’insurrection anti-soviétique, l’exil pour éviter les représailles contre son mari, à 21 ans. Elle traverse la frontière austro-hongroise de nuit, son bébé de deux mois sous le bras : « Ce moment où j’ai perdu une grande partie de ma vie. J’ai laissé en Hongrie mon journal à l’écriture secrète et aussi mes premiers poèmes, mes frères, mes parents, sans prévenir, sans leur dire adieu ou au revoir. Mais surtout ce jour là, ce jour de fin novembre 1956, j’ai perdu mon appartenance à un peuple« .

« Ce jour de fin novembre 1956, j’ai perdu mon appartenance à un peuple ».

Son œuvre littéraire sera marquée par cette thématique de la frontière, qui semble l’obséder. Ágota Kristóf raconte dans ses romans l’arrivée en suisse, le manque de tout, le travail dans une usine d’horlogerie pour subvenir à ses besoins, sans connaitre encore vraiment le français qu’elle apprendra en reprenant ses études. Cette « langue ennemie » avec qui elle entretient un rapport très compliqué et qu’elle se plait à démythifier :

« Je parle le français depuis trente ans, je l’écris depuis vingt ans, mais je ne le connais toujours pas. Je ne le parle pas sans fautes et je ne peux l’écrire qu’avec l’aide des dictionnaires fréquemment consultés. C’est pour cela que j’appelle le français une langue ennemie. Et il y a une autre raison, et c’est plus grave : cette langue est en train de tuer ma langue maternelle ».

C’est pourtant en français qu’elle écrira la majeure partie de son œuvre littéraire, qui culminera avec la trilogie « Le grand cahier », publié en 1986, « La preuve » et « Le troisième mensonge ».

Écouter « Ágota Kristóf, une Hongroise suisse dans la littérature française (1935-2011) ».

Son roman le plus célèbre, Le Grand Cahier, a été adapté au cinéma en 2013 par János Szasz.

A Nagy Füzet, signe du renouveau du cinéma hongrois ?

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Du grabuge à l’usine Mercedes de Kecskemét

HU-LALA (Hongrie) - mer, 07/12/2016 - 05:18
Fin novembre, des ouvriers de l’usine Mercedes à Kecskemét ont débrayé quelques heures, mécontents des faibles hausses salariales. La version originale de cet article a été publiée le 26 novembre 2016 dans Vasárnapi Hírek sous le titre Nálunk háborúznak a németek (Un terrain de bataille allemand). La traduction en français a été réalisée par Paul Maddens.

Mercredi à l’aube, près de cinquante Mercedes de moins sont sorties des ateliers de l’usine de Kecskemét (85 kilomètres au sud de Budapest, en direction de la frontière serbe) en raison d’une grève de deux heures des ouvriers de la 3e faction de l’usine. Une soixantaine d’ouvriers a cessé le travail, principalement dans l’atelier de montage, ralentissant la ligne de production presqu’au point de l’arrêter. Quand tout va bien, l’usine assemble trente-cinq voitures à l’heure. Lors du débrayage, seules vingt l’ont été.

On peut polémiquer pour savoir si soixante personnes, c’est peu ou beaucoup, mais deux faits sont à noter : premièrement, cette protestation fugace a causé un dommage de plusieurs centaines millions de forints à l’entreprise allemande. Sur le fond, cela accroît le potentiel de chantage du syndicat VASAS qui mène la lutte (un syndicat de l’Énergie, des Mines et de l’Industrie), puisque sur les 4 500 personnes qu’emploie l’usine, 2 600 ont fait savoir en signant un formulaire qu’elles étaient disposées à négocier. Donc, dans le cas d’une action de plusieurs jours, Mercedes peut perdre plusieurs milliards de forints. L’autre fait est que depuis le changement de régime, il n’y a pas eu de grèves dans les usines automobiles. Celle-ci montre qu’à l’avenir la bataille pour les salaires sera menée par d’autres moyens.

Les travailleurs de Kecskemét sont entrés en grève parce que leur rémunération n’aurait progressé que de façon modeste : la moitié de ce qu’exigeait le syndicat VASAS. Celui-ci demande une augmentation globale de 25-26 % (au salaire de base qui gonflerait de 15 % s’ajouteraient diverses gratifications et avantages). En outre, le syndicat VASAS ne signerait d’accord que pour un an et s’engagerait dans de nouvelles négociations en 2018. L’entreprise n’a pas approuvé.

Étonnamment, ce n’est pas seulement contre la direction de la société que le VASAS doit se battre. Il apparaît qu’il doit défendre les travailleurs contre une autre organisation syndicale qui se contenterait d’une augmentation totale de 12 % en 2017 (ce qui représenterait seulement 7 % d’augmentation du salaire de base) et de 20 % sur deux ans. Contre la promesse de ne se lancer dans aucune lutte salariale pendant ces deux années. Cette organisation, c’est le MTSzSz, le Syndicat Libre des Ingénieurs et Techniciens. A la base, c’est un syndicat des chemins de fer, qui aimerait d’ailleurs obtenir une augmentation à deux chiffres à la MAV (équivalent hongrois de la SNCF). Il affirme être présent dans l’usine depuis un an, dans la pratique depuis les négociations salariales de l’année dernière.

Il est admis jusque maintenant que les syndicats peuvent demander une décharge syndicale en fonction du nombre d’adhérents, ce que le syndicat MTSzSz a fait dans le courant de l’année. Les délégués syndicaux bénéficient d’une heure de décharge pour un nombre donné d’adhérents pour régler les affaires de défense des intérêts (des travailleurs). Si le nombre d’adhérents est suffisamment important, ils s’occupent exclusivement de ces affaires sur leur temps de travail, à la charge de l’employeur. L’entreprise a justement donné la possibilité au MTSzSz qu’il « retire du travail » son dirigeant. Les négociations syndicales ont commencé en octobre et un mois plus tard l’entreprise a donné sa bénédiction à la proposition du syndicat.

Il se trouve que cela n’est pas légal. D’une part un syndicat ne peut signer d’accord collectif que s’il regroupe au moins 10 % des salariés. D’autre part si deux organisations représentatives coexistent dans une usine, elles ne peuvent négocier avec un employeur qu’après s’être mises d’accord au préalable. Dans le cas présent, ceci n’a pas eu lieu et l’employeur a fait sienne la proposition du syndicat des ingénieurs et techniciens sans attendre. L’entreprise l’a rendu publique lors de deux assemblées générales successives. Lors de la première, ceux qui travaillent dans les bureaux ont occupé les premiers rangs situés vers l’estrade d’où ils ont applaudi, par contre les ouvriers de la première faction sont restés muets. Lors de la deuxième assemblée les ouvriers des 2e et 3e factions ont été moins réservés : l’annonce a été accompagnée de sifflets et de bruits faits avec les poings signifiant qu’ils trouvaient insuffisante l’augmentation de salaire. Pour montrer la sincérité de leur indignation, les travailleurs n’ont pas voulu participer au dîner offert par la direction à l’occasion de l’assemblée.

Le syndicat VASAS a déclaré que la proposition d’augmentation de salaire de la direction était une prise de position unilatérale et a très rapidement formé un comité de grève. Cependant l’entreprise s’entête et invoque le fait qu’il s’agit d’un accord avec un syndicat, si bien que c’est en vain que le VASAS et Mercedes ont siégé ensemble mercredi, ils ne sont pas parvenus à un accord, qui plus est deux dirigeants régionaux du syndicat, membres du comité de grève,  ont été exclus de l’enceinte de l’usine, mais grâce à internet ils ont pu rester en contact avec les autres membres et le soir à 22h30 ils annonçaient à la direction qu’ils organisaient une grève et que l’arrêt de travail commence à 0h40.

Tout d’abord, il semblait qu’ils allaient faire sortir les grévistes dans la cour et les y maintenir, puis ceux-ci ont pu quand même aller s’asseoir dans la salle à manger. En tout cas ce premier coup a été porté avec succès, maintenant l’employeur sait que les discussions ont un enjeu.

Une situation nouvelle s’est ainsi instaurée entre l’employeur et le syndicat dans laquelle peuvent être présentes les organisations „mères”. Le syndicat se prépare en effet à une défense plus active des intérêts des salariés et en cela, le syndicat de l’entreprise mère (IG Metall) le soutient car il profite aussi de la situation : si les salaires sont corrects en Hongrie alors la société mère délocalisera moins de travail là-bas. Il se peut que la direction, elle, fasse  l’expérience de l’intervention des dirigeants allemands de Mercedes dans l’affaire. A titre de rappel, quand l’entreprise Autoliv de Sopronkövesd (qui a une position dominante sur le marché des pièces détachées des systèmes de sécurité) a pris à la légère ses ouvriers, la direction suédoise a mis un point final à l’affaire car la continuité de la production est plus importante que tout le reste.

Photo : MTI – Ujvári Sándor

Compléments d’informations :

1- Un syndicat peut certifier de trois façons différentes le nombre d’adhérents qu’il a dans une entreprise. La méthode la plus simple est que l’employeur prélève la cotisation sur le salaire .Ceci est une obligation légale si le syndicat le demande. De cette façon il est possible de savoir combien de travailleurs „organisés” ont été recensés. Une autre solution également légale est que le syndicat remet officiellement l’effectif de ses membres travaillant en un lieu donné à un notaire en y joignant les attestations de paiement de la cotisation.Cela fournit également une liste digne de foi. Dans la 3e possibilité le notaire inscrit l’effectif dans un document officiel sur la base des déclarations du syndicat, mais il ne répond pas du contenu du document et ce papier n’est pas qualifié de document officiel authentique.La direction de Mercedes tout comme le syndicat des ingénieurs et techniciens a refusé de montrer au VASAS une quelconque attestation du nombre d’adhérents (du syndicat des ingénieurs et techniciens), bien qu’il l’ai demandé.

2- Selon les règles entrant en vigueur l’an prochain, le gouvernement a „raccourci” l’impôt sur les bénéfices des sociétés de 19 % à 9 % pour les entreprises dont les recettes dépassent 500 millions de forints (soit environ 1600000 euros).

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L’Europe centrale face à l’élection de Donald Trump

HU-LALA (Hongrie) - mar, 06/12/2016 - 11:59
Débat Mediapart avec Cédric Pellen (politiste), Catherine Horel, (historienne) et Ludovic Lepeltier-Kutasi (doctorant en géographie, membre de la rédaction de Hulala). Animé par Amélie Poinssot, journaliste.

Vidéo reproduite ici avec l’accord de Mediapart.

