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Mis à jour : il y a 1 mois 2 semaines

Réforme de l’Initiative Citoyenne Européenne : redonner leur voix aux citoyens

jeu, 05/11/2015 - 22:22

http://www.europarl.europa.eu/

Un projet de proposition sur l’Initiative Citoyenne Européenne (ICE) a été présenté par le député György Schöpflin (Hongrie, PPE) en avril 2015. Il a donné lieu à des mois de débat et 127 propositions d’amendements au sein de la commission Affaires constitutionnelles (AFCO). Ses membres ont fini par dégager une position commune sur la manière donc l’ICE doit être révisée, et, le 28 septembre, un rapport sur le projet de proposition a été approuvé à l’unanimité. Le 28 octobre, le Parlement européen, sur la base de ce rapport, a voté une résolution, obligeant « moralement » la Commission à tenir compte de ses remarques.

Quel est l’intérêt de l’initiative citoyenne européenne?

L’Initiative citoyenne européenne est un outil de démocratie participative, introduit avec le Traité de Lisbonne en 2009 et opérationnel depuis février 2012. Il vise à renforcer la légitimité démocratique de l’Union européenne. Il a été accusé à l’époque de « poudre aux yeux » pour faire accepter la signature du Traité de Lisbonne, ersatz à peine dissimulé de la Constitution européenne, rejetée par referendum en France et aux Pays-Bas.

Il consiste, pour les citoyens européens, à inviter la Commission européenne à soumettre une proposition législative au Parlement européen et au Conseil, en vertu de son droit d’initiative. Il faut évidemment pour cela que la proposition entre dans un domaine de compétence de la Commission (autrement dit, le domaine de compétence exclusive des institutions de l’Union européenne). La procédure de l’ICE est détaillée dans le Règlement (UE) n° 211/2011 du 16 février 2011 relatif à l’initiative citoyenne.

L’initiative doit être soutenue par au moins un million de citoyens européens issus d’au moins sept États membres (1/4 des États de l’Union). Un nombre minimum de signataires est requis dans chacun de ces sept États membres. Ce seuil est fonction du nombre de députés européens élus dans les États concernés.

Il ne faut pas confondre l’ICE avec le droit de pétition, garanti par l’article 227 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et l’article 44 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union. Il permet à tout citoyen, individuellement ou collectivement, de soumettre des doléances ou des questions au sujet d’une compétence de l’Union sous la forme d’une pétition. Celle-ci est alors examinée par la commission Pétition (PETI) du Parlement européen. Dans certains cas, la pétition peut donner lieu à une résolution du Parlement, ou à une procédure en manquement de la part de la Commission s’il est constaté que la législation communautaire a été enfreinte par un État membre. Il faut retenir que la principale différence entre l’ICE et le droit de pétition est que la première est du ressort de la Commission tandis que la seconde est du ressort du Parlement européen.

L’ICE : outil démocratique en perdition ?

Le mécanisme de l’ICE est largement sous-utilisé. Depuis avril 2012, date de l’entrée en vigueur de l’instrument, seulement 51 demandes d’enregistrement de proposition d’ICE ont été présentées. Plus préoccupant, l’engouement pour l’ICE a fortement diminué ces dernières années : 16 demandes ont été introduites en 2012, neuf en 2013, cinq en 2014, et deux en 2015.

Sur les 31 initiatives enregistrées (20 demandes ont été rejetées car « juridiquement irrecevables »), seules 18 ont atteint la fin de leur période de collecte (10 ont été retirées avant la fin) et seules 3 initiatives ont atteint le un million de signatures requis. Au fur et à mesure de la procédure, le nombre d’ICE avec une chance d’être traduite dans la législation européenne se réduit donc comme peau de chagrin…

En cause, une procédure lourde et complexe, qui manque de transparence. Notamment, la Commission peut refuser d’enregistrer une demande d’ICE sans vraiment avoir à le justifier. Et elle ne se prive pas de le faire, comme l’atteste le rejet fracassant de la demande « STOP TTIP » pour des motifs discutables.

L’ICE « STOP TTIP » avait pour but de demander à la Commission d’abroger le mandat de négociation pour le TTIP, et de refuser de signer son équivalent canadien, le CETA. Elle a reçu ce mandat au nom de l’Union de la part des chefs d’État et de gouvernement réunis au sein du Conseil de l’Union européenne. Le 10 septembre 2014, la Commission a refusé d’enregistrer l’ICE. La justification est lapidaire : cette proposition d’ICE « est manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités ». Sans plus de précisions.

Le service de communication de la Commission a ensuite vaguement expliqué aux médias que l’ICE ayant pour but de demander à la Commission l’adoption d’un acte législatif, il n’était pas possible de demander l’abrogation d’un acte. En omettant qu’en droit européen, comme partout ailleurs, l’abrogation d’une directive ou d’un règlement passe systématiquement par l’adoption d’un acte d’abrogation… Mais en la circonstance il n’y a pas à proprement parler un acte juridique à abroger. Il faut croire que le TTIP est un sujet politique sensible que la Commission a préféré éluder. Son manque de courage a cependant porté un coup d’arrêt certain à l’ICE, et fini de désillusionner les plus optimistes sur une réforme démocratique de l’Union européenne.

La frustration engendrée chez les organisateurs d’ICE par les refus répétés et insuffisamment argumentés de la Commission européenne d’enregistrer les initiatives a donné lieu à l’introduction de six plaintes devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). Toutes ces affaires sont encore en cours actuellement. La Médiatrice européenne a elle aussi été saisie de deux plaintes. Elle en a déjà clôturé une, en concluant à une mauvaise administration de l’ICE par la Commission.

Ces plaintes sont la preuve que, loin de rapprocher les citoyens des institutions, le fonctionnement actuel de l’ICE accroît l’incompréhension. Il est établit en effet que nombre de demandes d’enregistrement, introduites peu de temps après l’entrée en vigueur de l’ICE, ont été rejetées faute d’une information suffisante et accessible sur ce nouveau droit des citoyens. L’Union européenne donnerait-elle des droits sans permettre de les exercer ?

Réformer l’ICE : un désaccord de fond sur l’intérêt et le rôle de l’instrument

Tout l’enjeu de la réforme de l’ICE est de lui donner l’envergure qui convient à un vrai mécanisme de démocratie participative. Elle doit se rapprocher le plus possible des attentes des citoyens en matière de participation aux affaires européennes.

Cependant, la Commission s’avère particulièrement réticente à avancer dans cette direction, bousculée par un Parlement européen intransigeant avec les droits des citoyens. Le désaccord de fond entre Commission et Parlement sur le rôle et l’intérêt de l’ICE est particulièrement visible dans les déclarations de chacune des parties : le rapport de la Commission de mars 2015 et la résolution du Parlement d’octobre 2015.

En effet, le Parlement européen considère l’ICE comme un « instrument de démocratie participative transnationale » qui donne aux citoyens la possibilité de « s’investir activement dans l’élaboration des politiques et de la législation européenne ». Le Parlement insiste encore lorsqu’il écrit que l’ICE doit permettre aux citoyens de « prendre l’initiative d’inviter la Commission à présenter, dans le cadre de ses compétences, une proposition appropriée concernant des questions dont les citoyens jugent qu’elles doivent faire l’objet d’un acte législatif ». Le Parlement a enfin souhaité mettre l’accent sur le fait que l’ICE « représente une occasion exceptionnelle pour les citoyens de définir et d’exprimer leurs aspirations ainsi que de demander à l’Union d’agir ». Difficile d’être plus clair.

Un enthousiasme et une conviction qui contrastent fortement avec le discours plus réservé de la Commission, qui n’envisage l’ICE que comme un outil permettant de « débattre de questions clés au niveau européen » et de « renforcer la légitimité démocratique de l’Union », en associant « plus étroitement les citoyens à l’établissement des programmes au niveau de l’Union ». Nulle part dans le discours de la Commission il n’est fait mention d’une participation à la législation.

En matière d’ICE, Parlement européen s’oppose ouvertement et frontalement à la Commission. En effet, la Commission n’hésite pas à considérer que les 3 initiatives qui ont recueilli le million de signatures exigé, sur 51 demandes d’enregistrement, et sans que la Commission ne leur ait donné une suite législative, sont une preuve du bon fonctionnement de l’ICE.

Le Parlement européen en tire pour sa part la conclusion inverse ! « La baisse considérable du nombre de nouvelles initiatives est une des conséquences des exigences disproportionnées et de la complexité inutile du système », ce qui doit mener la Commission à prendre « toutes les mesures nécessaires pour promouvoir l’ICE et renforcer la confiance des citoyens ».

Faire de l’ICE un outil de démocratie participative efficace

Déplorant le manque de publicité autour de l’ICE, le Parlement a pressé la Commission et les États membres d’organiser des campagnes de publicité et de promotion autour de l’ICE afin de la faire mieux connaître des médias et du grand public. Un travail préalable de sensibilisation des élus au niveau local et régional au sein des États membres doit venir appuyer ces efforts. Une intervention des élus nationaux serait décisive, mais le souhaitent-ils ? eux, déjà si peu intéressés par les activités du Parlement européen ?

Le Parlement demande aussi à la Commission de prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter la communication autour des initiatives en cours, par exemple en élaborant des applications pour smartphones et tablettes permettant de suivre facilement l’évolution d’une initiative et de signer en ligne. Autre proposition élémentaire dans le domaine du numérique : que les parlements nationaux consacrent une page aux ICE sur leurs sites internet officiels.

Ces mesures sont simples à mettre en œuvre et relèvent du bon sens : sensibiliser le public est fondamental pour faire de l’ICE un outil de démocratie participative efficace.

Enfin, parce que « l’engagement civique des jeunes est fondamental pour l’avenir de toutes les démocraties », le Parlement demande à la Commission d’abaisser l’âge de l’ICE à 16 ans, sans le lier à l’âge nécessaire pour voter aux élections du Parlement européen (âge qui diffère dans chaque État membre). Un âge unique au niveau de l’Union européenne permettrait de faire de l’ICE un véritable mécanisme de démocratie participative transnational.

Soutenir l’élaboration des ICE : réduire les frustration des  au moment de l’enregistrement de la demande

Au moment de l’adoption du Traité de Lisbonne en 2007, l’annonce de la mise en place d’une Initiative Citoyenne Européenne a suscité de grands espoirs et, d’une certaine manière, un regain d’intérêt pour la politique à l’échelle européenne. C’est ainsi que dès l’entrée en vigueur en 2012 du Règlement (UE) n°211/2011 du Parlement européen et du Conseil relatif à l’initiative citoyenne européenne, 16 demandes ont été enregistrées.

Toutefois, le Parlement européen constate que le manque d’informations claires sur l’outil ICE à ses début a « conduit à une conception générale erronée de sa nature et a été source de frustration » et de désillusion. C’est pourquoi le Parlement européen souhaite y remédier autant que possible en invitant la Commission « à fournir des informations pertinentes et complètes – notamment juridiques – le plus tôt possible aux organisateurs d’ICE… afin qu’ils connaissent les possibilités qui s’offrent à eux et ne se heurtent pas à un refus » qui était pourtant prévisible. Une manière de désamorcer le conflit en amont, en somme.

Un soutien juridique plus poussé s’avère crucial dans la mesure où, pour rendre une ICE recevable, il faut posséder un minimum de connaissances en droit de l’Union européenne (compétences de l’Union européenne et compétences des États membres, fonctionnement institutionnel de l’Union, législation existante). Le Parlement européen retient surtout la nécessité de fournir des « orientations plus détaillées » sur l’interprétation des bases juridiques sur lesquelles fonder une ICE. Les centres de contact Europe Direct remplissent déjà partiellement ce rôle.

À l’avenir, le Parlement demande la création d’un « autre organe indépendant chargé d’une mission de conseil » et de suivi des initiatives à toutes les étapes de la procédure. Comme on n’est jamais trop prudent, le Parlement demande en plus à la Commission d’ « envisager de créer un bureau dédié à l’ICE au sein de ses représentations permanentes » dans chaque État membre.

Par ailleurs, une étude effectuée pour la commission PETI du Parlement européen (juillet 2015) proposait la création d’une plateforme en ligne pour permettre aux organisateurs d’ICE de chercher des partenaires potentiels pour soutenir leur initiative dans d’autres États membres. Cette idée semble cependant avoir été abandonnée, alors que les organisateurs auditionnés avaient souligné l’importance cruciale d’un réseau transnational pour la mise sur pied d’une ICE, et les coûts excessifs pour trouver des correspondants dans l’état actuel des choses.

Si la demande d’enregistrement de l’ICE venait à être refusée quand même malgré les conseils prodigués, le Parlement demande que la Commission explique systématiquement et de manière détaillée les raisons du refus, lorsque celle-ci se trouve « manifestement hors du champ de compétence de la Commission ». Dire que c’est le cas ne suffit pas, il faut argumenter ! De plus, des « indications juridiques pertinentes » pourraient aider les organisateurs à reformuler l’ICE si nécessaire.

Ces informations devront être « rendues entièrement publiques afin d’assurer la transparence du processus » et afin que « la validité et l’objectivité complète de ces éléments puisse faire l’objet d’un contrôle juridique ».

L’objectif poursuivi par le Parlement ici est double : d’une part, que chaque initiative permette de préciser le champ d’application du droit d’ICE et que les organisateurs apprennent des erreurs de leurs homologues ; d’autre part, limiter « dans la plus large mesure possible le pouvoir discrétionnaire de la Commission, qui est à la fois juge et partie dans l’évaluation de la recevabilité d’une initiative ».

Améliorer les chances de réussite des initiatives enregistrées : remédier aux incohérences

Une fois une demande d’ICE enregistrée, le délai de 12 mois pour collecter les manifestations de soutien commence automatiquement. Cette situation est problématique dans la mesure où les elle empêche souvent les organisateurs d’ICE de préparer correctement leur campagne d’information, ne sachant pas si leur proposition d’ICE sera adoptée par la Commission, ni quand.

De plus, ce lien automatique est d’autant plus défavorable pour les organisateurs qu’il se couple à un problème technique concernant la certification du système de collecte en ligne des signatures. En effet, conformément à l’article 6 du Règlement (UE) n°211/2011, les organisateurs doivent créer leur système de collecte en ligne et le faire certifier par une autorité compétente d’un État membre. La certification peut être demandée avant ou après l’enregistrement de l’ICE.

Dans les faits, les États membres sont réticents à certifier un système sans avoir la certitude que l’initiative sera enregistrée par la Commission. Le plus souvent, les réponses pour la certification ont donc lieu après l’enregistrement de l’ICE. Sauf que la date de début de la période de collecte reste, dans tous les cas, la date de l’enregistrement de la proposition d’ICE. Il s’ensuit que les organisateurs peuvent commencer immédiatement à récolter des signatures papier, mais doivent encore attendre la certification de leur système pour récolter des signatures numériques.

Au final, le délai de 12 mois pour la collecte des signatures s’en trouve largement amputé. C’était d’autant plus préoccupant que parmi les trois initiatives qui ont atteint le million de signatures, « Stop vivisection » et « Right2Water » ont récolté respectivement 60% et 80% de leurs signatures en ligne.

Il était donc crucial de remédier à cette situation. C’est pourquoi le Parlement européen demande que les organisateurs d’ICE puissent déterminer librement la date de début de la collecte des soutiens.

Plusieurs députés et ONG avaient aussi demandé que la durée de collecte des signatures soit étendue de 12 à 18 mois. Rien ne s’oppose à cette idée sur le fond, mais pas sur la forme : il s’agit d’une modalité fixée dans les traités, dont la révision appartient aux États membres.

Une autre difficulté récurrente pour la collecte de signatures provient des exigences concernant les données à caractère personnel qui doivent être fournies par chaque signataire pour vérifier la véracité de sa déclaration de soutien. Celles-ci varient d’un État membre à l’autre. Ces exigences ont pour but d’éviter les fraudes et les abus, avec par exemple un même individu qui signerait trois fois une ICE grâce à trois adresses e-mail différentes.

Cependant, les exigences de certains États membres apparaissent disproportionnées et largement dissuasives. Ainsi, certaines législations nationales exigent un numéro d’identification personnel (passeport ou carte d’identité). Des critères de résidence ou de lien de nationalité avec un État membre peuvent également être exigés. Le Parlement rappel dans sa résolution que « l’ICE vise à encourager la participation et à influer sur la détermination de l’agenda politique, et non à imposer des propositions contraignantes ».

Le Parlement européen encourage la Commission à continuer de négocier avec les États membres la réduction de leurs exigences. Le 8 octobre 2013, l’Espagne, l’Irlande, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Slovénie ont accepté de supprimer les exigences de nationalité et de résidence pour permettre à leurs ressortissants résidant dans un autre État membre de signer une ICE, et inversement, pour permettre à tous citoyens européen présent sur leur territoire d’apporter leur soutien.

Enfin, afin de ne pas décourager certains organisateurs d’ICE, un meilleur équilibre doit ainsi être trouvé entre protection des données personnelles et responsabilité juridique des organisateurs. C’est pourquoi le Parlement demande que les « comités des citoyens » en charge de l’ICE se voient accorder la personnalité juridique. Ainsi, en cas de manquement dans la protection des données personnelles recueillies, la responsabilité juridique du comité se verrait engagée en tant que personne morale. Actuellement, les organisateurs engagent leur responsabilité personnelle. Cette responsabilité ne devrait pas non plus être illimitée : seuls les actes « illicites et commis intentionnellement ou par négligence au moins grave » devraient engager la responsabilité du comité.

Améliorer les chances de réussite des initiatives enregistrées : apporter un soutien technique

Afin de recueillir des signatures en ligne, les organisateurs d’ICE doivent disposer d’un logiciel de collecte en ligne et d’un fournisseur de services d’hébergement (serveurs) pour stocker les signatures récoltées et les données personnelles associées. Ces fournisseurs doivent respecter un certain nombre de normes strictes afin de garantir la protection des données des signataires.

Très vite, les organisateurs d’ICE se sont plaints de la difficulté à trouver des fournisseurs adaptés à des prix abordables. Ainsi, parmi les 31 initiatives enregistrées, seules deux ont utilisé des serveurs privés (Allemagne). Tous les autres ont profité de l’offre de la Commission européenne « à titre exceptionnel, au-delà des obligations qui lui incombent en vertu du règlement, d’héberger les systèmes de collecte en ligne des organisateurs sur ses propres serveurs, à titre gracieux ».

Il s‘ensuit que le Parlement européen demande à la Commission de stocker les signatures gratuitement sur ses serveurs à titre permanent, en utilisant pour cela les budgets existants au niveau de l’Union.

En outre, tous les organisateurs ont utilisé le logiciel mis gratuitement à leur disposition par la Commission depuis le 22 décembre 2012. Le Parlement demande donc d’améliorer ce logiciel, par exemple en le liant aux réseaux sociaux. À l’heure du Web 2.0, les chances d’une ICE d’atteindre le million de signatures s’en trouveraient significativement augmentées.

Par ailleurs, obtenir un nombre minimum de signature dans un quart des États membre suppose de pouvoir traduire l’ICE. Cette traduction s’avère particulièrement délicate puisqu’il s’agit d’un texte juridique. Les organisateurs d’ICE sont donc régulièrement contraints d’avoir recours à des avocats et des traducteurs juridiques spécialisés, entraînant une augmentation significative des coûts.

Ce n’est pas par hasard si les trois ICE qui ont abouties comptent parmi les huit ayant bénéficié d’un financement (dons) de plus de 10 000€ (jusqu’à 159 219€ pour « Un de nous » contre la destruction des embryons pour la recherche médicale). C’est également la raison pour laquelle, en moyenne, les propositions d’initiative ont été traduites en 11 langues. Seules quatre ICE ont fourni des traductions dans les 24 langues officielles de l’Union européenne. Cette barrière de la langue explique que les organisateurs se focalisent surtout sur un État membre ou deux pour atteindre le million de signatures.

Actuellement, tout ce que propose la Commission, c’est de « vérifier qu’il n’existe pas d’incohérence manifestes et significatives entre la traduction et la version originale ». Environ un tiers des traductions ont dû être révisées (une ou plusieurs fois) suite à cette vérification de la Commission. Les difficultés linguistiques rencontrées par les organisateurs s’avèrent donc préoccupantes et l’Union européenne doit faire plus si elle veut faire de l’ICE un droit effectif.

Cette fois-ci, le salut ne viendra pas de la Commission mais du Comité économique et social européen, qui a gracieusement proposé de mettre à disposition ses services de traduction afin de fournir des traductions gratuites des textes des ICE, et ainsi réduire les coûts d’organisation.

L’importance du financement dans l’aboutissement d’une ICE pousse aussi le Parlement à inviter la Commission « à envisager la possibilité de soutenir financièrement les ICE à l’aide des budgets existants de l’Union », par l’intermédiaire de programmes européens tels que « L’Europe pour les citoyens » (programme de 2007-2013 pour la promotion des échanges transnationaux qui pourrait être renouvelé) et « Droits, égalité et citoyenneté » (programme pour la période 2014-2020 pour le respect effectif des droits fondamentaux).

Donner une raison d’être aux ICE : obliger la Commission à agir

Actuellement, la plus grosse lacune dans la mise en œuvre de l’ICE vient de l’absence d’effets concrets sur la législation européenne. Il en va pourtant de la crédibilité de l’Union aux yeux des citoyens.

Jusqu’à présent, seule l’initiative « Right2Water » a donné lieu à une réaction de la Commission, et celle-ci s’est contentée de lancer une consultation en vue d’une éventuelle révision de la législation sur la qualité de l’eau potable. Ce faisant, elle n’a fait que réitérer les engagements déjà pris.

Le 8 septembre, Lynn Boylan (GUE/NGL, Irlande), s’exprimant au nom du Parlement européen, a regretté que « la Commission n’ait pas présenté de propositions législatives inscrivant l’eau comme un droit humain ». Il y a pourtant urgence à combler le vide juridique concernant la protection de l’eau et sa qualification de bien public à l’échelle européenne.

Dans sa résolution du 28 octobre, le Parlement « prie la Commission de commencer à préparer un acte juridique sur les ICE retenues dans un délai de 12 mois ». Actuellement, la proposition d’une norme européenne à l’issue de la collecte des signatures ne dépend d’aucun délai spécifique. C’est pourquoi, jusqu’à présent, la Commission n’a même pas donné suite aux initiatives « Un de nous » et « Stop vivisection ». Le Parlement européen regrette que ce soit « source de confusion et d’incertitude pour les institutions comme pour le public ». De plus, l’inaction donne l’image d’une Commission dédaigneuse et inabordable.

Et afin qu’une telle image ne déteigne pas sur l’Union européenne en général, et sur le Parlement européen en particulier, ce dernier s’engage à exercer son droit « d’initiative de l’initiative » (article 225 TFUE) afin de rappeler à la Commission ses responsabilités si elle n’a présenté aucune proposition dans ce délai de 12 mois. Une sorte de rappel à l’ordre au nom de citoyens.

Toujours afin d’assurer une meilleure efficience des ICE, le Parlement demande également à la Commission « d’envisager la possibilité, lorsque l’initiative dans son ensemble ne relève pas de ses compétences, de n’enregistrer qu’une partie de l’initiative ».

Enfin, lorsqu’une initiative ne relève même pas du champ de compétence de l’Union européenne, il serait souhaitable que la Commission défère tout ou partie de l’initiative à l’autorité nationale compétent

Assurer un meilleur suivi politique des initiatives

Afin de mieux souligner la dimension politique des initiatives, le Parlement souhaite permettre aux organisateurs d’ICE de débattre avec les eurodéputés et la Commission. La participation d’experts externes pour soutenir les organisateurs devrait être obligatoire.

Actuellement, les organisateurs sont auditionnés lorsque leur initiative a réuni le nombre requis de déclarations de soutien, mais la plus grande confusion règne quant à savoir quel est l’objet exact de l’audition, qui peut intervenir et à quel moment. La nécessité de structurer le débat avec des règles simple et claires s’impose donc.

De manière annexe, l’étude commandée par la commission PETI proposait également de rembourser les frais de déplacement des sept membres du comité des citoyens invités à l’audition. À l’heure actuelle, seuls trois d’entre eux sont remboursés, sans qu’une justification particulière ait été apportée à cela. Cependant, cette proposition n’a pas été retenue par le Parlement.

Afin de s’assurer que les ICE aboutissent et qu’elles ne soient pas ignorées, tant par les décideurs politiques que par les citoyens, le Parlement demande à la Commission de présenter au Parlement un rapport régulier sur l’état d’avancement des ICE en cours, afin de vérifier que ce mécanisme fonctionne le plus efficacement possible. Le Parlement européen souhaite que ce suivi permette d’améliorer la procédure de façon continue en fonction de l’expérience pratique acquise et des arrêts de la Cour de justice.

Conclusion

C’est une proposition de résolution consistante qui a été adoptée par le Parlement européen le 28 octobre. Il n’y a plus qu’à espérer que la Commission européenne en tiendra dûment compte lorsqu’elle présentera une proposition en décembre. Rien n’est moins sûr, au vu de la réticence qu’a la Commission à ouvrir trop grandes les portes de la démocratie directe. C’est sans doute, cependant, une réforme nécessaire afin de redonner confiance aux citoyens dans l’Union européenne et dans leur capacité à infléchir le cours des événements, en participant à la vie politique de la « communauté de destins » élargie qu’est l’Union européenne.

 

Lauriane Lizé

 

     -. Pour en savoir plus :

Droit de pétition, consulter la Fiche technique du Parlement européen : (FR) http://www.europarl.europa.eu/aboutparliament/fr/displayFtu.html?ftuId=FTU_2.1.4.html (EN) http://www.europarl.europa.eu/atyourservice/en/displayFtu.html?ftuId=FTU_2.1.4.html

     -. Pour en savoir plus sur les débats précédents relatifs à la révision de l’ICE :

– consulter l’article d’EU-Logos intitulé « L’initiative citoyenne européenne (ICE) : un outil de démocratie directe en perdition ! » (25 avril 2015) http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/04/25/linitiative-citoyenne-europeenne-ice-un-outil-de-democratie-directe-en-perdition/

– consulter l’article d’EU-Logos intitulé « De « Stop Vivisection » à la réforme de l’Initiative citoyenne européenne : quel avenir pour la démocratie participative européenne ? » (24 juin 2015) http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/06/24/de-stop-vivisection-a-la-reforme-de-linitiative-citoyenne-europeenne-quel-avenir-pour-la-democratie-participative-europeenne/

     -. Projet de rapport de György Schöpflin sur la réforme de l’Initiative Citoyenne Européenne (ICE), le document de travail associé, et la liste des amendements déposés ainsi que les opinions des commissions Affaires juridiques (JURI) et Pétitions (PETI) (FR, EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/organes/afco/afco_20150928_1500.htm

     -. Rapport de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil intitulé « Rapport sur l’application du règlement (UE) n°211/2011 relatif à l’initiative citoyenne européenne » (31 mars 2015) : (FR) http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2015/FR/1-2015-145-FR-F1-1.PDF (EN) http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2015/EN/1-2015-145-EN-F1-1.PDF

     -. Interview de György Schöpflin, rapporteur pour le Parlement européen sur l’ICE, intitulée « Citizen’s initiative : « Every time they reject an initiative, it creates a million eurosceptics » (3 novembre 2015) (EN)   http://www.europarl.europa.eu/news/en/news-room/content/20151030STO00736/html/Citizens%E2%80%99-initiative-%E2%80%9CEvery-rejected-initiative-creates-a-million-eurosceptics%E2%80%9D

     -. Cconclusions de l’Ombusdman à propos de l’ICE, consulter le rapport intitulé « Decision of the European Ombudsman closing her own-initiative inquiry OI/9/2013/TN concerning the European Commission » (septembre 2013)

(EN) http://www.ombudsman.europa.eu/en/cases/decision.faces/en/59205/html.bookmark

     -. Etude commandée par la commission Pétition (PETI) du Parlement européen intitulé « Towards a revision of the European Citizens’ Initiative » qui fait le point sur les défauts de la procédure actuelle (juillet 2015) (EN) http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/519240/IPOL_STU%282015%29519240_EN.pdf

 


Classé dans:Citoyenneté européenne, Questions institutionnelles
Catégories: Union européenne

Cyberespace européen : un modèle de “défense partagée” (1/2)

jeu, 05/11/2015 - 09:08

Octobre a été le mois de la cybersécurité en Europe. Chaque année, à partir de 2012, l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA), en partenariat avec la Commission européenne – notamment la DG Réseaux de communication, contenu et technologies (DG CONNECT) – a déployé une campagne de sensibilisation en matière de cybersécurité. Cette année, l’initiative, visant à changer la perception de la “cybermenace” et à promouvoir la sécurité des réseaux et de l’information, a comptabilisé 242 activités dans 32 pays différents.

Les objectifs de la campagne étaient le développement d’une prise de conscience générale concernant la cybersécurité, et notamment la sécurité des réseaux et de l’information, ainsi que la promotion d’un usage d’internet plus sûr. Pour se faire, la campagne a cherché à réunir tous les acteurs concernés et à améliorer l’intérêt des medias sur la question.

Deux mots-clés reviennent souvent : responsabilité partagée et sensibilisation, deux concepts qui tendent conjointement vers la construction d’un modèle de “défense partagée”. On en verra les raisons.

Le “cyberespace” : dimension du progrès humaine

“Cyberspace. A consensual hallucination experienced daily by billions of legitimate operators, in every nation, by children being taught mathematical concepts… A graphic representation of data abstracted from the banks of every computer in the human system. Unthinkable complexity. Lines of light ranged in the nonspace of the mind, clusters and constellations of data. Like city lights, receding.”

(William Gibson, Neuromancer, 1984)

Concrètement, et selon une conception presque élémentaire, le “cyber” constitue un espace où la vie quotidienne des individus et le fonctionnement des sociétés se développent. La terre, l’air, la mer et l’espace constituent les quatre dimensions traditionnelles qui ont caractérisé l’histoire de la civilisation. Les dimensions où l’humanité a mené ses batailles et qui, au cours des siècles, a réussi à réguler. Le “monde cyber” s’érige en cinquième dimension spatiale dans l’époque actuelle.

Notre société est étroitement dépendante des technologies digitales : la vie quotidienne des citoyens, le fonctionnement de l’administration et de l’économie, des secteurs de la finance, de la santé, de l’énergie, des transports sont tous concernés. Aujourd’hui, tout se déroule dans la dimension digitale et tout dépend des technologies de l’information et des communications (TIC), devenues le “nerf de la croissance” de la société et constituent une “ressource critique”.

Le cyberspace et l’internet sans frontières constituent des moteurs importants du progrès. Ils ont fait tomber les barrières physiques, culturelles et commerciales entre les pays. Ils permettent la diffusion immédiate de l’information et constituent un espace d’exercice de la liberté d’expression et des droits fondamentaux et sont devenus des instruments importants de lutte pour une société plus démocratique. Il suffit de repenser au rôle joué par le web dans le phénomène du Printemps arabe.

Le monde numérique, toutefois, procure autant d’avantages que d’ inconvénients, qui prennent la forme de menaces pour notre sécurité, avec des origines et de buts différents : attaques criminelles, terrorisme, espionnage, attaques de nature politique ou commandées par des États. De manière moins évidente, des incidents humains ou des catastrophes naturelles, telles que conditions météo, perturbations climatiques graves, séismes, inondations et incendies, peuvent endommager gravement les systèmes informatiques, affectant directement ou indirectement la sécurité de nos sociétés. Citoyens, entreprises, gouvernements et infrastructures critiques sont tous concernés.

La “cybermenace” : bouleversement du concept de sécurité

La digitalisation croissante de la société fait du cyberspace un lieu attractif pour les criminels, attirés par le rapport “risque faible-rentabilité forte”. Selon le rapport d’Europol sur le crime organisé sur internet de 2015, on relève une tendance croissante à la cybercriminalité, phénomène qui comprend une large variété d’activités dont les ordinateurs et les systèmes informatiques constituent l’arme ou la cible. Il ne connaît pas de frontières et tend à devenir de plus en plus “agressif et source de conflits”.

“Une cyber attaque a lieux chaque minute, quelque part dans le monde. Plus de 150.000 virus et autres types de codes malveillants sont constamment en circulation. Au moins un million de personnes sont victimes de la cybercriminalité quotidiennement” a déclaré Andrus Ansip, vice-président de la Commission européenne chargé du Marché numérique unique, le 29 septembre 2015.

La cybercriminalité en sens strict, toutefois, n’est pas la seule source de menace dans le cyberespace. Selon le rapport annuel de ENISA de 2014, 65% des incidents dans le secteur de communications électroniques en Europe est dû à des défaillances techniques ou des systèmes.

D’ailleurs les erreurs humaines sont à la base de 20% des incidents. 5% sont attribués à des phénomènes naturels.

Le monde du cyber a complètement bouleversé nos sociétés et, avec elle, les concepts traditionnels de menace et de sécurité. La cybermenace présente une forte nature asymétrique, qui l’a différencie des menaces traditionnelles plus faciles à identifier et à gérer : elle peut être générée depuis n’importe où, et se répandre partout grâce à la connexion totale et globale des systèmes. En effet, le plus souvent, on ne réussit même pas à identifier le lieux d’origine à la base d’une attaque. Elle peut provenir de n’importe qui : gouvernements, organisations criminels, terroristes ou simples individus, en raison de la large diffusion des logiciels électroniques et de l’existence d’un model commercial de Crime-as-a-Service (CaaS) qui permet un accès facile aux produits et services criminels. Elle est immédiate et ne laisse pas le temps de se défendre, ce qui donne une importance centrale à la résilience des systèmes et des infrastructures qui sont endommagés. Elle est parfois imperceptible : on peut souvent être victime d’attaques sans même en avoir conscience.

À la base des cybermenaces se trouve le concept de vulnérabilité : plus un système est vulnérable, plus il risque d’être attaqué. Dans le cas du cyber, même si les systèmes semblent particulièrement sûrs, il reste toujours une part de vulnérabilité. D’un côte, en effet, l’innovation technologique, dont la société actuelle est extrêmement dépendante, crée toujours de nouvelles vulnérabilités qui sont exploitées par les criminels, la créativité étant leur seule limite. De l’autre, on a les lacunes de la législation et le facteur humain. Ce dernier demeure une “variable imprévisible et une vulnérabilité potentielle” en soi. Il constitue souvent le maillon le plus faible de la chaîne. Ainsi, le rapport d’Europol rapporte que l’ingénierie sociale (pratique qui exploite les failles humaines, comme la naïveté ou la méconnaissance, pour escroquer et acquérir de manière déloyale de l’information) constitue un instrument efficace communément utilisé par les cybercriminels, pour des méfaits qui vont de la fraude à des attaques complexes qui se déroulent en plusieurs phases.

La prévention et la gestion d’une telle menace, comme la garantie de hauts niveaux de sécurité, ne peuvent être effectifs que si tous les acteurs de la chaîne sont activement inclus : le secteur privé (fabricants d’équipements, les développeurs de logiciels et les prestataires de services), le secteur public et les utilisateurs finals. Du fait de “l’inconcevable complexité” (“Unthinkable complexity”) remarquée par Gibson, la coordination de tous ces acteurs est cruciale pour limiter la vulnérabilité des systèmes. Une approche holistique est nécessaire car la sécurité d’un système est toujours déterminée par le maillon le plus faible de la chaîne.

Le paradigme de la sécurité change donc complètement par rapport à la situation westphalienne où l’État est le seul sujet chargé de garantir la sécurité. Aujourd’hui, on est en présence de ce qu’on appelle le “governance gap” : l’État n’est plus le seul acteur de la sécurité. De là découle une responsabilité partagée, à l’origine du concept de “défense partagée”. La sensibilisation et la prise de conscience par toutes parties de la société du fait que la cybersécurité nécessite une responsabilité partagée, se révèle donc comme une étape fondamentale pour construire une défense solide et effective contre le cybercrime. C’est pourquoi l’Union européenne les a inclus dans sa stratégie de cybersécurité de l’UE de 2013.

La “cybersécurité” : contrer les cybermenaces dans le cyberespace en Europe

Les cybermenaces ont un impact négatif sur l’économie, sur les marchés, sur la compétitivité des pays, sur les droits fondamentaux des citoyens et sur la société en générale.

La sécurité des TIC est un élément fondamental à la base de la confiance des consommateurs dans l’économie en ligne : comment peut-on parler d’économie digitale et progresser vers un marché numérique unique européen si on n’a pas confiance dans les instruments digitaux et les réseaux en ligne ?

Dans le cas le plus extrême elles peuvent aussi devenir des instruments de pouvoir stratégique dans le cadre des relations internationales entre les pays.

La cybersécurité devient doc un élément tout à fait stratégique pour les Gouvernement nationaux et donc, une priorité en termes de développement de l’économie, de défense et de sécurité publique et nationale. À cette fin, les États Nationaux et l’Union Européenne aussi ont développé des stratégies, des politiques et des mesures législatives.

En février 2013 la Commission Européenne a lancé la Stratégie de cybersécurité, visant à la réalisation d’un cyberespace “ouvert, sûr et sécurisé”. Dans le cadre de la première priorité de la stratégie, “parvenir à la cyber-résilience”, la Commission a focalisé une attention particulière à l’action sensibilisatrice et au concept de responsabilité partagée entre pouvoir publique et privé, afin de prévenir, détecter et gérer les incidentes de cybersécurité.

La stratégie reconnait la contribution particulière apportée par ENISA notamment à travers l’initiative du Mois européen de la cybersécurité. La stratégie souligne : “L’utilisateur final joue un rôle crucial dans la sécurité des réseaux et systèmes informatiques : il doit être informé des dangers qu’il court dans l’environnement en ligne et être habilité à prendre des mesures simples pour s’en prémunir”. Les pratiques élémentaires de cyber hygiène, par exemple, impliquant le contrôle des contacts et des paramètres de sécurité, la mise à jour des applications, des softwares et des systèmes opérationnels, jouent un rôle fondamental pour la réduction des vulnérabilités.

Parallèlement à la stratégie, la Commission a lancé aussi une proposition de Directive concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et de l’information dans l’Union (SRI). La directive, selon les paroles du Commissaire Ansip, représente la “première pièce de la législation européenne sur la cybersécurité”. Son objectif principal est celui de garantir un environnement numérique sécurisé sur tout le territoire de l’Union afin de répondre de manière efficace aux nombreux et divers défis. Une des mesures principales de la directive prévoit l’obligation pour les fournisseurs d’infrastructures critiques (secteurs de l’ énergie, des transports, secteur bancaire et de la santé) d’adopter des mesures pour la gestion des risques sur les réseaux et rapporter les incidents les plus conséquents aux autorités nationales.

La procédure législative pour l’adoption de la directive est actuellement en attente de la position du Conseil en première lecture et sa finalisation a été clairement sollicitée dans le programme européen en matière de sécurité du 28 Avril 2015 et dans la Stratégie du marché numérique unique du 6 mai, dont les textes ont consacré des parties spécifiques à la cybersécurité.

Entre les mesures concrètes déjà adoptées au sein de l’Union, il y a la Décision-cadre de 2001 concernant la lutte contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces. Selon la position de la Commission, toutefois, elle “ne reflète la réalité courante et les nouveaux défis, tel que la monnaie virtuelle et le paiement mobile”. Cette considération peut-elle anticiper une proposition de révision de la décision cadre ?

Á coté de celle-ci figure la Directive e-Privacy du 2002 qui prévoit l’obligation des fournisseurs des services de communication électronique de garantir la sécurité des services et la confidentialité des informations des clients. Dans ce cas, une prévision explicite de réforme est envisagée dans la Stratégie du marché numérique, une fois que les nouvelles règles sur la protection des données seront adoptées.

Enfin, il y a la Directive du 2011 sur la lutte contre les abus sexuels, l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie, et la Directive de 2013 sur les attaques visant les systèmes informatiques. Cette dernière, visant à criminaliser l’usage des instruments tels que les logiciels malveillants et à renforcer le cadre pour l’échange d’informations sur les attaques, aurait due être transposée par les États Membres avant le 4 septembre dernier.