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Ils recréent un bout de Hongrie à Paris

HU-LALA (Hongrie) - mar, 06/12/2016 - 10:06
Les Mardis hongrois de Paris sont une institution de plus de dix ans. Créés en 2003 par une poignée de Hongrois vivant dans la capitale française et en région Île-de-France, ils sont devenus un rendez-vous régulier de la diaspora magyare mais aussi un lieu de rencontre pour les quelques Français voulant connaître un peu plus ce pays d’Europe centrale. Entretien avec l’un des initiateurs de ce beau projet : Jean-Pierre Frommer. Pouvez-vous nous dire comment sont nés les Mardis hongrois de Paris ?

Quand on me demande comment sont nés les Mardis hongrois de Paris, je donne invariablement à peu près la même réponse. Mais c’est une réponse qui relève de mon interprétation et l’histoire de cette belle aventure ne peut se résoudre à une simple anecdote personnelle alors qu’il s’agit d’une aventure collective qui puise ses origines au fin fond des plaines d’Europe centrale et d’une époque qu’aucun historien ou préhistorien ne saurait estimer, sans doute la nuit des temps. Il faudrait interroger les témoins et pas seulement l’un de ses fondateurs

J’ai envie de demander au millier de participants de raconter leur propre histoire, comment un jour ils ont atterri à une soirée des Mardis hongrois, quels moments forts (ou pas) ils y ont vécu, quels souvenirs il leur en reste, quelle anecdote amusante, insolite ou triste ils souhaiteraient partager.

Les Mardis hongrois de Paris ont débuté stricto sensu dans une brasserie, le Trappiste, située rue Saint Denis, à deux pas du métro Châtelet, le mardi 9 septembre 2003. Si ma mémoire est bonne nous devions être quatre. Qui étaient les trois autres en dehors de moi ? Peut-être Zsuzsa, Stephane, Anna, Alain, d’autres ? Stéphane, Alain et Anna apparaissent sur cette photo de la soirée du 18 novembre, la sixième du genre, où le nombre des participants s’était déjà développé. Stéphane est un des membres fondateurs des Mardis hongrois, celui qui avait lancé l’idée sur un forum internet de réunir physiquement les gens que nous étions et qui ne se fréquentaient que virtuellement.

Je retrouve dans les archives de ce forum qui ne fonctionne plus, l’appel suivant que moi-même j’avais lancé le 4 octobre 2002. « Bonjour à tous, J’aimerais pouvoir rencontrer sur la région Île-de-France (comme j’ai eu le plaisir de le faire hier soir et c’était passionnant) des personnes intéressées par des échanges divers autour de thèmes relatifs à la Hongrie. Si nous étions quelques-uns dans ce cas pourquoi ne pas nous retrouver à intervalle régulier sur un thème prédéfini (lecture à haute voix d’un ouvrage en langue hongroise, rencontre avec un auteur, concert, spectacle de danse, théâtre, expo, resto, etc.). Nous pourrions aussi nous rencontrer simplement pour bavarder autour d’un verre pour le simple plaisir d’évoquer un pays et une culture que nous aimons. Nous sommes déjà peut-être quelques-uns prêts à consacrer par exemple une soirée par mois à notre goût pour les « échanges hongrois ». Si vous êtes partants faîtes-le moi savoir et on essaie d’organiser quelque chose. A viszont látásra. »

« Chacun peut apporter quelque chose, ne serait-ce que son expérience personnelle, voire, encore mieux, des gomboc et du barack pálinka par exemple. C’est aussi cela la culture. »

Le 29 octobre 2002, je réitérais mon souhait de rencontres : « Je précise pour celles et ceux qui n’osent pas, qui sont timides, qui voudraient bien mais…, que j’ai pu établir quelques contacts très intéressants avec des personnes avec lesquelles nous commençons à lier des amitiés et avoir des activités communes. Alors n’hésitez pas à me contacter pour qu’on soit un tout petit peu plus nombreux et pour enrichir notre petit groupe. Chacun peut apporter quelque chose, ne serait-ce que son expérience personnelle, voire, encore mieux, des gomboc et du barack pálinka par exemple. C’est aussi cela la culture. »

La vraie toute première rencontre hongroise entre nous, rencontre qui n’avait pas encore le nom de Mardis hongrois peut être datée du 18 mai 2003, un dimanche. Nous avions projeté un pique-nique au Bois de Boulogne. La pluie aidant, nous avions trouvé refuge chez Alain qui nous avait gentiment offert l’hospitalité. Nous étions bien plus d’une vingtaine à pique-niquer sur le plancher de l’appartement d’Alain. Chacun avait apporté sa nourriture, ses boissons et nous partagions tout allègrement à la manière « communiste ». Un autre pique-nique a suivi quelques semaines plus tard, chez une famille hongroise de l’Eure avec un musicien jouant d’un drôle d’instrument hongrois, peut-être une vielle ou une cithare. Un cochon de lait rôtissait à la broche.

Rencontre hongroise dans l’Eure en 2003 © Jean-Pierre Frommer

On me pose souvent aussi cette autre question. Pourquoi Mardis hongrois ? Pourquoi ces rencontres ont-elles lieu les Mardis ? La réponse est simple, ce fut une décision arbitraire qui permettait de libérer nos week-ends pour d’autres activités, d’autant que j’imaginais ces soirées revenant à un rythme régulier encore à définir. Une fois le rythme défini avec quelques amis, il faudrait s’y tenir, car pour ces choses tout est dans la régularité. Le nom m’est venu de façon fortuite par une association d’idées semblable aux hasards objectifs d’André Breton. J’entendais souvent sur Radio Latina (aucun rapport avec la Hongrie) des publicités pour les Mardis salsa de la Coupole auxquels j’ai d’ailleurs participé quelques fois. L’idée m’est donc venue que nos soirées devraient porter un nom et pourraient s’appeler « Les Mardis hongrois du Trappiste ». L’ennui de cette appellation c’est qu’elle liait le nom de notre association à une entreprise commerciale, une brasserie bien précise. Avec mes camarades, nous décidâmes donc de nommer nos soirées, les Mardis hongrois de Paris pour néanmoins les ancrer géographiquement. La suite nous donna raison puisque nous changeâmes plusieurs fois de bistro par la suite et les Mardis hongrois ont ensuite proliféré pour donner les Mardis hongrois de Montpellier, Mardis hongrois d’Helsinki, Mardis hongrois de Berlin, etc.

Qui vient aux mardis hongrois et comment se déroulent les soirées ?

Depuis un peu plus de 13 ans, environ un millier de personnes sont passées aux Mardis hongrois de Paris. Certaines sont parties très loin et ont fait proliférer les Mardis hongrois en d’autres lieux comme je l’indiquais précédemment, certains n’ont fait qu’un passage une fois ou deux et quelques-uns sont restés des fidèles. Parmi les fidèles il y a Zsuzsa Szabó l’une des fondatrices des Mardis, Gisèle de grand-père hongrois et qui revient régulièrement depuis plus de 10 ans, Maria, ancienne chanteuse d’opéra, Argentine d’origine hongroise, István urbaniste et Stéphane qui est aussi l’un des membres fondateurs.

On pourrait faire une étude sociologique des participants, c’est leur diversité qui en ressortirait et leur richesse personnelle, professionnelle, culturelle et intellectuelle mais surtout une extrême gentillesse et cordialité de tous. On y trouve toutes les tranches d’âge et toutes les origines d’émigration, toutes sortes de métiers, toutes sortes de motivations et toutes sortes de nationalités.

« Ici, les profils les plus divers se côtoient donc et je ne saurais tous les énumérer. Chaque rencontre nous offre ses surprises. »

Il y a le cas typique de ce jeune couple de bi-nationaux, Judit H. et Benoit G. Elle Hongroise, étudiante en design arrive à Paris, ne parle pas un mot de français, elle est dépaysée et recherche des contacts avec des compatriotes. Lui, Français, ébéniste d’art ne parle pas hongrois. Ils communiquent en anglais, ont un intérêt professionnel commun et des sentiments partagés. On peut les voir sur une vidéo réalisée par France 2 sur nos soirées. Plus récemment un autre couple de bi-nationaux, elle, Hongroise graphiste, lui Français ingénieur est venu nous rejoindre.

Il y a Alain Dodeler, éclusier par nécessité, mais photographe par passion. Il est Français et il s’est un jour pris d’amour pour la Hongrie et peut-être pour ses habitantes. Il fut le premier photographe officiel du grand festival Sziget, de ses débuts. Il fut l’un des fondateurs des Mardis hongrois. Aujourd’hui retraité, il s’est éloigné de la région parisienne mais nous restons en contact.

Il y a Anna Stein, artiste renommée, peintre et sculpteur. Elle fait partie de la vague de réfugiés hongrois de la Révolution de 1956.

Il y a aussi toute une génération de Hongroises et Hongrois trentenaires qui se sont établis ces dernières années à Paris qui s’intègrent très rapidement à la communauté française et qui de temps à autres reviennent respirer, entendre les vibrations de la langue magyare.

Il y a des descendants de Hongrois comme moi qui viennent rechercher ou entretenir leurs racines et la langue. Mais il y a aussi des Français qui prennent des cours de hongrois à l’Institut hongrois ou à l’INALCO et qui viennent s’immerger dans une ambiance magyare…

Ici, les profils les plus divers se côtoient donc et je ne saurais tous les énumérer. Chaque rencontre nous offre ses surprises. Par exemple, la dernière fois j’ai même rencontré des journalistes de Hulala, cet excellent média internet qui venaient enquêter (Rires).

Reportage de … Hulala lors du mardi hongrois du 22 novembre 2016 © Jean-Pierre Frommer

Les soirées se déroulent tout simplement autour des tables du bistro qui nous accueille. Chacun s’installe où il le souhaite et les discussions partent dans toutes les directions selon la fantaisie de chacun autour de la table. Parfois nous organisons une soirée thématique comme la prochaine qui aura lieu le 6 décembre et où nous avons invité Guillaume Métayer à venir présenter l’ouvrage qu’il a dirigé, Budapest 1956 : La révolution vue par les Écrivains hongrois, soirée animée par la traductrice de Sándor Márai, Catherine Fay. Mais la plupart du temps nos soirées n’ont pas de thème et c’est discussion libre.

Vous même, quel est votre lien avec la Hongrie ?

Mon lien avec la Hongrie est simple. Mes deux parents étaient hongrois. Ils sont arrivés à Paris en 1947 et c’est là que je suis né. La première langue que j’ai parlée est le hongrois. Je pense pouvoir la considérer comme ma langue maternelle. Le hongrois était la langue parlée à la maison. J’ai appris le français à l’école maternelle et bien sûr grâce à l’école publique, laïque et obligatoire. J’ai aussi appris le français dans la rue avec les copains, au travers de mes activités sociales, etc. Mais la langue hongroise était toujours là chaque jour à la maison dans ma famille, dans le cercle des amis de mes parents et plus tard profondément enracinée en moi.

Pour me résumer mon lien avec la Hongrie c’est essentiellement la langue et la culture hongroise. Je n’ai plus aucune famille connue de ma part en Hongrie. Je me suis toujours plus ou moins intéressé à tout ce qui touchait à la Hongrie notamment sa littérature, son cinéma, ses artistes, son football (dans les années 50), une sorte de réflexe « nationaliste », chauvin, patriotique, je cherche le mot juste, bien que je ne goûte guère ces concepts qui m’ont été inculqué principalement par mon père qui était très patriote. J’ai conservé ce « travers » et n’en rougis pas.

Cet intérêt s’est développé singulièrement depuis que j’anime les Mardis hongrois et son blog où je tâche de rendre compte de tous les événements, articles de la presse francophone touchant à la Hongrie et sa culture.

Aujourd’hui mon lien avec la Hongrie est essentiellement intellectuel comme je viens de l’expliquer et humain au travers du réseau d’amis et de relations que j’ai pu développer par les Mardis hongrois.

Quelle est la soirée des Mardis hongrois qui vous a laissé le meilleur souvenir ?

L’une des soirées des Mardis hongrois les plus fantastiques fut le dixième anniversaire des Mardis hongrois que nous avons célébré à l’Institut hongrois de Paris. Entre 150 et 200 personnes remplissaient toutes les salles de l’Institut. Une petite équipe avait travaillé à la préparation de cette soirée magnifique. Il y avait de la musique, des lectures, des artistes peintres, des écrivains, des livres, des DVD et nous avions organisé la soirée selon un scénario très précis piloté par notre amie Bea Gerzsenyi, metteure en scène.

« Ce qui me rendait surtout très heureux c’étaient ces 150 à 200 personnes manifestant leur bonheur de se retrouver tous ensemble dans une ambiance de fête. »

Beaucoup de personnes m’ont exprimé leurs marques d’amitiés, mais ce qui me rendait surtout très heureux c’étaient ces 150 à 200 personnes manifestant leur bonheur de se retrouver tous ensemble dans une ambiance de fête. C’était là pour moi une grande joie et sans doute l’une de mes plus belles soirées. Mes amis s’étaient aussi cotisés à cette occasion pour m’offrir un beau voyage à Séville.

Est-ce que le public a évolué ? Sentez-vous d’une façon générale une curiosité de Parisiens pour la Hongrie ?

Le public a sans doute évolué depuis les débuts. D’abord le noyau des fidèles a vieilli de treize ans et beaucoup de jeunes immigrés des débuts se sont intégrés progressivement à la société française et ne recherchent plus nécessairement et régulièrement le contact avec la communauté hongroise de Paris. On les revoit occasionnellement mais ils deviennent moins présents. En revanche, de nouveaux arrivants de l’émigration hongroise récente ou plus ancienne se présentent à nos soirées et  chaque fois de nouvelles personnalités viennent se présenter à nous.

Les Parisiens sans lien familial ou professionnel avec la Hongrie sont très rares, hormis ceux qui apprennent la langue hongroise et je ne peux pas dire qu’il existe un intérêt particulier des Parisiens pour la Hongrie, du moins je n’en ressens pas personnellement.

Jean-Pierre Frommer en 2015 © Magyar Diplo Événements organisés par les Mardis hongrois depuis sa fondation (liste quasi-exhaustive) 20 décembre 2016 Soirée beigli des Mardis hongrois 6 décembre 2016 Rencontre avec Guillaume Métayer et Catherine Fay autour de l’anthologie Budapest 1956, La révolution vue par les écrivains hongrois 2 octobre 2016 Pique-nique d’automne des Mardis hongrois 13 septembre 2016 13ème anniversaire des Mardis hongrois 30 août 2016 Déménagement à la brasserie Le Saint-André 12 juin 2016 Pique-nique des Mardis hongrois 26 avril 2016 Rencontre avec Laura Elko pour son One woman show musical « Enfin vieille ! » 16 février 2016 Rencontre avec Ágens et Szandra Deáky autour de leur spectacle « Les furies du temps » 5 janvier 2016 Déménagement au Bistrot Marguerite 15 et 22 décembre 2015 Soirées Beigli 8 décembre 2015 Rencontre avec Camille Havas pour son livre Mon père ce Hongrois 10 novembre 2015 Rencontre avec Danielle Pinkstein pour son livre Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles ? 27 octobre 2015 Rencontre avec János Havasi, nouveau directeur de l’Institut hongrois 29 septembre 2015 Rencontre avec Joséphine Dedet pour son livre Géraldine, reine des Albanais 27 septembre 2015 Pique nique des vendanges des Mardis hongrois 15 septembre 2015 12ème anniversaire 14 juin 2015 Pique-nique des Mardis hongrois 6 janvier 2015 Déménagement à la brasserie Bords de Seine 23 décembre 2014 Soirée Beigli 5 octobre 2014 Pique-nique 16 septembre 2014 11ème anniversaire au The Studio 15 juin 2014 Pique-nique 29 avril 2014 Soirée Erwin Marton avec Pier Marton au The Studio 1er mars 2014 Table ronde « Quel avenir pour le Quartier juif de Budapest à l’Institut hongrois » (Zsuzsa Szabó et Jean-Pierre Frommer) 24 septembre 2013 10ème anniversaire des Mardis hongrois à l’Institut hongrois 16 juin 2013 Pique-nique 28 mai 2013 Soirée chez BEAshKA 14 mai 2013 Soirée avec Alice Zeniter et Guillaume Métayer pour le roman Sombre dimanche 5 mars 2013 Vali Fekete, Anna Stein. Images des chemins intérieurs. Présentation de livre et dédicace 5 mars à 19h Institut hongrois 19 février 2013 Vernissage exposition de Zoltán Pável 23 septembre 2012 Pique-nique d’automne 11 septembre 2012 Neuvième anniversaire avec András Kányádi pour La fortune littéraire de Sándor Márai 17 juillet 2012 Les Mardis hongrois de Paris invitent l’équipe de télévision de France 2 19 juin 2012 Déménagement à la brasserie The Studio 17 juin 2012 Pique-nique d’été 2 octobre 2011 Pique-nique d’automne 14 septembre 2011 Huitième anniversaire des Mardis hongrois 28 juin 2011 Salon de lecture : Psychanalyse en MittelEuropa le 28 juin 2011 à l’Institut hongrois de Paris 26 juin 2011 Pique-nique d’été 3 mai 2011 Les Mardis hongrois de Montpellier voient le jour 26 avril 2011 Accueil du nouveau directeur de l’Institut hongrois : Balázs Ablonczy à la brasserie Flam’s 25 janvier 2011 Sur les traces du Yiddishland – Un pays sans frontières en présence de l’auteur, Alain Guillemoles, journaliste au quotidien La Croix, Sophie Képès et Maryla Laurent-Zielinska 21 décembre 2010 Soirée spéciale « beiglis » des Mardis hongrois à la brasserie Flam’s 5 octobre 2010 Budapest étoilée de Georges Zsiga à l’Institut hongrois 14 septembre 2010 Septième anniversaire au Flam’s 13 juin 2010 Pique-nique 9 juin 2010 Budapest étoilée de Georges Zsiga à la SCAM de Paris 25 mai 2010 Sophie Képès présentait son recueil de nouvelles Le Fou de l’autre au Flam’s 4 mai 2010 « Changement de nom chez un analyste hongrois : le cas de Michael Balint » – Conférence à l’Institut hongrois de Paris donnée par Michelle Moreau Ricaud 22 décembre 2009 Buli des Mardis hongrois au Flam’s avec Pierre Latzko 1er décembre 2009 Soirée spéciale au Théâtre de la Tempête pour aller voir Liliom (ou la vie et la mort d’un vaurien) 10 novembre 2009 Conférence ‘Intégration, assimilation et identité en Hongrie aux XIXe et XXe
siècles’, soirée débat organisée par l’association des Mardis hongrois
de Paris à l’Institut hongrois avec Anna Stein 13 octobre 2009 Invitée : Éva Almássy et Livia Jávor discussion autour de la figure de la petite fille dans les arts et dans la société à l’occasion de la sortie de Petit éloge
des petites filles d’Eva Almássy 6 octobre 2009 Mon père s’appelle Zoltán – Un film d’Agnès Szabó à l’Institut hongrois 15 septembre 2009 Sixième anniversaire au Flam’s 7 juin 2009 Pique-nique 12 mai 2009 Démoniales (Ördöggörcs) de Márton Karinthy (petit fils de Frigyes et fils de Ferenc) – Une rencontre avec l’auteur à l’Institut hongrois de Paris 17 février 2009 Soirée Erzsébetváros avec Anna Perczel, architecte, de l’Association ÓVÁS!au Flam’s 9 décembre 2008 Au Flam’s, soirée dédiée aux « Fauves hongrois » en présence des conservatrices des musées de Cateau-Cambrésis et d’Adam Biro 11 novembre 2008 Les Mardis hongrois de Paris s’installent à la Brasserie Flam’s 28 octobre 2008 A la brasserie Le Cavalier bleu M. András Ecsedi-Derdák – Directeur et conseiller culturel et M. Csaba Varga – Directeur adjoint présentent, au travers de discussions informelles, les activités, programmes et projets de l’Institut culturel dont ils ont la charge Septembre 2008 Après ceux d’Helsinki Naissance des « Ungarische Dienstag » à Berlin. 16 septembre 2008 Cinquième anniversaire à la Brasserie le Cavalier bleu 8 juillet 2008 Les Mardis hongrois de Paris s’installent à la brasserie Le Cavalier bleu 22 juin 2008 Pique-nique 18 mars 2008 Naissance des Mardis hongrois d’Helsinki « Unkarilaiset tiistait » 22 janvier 2008 Soirée des Mardis hongrois de Paris avec l’Association pour une école hongroise 18 décembre 2007 Soirée beigli 11 décembre 2007 Les Mardis hongrois invitent Sylvain Jouty à la Brasserie A Saint Jacques pour son roman Celui qui vivait comme un rhinocéros – Alexandre Csoma de Kőrös (1784-1842) le vagabond de l’Himalaya 26 octobre 2007 Les Mardis hongrois organisent : Rendez-vous «Les lumières grises» à l’Institut hongrois de Paris – Projection de photographies de Imre Benkő avec la présence de l’auteur. 2 octobre 2007 Soirée consacrée à Eva Vincze et son ouvrage Le Renard et la petite Poule rousse et à Akos Kertész et son roman Makra 18 septembre 2007 Quatrième anniversaire à la brasserie A Saint Jacques – Soirée Süti Buli 17 juin 2007 Pique-nique 29 mai 2007 Soirée dédiée à Sándor Ferenczi à la brasserie A Saint Jacques et au projet d’acquisition du cabinet où Ferenczi recevait ses patients 15 mai 2007 Soirée dédiée à la défense d’Erzsébetváros au A Saint Jacques En présence d’Anna Perczel, architecte, l’une des responsables de l’association Ovás! Elle nous apporta des photos du quartier en péril, nous expliqua ce qui avait déjà été sauvé et ce qui restait menacé. On a parlé aussi de la pétition lancée à l’initiative de l’association des Mardis hongrois de Paris et des premiers résultats obtenus. 3 avril 2007 Soirée avec Claire Rado et Ibolya Virag invitées à présenter l’exposition des tapisseries de Claire Rado en cours à l’Institut hongrois 20 février 2007 Soirée dédiée à Sabine Fazekas, artiste plasticienne, pour son exposition à l’Institut hongrois 6 février 2007 Soirée dédiée à Anna Stein, artiste peintre et sculpteur et Miklós B. Székely le comédien qui a joué dans plusieurs films de Béla Tarr 19 décembre 2006 Soirée dédicace avec Viviane Chocas pour son livre Bazar Magyar 8 novembre 2006 « Kultur buli » des Mardis hongrois à l’Institut hongrois 24 octobre 2006 Soirée consacrée à Budapest 1956 – Photographies d’Erich Lessing chez Biro éditeur en présence de Adam Biro à la brasserie A Saint-Jacques 10 octobre 2006 André Farkas dédicace
son livre Budapest 1956 la tragédie telle que je l’ai vue et vécue 26 septembre 2006 Soirée à la brasserie A Saint Jacques, consacrée à la présentation du livre de Eva Füzesséry, Le Tango de l’Archange en présence des auteurs Eva Füzesséry et Benoit Enderlin 12 septembre 2006 Troisième anniversaire des Mardis hongrois de Paris 17 juin 2006 Pique-nique des Mardis hongrois 9 mai 2006 Signature de RANDEVÚ, livre de photos sur Budapest signées Sébastien Péchenart accompagnées des textes en hongrois de Fekete Vali 13 décembre 2005 Exposition Marcel Kelemen à l’Institut hongrois 1er septembre 2005 Deuxième anniversaire des Mardis hongrois 30 novembre 2004 Présentation et signature du livre de Rachel Izsak Baby massage, le toucher du cœur Septembre 2004 Premier anniversaire des Mardis hongrois Septembre 2004 Les Mardis hongrois émigrent à la brasserie A Saint-Jacques 9 septembre 2003 Premier Mardi hongrois à la brasserie Le Trappiste 29 juin 2003 Pique-nique à Dreux 18 mai 2003 Pique-nique chez Alain
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Au-delà d’Ahmed H., battons-nous pour une justice indépendante en Hongrie