Le concept de responsabilité partagée dont on a parlé auparavant s’étend aussi dans la dimension extérieure de l’Union Européenne, qui préconise la création de nouveaux instruments internationaux pour réguler le cyberespace. La stratégie de 2013 donne beaucoup d’importance aux relations avec des organisations tels que le Conseil d’Europe, l’OCDE, les Nations Unies, l’ OSCE, l’ OTAN et aussi avec les pays tiers. Au niveau bilatéral, l’Union Européenne s’est engagée dans un programme de cyber diplomatie, à propos de laquelle le Conseil a adopté ses conclusions en février 2015. Des plateformes de cyber dialogue ont été ouvertes avec la Chine, l’ Inde, le Japon, la Corée du Sud et notamment avec les États Unis, avec lesquels l’Union a instauré un groupe de travail spécifique sur la cybersécurité et la cybercriminalité.

Enfin, un rôle actif des Agences européennes tels que Europol, Eurojust et l’Agence Européenne de Défense, est prévu dans le programmes et dans les actions visant à sécuriser le cyberespace. De plus, de nouvelles agences dont l’action vise exclusivement le cyberespace, ont été créées : en 2004, l’ Union a donnée naissance à ENISA qui s’occupe d’améliorer la résilience des infrastructures critiques et des réseaux de l’information en Europe et en 2013 le Centre Européen de le Cybercriminalité (EC3) a été crée au sein d’Europol.

Les agences, comme on le verra dans le prochain article sur le cyber, ont des rôles tout à fait différents. Elles abordent des aspects différents de la cybersécurité, en suivant des approches différentes. Evidemment, cela aussi se déroule en liaison avec l’idée d’une responsabilité partagée.

Paola Tavola

Pour en savoir plus

La cybercriminalité : une priorité du programme européen en matière de sécurité
http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/05/14/la-cybercriminalite-une-priorite-du-programme-europeen-en-matiere-de-securite/

Andrus Ansip, Guarding against online risk: the battle against cybercrime
https://ec.europa.eu/commission/2014-2019/ansip/blog/guarding-against-online-risk-battle-against-cybercrime_en

European Cyber Security Month
https://cybersecuritymonth.eu

Europol, Internet Organised Crime Threat Assessment
https://www.europol.europa.eu/content/internet-organised-crime-threat-assessment-iocta-2015

ENISA Annual Incident Reports 2014
https://www.enisa.europa.eu/activities/Resilience-and-CIIP/Incidents-reporting/annual-reports/annual-incident-reports-2014

Stratégie de cybersécurité de l’ Union européenne : un cyberespace ouvert, sûr et sécurisé
(FR) http://eeas.europa.eu/policies/eu-cyber-security/cybsec_comm_fr.pdf

Proposition de Directive concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et de l’information dans l’Union
http://www.europarl.europa.eu/registre/docs_autres_institutions/commission_europeenne/com/2013/0048/COM_COM(2013)0048_FR.pdf

Programme européen en matière de sécurité, 28 Avril 2015
http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/documents/basic-documents/docs/eu_agenda_on_security_fr.pdf

Stratégie du marché numérique unique, 6 Mai 2015 http://ec.europa.eu/priorities/digital-single-market/docs/dsm-communication_fr.pdf

2001/413/JAI : Décision-cadre du Conseil du 28 mai 2001 concernant la lutte contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32001F0413

Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conceil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques)
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/?uri=CELEX:32002L0058

Directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie et remplaçant la décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=celex:32011L0093

Directive 2013/40/UE du 12 août 2013 relative aux attaques contre les systèmes d’information et remplaçant la décision-cadre 2005/222/JAI du Conseil
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:32013L0040

Cyber diplomacy : EU dialogue with third countries
http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2015/564374/EPRS_BRI(2015)564374_EN.pdf


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Catégories: Union européenne

La France va-t-elle se réconcilier avec les étrangers ? Son projet de loi sur le droit des étrangers en cours de discussion va-t-il apporter une réponse ?

mer, 04/11/2015 - 22:03
La France est engagée dans une refonte de son droit des étrangers en partie pour se rendre conforme avec ses obligations européennes. D’où qu’ils viennent les signaux sont négatifs et en général les attitudes françaises restent en retrait par rapport à ce que l’on constate d’une façon générale chez beaucoup de nos partenaires européens. Atlantico a bien étudié le phénomène dans son étude sur « les Français et la crise des migrants » (cf. « Pour en savoir plus » et il n’est pas nécessaire de souligner l’attitude fondamentalement différente de l’Allemagne et des allemands.

 

L’opinion française a fluctué et fluctue souvent en fonction des prises de position des politiques : hostile aux votes des étrangers pour les élections locales, puis favorable à 60% ce qui a amené Nicolas Sarkozy à se déclarer favorable, puis retournement de la situation et maintenant (les élections régionales puis bientôt les élections présidentielles s’approchant) chacun a pris le parti de n’en plus parler. Une opinion versatile : tout dépend de la pédagogie que l’on exerce à son égard. L’émotion, sauvent passagère joue aussi son rôle.Un constat s’impose : le contrôle des flux migratoires est une constante depuis ces trente dernières années quel que soit l’habillage qui lui est donné.

 

Le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 23 juillet 2014, adopté en première lecture le en juillet 2015 et le 13 octobre 215 par le Sénat avec modification (cf. infra pour en savoir plus : « le dossier législatif »)

 

Le projet de loi déposé au Parlement à l’initiative du gouvernement poursuit trois objectifs :

 

  • améliorer l’accueil et l’intégration des étrangers régulièrement admis au séjour,
  • renforcer l’attractivité de la France en facilitant la mobilité des talents internationaux,
  • lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière.

 

Le projet de loi généralise le titre de séjour pluriannuel (de deux ou quatre ans) pour l’ensemble des étrangers, après un an de séjour en France. La demande d’un titre de séjour de dix ans (« carte de résident ») pourra être effectuée ensuite directement. Parallèlement, un nouveau parcours d’intégration est défini, marqué par un renforcement du niveau de langue requis et une redéfinition des prestations servies par l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Le passeport « talents », titre de séjour valable jusqu’à quatre ans pour l’étranger et sa famille, constituera désormais le titre unique ouvert aux investisseurs, aux chercheurs, aux artistes et aux salariés qualifiés. L’emploi des étudiants étrangers qualifiés sera également facilité.

 

Le projet de loi précise le droit au séjour des étrangers malades, avec la prise en compte désormais de la capacité du système de soins du pays d’origine à faire bénéficier l’étranger du traitement que sa pathologie requiert. Par ailleurs, il instaure un droit à l’accès des journalistes dans les centres de rétention et les zones d’attente.

 

En matière de lutte contre l’immigration irrégulière, le texte fait de l’assignation à résidence la mesure de droit commun en matière de privation de liberté des étrangers en instance d’expulsion. Il s’agit d’éviter le placement en centre de rétention, désormais réservé aux cas où il y a risque de fuite. Il accroît le niveau des pénalités dues par les transporteurs qui ne respectent pas leurs obligations de contrôle. Il renforce les pouvoirs des préfectures en matière de lutte contre la fraude.

 

Le préfet est autorisé à prononcer des « interdictions de circulation » sur le territoire français d’une durée de trois ans, contre tout ressortissant européen qui constituerait « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ».

 

Un amendement voté à l’Assemblée nationale permet aux enfants vivant en France depuis l’âge de 6 ans, ayant suivi leur scolarité obligatoire et ayant un frère ou une sœur ayant acquis la nationalité française d’acquérir la nationalité française à leur majorité.

 

Un autre amendement voté par l’Assemblée nationale prévoit que les déboutés du droit d’asile n’auront plus que 15 jours pour contester la décision d’éloignement (contre 30 jours pour les autres expulsions d’immigrés) et le tribunal administratif six semaines pour statuer et (non plus un mois). Initialement, le projet de loi prévoyait de raccourcir ces délais à respectivement sept jours et un mois. Il est prévu que ces nouveaux délais s’appliqueront également aux obligations de quitter le territoire français (OQTF) prises lorsque l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, s’il s’est maintenu au-delà de la durée de validité de son visa ou s’il n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire.

 

En première lecture le Sénat a modifié le texte en :

 

  • précisant que le Parlement. détermine pour les trois années à venir le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile,

 

  • subordonnant la délivrance d’un visa de long séjour à la preuve préalable d’une connaissance suffisante de la langue française, à l’adhésion aux valeurs essentielles de la société française et à sa capacité à exercer une activité professionnelle ou à assurer son autonomie financière,

 

  • encadrant la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle en ne la considérant pas comme un principe mais comme une exception,

 

  • remplaçant l’aide médicale d’État (AME) par une aide médicale d’urgence (AMU) limitée : au traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, aux soins liés à la grossesse et ses suites, aux vaccinations réglementaires et aux examens de médecine préventive,

 

  • prévoyant qu’en cas de non-respect par l’étranger en instance d’éloignement des prescriptions de l’assignation à résidence, le juge peut prononcer une peine d’amende,

 

  • supprimant l’obligation de signature des vignettes visas, afin d’accélérer le traitement des demandes de visas déposées dans les consulats, d’améliorer la productivité des services consulaires et renforcer l’attractivité touristique de la France.

 

Une question demeure quel sera l’impact de la crise migratoire sur les débats et l’adoption des textes ? Quelle sera la lecture qu’en fera la Commission européenne, sans oublier la Cour de Justice européenne, voire même la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ? Encore un long chemin à parcourir.

 

 

Pour en savoir plus :

 

-. Site du ministère de l’immigration http://www.immigration.interieur.gouv.fr/?page=dossiers_them_imm&numrubrique=237

 

 

-. Historique : ’arsenal législatif et réglementaire en vigueur à la date du 23 mars 2007 http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/immigration-2006/reglementation-legislation-flux-migratoires/

 

-. Imiter l’immigration subie, promouvoir l’immigration choisie http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/immigration-2006/immigration-choisie-immigration-subie/

 

-. Chronologie :histoire de l’immigration en dates http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-immigration/chronologie-immigration/

 

-. Entrée, séjour, travail, éloignement : le statut des étrangers http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-immigration/legislation-reglementation-statut-etrangers-entree-sejour-travail-eloignement/

 

-. Orientation de la politique d’immigration, septième rapport du Secrétariat général du Comité interministériel du contrôle de l’immigration http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/114000189/index.shtml

 

-. Qui est citoyen ? Comment devient-on citoyen en France ? http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/citoyen/citoyennete/citoyen-france/comment-devient-on-citoyen-francais.html

 

-. Citoyenneté et droit de vote des étrangers http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-immigration/droit-vote/

 

-. Quels sont les droits des étrangers en France ? http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/citoyen/citoyennete/citoyen-france/quels-sont-droits-etrangers.html

 

-. Vote des étrangers : qu’en est-il en Europe ? http://www.vie-publique.fr/actualite/alaune/vote-etrangers-qu-est-il-ailleurs-europe.html

 

-. Dossier législatif http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/droit_etrangers.asp

 

-. Etude d’impact (Legifrance gouv.fr) http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-relatif-au-droit-etrangers-france.html?xtor=EPR-56

 

-. Atlantico : les français et la crise des migrants http://www.atlantico.fr/decryptage/51-francais-opposes-accueil-migrants-crise-humanitaire-aux-rates-immigration-cles-pour-comprendre-qui-structure-vraiment-opinion-2314983.html


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Appel de la Fédération internationale des journalistes(FIJ) aux membres des Nations Unies : mettre fin à l’impunité des auteurs de violences contre les journalistes

lun, 02/11/2015 - 21:53

Au cours de la dernière décennie plus de 700 journalistes ont été assassinés ? La FIJ demande donc une coopération parmi les membres des Nations Unies et des mesures économiques ciblées pour mettre fin à l’impunité pour les violences contre les journalistes. Que les Etats membres des Nations Unies de s’engagent à rechercher et à étendre la coopération judiciaire dans les investigations et les poursuites des assassins de journalistes.

La FIJ, qui vient de lancer sa campagne annuelle contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes, demande également aux institutions financières et aux bailleurs de fonds d’adopter parmi leurs critères d’aide au développement des pays ayant le plus haut niveau de violence envers le journalisme, le respect de la liberté de la presse et la protection des médias. La demande de la FIJ intervient à l’occasion du deuxième anniversaire de la Journée des Nations Unies de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes. La FIJ a organisé notamment un événement le lundi 2 novembre pour les médias au Résidence Palace à Bruxelles. De nombreuses autres activités sont prévues dans le monde par la FIJ et ses affiliés dans le cadre de sa campagne annuelle qui se déroulera du 2 au 23 novembre.

“Il est important pour les membres des Nations Unies de donner une réelle signification à la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes », a indiqué le président de la FIJ, Jim Boumelha. « Nous leur demandons instamment de coopérer à travers le partage d’expertise techniques et de savoir-faire, de formation ainsi que de bonnes pratiques pour enquêter sur les assassinats de journalistes, et de faire ainsi la différence dans une situation de crise de sécurité pour les médias. Ce type d’assistance exposerait davantage les régimes répressifs qui continuent de mettre le journalisme à l’épreuve et contribuerait à mettre davantage de pression pour qu’ils remplissent leurs obligations internationales ».

La FIJ enregistre le nombre de journalistes et de professionnels des médias tués depuis 25 ans, et dénombre au moins 85 morts depuis début 2015. La fédération indique que peu d’utilisation est faite de la capacité, de l’expérience et des compétences que beaucoup de membres des Nations Unies pourraient partager afin de résoudre les meurtres des journalistes.

La fédération propose une stratégie intégrée dans le Cadre du plan d’action des Nations Unies sur la question de l’impunité et de la sécurité des journalistes. Elle propose notamment de promouvoir une collaboration étroite entre les entités gouvernementales en charge de la mise en œuvre des lois et les institutions internationales spécialisées telles que l’Office des Nations Unies sur la drogue et le crime, afin d’enquêter sur les violences contre les journalistes.

Tout en accueillant la décision de la directrice de l’UNESCO de demander aux gouvernements des informations sur les actions entreprises pour répondre aux assassinats de journalistes, la FIJ note que le système volontaire sur lequel il repose et le fait que l’agence des Nations Unies n’a pas de mandat pour défier les gouvernements affaiblissent l’initiative. Dans de nombreux cas, la réponse des gouvernements indique un manque de preuve pour identifier et punir les auteurs d’attaques envers les journalistes, ou fournit des informations dont l’intérêt est faible.

 

La FIJ travaille depuis longtemps à l’établissement de liens entre développement et aide économique et un engagement véritable envers le respect des droits des journalistes. La fédération figurait parmi les organisations de défense de la liberté de la presse qui ont fait le succès de telles mesures au niveau de l’Union européenne, aboutissant à la suspension du partenariat économique avec le Sri Lanka en 2009. La FIJ est donc convaincue que les sanctions financières ciblées peuvent contribuer à lutter contre l’impunité des assassins de journalistes.

 » En plus de la nécessaire coopération judiciaire entre les gouvernements du monde, la FIJ exige aujourd’hui que les textes internationaux soient appliqués et demande que les Nations Unies mettent tout en œuvre pour les imposer aux gouvernements récalcitrants et aux pouvoirs corrompus » a indiqué Anthony Bellanger, Secrétaire général de la FIJ.

« L’assassinat est un délit et chacun doit savoir que tout délit ne doit pas rester impuni. La FIJ demande donc à l’ONU, ses agences et les autres institutions internationales telles que la Banque Mondiale et le FMI de prendre toutes les mesures restrictives, y compris financières, pour que cessent définitivement les meurtres en toute impunité des journalistes qui ne font que remplir leur mission d’intérêt public. L’impunité fait disparaître la liberté d’expression et par conséquent, la perte, à terme, des droits fondamentaux pour tous les citoyens du monde. Il est temps maintenant que chacun prenne ses responsabilités et les assume. »

La Journée internationale sur la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 2013. La Journée des Nations Unies tombe le jour où deux reporters de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, ont été assassinés à Kidal, au Mali, en 2013. En mai dernier le Conseil de sécurité des Nations Unies adoptait la Résolution 2222 sur la protection des journalistes, la deuxième résolution sur la sécurité des médias suite à sa résolution de 1738 adoptée en 2006 pour la protection des journalistes dans les zones de conflits.

A cette occasion le Secrétaire général des Nations Unies à lancé également son appel « Beaucoup périssent accidentellement dans les conflits dont ils assurent si courageusement la couverture. Mais ils sont trop nombreux à avoir été assassinés pour la seule raison qu’ils voulaient faire connaître la vérité et qu’on les a réduits au silence. Seulement 7% de ces cas sont élucidés, et moins d’un sur 10 de ces crimes fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme », a noté M. Ban dans un message pour cette journée. « Dans un tel climat d’impunité, les journalistes ont de plus en plus peur et certains gouvernements n’ont aucun mal à exercer leur censure ».

Selon le Secrétaire général de l’ONU, il faut redoubler d’efforts pour inverser cette tendance et faire en sorte que les journalistes puissent faire leur métier en toute liberté. « Les journalistes ne devraient pas avoir à s’autocensurer parce qu’ils craignent pour leur vie », a-t-il dit.

Le chef de l’ONU a félicité l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) d’avoir lancé le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité.

La Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, qui a pour mandat de promouvoir la liberté d’expression et la liberté de la presse, a rappelé lundi que ces six dernières années elle a condamné publiquement et sans ambiguïté plus de 540 cas d’assassinats de journalistes, professionnels des médias et producteurs de médias sociaux. Le jour même (lundi 2 novembre) elle a condamné le meurtre d’un journaliste de télévision iraquien, Yahya al-Khatib, qui a été tué par des extrémistes le 16 août à Mossoul où il travaillait pour deux chaînes de télévision par satellite, Al-Mosuliyah et Nineveh Al-Ghad.

Selon Mme Bokova, les efforts effectués dans le cadre du Plan d’action des Nations Unies portent aujourd’hui leurs fruits. « La communauté internationale reconnaît de plus en plus combien il est important d’améliorer la sécurité des journalistes et de mettre un terme à l’impunité », a-t-elle souligné. « De plus en plus d’États mettent en place de nouvelles lois et de nouveaux mécanismes pour s’attaquer à l’impunité et améliorer la sécurité des journalistes. Les systèmes judiciaires et les forces de sécurité ont renforcé leur engagement à cet égard ».

Pour en savoir plus

Texte de la Résolution 2222 du Conseil de sécurité des Nations Unies http://www.un.org/press/fr/2015/cs11908.doc.htm

 

 


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Début imminent de la seconde phase de l’opération EUNAVFORMED

lun, 21/09/2015 - 13:56

La mort du petit Ayan sur les plages de Turquie a permis de secouer l’opinion publique européenne. Conséquence directe, le Parlement européen s’est prononcé ce matin en faveur de la réinstallation de 120 000 migrants en provenance de Grèce, d’Italie et de Hongrie. Si le thème de la relocation des migrants est de loin le plus médiatique, l’Union européenne agit également sur d’autres fronts moins sensibles politiquement. Au moment de la publication de son Agenda sur l’immigration, la Commission avait fait de la lutte contre les réseaux de passeurs et de trafiquants une de ses priorités. C’est dans ces conditions qu’avait débuté l’opération militaire EUNAVOR MED. 

 

Pour rappel, cette dernière devait se dérouler en trois temps. D’abord, l’analyse, l’évaluation et l’échange d’informations en matière de trafic de migrants en Méditerranée. Ensuite, l’appréhension et la saisie des navires suspects en haute mer. Enfin, l’intervention directe dans les pays concernés (principalement la Libye) afin de neutraliser les bateaux avant qu’ils puissent prendre le large. Si la mission a rapidement fait consensus parmi les décideurs européens, nombreux sont ceux qui pensaient qu’elle ne survivrait pas à la phase de monitoring. Le Conseil, réuni en formation Justice et affaires intérieures, en a décidé autrement, ce lundi 14 septembre.

 

Il a en effet été convenu, conformément au calendrier défini en juin, que la première phase de l’opération était un succès et que suffisamment de données avaient été collectées pour pouvoir commencer à s’attaquer aux trafiquants. Le Conseil a donc adopté une « évaluation positive » de la première phase, nécessaire à l’enclenchement de la seconde. Cette première approbation politique va permettre à Enrico Credendino – le général en charge de l’opération – de définir avec les autres parties prenantes, les moyens nécessaires à l’établissement du volet coercitif de la mission. Une fois que ces derniers auront été approuvés et que le commandant de l’opération aura indiqué qu’il dispose des moyens nécessaires, le comité politique et de sécurité du Conseil avalisera le lancement officiel de la seconde phase du plan, baptisée « A2 ». 

 

Cet accord vient sanctionner de manière légale la rencontre informelle entre les ministres européens de la Défense et Federica Mogherini du 2 septembre. Il va permettre d’arraisonner en haute mer les navires des trafiquants. Il faut dire que durant les 5 dernières semaines, plus de 16 occasions d’appréhender des navires de trafiquants se sont présentées. Il était donc temps de lancer la seconde phase du plan. Quelques précisions tout de même, car le lancement de « la phase A2 » soulève deux problématiques. 

 

La première est liée au double refus de Tripoli et du Conseil de sécurité de l’ONU de permettre une intervention dans les eaux territoriales libyennes. Cela va évidemment diminuer l’efficacité de la mission tout en augmentant le facteur risque. Les opérations militaires en mer soulèvent en effet des difficultés matérielles évidentes, d’autant que les trafiquants sont parfois en possession d’armes de guerre. 

 

La deuxième est liée à la nature même de l’opération. En effet, pour échapper aux contrôles les passeurs pourraient être tentés d’abandonner leurs embarcations à la limite des eaux internationales, aggravant le problème humanitaire actuel. Au final, le lancement de la phase A2 d’EUNAVFOR MED pourrait n’être qu’un écran de fumée et conduire à une simple amélioration des missions de sauvetages en mer. Eu égard aux impressionnants moyens employés – 7 navires de guerre (4 italiens, 2 allemands, et un anglais, auxquels devrait s’ajouter très prochainement une frégate de la marine française) et 4 avions (2 italiens, un luxembourgeois, un français) ainsi qu’un hélicoptère anglais -, cela constituerait indéniablement un échec. 

 

Si on en croit les propos tenus par Federica Mogherini le 2 septembre, cette deuxième phase vise avant tout à mettre à mal le « business modèle » des passeurs. La vice-présidente de la Commission est bien consciente que pour porter un coup d’estoc décisif au trafic de migrants, une intervention directe en Libye est nécessaire. Or, comme nous l’avons dit précédemment, une telle intervention est à l’heure actuelle inimaginable. EUNAVFOR MED constitue-t-il dès lors une réponse appropriée? Le Premier ministre libyen, Abdullah Al-Thinni,  nous livre un élément de réponse « Eunavfor med n’est qu’une réponse à très court terme, en réaction aux flux de migration exponentiels que nous connaissons aujourd’hui.  La Libye n’est qu’un pays de transit pour des gens en provenance de toute l’Afrique. Ils ne restent pas, l’UE devrait donc s’attaquer au problème à la source dans ces pays d’origine et ne pas se contenter d’attendre qu’ils arrivent en Libye. » 

 

Tout n’est pas si simple, notamment car l’Union a mis en place un fonds de développement pour ces pays. Martin Schulz, président du Parlement européen, a d’ailleurs vertement rappelé au Conseil que l’Union européenne se devait de continuer à agir à ce niveau-là, à l’occasion de la session extraordinaire du jeudi 17 septembre. Il a encouragé les membres du Conseil à remplir le fonds Madad. En substance, ce fonds créé le 15 décembre 2014 et doté de 40 millions d’euros, doit permettre de venir en aide aux réfugiés en provenance de Syrie et aux pays voisins les accueillant (Liban, Jordanie, Turquie, Irak et Égypte). EUNAVFOR MED n’est donc pas qu’un simple pansement, mais s’inscrit dans l’approche holistique définie par la Commission européenne en mai dans son Agenda

 

Le professeur Dr Andres de Castro, chercheur à l’Académie nationale d’études politiques et stratégiques du Chili apporte par ailleurs une analyse intéressante sur le lancement de la phase A2. En effet, au-delà de la lutte contre les trafiquants,  EUNAVFOR MED est s’inscrit également dans une logique de sécurisation de la Méditerranée. En effet, à l’heure du développement des fondamentalismes religieux en Afrique et au Moyen-Orient, une présence militaire européenne en mer est indispensable. Il serait en effet naïf de penser que les choses se résoudront par elles-mêmes.

 

 

Aurelio Volle

 

Pour en savoir plus : 

     -. Mieux gérer les migrations dans tous leurs aspects: un agenda européen en matière de migration – http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-4956_fr.htm 

     -.EUNAVFOR MED figure de proue de la politique migratoire européenne http://eulogos.blogactiv.eu/2015/07/02/eunavfor-med-figure-de-proue-de-la-politique-migratoire-europeenne/

     -.EU Regional Trust Fund in Response to the Syrian Crisis – http://ec.europa.eu/enlargement/neighbourhood/countries/syria/madad/index_en.htm (en anglais)

     -.Informal Meeting of the EU Ministers of Defence in Luxembourg – Federica Mogherini called for the launch of the second phase of the EUNAVFOR MED operation in order to apprehend smugglers in international waters – http://www.eu2015lu.eu/en/actualites/articles-actualite/2015/09/03-info-defense/index.html (en anglais)

     -.EUNAVFOR MED : Securization of borders ? Dr. Andres de Castro –  http://www.rieas.gr/images/editorial/eunavforandres15.pdf (en anglais)

 


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Catégories: Union européenne

La personne humaine au centre de l’attention de l’Union européenne : le Parlement européen adopte le rapport Ferrara.

lun, 21/09/2015 - 09:15

Les 7 et 8 septembre dernier, le rapport sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2013-2014), présenté par Laura Ferrara, fut débattu puis voté (370 voix pour, 291 contre et 58 abstentions).Les droits fondamentaux qu’est-ce que c’est ?

 

Rappel des textes et accords sur lesquels l’UE a fondé sa politique des droits fondamentaux : traité sur l’Union européenne, traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; la jurisprudence ; les conventions spécifiques (Convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées, Convention des Nations-Unies relative aux droits de l’enfant, Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique etc.).

 

En s’appuyant sur ces textes, le Parlement européen revient sur l’histoire de la construction européenne. Une construction qui est « en partie née pour éviter que se reproduisent les conséquences dramatiques de la Deuxième Guerre mondiale et des persécutions et répressions opérées par le régime nazi, et pour éviter les reculs et retours en arrière en matière de démocratie et d’état de droit par la promotion, le respect et la protection des droits de l’homme ».

 

Dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, État de droit, droits de l’homme…

Le respect et la promotion des droits de l’homme et des valeurs qui lui sont intrinsèques constituent des « obligations pour l’Union et ses États membres et [qui] doivent être au centre de la construction européenne ».

Dans une Union fondée, et même ancrée, sur des valeurs et des principes fondamentaux, le Parlement européen a pourtant saisi l’occasion du débat portant sur le rapport Ferrara pour établir une résolution qui rappelle que « ces droits doivent être garantis à toute personne vivant sur le territoire de l’Union », qu’elles soient citoyennes européennes ou étrangères à l’Union mais se trouvant sur son territoire.

Le Parlement européen a en effet relevé dans ses considérants les conséquences néfastes du chômage (pauvreté, marginalisation sociale), les récentes attaques terroristes, les nombreuses pertes en Méditerranée, la montée des haines et discriminations (racisme, xénophobie …) envers les minorités, les violences faites aux femmes, et bien d’autres violations des droits et libertés fondamentales par l’Union et ses Etats membres eux-mêmes. Des violations et/ou inactions face non-respect de droits et de valeurs qu’ils s’étaient pourtant engagés à promouvoir, protéger et garantir. La résolution parlementaire requière donc de ces derniers un véritable respect des valeurs communes qui font de l’Union européenne ce qu’elle est aujourd’hui. Et il appartient à la Commission, en tant que gardienne des traités, de veiller à l’application de ces derniers (article 17 du traité sur l’Union européenne). Un Parlement qui prône donc un « respect plein et entier des valeurs européennes communes », dans l’adoption et l’application tant des législations nationales que des législations européennes.

 

A ce titre, l’institution encourage l’adhésion de l’Union à la CEDH et se félicite de la désignation d’un Premier Vice-président de la Commission chargé de la protection de l’état de droit et de la Charte des droits fondamentaux.

 

Incitant à l’utilisation immédiate des mécanismes existants afin de remédier à ces « écarts » de conduite, le Parlement a regretté le défaut d’utilisation de l’article 7 du traité sur l’Union. Bien que clairement posé sur le papier, cet article reste somme toute inappliqué. A l’heure actuelle en effet, les critères de Copenhague sont appliqués et permettent de protéger les valeurs européennes, mais se bornent aux Etats candidats à l’adhésion à l’Union. Le Parlement déplore alors le « manque de volonté politique » de recourir à l’article 7 à l’égard des Etats, membres de l’Union, qui sont responsables de violations des droits fondamentaux.

Conformément aux dispositions de cet article, le Conseil européen a la possibilité de constater « qu’il existe un risque clair de violation grave » ou qu’il existe « une violation grave et persistante » par un Etat membre des valeurs visées à l’article 2 et décider de « suspendre certains des droits découlant de l’application des traités à l’Etat membre en question ». Ceci permet donc au Conseil européen de sanctionner, ou au moins de dissuader, les Etats membres de violer les droits fondamentaux. Pour les députés, son utilisation doit alors être promue car il s’agit d’un mécanisme de sanction et de dissuasion efficace pour les Etats membres qui violeraient les droits fondamentaux.

 

La liberté d’expression et des médias, des libertés « fondamentales pour assurer la démocratie et l’état de droit »

Déplorant les nombreuses mesures de répression prises dans certains Etats membres à l’encontre des « mouvements sociaux et des manifestations, des libertés de réunion et d’expression », notamment l’utilisation « disproportionnée » de la force contre des manifestants pacifiques et le faible nombre d’enquêtes dans ce domaine, le Parlement s’inquiète pour le respect des droits fondamentaux en la matière.

Dans sa résolution du 8 septembre, il demande aux Etats membres de ne pas adopter de législations qui interférerait avec le libre exercice de ces droits (droits de manifester, de faire grève, de réunion, d’association, et liberté d’expression) et invite la Commission à veiller à leur respect et au besoin, à intervenir.

 

Prenant en considération la lutte active des Etats membres et de l’Union contre le terrorisme et la radicalisation, le Parlement a rappelé le nécessaire respect des droits fondamentaux, de la démocratie et de l’état de droit, y compris dans cette lutte. A ce titre, les dispositions adoptées par les Etats membres et l’Union doivent respecter les droits de la défense, la présomption d’innocence, le droit à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel. Le Parlement invite d’ailleurs à surveiller tout particulièrement « l’environnement en ligne ». Sur ce point, il convient de relever que dans la résolution, les députés visent tout particulièrement la violation du droit à la protection des données personnelles « commises dans le cadre des activités des services de renseignement des Etats membres et de pays tiers ». Condamnant les activités de surveillance de masse, le Parlement européen incite donc vivement les Etats membres à conformer leurs activités de renseignement aux droits fondamentaux. Des activités qui devraient par ailleurs être soumises à un « contrôle parlementaire et judiciaire ». Le Parlement a en outre réitéré sa demande à l’Union et aux Etats membres « d’adopter un système de protection des lanceurs d’alerte ».

Regrettant la « méconnaissance des citoyens quant à leurs droits en matière de protection des données et de la vie privée et des mécanismes de recours judiciaires », le Parlement européen estime qu’il est « essentiel de familiariser les citoyens, et en particulier les enfants » sur ces sujets, notamment sur les dangers auxquels ils peuvent s’exposer. La résolution prévoit ainsi que les Etats membres mettent en oeuvre des « campagnes de sensibilisation » dans les écoles ; portent une « attention particulière » à la « sécurité du traitement et du stockage » ; offrent la possibilité aux utilisateurs d’internet de faire corriger leurs données à caractère personnel en ligne, sur le fondement du droit à l’oubli (qui n’est pas absolu) et des autres droits fondamentaux.

 

La législation des Etats membres devra aussi permettre « la collecte et l’analyse de données à caractère personnel (y compris les métadonnées) uniquement avec le consentement de la personne concernée ou sur décision d’un tribunal accordée en cas de soupçons légitimes quant à l’implication du sujet dans des activités criminelles ».

 

En cas de violation, la résolution invite les Etats à se baser sur la sanction de la violation de la « confidentialité normale de la correspondance ». La collecte et le traitement de données réalisés de manière illégale devraient donc être sanctionnés de la « même manière ».

 

« La préservation des droits fondamentaux dans la société de l’information actuelle est une question clé pour l’Union ».

 

A ce titre, la résolution parlementaire prévoit une surveillance par la Commission pour tout ce qui concerne la mise en oeuvre de la législation de l’Union dans ce domaine, ainsi qu’une application par les Etats de leur droit pénal (enquêtes et poursuites) pour garantir le respect des droits fondamentaux des victimes. De manière générale, les députés estiment qu’il appartient à la Commission et aux Etats membres de « faire preuve de la plus grande vigilance quant à l’incidence que certaines nouvelles technologies, comme les drones, peuvent avoir sur les droits fondamentaux des citoyens, et plus particulièrement le droit à la vie privée et la protection des données à caractère personnel ».

 

Le « rôle primordial de l’éducation pour prévenir la radicalisation ainsi que la montée de l’intolérance et de l’extrémisme parmi les jeunes »

Instaurer une « véritable culture des droits fondamentaux (…), [qui soit] promue et renforcée dans les institutions de l’Union, mais aussi dans les États membres, notamment quand ils appliquent le droit de l’Union tant en interne que dans les relations avec les pays tiers ». Tel semble être l’objectif fondamental visé par la résolution parlementaire sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne.

Pour les députés en effet, l’ensemble des droits reconnus par la Charte permet d’une part de protéger toute personne se trouvant sur le territoire de l’Union (contre les abus, ingérences et violences), mais constituent également « conditions préalables indispensables pour assurer leur épanouissement personnel intégral et serein ». Or, la résolution parlementaire met en évidence le fait que les individus n’aient souvent pas conscience de ces droits, notamment en matière de protection des données à caractère personnel. Elle entend donc remédier à cela en menant des campagnes de sensibilisation du public et surtout en informant les plus jeunes, en particulier sur les dérives et les dangers liés à internet. Le numérique se développant avec une rapidité fulgurante, l’information et la protection en la matière n’en sont que plus urgentes.

 

Axant son débat sur les discriminations et les violences perpétrées par les forces de police de certains Etats membres à l’égard des minorités (migrants, Roms, LGBTI, personnes handicapées), le Parlement européen estime qu’il est du devoir des Etats de davantage sensibiliser et former les forces de police sur ces méfaits.

 

Le Parlement européen rappelle « l’importance d’un État laïc et neutre comme rempart à toute discrimination contre l’une ou l’autre communauté religieuse, athée ou agnostique, qui garantisse un traitement égal de toutes les religions et croyances »

La liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi que la liberté de pratiquer la religion de son choix ou de changer de religion ou de conviction, sont protégées par l’article 10 de la Charte.

 

Dans sa résolution du 8 septembre, le Parlement a précisé que selon lui, ce droit englobait « aussi la liberté des athées ». Déplorant les « épisodes récents de discrimination et de violences antisémites et anti-islamiques », les députés ont rappelé l’interdiction de toute discrimination et invité les Etats membres (à tous les échelons) à protéger, « par tous les moyens en leur pouvoir » cette liberté. La tolérance et le dialogue interculturel doivent selon eux être mis en exergue.

Une Europe symbolisée par la « recrudescence de l’antisémitisme en Europe et la banalisation des discours niant ou relativisant l’Holocauste », par « la montée du climat antisémite et des discriminations et violences perpétrées » à l’égard des juifs, par « la montée de l’islamophobie, les attaques envers les lieux de culte musulmans et les nombreux amalgames entre la religion musulmane et le fanatisme religieux d’une infime minorité »

Relevant ces atteintes aux libertés de penser, de religion et d’expression, le Parlement a déploré le fait que de nombreux membres de la communauté juive soient désireux de quitter le sol européen, mais aussi les discriminations et violences à l’égard de la communauté musulmane. La résolution parlementaire est stricte et ferme sur ce point : les députés demandent « aux États membres de les condamner systématiquement et d’appliquer une tolérance zéro à cet égard ».

 

Le Parlement européen « déplore fermement que le Conseil n’ait toujours pas adopté la proposition de directive de 2008 relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle »

Saluant néanmoins le fait que la Commission accorde la priorité à cette directive, le Parlement a réinvité le Conseil à l’adopter au plus vite.

 

« Le pluralisme, la non-discrimination et la tolérance font partie des valeurs fondatrices de l’Union en vertu de l’article 2 du traité UE »

Prônant une « société cohésive » et la limitation de « toute forme de préjugés portant atteinte à l’intégration sociale », la résolution invite à développer des politiques promouvant l’égalité et luttant contre « toute forme d’idées reçues » et la discrimination. Les députés ont ainsi regretté « que l’Union connaisse, aujourd’hui encore, des affaires de discrimination, de marginalisation et même de sévices et de violences » fondées sur les différences de sexe, de race, d’origine, de religion et autres. Pour les députés, « l’Union et les États membres doivent intensifier leurs efforts en matière de lutte contre les discriminations et de protection de la diversité », tout en favorisant le renforcement de l’égalité entre les hommes et les femmes. En matière de lutte contre les violences et discriminations commises sur le territoire de l’Union, la résolution requière de la Commission et des Etats membres qu’ils adoptent des « engagements politiques spécifiques pour lutter contre toutes les formes de racisme, y compris l’antisémitisme, l’islamophobie, l’afrophobie et l’anti-tsiganisme ».

 

Elle invite par ailleurs l’Union « à adopter une directive condamnant la discrimination fondée sur le genre et luttant contre les préjugés et les clichés de genre dans l’éducation et les médias ».

 

Le Parlement européen « réclame plus de cohérence de la part de l’Union dans le domaine de la protection des minorités »

Convaincu que l’ensemble des États membres, ainsi que les pays candidats, « devraient être liés par les mêmes principes et critères afin d’éviter d’appliquer une politique de deux poids, deux mesures », le Parlement demande dans sa résolution du 8 septembre que soit mis en place un « mécanisme efficace pour contrôler et garantir le respect des droits fondamentaux de toutes les minorités », qui soit applicable dans les pays susvisés.

 

L’Union européenne, une « zone où le respect de la diversité ethnique, culturelle et linguistique prédomine »

Selon les députés, les institutions européennes devraient élaborer « un système global de protection à l’échelle de l’Union pour les minorités nationales, ethniques et linguistiques afin d’assurer leur égalité de traitement ». Ce système tiendrait compte des « normes juridiques internationales pertinentes et des bonnes pratiques existantes ».

La résolution met en avant le devoir des États membres « de garantir l’égalité effective de ces minorités », et encourage notamment ceux qui ne l’ont pas encore fait « à ratifier et à mettre effectivement en oeuvre la convention-cadre pour la protection des minorités nationales ». Dans le même sens, la ratification et la mise en oeuvre effective de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires est également encouragée.

Des mesures devraient en outre être prises pour « venir à bout des obstacles administratifs ou législatifs disproportionnés qui pourraient entraver la diversité linguistique au niveau européen ou national ».

 

« Les principes de dignité humaine, d’égalité devant la loi et d’interdiction des discriminations, quels qu’en soient les motifs, sont les fondements de l’état de droit ».

Concernant les Roms en particulier, le Parlement s’inquiète de leur situation au sein de l’Union, eu égard aux mouvements anti-Roms et aux nombreuses persécutions, violences, stigmatisations, discriminations et expulsions arbitraires auxquelles ils doivent faire face.

La résolution parlementaire du 8 septembre incite alors à agir de deux manières : en luttant contre les discriminations et violences réalisées à l’encontre des Roms, en particulier à l’égard des femmes et des enfants qui en sont vulnérabilisés (« contre les États membres qui permettent une discrimination et une ségrégation institutionnalisées »), et en encourageant une « réelle intégration » de ces populations (sur le fondement de la recommandation du Conseil du 9 décembre 2013 relative à des mesures efficaces d’intégration des Roms dans les États membres). La résolution invite donc à la mise en oeuvre de « stratégies nationales adéquates d’intégration des Roms en développant des politiques intégrées qui nécessitent un dialogue permanent entre les autorités locales, les organisations non gouvernementales et les communautés roms ».

 

Il appartient ensuite à la commission d’ « assurer le suivi et une meilleure coordination de la mise en oeuvre de ces stratégie ». S’agissant de la gestion, du suivi et de l’évaluation des « projets liés à leur communauté », la résolution prévoit la coopération des Etats membres « avec les représentants de la population rom » et l’utilisation, au besoin, des « ressources financières disponibles, y compris les fonds de l’Union, tout en contrôlant rigoureusement le respect [de leurs] droits fondamentaux, notamment leur liberté de circulation ».