HU-LALA (Hongrie) - mar, 06/12/2016 - 07:20
L’érection d’une clôture à la frontière afin de contenir les éventuels réfugiés de guerre, n’a pas été uniquement conçue pour « défendre la Hongrie ». Sa fonction a également été de créer un terreau favorable pour la propagande gouvernementale contre ces déplacés, de provoquer des remous, et de donner lieu au type de sentence qui a frappé Ahmed H. : dix ans de réclusion et l’interdiction définitive d’entrer sur le territoire hongrois. Tribune publiée le décembre 2016 dans Kettős Mérce. Traduit du hongrois par Ludovic Lepeltier-Kutasi.

Il fallait, dit-on, condamner Ahmed H. à tout prix, car il aurait lancé des pierres sur les policiers – bien qu’il n’y ait aucune preuve que celles-ci aient atteint leur cible, dans la mesure où l’on ne voit même pas sur les enregistrements vidéo ce qu’il a envoyé dans leur direction. Ce même jour à Röszke (le 16 septembre 2015, ndt), il aurait calmé la foule selon certains, encouragé ses compagnons à franchir la frontière selon d’autres. Si l’on regarde l’histoire judiciaire hongroise, que ce soit en 2006 (année des manifestations contre le premier ministre MSzP Ferenc Gyurcsány, ndt) ou lors d’autres événements, de tels actes n’auraient en tout cas été punis que de deux ou trois années de prison avec sursis. Mais dans la mesure où Ahmed H. représente le « réfugié » tel qu’on se plait à l’imaginer, la cour a même invoqué de façon grotesque sa religion, faisant de ce jugement une décision de justice aux motivations principalement racistes. Ahmed H. a été condamné à dix ans afin de justifier la propagande gouvernementale qui cherche à marteler dans nos esprits que le danger est toujours là. En plus de la situation personnelle dramatique d’Ahmed H., l’autre problème c’est que la Justice a participé à cette campagne.

Un Syrien condamné pour l’exemple en Hongrie ?

Souvenons-nous qu’avant la modification, l’année dernière, des lois par lesquelles le Fidesz a fait d’Ahmed H. un terroriste, aucun chef d’accusation en lien avec le terrorisme n’avait été retenu contre lui, comme le rappelle son avocat commis d’office. Ce dernier fut d’ailleurs brutalement révoqué en novembre de la même année et Ahmed H. dut affronter quelques heures plus tard une inculpation pour terrorisme.

Les témoins de la défense ne furent pas entendus au cours du procès. Il y eut bien des journalistes étrangers pour rappeler qu’Ahmed H. n’avait pas harangué mais au contraire calmé la foule (ce que les enregistrements vidéo montrent effectivement), ces derniers ainsi que d’autres témoins ne furent pas qualifiés comme tels par la Justice, qui préféra recourir uniquement aux témoignages des agents de police.

C’est ainsi que furent décidées les dix années de prison, quand bien même Ahmed H. et sa femme vivent légalement depuis dix ans dans l’Union européenne et que c’est pour accompagner leur famille qu’ils se sont retrouvés au poste frontalier de Röszke. Chacun de ses actes fut motivé par la volonté d’aider sa famille – dont sa mère âgée et malade – dans sa tentative d’entrer en Europe.

Si elle s’était trouvée le lendemain à la frontière hongro-croate, la famille aurait pu entrer en Hongrie, puis se rendre en Allemagne par l’Autriche, avec l’aide de l’État hongrois (après la fermeture de la frontière entre la Hongrie et la Serbie, le flux migratoire a rapidement dévié et des dizaines de milliers de migrants ont pénétré en Hongrie sans contrôle par la frontière croate, ndt).

Mais il semble que ces circonstances ne comptent pas lorsqu’il s’agit de faire un exemple. Lorsqu’il s’agit de prouver qu’il y a par chez nous des terroristes dont il faut avoir peur.
Ahmed H. a pris dix ans de prison, alors que les faits les plus graves dont il est accusé sont d’avoir parlé avec un mégaphone et lancé des pierres. György Budaházy, à qui l’on a reproché d’avoir méthodiquement organisé des actes terroristes contre l’État de droit, avait quant à lui été condamné à treize ans de réclusion. On peut penser ce que l’on veut de Budaházy, mais regardons le ratio « explosion de bombe » / « jets de pierres » : sérieusement, treize ans pour la bombe et dix pour les pierres ?

Il y a aussi l’affaire de ce médecin qui a versé de la soude sur les organes génitaux de sa maîtresse, et qui n’a été condamné qu’à quatre ans de prison. Lequel de ces crimes est le plus grave ?

On pourrait égrener les exemples encore longtemps. peut-être fallait-il condamner Ahmed H., y compris s’il était avéré qu’il eut fait tout ceci par provocation. Mais dix ans pour ce genre d’actes, ce n’est rien d’autre que l’instrumentalisation de la Justice au service de la propagande gouvernementale, et peu importe qu’elle puisse détruire la vie d’un homme.

Au-delà de la situation d’Ahmed H., le plus inquiétant est que tout ceci soit possible, sans aucune protestation de la part de la population, sans aucune indignation du côté des médias, sans aucune contestation de l’opposition, et en plus avec l’aide de la Justice.
Ce que montre ce silence, c’est qu’une propagande mensongère aussi bruyante suffit à faire de n’importe qui un terroriste. Tant que cela fait les affaires du Fidesz, elle suffit désormais pour qu’un homme se retrouve en prison.

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Aux bains, à Budapest

HU-LALA (Hongrie) - sam, 03/12/2016 - 12:00
Que serait Budapest sans ses bains ? Ce qui est aujourd’hui devenu un argument de vente pour la ville ou des lieux de fête nocturne pour la jeunesse hongroise avait sous l’ancien régime communiste une tout autre connotation.

Aller aux bains relevait en effet d’un rituel à géométrie variable en fonction de votre âge, de votre activité professionnelle ou sportive, de votre quartier, du moment de l’année… Bref, rien n’était dû au hasard, à commencer par le jour et l’heure de la semaine où vous choisissiez de vous rendre aux bains. En effet, mis à part le Gellért et le Széchenyi, les deux bains « modernes » construits à la fin du XIXe et au début du XXe qui étaient ouverts aux hommes et aux femmes tous les jours, les « vrais » bains, hérités des occupations ottomanes qui s’égrenaient côté Buda au bord du Danube ouvraient en alternance à l’exception du Rudas qui n’était réservé qu’aux hommes. Les bains avaient à cette époque-là une vocation sanitaire (tout le monde n’avait pas de salle d’eau) mais aussi et surtout sociale. Les petits vieux s’y retrouvaient le matin, parfois autour d’un jeu d’échecs comme au Széchenyi, les sportifs avaient élu domicile au Rudas, les personnes souffrant de rhumatismes choisissaient le Lukács pour ses bains de boue…

J’avais comme tout le monde à mon arrivée à Budapest essayé le Gellért mais très vite, je devins adepte des vrais bains en fonction de mes disponibilités. Je succombais ainsi moi aussi au rituel, en allant le samedi en début d’après-midi au Rácz, sans doute le moins connu mais qui était le seul des « vrais » ouvert pour les hommes en ce jour de la semaine.

Arrivé à la caisse, on recevait avec son ticket d’entrée un billet avec un numéro. On pouvait aussi acheter pour quelques forint un tout petit cube de savon. Alors commençait l’attente car les places étaient chères et dès qu’un client sortait, une voix depuis l’intérieur criait le numéro de celui qui pouvait entrer. On passait alors la porte et un premier garçon de bains vous remettait un pagne. Un autre garçon de bains vous indiquait ensuite la cabine où vous vous déshabilliez ne gardant que le pagne sur vous. Les visiteurs français étaient souvent frappés par cette impudeur mais oubliaient très vite leur embarras une fois conquis par l’ambiance du bain. Le garçon de bains vous donnait un petit bracelet avec une marque en aluminium frappé d’un numéro qu’il inscrivait à la craie sur la petite ardoise à l’intérieur de la cabine avec l’heure de votre arrivée.

Le Rácz était le plus épuré des bains. Il comprenait en sous-sol un grand bassin sous une coupole couverte d’un dépôt vert dû aux émanations de souffre, un sauna sec et un gőzfürdő, bain de vapeur composé de deux salles contiguës avec des températures différentes. Ce qui frappait le plus au-delà de la chaleur moite qui vous enveloppait rapidement, c’était les voix dont la coupole renvoyait l’écho. A plusieurs reprises, j’ai assisté au spectacle saisissant de ces baigneurs pataugeant dans le grand bassin et murmurant un chant quasi incantatoire qui résonnait dans tout l’espace. Après avoir transpiré dans le sauna sec, baigné dans un petit bassin d’eau glacé, le rituel consistait à alterner bain de vapeur et « macération » dans le grand bassin dont l’eau avait juste la température du corps. Après une heure et demi d’aller et retour, le corps rendait en général grâce. Le temps était venu de se reposer. On remontait dans la partie sèche de l’établissement où un énième garçon de bains vous remettait un grand drap blanc amidonné dont vous vous enveloppiez avant de vous coucher dans la salle de repos où régnait un silence impeccable à peine troublé par le cliquetis du coupe-ongles que maniait le pédicure assis dans un coin ou du masseur appelant un client. Un sommeil réparateur vous gagnait alors. Pour sortir, il fallait retrouver sa cabine, donner au garçon de bain le bracelet avec la marque d’aluminium. Une fois rhabillé, il était d’usage de lui laisser un petit pourboire qui s’avérait bien utile si on était un habitué pour par exemple récupérer une cabine plus vite que le client lambda.

L’ambiance des bains a certes bien changé. Les prix d’entrée ont fortement augmenté et les touristes qui s’y pressent ont lentement remplacé les Budapestois qui petit à petit ont perdu le sens du rituel. Quoiqu’il en soit, rien ne pourra jamais faire disparaître l’ambiance magique qui règne par exemple sous la coupole du Rudas un matin d’été quand les rayons du soleil colorés viennent se perdre dans l’eau du bassin. Le temps suspend alors son vol…

Témoigner du quotidien de l’autre côté du Rideau de fer

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«Budapest, on y vient pour deux jours et on y reste pour toujours !»

HU-LALA (Hongrie) - jeu, 01/12/2016 - 12:00
Mon premier contact avec la Hongrie remonte au mois de mai 1980. J’étais cheminot SNCF et membre d’une association d’amis du chemin de fer qui organisait chaque année un voyage. Par le train, bien sûr ! Cette année là, le voyage devait nous mener à Munich, Vienne et Budapest : deux jours dans chaque ville. Je connaissais Munich, j’ai découvert Vienne à cette occasion, mais j’étais surtout curieux de découvrir la Hongrie, un pays un peu mystérieux parce que situé « derrière le rideau de fer ».

Le train s’arrêtait une heure à Hegyeshalom pour les formalités de douane et de police. A l’extérieur, de chaque côté, se tenait une haie de policiers pour empêcher toute montée frauduleuse. A l’intérieur, avait lieu un minutieux contrôle des passeports tandis qu’un autre policier, en bleu de travail, démontait les faux plafonds pour vérifier si personne n’était caché à l’intérieur. Ces formalités accomplies et les policiers ayant jugé que tout était en règle, le train reprit sa route à petite vitesse ce qui nous permit de profiter du beau paysage de la campagne hongroise.

Nous sommes arrivés à Keleti un peu après 20h00, aussitôt pris en charge par notre guide et invités à prendre place dans un vieil autocar un peu « tape-cul » qui nous a conduit à notre hôtel. Le lendemain nous découvrions Budapest par un circuit à bord du même autocar, puis nous enchaînions sur des visites à caractère technique : les ateliers du métro, le musée des transports, le dépôt des locomotives de la gare de Keleti. Nous avons à cette occasion rencontré des cheminots hongrois, mais comme aucun de nous ne parlait un mot de la langue locale, les échanges se firent par l’intermédiaire d’un interprète, un vieux monsieur qui s’était présenté comme « le Professeur quelque chose », si bien qu’aucune information confidentielle ne risquait de filtrer.

Le programme comportait bien sûr quelques incontournables comme l’église Mátyás, le bastion des pécheurs et un dîner au son d’un orchestre tsigane dans un restaurant au bord du Danube, près de Vigadó tér. Et surtout le Gyermekvasút (« train des enfants ») qui s’appelait à l’époque « le chemin de fer des pionniers » (Úttörővasút) et qui se voulait une vitrine de ce que le régime pouvait faire pour l’éducation des jeunes.

Notre guide était une jeune femme ravissante parlant un français impeccable et nous lui posions beaucoup de questions. Mais il ne fallait pas aborder les sujets qui fâchent ! L’un de nous qui s’était hasardé à lui parler de 1956 s’entendit répondre d’un ton agacé : « Mais enfin pourquoi les étrangers choisissent-ils toujours cette date ? »

Deux jours plus tard, nous reprenions le chemin du retour, mais j’étais resté sur ma faim de découvrir un peu plus cette belle ville de Budapest qui m’avait enchanté. J’y suis revenu six fois passer une semaine, avant et après la transition de 1989. Et il faut croire que le virus de la Hongrie m’a mordu très fort, car arrivé à l’âge de la retraite, j’ai décidé de quitter la France et de venir m’installer en Hongrie. J’y suis aujourd’hui très heureux et je ne regrette pas mon choix. Et il m’arrive de dire à mes amis hongrois, qui prennent la boutade pour un compliment, que leur beau pays est dangereux : on y vient pour deux jours et on y reste pour toujours !

Témoigner du quotidien de l’autre côté du Rideau de fer

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Un Syrien condamné pour l’exemple en Hongrie ?

HU-LALA (Hongrie) - jeu, 01/12/2016 - 08:31
Mercredi, un homme Syrien de quarante ans a été condamné à dix ans de prison par le Tribunal de Szeged pour avoir pénétré de force en Hongrie en septembre 2015, au plus fort de la crise migratoire.

C’est entravé aux pieds et aux poignets et serré de près par des policiers anti-terroristes encagoulés qu’Ahmad H. a écouté le verdict. Après quatorze mois de détention préventive, il a écopé de dix années de prison. Deux chefs d’accusation ont été retenus contre lui : franchissement illégal de la frontière et jets de projectiles sur les forces de l’ordre. Des « actes de terrorisme » pour lesquels il encourait la prison à perpétuité. Faute de preuves solides contre lui, la Justice hongroise lui a infligé la peine minimale prévue par le Code pénal. La Défense a fait appel de ce jugement rendu en première instance…tout comme le Procureur de la République.

Le 15 septembre 2015, le gouvernement de Viktor Orban avait fait sceller sa frontière avec la Serbie pour bloquer le flux des migrants sur la « Route des Balkans ». Une foule s’était amassée le long des barbelés dans les heures suivantes. Quelques dizaines d’hommes s’en étaient pris aux forces de l’ordre en lançant des projectiles en leur direction, échaudés par la tension latente et par des déclarations de la chancelière allemande Angela Merkel interprétées trop rapidement comme des laisser-passer. Retranchées de l’ordre de l’autre côté de la barrière, celles-ci avaient répliqué avec des gaz lacrymogène et des canons à eau, blessant légèrement une centaine de personnes. Dans la confusion, plusieurs dizaines de personnes avaient réussi à pénétrer sur le territoire hongrois, dont Ahmad. Il sera arrêté plusieurs jours plus tard à Budapest, en possession des passeports de ses proches, ce qui sera abondamment présenté dans la presse pro-gouvernementale comme la preuve que la police tient un terroriste.

Pour les organisations d’aide aux réfugiés qui soutiennent l’accusé (AI, Comité Helsinki, Migszol), la sévérité du jugement dépasse l’entendement. Le sort de ce père de famille apparait d’autant plus cruel qu’il n’était lui-même pas clandestin, mais résident à Chypre et donc en possession de documents qui lui permettaient de voyager librement et en toute légalité dans l’espace Schengen. C’est en effet pour aider ses parents âgés et d’autres membres de sa famille fuyant la Syrie en guerre qu’il les avait rejoints sur la « Route des Balkans », comme le relate Amnesty International :

« Tandis que ses parents, qui sont âgés, se lançaient dans le périlleux voyage qui les amèneraient jusqu’en Turquie avec son frère, sa belle-sœur, ses nièces et ses neveux, Ahmed prenait ses dispositions afin de mettre sa vie entre parenthèses et les aider à atteindre un lieu sûr en Europe. Sa connaissance de l’anglais et du grec, ainsi que son statut de résident de l’Union européenne aideraient, pensait-il, à faciliter leur périple. »

La Justice a-t-elle voulu faire un exemple ? Plus d’un an après la fermeture de sa frontière et deux mois après l’échec de son référendum pour s’opposer aux quotas de migrants de la Commission européenne, le gouvernement hongrois continue à faire du « péril migratoire » un enjeu électoral. La pression risque d’être maximale sur lui pour la libération d’Ahmad H.. Le verdict a en effet été énoncé en présence de l’ambassadeur de Chypre, d’un représentant de l’Ambassade des États-Unis et d’Amnesty International.

Sources : Reuters, Amnesty International, Index.hu

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Les socialistes hongrois se rallient à l’idée de primaires à gauche

HU-LALA (Hongrie) - mer, 30/11/2016 - 21:10
Le Parti socialiste hongrois (MSzP) a annoncé ce mercredi avoir adressé aux autres partis de gauche une proposition pour une primaire commune de l’opposition progressiste en vue des élections législatives de 2018.

La révolution de palais se poursuit chez les socialistes hongrois du MSzP. La nouvelle direction, issue du congrès de juin dernier, a décidé de tenter de rallier les partis de gauche au principe d’une primaire commune, d’ici les élections législatives prévues au printemps 2018. Selon des sources internes citées par Index.hu, le principal parti d’opposition a envoyé une invitation en ce sens à plusieurs organisations de gauche : Ensemble (Együtt, social-libéral), Dialogue (Párbeszéd, écologiste), MoMa (libéral) et à la Coalition démocratique (DK) du dissident socialiste Ferenc Gyurcsány. Le petit parti LMP, le Parti libéral (MLP) et le Parti de gauche (Balpárt) n’ont pas été destinataires de l’offre de rassemblement, en raison notamment du veto de DK et de désaccords stratégiques majeurs.

Les « sept conditions » du MSzP

Le bureau politique du MSzP a néanmoins émis sept critères pour opérer le rassemblement de la gauche autour d’une primaire. Les principales exigences des socialistes portent sur la formulation d’un accord politique minimal – situé quelque part entre un programme commun et un accord technique de coalition -, l’organisation de primaires dans toutes les circonscriptions du pays pour départager les candidats à la députation élus au scrutin majoritaire, ou encore l’acceptation des résultats par tous les partis engagés dans ce processus de désignation.