Enfin, la résolution parlementaire demande aux Etats membres d’adopter des dispositions quant à la stérilisation et notamment, conformément à la jurisprudence de la CEDH, d’accorder un « dédommagement financier » aux femmes roms et aux femmes présentant un handicap mental, qui auraient subi une stérilisation forcée.

 

Au sein de l’Union, une femme sur trois a été victime de violences physiques ou sexuelles après l’âge de 15 ans. En 1 an, environ 3,7 millions de femmes subissent des violences sexuelles (Etude de la FRA à l’échelle de l’Union).

 

La résolution parlementaire prône la lutte et la poursuite de « toute forme de violence et de discrimination » à l’égard des femmes. Notons ici que sont également par cette résolution que sont condamnés les phénomènes de violence domestique et d’exploitation sexuelle « y compris celle des enfants réfugiés ou immigrés », ainsi que la lutte contre les mariages précoces ou forcés.

Pour les députés, la question de la violence contre les femmes doit rester une question prioritaire. A ce titre, la résolution parlementaire encourage le lancement de la procédure d’adhésion de l’Union à la convention d’Istanbul « au plus vite ». Le Parlement espère que cela «contribuera à l’élaboration d’une politique intégrée et à la promotion de la coopération internationale en matière de lutte contre toute forme de violence envers les femmes, y compris le harcèlement sexuel en ligne et hors ligne ».

Afin d’aider les femmes victimes de trafic et de prostitution, la résolution parlementaire propose la création de réseaux de soutien et d’hébergement leur offrant un soutien psychologique, médical, social et juridique et les aidant à trouver un emploi stable.

 

Une « approche ferme et dissuasive » et l’application de la « tolérance zéro » :

La résolution du 8 septembre invite les États membres à former « les personnes qui travaillent au contact des migrants et en poursuivant et sanctionnant de manière effective et systématique les auteurs de mutilations génitales ». Une politique « de sanction » qui doit cependant s’accompagner de « campagnes d’information et de sensibilisation adaptées aux groupes concernés ». Le Parlement européen s’est par ailleurs félicité de la prise en considération, parmi les critères étudiées lors de la demande d’asile, des mutilations génitales ; les victimes de telles pratiques devant être selon lui considérées comme des personnes vulnérables.

La collecte des données par la Commission « concernant la fréquence et la nature des violences contre les femmes » permettra notamment de prévenir les violences et de répondre aux besoins des victimes, via l’adoption de « mesures solides ». Il convient par ailleurs de relever la demande des députées à la Commission de faire de l’année 2016, l’année de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles.

Globalement, se fondant sur le rapport Ferrara, le Parlement européen prône une campagne de prescription de toutes formes de violences et/ou discriminations à l’encontre des femmes au sein de l’Union en premier lieu. Une telle campagne doit passer non seulement par la sanction de telles pratiques, mais aussi et surtout par la sensibilisation de la collectivité « afin d’encourager une culture du respect et de la tolérance ».

 

La santé, « un droit fondamental indispensable pour l’exercice des autres droits fondamentaux » :

Partant de ce postulat, le Parlement européen insiste sur le rôle de l’Union « en matière de sensibilisation et de promotion des bonnes pratiques » et sur la nécessité pour les Etats membres de « veiller à la mise en oeuvre de stratégies nationales » dans ce domaine.

Seulement 17, 8% des membres des conseils d’administration des plus grandes entreprises cotées en bourse dans l’Union sont des femmes

Estimant que les femmes sont de manière générale sous-représentées « dans les processus décisionnels, les entreprises et leurs conseils d’administration, le domaine scientifique et le secteur politique, que ce soit au niveau national, international (grandes entreprises, élections nationales et européennes) ou, plus particulièrement, local », la résolution parlementaire invite au soutien des femmes dans leur développement professionnel et leurs efforts pour accéder aux postes de direction.

Les eurodéputés ont en outre demandé au Conseil qu’il débloque la directive sur le congé de maternité, car elle permettra selon eux « une égalité réelle et concrète entre les hommes et les femmes et une harmonisation au niveau de l’Union ».

Le niveau de diplôme des femmes (plus de la moitié des personnes diplômées du 3e cycle) ne se reflète pas sur le marché du travail, notamment au niveau des postes décisionnels.

Dans sa résolution, le Parlement invite donc les Etats membres à adopter les dispositions nécessaires afin de permettre « une participation égale des femmes et des hommes au marché du travail et [de] promouvoir la présence de femmes aux postes de haut niveau », d’autant qu’il est selon déplorable de constater qu’à l’heure actuelle, le taux de chômage des femmes soit encore plus élevé que celui des hommes.

« Au sein de l’Union, à travail égal, le revenu des femmes [est] encore en moyenne 16 % inférieur à celui des hommes »

L’égalité entre les femmes et les hommes doit également avoir lieu en matière de « rémunération, de retraite et de participation au marché du travail », selon les députés, conformément à l’article 157 du traité FUE.

Le Parlement espère, par le biais de cette mesure, lutter contre la pauvreté, « l’indépendance financière des femmes [devant selon lui] être une composante de la lutte contre la pauvreté », et favoriser la pleine exploitation en Europe de « tous les talents disponibles ».

La résolution parlementaire invite la Commission à « renforcer la surveillance du respect du principe d’égalité entre les hommes et les femmes dans la législation européenne; invite les États membres à procéder à une analyse similaire de leur législation nationale;

 

« La santé et les droits génésiques et sexuels sont des droits fondamentaux et constituent un élément essentiel de la dignité humaine, de l’égalité hommes-femmes et de l’autodétermination »

La résolution parlementaire invite au renforcement par la Commission du respect de ce principe d’égalité et la prie « instamment (…) d’inclure la santé et les droits génésiques et sexuels, en tant que droits fondamentaux, dans sa prochaine stratégie de l’Union dans le domaine de la santé pour garantir la cohérence entre la politique interne et externe de l’Union en matière de droits fondamentaux, comme l’a demandé le Parlement le 10 mars 2015

 

Le Parlement européen a reconnu que le fait de refuser de procéder à « un avortement dont le but est de sauver une vie [constituait] une violation grave des droits fondamentaux » et encourage l’éducation sexuelle dans les écoles et le droit d’accéder à des contraceptifs « modernes et sûrs ».

 

Concernant les droits des enfants, il ressort de la résolution parlementaire que doivent être condamnées fermement toutes les formes de « violence et de mauvais traitement envers les enfants ». Il convient à ce titre d’assurer la protection des enfants, et là les États membres sont particulièrement visés car ils sont des États parties à la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, contre « toute forme de violence physique et psychique, dont les actes de maltraitance physique et sexuelle, les mariages forcés, le travail des enfants et l’exploitation sexuelle ». Relevant « le phénomène croissant de la pédopornographie sur l’internet », le Parlement européen prie l’Union et les États membres de « joindre leurs efforts » afin de lutter contre ce phénomène et d’en protéger les enfants. Il invite en outre « l’Union et les États membres qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels ». Le renforcement de la coopération avec Europol est également au programme, afin « d’identifier et de démanteler les réseaux à caractère pédopornographique avec plus d’efficacité, en plaçant les droits et la sécurité des enfants impliqués au coeur des préoccupations ».

 

Sont aussi visés les professionnels s’occupant d’enfants : les enseignants, éducateurs, pédiatres étant les mieux placés pour détecter des signes de maltraitance physique ou psychologique, le Parlement européen requière des Etats membres qu’ils veillent tout particulièrement à la sensibilisation et à la formation de ces professionnels, notamment s’agissant du cyberharcèlement, et mettent en place des lignes téléphoniques permettant aux enfants victimes de s’exprimer et de dénoncer ces actes.

Revenant ensuite sur la protection des données personnelles, le Parlement considère que celles des enfants en ligne « doivent être dûment protégées et que les enfants doivent être informés par des moyens conviviaux sur les risques et les conséquences de l’utilisation de leurs données personnelles en ligne » (campagnes de sensibilisation dans les écoles par exemple).

 

La garantie de l’accès à la justice et des droits procéduraux des enfants sont également prévus.

Le Parlement s’est par ailleurs inquiété de « l’augmentation des cas d’enlèvements parentaux transfrontaliers », en incitant à « approche européenne commune » et au renforcement entre Etats membres de la coopération policière et judiciaire s’agissant de la recherche d’enfants disparus dans l’Union.

Action commune / de concert de l’Union et des EM + internet et ses dangers dans la ligne de mire

« L’intérêt supérieur de l’enfant, tel qu’il figure à l’article 24 de la charte, doit toujours être une considération primordiale dans tout acte et toute mesure relatifs aux enfants » .

 

Il en va de même pour l’éducation, qui est « primordiale non seulement pour le bien-être et l’épanouissement personnel de l’enfant, mais aussi pour l’avenir de la société ». Pour le Parlement, « un enseignement de qualité pour tous » permettrait de résoudre d’une certaine manière le problème du chômage, la pauvreté et l’exclusion sociale.

 

« Les intérêts et les droits des enfants des citoyens de l’Union doivent être dûment protégés, non seulement dans l’Union, mais aussi en dehors de ses frontières ».

 

La résolution condamne ensuite « dans les termes les plus fermes toutes les discriminations et les violences sur le territoire de l’Union commises au détriment des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) ». Prônant ici encore la protection de ces personnes et la lutte contre les discriminations, insultes (etc.), le Parlement par exemple qu’elles seraient « plus susceptibles d’être protégés si elles [avaient] accès à des institutions légales telles que la cohabitation, le partenariat enregistré ou le mariage ». Arrêter de voir les individus transgenres comme des malades mentaux et procéder à la dépathologisation des identités transgenres pourraient également être une solution …

 

« Maximiser les synergies entre la stratégie de l’Union en faveur des personnes handicapées, la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant »

Déplorant les discriminations et exclusions auxquelles doivent encore faire face les personnes handicapées, la résolution parlementaire recommande la mise en oeuvre de la stratégie européenne, le contrôle et l’application des normes concernées. Des mesures d’harmonisation et de mise en oeuvre de la législation sont indispensables afin de protéger ces personnes. Favoriser l’emploi pour ces personnes, respecter leur droit « à participer à la vie politique et aux élections », le Parlement recommande aussi de ne plus retirer directement le droit de vote aux personnes qui perdent la capacité juridique « mais plutôt de procéder à des analyses au cas par cas et de prévoir une assistance aux personnes handicapées au cours des procédures de vote ».

 

« L’article 25 de la charte des droits fondamentaux proclame le droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle »

A l’instar des autres personnes susvisées, les personnes âgées « subissent chaque jour des discriminations et des violations de leurs droits fondamentaux, en particulier en ce qui concerne l’accès à des revenus suffisants, à l’emploi, aux soins de santé et aux biens et services nécessaires » relève le Parlement. La résolution invite donc la Commission à élaborer une « stratégie sur le changement démographique » afin d’appliquer cet article 25.

Préoccupés par les mauvais traitements, les abus et l’abandon des personnes âgées, les eurodéputés demandent aux Etats membres de combattre les abus violences et de « favoriser leur indépendance en soutenant la rénovation et l’accessibilité des logements ».

La dignité des personnes doit aussi être respectée en fin de vie. Ceci implique selon le Parlement de leur garantir la reconnaissance et le respect des volontés qu’ils auraient exprimées dans les dispositions testamentaires.

 

Vers l’élaboration d’ « une stratégie globale de lutte contre les crimes de haine, les violences fondées sur des préjugés et la discrimination »

Pour le Parlement européen, le racisme, la xénophobie, l’intolérance et les préjugés sont inacceptables dans une Union où les droits fondamentaux sont promus et, normalement, garantis. La lutte contre les crimes motivés par la haine doit constituer une « priorité » pour l’Union et ses Etats membres dans l’élaboration de leur législation. Par ailleurs, les Etats membres devraient selon le Parlement mettre en place « une procédure simple permettant aux citoyens de signaler la présence de contenus à caractère haineux sur l’internet ».

 

La formation des personnels des services répressifs des autorités judiciaires et des agences de l’Union concernées est également visée. La Commission devrait soutenir ces programmes et les Etats membres devraient doter les autorités concernées « des compétences et des outils nécessaires pour détecter et combattre les délits (…) pour interagir et communiquer avec les victimes ». La montée des partis politiques « qui fondent leurs programmes sur l’exclusion pour des motifs ethniques, sexuels ou religieux » figure dans le collimateur de la résolution parlementaire, tout comme la « banalisation croissante des actes et discours racistes et xénophobes due à la présence de plus en plus visible dans la sphère publique de groupes racistes et xénophobes, dont certains ont acquis ou cherchent à acquérir le statut de parti politique ». En résumé, le Parlement européen « condamne fermement les pratiques d’intimidation et de persécution à l’égard de minorités, notamment des Roms et des migrants, par des groupes paramilitaires dont certains sont directement associés à un parti politique », de telles pratiques devant être interdites et sanctionnées.

 

La résolution souhaite en outre remédier à la marginalisation et à l’isolement des personnes sans-abris, en favorisant leur intégration dans la société.

 

Droits des migrants et des demandeurs de la protection internationale

« Des mesures énergiques et obligatoires pour éviter de nouvelles tragédies en mer » ; « la solidarité et le respect des droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d’asile au coeur des politiques de l’Union en matière de migration »

Selon le Parlement européen, les droits fondamentaux devraient être intégrés dans tous les aspects des politiques de l’Union en matière de migration et les États membres doivent à tout prix respecter les droits des migrants vulnérables. Pour une meilleure cohérence entre son action intérieure et extérieure, le Parlement estime qu’une « approche globale de l’Union » est nécessaire. Le respect des droits des migrants devrait figurer « au centre de tout accord de coopération » et les Etats membres devraient respecter leur obligation internationale de porter secours aux personnes en détresse en mer.

Afin de mettre en oeuvre et de garantir le respect du droit fondamental de demander l’asile, la résolution parlementaire évoque l’ouverture de nouvelle voies d’entrée légales et sûres dans l’Union, la lutte contre les réseaux de trafiquants d’êtres humains et de passeurs ou encore les programmes de réinstallation et l’utilisation des visas humanitaires.

 

A cet effet, le Parlement européen « réclame la mise en place d’un système d’asile efficace et harmonisé à l’échelle de l’Union aux fins d’une répartition équitable des demandeurs d’asile entre les États membres [et] regrette les cas signalés de refoulements avec violence aux frontières de l’Union » ; les Etats membres étant tenus de respecter le principe de non-refoulement reconnu par la convention de Genève et la Cour européenne des droits de l’homme. Devrait en outre être appliqué le principe de solidarité (art. 80 TFUE).

 

Rappelant au passage les événements récents, le Parlement « condamne fermement la protection sécuritaire des frontières de l’Union allant jusqu’à la construction de murs et de barbelés ». Ces derniers ainsi que le manque de voies d’entrée légales dans l’Union européenne favorisent en effet l’utilisation de voies et de moyens beaucoup plus dangereux, tels que l’utilisation des réseaux de passeurs et de trafiquants. Enfin, les contrôles aux frontières doivent s’effectuer dans le respect des droits fondamentaux et les opérations de l’agence Frontex, se faire sous contrôle démocratique. Le contrôle devra aussi s’opérer par exemple au niveau du fonctionnement des centres d’accueil et de détention de migrants. La résolution vise au final l’intégration de ces populations, leur information, le traitement de leur demande dans la transparence et le respect des droits fondamentaux ; une meilleure prise en charge et un meilleur suivi des migrants, ainsi que le fait de souligner l’impact positif de la migration, est largement privilégié par les eurodéputés. Les Etats membres situés aux frontières extérieures de l’Union doivent pouvoir bénéficier d’une assistance afin de les aider à gérer les afflux massifs de migrants.

 

« Un citoyen européen sur quatre est en risque de pauvreté et d’exclusion, selon une note récente d’Eurostat »

Constatant l’impact négatif de la crise économique sur les droits des personnes, en ce qu’elle « favorise » la hausse du chômage, de la pauvreté, de la précarité mais aussi de l’exclusion et de l’isolement, le Parlement appelle dans sa résolution du 8 septembre à la « solidarité dans la crise économique ». Afin de remédier à cela, il invite donc les Etats membres à adopter des mesures d’aide « visant à assurer des conditions de vie dignes à leurs citoyens et à lutter contre l’exclusion sociale ».

L’Union et ses Etats membres devraient réaliser une analyse d’impact sur les droits fondamentaux selon le Parlement, mais aussi s’assurer de la disponibilité de « ressources suffisantes » pour garantir le respect de ces droits et « les niveaux minimaux essentiels pour la jouissance des droits civils, économiques, culturels et sociaux, en accordant une attention particulière aux groupes les plus vulnérables et les plus défavorisés sur le plan social ».

De manière générale, il s’agira pour l’Union et les Etats membres de promouvoir les droits sociaux et de lutter contre l’exclusion sociale.

 

« La corruption, en particulier la corruption organisée, constitue une violation grave des droits fondamentaux et une menace pour la démocratie et l’état de droit » qu’il convient de prévenir, de combattre et de sanctionner. Pour ce faire, le Parlement invite à rapidement mettre en place le Parquet européen.

 

Les droits fondamentaux doivent aussi être garantis et respectés sur le plan de la lutte contre la criminalité, dans les prisons (les autorités nationales devant être les garantes du respect de ces droits) où les conditions de détention sont bien souvent déplorables selon le Parlement notamment en raison de la surpopulation carcérale et des mauvais traitements infligés aux détenus. L’impact des systèmes de justice pénale sur les enfants, et le fait que les droits des enfants soient directement touchés en la matière sont particulièrement mis en cause, lorsque l’on observe les estimations selon lesquelles « 800 000 enfants dans l’Union [seraient] séparés d’un parent incarcéré chaque année, ce qui porte atteinte aux droits des enfants à de multiples niveaux ». Et « la protection des victimes de la criminalité doit être une priorité ».

 

« Le droit d’accès à la justice et à un tribunal indépendant et impartial est indispensable pour protéger les droits fondamentaux ».

Pour le Parlement européen, « la création d’un espace de justice européen basé sur la reconnaissance réciproque et les garanties juridiques et harmonisant ainsi les différents systèmes judiciaires des États membres, en particulier en matière pénale, devrait rester l’une des principales priorités des institutions européennes dans le cadre de l’agenda de l’Union en matière de justice pour 2020 ».

La résolution parlementaire vise encore à renforcer la citoyenneté dans l’Union, notamment par la transparence, la participation et la représentation démocratiques.

Reprenant le rapport Ferrara, la résolution parlementaire incite à une action commune de la part de l’Union et de ses Etats membres afin de parvenir à une protection accrue des droits fondamentaux existants, à la reconnaissance de ces droits comme étant « fondamentaux » et à porter davantage d’attention aux populations vulnérables.

« La personne humaine, citoyenne ou résidente, doit être le centre de l’attention de l’Union européenne ».

 

 

Aurélie DELFOSSE

 

 

Pour en savoir plus :

     –      Résolution du Parlement européen du 8 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2013-2014) (2014/2254(INI))http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0286+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR

      –     Droits fondamentaux : ne pas les respecter, c’est nuire à soi-même ! http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3619&nea=159&lang=fra&lst=0&arch=0


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Bis repetita placent, cette formule attribuée à Horace a-t-elle aussi les faveurs du Parlement européen ? Un signal clair en tout cas !

dim, 20/09/2015 - 18:49

Le Parlement européen a considéré comme un impératif politique d’apporter, en l’espace de quelques jours et à deux reprises, son soutien à la Commission européenne, un soutien qui a son prix après l’échec lamentable du Conseil des ministres sur le plan migratoire proposé par la Commission. Une première fois le 10 septembre elle a appuyé la Commission, un appui sans surprise et massif, puis une deuxième fois le 17 septembre par un vote en urgence (fait exceptionnel) le Parlement a renouvelé sa pression sur les ministres. « L’hiver est là » avait averti Jean-Claude Juncker dans son discours sur l’Etat de l’Union et il avait rappelé : « tout cela nous le savions » !

La partie s’est déroulée en deux mi-temps ! Mais on jouera certainement des prolongations, sans oublier les temps additionnels .

Première mi-temps

Au lendemain de la présentation d’un paquet de nouvelles mesures pour répondre au défi migratoire et à l’afflux de réfugiés, le Parlement a sans surprises soutenu l’action de la Commission européenne dans une résolution adoptée à une large majorité (432 pour, 142 contre, et 57 abstentions. Les députés ont ainsi apporté leur plein appui au mécanisme de répartition obligatoire des demandeurs d’asile et du même coup ils se prononçaient en faveur de la modification du système de Dublin et ils appelaient les Etats membres à se doter de systèmes obligatoires de réinstallation des réfugiés.

La veille le Parlement avait donné son accord à la proposition faite en mai de relocaliser 40 000 personnes depuis la Grèce et l’Italie. Le 11 septembre il a renouvelé son appui au mécanisme pour 120 000 personnes concernant cette fois l’Italie, la Grèce et la Hongrie.

La résolution est commune aux groupes PPE, S&D, Verts/ALE, ADLE (seuls les Eurosceptiques et Europhobes sont restés en dehors du consensus et aussi ce qu’il faut regretter la GUE).La résolution salue « les initiatives de la Commission sur la répartition et la réinstallation, ainsi que la nouvelle proposition de répartition d’urgence d’un nombre accru de demandeurs d’asile ayant besoin d’une protection qui couvre la Grèce, l’Italie et la Hongrie ». Elle appuie « l’annonce par la Commission d’un mécanisme permanent de répartition, qui sera activé en cas d’urgence et tiendrait compte du nombre de réfugiés présents dans l’Etat membre, lequel s’appuie sur l’article 78, paragraphe 2 du Traité sur le fonctionnement de l’UE ».

Les eurodéputés ont assuré à la Commission qu’ils étaient prêts « à examiner le nouveau régime de répartition d’urgence au moyen d’une procédure accélérée » le Parlement européen étant simplement consulté sur ce dispositif. Ils ont également fait part «  de leur intention de faire progresser en parallèle, toutes les autres mesures proposées par la Commission de manière à ce que les Etats membres ne retardent pas la mise en œuvre du mécanisme permanent de répartition ».

La Parlement réitère également son souhait d’un mécanisme de répartition obligatoire qui, » dans la mesure du possible, tienne compte des préférences des réfugiés » et « de dispositions communes plus spécifiques sur les visas humanitaires ». Le Parlement demande aux Etats membres à nouveau « de faire en sorte qu’il soit possible de demander asile auprès de leurs ambassades et consulats »La veille dans son discours sur l’Etat de l’Union, Jean-Claude Juncker avait annoncé un paquet sur la migration légale en 2016, notamment sur l’immigration de travail.

Le reste de la résolution soutient la liste des pays sûrs, présentée elle aussi le e 9 septembre par la Commission . Le Parlement e tenu à rappeler fermement que l’établissement d’une telle liste « ne doit pas menacer le principe de non refoulement, ni le droit d’asile de chacun ». Les députés réitèrent leur soutien à l’acquis de Schengen sur la libre circulation des personnes, iles appellent les Etats membres à se saisir de la question « des causes profondes des migrations »lors du sommet de la Valette les 11 et 12 novembre.

Ce soutien des principales familles du Parlement européen aux nouvelles propositions de la Commission n’a pas empêché que s’expriment des divergences entre les groupes, voire au sein des groupes. Eva Joly (Verts/Ale française) a déploré dans un communiqué que le PPE n’ait pas soutenu son amendement permettant d’ouvrir le droit aux demandeurs d’asile de travailler dès qu’ils arrivent : « pourquoi maintenir les demandeurs d’asile dans un statut d’assistanat social quand ils souhaiteraient participer pleinement à la vie du pays qui les accueille ? »

Au sein du PPE des réserves assez fortes ont été exprimées sur le caractère obligatoire du mécanisme, notamment de la part de la délégation française, réserves qui s’étaient déjà exprimées lors du vote de Sa Keller sur le premier outil de relocalisation des 40 000 réfugiés. Cette opposition a été plus particulièrement exprimée par Brice Hortefeux qui s’oppose aux modalités qui ne font qu’entretenir les activités des passeurs et encouragent les mouvements migratoires. Tous les députés du PPE ont toutefois approuvé la résolution à l’exception de Nadine Morano et des députés hongrois du PPE.

Deuxième mi-temps : le Parlement vote en urgence une deuxième résolution pour accentuer sa pression sur le Conseil des ministres !

La proposition d’urgence pour relocaliser 120 000 demandeurs d’asile a été soutenu par le Parlement en un temps record : 370 voix pour, 134 contre, 52 abstentions (372 voix pour, 124 contre et 54 abstentions pour la proposition législative) un soutien obtenu en un temps record, mais au prix de fortes tensions et au prix de la perte d’une soixantaine de voix en faveur de la proposition de la Commission entre les deux votes. Suggéré par le président du Parlement européen, Martin Schulz, le principe du vote a été adopté à main levée : « la crise des réfugiés exige que l’on trouve une solution rapidement » a-t-il justifié avec emportement.

Satisfaction sur le plan du résultat, mais inquiétudes pour l’avenir, le débat, médiocre et plein d’arrières pensées, n’a pas totalement rassuré. Le débat n’a pas été à la hauteur de l’enjeu. Pouvait-on attendre autre chose à partir du moment où l’on s’en remet, comme d’habitude, à la prise de parole par 70 intervenant qui se succèdent toutes les minutes trente secondes à un rythme infernal ? Tenons nous en aux chefs de file des groupes politiques « Pour nous c’est une proposition réaliste, qui respecte la dignité et l’égalité de traitement et qui permet l’exercice de la solidarité entre tous les Etats membres ; c’est une proposition qui nous aide à construire l’Europe et le monde dans lequel nous croyons » a justifié le député PPE Esteban Gonzales Pons. Le chef de file du S&D, Gianni Pitella a aussi estimé qu’il est temps « d’aller de l’avant », en insistant aussi sur les mesures de gestion des frontières extérieures et d’aide à la création des « hotspots », ces centres d’identification des arrivants à défaut d’être des centres d’accueil. Guy Verhofstadt, le leader libéral de l’ADLE a plaidé, une fois de plus, pour un sommet européen qui se pencherait sur une approche plus large, globale de la crise. D’autre familles politique comme CRE ont redit leur refus des quotas et aux extrêmes, les eurosceptiques et europhobes, comme Marine le Pen ont redit leur refus de cette politique de « l’appel d’air »  et de la subversion de l’Europe par les islamistes et les terroristes et cela sous le couvert de bons sentiments .

L’idée d’un Sommet européen n’a pas été plébiscité ni par les parlementaires, ni par la présidence luxembourgeoise, ni par la Commission, tous peu convaincus que ce soit la meilleure des choses . La présidence veut avant tout éviter un vote à la majorité qualifiée qui marquerait et soulignerait une rupture entre l’Europe de l’ouest et l’Europe de l’est dont les pays de Visegrad sont parmi les plus réfractaires. Finalement le sommet aura lieu et il ne devrait évoquer que les grands enjeux : la Syrie, les moyens pour faire fonctionner Frontex, l’espace Schengen, les pays dits sûrs, le développement …. Les réunions se multiplient pour trouver des pistes de compromis. La piste des sanctions contre les récalcitrants, à ce stade, n’a pas été retenue. La menace brandie par le ministre de l’intérieur allemand, Thomas de Maizière, a fait long feux, mais elle a marqué les esprits comme la déclaration de la France indiquant qu’elle était prête, elle aussi, à rétablir des contrôles à ses frontières si la situation l’exigeait.

Evaluations d’étape

Optimisme prudent : le 22 septembre vont se réunir à nouveau, l’échec du 14 septembre sera-t-il lavé? Ce sera sans l’aval de la Hongrie . Le soutien des pays de Visegrad n’est pas assuré malgré les efforts de la présidence luxembourgeoise  pour les convaincre, un par un. Peut-on considérer la Pologne comme désormais dans le camp de ceux qui soutiennent les propositions de la Commission après les gestes d’ouverture du Premier Ministre Ewa Kopacz ? Les nouvelles routes migratoires posent avec une acuité grandissante le problème des Balkans occidentaux (cf .conférence de presse de Johannes Hahn dans un autre article). Que dire de la Slovénie et de la Croatie, jusqu’ici épargnées mais qui, à leur tour, entre nt dans la tourmente ? La Turquie sera-t-elle incluse dans la liste des pays sûrs ? Quel est l’état réel d’avancement sur le plan opérationnel des Hotspots ? Le système classique de Dublin est-il encore d’application et même de façon temporaire et pour qui ? Bien d’autres questions surgissent dés qu’on s’attarde un peu. C’es t le besoin de clarification qui l’emporte sur bien des considérations , plus que des décisions engageant l’avenir, car difficiles à obtenir dans l’immédiat.

En résumé : un appel vibrant à la solidarité, une critique sévère sur les résultats de la réunion du Conseil, une invitation ferme à prendre des mesures urgentes et à mettre au point un système européen d’asile et de migration qui fonctionnera à long terme. Avant le vote, le Président Schulz a annoncé qu’il allait envoyer une lettre à l’actuel président du Conseil, Xavier Bettel, demandant au nom du Parlement le déblocage de fonds de l’UE pour aider les pays d’accueil se partageant la plus grande partie des réfugiés syriens : le Liban, la Turquie, la Jordanie. Les verts ont insisté pour qu’au cas où le Conseil s’éloignerait de ce qui a été mis sur la table par la Commission, le Parlement serait à nouveau consulté. Cet avertissement figure dans la résolution. Sommes-nous à un tournant dans le rapport de forces entre les Institutions. La semaine qui vient est crucial et pas seulement pour les réfugiés

Pour savoir plus :

     -. Résolution législative sur la proposition de décision du Conseil instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie, de la Grèce et de la Hongrie (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0324+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0324+0+DOC+XML+V0//EN

     -. Résolution du Parlement européen du 10 septembre 2015 sur les migrations et les réfugiés en Europe (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0317+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0317+0+DOC+XML+V0//EN

     -. Agenda européen en matière de migration (FR) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52015DC0240 (EN) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:52015DC0240&from=FR

     -. Proposition de décision du Conseil instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie, de la Grèce et de la Hongrie (EN) http://www.ipex.eu/IPEXL-WEB/dossier/document/COM20150451.do (FR)nhttp://www.ipex.eu/IPEXL-WEB/dossier/document/COM20150451.do

     -. Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme de relocalisation en cas de crise (EN) http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/policies/european-agenda-migration/proposal-implementation-package/docs/proposal_for_regulation_of_ep_and_council_establishing_a_crisis_relocation_mechanism_en.pdf (FR) http://www.ipex.eu/IPEXL-WEB/dossier/document/COM20150450.do

 

 

 

        

 

 

 

 


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THE FIRST TRANSATLANTIC FRAMEWORK FOR DATA PROTECTION HAS BEEN FINALIZED AND PRESENTED TO THE LIBE COMMITTEE OF THE EUROPEAN PARLIAMENT: ADDITIONAL SAFEGUARD OR THREAT TO EU CITIZENS’ PERSONAL DATA? THE DEPUTIES ASK FOR A LEGAL OPINION.

dim, 20/09/2015 - 09:09

“For the first time ever, the EU citizens will be able to know, by looking at one single set of rules, which minimum rights and protection they are entitled to, with regards to data share with the US in the law enforcement sector”. These are the words of P. Michou, chief negotiator in charge of the negotiation process of the so called EU-US “Umbrella Agreement”, who gave a public overview on the lately finalized transatlantic data protection framework in the field of law enforcement cooperation. The speech, delivered during the last meeting of the LIBE committee of the European Parliament, has met a warm welcome by the MEPs. Great congratulations have been expressed by all the political groups, for the work done by the negotiating team of the Commission that, from its side, has thanked the LIBE committee for its strong support and pressures. As Mrs. Michou said, they “helped us to be stronger in our negotiations”. Negotiations that were dealt with a partner that is far from being an easy one. The words of Michou, however, have not completely reassured all the MEPs, who have called for a legal opinion on the text of the agreement to be delivered by the legal department of the European Parliament. Legal certainties about the potential benefits or detrimental effects that this agreement could have on the existing EU data protection rules, as well as on past and future agreements, have been asked by the majority of the deputies, as a necessary precondition for the vote.

 

Historical context

An EU-US agreement in the field of protection of personal data was already called by the European Parliament in the year 2009. At that time, in a resolution on the state of transatlantic relation, the Parliament underlined the necessity of a “proper legal framework, ensuring adequate protection of civil liberties, including the right to privacy”, to be agreed on the base of a binding international agreement. The Commission then, on the invitation of the European Council, proposed a draft mandate for starting the negotiations with the United States, on a high standard system of data protection. The final mandate, being adopted by the Council in December 2010, opened the negotiation procedure among the two partners, that formally started on March 2011.

 

The negotiations have been though, mainly because of a great cultural difference existing among the two partners in terms of data protection, but after four years of work, the agreement has been initialed in Luxembourg, last September 8th. The final text, that can be signed only with the authorization of the Council and the consent of the Parliament, represents a huge step forward: “if we look back to some years ago, it was clear that some of the issues that have been now achieved in the text, couldn’t even have been theoretically possible”, Jan Philippe Albrecht (Greens/EFA) said, by opening the debate after Mrs. Michou speech.

 

The european Commissioner for Justice, Consumers and Gender Equality, Věra Juorová, by declaring full satisfaction for the conclusion of the discussions, affirmed: “robust cooperation between the EU and the US to fight crime and terrorism is crucial to keep Europeans safe. But all exchanges of personal data, such as criminal records, names or address, need to be governed by strong data protection rules. This is what the Umbrella Agreement will ensure.”

 

Terrorism or organized crime are phenomena that definitely constitute serious threats to security. However, leaving aside the narrow concept of security, as many theories and authors consider nowadays, a threat to security can be identified as any threat to the “cherished values” of our society: thus also to those values such as the right of privacy and the data protection.

 

The issue concerns how security and law enforcement are able to positively and constructively interact with new technology, but also to clash with it.

On one side, the information and data sharing is now a fundamental and crucial aspect of policy and judicial inter-state cooperation, since major threats and criminal phenomena have assumed a transnational connotation. On the other side however, it is necessary to ensure the protection and the fair and limited treatment of information, that is transferred as part of the transatlantic cooperation in criminal matters, in order to avoid abuses and the setting up of mass surveillance systems.

 

The two transatlantic partner, have already settled a substantial framework of data transfer rules. In 2010 they signed an agreement on the processing and transfer of financial messaging data from the EU to the US, for the purposes of the Terrorist Finance Tracking Program (TFTP); while in 2012 they concluded a bilateral agreement for the exchange of PNR (Passenger Name Records) data.

 

“Data protection is a fundamental right of particular importance in the digital age. In addition to swiftly finalizing the legislative work on common data protection rules within the European Union, we also need to uphold this right in our external relations.” This principle was included by Jean-Claude Juncker in the political priorities of the European Commission agenda, presented in July 2014.

 

A look inside the “Umbrella Agreement”

The Umbrella Agreement constitutes a proper and wide framework of protection for all the data exchanges among EU and US, in the field of criminal law enforcement. As the Commission made it clear during its exposition, the agreement “does not regulate or authorize any data transfer, but exclusively focuses on safeguards and rights of individuals”.

The agreement, whose text has not been published yet, mainly aims at increasing the level of data protection: the collection and processing of all data will remain subject to national and EU protection rules, and only their proper transfer will occur on the base of the safeguard measures provided by the “Umbrella”.

 

Mrs. Michou has spoken about a backward looking added value of the agreement, that once adopted, will complement any existing legal bases, such as the agreements on data transfer among the EU and the US, by adding protection and safeguard provisions where they’re missing. According to the Commission opinion, “most of the existing agreement lack these safeguards” actually. The text, will also have a forward looking added value, since it will constitute an important legal precedent and a guarantee for future rulings, that shall not fall below the high standards of protection settled by the “Umbrella”.

 

The comprehensive nature of the text provides specific measures about all the EU core data protection rules and principles: limitations on data use, onward transfer, retention period, safeguards on the processing of sensitive data, right to access and rectification, information in case of data security breaches, judicial redress and enforceability of rights.

The text settles clear limitation on the time and the scope for the retention of data, that “may be used only for the purpose of preventing, investigating, detecting or prosecuting criminal offences, including terrorism, in the framework of police cooperation and judicial cooperation in criminal matters”, and for no “longer than necessary or appropriate”. “The decision on what is an acceptable duration must take into account the impact on people’s rights and interests”.

Clear limitations have been put in place also with regards to onward transfer of data to third countries or international organizations, that is possible only under the prior consent of the competent authority of the country that originally transferred the data.

 

The last point to be settled during the discussions has been the language issue. According to the US negotiators the translation and authentication of the final agreement in all the 24 official languages of the EU would be too burdensome in terms of both time and resources. Moreover, multiple versions could easily arise legal interpretation disputes and conflicts. Therefore, the final solution envisages the signature of the agreement only in english, since it has been the language in which the negotiation process has been conducted. Hereafter, it will be possible to authenticate it in all the other official languages, by exchanging diplomatic notes with the US. In case of conflict or divergence among different versions, however, the english version will prevail. In line with the Commission view, this has been an important achievement, since “for the nature and the scope of the agreement, which primarily concerns individual rights and it is going to be essentially implemented by national authorities”. Thus, the latter, as well as all the EU citizens, must join the right to access the text in their own languages.

 

Mutual trust to be restored

The necessity to set up a stricter set of rules for data protection has particularly strengthened in the light of E. Snowden revelations about the NSA digital surveillance of US allies in 2013. This induced the European Parliament to adopt a resolution calling for the suspension of the EU-US agreement on the exchange of bank transfer data, that was stored on the servers of the Belgian electronic money transfer cooperative Swift. “The revelations about NSA interception of SWIFT data make a mockery of the EU’s agreement with the US, through which the bank data of European citizens is delivered to the US anti-terror system (TFTP)”, Albrecht declared after the approval of the resolution in October 2013.

 

The abuse of new technology, aimed at settle real mass surveillance programs, not only constitutes an unlawful practice, but also compromises the good and authorized use of advanced instruments to improve cooperation in security and law enforcement field. Thus, clear and high levels of guarantee for the respect of the rule of law are indispensable requisites.

 

“In view of recent mass surveillance revelations…The U.S. must also guarantee that all EU citizens have the right to enforce data protection rights in U.S. courts, whether or not they reside on U.S. soil. This will be essential for restoring trust in transatlantic relations”, called the President of the European Commission in July 2014.

 

The Judicial Redress Bill

One of the key element of the “Umbrella Agreement”, laying at the core attention of european authorities and civil society, concerns the american Judicial Redress Bill, aimed at extending the protection of the American Privacy Act of 1974 to EU citizens. This provision, that once approved will allow the Attorney General to extend judicial redress to foreign country’s residents, has constituted a very controversial aspect all along the negotiation talks.

 

At present, American citizens (non-resident in the EU) are able to redress EU courts, in case their data are unlawfully processed on the european soil. The situation in this field is totally unbalanced, since the American Privacy Act does not provide any kind of similar protection for those who are not “a citizen of the United States or an alien lawfully admitted for permanent residence”: EU citizens (non-resident in the US) therefore, do not enjoy the right of judicial redress in the US, as the americans actually do in Europe.

 

The Judicial Redress Bill has been introduced in the US Congress in June 2015 by Senator Orrin Hatch and Senator Chris Murphy, who affirmed: “Our closest allies have raised legitimate concerns about the rights and protections of their own citizens in the United States for privacy violations. In support of the critical, collaborative relationships, it is in the United States’ best interest to grant our closest friends abroad limited privacy protections similar to those they provide to us.”

 

The Bill, as it has been underlined many times by the Commission during the debate in the LIBE committee, enjoys a bipartisan support within the Congress and a broad endorsement from various stakeholders. On June 25th, 17 trade associations and organisation, including Google, Yahoo and Microsoft, together with the Majority and the Minority leaders of the US Senate, jointly signed a letter to urge the Senator leaders to support the Bill. The White House, the U.S. Department of Justice and the U.S. federal law enforcement agencies gave a green light as well.

 

In line with this evidence, the Commission is confident that the Congress will soon pass the Bill, that constitutes an imperative pre-condition for any further steps towards the signature of the agreement: “without this, the Umbrella Agreement would not make any sense and it would not be approved by this house” has remarked Jan Philippe Albrecht (Greens/EFA) during the meeting.

The finalization of the agreement exercises now further pressure on the Congress. Nonetheless, Mrs. Michou has exhorted the deputies to use their personal contacts in the Congress to insist on the approval of the Bill.

 

Legal opinion and other issues raised by the MEPs

The finalization of the agreement triggers further considerations to be made, since a reform of the data protection legal framework is currently being discussed in trialogue talks, among the Parliament, the Council and the Commission and is supposed to be adopted by the end of the year (trialogue talks are supposed to be on the agenda of the Justice and Home Affairs Council of October 9th).

According to Mrs. Michou’s words, some of the agreed article even “anticipate certain element of the reform, that are not present in the current EU data protection acquis”.

 

However, Jan Philippe Albrecht (Greens), rapporteur of the European Parliament for the EU-US agreement, not only highlighted the importance of the American Bill approval, but also fixed another pre-condition for the vote of the Parliament on the “Umbrella”. “This agreement should not compromise the legislation on data protection that we have in place in the EU”, the deputy said, asking for the legal department of the European Parliament to deliver an opinion on it. “If those two conditions [the approval of the Judicial Redress Bill and the positive legal opinion] are met, then we can look at this agreement as an opportunity to start building a transatlantic binding data protection standards, not only in the law enforcement sector, but starting from that, also in the private sector”, positively stated the deputy by concluding his remarks.

 

The request has been sent to the chair of the committee, with full endorsement of the other political groups, except from the EPP.

 

“If I look at the text, the protections it offers are of much lower level than the once actually provided by the EU data protection legislation, that we’re currently discussing … I want to be absolutely sure before we vote, that there is no risk that this agreement will ever override the data protection directive”, firmly stated Sophie in’ t Veld (ALDE).

 

On the contrary, Monika Hohlmeier (EPP) fully entrusted the work conducted by the Commission during the negotiations. The deputy, by anticipating the words of Mrs. Michou, affirmed “I do trust the Commission for the check on all the legal aspects about the agreement”. The chief negotiator, indeed, underlined the meticulous scrutiny that was carried out by the negotiating team, even under the legal aspect of the agreement.

 

Cornelia Ernst (GUE/NGL) and Marju Lauristin (S&D) have openly supported the opinion of the rapporteur and raised further issues on the agreement. The socialist deputy said: “We have to have a very peaceful mind to vote for that … Still I confess that I might not be peaceful: what can we tell to non-Europeans living in the EU?” Many others MEPs have shared the question about the rules that will apply to non-EU citizens, since the text of the agreement explicitly refers to the “citizens of the EU”.

 

The EPP remarked that the EU is not entitled to rule for the citizens of other States, who remain subject to their national law. The Commission on its side, clarified that some concessions had to be made during the negotiations, therefore: “apart from the right to redress, all safeguards of the agreement will apply to everyone”.

 

Safe Harbour

The chief negotiator Michou and the rapporteur Albrecht, during the meeting inevitably made reference to the Safe Harbour Agreement on data transfer for commercial purposes, that allows american companies as Google, Facebook and Apple to bring back home European personal data.

In 2014, the Commission started the negotiations with the US on this issue, in order to review and update the principles of the system. Mrs. Michou concluded her speech by saying that the negotiations team is working very hard and closely with the US and she underlined that the process is being dealt in the light of high standards of data protection and strong guarantees. Moreover, next September 23th, the European Court of justice is supposed to state its conclusions on ‘Schrems case, that directly concerns the legal accountability of Safe Harbour system.

 

Paola Tavola

 

 

To know more

 

     -. TRADE AGREEMENTS AND DATA FLOWS: SAFEGUARDING THE EU DATA PROTECTION STANDARDS http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/07/30/trade-agreements-and-data-flows-safeguarding-the-eu-data-protection-standards/

     -. MAX SCHREMS N’EST PLUS SEUL :CINQ AUTORITÉS NATIONALES ENQUÊTENT SUR FACEBOOK ! http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/04/20/max-schrems-nest-plus-seul-cinq-autorites-nationales-enquetent-sur-facebook/

     -. European Parliament resolution of 26 March 2009 on the state of transatlantic relationsin the aftermath of the US elections (2008/2199(INI)) (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+TA+P6-TA-2009-0193+0+DOC+PDF+V0//EN (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P6-TA-2009-0193+0+DOC+XML+V0//FR

     -. LIBE committee meeting 15/09/2015: EU-US agreement on the protection of personal data when transferred and processed for law enforcement purposes (EU-US « umbrella agreement”) http://www.europarl.europa.eu/ep-live/en/committees/video?event=20150915-1500-COMMITTEE-LIBE

     -. Statement by EU Commissioner Věra Jourová on the finalisation of the EU-US negotiations on the data protection « Umbrella Agreement” http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-15-5610_en.htm

     -. Transfer of Air Passenger Name Record (PNR) and Data and Terrorist Finance Tracking Programme (TFTP) http://ec.europa.eu/justice/data-protection/international-transfers/pnr-tftp/pnr-and-tftp_en.htm

     -. Jean-Claude Juncker, A New Start for Europe: My Agenda for Jobs, Growth, Fairness and Democratic Change (EN) http://ec.europa.eu/priorities/docs/pg_en.pdf#page=9 (FR) http://ec.europa.eu/priorities/docs/pg_fr.pdf#page=9

     -. The US legal system on data protection in the field of law enforcement. Safeguards, rights and remedies for EU citizens http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/519215/IPOL_STU(2015)519215_EN.pdf

     -. Murphy, Hatch introduce Judicial Redress Act of 2015 http://www.murphy.senate.gov/newsroom/press-releases/murphy-hatch-introduce-judicial-redress-act-of-2015

     -. Broad support lining up behind Murphy-Hatch Judicial Redress Act of 2015 http://www.murphy.senate.gov/newsroom/press-releases/broad-support-lining-up-behind-murphy-hatch-judicial-redress-act-of-2015

     -. NSA/SWIFT scandal. EU’s data agreement with US must be suspended says EP http://www.greens-efa.eu/nsaswift-scandal-10789.html

     -. Suspension of the SWIFT agreement as a result of NSA surveillance (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P7-TA-2013-0449&language=EN (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P7-TA-2013-0449&language=FR

     -. Max Schrems Vs. Facebook: Activist Takes Aim at U.S.-EU Safe Harbor http://blogs.wsj.com/digits/2014/11/20/max-schrems-vs-facebook-activist-takes-aim-at-u-s-eu-safe-harbor/

     -. Commission decisions on the adequacy of the protection of personal data in third countries http://ec.europa.eu/justice/data-protection/international-transfers/adequacy/index_en.htm

Transfer of Air Passenger Name Record (PNR) Data and Terrorist Finance Tracking Programme (TFTP) http://ec.europa.eu/justice/data-protection/international-transfers/pnr-tftp/pnr-and-tftp_en.htm

 

 


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L’action de FRONTEX : sécurité aux frontières et aides humanitaires sont-ils compatibles?

sam, 19/09/2015 - 15:42

Le 15 septembre dernier, le directeur exécutif de Frontex, Fabrice Leggeri, a présenté devant la commission LIBE du Parlement Européen le rapport annuel sur l’application du règlement n°656 de 2014 qui établi les règles pour la surveillance des frontières maritimes extérieures de l’Union Européenne.

Frontex est l’agence européenne qui s’occupe de la gestion de la coopération entre les Etats membres aux frontières extérieures de l’UE et qui est responsable de la coordination des activités de garde-frontière pour le maintien de la sécurité européenne. L’agence est, en effet, responsable de la surveillance des frontières de l’Union européenne pour lutter contre la criminalité transfrontalière et pour empêcher le franchissement illégal des frontières.

Dans une période où la crise migratoire a mis à rude épreuve la politique européenne en matière d’asile et immigration, il est important de poser le regard sur l’action de Frontex qui agit pour la protection de la sécurité des frontières européennes. Mais son action est-elle à ce jour plus d’ordre sécuritaire, comme l’espèrent certains députés européens qui mettent souvent en relation immigration et menace terroriste, ou plutôt d’ordre humanitaire ?

L’action de Frontex dans la protection des frontières maritimes est régie par le règlement n°656 du Conseil et du Parlement européen du 15 mai 2014, substituant la décision 2010/252/UE. Ce règlement stipule que Frontex est l’agence européenne qui coordonne la politique de l’Union afin « d’assurer un contrôle efficace » des frontières, le but étant celui de lutter contre la criminalité transfrontalière et le franchissement non autorisé des frontières européennes. De plus le règlement veut que l’agence soit capable « d’appréhender les personnes ayant franchi irrégulièrement les frontières ou de prendre d’autres mesures à leur encontre ». Mais le règlement de 2014 ne se limite pas à la simple volonté de détection des tentatives de franchissement irrégulier des frontières et des mesures telles que l’interception des navires soupçonnés d’essayer d’entrer dans l’UE sans être contrôlés : il prévoit la coordination des Etats membres pour le sauvetage et la protection des victimes de la traite des êtres humains, des mineurs non-accompagnés et des personnes vulnérables et en détresse dans le respect des droits fondamentaux et le principe de solidarité.

L’action de l’agence Frontex est indispensable pour la coopération opérationnelle dans les cas de sauvetage en mer et d’urgence humanitaire. Elle doit donc se baser sur des principes tels que le respect de la dignité humaine, le droit à la vie, l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, l’interdiction de la traite des êtres humains, le droit à la liberté et à la sûreté, le droit à l’asile, le droit à la protection et à la non-discrimination. Mais l’agence Frontex doit principalement agir selon le principe de non-refoulement : conformément à ce dernier « nul ne devrait être débarqué, forcé à entrer, conduit dans un pays ou autrement remis aux autorités d’un pays où il existe, entre autres, un risque sérieux qu’il soit soumis à la peine de mort, à la torture, à la persécution ou à d’autres traitements ou peines inhumains ou dégradants, ou dans lequel sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son orientation sexuelle, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, ou encore dans lequel il existe un risque sérieux d’expulsion, d’éloignement ou d’extradition vers un autre pays, en violation du principe de non-refoulement». Le règlement met en avant donc la sécurité en mer mais surtout le respect des droits fondamentaux.

Le rapport 2015. Le rapport présenté par Fabrice Leggeri à la commission LIBE le 15 septembre dernier met en avant l’application du règlement de 2014 par l’agence Frontex.

Le rapport est divisé en trois parties. La première décrit les amendements introduits au plan opérationnel pour l’amélioration de l’application du règlement tels que la révision des compétences du International Coordination Centre pour une meilleure coordination entre les Etats et la définition des modalités pour le débarquement des personnes interceptées ou secourues pendant une opération en mer. Cette dernière doit être effectuée par les différents Etats membres selon que l’embarcation interceptée est présente dans des eaux territoriales d’un pays, dans une zone contigüe ou en haute mer. La deuxième partie souligne les procédures mises en place par Frontex et ses actions possibles pour l’amélioration de la protection des droits de l’homme. Cette partie présente les différentes opérations conjointes effectuées et coordonnées par Frontex, dont l’opération Triton en Italie et l’opération Poseidon en Grèce qui ont suscité nombreuses questions de la part des députés lors de la réunion de LIBE du 15 septembre.

L’opération Triton a commencé le 1er Novembre 2014 et s’est conclue le 31 janvier 2015 : elle s’est déroulée dans les eaux autour des régions italiennes de la Sicile, de la Sardaigne, de la Calabre et des Pouilles et a interceptée des navires avec des personnes en situation de détresse provenant de Lybie. Cette opération s ‘est effectuée avec la collaboration de la Lybie mais aussi de la Croix Rouge, de Save the Children, du UNHCR, (l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés) et des Bureaux de l’immigration locaux avec le travail de traducteurs et du personnel assigné à la prise en charge des personnes secourues en mer. L’opération Poseidon a débuté le 1er Mai 2014 et s’est conclue le 31 Janvier 2015 : elle s’est déroulée autour des côtes grecques et turques.

Enfin la troisième partie fait une évaluation globale de l’application du règlement lors des opérations maritimes aux frontières extérieures. Selon le directeur exécutif de Frontex, l’application du règlement est tout à fait positive et a permis de mieux protéger et promouvoir les droits fondamentaux et surtout le principe de non-refoulement, ce qui constitue le principal résultat du rapport. De plus le rapport souligne que le Règlement a contribué à la clarification des rôles du Bureau National et du International Coordination Centre et a permis d’avoir une approche optimale envers les personnes interceptées en mer.

Fabrice Leggeri envisage la possibilité d’améliorer l’action de Frontex dans les rapports de l’agence avec les pays tiers. En effet, aucun cas de migrants débarquant dans les pays tiers n’a été constaté dans le rapport malgré l’existence de cette possibilité dans les accords de travail et de plans opérationnels avec ceux-ci.

Lors de la réunion de la commission LIBE du 15 septembre et de la présentation du rapport de la part de Fabrice Leggeri, nombreux députés se sont intéressés au travail de Frontex, vue la crise actuelle des réfugiés. Beaucoup d’entre eux, dont la députée et membre du GUE/NGL Barbara Spinelli, se sont préoccupés du financement des opérations de Frontex de la part des Etats membres : à cela Monsieur Leggeri a répondu que les contributions financières de la part des Etats ont été conséquentes mais que cela variait de pays à pays. Les offres ont permis de rehausser les capacités opérationnelles de Frontex : pour l’opération Triton, par exemple, le nombre des navires a augmenté de 6 à 18 unités, celui des gardes frontières a triplé tandis que le nombre d’hélicoptères a doublé. Tout cela grâce aux financements mis en place par les Etats membres

D’autres députés dont Juan Fernando López Aguilar du Groupe de l’alliance progressiste des Socialiste et des Démocrates, ont fait remarquer l’absence de coopération de la part de certains Etats Membres dans le cadre de l’action de Frontex, ce qui est la traduction d’un manque effectif de volonté politique. Cela a été contredit par le directeur de l’agence : tous les pays de l’espace Schengen ont participé au travail coordonné par l’agence. Certains pays ont été plus sollicités que d’autres à cause de leur position géographique comme, par exemple, l’Italie, la Grèce ou Malte mais cela dans le simple souci du respect du Droit International et du droit de la mer, étant donné que Frontex ne peut pas agir directement en tant que sujet juridique si ce n’est par le biais des autorités nationales. Par contre dans le cas de la procédure Rabit, un pays membres peut demander le lancement d’une opération avec la collaboration d’Équipes d’intervention rapide aux frontières, qui, si acceptée par Frontex, devient obligatoire pour les tous pays.

Mais les questions les plus récurrentes des députés concernaient les rapports et la collaboration de Frontex avec les pays tiers : le président de l’agence a souligné que le travail de celle-ci est notamment fondée sur les accords de travail avec des pays hors-UE. A l’heure actuelle il existe 17 accords de travail avec des pays tiers et 7 sont en cours de négociation. Ces accords se basent sur des priorités géographiques spécifiques de l’agence : la coopération se fait surtout avec les pays des Balkans occidentaux, la Turquie et les pays de la Méditerranée dont la Tunisie ou le Maroc.

Mais parmi les députés on peut distinguer deux positions à l’égard de l’agence européenne Frontex.

D’une part la députée espagnole Marina Albiol Guzman du GUE/GNL, a fortement critiqué Frontex qui selon elle « est le pire de l’Union européenne » et le véritable « échec » de l’UE : l’agence symbolise le rejet des migrants, les frontières, la non-solidarité et l’inhumanité. Le renforcement de l’action de Frontex serait pour elle « la pire des choses ». La députée s’est ensuite préoccupée de la coopération de l’agence avec un pays ne respectant pas les droits fondamentaux comme la Turquie et de l’action de Frontex dans le cadre du EUNAVFOR MED qui se traduirait donc par une action militaire et non par la coopération au développement. Ce dernier point a été démenti par Monsieur Leggeri qui a rappelé que l’agence ne donne aucun aide militaire dans le cadre de EUNAVFOR MED.

A l’opposé, la députée du Groupe EFD, Kristina Winberg, a soutenu une position beaucoup plus ferme envers les migrants : elle s’est préoccupé de ce que l’action de Frontex soit capable de limiter le travail des passeurs et surtout l’arrivée des djihadistes et des combattants sur le territoire européen. Cette préoccupation est le reflet des préoccupations de nombreux européens face à l’afflux des migrants en Europe qui s’est traduit en Pologne, en République Tchèque et en Slovaquie par des manifestations rassemblant des milliers de citoyens contre le système européen des quotas dont les immigrés font l’objet. Ces manifestations se sont révélées être souvent d’ordre anti-islamiques. Le rapprochement entre terrorisme et immigration a été affirmé par la présidente de Eurojust, Michèle Coninsx au début de juillet : « Les trafics de migrants à travers la Méditerranée sont infiltrés par l’Etat Islamique ». Cela a été par contre réfuté, lors d’une interview pour Euractiv, par le coordinateur européen pour la lutte au terrorisme, Gilles de Kerchove, qui affirme qu’aucun lien n’existe entre les deux phénomènes si ce n’est dans l’organisation, de la part des organisations terroristes, des trafics d’êtres humains partant des côtes libyennes.

L’agence Frontex alors se trouve entre deux feux de critiques contradictoires : ceux qui la critique en tant que symbole de l’anti-immigration et ceux qui prônent plus de fermeté de sa part afin d’améliorer la sécurité européenne.

Emilie Gronelli

Pour en savoir plus

     -. Règlement n°656 de 2014 (FR) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32014R0656 (EN) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:32014R0656

     -.Rapport Frontex http://frontex.europa.eu/assets/About_Frontex/Governance_documents/Sea_Surveillance/Sea_Surveillance_report_2014.pdf

     -. Réunion LIBE du 15 septembre 2015 http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/committees/video?event=20150915-1500-COMMITTEE-LIBE

     -. Article sur les déclarations de Michèle Coninsx http://www.express.be/joker/fr/platdujour/michele-coninsx-eurojust-les-trafics-dimmigrants-a-travers-la-mediterranee-sont-infiltrs-par-letat-islamique/214448.htm

     -. Interview à Gilles de Kerchovehttp://www.euractiv.fr/sections/justice-affaires-interieures/daesh-ou-al-qaida-nont-pas-besoin-de-faire-passer-des

 


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Le Sommet Humanitaire Mondial 2016 : « Une chance unique pour une action humanitaire plus efficace ».

ven, 18/09/2015 - 15:37

Le 2 septembre la Commission européenne a défini sa position relative au premier Sommet Humanitaire Mondiale 2016, avec l’adoption d’une communication intitulée « Sur la voie du Sommet Humanitaire mondial : un partenariat mondial pour une action humanitaire basée sur des principes et efficace ». Cette communication expose la manière dont l’Union européenne envisage de réformer l’action humanitaire dans un contexte en mutation.

 

Contexte

Dès le début des années 1960, l’Union européenne a toujours conduit des actions d’aide humanitaire, que ce soit à travers les aides bilatérales fournies par les États membres ou via la politique de développement de la Commission européenne (création en 1992 du Service d’aide humanitaire de la Commission européenne ECHO). Mais c’est avec l’inscription de l’UE dans l’effort international, mené par les Nations Unis, que les actions humanitaires sont devenues plus efficaces.

 

Malgré les progrès obtenus grâce à la Reforme Humanitaire de 2005, Le Consensus Européen sur l’Aide Humanitaire de 2007 et au Programme de Transformation de 2011, qui ont considérablement amélioré les interventions humanitaires face aux situations d’urgence, le système laisse encore souvent à désirer en matière d’encadrement,de coordination et de respect de l’obligation de rendre des comptes.

 

Au cours de ces 25 dernières années, le monde a assisté à un accroissement sans précédent du nombre des crises humanitaires. Selon des études faites par OCHA (Global Humanitarian Overview juin 2015), à la mi-2015, près de 79 millions de personnes, dans 37 pays, ont besoin d’une aide humanitaire. Les raisons de l’ampleur de cette crise sont dues aux nombreux conflits politiques, aux catastrophes naturelles et à une certaine fragilité économique.

 

À la fin de l’année 2014, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a indiqué que le nombre de personnes déplacées de force, principalement pour fuir des conflits intra-étatiques, avait atteint le chiffre record de 59,5 millions. Il a également été relevé une tendance à la hausse des pertes directes causées par des catastrophes naturelles et que les changements climatiques multiplieront probablement encore davantage les risques de catastrophes, en particulier en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Selon un Rapport sur les catastrophes dans le monde 2014 fait par la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les catastrophes naturelles ont chaque année des répercussions sur la vie de 100 millions de personnes. Ces crises étant souvent durables, des flux d’aide doivent pouvoir être libérés régulièrement pour aider les populations concernées.

 

Malgré un accroissement du financement de l’aide humanitaire internationale pour la deuxième année consécutive, (en 2014, les contributions ont totalisé 24,5 milliards US$, par rapport aux 20,5 milliards en 2013 GHA, Global Humanitarian Assistance. Résumé du rapport 2015) et un engagement accru des nouveaux donateurs, notamment des États du Golfe, il est toujours difficile de répondre à l’explosion des besoins à l’échelle planétaire.

Dans ce contexte, le secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a annoncé en décembre 2012 l’organisation d’un sommet mondial de l’humanitaire (SMH) dans son plan d’action sur cinq ans. Ce sommet se tiendra à Istanbul, les 11 et 12 mai 2016. Un secrétariat du SMH a été mis sur pied à New York et est dirigé par le Dr. Jemilah Mahmood.

 

Certains évènements organisés en 2015 contribueront directement ou indirectement au SMH, notamment l’agenda du développement pour après 2015 (OMD), la conférence mondiale sur la prévention des catastrophes, et la conférence internationale du mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Le SMH amorcera une discussion internationale de grande envergure sur les façons d’adapter le système humanitaire aux nouvelles réalités, de sorte que ce dernier profite de manière plus efficace aux personnes dans le besoin.

Le SMH a un double objectif :

 

1) garantir l’engagement des parties impliquées à suivre un programme stratégique qui ajustera l’action humanitaire aux défis de 2016 et au-delà ;

2) développer de solides partenariats et chercher des solutions innovantes aux défis durables et nouveaux, de sorte à garantir que le programme stratégique conclu soit effectivement mis en oeuvre après le sommet.

 

Le programme

La 2 septembre 2015, la Commission européenne a adopté une communication sur les Préparatifs en vue du Sommet Mondial qui se compose de sept domaines d’actions regroupés au sein de deux grandes priorités .

 

     -. Premier priorité : une action humanitaire basée sur des principes :

 

1) Réaffirmer les valeurs humanitaires.

 

Les valeurs de dignité, d’intégralité et de solidarité sont des valeurs fondamentales et universelles et elles sont au coeur de toutes les cultures. Toutefois, des solutions globales aux crises restent trop souvent élusives, ces valeurs de base sont de plus en plus négligées. Ce sommet, qui offre une occasion unique de renouveler l’engagement commun en matière de protection des vies humaines, devra réaffirmer les principes fondamentaux d’humanité, d’impartialité et d’indépendance, qui reflètent l’héritage humain universel consistant à venir en aide à ceux qui sont en détresse. Ainsi qu’encourager les organisations humanitaires et politiques à déployer tous les moyens pour sauver les vies et mettre fin à la souffrance humaine.

 

2) Garantir un accès à l’aide.

 

Lors qu’on parle d’accès, on se réfère essentiellement à la possibilité de bénéficier d’une assistance par des acteurs humanitaires. Le problème c’est que la nature des conflits a conduit à une augmentation des attaques contre le personnel humanitaire et par conséquent, de nombreuses régions touchées sont devenues des zones interdites pour les travailleurs humanitaires, ce qui a pour effet de priver les populations vulnérables d’un accès à l’aide.

La Commission, dans sa communication a, ainsi, recommandé aux acteurs humanitaire à mener un dialogue plus ferme avec les parties à des conflits pour les convaincre de la nécessité de garantir l’accès, la protection et la sécurité. Les gouvernements devraient avant tout garantir un environnement sur et sécurisé à l’action humanitaire. Ils devraient également disposer d’un cadre juridique et stratégique propre à faciliter l’accès humanitaire.

 

3) Placer la protection au coeur des interventions humanitaires

 

Les crises humanitaires rendent les populations touchées, (principalement les enfants, les femmes et les personnes âgées), particulièrement vulnérables à l’exploitation et aux mauvais traitements. Dans ces situations, lorsque les États membres ne sont pas capables de protéger leurs citoyens par ces crises, ce sont les acteurs humanitaires qui sont amenés à agir. La Commission appelle la communauté humanitaire à intégrer systématiquement la protection dans ses interventions, en tenant compte de la vulnérabilité de certains groupes de population, et elle recommande aussi une plus étroite collaboration entre les travailleurs humanitaires et les défenseurs des droits de l’homme.

 

     -. Deuxième priorité : une action humanitaire efficace.

 

4) Un consensus sur le principe fondamental de l’efficacité de l’aide

 

Le changement de paysage d’aujourd’hui exige que la communauté humanitaire doit être plus efficace qu’auparavant. Mais le problème c’est que le système humanitaire continue à utiliser une méthode unique, même si les émergences humanitaires sont toujours différentes. Cela ne permet pas de répondre correctement aux besoins ni d’intervenir de la manière plus efficace.

La communauté humanitaire devrait donc créer une plateforme partagée pour une analyse conjointe des risques et une évaluation coordonnée des besoins, des résultats communs, des données de recherche et des impacts d’interventions. Le Comité permanent interorganisations (CPI) devrait assurer la mise en oeuvre du programme de transformation pour améliorer l’action collective, et examiner dans quels domaines une révision des méthodes de travail ou de l’architecture du système internationale de l’aide humanitaire aurait lieu d’être pour garantir des résultats.

 

5) Subsidiarité et solidarité

 

L’action humanitaire devrait être fondé sur les principes de solidarité et subsidiarité avec des acteurs locaux and régionaux agissant en qualité de premier intervenants (résolution 46/182 de l’Assemblé générale des Nations unies). Cela signifie, donc, que la communauté internationale ne devrait agir que lorsque les intervenants locaux sont dépassés, n’ont pas la capacité ou volonté de répondre aux besoins de la population touchées. Il conviendrait d’avoir une vue d’ensemble de l’état de préparation et des capacités de réaction des acteurs locaux, nationaux et régionaux et internationaux au fin de réaliser des évaluations des risques. Les gouvernements et les donateurs devraient soutenir le renforcement des capacités des intervenants locaux et devraient envisager de soutenir ces derniers au cours des interventions.

 

6) Financement efficace et suffisant.

 

L’action humanitaire doit être soutenue par des ressources suffisantes soit en garantissant une utilisation rationnelle de chaque euro d’aide, soit en élargissant la base de financement.

Les organisations exécutantes devraient, sous la conduite du CPI, réformer le système d’appel de fonds en engageant un dialogue plus étroit avec les donateurs qui ne font pas partie du CAD et en incitant le secteur privé, principalement à contribuer à l’aide humanitaire, par exemple dans le cadre d’engagements ayant trait à la responsabilité sociale des entreprises.

 

7) Partenariat avec les acteurs du développement.

 

Le thème des partenariats servira de « fil rouge » tout au long de l’évènement, en vue de renforcer la coopération pour l’approbation d’un programme commun et pour sa mise en oeuvre par la suite. L’accroissement des crises humanitaires récurrentes et prolongées ont rendu impératif le partenariat entre les travailleurs humanitaires et les acteurs du développement. Il devrait comporter une analyse des risques selon une approche multilatéral et favoriser un financement pluriannuel plus prévisible grâce à la mise en place de fonds conjoints d’assistance humanitaire et de développement.

 

 

Conclusions

Ce sommet humanitaire mondial sera une occasion pour faire, tout d’abord, le point quant aux responsabilités des états rassemblés en Turquie vis-à-vis des crises humanitaires. Mais surtout, il fournira l’occasion de rappeler à tous les Pays l’obligation morale d’aider les populations victimes de guerres et de catastrophes tels que le prévoit le droit international.

Ce sommet exigera de gros efforts de la part de toute la communauté internationale, c’est pourquoi la Commission européenne a tenu a souligné que les engagements pris à Istanbul devront être vérifiables et mesurables pour qu’ils puissent être réels et concrets.

 

 

Cristina De Martino

 

 

Pour en savoir en plus

 

– Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : Préparatifs en vue du Sommet humanitaire mondial: un partenariat mondial pour une action humanitaire fondée sur des principes et efficace :

   http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52015DC0419&from=EN

 

– Rapport par l’UNHCR sur le déplacement forcé dans le monde   http://www.unhcr.fr/53a2e37ac.html

 – Aide Humanitaire Internationale. Résumé du Rapport 2015  http://www.globalhumanitarianassistance.org/wp-content/uploads/2015/06/GHA-Report-2015_Resume-du-rapport.pdf

 – Année européenne pour le développement. Prévenir et atténuer les catastrophes naturelles ou d’origine humaine: approche de l’Union européenne à l’égard de l’aide humanitaire.   https://europa.eu/eyd2015/fr/eu-european-parliament/posts/preventing-and-alleviating-natural-and-man-made-disasters-eus-approach

 – On the road to Istanbul. How can the World Humanitarian Summit make humanitarian response more effective? http://chsalliance.org/files/files/CHS-Alliance-HAR-2015.pdf

 – Résolution 46/182 de l’Assemblée générale des Nations Unis  http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/46/182

 


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Une session extraordinaire du Conseil « Justice et Affaires intérieures » (JAI) convoquée par la Présidence Luxembourgeoise, rien d’extraordinaire, sinon par sa médiocrité, son manque de courage et du sens des responsabilités politiques.

ven, 18/09/2015 - 14:52

 

 

Rappel: Etat des lieux

La Commission européenne a présenté le 9 septembre 2015 une série de propositions pour faire face à l’afflux de réfugiés syriens, irakiens et érythréens que connaissent actuellement l’Italie, la Grèce et la Hongrie. Elles complètent les propositions déjà présentées en mai 2015, prévoyant notamment de répartir 40 000 demandeurs d’asile présents en Italie et en Grèce et 20 000 candidats à l’asile non encore présents sur le sol européen.

Pour répondre à l’accélération du flux de migrants durant l’été, la Commission propose de relocaliser 120 000 demandeurs d’asile supplémentaires au départ de l’Italie, de la Grèce et de la Hongrie, le refus de ce dernier pays de participer remet en cause, pour ce qui concerne la Hongrie,cet élément du dispositif. Le Conseil en discutera. La relocalisation se fera selon des quotas obligatoires (fonction des caractéristiques du pays d’accueil : démographie, PIB, nombre demandes d’asile antérieures, chômage). L’Allemagne devrait accueillir 31 443 personnes, la France 24 031, l’Espagne 14 931, etc. L’Union européenne (UE) consacrera 780 millions d’euros à ce programme. L’Italie, la Grèce et la Hongrie recevront 500 euros par personne relocalisée afin de couvrir les frais de transport. Les États membres recevront 6 000 euros par personne relocalisée. En vertu des traités, le Royaume-Uni et l’Irlande bénéficient d’une option de retrait (possibilité de prendre part ou non à ce programme), le Danemark jouit d’une clause d’exemption (il est exclu du programme). Un État membre se trouvant dans l’incapacité temporaire de participer aux relocalisations (catastrophe naturelle, etc.) devra verser à l’UE jusqu’à 0,002% de son PIB.

Dans la perspective de nouvelles crises migratoires, la Commission propose notamment :

  • la création d’un mécanisme permanent de relocalisation, activé par la Commission européenne dès qu’un État membre fait face à un afflux disproportionné de migrants. La Commission déterminera le nombre de personnes à accueillir par chaque État membre, à l’exception du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark.
  • la création d’une liste européenne commune et contraignante de pays d’origine sûrs. Douze pays de l’UE disposent actuellement d’une liste nationale, mais aucune liste harmonisée n’existe au niveau de l’UE. Cette création doit permettre d’accélérer les procédures d’asile et de retour des ressortissants des pays listés, et réduire les divergences de traitement des demandes d’asile similaires.

Conclusions de la présidence du Conseil des ministre par Jean Asselborn.

Suite à la réunion extraordinaire du Conseil JAI du 14 septembre, le ministre Jean Asselborn a présenté les conclusions de la Présidence luxembourgeoise sur cette réunion. Une présidence qui s’est efforcée de tirer des « conclusions opérationnelles ».

 Pour le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, il s’agissait de trouver une solution pour d’une part « gérer l’accueil des personnes », et d’autre part « contenir les flux qui s’annoncent ».

Dans cette optique, le Conseil JAI a adopté sa décision relative au mécanisme de relocalisation. En vertu de celle-ci, 40 000 demandeurs d’asile arrivés en Grèce ou en Italie devraient prochainement faire l’objet d’une relocalisation au sein de l’Union européenne.

Une décision adoptant un mécanisme « temporaire et exceptionnel » :

Ce mécanisme est destiné aux personnes se trouvant « dans le besoin évident d’une protection internationale ». Actuellement concentrées en Italie et en Grèce, des pays qui ne peuvent à la fois subir les arrivées massives de migrants et en même temps, leur offrir l’accueil et la protection que l’Union devrait être en mesure de leur octroyer, ces personnes pourront ainsi faire l’objet d’une répartition au sein de l’Union européenne.

Conformément à ce qui avait été décidé au cours des précédentes réunions du Conseil de juin et juillet 2015, cette répartition vers les autres Etats membres se fera sur une base volontaire, le Conseil comptant sur leur bonne volonté, leur solidarité et leur prise de responsabilités.

Le ministre des Affaires étrangères a précisé que cette décision comptait parmi les deux textes « actuellement sur la table », la seconde consistant dans la proposition de la Commission de relocaliser 120 000 personnes. Rappelant l’accord trouvé par le Conseil JAI sur la décision de relocalisation de 40 000 migrants lors de sa réunion du 20 juillet dernier, Jean Asselborn a poursuivi en déclarant que, le Parlement européen ayant adopté son avis lors de la plénière de début septembre et le Conseil JAI du 14 septembre ayant formellement adopté la décision, celle-ci entrerait en vigueur dès le 15 septembre. « C’est un message politique très important. Concrètement, cela veut dire que les premières relocalisations vers les Etats membres pourront commencer au plus vite » a-t-il enchaîné. Ce programme pourra déjà être mis en place pour les quelques 34 000 personnes dont il avait été précédemment convenu. Les Etats membres s’étant parallèlement engagés à revenir sur la question pour atteindre les 40 000, M. Asselborn a précisé que la Présidence attendait des engagements pour novembre voire début décembre.

Poursuivant sur la question des « hostpots », Jean Asselborn a déclaré qu’ils constituaient « une condition et un pré requis au mécanisme de relocalisation » et qu’ils disposaient aujourd’hui de « la base légale nécessaire pour travailler ».

Ces « hotspots » (« dispositifs de premier accueil et d’enregistrement ») devraient être mis en place dans les « Etats membres en première ligne », c’est-à-dire les Etats membres les premiers touchés par les arrivées massives de migrants. Ils devraient permettre de « faire le tri » entre les personnes pouvant potentiellement accéder au statut de « réfugié » et les migrants « économiques ». Assurant qu’ils pourraient « fonctionner prochainement » en Grèce et en Italie, Jean Asselborn a souligné que le ministre italien de l’Intérieur Angelino Alfano s’était engagé à « tout faire » pour que les « hotspots » en Italie « très très bientôt soient mis en place et fonctionnent ». Il a également signalé que la Grèce avait demandé l’aide de la Commission, de l’EASO et des Etats membres ; ce qui, selon M. Asselborn, a été « évidemment accepté », le Conseil ayant décidé que dès le 15 septembre des « mesures importantes [seraient] prises en ce qui concerne les moyens financiers et aussi la logistique alloués à la Grèce, pour que la Grèce aussi soit capable de faire fonctionner les centres d’accueil des réfugiés ». En effet, « la Grèce, de par sa situation géographique, se trouve en première ligne » face aux arrivées massives de migrants. Les défis auxquels elle fait face sont aujourd’hui des « défis européens ». C’est pourquoi selon le ministre Jean Asselborn, le Conseil a décidé de la « soutenir dans ses efforts pour renforcer son système d’asile entier, ses capacités d’accueil et la gestion des frontières extérieures », notant au passage le « travail remarquable » de la Commission et le fait que l’on pouvait compter sur elle en ce qui concerne cette aide « très utile à la Grèce mais aussi pour l’Europe ».

 

Outre cette décision de relocalisation, la réunion du Conseil JAI aura permis aux ministres de discuter des « nouvelles mesures » présentées par Jean-Claude Juncker lors de son discours sur l’état de l’Union du 9 septembre dernier, à l’occasion de la plénière parlementaire de Strasbourg.

« Un accord de principe » sur la proposition de relocalisation d’urgence de 120 000 personnes nécessitant une protection internationale .M. Juncker avait déclaré le 9 septembre : la Commission européenne propose la relocalisation d’urgence de 120 000 personnes. Cette proposition vise les personnes se trouvant actuellement en Grèce, en Italie et en Hongrie, qui « [nécessitent] une protection internationale ». Selon M. Asselborn, « une grande majorité d’Etats membres » auraient adopté un « accord de principe » lors du Conseil JAI de ce 14 septembre, sans toutefois décider des modalités techniques de la répartition entre les Etats membres.

Il a par ailleurs précisé qu’en dépit de l’urgence de la situation, le Conseil ne pourrait prendre de décision tant que le texte n’aurait pas été « analysé en détail dans les instances du Conseil [et qu’il n’aurait pas fait] l’objet d’un avis du Parlement européen », conformément à la « procédure démocratique prévue par les traités ». Dans le meilleur des cas, l’adoption devrait se faire lors du Conseil JAI des 8 et 9 octobre 2015, a-t-il précisé. Ce calendrier a été revu puisque c’est le 22 septembre que les ministres vont se revoir.

Jean Asselborn a en outre tenu à rappeler que, s’agissant de la décision de relocalisation de 40 000 migrants et de la proposition de la Commission de relocalisation de 120 000 personnes, ces deux mécanismes n’étaient que des « mécanismes temporaires » et que les dispositifs du règlement de Dublin restaient en vigueur.

Un accord de principe pour une liste de pays sûrs ?

Sur la proposition de la Commission d’adopter une liste européenne de pays tiers d’origine sûrs, le Conseil JAI s’est engagé « à trouver rapidement un accord sur le principe » afin de débuter au plus vite les négociations avec le Parlement. Sur cette question, Jean Asselborn a ajouté que « pour l’instant », la Turquie ne serait pas considérée comme un pays sûr « vu la situation intérieure, notamment avec les kurdes ».

 En matière de retour et de réadmission, Jean Asselborn a indiqué que la réunion avait mis « l’accent sur un contrôle effectif aux frontières extérieures, et insisté sur le renforcement de coopération avec les pays tiers concernés ». Insistant sur l’importance pour Frontex d’ « assumer un rôle plus actif », le ministre a signalé la décision du Conseil JAI de déployer des équipes d’intervention rapide sur le terrain (« rapid border intervention teams »). Pour Jean Asselborn, il s’agit d’ « un dispositif européen dont nous disposons déjà et il sera mis en œuvre là où il est nécessaire ».

L’accroissement de l’aide financière de l’Union pour les réfugiés syriens

Le ministre des Affaires étrangères et européennes a souligné la décision du Conseil JAI d’accroître l’aide de l’UE au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) « afin de lui permettre de gérer efficacement et d’une manière humainement acceptable ces camps de réfugiés »  notamment dans les pays voisins de la Syrie. La situation dans les camps de réfugiés est « dramatique et l’UNHCR manque cruellement de fonds pour accomplir sa mission » a-t-il justifié. Précisant que ces fonds proviendraient à la fois du budget de l’Union et des budgets nationaux des Etats membres, Jean Asselborn a tenu à saluer l’initiative de la Norvège d’organiser une « conférence internationale des donateurs en faveur des réfugiés syriens et pour soutenir l’UNHCR ».

 Une coopération avec les pays tiers concernés

Le ministre des Affaires étrangères et européennes a par ailleurs évoqué la décision du Conseil JAI de « soutenir activement » les pays des Balkans occidentaux qui se trouvent aujourd’hui sur la principale route de transit. A ce titre, la Turquie devrait être considérée par l’Union comme un pays de premier accueil et de transit, et donc comme un « partenaire de première importance ». (cf. conférence de presse du 17 septembre du commissaire Hahn.

Deux rendez-vous importants sont actuellement en cours de préparation : le Sommet de La Valette avec les pays africain et la Conférence sur les défis que posent la route des Balkans occidentaux.