Petite révolution de palais chez les socialistes hongrois

Le MSzP a laissé en suspens la question sensible de la tête de liste nationale, c’est-à-dire du candidat commun au poste de Premier ministre. La formation socialiste a néanmoins indiqué ses préférences pour un vote le même jour que les désignations par circonscription. Tous les partis seraient mis à contribution pour financer l’opération et répartir les coûts d’impression et de développement informatique. Le choix du calendrier reste également ouvert, même s’il reste assez peu de temps pour mettre en place un tel dispositif. Avec un vote organisé vraisemblablement à l’automne 2017, les détails techniques devront sans doute être réglés d’ici l’été prochain.

Une rupture dans l’histoire de la gauche hongroise

Si la primaire de la gauche hongroise se concrétisait, ce serait là une opération inédite dans l’histoire politique hongroise, dont il est encore difficile de mesurer les implications. Issue en juin dernier des rangs du parti Dialogue par la voix de Gergely Karácsony, cette proposition est perçue comme une façon de sortir par le haut de l’impasse dans laquelle est plongée actuellement la gauche hongroise. Fragmentée comme jamais auparavant, ses lignes de fracture, allant de l’héritage communiste à la politique néolibérale qui a prédominé entre 2002 et 2010, sont régulièrement ravivées par la compétition intense que se livrent les appareils dans l’opposition à Viktor Orbán.

Jusqu’à présent, cette situation a largement profité au Fidesz, dont la popularité continue de croître, malgré l’échec du référendum d’octobre dernier. L’organisation d’une primaire de gauche dans tout le pays permettra aux partis progressistes de retrouver la route des villages et des petites villes dont ils ont été chassés peu à peu ces dix dernières années, par le parti de Viktor Orbán et par le Jobbik (extrême-droite). Elle permettra également de répondre à une critique récurrente de la droite quant au manque de renouvellement de la classe dirigeante du MSzP et de DK, dont une partie a commencé à militer pour le parti communiste à la fin des années 1980. Alors que le seul vivier de la gauche réside du côté des abstentionnistes, l’organisation d’une primaire commune à ces cinq partis, aura au moins la vertu de clarifier le paysage politique.

Des primaires à gauche pour contrer Orbán ?

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En Hongrie, les violences faites aux femmes sont l’affaire de tous

HU-LALA (Hongrie) - mer, 30/11/2016 - 12:05
En 2013, un médecin de Buda a attaqué sa compagne à la soude dans leur appartement commun. Trois ans plus tard, le procès de l’affaire du « médecin alcalin » vient seulement d’ouvrir à Budapest le 25 novembre dernier, le jour de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes. L’occasion de faire le point sur la situation en Hongrie. Tribune publiée le 29 novembre 2016 dans Kettős Mérce. Verbatim d’un discours prononcé par Nóa Nógrádi au nom de l’association féministe PATENT lors de la manifestation inaugurale de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes le 25 novembre 2016 à Budapest. Traduit du hongrois par Ludovic Lepeltier-Kutasi.

C’est hier, par le plus grand hasard à l’occasion de la journée internationale contre les violences faites aux femmes et de la première de ces seize journées d’action, que l’on a pu lire dans la presse l’ouverture à la Cour d’appel de Budapest, du procès de l’affaire dite du « médecin alcalin ». Cette affaire est connue de beaucoup, la presse se fait l’écho de tous ses prolongements, tandis que plus d’une centaine de personnes ont essayé d’assister à l’audience publique. Ceux qui, par manque de place, sont restés bloqués dehors, étaient en colère et déçus.

C’est tout d’abord avec plaisir que j’ai constaté, en tant que militante et défenseure des droits, l’intérêt des médias et de l’opinion pour cette affaire, ainsi que le soutien à l’égard des victimes et l’indignation envers les faits commis. Mais c’est avec amertume que j’ai également pris conscience qu’il restait difficile d’entrevoir le même intérêt, la même empathie ou la même profonde colère, à l’égard de la foultitude des autres cas qui brisent chaque année en Hongrie la vie de milliers de femmes, jusqu’à causer la mort de plus de cinquante d’entre elles.

C’est vrai que de plus en plus de médias relaient le thème des violences faites aux femmes dans le débat public. Mais jusqu’à présent, l’on a plutôt traité ces faits comme des affaires relevant à la fois de l’exception et de la règle. De l’exception, lorsque leur auteur est représenté comme un monstre anormal et malade, rendant « tout ceci » impossible pour le lecteur ou dans son entourage. Mais s’inscrivant néanmoins dans une régularité suffisante, pour qu’ils n’atteignent pas le palier de sensibilité au-dessus duquel ils provoqueraient, au sein de la société, un tollé général contre des atrocités perpétrées de manière régulière et en tout impunité contre les membres d’un même groupe social.

En réalité et en dépit de toutes choses, les violences faites aux femmes ne sont pas exceptionnelles : leurs auteurs sont des hommes ordinaires, ayant des façons de raisonner assez banales, agissant à partir des normes sociales communément admises, comme lorsqu’ils décident par exemple d’appliquer à leurs victimes la soumission qu’elles devraient à leur mari, ou le sexe qu’elles devraient à leur mec ; comme lorsqu’ils traquent leur ancienne partenaire au nom d’un « sentiment de jalousie » ; ou encore comme lorsqu’ils détruisent la vie de leur ancienne femme en lui enlevant la garde de leur enfant, ou bien en la séquestrant voire l’abusant sexuellement.

L’opinion voit bien que les violences faites aux femmes font partie de la règle – mais il faudrait qu’elle en explique les raisons de cela pour que le problème atteigne le débat public. Car dans les faits, ces violences font bel et bien l’objet d’une certaine banalité : selon les dernières statistiques disponibles, plus de 1,124 million de femmes ont connu depuis leurs 15 ans des agressions physiques, des cas de viols, ou les deux. Parmi elles, 843000 ont été victimes de leur partenaire. Actuellement, plus de 223000 femmes vivent des relations dans lesquelles elles se retrouvent victimes d’adressions physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire.

Répétons encore une fois ces chiffres, ressentons-en le poids :

  • Un-million-cent-vingt-quatre femmes.
  • Huit-cent-quarante-trois-mille femmes.
  • Deux-cent-vingt-trois-mille femmes.

Ces chiffres ne désignent que les femmes ayant subi ou subissant encore des violences physiques ou sexuelles (qui ont été enregistrées comme telles, comme c’est précisé dans la recherche). Mais il existe de nombreuses autres formes de violences avec lesquelles il faut composer.

Beaucoup se plaignent que la ligne d’assistance juridique du PATENT ou encore la ligne d’aide du NANE sont difficiles à joindre, car sans cesse occupées. Malgré nos limites en termes de matériel et de capacités, nous recueillons plusieurs centaines d’appels tous les mois, ce qui montre à quel point de plus en plus de femmes deviennent victimes et cherchent de l’aide. Ces organisations remplissent des missions de service public, dans la mesure où plusieurs milliers de femmes bénéficient, en lien avec ces atteintes aux droits, de prestations de niveau professionnel, d’un soutien vigilant et d’un accompagnement juridique. Le plus difficile là-dedans, c’est que nous ne parvenons pas à traiter autant de cas que nous le souhaiterions, mais aussi que nous ne sommes pas en mesure d’assurer à toutes un quelconque espoir. En Hongrie, il y a entre 70 et 120 foyers de mères et refuges de crise pour les femmes battues (bien sûr il n’existe pas de chiffres fiables à ce sujet), alors qu’il en faudrait au minimum mille (soit au moins dix fois le nombre actuel) pour un pays de 10 millions d’habitants.

Par ailleurs, l’environnement juridique ainsi que les pratiques favorisent systématiquement les auteurs de ces agressions. L’association PATENT officie depuis de longues années, dans le cadre de ses activités de défense des droits, de représentation ou de conseil dans d’interminables affaires juridiques, ce qui nous amène à faire souvent face à des dénouements les plus injustes qui soient. L’agresseur masculin reste dans l’appartement commun puis finalement, le tribunal lui confie la garde de l’enfant. L’on inflige même une amende aux femmes pour qu’elles ne contraignent pas le maintien du lien entre l’enfant et le père coupable d’abus. Les femmes ne sont pas considérées dignes des responsabilités parentales lorsqu’elles ne parviennent pas à préserver leur enfant des mauvais traitements du père. Les agresseurs sont exemptés du versement de la pension alimentaire de l’enfant tant que les litiges portant sur son placement et les conditions de maintien du contact n’ont pas été réglés. Les intérêts matériels de l’agresseur sont davantage défendus par le tribunal que l’intégrité physique et mental des femmes, sans parler bien sûr de leur propre situation économique.

En 2009, le PATENT et NANE ont publié un rapport intitulé « Fermé de l’intérieur » dans lequel il est expliqué comment le système juridique et la jurisprudence entretiennent les victimes des violences faites aux femmes en situation de vulnérabilité. Aujourd’hui, sept ans après, nous venons de publier sa suite, avec pour titre « Dans les filets du droit », à partir de nos expériences les plus récentes. Il y apparaît clairement que le système juridique et son système d’application défavorisent encore les victimes. Les failles systémiques que nous avions alors détectées n’ont pas disparues et sont toujours autant d’actualité sept ans après.

Combien faut-il encore d’années ? de bourreaux échappant à leur peine ? de victimes prises en otage dans leur couple, souffrant sans voir le bout du tunnel, brisées moralement et matériellement des suites de procédures abusives et injustes ? Combien faut-il encore de femmes tuées pour que tout ceci change ?

Les violences faites aux femmes ne sont pas le problème isolé d’un petit groupe d’intérêts spécifique. Si l’on s’en tient aux chiffres, un groupe auquel appartient autant de personnes en Hongrie ne peut pas être petit. Au-delà, il concerne chaque femme dans la mesure où chacune est en danger, en tout cas potentiellement concernée.

Concernée, car chacune peut être victime de la violence à n’importe quel moment. Si tel est le cas, chacune aura à faire face à un système de prise en charge lacunaire, mais surtout à un cadre juridique partial, incrédule, qui blâme les victimes, banalise l’oppression des femmes et est favorable aux agresseurs.

Concernée, car lorsque le système juridique n’applique pas les droits des victimes, il exprime le fait qu’il ne défend pas les droits civiques des femmes, ni leur dignité, leur sécurité, leur intégrité physique ou encore leurs biens économiques, qu’il n’exerce pas envers les femmes les responsabilités que l’État a à l’égard de ses citoyens.

Par ailleurs, les femmes qui ne se considèrent pas comme des victimes sont également indirectement concernées. Il faut bien admettre que les gestes ordinaires agressifs et lourdement sexistes que nous avons toutes expérimentées, prennent place dans une structure de pouvoir et tirent leurs racines dans une manière de voir qui, lorsqu’elles se matérialisent, brisent la vie de nos camarades femmes par milliers, prennent la vie d’une douzaine d’entre elles, et font à la fin l’objet des chroniques judiciaires.

La jeune fille sera oppressée par son premier mec lorsque celui-ci lui dira que si elle l’aime vraiment, il faudra qu’elle couche avec lui, pour les mêmes raisons qu’une autre sera serrée et violée par un type au cours d’un week-end d’intégration. Une femme sera sifflée dans la rue par un groupe de gars massé là pour les mêmes raisons qu’une autre femme sera sexuellement harcelée par son patron. Un homme lambda demandera à sa copine les hommes qu’elle a rencontrés pour les mêmes raisons qu’un autre la bâtera car celle-ci aura croisé son ex dans la rue. Le mari ordinaire exigera d’avoir le dernier mot dans les décisions impliquant la famille pour les mêmes raisons qu’un autre exercera son entière domination sur sa femme, en usant de la violence psychique, économique et physique.

Pour qu’il puisse y avoir un quelconque changement, il ne suffit pas que nous reconnaissions tout ceci, que nous exprimions notre solidarité avec nos camarades femmes ou que nous exercions une pression sur les décideurs à travers une révolte commune.

Les violences faites aux femmes s’inscrivent dans le quotidien et ne surgissent pas de façon spontanée. C’est précisément pour cela que nous devons – au lieu de nous apitoyer ou traiter ça avec dédain – considérer tout ceci comme l’affaire de tous, comme l’objet de notre colère, qui justifie qu’on s’attaque à cet état de fait en tant que citoyennes et en tant que femmes. C’est ce qui permettra que l’opposition aux violences faites aux femmes gagne en efficacité et en professionnalisme, pour que nos camarades femmes soient enfin protégées et considérées comme des citoyennes à part entière par la défense et l’ordre judiciaire.

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1956 et le prétendu mystère Pál Pruck

HU-LALA (Hongrie) - mer, 30/11/2016 - 10:19
Qui est l’homme sur ce vieux cliché de 1956 ? László Dózsa, ce vétéran qui dit se reconnaître dans les traits de l’enfant ? Ou bien Pál Pruck, comme l’affirme sa famille ? En Hongrie, la querelle politico-historique oppose Mária Schmidt, grande ordonnatrice du soixantième anniversaire de la révolution hongroise et une grande frange de la communauté d’historiens. Avant-propos par la rédaction de Hulala

László Dózsa compte parmi les héros de Budapest acclamés par de grands posters affichés dans les rues de la capitale hongroise, pour accompagner les célébrations du soixantième anniversaire de la Révolution hongroise. Ce vétéran de 1956 l’affirme : il fut le seul survivant d’un groupe de trente insurgés fusillés sommairement dans le centre-ville de Pest, le jour du 5 novembre 56. Suscitant le scepticisme d’historiens, tel László Eörsi, qui n’ont pas eu vent d’un tel événement… Face aux soupçons et aux faisceau d’indices qui s’accumulent contre lui, il continue de prétendre qu’il aussi le héros de la photo.

Mária Schmidt s’en est violemment prise à la mémoire du défunt Pál Pruck – dont la famille affirme qu’il est en réalité l’homme sur la photo – avant de se ratatiner face aux évidences… Elle est tout à la fois directrice du Musée de la Terreur, considérée par ses nombreux détracteurs comme l’historienne officielle du Fidesz, conseillère de l’ombre de Viktor Orbán et maître de cérémonie des célébrations de 56. Des « historiens de la gauche post-communiste » auraient fomenté cette affaire afin de discréditer « sa » commémoration officielle, estime-t-elle.

Cette polémique n’aurait pas été si vive si le Fidesz au pouvoir n’était pas accusé par des historiens et des partis politiques d’opposition de réécrire l’histoire de 1956, en rangeant par exemple aux oubliettes le rôle du communiste réformateur Imre Nagy, héros de la gauche. Le journaliste français Phil Casoar, coauteur de l’ouvrage Les héros de Budapest, sorti récemment en hongrois, a apporté des éléments supplémentaires contre la version officielle défendue par Mária Schmidt. Nous l’avions reçu lors d’une émission de radio consacré à ce livre (cliquer sur le lien). Voici sa démonstration.

Il n’y a pas vraiment de mystère Pál Pruck / László Dózsa. La photo du reporter britannique Michael Rougier, qui est au cœur de l’affaire, a été clairement légendée lors de sa première parution dans Life, le 12 décembre 1956 : « On a man’s mission, Pál Pruck, 15, was one of the many brave teen-agers who fought in the rebellion. » L’éditorial de Life, qui introduit le reportage de ses envoyés spéciaux, nous apprend ceci : « There were six men for Life in Budapest — Photographers Mike Rougier, John Sadovy and Erich Lessing. Correspondents Tim Foote, John Mulliken, Ed Clark. (…) Mulliken and Rougier got themselves adopted by rebels who, anxious that their story get to the world, led them to the scenes of action. »

C’est donc vraisemblablement John Mulliken qui a parlé aux insurgés, aidé forcément par quelqu’un parmi eux qui parlait anglais ; et c’est certainement Mulliken qui a légendé la photo de Rougier d’après ses notes. Il est impossible qu’il ait choisi au hasard « Pál Pruck », Pruck est un nom tellement rare qu’il n’y en a que deux aujourd’hui dans l’annuaire de Budapest. Et c’est une règle du journalisme anglo-saxon de demander le nom, l’âge et la profession des témoins interviewés. Dans le livre que nous venons de publier en Hongrie, Les Héros de Budapest, nous reproduisons une interview de notre héroïne, Julianna Sponga, recueillie le 3 novembre 1956 à Budapest par Russell Jones, correspondant de l’agence United Press et futur prix Pullitzer 1957. La dépêche du journaliste énonce clairement : « Julia(n)na Sponga, 19 ans, ouvrière textile ».

Russ Melcher, vétéran du photojournalisme et auteur de la photo iconique qui fut le point de départ de notre enquête, interrogé au sujet des usages de la profession, est catégorique : « Life mettait toujours les vrais noms. » A chaud, les journalistes ne se sont pas posés la question de la protection des insurgés interrogés ou photographiés. Russ, dont la photo du célèbre couple a fait une double dans Paris Match le 10 novembre 1956, nous avait dit franchement en 2004 : « Vous n’êtes pas conscient des côtés moches, du fait qu’une bande de salauds va s’emparer d’une photo pour l’utiliser dans un but malfaisant. » Ce n’est que dans le numéro suivant de Match, daté du 17 novembre 1956, que l’insurgée qui figure en couverture a le regard caché par un bandeau noir.

Et quand Life a republié fin 1956, la photo de Michael Rougier dans son numéro spécial Hungary’s Fight For Freedom, le nom de Pál Pruck ne figurait plus dans la légende. A ce moment là, on avait pris conscience à l’Ouest de la répression en Hongrie.

Un dernier détail : on a objecté que l’âge de Pál Pruck à l’époque (il approchait de ses 14 ans) ne correspond pas aux 15 ans notés dans la légende. Argument sans poids : le gamin aura probablement triché sur son âge, ou le journaliste se sera trompé en mettant ses notes au propre, ou encore il s’agit d’une coquille du journal. Peu importe.

Bien. Maintenant, laissons de côté le texte sous la photo. Faisons comme si on était face à un garçon anonyme sur la photo de Rougier. Et basons-nous uniquement sur les éléments objectifs, sans tenir compte non plus des témoignages discordants de la fille de Pál Pruck et de l’acteur László Dózsa.

Ne considérons que les photos dont nous disposons. Il existe en réalité trois photos (à notre connaissance) du garçon à la casquette, au long manteau et au fusil trop grand pour lui : celle de Rougier ; une autre prise de plus loin (devant le cinéma Corvin, à un autre moment, car le garçon trimballe une « guitare » au lieu du fusil), laquelle est d’Erich Lessing ; et surtout, et c’est notre Joker, un excellent portrait où le garçon fait face à l’objectif. Cette photo est l’œuvre du photographe britannique David Hurn, qui a longtemps travaillé pour Magnum. Elle est reproduite verticalement en double page dans le livre Cry Hungary ! Uprising 1956, de Red Gadney, préfacé par George Mikes, et publié en 1986. Le visage du garçon est pris pratiquement sous le même angle (un léger trois quart face) que l’une des photos d’identité fournies aux médias par la fille de Pál Pruck. La ressemblance est frappante.

La photo d’identité de Pal Pruck… Photo de David Hurn pour l’agence Magnum.

Vendredi 18 novembre, nous avons téléphoné au photographe David Hurn, qui vit au Pays de Galles. En 1956, David Hurn, qui avait alors 21 ans et dont c’était le premier reportage, avait décidé d’instinct de « coller » aux journalistes expérimentés qui s’étaient installés à l’hôtel Duna. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à accompagner des journalistes de Life (il ne se souvient plus de leurs noms), et à tirer des portraits d’insurgés, dont un du fameux homme à la jambe de bois (János Mész), et celui du garçon à la casquette et au fusil trop grand pour lui.

Pendant que nous discutions au téléphone, j’ai envoyé par e-mail à David Hurn la photo d’identité de Pál Pruck en lui demandant de la comparer à sa propre photo qu’il était en train de regarder sur son ordinateur. Le photographe a réagi ainsi : « I would say this is probably at 90% the same boy, almost certainly is, but I couldn’t swear it. If I had to testified in court, I would say : I think it is, but I wouldn’t definitely say this is him. »

Si l’on ajoute que le même adolescent armé, photographié par Rougier, a donc été désigné comme « Pál Pruck » par Life, et que le garçon figurant sur la photo d’identité qui lui ressemble donc « à 90% », s’appelle lui aussi Pál Pruck, il semble que l’on atteigne les 100% de certitude, non ? Bon, soyons prudents, disons 99,99%… Pour écarter le 0,1% de doute restant, il existe notamment des logiciels permettant de comparer des visages sur des photos. Quelqu’un est-il prêt à lancer une expertise indépendante et à la financer ?

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Hongrie : l’immigration principal danger pour les femmes ?

HU-LALA (Hongrie) - mar, 29/11/2016 - 18:36
A l’occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, le Fidesz a attaqué une énième fois la politique migratoire de la Commission européenne, estimant que les réfugiés représentaient le plus grand danger contre les femmes.