 « Un problème commun exige une réponse commune ! » 

Concluant sur le rapport de la Présidence luxembourgeoise concernant la réunion du Conseil JAI du 14 septembre et réaffirmant le soutien de la majorité des Etats membres sur ce qui avait été dit, M. Asselborn a rappelé « combien la situation [était] urgente, (…) dramatique et [que] nous [n’avions] pas de temps à perdre ». « En tant que Président du Conseil JAI », Jean Asselborn a ainsi plaidé « pour une mise en œuvre complète de l’acquis européen, ceci afin d’éviter un engrenage d’introduction des contrôles aux frontières ».

« Dire qu’il faut fermer les frontières et garder tout le monde  à l’extérieur de l’Union, c’est impossible ; c’est faire preuve de populisme ». « Dire ouvrons les frontières et laissons entrer tout le monde, c’est aussi peu réaliste parce que cela viendrait saper le modèle social européen ». « Nous devons donc trouver la solution pour combiner notre responsabilité collective devant notre conscience et devant la loi ».

Poursuivant la conférence de presse, Frans Timmermans a rappelé le discours du Président de la Commission sur l’état de l’Union. Selon le Premier Vice-président de la Commission, il faut trouver un « équilibre entre solidarité et responsabilité ». L’idée étant de s’assurer que les personnes qui réclament l’asile et qui y ont droit puissent l’obtenir en Europe.

 « Faire la différence entre ceux qui méritent l’asile et ceux qui ne le méritent pas »

Sur ce point, le Premier Vice-président de la Commission propose de s’attaquer aux frontières extérieures, d’une part en renforçant leur protection, et d’autre part en s’assurant que les individus y arrivant « soient identifiés, que l’on prélève leurs empreintes digitales », afin de faire la différence entre ces « deux catégories » de personnes.

De meilleurs accords avec les pays tiers sont alors nécessaires, de sorte que soient facilités les retours et la réintégration des individus concernés dans leur pays d’origine. L’objectif étant ici selon Frans Timmermans de parvenir à « mieux travailler ensemble pour partager la responsabilité, pour faire preuve de solidarité envers ces pays qui ont été fortement touchés par l’afflux massifs de réfugiés, notamment l’Italie, la Grèce et la Hongrie ».

Le Premier Vice-président de la Commission a également tenu à adresser ses remerciements  à la Présidence Luxembourgeoise pour son « travail extraordinaire au cours des dernières semaines ».

 « Réagir dans une situation d’urgence pour arriver vers une solution durable, permanente ».

« C’est un problème qui nous accompagnera pendant longtemps » a-t-il poursuivi, « c’est un problème qui exige une réponse collective européenne, qui demande des solutions durables ».

« Il ne s’agit pas ici d’une citation du jeu « Game of thrones » »

Rappelant que la Commission était là pour aider les Etats membres, M. Timmermans a achevé son discours en expliquant que l’Europe devait être « prête à assumer ses obligations » vis-à-vis des personnes fuyant la guerre et la persécution, mais aussi en matière de protection des frontières extérieures, et enfin dans le domaine des retours d’individus qui n’auraient pas droit à l’asile.

Est ensuite venu le tour de Dimítris Avramópoulos de prendre la parole lors de cette conférence de presse.

 « Nous comprenons que l’Europe est à la croisée des chemins ».

S’agissant de la crise « des réfugiés », une crise qui « malheureusement durera aussi longtemps que les pays voisins [seront] à feu et à sang », le Commissaire chargé de la migration, des affaires intérieures et de la citoyenneté a déclaré que cette crise allait « véritablement déterminer notre histoire, (…) formater l’avenir, nos cultures ».

« On va montrer aux citoyens comment l’Europe veut être unie à l’avenir » a-t-il ajouté.

 

« Une majorité d’Etats membres sont disposés à avancer, mais pas tous ».

C’est ce qu’à déduit M. Avramópoulos lors de la conférence de presse donnée à l’issue de la session extraordinaire du Conseil JAI de ce 14 septembre. Le Commissaire a ainsi précisé qu’en dépit de l’adoption formelle de la décision de relocaliser 40 000 réfugiés depuis la Grèce et l’Italie, aucun accord n’avait été trouvé sur la proposition de la Commission de relocalisation de 120 000 personnes.

 

A l’instar de M. Timmermans qui l’avait précédé, M. Avramópoulos a exprimé ses « remerciements à la Présidence Luxembourgeoise qui a travaillé d’arrache-pied afin de trouver un compromis et (…) tout spécialement M. Jean Asselborn ».

« La Commission est déterminée à agir » a-t-il adjoint, spécifiant par la même occasion la nécessité d’avoir « une autre réunion du Conseil dans les jours à venir ».

 

« C’est ainsi que l’Europe a toujours fonctionné : lorsque l’on ne parvient pas à aboutir la première fois et bien, on recommence. Il faut que chacun prenne ses responsabilités maintenant ».

Qu’il s’agisse du Conseil JAI, de la Commission, de Jean Asselborn, de Frans Timmermans ou encore de Dimítris Avramópoulos, tous les interlocuteurs étaient d’accord pour dire qu’il est grand temps d’agir. Cette session extraordinaire et cette conférence de presse auront au moins permis de mettre en évidence la nécessité de reconnaître l’urgence de la situation, tout en insistant sur le fait qu’il ne s’agit pas là d’un « problème » momentané, mais bien d’une réalité durable, à laquelle l’Union européenne doit faire face de manière commune et par des solutions à long terme.

 

Aurélie DELFOSSE

 

Pour en savoir plus

-. Vidéo de la conférence de presse de Jean Asselborn du 14 septembre 2015, suite à la session extraordinaire du Conseil JAI.http://video.consilium.europa.eu/webcast.aspx?ticket=775-9

-.  Site officiel du Conseilhttp://www.consilium.europa.eu/fr/home/

                                   –           Jean Asselborn à la réunion extraordinaire du Conseil « Justice et des Affaires intérieures » de l’UE à Bruxelles, Communiqué du ministère luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, 15 septembre 2015http://www.gouvernement.lu/5227109/15-asselborn-bruxelles?context=566687

-. La Commission européenne engage une action décisive, Communiqué de presse du 9 septembre 2015(FR) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-5596_fr.htm?locale=en (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-5596_en.htm

-. Crise des réfugiés : La Commission européenne engage une action décisive – Questions et réponses, Fiche d’information du 9 septembre 2015 – Commission européenne (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-15-5597_fr.htm (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-15-5597_en.htm

-. Déclaration de M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, sur l’état de l’Union en 2015, devant le Parlement européen le 9 septembre 2015, Commission européenne (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5614_fr.htm?locale=en (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5614_en.htm

-. L’accueil en France et en Europe http://www.vie-publique.fr/focus/refugies-accueil-france-europe.html?xtor=EPR-56

-. Migrants en Méditerranée le plan d’action de la Commission http://www.vie-publique.fr/actualite/alaune/migrants-mediterranee-plan-action-commission-europeenne-20150522.html

-. Conférence de presse du commissaire Johannes Hahn consacrée aux pys des Balkans, à la Turquie et aux pays du voisinage http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5670_fr.htm

 


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Proposition de création d’un visa d’itinérance : la confiance dans l’espace Schengen mise en examen

jeu, 17/09/2015 - 14:57

Le 1er avril 2014, la Commission européenne avait présenté sa proposition de règlement portant création d’un visa d’itinérance. Ce visa a pour but de combler le « vide juridique » qui existe au sein de l’Union européenne entre, d’une part, les visas Schengen de court séjour (ou « visas uniformes ») qui permettent de circuler dans tous les États membres pour une durée maximum de 90 jours consécutifs et, d’autre part, les titres de séjour ou visas nationaux de long séjour permettant de résider pour une durée supérieure à 90 jours mais sur le territoire d’un seul État membre. Un vide juridique responsable d’un manque à gagner pour les États membres qui ne peut pas être négligé en ces périodes de difficultés économiques, a estimé la Commission. Brice Hortefeux (France, PPE), rapporteur sur le dossier, a présenté lundi 14 septembre son projet de rapport lors de la séance plénière de la commission LIBE. L’occasion pour les députés de s’interroger sur la confiance qu’ils sont réellement prêts à accorder à l’espace Schengen.

 

Dans sa proposition de règlement de 2014, la Commission constatait que « le cadre juridique que forment l’acquis Schengen actuel et l’acquis de l’Union européenne en matière de migration ne couvre pas tous les types de séjour prévu » et « de nombreux ressortissants de pays tiers, tels que les touristes, les artistes du spectacle vivant, les chercheurs, les étudiants, etc., ont des raisons légitimes d’y circuler pendant plus de 90 jours » comme les y restreint actuellement la règlementation des visas Schengen de court séjour.

« Au fil des années, la Commission a reçu de nombreuses plaintes et demandes de solution à cet égard de la part de ressortissants de pays tiers » peut-on lire dans la proposition de règlement d’avril 2014. Les voyageurs souhaitent circuler plus de 90 jours dans l’espace Schengen, rendant inopérant le visa Schengen de court séjour, tout en n’ayant pas l’intention de séjourner plus de 90 jours dans un État membre précis, si bien qu’ils ne veulent pas non plus introduire une demande de visa national de long séjour.

Et même s’ils le souhaitaient, la Commission a relevé que les titres et visas nationaux de long séjour sont le plus souvent « délivrés pour des motifs précis (motif professionnel ou commercial, études, regroupement familial, etc.) » dont le tourisme ne fait, en général, pas partie. Une lacune juridique à cause de laquelle « les États membres passent… à côté de débouchés économiques » pour la Commission, qui pense plus particulièrement aux nouveaux touristes du luxe en provenance, entre autres, de Russie et de Chine.

Des touristes souvent désireux de faire un « tour d’Europe » et non de se limiter à un ou quelques États membres – induisant autant de demandes de visas que d’États à visiter – et ne pouvant pas se prévaloir de motifs professionnels, estudiantins ou familiaux pour cela, ce qui aboutit le plus souvent au rejet de leur demande.

Le cadre juridique actuel a pour conséquence d’obliger les ressortissants de pays tiers usant d’un visa Schengen à quitter celui-ci au terme de leur séjour de 90 jours consécutifs et d’ « attendre » 90 jours supplémentaires hors de l’Union avant de pouvoir y séjourner à nouveau légalement.

Pour la Commission, « cette situation ne saurait être justifiée par des considérations liées à la sécurité des États membres et elle dessert leurs intérêts en matière économique, culturelle et d’éducation ». C’est pourquoi la Commission a introduit sa proposition de créer un visa d’itinérance permettant à des ressortissants d’États tiers de séjourner entre 90 jours et un an dans l’espace Schengen (avec la possibilité de prolonger le visa jusqu’à deux ans maximum), à condition que le demandeur n’ait pas l’intention de séjourner plus de 90 jours dans le même État membre.

La création d’un visa d’itinérance doit également permettre de résorber certaines pratiques consulaires à la limites de la légalité mais guidées par des considérations pratiques, et qui consistent par exemple à délivrer un visa à validité territoriale limitée (visa VTL) à la suite de l’expiration d’un visa Schengen uniforme grâce au flou juridique du Code des visas qui prévoit que les visas VTL

peuvent être délivrés comme complément à un visa en cours de validité et « à titre exceptionnelle… lorsque, pour des raisons considérées comme valables par le consulat » le demandeur doit effectuer un séjour de 90 jours pendant la même période de 180 jours.

Cependant, d’une manière générale, les États membres ont fait savoir leurs hésitations à la mise en place d’un visa d’itinérance du fait du nombre restreint de demandeurs qui semblent concernés.

 

La proposition de la Commission d’avril 2014

La Commission envisage deux options dans sa proposition de règlement. La différence réside dans l’étendue de la catégorie des individus reconnus comme ayant un « intérêt légitime » à demander un visa d’itinérance.

La première option consiste en un visa « uniquement pour une groupe restreint de ressortissants de pays tiers : les artistes (ou les sportifs), les professionnels de la culture et les membres de leur équipe employés par les organisations ou des troupes de spectacle vivant fiables et reconnues, et les parents proches qui les accompagnent ». Il s’agit d’un groupe qui s’est particulièrement manifesté lors des consultations publiques de la Commission et qui représenteraient, selon les estimations de cette dernière, 60 000 demandeurs par an. C’est assez peu, comme le reconnaît elle-même la Commission, si on compare ce chiffre avec les 15 millions de visas uniformes demandés en 2012. Cependant, « ces voyageurs sont réputés « très dépensiers » et sont, dès lors, susceptibles de générer des revenus considérables et de stimuler l’activité économique dans l’Union européenne, en particulier s’ils séjournent plus longtemps dans l’espace Schengen ». La Commission a ainsi calculé que cette première option pourrait rapporter quelques 500 millions d’euros de revenus supplémentaires par an (location de sites, taxes, services marketings, hôtels et restaurants, services de transport locaux, …).

La seconde option consiste en un visa « destiné à l’ensemble des ressortissants de pays tiers » qui en font la demande (touristes, chercheurs, étudiants, femmes et hommes d’affaires, …). La Commission a estimé l’incidence économique de cette seconde option à un milliard d’euros environ.

Dans les deux cas, la Commission note que « le gain économique résulterait des dépenses des « nouveaux » voyageurs, attirés par la nouvelle possibilité de séjourner plus longtemps dans l’espace Schengen ». Elle démontre également que les coûts administratifs supplémentaires pour le traitement du nouveau type d’autorisation par rapport à un visa uniforme seront négligeables, à tout du moins largement inférieurs aux frais induits par des demandes répétées de visas ou de prolongation de ceux déjà délivrés.

Concernant les éléments juridiques, on peut noter que l’article 4 de la proposition de règlement de la Commission prévoit que le visa d’itinérance (visa de type T) ne pourra pas être délivré aux frontières extérieures de l’espace Schengen dans la mesure où la durée prolongée du visa exige un examen approfondi de toute demande. De plus, toute demande de visa d’itinérance devra être enregistrée dans le Système d’Information des Visas (VIS).

L’article 5 établit la liste des documents qui seront exigés : un « document de voyage valide, reconnu par l’État compétent pour examiner la demande » et par au moins « un autre État membre dans lequel le demandeur prévoit de se rendre » ; une preuve appropriée de l’intention de séjourner dans plusieurs États membres, sans jamais dépasser la période maximale de 90 jours par État ; la preuve de disposer de « moyens de subsistance suffisants » et d’une « situation économique stable au moyen de fiches de salaires ou de relevés bancaires couvrant les 12 mois précédant la date de la demande » et/ou la preuve de pouvoir les acquérir légalement durant le séjour sur le territoire des États membres ; le ou les permis de travail requis.

Certaines catégories de demandeurs, employés ou invités par « une entreprise, une organisation ou une institution fiable et reconnue », bénéficieront d’assouplissement à la procédure, comme une exemption possible de l’obligation de présenter certains documents.

L’article 5 fixe également les droits de visa à 60€, « soit le montant normal à acquitter pour une demande de visa de court séjour ».

Enfin, l’article 6 fixe un délai de 20 jours calendaires pour que l’État membre responsable se prononce sur la demande. Ce délai est plus long que celui de traitement des demandes de visa de court séjour actuellement en vigueur (15 jours) du fait de la nécessité de procéder à un examen approfondi de celle-ci.

 

Le projet de rapport de Brice Hortefeux présenté le 14 septembre 2015

Brice Hortefeux (France, PPE), rapporteur pour la commission LIBE, a introduit le visa d’itinérance, « visa Schengen de longue durée », comme un « instrument innovant ». Mais il a immédiatement regretté en contrepartie l’absence de recul existant à ce jour sur la question et l’existence de « lacunes » dans la proposition de la Commission.

Brice Hortefeux a également balayé d’emblée l’utilité d’un tel visa pour promouvoir le tourisme européen dans la mesure où, en Europe, « le tourisme est surtout intra-européen » et que « les afflux d’étrangers sont déjà importants », ne justifiant pas la création d’un nouvel instrument juridique à leur attention. Brice Hortefeux a donc préféré privilégier la première option présentée par la Commission dans son rapport de 2014, en réduisant encore le champ des bénéficiaires ayant un « intérêt légitime » aux seules « professions itinérantes artistiques, comme les cirques, et les sportifs de haut niveau » accompagnés des membres de leur équipe.

Une liste limitative qu’il envisage de pouvoir élargir à l’avenir, si cela s’avère nécessaire d’après les conclusions de l’évaluation de la mise en oeuvre du règlement, qui devra avoir lieu deux ans après l’entrée en vigueur de celui-ci s’il est adopté. Un choix également soutenu par le député Gérard Deprez (Belge, ADLE) qui considère « qu’il vaut mieux être trop prudent que trop extensif au début car il est plus facile d’étendre les catégories de bénéficiaires par la suite que de les restreindre une fois mises en oeuvre ». Il rejoint ainsi la proposition de Brice Hortefeux de ne faire bénéficier le visa d’itinérance qu’aux artistes et aux sportifs dont l’organisation de l’activité le justifie, tout en y ajoutant les directeurs de grandes entreprises. Un tel choix simplifie la procédure dans la mesure où « la durée de validité du visa pourrait alors être la durée de l’exercice de l’activité professionnelle ».

Au contraire, Juan Fernando López Aguilar (Espagne, S&D) a jugé cette proposition d’emblée trop restrictive, et souhaiterait y voir inclus « les touristes retraités », disposant de plus de temps pour voyager au sein de l’espace Schengen, ainsi que « les étudiants étrangers », qui pourraient souhaiter profiter de leur présence sur le continent européen pour s’attarder 6 mois à 1 an supplémentaire afin de visiter d’autres États membres.

Brice Hortefeux (France, PPE) a également souhaité apporté un changement concernant les droits de visa : 60€ lui ont semblé trop faibles au regard des 136$ demandés au Royaume-Uni, des 190$ aux États-Unis ou, pour rester en euros, des 167€ exigés en Chine. Le rapporteur a estimé que le montant de 100€ correspondait mieux à la réalité de la pratique et qu’il permettrait de couvrir les frais supplémentaires occasionnés pour les consulats obligés d’effectuer une analyse plus fine des demandes de visa.

Dans le même esprit, Brice Hortefeux a proposé de porter la durée de la phase de consultation à 30 jours « afin de laisser aux autorités des États membres le temps nécessaire pour examiner les documents justificatifs et de formuler, si nécessaire, une objection s’il existe un risque d’immigration irrégulière ou pour la sécurité ». Un amendement et une argumentation plutôt mal accueillis, tant du côté de la Commission que des rapporteurs fictifs.

Concernant l’État membre responsable de l’examen de la demande et de la délivrance du visa, Brice Hortefeux (France, PPE) a jugé « plus logique que l’État membre où le demandeur passera l’essentiel de son temps soit responsable de la demande de visa ». Une proposition favorablement accueillie par une large majorité des députés présents, à l’image de Marie-Christine Vergiat (France, GUE/NGL) qui a estimé que la proposition de Brice Hortefeux allait « dans le bon sens » car « nous avons besoin de plus de logique européenne, de plus de solidarité européenne dans l’espace Schengen ». Ainsi, l’essentiel des députés semblaient s’accorder sur la nécessité de ne pas faire la même « erreur » qu’avec Dublin. Pour Marie-Christine Vergiat, « ce qui ne marche pas avec Dublin, c’est le fait qu’on ramène tout à une seul pays et qu’il n’y a pas de logique européenne », autrement dit, que chaque État membre soit responsable de son « bout » de frontière extérieure.

 

Cependant, sa proposition supplémentaire que chaque État membre dans lequel le demandeur doit séjourner soit consulté par l’État responsable de la demande de visa été jugée « trop lourde et restrictive » par Lopez Aguilar (Espagne, S&D), rejoint sur ce point par Bodile Valero (Suède, ALE), entraînant un risque de voir un nombre trop important de demandes de visa d’itinérance rejetées par manque d’unanimité de la part des États membres.

Plus encore, la proposition de Brice Hortefeux (France, PPE) d’amender l’article 5 de la proposition de la Commission pour ajouter un nombre significatif de documents justificatifs a soulevé de nombreuses contestations. Le rapporteur a en effet proposé, en plus des documents déjà exigés par la Commission, d’y ajouter l’obligation de fournir une copie de l’assurance-maladie de voyage, du casier judiciaire, la programmation de la tournée et des lettres de recommandation pour les organisations comme les cirques et les fédérations sportives.

 

Lopez Aguilar (Espagne, S&D) a regretté qu’un texte « censé dynamiser et faciliter l’octroi de visas se retrouve alourdie par des barrières supplémentaires ». Une opinion partagée par Mme Valero (Suède, ALE) et Marie-Christine Vergiat (France, GUE/GNL). Créer un visa pour permettre à des ressortissants d’État tiers de circuler librement dans l’espace Schengen pour une période pouvant aller de 3 mois à deux ans à la condition qu’ils remplissent un nombre incalculable de conditions, notamment d’ordre sécuritaire, relève à n’en pas douter de l’hypocrisie et du jeu de dupes : la possibilité pour des « étrangers » de circuler librement dans l’espace Schengen pour diverses raisons professionnelles ou personnelles est proposée pour mieux la refuser.

Prenant du recul par rapport aux désaccords apparus lors de la commission LIBE sur des points techniques du via d’itinérance, Marie-Christine Vergiat (France, GUE/GNL) a soulevé une question fondamentale, que les députés européens comme la Commission ne pourront pas continuer à éviter encore longtemps : « la vraie question est a-t-on confiance dans l’espace Schengen ou n’a-t-on pas confiance dans l’espace Schengen ? ». C’est l‘enjeu principal qui se joue ici, et il va au-delà du simple octroi d’un visa d’itinérance.

 

 

 

Lauriane Lizé-Galabbé

 

 

Pour en savoir plus

 

     -. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’un visa d’itinérance et modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen ainsi que les règlements (CE) n° 562/2006 et (CE) n° 767/2008

     http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/documents/com/com_com%282014%290163_/com_com%282014%290163_fr.pdf (FR)  http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/documents/policies/borders-and-visas/visa-policy/docs/proposal_regulation_touring_visa_en.pdf (EN)

 

     -. Projet de rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’un visa d’itinérance et modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen ainsi que les règlements (CE) n° 562/2006 et (CE) n° 767/2008

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fNONSGML%2bCOMPARL%2bPE-560.876%2b02%2bDOC%2bPDF%2bV0%2f%2fFR

 


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La sûreté du transport ferroviaire au cœur du débat européen

mer, 16/09/2015 - 11:19

14 ans après l’attentat au World Trade Center, une réunion entre un groupe d’experts et une rencontre entre les Etats membres a eu lieu à Bruxelles, le 11 septembre dernier, au sujet de la sûreté des transports terrestres face à la menace terroriste. En effet, suite à l’attentat avorté du Thalys du 21 août,  une réunion ministérielle extraordinaire a été organisée en toute urgence à Paris, le 29 août, et les neuf Etats membres y participant ont demandé à la Commission européenne de proposer des mesures opérationnelles en matière de sûreté pour le prochain Conseil Transports. Ce dernier se tiendra le 8 octobre prochain et aura pour thème principal le pilier politique du quatrième paquet ferroviaire. La recherche d’une position commune et européenne en ce qui concerne la sécurité dans les transports terrestres est d’autant plus importante que, contrairement à l’action européenne en matière de sûreté  du transport aérien, il n’existe aucune loi à ce sujet. Il est important dès lors d’analyser ce que les réunions de préparation du prochain conseil ministériel ont proposé en vue d’une prise de position commune et peut-être d’une législation européenne sur la sécurité ferroviaire.

 Le matin du vendredi 11 septembre 2015, une réunion extraordinaire entre experts en sûreté des transports terrestres, le LANDSEC, et les principaux représentants européens du secteur ferroviaire, a été organisée en cette date symbolique, afin de trouver des mesures pour la sécurité dans les gares européennes. Malgré la volonté européenne de réagir de manière forte en matière de coopération transfrontalière contre le terrorisme et pour la sécurité ferroviaire comme l’ont demandé la Belgique, l’Allemagne, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Espagne, le Royaume-Uni et la Suisse le 29 août,  seules des mesures mineures on été évoquées lors de la réunion matinale du 11 septembre.

En effet, les participants à cette réunion, suite à un échange de points de vue, ont simplement évoqué des mesures mineures déjà existantes, comme par exemple la mise en place, dans les gares, de poubelles transparentes afin de pouvoir voir leur contenu ou la formation de « profilers » capables de détecter, parmi les voyageurs, les personnes ayant des attitudes suspectes. Mais lors de cette réunion, les experts ont surtout mis l’accent sur la nécessité que les compagnies ferroviaires établissent un plan de sécurité dans les gares ce qui exclut l’extension du PNR dans le secteur des transports terrestres ou la modification du pilier politique du quatrième paquet ferroviaire. La mise en œuvre de plans de sûreté adaptés aux risques est donc préférée.

Mais la position des Etats membres, réunis l’après-midi du 11 septembre, est différente par rapport à Landsec. Ils privilégient  l’adoption d’une soft law : non règlementaire et flexible. La Commission européenne est appelée à créer des lignes directrices du cadre de sûreté dans le domaine des transports ferroviaires tandis que ce sera à chaque Etat à devoir définir le contenu d’un plan de sûreté nationale. Malgré cela, les Etats membres ont suivi l’avis des experts afin de laisser les compagnies ferroviaires créer des plans en fonction de la situation des lignes ferroviaires, ce qui comporterait notamment la formation du personnel ferroviaire face à des situations de danger ou l’installation de systèmes de vidéosurveillance.

L’engagement dans ce domaine des Etats membres et des experts européens semble alors faible et privilégie plutôt la voie nationale. Mais lors de la réunion de Paris du 29 août à laquelle ont participé les Ministres des affaires intérieures et les Ministres des transports de 9 pays (Belgique, Allemagne, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Royaume-Uni et Suisse) et Dimitris Avramopoulos, Commissaire européen pour la Migration, les Affaires intérieures et la Citoyenneté, et Violeta Bulc, Commissaire européenne aux Transports, les positions étaient différentes.

Les objectifs de cette réunion extraordinaire étaient, en effet, de trouver des mesures transnationales et européennes pour la lutte contre la menace terrorisme dans le secteur du transport ferroviaire. Selon Dimitris Avramopoulos « l’attaque dans le Thalys a confirmé que nous devons lutter résolument contre les actes criminels et terroristes qui mettent en danger notre sécurité, nos valeurs, nos libertés. Le terrorisme ne connaît pas de frontières. Nous devons agir ensemble en renforçant la coopération transnationale et européenne. C’est le moment de montrer notre détermination en mettant pleinement en œuvre les dispositions et les actions prévues par l’Agenda Européen sur la Sécurité ».

La volonté de créer une politique de sûreté commune est donc claire et cela est renforcé par la déclaration prononcée le même jour après la réunion par le Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve qui affirme la volonté européenne de « poursuivre la coopération avec l’ensemble des acteurs de la sécurité et des transports afin de prévenir, détecter et mieux lutter contre les actions violentes que des individus radicalisés pourraient vouloir commettre sur le sol de l’Union européenne». Tout en condamnant les attaques terroristes et la violence dont ont été victimes les passagers du Thalys, le 21 août, la réunion  européenne organisée à Paris a mis l’accent sur le renforcement de plusieurs mesures dans le domaine de la sûreté des transports ferroviaires. Ces mesures comprennent notamment :

  • Le contrôle de l’identité des passagers ainsi que le contrôle des bagages
  • Le renforcement de la sécurité notamment par le biais de « patrouilles mixtes, composées d’agents des forces de l’ordre de plusieurs pays sur le parcours des trains internationaux »
  • La création de billets nominatifs pour les trains internationaux
  • La possibilité pour les agents de police ferroviaire de consulter la base de données lors des missions dans les transports
  • Le renforcement des services douaniers et de la cybersécurité

Les ministres réunis à Paris ont voulu lancer un message claire : l’action européenne est nécessaire. C’est pour cela qu’ils ont invité la Commission « à considérer les options envisageables pour une coopération plus grande et concrète entre les Etats-membres, ainsi qu’une étude d’impact visant à analyser l’intérêt d’une éventuelle initiative dédiée spécifiquement à la sûreté dans le transport ferroviaire, ce qui peut être fait avec le soutien du groupe d’experts LANDSEC. » et ont lancé un appel pour une meilleure utilisation des « ressources des agences européennes judiciaires et policières (telles qu’Europol, Eurojust et Frontex) ».

La politique européenne sur la sûreté des transports terrestres est donc à ses débuts et il faudra attendre le 8 octobre pour voir si une législation européenne en la matière se profilera à l’horizon dans l’Union Européenne.

Emilie Gronelli

 

 -. Déclaration de Paris du 29 août 2015 :http://www.interieur.gouv.fr/Actualites/L-actu-du-Ministere/Declaration-de-Paris-du-29-aout-2015

-.  Article de EULogos sur le PNRhttp://europe-liberte-securite-justice.org/2015/09/08/pnr-un-premier-feu-vert-donne-par-le-parlement-europeen-un-compromis-entre-securite-et-droit-a-la-vie-privee-des-nouvelles-pressions-pour-ladoption-du-dossier-apres-lattaque-du/


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Le Parlement européen a voté pour l’élimination du « plafond de verre » pour les carrières scientifiques et académiques des femmes.

mar, 15/09/2015 - 22:00

« Le principal objectif de ce rapport est d’intensifier la stratégie globale européenne afin d’atteindre une égalité universelle entre hommes et femmes dans leur carrière respective, dans le domaine de la science, de l’éducation et des technologies » a déclaré la députée grecque Elissavet Vozemberg, dans son rapport d’initiative sur les carrières scientifiques et académiques des femmes qui a été adopté à 550 voix pour, 97 contre et 41 abstentions le dernier 9 septembre.

La résolution souligne qu’en dépit des avancées des dernières années, l’égalité hommes-femmes dans le domaine scientifique et le monde universitaire n’a pas encore été réalisée. Les estimations chiffrées du plafond de verre reflètent la difficulté que rencontrent les femmes à progresser dans leur carrière à des niveaux similaires à leurs collègues masculins. Ainsi, les femmes sont largement sous-représentées dans les filières et carrières des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM), ne représentant que 24% des professionnels des sciences et technologie. Selon la publication «She Figures» pour 2012, bien que 59% des diplômées universitaires dans les 28 États soient des femmes, elles ne représentent que 10% des recteurs d’université.

Ce constat l’amène à déplorer l’existence dans notre société d’un modèle patriarcal érigé en norme qui légitime des formes de ségrégation professionnelle fondée sur le genre de nature horizontale et verticale.

Les députés ont donc lancé un appel à la Commission et aux États membres à « mettre en place des mesures ciblées pour briser ce plafond de verre et lutter contre tous les stéréotypes sexués qui enferment l’un et l’autre sexe dans des rôles convenus ».

La résolution :

Abolir les stéréotypes sexués et renforcer la confiance en soi

De manière générale les choix d’orientation professionnelle sont souvent déterminés par la prégnance des stéréotypes fondés sur le genre, qui représentent les plus grands obstacles à l’égalité homme-femme. Les emplois occupés principalement par les femmes se rattachent à des fonctions considérées comme relevant « naturellement » des femmes : métiers de l’éducation, de la santé, du social en général. C’est contre cette autolimitation implicite des filles que les députés ont mis l’accent. « Il faut encourager le changement de mentalité dans les familles, chez les parents et les jeunes filles elles mêmes qui trop souvent ont peur de ces univers techniques, technologiques, le chemin traditionnelle qui veut que les garçons soient plus attirés par les calculs, la rationalité et les filles par les matières plus littéraires là où elles sont capables de faire preuve de leurs empathies traditionnellement féminins ». Cela doit être contrebattu, car existe bel et bien un potentiel féminin important, énorme même qu’il nous faut exploiter pour le progrès de tous et de toutes, a déclaré la députée Le Grip Constance du PPE.

À cette fin, les députés ont invité les États membres à faire participer les médias et le secteur privé à l’élimination des stéréotypes sexistes et clichés promouvant de façon proactive des modèles positifs des femmes.

Appliquer les dispositions juridiques pour assurer une égalité de traitement.

Afin de faire respecter l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans tous les États membres, il faut que tous les Pays analysent les dispositions juridiques existantes dans le but de les mettre en oeuvre adéquatement. « Il ne suffit pas seulement de se doter de lois, il faut qu’elles soient appliquée », déclare Tibor Navracsics , membre de la Commission européenne. Notamment dans la recherche, il s’agit de couvrir les spécificités du secteur par des actions concrètes tant au niveau de l’UE qu’au niveau nationale. En mai 2015 le Conseil a adopté la feuille de route relative à « l’espace européen de la recherche pour la période 2015-2020 » et a appelé les États membres ainsi que la Commission européenne à mettre en oeuvre les actions prioritaires par des plans d’actions et des stratégies pour traduire en actions effectives la législation nationale en matière d’égalité homme- femme. Par contre, la résolution montre, qu’à ce moment-là, des lacunes dans la législation au niveau européen et nationale existent encore et elle prie la Commission et les États membres à les comblérs.

Changements et projets institutionnels :

Pour lutter contre la ségrégation professionnelle verticale et donner une visibilité aux femmes dans les organes décisionnels, la Commission a été invitée à proposer une recommandation aux États membres comportant des lignes directrices communes en matière de changement institutionnel pour promouvoir l’égalité des sexes dans les universités et les centres de recherche.

Les députés ont salué le fait que la Commission a financé la création de plans en matière d’égalité des genres par l’intermédiaire de projets dans le cadre du 7e programme-cadre et d’Horizon 2020, mais ils demandent toutefois à la Commission d’intensifier son rôle de coordination en ce qui concerne les initiatives d’intégration du genre au sein de l’Espace européen de la recherche.

Les États membres sont invités à :

-. conclure des partenariats avec les organismes de recherche et les universités afin d’encourager les changements culturels et institutionnels en matière de genre;

-. travailler avec les établissements universitaires pour offrir une aide et des possibilités d’avancement lors de transitions clés, comme la transition entre doctorat, post-doctorat et postes de maître assistant;

-. collaborer avec les établissements universitaires pour prendre des initiatives incitant les femmes à se porter candidates aux postes à pourvoir et assurer, dans la mesure du possible, une représentation féminine dans les jurys d’entretien.

Le rapport insiste sur la nécessité de systématiser les données disponibles sur la répartition par genre et le suivi de la position des femmes scientifiques au niveau des États membres.

Conciliation vie professionnelle et vie privée.

Bien que l’Union européenne ait adopté de nombreux textes contraignants en matière de conciliation entre la vie privée et professionnelle (1), ceci représente encore souvent l’obstacle majeure qui entrave l’avancement des femmes dans leurs carrières scientifiques et académiques.

« Si la femme doit assumer toutes les tâches domestiques, le plafond de verre ne pourra jamais disparaitre », dit le député Gericke Arne du groupe ECR

Les députés ont ainsi demandé que les conditions de travail des chercheurs, tant masculins que féminins, offrent une plus grande souplesse afin de leur permettre de combiner le travail et la vie familiale.

Particulièrement la Commission et les États membres ont été appelés à :

-. concevoir des programmes visant à encourager les femmes à poursuivre leur carrière après un congé de maternité ou un congé parental;

-. financer des programmes de réinsertion englobant des formations sur les dernières avancées scientifiques, tout en offrant aux femmes qui viennent de mettre au monde ou d’adopter un enfant une plus grande flexibilité en ce qui concerne leur production scientifique et des services de garde d’enfants adéquats;

-. reconnaître la nécessité d’un véritable congé de paternité, accompagné d’une rémunération adéquate.

(1) Il s’agit de l’art. 33 de la Charte des droits fondamentaux. La Directive refonte 2006/54 concerne la mise en oeuvre du principe d’égalité des chances et d’égalité de traitement entre hommes-femmes en matière d’emploi et de travail. La Directive de 2010 sur le congé parental qui prévoit un droit individuel au congé.

Cristina De Martino

 

 

Pour en savoir plus :

 

     -. Texte adopté http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0311+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR

        -. Vidéo des débats en session Plénière du 8 septembre 15 http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/plenary/video?debate=1441745645581

      -. Résultat des votes http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=%2f%2fEP%2f%2fNONSGML%2bPV%220150909%2bRES-RCV%2bDOC%2bPDF%2bV0%2f%2fFR&language=FR

     -. Projet de conclusions du Conseil concernant la feuille de route de l’Espace européen de la recherche pour la période 2015-2020  http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-8975-2015-INIT/fr/pdf

 


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Catégories: Union européenne

Face aux réfugiés : réussir ensemble ou échouer individuellement ?

lun, 14/09/2015 - 21:35

« Nous pouvons réussir ensemble et uni ou nous pouvons échouer chacun à notre façon, dans notre propre pays, dans nos propres îles ». Une mort pour réveiller les consciences ?

 

Le Premier Vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, affirmait fermement dans un communiqué de presse du vendredi 4 septembre : « On est face à un défi mondial qui exige une solidarité de tous les États membres ».

À la une de la presse européenne s’est récemment trouvée une image , forte qui est devenue le symbole du drame migratoire. C’était le corps sans vie d’un petit enfant de trois ans trouvé sur les plages turques. Son nom était Aylan Kurdi. Il était l’un des nombreux enfants syriens à fuir la guerre civile de leurs pays d’origine pour rejoindre l’Europe. Malheureusement, l’embarcation sur laquelle se trouvait Aylan et sa famille, et au moins une douzaine d’autres personnes, coula au large de l’île de Kos.

 

Réagissant à cette image, le Directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef), Anthony Lake, a appelé jeudi 3 septembre les États européens à ne pas perdre de vue le caractère profondément humain de la crise actuelle.

 

106 000 enfants réfugiés en Europe.

Un quart de ceux qui cherchent refuge en Europe sont des enfants : parmi eux environ 2 millions d’enfants syriens ont fui leur pays. Dans les six premiers mois de cette année, ce sont 106.000 enfants qui ont demandé l’asile. C’est ce que signale l’Unicef sur la situation des migrants et des réfugiés enfants en Europe.

Dans un communiqué de presse rendu public à New York, M. Lake a déploré : « alors que la crise des réfugiés et migrants en Europe s’aggrave, ces images choquantes ne seront pas les dernières à circuler à travers le monde sur les réseaux sociaux, sur nos écrans de télévision et à la une de nos journaux ».

 

Les États membres se sont dits scandalisés devant cette énième tragédie. Mais le monde ne doit pas seulement être choqué. Le choc doit se traduire en action. Car ces enfants n’ont pas

choisi de vivre ce calvaire qui est hors de leur contrôle. Ils ont besoin de protection. Ils ont le droit à la protection.

 

Cette image s’est voulue un acte d’accusation face à une Europe tellement hypocrite qu’elle pleure devant des morts qui sont d’autant plus injustes qu’elles sont qu’évitables.

Depuis la publication de l’Agenda sur les Migration par la Commission européenne, 4 mois sont passés. Mais on est encore au point de départ. Parmi les mesures à adopter pour répondre à cette crise, figuraient les répartitions des quotas de migrants en Italie et Grèce. Des progrès concrets n’ont pas encore été réalisés. Nous sommes encore dans l’attente des résultats du Conseil du 14 septembre. Pire même, l’Union européenne accuse, sur certains points, un retour en arrière par rapport au point de départ.

Les gouvernements d’Europe de l’Est se sont déclarés hostiles aux quotas pour répartir les migrants. Cet été, la Hongrie a construit une clôture de 175 kilomètres le long de sa frontière avec la Serbie afin d’empêcher, sans grand succès, l’entrée des migrants. En République Tchèque 216 migrants, dont 61 enfants, ont été marqués au dos de leurs mains pour être identifiés. La réponse donnée par la porte-parole du ministère tchèque de l’Intérieur, Lucie Novakova, était que ce marquage avait été introduit en raison du grand nombre d’enfants parmi les réfugiés. «Notre objectif est d’empêcher que des enfants ne se perdent», a-t-elle encore dit, comme s’ils étaient des animaux ! Et elle a assuré, comme pour justifier son comportement : «Ils ont accepté le marquage, ils n’ont pas de problème avec cela, ils savent que c’est dans leur intérêt». Mais assure Zuzana Candigliota, avocate de la Ligue tchèque des droits de l’Homme, «aucune loi ne permet de marquer les gens de cette manière».

Mais de quelle Europe parle-t-on ? Où sont les valeurs de démocratie et de solidarité sur lesquelles l’Union est fondée ?