L’Union européenne et sa politique d’immigration permissive seraient les plus grands dangers pour les femmes et les enfants, a déclaré le Fidesz vendredi, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. C’est pourquoi la lutte contre l’immigration est tellement importante à ses yeux, a expliqué le parti au pouvoir dirigé par Viktor Orbán.

Le Fidesz rumine encore ses deux tentatives avortées de contrecarrer le projet européen de relocalisation de migrants : le référendum du 2 octobre puis l’amendement de la Constitution. En visant ainsi les réfugiés, le parti conservateur cherche également à faire oublier les dramatiques situations vécues par de nombreuses Hongroises dans le pays. Selon des statistiques mentionnées par le syndicat Liga en 2013, 20% des femmes hongroises ont grandi dans une famille où le père bat sa femme et au moins 23% ont été battues par leur propre partenaire. En Hongrie, chaque semaine, une femme est tuée par son conjoint.

Malgré cette cécité dans les déclarations du Fidesz, le ministère des Ressources humaines a toutefois pris l’engagement de lutter contre ce type de violence et consacrera près de 3 milliards de forint à cette tâche – des fonds de développement de l’Union européenne – pour étendre le soutien aux victimes et mettre en place des programmes de prévention.

Le sexe sans consentement est acceptable si…

La Commission européenne a dévoilé le 25 novembre les résultats d’une vaste étude portant sur la perception des violences faites aux femmes dans les pays de l’Union. Il ressort de cet Eurobaromètre qu’un quart des Européens estime que les rapports sexuels sans consentement peuvent être justifiés sous certaines conditions, comme la consommation d’alcool ou une tenue ou un comportement provocateurs.

Les répondants en Roumanie et en Hongrie (41%) sont constamment parmi les plus susceptibles de justifier le sexe sans consentement, à l’opposé des répondants suédois et espagnols. Un quart des Roumains interrogés et un cinquième des Hongrois estiment par exemple qu’une relation sexuelle sans consentement est justifiée si une personne rentre volontairement chez elle accompagnée ou si celle-ci porte une tenue vestimentaire provocatrice.

Il y a deux ans, la police de Pécs (dans le sud de la Hongrie) avait créé une vive polémique en produisant des vidéos culpabilisantes pour les victimes de viol.

Message de la police aux Pécsoises : si tu te comportes comme une salope…

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Été 1989 à Budapest

HU-LALA (Hongrie) - mar, 29/11/2016 - 12:00
Alors que la question des migrants divise l’Europe et oppose singulièrement les pays d’Europe centrale et orientale et l’Allemagne, il me revient à l’esprit ce qui s’est passé en Hongrie à l’été 1989.

Notre petite famille franco-allemande était arrivée un an plus tôt à Budapest, la capitale de ce qu’on qualifiait à l’époque de pays le plus gai du bloc soviétique. A posteriori, on peut dire qu’il y soufflait une petite brise de liberté depuis le départ en mai 1988 de János Kádár après plus de 30 ans de règne. Toutefois, le rideau de fer était toujours là et l’Allemagne de l’Est était un interlocuteur privilégié de la Hongrie comme en témoignait l’imposant NDK Centrum, institut culturel de la RDA qui se trouvait idéalement placé à la sortie du métro Deák ter.

Moins de deux cents Français étaient inscrits au registre du Consulat. Les Allemands de l’Ouest étaient encore moins nombreux que les Français formant une communauté soudée autour du Consul dont l’épouse était américaine.

Tout commença pour ce qui me concerne le 6 mai 1989. Je rentrais ce jour-là pour déjeuner dans notre maison située dans les collines de Svábhegy. Je fus surpris de trouver attablé sur la terrasse un couple d’Allemands dont j’appris très vite qu’il venait de RDA et qu’il avait profité de son séjour au Balaton pour mettre à exécution leur passage à l’Ouest. Je me souviendrai toute ma vie de ce déjeuner où nos invités expliquaient leur vie quotidienne en Allemagne de l’Est. J’avais eu l’occasion de faire un voyage en 1979 à Géra et ce qu’ils racontaient me rappelait les échanges que j’avais eus là-bas dix ans plus tôt. Je me souviens des yeux émerveillés de la jeune femme découvrant dans une corbeille près de la table des aiguilles à tricoter et de la laine et nous expliquant qu’elle adorait tricoter mais qu’en RDA, on ne pouvait choisir ni la qualité ni même la couleur de la laine que l’on trouvait au gré d’hypothétiques arrivages. Elle riait en nous expliquant que la couleur de l’année était le violet.

C’est à partir du début du mois d’août que notre couple isolé de début mai fut imité par des milliers de citoyens de la RDA venus passer des vacances au Balaton. La solidarité au sein de la communauté ouest-allemande de Budapest, peu présente en ces temps de vacances fit merveille et chacun dut héberger pour quelques heures ou quelques jours des Allemands de l’Est le temps qu’ils se fassent établir le précieux sésame leur permettant de franchir la frontière « verte ». Les jardins de l’Ordre de Malte de Zugliget était la dernière étape pour eux avec de gagner l’Occident. Une anecdote reste gravée dans ma mémoire. Parmi ces réfugiés, nous vîmes arriver un jour un petit garçon d’une dizaine d’années avec un bras dans le plâtre. Ses parents l’avaient abandonné craignant que son handicap ne soit une gêne pour passer la frontière verte. Quelques jours plus tard, le consul nous annonçait que ses parents avaient été retrouvés à Hambourg. Le petit garçon put leur parler au téléphone. Quand il revint à table après l’échange téléphonique avec ses parents on lui demanda comment ils allaient. « Très bien, nous répondit-il, dans une semaine, nous aurons une voiture et dans deux une maison ! » Je ne pus m’empêcher de penser à l’époque que les déçus du capitalisme allaient être nombreux.

Fin août Gyula Horn, le ministre hongrois des Affaires étrangères annonça que la Hongrie ouvrait ses frontières permettant ainsi à des milliers d’Allemands de l’Est de rejoindre facilement l’Allemagne de l’Ouest via l’Autriche. Cette mesure sonnait le glas de la RDA : deux mois plus tard, le mur tombait.

Témoigner du quotidien de l’autre côté du Rideau de fer

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« Che Guevara n’est pas cool et Fidel Castro n’était pas un héros »

HU-LALA (Hongrie) - mar, 29/11/2016 - 11:23
En Hongrie aussi, gauche et droite se sont écharpées autour de la mort du chef d’État cubain Fidel Castro le 25 novembre 2016, à l’age de 90 ans.

Le gouvernement hongrois a profité de la session parlementaire de ce lundi pour attaquer la gauche sur son rapport ambigu au régime communiste cubain et dénoncer ainsi ses sympathies pour un « dictateur sanglant ». Bence Rétvári, secrétaire d’État au ministère des ressources Humaines, a chargé le premier en accusant Zsolt Gréczy, porte-parole de la Coalition démocratique (DK) d’entretenir la nostalgie du castrisme. Le membre du gouvernement considérant même que les personnes adoptant telle attitude ne pouvaient pas être considérées comme des démocrates.

En cause, un message laissé par Zsolt Gréczy sur sa page Facebook, où il se souvient en ces termes de la visite de Fidel Castro en Hongrie en 1972 : « On avait obligé les écoliers à se placer tout au long de la rocade de Ferihegy pour que nous agitions au passage du convoi des petits drapeaux hongrois et cubains que nous avions collés sur des petits bâtons. Nous avions attendu longtemps dans la chaleur jusqu’au moment où l’armée passa devant nous, en quelques secondes, dans le bruit et le fracas. Nous agitâmes alors les drapeaux avec fierté…, puis plus rien. (…) Ce fut ça notre grande rencontre avec le dirigeant cubain ».

La deuxième charge est venue de Csaba Dömötör, secrétaire d’État au Cabinet du Premier ministre, à l’encontre cette fois de Csaba Horváth, responsable budapestois du parti socialiste hongrois (MSzP). Le dirigeant de gauche avait également publié un message sur Facebook dans lequel il estimait que Fidel Castro avait été une figure historique importante, quelle que soit l’opinion que l’on avait à son égard. Il y ajoutait également que « le Che attendait déjà [Fidel Castro] dans une bodega du paradis, comme l’attendaient les cigares, le rhum et la salsa ». Des propos trop complaisants selon Csaba Dömötör, selon lequel « Che Guevara n’est pas cool, et Fidel Castro n’était pas un héros, mais un dictateur sanglant ».

Budapest, 1972. Fidel Castro salue ses hôtes hongrois. La gare de Keleti en fond (source : indafoto.hu).

Il a bien changé le monde, depuis que le Líder Máximo avait été reçu en Hongrie par le dirigeant hongrois János Kádár, en 1972. Le rapport au passé communiste de la Hongrie est encore un point de crispation important entre la gauche et la droite. Viktor Orbán a notamment bâtit sa « légende » sur son opposition au communisme à la fin des années 1980 et le Fidesz s’est très vite construit autour d’une idéologie revancharde à l’égard des socialistes hongrois, héritiers du parti unique MSzMP. La droite hongroise est notamment connue comme un soutien historique aux dissidents du régime castriste, comme en témoigne l’invitation faite au printemps dernier à Oscar Elías Biscet, militant cubain pour les droits de l’Homme, emprisonné par le régime castriste de 1999 à 2011.

Le site 444.hu n’a pas manqué pas de souligner le paradoxe entre ces positions du Fidesz et les excellentes relations développées au cours des dernières années par le gouvernement hongrois avec le turc Recep Erdogan, le russe Vladimir Poutine, le kazakh Nazarbaïev, l’azerbaïdjanais Aliyev et d’autres dirigeants peu soucieux de démocratie et de droits de l’Homme.

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Le sommet mondial de l’eau débute à Budapest

HU-LALA (Hongrie) - lun, 28/11/2016 - 15:41
Près de 1 800 délégués issus de 117 pays participent au Sommet de l’eau des Nations Unies qui a débuté ce lundi à Millenáris Park, dans la capitale hongroise.

The World Water Summit est organisé conjointement par le gouvernement hongrois et le Conseil mondial de l’eau, une organisation internationale et indépendante qui se bat pour une meilleure gestion de l’eau.

Les conférences se dérouleront en présence des présidents du Tadjikistan et de Maurice, ainsi que du Premier ministre du Bangladesh et de seize ministres de gouvernements étrangers, de représentants d’entreprises et d’ONG, réunis sous le patronage du président hongrois János Áder.

Le traitement des eaux usées et la gestion de l’eau seront au cœur des thématiques abordées. Ce sommet est censé lancer la mise en œuvre des buts et objectifs fixés lors du sommet de Budapest en 2013 qui avait représenté une étape importante dans la finalisation d’un objectif de développement durable autonome sur l’eau à l’horizon 2030.

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