 

A la question qui lui était posée par un journaliste (Le Monde) de comment juger ces pays d’Europe, Laurent Fabius, Ministre des affaires étrangères français, a répondu : « Quand je vois un certain nombre de Pays d’Europe qui n’acceptent pas les contingents (de répartition des réfugiés), je trouve ça scandaleux ».

 

En effet, tout ceci est un paradoxe pour ces Etats d’Europe de l’Est qui, alors qu’ils ont depuis la fin du XIXème siècle toujours été des terres d’émigration, se disent aujourd’hui hostiles à l’accueil des réfugiés.

 

Il convient de rappeler un peu l’histoire. Lorsque en octobre 1956, après la fin de la Révolution de Budapest, près de 200.000 Hongrois ont fuit en Autiche et en Yougoslavie dans l’espoir d’avoir une vie meilleure, la réponse des Pays européens fut beaucoup plus solidaire qu’aujourd’hui. Un plan de réinstallation fut mis en place et en février 1957 117.000 personnes se trouvant en Autriche furent réparties vers plusieurs pays d’Europe, grâce à une politique de « quotas » d’accueil, rappelle le Haut-Commissaire aux réfugiés, Antonio Guterres ».

Il eut été bon, que le Premier ministre Hongrois, Viktor Orban, avant le sommet du vendredi 4 septembre 2015 à Prague, se rappelât la solidarité que les États européens montrèrent accueillant leurs réfugiés. Mais le groupe de Visegrad réaffirma finalement son refus des quotas automatiques de réfugiés.

« Quoi que je puisse faire, je serais attaqué, et je pense qu’il y a une réalité là-dessous. Si je protège mes frontières, ça devient un problème, si je ne protège pas mes frontières, c’est aussi un problème. Alors aujourd’hui, on ne sait plus quoi faire pour ne pas être attaqué, » a déclaré Viktor Orban face à la presse, à fin de la réunion des chefs de gouvernement des quatre pays d’Europe centrale.

 

« Peut-être faudra-t-il cette photo pour que l’Europe ouvre les yeux ? »

Apparemment cet acte provocateur a suscité de nombreuses réactions et poussé les politiques à prendre des engagements.

 

La France et l’Allemagne ont lancé ce jeudi 3 septembre une initiative sur des « quotas contraignants » pour l’accueil des migrants. « J’ai parlé ce matin au président français. La position franco-allemande que nous allons transmettre aux institutions européennes est que ceux qui ont besoin de protection (…) en bénéficient et que nous avons besoin de quotas contraignants au sein de l’Union européenne pour se partager les devoirs ; c’est le principe de solidarité. » a expliqué la chancelière A. Merkel.

 

A Paris, François Hollande, a parlé d’un « mécanise permanent et obligatoire » en se référant aux quotas. Un mécanisme qui sera « soumis » le 14 septembre à un conseil des ministres européens de l’intérieur, avant un sommet européen.

L’accord franco-allemand vise aussi à assurer le retour des migrants irréguliers dans leurs pays d’origine et à aider les pays d’origine et de transit.

Aussi le premier ministre Cameron, qui a été critiqué de toutes parts pour son manque d’implication dans la crise, a-t-il cédé à la pression politique intense et annoncé vendredi 4 septembre que la Grande-Bretagne réinstallerait des milliers d’autres réfugiés dans les camps qui bordent le pays ravagé par la guerre.

 

Devant la presse, l’actuelle Haute Représentante de l’Union pour les affaires extérieures, Federica Mogherini, a ajouté avec un peu de colère…. « J’en ai un petit peu marre du fait qu’on demande aux hommes/femmes politiques de donner une réaction émotionnelle. Oui. Nous devons réagir. Mais de manière cohérente et rationnelle. Il ne faut pas simplement être choqué, mais ensuite être responsable, et prendre les décisions qui découlent de ce sentiment. (…) Notre travail (à nous Politiques) n’est pas d’exprimer de la tristesse, ou d’exprimer une minute de silence mais de faire des propositions, d’améliorer le contexte pour prendre des décisions, et ensuite de veiller à ce que ces décisions soient traduites dans les faits. Et ce rapidement ! »

Elle a ensuite lancé un appel à davantage de conscience européenne. « Cette crise sans précédent, nous ne pourrons pas y faire face par le biais d’une approche isolée des États membres, par une politique intérieure ou extérieure uniquement, il faut que l’Europe agisse vite dans la solidarité et la responsabilité. Chacun commence à comprendre qu’on ne peut plus s’offrir le luxe de pouvoir reporter les décisions à plus tard.»

 

En se référant à une certaine partie de l’Europe qui, face à ce problème, a montré sa volonté de rester de côté, Frans Timmermans a répondu que cela était impossible ! C’est sur cette base que le Président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker, a présenté le 9 septembre, à Strasbourg, un nouvel ensemble de mesures pour agir en urgence dans la crise des migrants.

 

 

Cristina De Martino

 

Pour en savoir plus :

 

– . Appel de l’UNICEF

http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=35490

-. Support du Royaume Uni aux réfugiés http://www.theguardian.com/uk-news/2015/sep/05/uk-councils-call-for-more-money-to-support-extra-refugees

-. Appel de Federica Mogherini du 03/09/2015

http://www.bruxelles2.eu/2015/09/03/pleurer-cest-bien-agir-cest-mieux-mogherini-dit-halte-aux-larmes-de-crocodile/

-. Histoire de la Hongrie sur l’immigration et asile

http://www.bruxelles2.eu/2015/09/04/des-refugies-de-hongrie-accueillis-en-masse-quand-les-europeens-etaient-un-peu-plus-solidaires/

-. Discours du Premier ministre Hongrie (vidéo ) 04/09/2015

 http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/video-quoique-je-puisse-faire-je-serais-attaque-declare-le-premier-ministre-hongrois_1070067.html

      -. Interview Laurent Fabius (vidéo) 30/08/2015

http://www.europe1.fr/politique/migrants-fabius-denonce-lattitude-scandaleuse-de-certains-pays-europeens-2507293

-. Discours du Vice-Président Frans Timmermans du 04/09/2015

http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5595_en.htm

 


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Etat de l’Union 2015 : encore un Président pour qui le changement, c’est maintenant !

lun, 14/09/2015 - 19:26

Etat de l’Union 2015 : encore un Président pour qui le changement, c’est maintenant !

« C’est le moment (…) de l’honnêteté. C’est le moment de parler franchement des grands problèmes de l’Union européenne. Parce que notre Union européenne ne va pas bien. Il n’y a pas assez d’Europe dans cette Union. Et il n’y a pas assez d’Union dans cette Europe ».

Par un discours d’européen convaincu, le Président de la Commission européenne a présenté l’état de l’Union européenne ce mercredi 9 septembre lors de la plénière du Parlement européen de Strasbourg. Evoquant 5 thèmes principaux, Jean-Claude Juncker a réaffirmé son souhait de voir une Europe davantage unie et solidaire face aux difficultés.

Rappelant le fondement sur lequel repose ce fameux « discours sur l’état de l’Union », à savoir l’accord-cadre régissant les relations entre le Parlement européen et la Commission, le Président de la Commission européenne a déclaré qu’il était de son devoir de dresser d’une part le bilan de l’année en cours, et d’évoquer d’autre part les priorités pour les années à venir.

  1. Juncker a en outre déclaré , conformément à l’accord-cadre, avoir transmis au Président du Parlement, Martin Schulz, et au Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel (présidence actuelle du Conseil), une lettre (cf. Pour en savoir plus)présentant « les nombreuses actions que la Commission [entendait] prendre, par voie législative ou autre, d’ici à la fin de 2016 ». Un programme législatif qu’il qualifie « d’ambitieux, ciblé et dense », requérant une coopération « étroite et efficace » entre la Commission, le Parlement et le Conseil.

Par une brève introduction, Jean-Claude Juncker a réaffirmé sa volonté de faire de la Commission, une institution « très politique », estimant que l’Europe ne pourra faire face aux « immenses défis » auxquels elle est actuellement confrontée que par « une perspective très politique ». Pour le Président de la Commission européenne, seul un changement de ce qui ne va pas dans l’Union permettra à l’Union de pouvoir trouver une solution aux problèmes qui l’assaillent, en son sein comme à l’extérieur.

« L’Europe, (…) une terre de refuge et d’asile », qui « représente l’espoir, un havre de stabilité », et qui est « de loin le continent au monde le plus prospère et le plus stable »

Pour le Président de la Commission européenne, la « priorité absolue, aujourd’hui est et doit être de répondre à la crise des réfugiés ».

Face aux arrivées massives de personnes depuis le début de l’année 2015, Jean-Claude Juncker estime que « l’heure est à une action audacieuse, déterminée et concertée de l’Union européenne, de ses institutions et de ses Etats membres ».

Ce n’est que par une action commune, menée de concert par tous ceux qui la composent et qui font d’elle ce qu’elle est que l’Union européenne trouvera une solution pour chaque personne qui gagnera son territoire. Selon le Président Juncker, il n’est pas normal que l’Europe, qui continent par essence est diversifié et dont l’histoire est marquée par les migrations, se refuse à être une terre d’accueil pour les milliers de personnes qui risquent leur vie au quotidien afin de rejoindre les rivages européens.

Provenant principalement de Syrie, de Lybie et d’Erythrée, ces personnes fuient respectivement la guerre, l’Etat islamique et la dictature. Or, Jean-Claude Juncker l’a rappelé dans son discours : « notre histoire commune est marquée par ces millions d’Européens qui ont fui les persécutions religieuses ou politiques, la guerre, la dictature ou l’oppression ». Qu’il s’agisse des Juifs et des Roms lors de la seconde guerre mondiale, des républicains espagnols, des révolutionnaires hongrois, des milliers de personnes provenant de l’ex-Yougoslavies, toutes ont fuit leurs terres et ont trouvé refuge sur d’autres. Les républicains espagnols, dans le sud de la France ; les révolutionnaires hongrois en Autriche etc.

Pour le Président de la Commission, la question de l’accueil des personnes arrivant chaque jour aux frontières de l’Europe est avant tout « une question d’humanité et de dignité humaine ». Mais cela va plus loin selon lui, car c’est aussi une question de respect par rapport à l’Histoire européenne, une histoire forgée dans les migrations, quelles qu’en soient les causes (persécutions religieuses ou politiques, guerres, dictatures, oppressions). Jean-Claude Juncker y voit un devoir de souvenir des européens, un devoir de se souvenir ; « nous souvenir que l’Europe est un continent où presque chacun a un jour été réfugié ».

Rappelant le contexte de la création de la Convention de Genève en 1951 relative au statut des réfugiés, le Président de la Commission européenne réaffirme le caractère fondamental du droit d’asile en déclarant que « nous, Européens, devrions savoir, et ne jamais oublier, la raison pour laquelle il est si important d’accueillir les réfugiés ».

Pour Jean-Claude Juncker, la question de venir en aide aux réfugiés n’est alors qu’une question de volonté, dans une Europe riche d’une Histoire marquée par les migrations, où chacun a probablement été au moins un jour étranger, car l’Union européenne a les moyens d’accueillir ces personnes.

« Agir pour gérer la crise des réfugiés » : telle semble être la ligne de conduite à suivre pour les prochaines semaines et les prochains mois. Bien conscient que « l’Europe ne peut accueillir toute la misère du monde », le Président de la Commission explique que la crise ne s’arrangera pas réellement tant que perdureront les situations telles que la guerre syrienne et la terreur libyenne. Pointant du doigt le renvoi des responsabilités, Jean-Claude Juncker estime que ce « jeu de reproches mutuels » est le reflet du fait que les politiques « sont dépassés par des événements imprévus ». Lorsque les Etats membres s’accusent mutuellement « de ne pas en faire assez ou de mal faire », lorsque Bruxelles est montrée du doigt par les capitales nationales, cela crée non pas une action commune de l’Union telle que nous serions en droit de l’attendre, mais dévoile une incapacité de l’Union et de ses Etats membres à prendre leurs responsabilités et à agir.

Rappelant ce qui existe déjà en la matière au sein de l’Union, comme le système européen commun d’asile, les normes communes pour le traitement des demandes d’asile, ou encore les critères communs pour déterminer si une personne a droit à une protection internationale, Jean-Claude Juncker relève l’insuffisance, voire l’absence, d’application de ces critères en pratique. Or, « tous les Etats membres doivent appliquer la législation européenne. Cela doit aller de soi dans une Union fondée sur l’Etat de droit ». Des normes communes en matière d’asile, bien que nécessaire, ne suffiront pas si elles ne s’accompagnent pas d’une application réelle et concrète sur le terrain.

Pour le Président de la Commission, le programme européen global en matière de migration présenté par la Commission en mai dernier a sans doute constitué le point de départ d’une nouvelle action. Depuis, la présence en mer de l’Union a triplé, nombres de vies ont pu être sauvées. La participation conjointe des Etats membres et pays associés aux opérations conjointes coordonnées par Frontex en Italie, en Grèce et en Hongrie ; la mise à disposition de moyens matériels (102 officiers, 31 navires, 3 hélicoptères, 4 avions etc.) sont pour lui « une première mesure de ce qu’est la solidarité européenne en action ».

Incitant cependant à davantage d’action, le Président de la Commission européenne développe. Outre ces mesures de sauvetage en mer, des opérations visant au démantèlement de réseaux de passeurs et de traite des êtres humains ont permis de stabiliser le nombre de migrants empruntant la voie de la Méditerranée centrale. Des efforts restent néanmoins à faire pour stabiliser « de la même manière, le passage par les Balkans ».

Ces actions ne sont pas les seules menées par l’Union. Des fonds ont été mobilisés par la Commission et les Etats membres en faveur des réfugiés syriens, visant la Syrie mais aussi les pays voisins les ayant accueillis (Liban, Jordanie, Irak, Turquie, Egypte). L’Union s’est de plus engagée à permettre à plus de 22 000 personnes originaires de pays non européens de s’installer sur son territoire l’année prochaine.

Pour le Président de la Commission, « là où l’Europe n’est pas à la hauteur, c’est sur notre solidarité collective à l’égard des réfugiés arrivés sur notre territoire ». Les quelques Etats membres (Italie, Grèce, Hongrie) qui actuellement font face aux arrivées plus que massives de migrants ne peuvent « être abandonnés à leur sort et gérer seuls ce défi ». Il a d’ailleurs tenu à préciser, qu’outre la proposition de relocalisation de 40 000 personnes présentée en mai dernier, la Commission européenne proposait aujourd’hui de relocaliser 120 000 personnes se trouvant actuellement en Grèce, en Italie et en Hongrie.

Accentuant son propos sur la nécessité d’une « action immédiate », le Président de la Commission recommande de ne pas reproduire les erreurs du passé qui étaient d’opérer des distinctions selon les religions des individus (juifs, chrétiens, musulmans).

« Il n’y a pas de religion, pas de croyance, pas de philosophie quand il s’agit de réfugiés ».

L’Union européenne devrait :

– « Etablir une distinction plus nette entre les personnes qui ont clairement besoin d’une protection internationale (…) et celles qui quittent leur pays pour d’autres raisons et qui ne peuvent donc pas prétendre à l’asile ».

– Dresser une « liste commune de l’UE des pays d’origine sûrs » afin de permettre aux Etats membres d’accélérer leurs procédures d’asile pour les ressortissants des pays « présumés sûrs ». C’est du moins ce que propose la Commission européenne, selon laquelle la présomption devrait s’appliquer aux pays satisfaisant aux critères de Copenhague pour l’adhésion à l’Union (sur décision unanime du Conseil européen) et aux pays candidats potentiels des Balkans occidentaux.

– Revoir le système de Dublin qui exige un traitement des demandes d’asile par le premier pays d’entrée.

– Disposer d’un mécanisme de relocalisation permanent (là encore, il s’agit d’une proposition de la Commission).

– Inciter les Etats membres à revoir leurs politiques d’intégration et d’inclusion des réfugiés, en harmonisant davantage les politiques d’asile. Sur ce point, le Président de la Commission s’est d’ailleurs dit « fortement favorable à autoriser les demandeurs d’asile à travailler et gagner de l’argent pendant que leur demande est à l’étude ».

– Renforcer les efforts conjoints de protection des frontières extérieures. Jean-Claude Juncker a ici réaffirmé la volonté de la Commission de faire évoluer Frontex vers « un système européen de garde-frontières et de garde-côtes qui soit pleinement opérationnel », un projet qui bien évidemment aura un certain coût financier mais qui représente selon la Commission de « l’argent bien investi ».

– Ouvrir des canaux légaux de migration, ce qui est également à l’étude, la Commission estimant que cela pourrait, par une meilleure gestion de la migration, avoir pour conséquence de « rendre moins attrayante l’activité illégale des trafiquants d’êtres humains ». Pour M. Juncker, il devient capital que les européens se rendent à l’évidence : l’Union européenne est un continent vieillissant, en déclin démographique, et qui va avoir besoin de talents. « La migration doit peu à peu cesser d’être un problème pour devenir une opportunité bien gérée ».

– Lancer une « offensive diplomatique européenne en réponse aux crises syrienne et libyenne » afin de ramener « la paix et la stabilité » dans ces pays, et mettre à disposition un « Fonds d’affectation spéciale d’urgence » (initialement de 1.8 milliard d’euros) pour « résoudre les crises qui frappent les régions du Sahel et du lac Tchad, la Corne de l’Afrique et l’Afrique du Nord ».

Porteur d’objectifs ambitieux, le programme ainsi présenté par M. Juncker ne sera bénéfique que si l’Europe reste unie et agit de manière unie.

« Ce n’est qu’une fois au bord du précipice que nous sommes parvenus à prendre conscience de toute l’ampleur de l’enjeu et à assumer nos responsabilités ».

Poursuivant son discours avec la « question grecque », Jean-Claude Juncker entend aborder les enseignements tirés de la crise grecque. Résumant la situation par un « nous nous sommes collectivement approchés du gouffre », le Président de la Commission européenne accuse l’Union dans son ensemble, institutions et Etats membres compris, d’avoir malmenées les négociations lancées avec la Grèce, entraînant ainsi une perte de temps et de confiance. Les paroles lancées à tout va « qu’il est difficile d’effacer », le fait pour certains d’avoir voulu « imposer leur point de vue sans aucune considération pour celui des autres » ne sont qu’un échantillon de ce que les Européens ont pu voir ces derniers mois.

En dépit de l’accord trouvé avec la Grèce, des engagements, et de la confiance qui – bien que demeurant fragile – « commence à être restaurée », le Président de la Commission ne se dit pas pour autant « fier de tous les aspects des résultats obtenus ». Saluant le travail « sans relâche » de la Commission européenne, il s’est dit bien conscient du fait que beaucoup d’hommes politiques grecs n’aient pas apprécié l’insistance de la Commission sur la nécessité pour la Grèce de mener des réformes (système de retraite, régime fiscal notamment), ou que d’autres responsables politiques européens n’aient pas compris le souci de la Commission de continuer les négociations avec ce pays. Pour Jean-Claude Juncker, le traité sur l’Union européenne dispose que « l’appartenance à l’euro est irrévocable ». A partir de là, les institutions européennes, dont la Commission, ont un « mandat clair et [le] devoir de tout mettre en œuvre pour préserver l’intégrité de la zone euro ». Et il en sera ainsi « tant que les Etats membres n’auront pas modifié les traités ».

Pour celui qui voulait redonner à la Commission un rôle éminemment politique, la crise grecque fut l’occasion de mener des discussions « très politiques », « en gardant l’équité sociale à l’esprit ». Bien que le compromis trouvé avec la Grèce ne soit pas parfait, il constitue néanmoins un pas en avant. Celui-ci ne sera pourtant bénéfique que s’il est réellement mené à bien, ce qui supposera l’implication concrète des politiques grecs. Pour M. Juncker, il doit s’agir d’« un nouveau départ, pour la Grèce comme pour l’ensemble de la zone euro ». Une zone euro qui s’est parallèlement trouvée affaiblie du fait justement de la tournure des négociations. Le rétablissement de la confiance est alors plus que nécessaire si les Européens veulent sortir de cette crise. La Commission entend rester aux côtés de la Grèce, afin de veiller et d’appuyer la mise en œuvre des dispositions adoptées le 19 août dernier par les 19 Etats membres de la zone euro, dont la Grèce.

« La crise n’est pas encore derrière nous. Elle a simplement marqué une pause ».

Le Président de la Commission européenne veut noter l’ensemble des progrès réalisés (amélioration des chiffres du chômage, accroissement du PIB, etc.) mais doit se rendre à l’évidence: ces progrès ne suffisent pas. « La crise a creusé de très grands écarts à l’intérieur de la zone euro comme de l’UE dans son ensemble ». Altération du potentiel de croissance, montée des inégalités, l’Union accuse le coût d’une crise qui a « nourri des doutes quant au progrès social, à la valeur du changement et aux mérites d’une appartenance à un destin commun ». Productivité, création d’emplois et équité sociale devraient selon lui permettre à l’Union européenne de se redresser.

Un Président qui se veut réaliste, qui note les faiblesses de l’Union, les chocs et traumatismes récemment subis, mais pour qui l’Union ne doit pas s’avouer vaincue. Pour Jean-Claude Juncker, il reste un potentiel à l’Union, un potentiel qui – s’il est bien exploité – lui permettra de redorer son blason et de reprendre sa position de « référence » à l’égard des autres pays du monde. M. Juncker réaffirme que l’Union doit d’abord se reconstruire elle-même, retrouver la confiance perdue et la solidarité qui ont fait sa construction. « Nous n’avons pas encore convaincu les citoyens de l’Europe et le reste du monde que notre Union n’est pas vouée à seulement survivre, mais qu’elle peut aussi s’épanouir et prospérer ». Il semble qu’il reste encore du pain sur la planche à la Commission européenne avant de parvenir à cet objectif ambitieux, mais Jean-Claude Juncker se veut optimiste.

Un Président qui souhaite également affirmer le rôle et la position du Parlement européen, « cœur de la démocratie au niveau de l’Union, tout comme les parlements nationaux sont le cœur de la démocratie au niveau national ».

Un Président qui :

– Prône un système commun de protection de l’épargne bancaire des citoyens européens,

– Insiste sur le « besoin d’une représentation plus forte de l’euro [deuxième monnaie du monde] sur la scène mondiale »,

– Souhaiterait un système de surveillance économique et budgétaire « plus efficace et plus démocratique »,

– Envisage de rendre « nos politiques fiscales plus justes »,

– Vise la création d’un « marché du travail équitable et véritablement paneuropéen »

Un Président pour qui finalement la solution serait de « grandir et de placer nos intérêts communs avant nos intérêts nationaux » ; « l’intérêt de l’ensemble est plus que la somme des parties ».

Un Président qui requière des actions concrètes plutôt que des paroles « creuses » et sans effet.

« L’UE se porte mieux avec le Royaume-Uni et (…) le Royaume-Uni se porte mieux en étant dans l’UE » :

Rappelant le référendum qui devrait avoir lieu avant la fin de l’année 2017, afin de savoir si ce pays restera ou non dans l’Union européenne, le Président de la Commission entend cependant s’efforcer de tout mettre en œuvre pour trouver un « accord équitable » avec le Royaume-Uni.

« Lorsque l’Europe agit unie, elle peut changer le monde »

Concernant la situation ukrainienne, Jean-Claude Juncker estime que l’Union européenne, caractérisée par sa force qu’elle tire de son unité et de sa capacité à agir ensemble, a « vraiment quelque chose à offrir ». Arguant de l’engagement du Président ukrainien à se battre pour la paix, M. Juncker incite l’Union à lui octroyer son soutien.

Par ailleurs, « l’UE doit montrer à la Russie que la confrontation a un coût, mais elle doit aussi lui montrer qu’elle est prête à s’engager ». Pour Jean-Claude Juncker, Moscou doit comprendre que « la sécurité et les frontières des Etats membres de l’Union européenne sont inviolables ». Bien qu’il considère les sanctions imposées à la Russie comme un « moyen puissant en réponse à l’agression et la violation du droit international », qui ne pourront être levées qu’à la condition que les accords de Minsk soient – enfin – respectés, le Président de la Commission engage l’Union européenne à « continuer à chercher des solutions ».

« La nature ne tardera pas à nous présenter la facture »

Abordant le sujet de la lutte contre les changements climatiques, M. Juncker se veut terre à terre. Insistant sur le rôle « de premier plan » joué par l’Europe, Jean-Claude Juncker a rappelé les engagements pris par l’Union et la priorité de l’Europe qui réside dans l’adoption d’« un accord mondial sur le climat qui soit ambitieux, solide et contraignant ». Le défi consiste ici dans le besoin d’avoir un « régime international pour combattre les changements climatiques ». En effet, à quoi serviraient les engagements européens de réduire d’au moins 40% les émissions d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, si tous les pays du globe ne s’engageaient pas de la même manière à, si ce n’est réduire, au moins limiter leurs émissions ? Pour M. Juncker, quelle que soit la solution qui sera trouvée en décembre à Paris, la lutte contre les changements climatiques n’aura d’effet que « sur le terrain et dans les villes où la plupart des européens vivent, travaillent et consomment environ 80% de l’énergie produite en Europe ».

En dépit du fait que tous les problèmes actuels auxquels l’Union doit faire face n’aient pu être soulevés, s’il est une chose à retenir de ce discours, c’est bien la nécessité pour l’Union européenne d’être une « Union » ; une Union qui se traduise par des institutions et des Etats membres qui agissent ensemble, en prenant leurs responsabilités et en faisant preuve de solidarité, en tenant à cœur l’intérêt des citoyens européens. Pour Judith Sunderland, directrice adjointe de la télévision Europe et Asie centrale à Human Rights Watch, « L’Europe a fait preuve (…) d’un manque affligeant de volonté politique et d’humanité face à cette crise de réfugiés et de migrants ». Les dirigeants de l’UE devraient selon elle avoir pour priorité celle de « protéger des vies et de faire en sorte que les migrants soient traités humainement ».

« Lorsque, dans quelques générations, les gens liront dans les manuels d’histoire européenne les passages concernant la période que nous traversons, puissent-ils lire (…) qu’ensemble, nous avons fait l’histoire européenne. Une histoire que nos petits-enfants raconteront avec fierté », achève le Président Juncker. Le message :solidarité et courage ! Répondant à la première question posée en salle de presse pendant la conférence de presse par le journaliste du Soir : le discours a été très long, en peu de mot quel est le message que le président Juncker a voulu faire passer ?Réponse : solidarité et courage

Aurélie DELFOSSE

Pour en savoir plus :

Discours de Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, sur « l’état de l’Union en 2015 : le moment de l’honnêteté, de l’unité et de la solidarité », prononcé à Strasbourg, le 9 septembre 2015 (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5614_fr.htm (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5614_en.htm

Human Rights Watch, « UE : Cinq mesures pour faire face à la crise des réfugiés. Des moyens concrets pour sauver des vies et protéger les personnes », 4 septembre 2015.https://www.hrw.org/fr/news/2015/09/04/ue-cinq-mesures-pour-faire-face-la-crise-des-refugies

-. Site sur l’Etat de l’Union en 2015 (EN) http://ec.europa.eu/priorities/soteu/ (FR) http://ec.europa.eu/priorities/soteu/index_fr.htm

 

 

 


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Droits fondamentaux : ne pas respecter les droits fondamentaux, c’est nuire à soi-même ! L’Europe complice par son silence et son inaction !

lun, 14/09/2015 - 18:26

« Les droits fondamentaux s’appliquent à tous sur ce continent, dans cette Union européenne ; et le fait de ne pas respecter les droits fondamentaux d’un seul individu nous nuit à tous. L’Europe n’est rien si elle ne protège pas ses minorités ; l’Europe n’est rien si elle n’ouvre pas ses yeux face à ce qui est faible ; l’Europe n’est rien si nous fermons nos portes aux personnes qui fuient la persécution et la guerre ailleurs. Nous nuirons non seulement aux intérêts de ces personnes, mais nous nuirons à nos propres valeurs. Nous nous nuirons à nous-mêmes, nous détruirons nos propres âmes si c’est là l’attitude que nous choisirons ». (Frans Timmermans)

A l’occasion du débat portant sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2013-2014) qui avait lieu le 7 septembre dernier au Parlement européen (Plénière, Strasbourg), le Premier Vice-président de la Commission Frans Timmermans a pleinement assumé son rôle de garant de la protection des droits fondamentaux.

Débattant sur un « rapport Ferrara » considéré par la plupart comme complet et bien mené, les députés du Parlement européen ont saisi l’occasion d’aborder les droits, libertés et valeurs qui, s’ils sont différents n’en sont pas moins liés. Ont ainsi été évoqués entre autres le droit à la vie, le droit à la famille, la liberté d’expression, la liberté d’opinion, la liberté des médias, la protection des personnes handicapées, la protection des réfugiés et des migrants, les droits des personnes LGBTI ; la lutte contre les violences faites aux femmes, la corruption, le blanchiment, le terrorisme et bien d’autres encore. C’est dire tout l’intérêt de ce rapport sur lequel les médias, pour la plupart, ont fait silence

Présentant son rapport, Laura Ferrara (Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe, EFD), membre de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) au Parlement européen, a introduit cet important débat par une référence au corps du petit Aylan Kurdi, trouvé sans vie sur les plages de la Turquie, précisant qu’il s’agissait là du « symbole d’un droit nié, d’un droit qu’on a nié : le droit à la vie ».

Ce débat de plus de deux heures a permis de faire ressortir de manière évidente que les droits fondamentaux étaient violés en premier lieu au sein même de l’Union européenne. Dés lors comment peut-elle faire la leçon aux autres ? Selon la Rapporteure en charge du dossier, c’est aux européens eux-mêmes d’être « les contrôleurs et les garants de ces droits et de ces valeurs qui font notre Communauté et qui légitiment l’existence de l’Union ». Constatant que rien n’était réellement fait « pour les arrêter ou les prévenir », Laura Ferrara s’est voulue virulente : « nous sommes hypocrites et nous sommes enfin par notre silence, complices ».

Le rapport traduit une volonté de parvenir à « un plus grand contrôle et une meilleure interactions avec les citoyens ». L’idée de ce rapport serait en effet d’assurer un suivi personnalisé de la situation des droits fondamentaux au sein de chaque Etat membre de l’Union européenne, c’est-à-dire pays par pays. Mais la demande d’un rapport pays par pays demandé avec insistance par le député Louis Michel n’ a pas une fois de plus été suivi. De la sorte, les institutions européennes seraient mieux à même de voir quels sont les droits violés, où le sont-ils, par qui le sont-ils. Une telle perception de la situation permettrait à ces dernières de « déclencher les interventions nécessaires pour protéger les droits fondamentaux ». Face aux inquiétudes visiblement soulevées par ce rapport, Laura Ferrara a tenu à préciser qu’il ne s’agirait pas là d’une « inquisition », ni même « d’aller au-delà du principe de subsidiarité ». En vertu de ce principe, il appartient à l’échelon le plus approprié d’agir (niveau européen, national ou local) ; étant entendu que l’Union européenne ne pourra intervenir que si elle est en mesure d’agir plus efficacement que les Etats membres (Pour en savoir plus : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV:ai0017).

Pour l’eurodéputée italienne qui prône « une plus grande transparence », il s’agit simplement « de murir et de développer une conscience commune ». Et la Rapporteure d’achever sa présentation par un fameux « soyons courageux et construisons une Europe de droits, maintenant ».

Prenant le relai, le garant de la Charte des droits fondamentaux, Frans Timmermans, a montré le soutien de la Commission européenne à « l’appel » lancé par le Parlement européen « à tous les Etats membres, à toutes les institutions européennes pour protéger les droits fondamentaux ».

Regrettant le fait qu’aucun accord n’ait encore été trouvé concernant la directive sur l’égalité de traitement, M. Timmermans a rappelé qu’il s’agissait pourtant d’« une question centrale en Europe ».

Pour le Premier Vice-président de la Commission, il ne faut pas non plus négliger les questions relatives à la discrimination, « à la montée de l’intolérance et de la haine que l’on constate dans nos sociétés au quotidien ». Un phénomène qui serait, selon lui, « certainement lié à la crise migratoire », une crise à la fois économique, politique et morale.

Encourageant la lutte contre les préjugés, le racisme et la xénophobie, M. Timmermans a rappelé qu’un premier colloque de la Commission sur les droits fondamentaux serait organisé en Octobre et porterait sur les crimes liés à la haine, notamment la discrimination, l’antisémitisme et la xénophobie ; des « phénomènes distincts mais qui sont également liés ». Le traitement des données personnelles figurait lui aussi au cœur des préoccupations lors de ce débat. Peu importe les fins auxquelles elles sont utilisées, en particulier dans le domaine pénal, leur traitement doit respecter la Charte des droits fondamentaux, et doit être nécessaire et proportionnel. Le Vice-président de la Commission a notamment « justifié » leur utilisation dans les procédures pénales, expliquant qu’afin de « pouvoir protéger l’ordre public, il serait parfois nécessaire de procéder à certaines vérifications de données de personnes qui ne sont pas directement liées à des activités criminelles ».

Face à un rapport Ferrara qui préconise l’instauration de nouveaux mécanismes pour la protection des droits fondamentaux, Frans Timmermans estime plus judicieux de s’en tenir à « veiller à la poursuite de la mise en œuvre des instruments que nous avons déjà », évoquant le passage en revue « de toutes les mesures politiques, législatives pertinentes pour garantir la compatibilité avec la Charte des droits fondamentaux » ou encore l’adoption du paquet « mieux légiférer » qui représenterait selon lui « une étape supplémentaire sur cette voie ».

Il s’agirait au final de « prendre en considération les droits fondamentaux de manière systématique dans l’évaluation de toutes les initiatives politiques pertinentes ».

A l’instar des nombreux débats soulevés au cours des derniers mois quant à la crise migratoire, la question d’une responsabilité politique partagée par toutes les institutions refait surface. Le Commissaire Timmermans a de fait resitué la position de la Commission européenne qui, en tant que gardienne des traités, se doit de faire respecter la Charte des droits fondamentaux par les Etats membres. Dans l’hypothèse d’une violation d’un droit fondamental par l’un des Etats membres, la Commission européenne pourrait intervenir en engageant une procédure d’infraction. En 2014, ce sont ainsi 11 procédures d’infractions qui ont été lancées par la Commission à l’encontre d’Etats membres. Approuvant la Cour européenne de justice qui demande un renforcement des règles régissant l’Etat de droit en Europe, M. Timmermans considère qu’ « il faut absolument respecter à 100% l’Etat de droit », ce qui s’avère « fondamental » y compris pour la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union européenne. Il est essentiel que la possibilité d’avoir un recours en justice puisse être garantie, sans quoi les droits fondamentaux « resteront lettre morte ».

Par ailleurs, le Premier Vice-président de la Commission a réaffirmé l’engagement de l’institution qu’il représente « pour ce qui est de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention des droits de l’homme », ce qui permettra de « renforcer nos valeurs fondamentales, l’efficacité de la législation européenne mais également de garantir la cohésion de ce qui se fait en Europe ». Un Premier Vice-président qui se veut donc particulièrement optimiste sur cette – future – adhésion, et sur le fait de régler les problèmes juridiques présentés par la Cour de justice européenne dans son avis de décembre 2014 (avis 2/13, 18 décembre 2014).(cf. article de Nea say –eulogos)

Rappelant que « la promotion et le respect des droits de l’homme se situent sur le devant de la scène », Frans Timmermans a fermement soutenu la position de Laura Ferrara sur la question de la migration. « Notre réaction à la crise doit également passer par la protection des droits fondamentaux », en particulier parce qu’il s’agit de « réfugiés qui risquent leur vie, s’en remettent à des trafiquants sans pitié ; mais [qui] ont également le droit d’être traités avec dignité, [indépendamment du lieu où ils se trouvent, ou des conditions dans lesquelles ils sont obligés de vivre] ».

Sauver des vies, traiter plus rapidement les demandes d’asile, pouvoir être plus efficaces, et le faire « en totale conformité avec les droits de l’homme », voilà donc un programme bien ambitieux que l’Union européenne aura à cœur de mettre en œuvre dans les mois à venir. Car, si pour certains l’heure est encore aux débats et aux négociations, pour beaucoup d’autres, le temps est largement venu de passer à l’action et de prendre des mesures réelles et concrètes.

« Nous ne devrions jamais oublier que l’asile est un droit à être protégé ». Il est ressorti de l’intervention de M. Timmermans que la priorité revenait à « l’application correcte et complète de la situation en matière de migration et d’asile, conformément aux deux principes de responsabilité et de solidarité ». Une telle politique devra :

  • mettre en place une « politique de retour efficace », qui respecte « les droits des différents migrants »,
  • « offrir la protection mais également une réception humaine à tous ceux qui le méritent, qui y ont droit »,
  • « réduire ainsi les incitations à l’adresse de personnes qui n’ont pas droit à ce statut et qui se lancent quand même dans un tel voyage »

Pour Frans Timmermans, « inutile d’avoir peur d’être envahis ». La situation actuelle témoigne de la crainte qu’un « traitement humain de ces migrants » ne débouche sur un afflux particulièrement importants de nouveaux arrivants. Une « peur d’être inondé » qui pour le premier Vice-président de la Commission européenne n’a pas lieu d’être. De telles craintes pourraient pourtant amener, si elles ne sont pas maîtrisées, à se « braquer » face aux arrivées massives de migrants en incitant les européens à se refermer sur eux-mêmes. Or, et M. Timmermans s’est montré très clair sur ce point : « Il ne faut certainement pas revoir à la baisse les valeurs fondamentales, les sacrifier sur l’autel de telles craintes. Il faut veiller à ce que les personnes qui fuient de telles persécutions aient vraiment leur place dans notre société ».

Pour lui, « la promotion de nos valeurs communes, la démocratie, les droits fondamentaux, mais aussi l’Etat de droit » impliquent une responsabilité partagée de tous les Etats membres, de toutes les institutions, de tous les organes de l’Union. « Ce sont des valeurs qui doivent continuer à être des réalités pour chaque citoyen européen, mais également pour toute autre personne qui se situe sur le territoire européen ». Il est donc « fondamental » que toutes les institutions, tous les organes et tous les Etats de l’Union européenne coopèrent « afin de donner corps à cette réalité ». Une coopération qui s’applique, et M. Timmermans l’a souligné, à la Commission et au Parlement européen.

« Les droits de l’homme sont le fondement éthique universel qui permet d’établir les règles de la dignité humaine » (Ramón Jauregui Atondo, commission AFCO)

La situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne recouvre des domaines très variés mais qui sont, pour Frans Timmermans, au fond très liés. Trop souvent, l’Union européenne se targue de constituer un exemple, d’être une « référence » pour le reste du monde. Or, en examinant la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne, l’on s’aperçoit très vite que lesdits droits, qu’elle garantit et protège pourtant, sont en premier lieu violés en son sein même. Pour la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen (AFCO), l’Union européenne doit être capable de se surveiller elle-même, c’est-à-dire de regarder ce qu’il se passe en son sein, avant même de vouloir se montrer « exemplaire » ou de constituer « une référence » pour les autres. A l’instar de ses prédécesseurs dans ce débat, l’eurodéputé socialiste espagnol a en effet rappelé que malheureusement beaucoup d’Etats membres ne respectaient pas toujours les droits de l’homme… Les droits économiques et sociaux devraient voir leur protection renforcée, et l’Union devrait adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme. C’est en tout cas ce qu’il ressort de l’intervention du porte-parole de la commission AFCO au Parlement.

« La protection des droits des femmes est un élément très important des droits humains ». Daniela Aiuto (Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe), représentant la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (FEMM), a évoqué les nombreuses formes de discriminations, les violences sexuelles, physiques et psychologiques que subissent les femmes, qu’elles se situent en Europe ou ailleurs. Une fois encore la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union est remise en question. Pour Daniela Aiuto, l’internet et les nouvelles technologies ne sont sans doute pas pour rien dans l’existence de telles violences…

Revendiquant une égalité de traitement entre les hommes et les femmes, l’eurodéputée italienne a achevé son discours en déclarant que « des mesures [devraient être] prises pour renforcer la prévention, garantir la protection et punir ceux qui commettent des délits ».

Marina Albiol Guzmán (Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique, GUE/NGL) invoque même un « droit des femmes à ne pas être assassinées, violées, menacées, frappées du simple fait d’être femmes ». Et l’eurodéputée d’appuyer son propos en citant le rapport Ferrara, selon lequel « 33% des femmes européennes ont subi des violences physiques ou sexuelles » ; et en révélant l’assassinat en Espagne de 17 femmes cet été, dont 8 mineures, et de 59 femmes en 2014. Pour elle, bien qu’il s’agisse là « d’un terrorisme machiste », il existe en Europe du terrorisme « de premier degré et de deuxième degré », et les femmes entrent dans cette seconde catégorie. Or, « la Troïka n’applique aucune menace en cas de violences de ce genre ».

« L’Union européenne, reconnue dans le monde, devrait continuer à être reconnue comme étant le plus grand espace de citoyenneté, de garantie des valeurs fondamentales qui sont les nôtres ».

Pour la commission des pétitions, représentée par Soledad Cabezon Ruiz (Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen, S&D), l’Union européenne a le devoir de :

– Continuer à garantir l’application de la législation européenne,

– Garantir la bonne application de ses valeurs dans chacun des Etats membres.

« Tous les citoyens européens, tous ceux qui vivent en Europe ont le droit de voir leurs droits fondamentaux défendus ».

Pour Elissavet Vozemberg (Groupe du Parti populaire européen, PPE), peu importe le parti politique, tout le monde est d’accord là-dessus. Certes, les points de vue divergent nécessairement mais au fond, l’ensemble des partis politiques du Parlement européen poursuivent le même objectif.

Soulignant l’accord qui semblerait exister entre les différents partis sur le fait de « reconnaître que les institutions européennes [devraient] mettre en place un régime, un système européen global qui incite les Etats membres à s’appuyer sur les normes internationales et garantir une véritable égalité de traitement pour les minorités linguistiques ou ethniques », Csaba Sógor (PPE), incite à s’attaquer à « tous les obstacles, les obstacles administratifs qui freinent la diversité ».

Concernant les nouveaux mécanismes proposés par le rapport Ferrara, là encore les points de vue divergent. Si certains les estiment nécessaires, d’autres jugent que les mécanismes dont l’Union dispose actuellement sont parfaitement adéquats et suffisants (par ex, Elissavet Vozemberg).

Péter Niedermüller (S&D) considère « insuffisants » les instruments et les mécanismes existants et demande « la mise en place d’un nouveau mécanisme qui se déclencherait automatiquement en cas de violation des droits et des valeurs fondamentales pour éviter que ne se matérialisent ces violations systématiques dans les Etats membres ».

« Nos valeurs fondamentales européennes sont violées devant nous, sous nos yeux ». Pour l’eurodéputé hongrois, les partis démocratiques doivent protéger ces valeurs. A défaut, « cela [pourrait avoir] des conséquences graves » sur les efforts réalisés et la construction européenne.

Dans le même sens, Sylvia-Yvonne Kaufmann (S&D), « un véritable mécanisme de préservation des droits fondamentaux » serait nécessaire, « avec une surveillance continue de la situation de ces droits fondamentaux dans chaque pays et avec des rapports spécifiques par pays qui seraient publiés régulièrement ».

De même, alors que certains prônent une action préventive en matière de protection des droits fondamentaux, d’autres considèrent la voie répressive comme un remède davantage efficace aux violations des droits de l’homme par les Etats membres. Pour M. Timmermans par exemple, « à chaque fois qu’il y a une violation, il faut qu’une action immédiate s’ensuive ».

« Nous devons protéger et renforcer tout ce qui peut être fait pour lutter contre le terrorisme et la criminalité en Europe ».

La protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne doit avant tout passer par le respect de ses propres valeurs. C’est en garantissant et en assurant, d’abord en son sein, une protection efficace des droits fondamentaux qu’elle reconnaît que l’Union européenne sera ensuite mieux à même de se positionner en tant que « référence » pour le reste du monde. Or, il existe encore de nombreuses discriminations qui ont lieu tous les jours sur le sol de l’Union européenne. Les minorités, les Roms, les femmes, les personnes qui cherchent et demandent l’asile sont les premières visées par ces violations.

« L’UE s’est basée sur le respect de la dignité, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité et du respect des droits humains. Ces valeurs découlent des traditions constitutionnelles communes à tous les Etats membres ».

Péter Niedermüller insiste : « préserver ces valeurs est d’une importance cruciale pour le bon fonctionnement de l’Union européenne car elles garantissent que les Etats membres respectent leurs obligations juridiques internationales. C’est à la source de la confiance qu’ils ont entre eux les uns par rapport aux autres et dans les institutions européennes ».

Pour Louis Michel (Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe, ADLE), ce sont les interprétations différentes de ces droits qui sont en cause. Une interprétation uniformisée permettrait une mise en œuvre uniformisée de ces droits. Or, actuellement, les droits fondamentaux ne sont pas appliqués de la même manière au sein de tous les Etats membres de l’Union. La mauvaise foi des Etats membres, ou plutôt des autorités en place, en est le plus souvent la cause. En effet, il est parfois plus confortable pour les autorités en place d’appliquer les droits fondamentaux d’une manière qui leur est favorable et qui correspond à leur législation, plutôt que d’avoir à modifier ce qui est d’ores et déjà mis en place…

« L’homme est universel. Il est partout le même avec ses souffrances, avec ses joies, avec son génie, avec son talent »

Lorsqu’on lui demande s’il est « en faveur d’une mesure aussi radicale que l’ouverture totale des frontières aux migrants » (Kazimierz Michal Ujazdowski, Groupe des Conservateurs et Réformistes européens, CRE, « carton bleu »), M. Michel répond que c’est là le syndrome de la « désinformation ».

Le migrant économique ne doit pas être confondu avec les réfugiés humanitaires « qui sont des demandeurs d’asile qui quittent leur pays parce qu’ils veulent fuir la violence, la peur, la tyrannie, le despotisme ». Pour lui, la solution est simple et toute trouvée : si le migrant ne répond pas aux lois européennes ou à celles établies par les Etats membres, alors il ne peut pas rester sur le territoire de l’Union.

Marie-Christine Vergiat (GUE/NGL) va plus loin en affirmant que « l’Union européenne vit une crise de valeurs ».

« Que sont les valeurs dites universelles si celles-ci sont appliquées avec des géométries variables selon les Etats et les catégories de population ? »

A l’instar de ses prédécesseurs au débat, Mme Vergiat relève que l’Union et ses Etats membres accusent un certain recul sur l’existence de sanctions ou d’outils qui permettraient de régler les problèmes de violations des droits fondamentaux. Par un discours percutant, l’eurodéputée attire l’attention sur les nombreuses atteintes aux libertés publiques sur le motif de la sécurité avec par exemple « les fichages généralisés de pans entiers de la population » ou l’utilisation de « bouc-émissaires, migrants et arabo-musulmans notamment ».

« On surf sur les peurs pour faire adopter des législations de plus en plus régressives pendant que les inégalités sociales et la pauvreté prennent des proportions dramatiques. Alors oui, le respect de l’autre, quelles que soient ses différences et ses choix socioculturels (…), le vivre ensemble sont des fondamentaux sans lesquels rien n’est possible ».

« Une autre Europe est possible, surtout en matière de droits pour les réfugiés » ajoute Ulrike Lunacek (Groupe des Verts/Alliance libre européenne, ALE). « Ce continent doit être un continent qui tend la main aux réfugiés notamment s’ils viennent de zones marquées par la guerre comme la Syrie. On n’a pas ici à les expulser ou à revoir leurs droits à la baisse ».

« La Commission et le Parlement européen, ensemble, pourront faire bouger le Conseil ». Pour Mme Lunacek, comme pour beaucoup d’autres de ses collègues, la directive relative à l’égalité de traitement constitue l’une des priorités « les plus prioritaires » du moment. Celle qui aurait dû être adoptée depuis longtemps est toujours sur la table. Et pourtant, elle est à la base de ce qui pourrait constituer des solutions aux nombreuses violations des droits fondamentaux que l’on peut aujourd’hui constater, comme la xénophobie, les haines à l’encontre des sexes, des races etc. Des solutions toutes trouvées donc pour Ulrike Lunacek qui considère que s’agissant des réfugiés fuyant la misère, il conviendrait de faire « quelque chose pour que les gens n’aient plus à partir ». Concernant ceux qui fuient les catastrophes naturelles « que nous avons provoqué avec d’autres », il faudrait selon l’eurodéputée s’interroger sur la question de savoir si ces gens n’ont pas, de fait, un « droit à venir chez nous, ne serait-ce que pour survivre ? ».

« Il est pour moi inacceptable d’apprendre que le secrétaire d’état hongrois a dit à la radio autrichienne que les musulmans n’étaient pas les bienvenus en Hongrie parce que la Hongrie n’avait pas l’habitude de ces gens là. Est-ce que vous diriez la même chose pour les femmes, qu’on n’accepte pas les femmes dans les Conseils d’administration parce que les hommes ne sont pas habitués à cela. Ce genre de réaction ne devrait pas exister dans notre Europe ».

Partageant l’« idée d’une surveillance approfondie pour la situation de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits fondamentaux dans tous les Etats membres », Caterina Chinnici (S&D) considère que l’Union européenne se situe dans une « phase historique » au cours de laquelle elle doit « faire face à une crise humanitaire sans précédent ». Pour l’eurodéputée et magistrate italienne, les principes fondamentaux de l’Union inscrits dans la Charte des droits fondamentaux « nous imposent de garantir un traitement et un accueil digne pour tous les migrants, indépendamment de leur statut de réfugié, demandeur d’asile ou d’exilé et ils attirent notre attention vis-à-vis des personnes les plus vulnérables, [les enfants, en référence au petit Aylan Kurdi, retrouvé mort sur une plage turque] ».

L’eurodéputée portugaise Ana Gomes (S&D) incite l’Union européenne à assumer sa responsabilité dans la crise migratoire, une crise qu’elle considère comme« européenne » en raison du fait que « par action ou omission mais aussi en raison de certaines idéologies néolibérales, anti européennes ; en fin de compte, nous finissons par contribuer à ce que des personnes s’exilent de leur pays ». Or, « dans cette crise, ce sont les valeurs européennes, européistes qui font défaut ». Pour Peter Van Dalen (CRE), « une action européenne conjointe » est nécessaire mais ne pourra cependant exister si elle ne s’accompagne pas dans le même temps d’« un ensemble général de mesures avec des ports sûrs, avec des camps bien équipés, des accords sur des pays sûrs et le retour vers ces pays sûrs, et finalement la lutte – dure – contre les trafiquants ».

Gerard Batten (EFD) remet ensuite sur la table l’indépendance anglaise quant aux questions européennes, préférant réaffirmer l’attachement du Royaume-Uni aux droits fondamentaux qui sont les siens et qui sont protégés et garantis par ses propres instruments (Magna Carta, Habea Corpus, Common law, Bill of Rights). Pour lui, l’Union européenne, par la création de son propre système de droit pénal, est la première fautive en matière de violation des droits fondamentaux. De fait, « les droits fondamentaux des britanniques sont remis en question (…) par le droit européen » alors que le système existe au Royaume-Uni depuis des siècles. L’eurodéputé dénonce le mandat d’arrêt européen, par lequel un citoyen britannique peut être arrêté sur le fondement de « vagues accusations », « sans preuve tangible » et sans que les tribunaux britanniques ne puissent empêcher cela. Pour M. Batten, cela constitue une violation du Bill of Righs et « si les britanniques veulent protéger leurs propres droits fondamentaux, ils doivent quitter l’Union européenne ».

Une vision, toutefois respectable, qui se heurte néanmoins à l’idéologie européenne qui réside dans l’existence d’une volonté commune d’avancer ensemble, de se soutenir les uns les autres en cas de difficulté, de promouvoir des valeurs et des droits, de les garantir par tous les moyens, d’abord en interne, au niveau des Etats membres, comme l’exige le principe de subsidiarité, et si la solution peut s’avérer meilleure ou simplement plus efficace, au niveau européen. L’on peut alors s’interroger sur l’échelon auquel doit se faire cette protection ? Chaque Etat membre doit-il assurer sa propre protection de ses propres droits fondamentaux ? Ou bien l’Union européenne doit-elle avoir un mécanisme permettant de garantir ces droits et valeurs à un échelon plus élevé, de manière à assurer une protection uniformisée des droits fondamentaux qu’elle garantie ?

Pour Cecilia Wikström (ADLE), lorsque les droits et les libertés des citoyens européens sont menacés, y compris au sein même des Etats membres, « les institutions européennes devraient pouvoir intervenir ». Arguant de la « crédibilité » de l’Union, Mme Wikström plaide pour l’instauration d’un « contrôle permanent qui s’appliquerait à tous ». Car en effet, Kati Piri (S&D) s’interroge : « comment pouvons-nous faire de la politique vers l’extérieur si notre propre maison n’est pas en ordre ? » ; est-ce « qu’au sein de l’Union européenne, nous partageons les mêmes valeurs ? »

Tout semble mélangé, mal compris par les citoyens. Vicky Maeijer (Groupe Europe des Nations et des Libertés, ENF) illustre d’ailleurs parfaitement cela en disant que « l’Union européen ne protège pas les droits fondamentaux des citoyens européens et sûrement pas ceux des milliers de migrants illégaux qu’on laisse entrer avec des terroristes (…) sous le manteau de la solidarité ». Derrière les prétextes de la solidarité ou de la sécurité, entre autres, se cachent en réalité de nombreuses discriminations et violations de droits fondamentaux(….) pour elle « on laisse s’islamiser le continent », la migration semble en effet mal comprise… Le problème, estime Kazimierz Michał Ujazdowski, CRE, c’est de parler d’islamisme alors que le problème n’est pas l’islam en lui-même mais « l’islamisme radical ».

Selon Mme Maeijer, la faute revient à l’élite européenne qui crée une « sorte de contre-pouvoir qui limite nos droits et nos normes ». A l’instar de son collègue Gerard Batten, Vicky Maeijer considère que l’Union européenne n’est pas utile pour protéger les droits fondamentaux des citoyens européens, mais qu’au contraire, elle représente plutôt « un véritable danger ».

Invoquant « le droit du cœur » comme « un droit de l’homme », Krisztina Morvai (Non-Inscrits) va plus loin : « nous souhaitons pouvoir vivre comme nous le souhaitons : comme des hongrois, en Hongrie ».

Nationalisme versus Européanisme ? Ce débat du 7 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne aura révélé certaines positions … Et là, Monica Macovei (PPE) s’interroge : que faisons-nous, « nous en tant qu’êtres humains (…) pour protéger nos droits fondamentaux ? ». Mettant en cause le « manque de réaction dans de nombreux pays européens face à la violation des droits », Mme Macovei revendique la liberté d’expression, le travail des journalistes, le droit d’être informé, de contrôler ce que fait le gouvernement et au besoin, de s’y opposer. « Il est très facile de démettre un gouvernement simplement en descendant dans la rue ».

« Comme l’Union ne va pas parfaitement bien, même chose pour les droits fondamentaux ». Josef Weidenholzer (S&D) résume la situation en évoquant la coïncidence consistant à traiter au cours d’une même session de l’état de l’Union en même tant que la situation des droits fondamentaux. La surveillance de masse et ses répercussions sur les libertés individuelles sont à nouveau mises en cause. Elles ne sont pas les seules cependant. M. Weidenholzer évoque en outre la crise économique qui continue d’avoir des conséquences néfastes sur les droits de l’homme… Pour l’eurodéputé socialiste, « la faiblesse [est] due au fait que nous n’avons pas de bons instruments pour appliquer ces droits de l’homme ». L’Union devrait instituer un mécanisme qui exécute et mette en œuvre les droits fondamentaux, qui, « indépendamment de la politique au quotidien, mette le doigt sur là où ces droits sont violés ».

Revenant sur la question des migrants, Beatrix Von Storch (CRE) propose de venir en aide à ces « centaines de milliers de personnes » en transformant le Parlement européen en « grand centre d’asile » : « ici, on a tous une salle de bain, on a un lit, il y a une grande cantine, il y a également beaucoup de lieux, de salles qu’on pourrait utiliser pour pouvoir enseigner. Nous avons beaucoup d’infrastructures, nous avons aussi la possibilité d’économiser beaucoup d’argent en cessant les allers-retours vers Strasbourg (…). Ce serait bien mieux que de parler, nous pourrions enfin agir ». Une idée à laquelle James Carver (EFD) a semblé adhérer, indiquant que ces allers-retours constituaient « des sommes folles, un gâchis ». Prônant une action rapide et concrète, Beatrix Von Storch démontre qu’une utilisation « intelligente » du bâtiment européen « ne prendrait pas beaucoup de temps, les pièces sont là, les gens pourraient s’installer immédiatement, sans délai ».

Poursuivant en ce sens, Martina Anderson (GUE/NGL) évoque une « crise des réfugiés qui n’en finit plus » et la nécessité d’avoir une « approche pleine d’humanité », alors que « l’Europe forteresse est déshumanisante ». Mettre fin au Règlement de Dublin et « encourager les Etats membres à prendre des mesures progressives et humaines face à cette crise humanitaire urgente » contribueraient à une telle approche. Pour Kristina Winberg (EFD), la solution pourrait résider dans « l’institution de nouvelles voies qui permettraient à ces migrants de se rendre sur le territoire de l’Union européenne sans entrave », une solution qui selon elle « n’est pas tenable », eu égard la réaction européenne face à l’arrivée massive de migrants. David Coburn (EFD), tout comme Kristina Winberg, estime qu’il serait plus judicieux que des pays tels que l’Arabie Saoudite et les Etats du Golfe, « qui ont la même langue, (…) la même culture, (…) le même mode de vie », ouvrent eux-mêmes leurs frontières. Et Mme Winberg de déclarer que « chacun doit pouvoir assumer ses responsabilités ».

Certes, mais que se passe-t-il lorsque les uns et les autres se renvoient la balle de la responsabilité ? Pour certains, l’Union européenne est responsable parce qu’elle a les moyens d’accueillir ces personnes si elle le souhaite réellement, pour d’autres ce sont les Etats d’origine qui sont responsables, en ce sens que leurs actions/inactions incitent leurs nationaux à partir pour d’autres contrées, en abandonnant parfois toute une vie derrière eux.

Le discours qu’a entre autres tenu Mme Winberg ce 7 septembre semble relativement étonnant face à certaines interventions comme celle de Janusz Korwin-Mikke (Non-Inscrits) pour qui « le droit le plus fondamental des êtres humains, c’est d’être traités comme des êtres humains et pas comme du bétail ».

Rappelant le traitement des juifs dans les années 40, M. Korwin-Mikke estime que les réfugiés sont ici « traités comme du bétail ». Son opinion, qui va certes très loin (« le socialisme tue, souvenez-vous-en »), ouvre néanmoins le débat sur le traitement actuel des réfugiés et la façon des politiques et de « l’élite européenne » d’avoir des discours incessants et de se renvoyer les questions de responsabilités.

Tout le monde est responsable de ce que l’on appelle « la crise migratoire » ou encore « la crise des réfugiés », mais au final personne n’est réellement responsable.

Il serait peut être bon de rappeler qu’il s’agit de milliers de personnes dont le sort est décidé chaque jour par des politiques qui manquent d’uniformisation, et dont les droits fondamentaux sont, à défaut d’être respectés comme ils le devraient sur le sol européenne, continuellement violés.

Julia Reda (Verts/ALE) relève que le rapport Ferrara « met l’accent sur les différences qu’il y a entre les promesses que font les législations et la réalité ». Outre le fait que la vie privée devrait être respectée (ce que ne permet pas la surveillance généralisée, réalisée au nom de la sécurité publique), Julia Reda estime que les citoyens européens devraient pouvoir « se prononcer contre l’injustice, participer au processus politique », des droits qu’elle considère vitaux pour la démocratie.

Lorenzo Fontana (ENF) pointe l’hypocrisie du Parlement et des institutions européennes qui souhaitent protéger les droits fondamentaux des minorités alors qu’elles ne sont, selon lui, pas capables de les garantir aux « citoyens qui veulent vivre en toute tranquillité sur leur territoire ». L’on en revient à la nécessité pour l’Union de régler la problématique des droits fondamentaux d’abord en son sein, avant même de songer à agir sur le plan extérieur.

« L’Union européenne s’est penchée sur les droits fondamentaux sans les respecter ».

Or, la question des responsabilités intervient nécessairement. Rappelant le cas du Président Obama, à qui le prix Nobel a été accordé, Lorenzo Fontana explique pourtant qu’ « il est quand même un peu responsable de ce qu’il s’est passé en Syrie ».

Et c’est la même chose pour la situation avec l’Arabie Saoudite ; le fait que ce pays soit loin d’être le meilleur en termes de garantie des droits fondamentaux n’empêche pas l’Union de faire affaire avec lui. N’est-ce pas là le symbole même de l’hypocrisie de l’Union européenne ?

Pour Helga Stevens (CRE), le rapport Ferrara évoque beaucoup de choses, mais le manque de temps empêche d’entrer dans les détails. Selon l’eurodéputée belge, les personnes porteuses de handicap devraient bénéficier d’une égalité de traitement, en ce sens qu’elles devraient pouvoir accéder de manière égale aux différends fonds, aux différents projets de l’UE. Se voulant plus concrète que nombre de ses collègues, Mme Stevens évoque notamment des « mesures [permettant] de couvrir les coûts, la participation de personnes muettes à des ateliers, mais également un soutien personnel pour des aveugles ou des personnes à mobilité réduite ». Helga Stevens est elle-même sourde et muette.

Le non-respect par la Norvège du droit de l’enfant à avoir deux parents biologiques est ensuite évoqué par Tomáš Zdechovský (PPE) ; de même que la question des droits des hommes, notamment s’agissant du harcèlement, et des droits des victimes de crimes et de délits. Josu Juaristi Abaunz (GUE/NGL), met l’accent sur le fait que « les droits civils et politiques, individuels et collectifs, ne sont pas respectés dans toute l’Union européenne ». Pour Ruža Tomašić (CRE), la responsabilité de ces violations revient à « certaines autorités en Europe [qui] font en sorte que les droits humains de certaines personnes soient systématiquement violés ». Ainsi, Milan Zver (PPE) et Patricija Šulin (PPE) pointe du doigt la Slovénie qui « malheureusement est devenue le champion européen dans la violation des droits de l’homme ». Milan Zver appuie d’ailleurs son propos par des chiffres explicites selon lesquels il y aurait 148 violations de droits de l’homme par million de personnes en Slovénie, alors qu’en Allemagne, ce chiffre n’atteint « que » 2 violations par million. Patricija Šulin poursuit en affirmant que « les droits fondamentaux sont également violés par certaines Cours des Etats membres. La Cour de justice européenne a montré que la Slovénie [était] n°1 s’agissant des violations par habitant ».

Ouvrant davantage le débat, Udo Voigt (Non-inscrits) s’étonne que ce rapport ne traite pas de « la discrimination par suite de poursuites politiques dans les pays de l’Union européenne, notamment en Autriche, en Grèce et en République fédérale d’Allemagne ». Arguant des interdictions de rassemblement, des interdictions de siéger dans les hôtels, ou encore du fait que chaque année, « 12 000 procédures [soient] entamées contre des patriotes », l’eurodéputé allemand accuse Frans Timmermans de ne pas être impartial. Un eurodéputé pour qui « les droits fondamentaux sont indivisibles et [dont] tout le monde doit [pouvoir] bénéficier ».

Abordant une approche « différente » de celle de ses collègues, Maite Pagazaurtundùa Ruiz (ADLE), relève le poids du rapport de Laura Ferrara, au sens propre du terme ; un rapport de 30 grammes. « 30 grammes [qui] nous définissent, nous obligent à agir face à ceux qui sont victimes des agressions, de la haine, de persécutions, des victimes d’abus de tous types et aussi (…) des réfugiés qui fuient la guerre ». Pour l’eurodéputée espagnole, « ces 30 grammes, c’est beaucoup ou c’est peu, parce qu’ils constituent toutes les valeurs de l’Union européenne ».

Laura Agea (EFD) arrive alors avec un discours volontariste, déclarant « les droits fondamentaux, il faut les exiger. Nous sommes en mesure de pouvoir le faire. Nous sommes responsables. Nous devons exiger le respect des droits pour ceux qui n’ont pas voix au chapitre pour les demander car c’est ce qui nous incombe à nous, 751 députés de ce Parlement, c’est à nous de le faire ». Incitant ses collègues à « faire preuve de courage », elle considère qu’il y a là une opportunité, celle de « donner une occasion de vie à ceux qui n’ont pas l’occasion de le faire ».

« Les droits fondamentaux devraient nous unir et pas nous diviser » poursuit Carlos Coelho (PPE), « chacun d’entre nous devrait travailler tous les jours pour défendre ces droits, pour promouvoir le respect de ces droits sur tout le continent européen ». Reprochant au Parlement européen d’ « utiliser les droits fondamentaux comme une arme politique », l’eurodéputé portugais invite à « considérer les droits fondamentaux comme un élément de l’intégration de l’Union européenne, un élément unificateur ».

« La démocratie qui ne repose pas sur les droits de l’homme n’est pas une démocratie » enchaîne Soraya Post (S&D).

Therese Comodini Cachia (PPE) accuse le « manque de fibre morale et de prise de responsabilité politique évident ». Pour l’eurodéputée maltaise, « les citoyens européens attendent des institutions de l’UE qu’elles les protègent mais en lieu et place de cela, les EM de l’Union, les chefs de file, les chefs d’Etats et de gouvernements suivent une ligne qui va à l’encontre des principes de la redevabilité, de la transparence, de la justice et de la solidarité ».

Face au rapport réalisé par Laura Ferrara, le Groupe du parti populaire européen a, au cours du débat, souhaité faire entendre que ledit rapport n’était pas aussi complet que leur propre proposition de « résolution alternative », qu’il estime plus complète et plus avenante. Pour Louis Michel, c’est « une véritable gifle » à ce qui est défendu au sein du Parlement, puisque ladite résolution n’aborde ni la question des sans-abris, ni celle d’une « condamnation des programmes de détention et de torture de la CIA sur le territoire européen ». Pour Kateřina Konečná (GUE/NGL), en revanche, il comblerait les lacunes du rapport Ferrara, qui n’évoque pas selon elle « la montée de l’esclavage moderne dans l’Union européenne ». L’eurodéputée Tchèque a ainsi déploré le fait que 3 000 vietnamiens soient encore à l’heure actuelle au Royaume-Uni « forcés de travailler pour des fabricants de drogues ».

Le débat touchant à sa fin, Fabio Massimo Castaldo (EFD), a invité le Parlement à envoyer un message clair :

« Toute forme d’intolérance, involontaire ou volontaire, tout aveuglement, toute indifférence est intolérable ».

« Les véritables valeurs européennes sont celles que l’on ne peut déposer sur un compte courant parce qu’elles n’ont pas de prix ».

Représentant la Commission européenne, Frans Timmermans a entendu réagir sur deux points en particulier.

  • S’agissant de la primauté du droit,

Elle constitue selon lui « la base sur laquelle repose les droits fondamentaux ». Citant Socrate qui disait « si vous acceptez la primauté du droit, vous ne pouvez pas sélectionner les lois qui s’appliquent à vous et celles qui ne s’appliquent pas », Frans Timmermans poursuit en affirmant que « le droit, la primauté du droit s’applique à tous les citoyens en Europe, quelque soit leur nationalité ou leur statut » dès lors qu’ils vivent dans un pays de l’Union.

Reprenant la « brillante idée » de Winston Churchill, M. Timmermans invite à instituer une « organisation des droits fondamentaux de la primauté du droit qui aille au-delà des Etats membres, qui pourrait être organisée au niveau européen, et ensuite imposer ses décisions aux Etats membres s’ils ne respectent pas les principes inscrits dans l’Etat de droit ».

« Les Etats membres ont accepté d’être ligotés au mât de leur navire pour éviter de commettre des erreurs et si nous devions commettre des erreurs, nos pairs nous retiendront et nous remettront sur le droit chemin ». Et le Vice-président de la Commission d’adresser au Parlement un fameux : « Peut-être devriez-vous lire un peu plus au lieu de crier et vous comprendrez que c’était là une très sage décision ».

« Toute nation qui a confiance en elle acceptera que ses pairs vérifient son respect des droits de l’homme et de la primauté du droit. Si nous avons confiance en nous-mêmes, nous n’avons rien à craindre ».

  • S’agissant de la diversité,

Le Vice-président de la Commission se fait un devoir de rappeler que « par nature, l’Europe est une communauté diverse ; un continent diversifié ». Arguant du fait que « tout au long de notre histoire, nous avons été forts lorsque nous avons célébré notre diversité », Frans Timmermans poursuit : « Nous sommes forts lorsque nous accueillons des minorités, nous sommes forts lorsque nous ouvrons la porte à ceux qui cherchent protection parce qu’ils fuient la persécution et la guerre et nous sommes faibles lorsque nous essayons de nous agripper à notre propre culture, lorsque nous percevons celui qui vient d’ailleurs comme une menace à notre culture, lorsque nous pensons que 500 millions d’entre nous seront submergés par quelques milliers. C’est un signe de faiblesse et de manque de confiance en soi. C’est le signe que l’on n’a pas confiance en notre culture et histoire européenne ».

Et Laura Ferrara, Rapporteure en charge du dossier, de conclure : « Les positions sont très diverses mais je pense qu’une chose a émergé clairement pour tous les députés, au-delà des couleurs politiques, les droits fondamentaux revêtent une grande importance, c’est évident ».

Un débat animé donc, qui fit ressortit les couleurs politiques, les voix et opinions de chacun. Ce débat du 7 septembre précédait le vote qui a eu lieu le lendemain, au cours duquel le rapport Ferrara fut adopté, par 369 voix pour, 291 voix contre et 58 abstentions.

Il ressort de cet important débat que l’Union, ses Etats membres et ses institutions auront prochainement à cœur de se pencher sur « le dilemme de Copenhague » qui permet de vérifier qu’un Etat souhaitant adhérer à l’Union respecte effectivement les critères posés par l’article 2 du traité sur l’Union européenne (droits fondamentaux, Etat de droit etc.) mais qui reste silencieux quant à leur respect une fois cette adhésion réalisée. Sylvia-Yvonne Kaufmann (S&D) l’a d’ailleurs dit clairement. Des « exigences très élevées » sont posées s’agissant de l’adhésion d’un Etat à l’Union : « aucun Etat ne peut devenir membre si en termes de démocratie, d’Etat de droit et de préservation des droits fondamentaux, ça n’est pas reconnu, et tant que ces valeurs ne sont pas mises en œuvre ». Or, l’eurodéputée a tout de même jugé bon d’ajouter : l’Union « est une communauté de valeurs », ce qui implique de s’assurer de la « préservation de ces valeurs », y compris une fois cette adhésion réalisée. La surveillance de la bonne application des droits fondamentaux « a posteriori » permettrait, le rapport Ferrara l’a démontré, d’assurer une meilleure garantie de ces droits au sein de l’Union européenne.

Les eurodéputés ont de fait trouvé un accord sur l’instauration d’un nouveau mécanisme de surveillance et de contrôle qui dissuade les Etats membres de violer, de manière directe ou indirecte (notamment lorsqu’ils ferment les yeux sur les violations qui peuvent avoir lieu sur leur territoire) ces droits fondamentaux. La résolution parlementaire adoptée le 8 septembre dispose ainsi que tous les Etats membres devront « faire l’objet d’une évaluation continue afin de vérifier s’ils défendent toujours les valeurs fondamentales de l’Union européenne que sont le respect des droits fondamentaux, des institutions démocratiques et de l’état de droit ». En outre, la résolution établit clairement la nécessité « de mettre en œuvre un mécanisme correctif graduel afin de combler le vide entre le dialogue politique et l’option radicale de l’article 7 du traité UE et d’apporter une réponse au « dilemme de Copenhague » dans le cadre des traités en vigueur ».

Les droits des migrants et des réfugiés figure dans la ligne de mire du Parlement. Ils constituent l’une de ses priorités, sinon LA priorité, la plus urgente. Les nombreux autres droits fondamentaux ne sont cependant pas en reste. Les libertés d’expression, d’opinion, la lutte contre les discriminations, les droits des minorités et des personnes vulnérables, la démocratie, l’Etat de droit, entres autres, restent les fondements sans lesquels l’Union n’existerait pas et méritent, à ce titre, une protection réelle et efficace.

Pour en savoir plus :

– Débat du Parlement européen du 7 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne

http://www.europarl.europa.eu/plenary/fr/debate-details.html?date=20150907&detailBy=date

– Résolution du Parlement européen du 8 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2013-2014) (2014/2254(INI))(FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0286+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0286+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR

– Eu-logos, 16 avril 2015, « la situation des droits de l’homme dans l’Union européenne (2013-2014) : le rapport Ferrara présenté à la commission des libertés publiques du Parlement européen (30-31 mars 2015).

http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/04/16/la-situation-des-droits-de-lhomme-dans-lunion-europeenne-2013-2014-le-rapport-ferrara-presente-a-la-commission-des-libertes-publiques-du-parlement-europeen-30-31-mars-2015/

 


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L’accord de non-prolifération ferait-il oublier les droits fondamentaux en IRAN ? Les députés européens partagés entre satisfaction et inquiétudes.

lun, 14/09/2015 - 11:54

 

Le 14 juillet dernier, après 12 ans de négociations diplomatiques sur fond de sanctions économiques, la Russie, les États-Unis, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Chine (les « 5+1 ») signaient un compromis de non-prolifération du nucléaire iranien en échange de la levée progressive des sanctions imposée par l’ONU, les États-Unis et l’Europe, essentiellement dans les secteurs de la finance, de l’énergie et du transport. Cependant, l’embargo sur les armes reste maintenu. Cet « accord de Vienne » a été débattu lors de l’assemblée plénière du Parlement européen à Strasbourg ce jeudi 10 septembre. Les commissions Affaires étrangères (AFET) et Sécurité et défense (SEDE), mais aussi Droits de l’Homme (DROI) et Liberté civiles, justice et affaires intérieures (LIBE) étaient particulièrement représentées pour échanger avec la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères, Federica Mogherini, sur les raisons de fond qui ont amené l’Union européenne à se poser en « facilitateur des négociations », et sur les conséquences que cet accord entraîne sur la conduite de la politique extérieure de l’Union.

 

Les dessous géopolitiques de l’accord de non-prolifération iranien

La Haute représentante a commencé par souligner que l’accord constituait avant tout « une victoire pour la diplomatie, le multilatéralisme, et pour l’Union européenne », une victoire qui avait redonnée « confiance » dans la capacité des négociations diplomatiques à offrir des solutions fortes et durables. Une considération reprise par la députée Cornelia Ernst (Allemagne, GUE/NGL) pour qui l’accord de Vienne prouve « qu’un dialogue à long terme vaut la peine ».

L’attachement de l’Union européenne à des mécanismes pacifiques de résolution des tensions est à mettre en relation directe avec l’exigence de paix comme valeur fondatrice de l’Union. Le multilatéralisme, c’est-à-dire la coopération de trois États au moins dans le but d’instaurer des règles communes, notamment au sein d’organisations internationales comme l’ONU, est un de ces mécanismes pacifiques de résolution des conflits. La préférence accordée par l’Union au multilatéralisme s’explique en grande partie par sa confiance dans la « force du droit ».

Comme l’a souligné Mme Mogherini, la phase de mise en oeuvre de l’accord va constituer la « phase critique ». Celui-ci prévoit en effet une levée progressive des sanctions sur 15 ans : dans le cas où l’Iran ne respecterait pas l’accord, la levée des sanctions serait interrompue. De plus, l’accord de Vienne a été imaginé de telle manière que le ralentissement du programme nucléaire iranien oblige le pays à enrichir de l’uranium pendant un an avant de pouvoir à nouveau créer une bombe nucléaire. Ce qui doit laisser le temps nécessaire à l’Occident pour réagir.

 

Mme Mogherini a été chaleureusement félicitée par une large majorité des députés présents pour avoir réussi à aboutir avec son équipe à cet accord. Ainsi, le député Cristian Dan Preda (Roumanie, PPE) s’est réjoui de l’existence d’un mécanisme multilatéral de suivi de la mise en oeuvre de l’accord par l’Iran. Cependant, le député Bas Belder (Pays-Bas, ECR) a soulevé la question de la mise en place d’un comité international d’experts en supplément. Un tel comité avait déjà été mis en place le 3 avril 1991 après l’adoption de la Résolution 687 du Conseil de Sécurité de l’ONU le 29 novembre 1990, consécutivement à la deuxième Guerre du Golfe (1990-1991). La

mission de l‘United Nations Special Commission (UNSCOM) était de veiller au démantèlement des armes de destruction massive irakiennes et d’inspecter les installations nucléaires, chimiques et biologiques afin de s’assurer du respect par le gouvernement en place du Traité de 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

 

Cette sorte de « double contrôle » des capacités nucléaires iraniennes est jugée nécessaire par Bas Belder (Pays-Bas, ECR) au vue du peu d’empressement qu’a eu l’Iran à respecter les accords nucléaires passés. Le pays avait en effet signé le Protocole additionnel du Traité de non-prolifération (TNP) le 18 décembre 2003, qui a pour but de renforcer considérablement les capacités de surveillance de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA). Par la suite, les négociations entre le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Iran semblaient prometteuses pour amener Téhéran à une suspension définitive de son programme d’enrichissement d’uranium. Cependant, fin septembre 2005, l’Iran décidait de reprendre ce programme en violation de l’accord TNP. C’est la raison pour laquelle le 4 février 2006, l’AEIA transféra le dossier iranien au Conseil de Sécurité des Nations-Unies qui adopta des sanctions à l’encontre de l’Iran. Les États-Unis, l’Europe et leurs alliés adoptèrent de leur côté des mesures de rétorsion encore plus contraignantes à partir de 2010.

Mais Barack Obama, arrivé au pouvoir en 2009, a progressivement changé la rhétorique diplomatique de son pays : la non-prolifération du nucléaire au Moyen-Orient est désormais pour les États-Unis un moyen de lutter contre le terrorisme. Les négociations entre l’Iran et les « 5+1 » ont donc repris en décembre 2010 pour aboutir en novembre 2013 à un accord de gel des sanctions internationales contre une limitation de son programme nucléaire par Téhéran. Les États-Unis comptent désormais sur l’Iran pour être un des « gendarmes du Moyen-Orient » à leur solde et ne plus avoir à intervenir directement dans la région.

 

Les mesures coercitives adoptées à partir de 2006 ont gravement affecté la situation économique en Iran. Elles ont notamment abouti à une diminution drastique des exportations d’hydrocarbures, qui représentent pourtant 90% des ressources de l’État. Ces difficultés économiques expliquent en grande partie les efforts consentis par Téhéran en 2015 à limiter plus encore le développement de son programme nucléaire pour les 15 années à venir, en échange de la levée définitive de ces sanctions, et non de leur gel comme dans le cadre de l’accord de 2013. Certains observateurs jugent toutefois l’Iran nettement en position de force étant donné que dans l’accord de 2013 comme dans celui de juillet 2015, il n’est pas imposé au pays de renoncer définitivement à son programme nucléaire, seulement d’en cesser le développement pour 15 ans.

 

Dans le cadre de la mise en oeuvre de cet accord, le député Charles Tannock (Royaume-Uni, ECR) s’est inquiété du délai de 24 jours laissé à l’Iran pour se préparer à une inspection de ses installations nucléaires, délai qui pourrait lui permettre de cacher les indices quant à l’existence d’un programme militaire de recherche nucléaire toujours en cours. Il a cependant reconnu que « les alternatives militaires étaient irréalistes et représentaient un risque d’escalade supplémentaire dans une région déjà déstabilisée » avant d’ajouter : « cet accord ne doit pas pour autant nous aveugler. Il ne doit pas nous empêcher de critiquer l’Iran ». Des propos qui ont été repris en substance par Gérard Deprez (Belgique, ADLE) pour qui un « risque calculé » sur un accord de non-prolifération nucléaire est préférable à un « risque d’escalade guerrière » mais ne constitue en rien un « label d’honorabilité » du régime iranien actuel. Ces députés ont notamment dénoncé les violations répétées et avérées des droits fondamentaux et des droits des minorités, et le soutien du régime iranien aux « terroristes ».

En effet, l’Iran de l’Ayatollah Khomeyni, guide spirituel de la révolution islamique chiite de 1979, soutient le Hezbollah au Liban et le PKK au Kurdistan. Le Hezbollah est un mouvement politique

chiite disposant d’une branche armée et considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Union européenne (depuis le 22 juillet 2013) ainsi que par les six pays du Golfe Persique (Arabie Saoudite, Bahreïn, Koweït, Emirats Arabes Unis, Oman, Qatar). L’Iran soutient également le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, organisation armée qui s’oppose militairement à la Turquie depuis 1984. À l’origine, le PKK souhaitait obtenir l’indépendance des territoires dans le sud-est du pays à majorité kurde. Il réclame désormais l’autonomie du Kurdistan au sein d’un système fédéral et l’amnistie pour les rebelles. Il est considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la Turquie et l’Union européenne (par décision du Conseil du 15 juillet 2008). Téhéran soutient les kurdes en tant que peuple d’origine perse, bien que 80% environ des kurdes soient de confession sunnite.

L’Iran soutient également les régimes chiites de Bachar al-Assad en Syrie depuis 2000 et de Nouri al-Maliki en Irak depuis 2006. Cette coopération permet à l’Iran de briser le « cordon sanitaire » sunnite établi par les occidentaux depuis que l’existence d’un programme de développement nucléaire en Iran est soupçonnée. Ces soutiens politiques, matériels et financiers correspondent également aux ambitions de l’Iran de devenir une puissance régionale et un « gendarme » totalement indépendant de l’influence occidentale. Pour cela, le pays a besoin d’une stature internationale. L’accord de Vienne et une coopération régionale Iran-UE pourraient lui offrir une telle position.

 

Un accord de non-prolifération pour relancer le dialogue au Moyen-Orient

L’accord de Vienne « offre désormais de nouvelles possibilités de coopération régionale au Moyen-Orient » et l’Union compte sur cet accord « pour tenter de trouver des solutions de sortie de crise en Syrie, au Yémen, au Liban et en Irak ». C’est ce qui fait de l’accord de Vienne une « victoire autant pour l’Union européenne que pour la communauté internationale » (Mme Mogherini). Une opinion partagée par Francisco José Millán Mon (Espagne, PPE) : « le champ d’application de l’accord va au-delà des questions de sécurité » et doit permettre la mise en place d’un « nouveau climat de coopération entre l’Iran et la communauté internationale ».

 

La Haute Représentante a insisté sur le fait que l’établissement d’une plus grande confiance régionale pourrait déstabiliser l’organisation Daesh, même si « une coalition internationale incluant les États-Unis, la Russie et l’Iran » sera sans doute nécessaire pour mettre à bas le régime comme l’a fait remarquer Nikolay Barekov (Bulgarie, ECR). Pour le député Nicola Caputo (Italie, S&D), l’Union européenne doit désormais favoriser le dialogue entre les communautés sunnite et chiite si elle veut une chance de résoudre le conflit en profondeur. Dans un cas comme dans l’autre, l’accord de Vienne doit pousser l’Iran à aider au règlement de conflits régionaux dont il est l’un des acteurs les plus féroces.

 

« Il est encore trop tôt pour se réjouir » a résumé Knut Fleckenstein (Allemagne, S&D), mais l’accord représente certainement une « source d’espoir pour une détente entre l’Iran et l’Occident », ainsi qu’au sein de la région du Moyen-Orient. Cet accord doit également permettre « d’espérer un avenir meilleur pour les iraniens ». L’accord de Vienne doit réaffirmer l’Union européenne comme un « acteur mondial de la coopération et de la paix » dans le monde (Victor Boştinaru, Roumanie, S&D). Mais si l’accord donne une « occasion à l’Europe de se placer en arbitre de la sécurité internationale, elle donne aussi à l’Union européenne de plus grandes responsabilités » (James Carver, Royaume-Uni, EFD).

De manière concrète, Richard Howitt (Royaume-Uni, S&D) a avancé l’idée que l’Union européenne devait profiter de cet accord pour combattre le trafic de stupéfiants dans la région. Une coopération Iran-UE pourrait également permettre de « diversifier les sources d’approvisionnement

énergétique » de l’Union comme l’a rappelé Nikolay Barekov (Bulgarie, ECR). Certains États comme l’Italie et la Grèce s’avèrent en effet particulièrement intéressés par la relance du projet Nabucco, gazoduc reliant l’Iran et les pays du Caucase du Sud à l’Europe centrale. Soutenu par l’Union européenne (UE), ce gazoduc devait permettre, dès 2017, de diversifier les sources d’approvisionnement énergétique de l’Europe, notamment d’un pays comme la Hongrie, qui dépend à 80 % du gaz russe. Les derniers événements en Ukraine n‘ont fait que renforcer encore la nécessité d’une telle diversification des sources d’approvisionnement énergétique.

 

Sauf qu’à l’heure actuelle, comme l’a fait remarquer Ioan Mircea Paşcu (Roumanie, S&D), l’Union européenne ignore encore « dans quelle mesure l’influence de l’Iran dans la région va s’étendre ou se restreindre suite au gain de respectabilité issu de l’accord de Vienne : l’Iran sera-t-il plus coopératif ou plus affirmatif ? ». L’Union va devoir faire « attention à ce que cette nouvelle coopération [entre l’Iran et l’UE et entre l’Iran et la communauté internationale] ne soit pas perçue comme une menace dans la région ». Ce qui semble loin d’être gagné. Ainsi, le député Jan Zahradil (République tchèque, ECR) a insisté sur « l’accueil méfiant » qui a déjà été réservé à l’accord par « les États du Proche-Orient et du Moyen-Orient ».

Cette méfiance remonte à la révolution iranienne de 1979 qui fût autant l’aboutissement d’un mouvement nationaliste contre l’ingérence des puissances étrangères (Russie, Royaume-Uni puis États-Unis) que le début de la volonté de l’Iran de se positionner comme puissance régionale et « gendarme » du Moyen-Orient. La révolution de 1979 a également signifié le basculement du pays vers un régime théocratique chiite, branche de l’Islam alors minoritaire dans la région mais dont l’Iran soutient depuis massivement la diffusion. Enfin, du point de vue historique les pays frontaliers de l’Iran craignent la résurgence de la puissance perse dont cet État s’est fait le dépositaire. Pour Eugen Freund (Autriche, S&D), l’Union européenne doit donc désormais réfléchir à « comment impliquer l’Iran dans la résolution des crises dans la région » malgré cette crainte des autres États d’une influence renforcée de Téhéran suite à l’accord de Vienne. Un des objectifs de la stabilisation de la situation au Moyen-Orient est évidemment de « réduire l’afflux de réfugiés » en Europe comme l’a fait remarquer Afzal Khan (Royaume-Uni, S&D).

 

Une absence de référence aux droits fondamentaux qui contrarie fortement les eurodéputés

L’absence de clause faisant référence au respect des droits fondamentaux dans l’accord de Vienne est un des principaux reproches qui ont pu être adressés par les députés à Mme Mogherini et à son équipe. Les députés ont ainsi été nombreux à rappeler les 2 000 exécutions de nature politique qui ont été recensées par Amnesty international en 2014, et les 700 exécutions ayant déjà eu lieu depuis janvier 2015. « L’Iran est une théocratie dure envers son opposition » et les exécutions politiques y sont monnaie courante a résumé Jan Zahradil (République tchèque, ECR). Et Jaromir Štětina (République tchèque, PPE) de rappeler que selon la loi en vigueur en Iran, les petites filles peuvent être mariées de force dès 9 ans.

 

De même, un reproche particulièrement acerbe a été adressé à Mme Mogherini de la part du député Juan Carlos Girauta Vidal (Espagne, ADLE) quant à l’absence totale de référence faite aux droits fondamentaux dans la conférence de presse que la Haute Représentante de l’Union a donné à Téhéran le 28 juillet suite à la conclusion de l’accord de Vienne. Pourtant, s’il est vrai que Mme Mogherini n’a pas fait mention des droits fondamentaux durant son intervention, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a pour sa part déclaré que « des discussions à haut

niveau se tiendront entre l’Iran et l’Union européenne sur différentes questions, dont … les droits de l’Homme ».

 

La députée Ruža Tomašić (Croatie, ECR) a déploré que « l’attention sélective » dont l’Union européenne a fait preuve lors des négociations de l’accord de non-prolifération soit « incohérente » avec les valeurs fondamentales de l’Union et avec sa politique globale de protection des droits fondamentaux : « on cautionne les violences en Iran en échange de l’absence de l’arme nucléaire ». Un marchandage considéré par la majorité des députés comme indigne de l’Europe. « Rappelez-vous que danser, rire, c’est interdit en Iran » a résumé prosaïquement la députée Maite Pagazaurtundúa Ruiz (Espagne, ADLE).

 

 

Lauriane Lizé-Galabbé

 

 

Pour en savoir plus

 

     -. Pour avoir accès au document complet de l’accord signé par le Service Européen d’Action extérieur (EN)

http://eeas.europa.eu/iran/index_en.htm

 

     -. Pour une explication détaillée du contenu de l’accord de non-prolifération signé avec l’Iran le 25 août 2015 :

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/07/14/un-accord-sur-le-nucleaire-iranien-a-ete-trouve_4682310_3218.html

     -. Pour en savoir plus sur l’accord et la position des États-Unis

https://www.wsws.org/fr/articles/2015/jul2015/iran-j16.shtml

 

     -. Pour en savoir plus sur la violation des droits fondamentaux et la peine de mort en Iran

http://www.amnesty.fr/Presse/Communiques-de-presse/Forte-hausse-des-executions-en-Iran-pres-de-700-condamnes-mis-mort-depuis-le-debut-de-annee-15709

 


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Catégories: Union européenne

Les ombres obscures de la technologie : adoption par le Parlement européen d’ une résolution sur les incidences des systèmes d’intrusion et de surveillance sur les droits de l’homme dans les pays tiers.

dim, 13/09/2015 - 16:36

Le Parlement Européen, réuni en séance plénière, vient de discuter et d’adopter une résolution en matière de droits de l’homme et technologies par rapport aux pays tiers. Le rapport, qui a fait l’objet des travaux de la sous-commission DROI (droits de l’homme) du Parlement, avait été adopté en commission AFET (affaires étrangères) le 26 mai dernier et déposé en plénière au début du mois de juin.

Dans notre société mondialisée, qui est de plus en plus tournée vers la technologie, il devient très important de porter toute son attention sur les menaces potentielles découlant de l’usage des instruments avancés d’information et de communication, surtout dans les pays qui ne jouissent pas de véritables régimes démocratiques. Le Parlement européen, en reconnaissant le rôle global que l’Union européenne joue dans la promotion et la défense des droits de l’homme, met directement en cause les institutions pour qu’elles adoptent des mesures concrètes. Mesures qui permettent d’évaluer les impacts des nouvelles technologies sur les libertés et les droits fondamentaux dans les pays tiers et d’empêcher ainsi toute forme de connivence que l’Union, les États Membres et les entreprises européennes peuvent exercer plus ou moins directement, en contribuant aux violations.

La technologie avancée et l’accès à l’internet ouvert contribuent à l’amélioration et à la diffusion de l’accès aux informations, à la promotion des libertés d’expression et d’association, ainsi qu’à la documentation et à la dénonciation des abus des droits fondamentaux. Toutefois, ces systèmes, en permettant aussi le traçage des individus, la censure, la collecte massive des données personnelles et le piratage des dispositifs électroniques, peuvent aussi facilement devenir des armes dangereuses.

L’usage de la technologie et des services d’information avancés, par les groupes criminels ou les pirates informatiques, créent des dangers concrets pour les citoyens, les journalistes et les diplomates européens qui doivent être protégés par des systèmes, qui sont produits et commercialisés par des entreprises européennes. Les violations proviennent aussi par des auteurs qui ont toute légitimité , tels que les services de renseignement, qui parfois échappent au contrôle démocratique et abusent des leurs pouvoirs. Le Parlement, dans le texte de la résolution, a fait notamment référence au cas de l’Agence de sécurité nationale de États-Unis (NSA), dont les activités de surveillance des communications ont interféré avec le droit à la vie privée et la liberté d’expression. Activités qui ont été conduites avec la complicité de certains États membres aussi. Une question qui a “gravement dé-crédibilisé la politique de l’Union en matière de droits de l’homme et ébranlé la confiance des avantages des TIC à l’échelle mondiale”.

De plus, ces systèmes de nouvelle technologie constituent aussi des moyens utiles pour limiter les droits et les libertés des défenseurs des droits de l’homme. La députée Marietje Schaake (ADLE), rapporteur du projet de résolution, pendant le débat en plénière du 7 septembre a déclaré que: “les activistes des pays comme le Mexique, l’Azerbaïdjan, la Colombie, l’Égypte, la Turquie, l’Iran et la Russie, devraient être protégés par les politiques de l’Union européenne et pas endommagés avec l’aide de la technologie produite en Europe”.

Une des questions les plus importantes c’est le contexte où ces technologies sont utilisées. À cet égard, telles sont les paroles du rapporteur: “Il existe des systèmes qui, lorsqu’ils sont utilisés en Europe avec une surveillance appropriée et des garanties, peuvent poursuivre des fins légitimes, mais qui n’en auraient jamais dans des pays comme la Syrie, le Soudan ou la Russie”. Le contrôle judiciaire et démocratique est un des éléments fondamentaux pour réglementer l’usage des technologies, les pouvoirs des services de renseignement et le développement des systèmes de cybersécurité, de lutte contre le terrorisme et de surveillance.

“Vous pouvez imaginer ce que ces systèmes signifient pour les journalistes de pays où la liberté et la sécurité de la presse ne sont pas garanties, pour les figures de l’opposition, les défenseurs des droits de l’homme, les activistes. Je pense qu’il est essentiel que l’Union européenne montre l’exemple et que nous faisons en sorte que les technologies provenant de l’Union européenne ne contribuent pas à la violation de droits de l’homme”, a affirmé encore le rapporteur pendant une interview au début du mois de septembre dernier. Les nouvelles technologies donc, peuvent être conçues comme des armes à double tranchant: elles apportent autant de bénéfices que de menaces.

Il faut donc, que des mesures de contrôle et de réglementation soient mises en place.

 

La résolution

Le Parlement européen rappelle à l’ensemble des acteurs européens, tels que les institutions, les agences européennes, les États membres et le secteur privé, qu’ils sont tous tenus de respecter les obligations découlant de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En conséquence, il demande l’élaboration de critères spécifiques pour empêcher que tout soutien financier et technique de l’Union, ayant comme finalité le développement et l’exportation de nouvelles technologies dans des pays tiers, puisse aussi contribuer indirectement aux violations de droits de l’homme, par la censure, la surveillance de masse, l’interception, le repérage et le suivi des activités des citoyens. L’évaluation de l’incidence des normes européennes en matière de TIC et la formulation de recommandations pour améliorer le système, devront être assignées à un groupe d’experts indépendants, que la Commission est invitée à désigner.

La Commission et le Conseil, sont aussi appelés à adopter une cohérence majeure entre action extérieure et politiques intérieures de l’Union. Donc, à “promouvoir les libertés numériques et le libre accès à l’internet sans aucune forme de censure”, ainsi que la neutralité d’internet, le contrôle démocratique des services de renseignement, le respect de la vie privée et la protection des données dans toutes les relations, aussi bien politiques que commerciales, avec les pays tiers. Ceci, à travers l’inclusion des clauses précises dans les accordes conclus et l’élaboration d’évaluations à propos de la situation de chaque pays, notamment pendant les négociations des nouvelles adhésions.

Le Parlement “s’oppose à ce que des technologies de surveillance et des outils de censure européens soient vendus et mis à disposition de régimes autoritaires qui n’appliquent pas l’état de droit”. La responsabilité ne doit pas seulement être attribuée aux institutions européennes et nationales, mais aussi bien aux entreprises privées qui, jouent aussi un rôle actif. “À quel prix est-on disposé à vendre notre conscience? À quel prix les entreprises sont-elles disposées à vendre leur conscience?” a demandé le député Stanislav Polčàk (PPE) à la plénière du Parlement, pendant le débat.

Le texte, à ce propos, énonce la nécessité d’une définition précise des “principes de responsabilité sociale des entreprises”, ainsi que de mesures contraignantes et d’une transparence majeure dans les relations que les entreprises (notamment ceux qui fournissent des services d’internet et de téléphonie mobile) entretiennent avec les autorités publiques, en demandant la rédaction de rapports annuels pour les documenter. De plus, le texte avance la possibilité pour la Commission d’exclure publiquement des appels d’offre les entreprises (européennes et “internationales mais actives sur le territoire de l’Union”) qui, à travers la vente des instruments a double usage, coopèrent activement avec de régimes qui ne respectent pas les droits et les libertés fondamentaux, comme la liberté d’expression et la liberté de presse.

Le rapporteur a rappelé au début du débat: “La crédibilité de la politique étrangère de l’Union européenne est directement minée, au moment où une entreprise italienne obtient injustement une licence pour vendre au Soudan ou en Russie, ou encore, quand une entreprise française vend des clés numériques pour ouvrir toute porte. Même celles que l’on croit protégées et verrouillées par des clés de sécurité, ou d’autres moyens.”

La résolution appelle à l’élaborer des limitations, des réglementations et des sanctions précises, ainsi qu’à l’utilisation des clauses “attrappe-tout” et des systèmes de contrôle efficaces, pour l’exportation de technologies, de dispositifs et des logiciels de surveillance des réseaux, de répression et de collecte d’informations, qui sont potentiellement dommageables et sont destinés aux pays tiers. Tout ça, ne doit pas entraver ni la recherche, en particulier en matière scientifique et en matière de sécurité informatique, ni l’accès à l’information et l’échange des données.

Le texte souligne aussi la nécessité de mesures plus précises à propos de la commercialisation des failles “zero days” des systèmes informatiques, afin d’éviter qu’ils ne soient pas utilisés en violation des droits fondamentaux: il y a des entreprises qui travaillent intentionnellement à la recherche de ces failles et qui les vendent aux gouvernements et aux services de renseignement du monde entier.

Les députés demandent la dé-pénalisation et un usage plus diffusé et responsable des systèmes de cryptage: autorisation de cryptage pour tous et mise en place des conditions et des normes nécessaires à son autorisation et à son utilisation, pour rendre les contenus des communications difficilement accessibles aux pouvoirs publics, aux criminels et aux services de renseignement. Le texte souligne notamment les communications qui se déroulent entre le Service européen pour l’action extérieure et les défenseurs des droits de l’homme, afin de protéger ces derniers et d’empêcher que les informations soient surveillées par des tiers. La dé-pénalisation constitue un aspect particulièrement important, étant donné que beaucoup d’États considèrent des hautes standards de protection de la vie privée et des communications comme de véritables atteintes au principe de la sécurité. Dans un des articles publiés le 9 Septembre, EDRi rapporte que “les communications cryptées ont longtemps été un élément important de la sécurité numérique, utilisé par exemple, non seulement par des sociétés comme Amazon ou PayPal, mais aussi par les défenseurs des droits humains, des avocats et des citoyens qui veulent préserver leur vie privée et leur sécurité”. Toutefois: “Pour certains gouvernements, l’utilisation d’une technologie neutre est en train de devenir une nouvelle raison de croire que les gens ont quelque chose à cacher et qu’ils sont en train de commettre un crime”.

Les défenseurs des droits de l’homme, comme les journalistes, les lanceurs d’alerte et tous ceux qui “s’efforcent d’améliorer les normes de la protection de la vie privée en matière de TIC” doivent bénéficier de protection et de soutien concret par l’Union européenne, qui est invitée à la création d’un fonds spécifique dans le domaine des droits fondamentaux et des nouvelles technologies. Ces acteurs, en plus, devraient être dotés des instruments nécessaires et être formés afin de protéger eux-mêmes leurs informations et leurs communications.

Les députés ont aussi insisté sur l’importance de l’utilisation des TIC comme des moyens utiles pour aider la résolution des conflits. Le texte propose l’établissement de nouveaux systèmes dans les zones de conflit, en soulignant l’importance des technologies à structure maillée qui se révèlent plus adaptables, fiables et résistantes et qui peuvent constituer des instruments très efficaces là même où les réseaux internet ne sont pas disponibles ou complètement libres.

Enfin, même la question des menaces terroristes a été bien présente au sein du débat et a été inclue dans le texte de la résolution. Le groupe du PPE avait soulevé la question, pendant la discussion des amendements du texte en commission DROI. Le député Grzyb, après avoir souligné que les droits fondamentaux restent des éléments fondamentaux à la base des politiques de la lutte contre le terrorisme, a lancé une affirmation en faveur de la garantie de sécurité: “Il y a des valeurs importantes qui sont liés aux droits de l’homme et qui, selon notre groupe, ne peuvent pas limiter nos possibilités de lutte contre le terrorisme”. Le texte final, à cet égard, énonce le principe d’équilibre entre sécurité et libertés numériques qui doivent se renforcer réciproquement: la “sécurité nationale ne saurait en aucun cas justifier des programmes de surveillance non ciblés, secrets ou de masse”. Les mesures et les systèmes de sécurité pour la lutte contre le terrorisme doivent respecter l’état de droit et il faut forcement empêcher qu’ils constituent des prétextes injustifiés pour la violation des droits, notamment du droit à la vie privée et de la protection des données personnelles.

Les réactions des groupes parlementaires

“Cette thématique me rappelle Alfred Nobel qui inventa la dynamite en croyant qu’elle aurait été utilisée pour des buts pacifiques, même si en effet elle a été utilisée pour faire la guerre” a affirmé Ivan Jakovčić, député du groupe ADLE, qui a exprimé sa satisfaction pour le travail du rapporteur et a invité la Commission à se mettre en route pour travailler sur le thème.

Un avis positif est parvenu même par les groupes S&D et Verts. Le socialiste Nicola Caputo a apprécié aussi bien la demande d’une “participation plus inclusive et responsable de toutes les parties impliquées: les gouvernements, la société civile, les sujets privés et les utilisateurs finales”, proposition qui a été avancée par la résolution. Les verts, tout en définissant le rapport comme excellent, ont dénoncé surtout le rôle des entreprises privées: “On devrait être prêt à reconnaître que la complicité des entreprises européennes ont gravement endommagé notre réputation, en causant de graves violations des droits de l’homme en Iran, Uzbekistan, Biélorussie et dans autres pays. Je me réfère en particulier aux fournisseurs de télécom”, a affirmé Heidi Hautala (Verts/ALE).

Une réaction négative, au sein du débat, est parvenue seulement par le député Jonathan Arnott (EFDD, extrême droite) qui a accusé le Parlement de vouloir imposer les valeurs occidentales sur les pays tiers en les présentant comme une condition préalable aux relations commerciales. “Tout ça, non seulement est inacceptable, mais aussi d’une telle arrogance. Nous supposons que nous connaissons mieux que les pays en développement les lois qu’ils doivent et peuvent avoir et nous leur disons ce qu’ils doivent et peuvent faire. Ceci signifie piétiner leur souveraineté, je ne peux pas soutenir un rapport qui s’exprime en ces termes.”

Stanislav Polčàk, député du PPE, a souligné l’importance de la résolution et du fait qu’il faudrait ouvrir un débat sur la matière: “il y a beaucoup de droits universels qu’on doit rappeler et qui sont d’une importance telle qu’ils vont au-delà des considérations d’emploi ou de PIB”. Toutefois, le vote final du groupe sur la résolution a été négatif.

La résolution finalement, a été approuvé par 371 voix favorables, 293 voix contre et 43 abstentions, mardi 8 septembre. Le plein soutien a été garanti par les votes des groupes ADLE, S&D et Verts/ALE.

 

La Commission

Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission a exprimé tout son soutien à la résolution, qui touche de nombreuses questions déjà inclues dans la stratégie du marché numérique unique, publiée par la Commission le 6 Mai dernier. “La Commission accepte bien volontiers la requête de renforcer son action pour consolider la liberté, la gouvernance d’internet, la sécurité du commerce et de l’usage d’internet”. Le commissaire, pendant son discours, a fait référence à ce que la Commission a déjà mise en place: deux nouveaux projets viennent d’être lancés dans le cadre du centre européen pour la liberté de presse et des medias et des mesures d’interdiction d’exportation de logiciels d’intrusion et des technologies pour le monitorage d’internet et des télécommunications sont souvent appliquées. De plus, en annonçant que la Commission est déjà au travail avec le SEAE pour améliorer les évaluations des impacts et les systèmes de contrôle, il a fait aussi référence au principe de responsabilité partagée: “secteur privé, société civile, gouvernements, organisations internationales et individus; on est tous responsables.”

 

Paola Tavola

 

 

Pour en savoir plus

   -. Marietje Schaake : la technologie européenne ne devrait pas contribuer à violer les droits de l’Homme http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20150828STO90932/html/Marietje-Schaake-EU-technology-should-not-be-used-to-violate-human-rights

 

     -. Droits de l’homme et technologies dans les pays tiers, Marietje Schaake http://www.europarl.europa.eu/plenary/fr/debate-details.html?date=20150907&detailBy=date

     – . Résolution du Parlement européen du 8 septembre 2015 concernant les droits de l’homme et la technologie: incidences des systèmes d’intrusion et de surveillance sur les droits de l’homme dans les pays tiers (2014/2232(INI)) (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0288+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0288+0+DOC+XML+V0//EN

       -. Résolution du Parlement européen du 12 mars 2014 sur le programme de surveillance de la NSA, les organismes de surveillance dans divers États membres et les incidences sur les droits fondamentaux des citoyens européens et sur la coopération transatlantique en matière de justice et d’affaires intérieures (2013/2188(INI)) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2014-0230+0+DOC+XML+V0//FR

      -. Journalists detained in Turkey for using encryption https://edri.org/

Communication de la Commission au parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions: Stratégie pour un marché unique numérique en Europe http://ec.europa.eu/priorities/digital-single-market/docs/dsm-communication_fr.pdf

     -. Centre européen pour la liberté de presse et des medias http://www.ecpmf.eu/

     -. Articles de Nea say- Eulogos sur les lanceurs d’alerte, la NSA et l’espionnage de masse http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3598&nea=159&lang=fra&arch=0&term=0

 http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3598&nea=159&lang=fra&arch=0&term=0

http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3598&nea=159&lang=fra&arch=0&term=0

 

 

 

 


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Catégories: Union européenne

Comment réformer la Politique Européenne de Voisinage ? Un débat entre la société civile et les institutions en vue de la proposition de la Commission Européenne

dim, 13/09/2015 - 15:29

La Politique Européenne de Voisinage, l’une des plus importantes politiques structurelles de l’Union Européenne, n’a pas réussi à atteindre les objectifs qui avaient été fixés il y a onze ans, lors de son lancement. Dans le cadre d’une consultation publique lancée en mars par la Haute Représentante/Vice-Présidente de la Commission Mogherini et le Commissaire Hahn et visant à réexaminer cette politique, la Commission a pu recueillir un nombre considérable de contributions soumises par la société civile et les organisations non gouvernementales. Voici un résumé des questions principales qui animent le débat, en vue de la proposition de la Commission prévue pour le 18 novembre.

La Politique Européenne de Voisinage a été lancée par l’Union Européenne en 2004, suite à une communication de la Commission Européenne, dans un contexte profondément marqué par l’élargissement massif de l’Union survenu entre 2004 et 2007. L’idée principale derrière cette politique était de poursuivre les mêmes objectives que la politique d’élargissement, sans pourtant s’engager à donner une perspective d’adhésion aux pays concernés. Ainsi, les objectifs déclarés de la PEV étaient de « créer un espace de prospérité et de bon voisinage – un ‘cercle d’amis’ – caractérisé par des relations étroites et pacifiques fondées sur la coopération », de « créer un espace de stabilité et de prospérité partagée avec ses voisins » et d’« éviter la formation de nouvelles lignes de démarcation » entre l’Europe élargie et ses voisins. Ces objectifs devaient été réalisés à travers l’offre faite par l’Union Européenne de nouvelles perspectives d’intégration économique à des pays « partageant les valeurs et objectifs fondamentaux de l’UE », en contrepartie de « la mise en oeuvre effective des réformes politiques, économiques et institutionnelles, notamment dans l’alignement de leur législation sur l’acquis »
Du point de vue théorique, la Politique Européenne de Voisinage a été analysée à travers la théorie de la Politique Etrangère Structurelle élaborée par Stephan Keukeleire et Tom Delreux, c’est-à-dire comme une politique visant à influencer les structures dans des Etat tiers de manière durable, voire permanente. En effet, l’approche de la PEV vise à aller plus loin que celui de la politique étrangère traditionnelle dans son soutien à la transformation structurelle des partenaires dans les domaines de la démocratie, de l’Etat de droit et de l’économie de marché.
Sous cet angle, l’impact de cette politique sur les structures des voisins de l’Union a été négligeable – malgré la création de deux dimensions multilatérales complémentaires et la révision partielle effectuée en 2011 suite au Printemps arabe – et la PEV apparaît en 2015 confrontée à un nombre important de défis (pour une analyse des défauts de la PEV, voir « Vers une révision de la Politique Européenne de Voisinage », http://wp.me/py8lk-2Ku). Comme souligné par Stefan Lehne, « there is hardly any other external policy of the EU with a larger gap between its stated objectives and the actual outcome ». En bref, non seulement la PEV a mis en évidence un échec du pouvoir structurel de l’Union, mais cette dernière est de plus en plus confronté à des pouvoirs structurels concurrents dans son voisinage.

A lumière de ces échecs, le Commissaire chargé de la politique de voisinage et des négociations d’élargissement Johannes Hahn et la Haute Représentante/Vice-Présidente de la Commission Federica Mogherini ont publié, le 4 mars 2015, un document de consultation sur l’avenir de la PEV, visant à ouvrir un débat public autour d’une « réforme fondamentale » de cette politique. La consultation est restée ouverte pendant quatre mois et a permis à tout citoyen, association, ONG, think tank, université et autorité publique de fournir un avis argumenté sur comment réformer cette politique. A la fin du mois de juin, la Commission avait reçu des centaines de contributions. Ce processus culminera en l’automne, lorsque la Commission et la Haute Représentante, après avoir pris en compte les contributions reçues, présenteront leur proposition de réforme de la PEV. Cet article vise à analyser de façon comparative les points de vue exprimés par des institutions européennes et nationales, par certaines importantes contributions soumises par des instituts de recherche, ainsi que par la contribution rédigée par le groupe de travail organisé par l’Université Saint-Louis, auquel EU-Logos Athéna a participé. Cette analyse portera sur certaines questions identifiée par l’auteur comme étant des questions clés dans la réforme de cette politique, à savoir :
1) le maintien ou non d’un cadre unitaire pour la politique de voisinage ;
2) l’étendue géographique de la nouvelle politique ;
3) sa relation avec la politique d’élargissement et la question de savoir si la perspective d’adhésion devrait être donnée aux pays voisins ;
4) la relation de la nouvelle PEV avec la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC) et la Politique de Sécurité et de Défense Communes (PSDC) ;
5) la pertinence des instruments actuels (accords d’associations, accords de libre-échange complets et approfondi, conditionnalité);
6) l’engagement des voisins des voisins.

Les points de vue des institutions européennes et nationales

Tout d’abord, en s’interrogeant sur l’opportunité de maintenir la PEV en tant que telle, le document de consultation publié en mars par la Commission et la Haute Représentante liste la différenciation parmi les axes prioritaires de réforme de la politique. De son côté, un rapport de la Commission Affaires Etrangères (AFET) du Parlement Européen, rédigé par Eduard Kukan (PPE, Slovaquie), insiste sur la nécessité de garder un cadre général car « l’objectif initial de créer un espace de prospérité et de bon voisinage fondé sur les valeurs et principes fondateurs de l’Union, au moyen d’une transformation structurelle en profondeur dans les pays voisins, garde toute sa pertinence ».
Le thème de la portée géographique de la nouvelle politique n’a pas fait l’objet de déclarations des institutions, sauf sous forme d’interrogation sur comment celle-ci devrait être repensée. L’Assemblée Nationale française, de son côté, recommande « que soit maintenue l’unicité de la stratégie de voisinage » pour les deux flancs Est et Sud, « mais que cette politique repose sur la différenciation » non seulement entre les deux zones géographiques mais aussi à l’intérieur de chacune. Dans la même veine, selon le Senat italien, le cadre unique devrait être maintenu.
Concernant la relation entre la politique de voisinage et l’élargissement, toutes les ambiguïtés sur la question sont maintenues. Le rapport du Parlement Européen, en reconnaissant que la PEV et la politique d’élargissement sont des politiques distinctes, rappelle néanmoins que les pays européens peuvent, aux termes de l’article 49 TUE, demander leur adhésion lorsqu’ils en remplissent les conditions. Toutefois, une étude réalisée par la Commission AFET invite clairement à donner à certains pays du Partenariat Oriental une perspective d’adhésion. La déclaration du Sommet de Riga, de son côté, ne fait que « reconnaître » les aspirations européennes des partenaires orientaux. Il est intéressant de noter, enfin, que le document de consultation ne mentionne pas la question.
Ce manque de clarté est fortement critiqué par l’Assemblé Nationale française, qui dénonce « l’ambiguïté rédhibitoire » dont souffre la PEV « en ne se distinguant pas clairement de la politique d’élargissement » et l’organisation actuelle de la Commission mêlant les deux politiques dans un même portefeuille. Pour cette raison, l’Assemblé recommande que « la distinction entre partenariat et élargissement soit clairement établie ».
En matière de rapport avec la PESC/PSDC, les visions institutionnelles sont unanimes. Le document de consultation affirme que « la PEV doit être étroitement intégrée dans une politique étrangère générale de l’UE ». De même, le rapport du Parlement Européen plaide pour qu’une « vision politique claire sous-tende les aspects techniques de la PEV » et pour une meilleure coordination entre les activités de la PEV et celles de la PESC/PSDC. Enfin, le Conseil appelle à assurer la cohérence de la PEV avec les volets sécurité et politique étrangère de l’action de l’UE.
Au niveau des Etats membres, le Senat italien prône une politique de voisinage clairement intégrée dans la PESC/PSDC et un rôle plus important pour la Haute Représentante et le Service Européen pour l’Action Extérieure dans la nouvelle politique. L’Assemblée Nationale française, elle, affirme que la gestion bureaucratique, sans vision politique, de la PEV a « une partie de responsabilité dans le déclenchement de la crise politique en Ukraine » et appelle à une intégration du volet sécuritaire et politique dans la nouvelle PEV, ainsi qu’un rôle accru pour la Haute Représentante.
Quant aux instruments, le document de consultation affirme que la PEV devrait se doter d’une « panoplie plus flexible d’instruments », et notamment : rationaliser les plans d’action, adapter le « more for more » au nouveau contexte, réfléchir à comment structurer les relations avec ces pays qui sont à présent de facto exclus de la PEV, et rendre les structures de la PEV « plus collaboratives » afin de promouvoir l’appropriation commune de cette politique. Le rapport du Parlement Européen, lui, souligne la nécessité d’imposer (sic) des conditions, car « l’UE ne peut pas transiger sur ses valeurs fondamentales ». Au cours des débats parlementaires qui ont eu lieu pendant les derniers mois, certains députés (en provenance notamment de la gauche radicale), ont, contrairement au rapport cité, critiqué l’approche euro-centrée, basée sur les incitants, de cette politique, qui ne favorise pas une relation de partenariat. Les députés socialistes, de leur côté, ont appelé au maintien d’un principe « more for more » lié aux valeurs de l’Union (pour plus d’information sur le débat parlementaire concernant la révision de la PEV, voir « La révision de la PEV à l’examen du Parlement Européen », http://wp.me/py8lk-2Mg).
Au niveau national, le Senat italien a adopté une approche très critique vers les instruments actuels. En effet, les sénateurs soulignent que « les Accords d’Association et les Accords de Libre Echange Complet et Approfondi ne peuvent pas être la seule manière de développer des relations de voisinage » et qu’il est nécessaire d’envisager de nouvelles formes de dialogue, qui soient moins contraignantes. En outre, ils insistent, les plans d’actions, les stratégies par pays et les rapports de suivi annuels sont devenus de plus en plus « encombrants », et le modèle du « more for more » devrait être assoupli.
Enfin, le document de consultation reconnaît que « bon nombre de défis que l’UE et ses voisins doivent relever ensemble ne peuvent pas l’être sans une prise en compte des voisins de ces voisins ».
De même, le Parlement insiste sur la nécessité de tenir compte des voisins des voisins. En même temps, pourtant, une étude de la Commission AFET souligne que des initiatives politiques inclusives visant à engager la Russie dans des formes nouvelles de coopération avec les partenaires orientaux et l’UE « sont simplement impossibles » dans les circonstances actuelles.
L’Assemblée Nationale française recommande que l’UE « approfondisse ses liens avec les voisins des voisins », et notamment la Russie, les pays du Golfe, d’Afrique Subsaharienne et d’Asie Centrale, et « qu’elle prenne également en considération les formes d’intégration régionale telles que l’Union Economique Eurasiatique ». Le Senat italien, enfin, souligne que le dialogue doit inclure, concernant le voisinage Sud, les pays d’origine des migrants (notamment dans le Sahel ou le Corne de l’Afrique). Quant au voisinage Est, souligne le Senat, il apparaît « crucial d’établir un dialogue plus étroit et systématique avec la Russie ». Selon la Chambre, en effet, cela n’a pas toujours été le cas, comme le témoigne l’exemple de l’Accord d’Association avec l’Ukraine, « conclu sans prendre en considération les préoccupations légitimes de la Fédération Russe ».

Les points de vue des académiques et des experts

Parmi les contributions des experts analysées, certaines comme celle de Hrant Kostanyan (Centre for European Policy Studies, CEPS) prônent le maintien d’un cadre unitaire pour la Politique Européenne de Voisinage – dans sa vision, scinder la politique de voisinage signifierait compromettre le consensus parmi les Etats membres. Michel Foucher et Gilles Lepesant (Fondation Robert Schuman), eux, affirment que « plus que le cadre global de la Politique Européenne de Voisinage […] c’est le niveau intermédiaire (Partenariat Oriental et Union pour la Méditerranée) qui s’apparente à un instrument bureaucratique superflu ». Cette vision n’est pas partagée par Iskra Kirova et Sabine Freizer (Open Society Foundations) et par Grzegorz Gromadzki et Bastian Stendhardt (Friedrich Ebert Stiftung – Batory Foundation) qui recommandent le maintien du Partenariat Oriental. Au contraire, Michael Leigh (German Marshall Fund) invite à laisser tomber l’étiquette PEV et à mettre en place des stratégies individuelles pour chaque pays ou région (« There is a strong case for dropping the ENP branding altogether »).
Dans la même veine, Stefan Lehne (Carnegie Europe) plaide pour l’engagement des voisins selon une « géométrie variable » en fonction des domaines traités et pour la mise en place de politiques de voisinage multiples. En effet, explique-t-il, engager le voisinage dans son entièreté n’a pas de sens en raison de son hétérogénéité. De son côté, Eneko Landaburu (Notre Europe) considère que la différenciation s’impose « au risque de remettre en cause […] peut être même le concept d’une politique de voisinage en tant que telle ». Pourtant, il conclut, « plutôt que s’engager dans un débat sémantique, conceptuel et théorique, il conviendrait mieux d’examiner à la fin de l’exercice de ‘refondation’ ce qu’il reste d’éléments communs à tous les pays concernés. Sur cette base nous pourrons évaluer si le maintien d’une seule politique, englobant les voisins du sud et de l’est, a encore un sens ».
D’autres institutions, comme l’Institut IEMed et l’European Council on Foreign Relations (ECFR) prônent deux politiques séparées pour l’Est et le Sud. Cette diversité se reflète aussi dans l’étendue géographique souhaitée pour cette politique. En effet, certains contributeurs soutiennent que celle-ci devrait inclure également des régions telles que l’Asie Centrale, le Moyen Orient, les pays du Golfe, le Sahel et la Corne de l’Afrique.
Une question épineuse dans le débat c’est l’opportunité de donner une perspective d’adhésion aux pays voisins. Ainsi, pour certains experts (comme Eka Tkeshelashvili du GMF, Pasquale De Micco du think tank du Parlement Européen, ou G. Gromadzki et B. Stendhardt) l’Union devrait accorder une telle perspective à la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine une fois que les Accords d’Association en vigueur auront été mis en oeuvre. Tobias Schumacher (Egmont), lui, souligne l’importance de donner à ces pays un objectif ultime – qui n’est pas nécessairement celui de l’adhésion.
Concernant la relation de la nouvelle PEV avec la PESC et la PSDC, plusieurs auteurs (E. Landaburu, Senén Florensa de l’Institut IEMed, Nick Witney et Susi Dennison de l’ECFR) plaident pour que le réexamen de la PEV soit fait en liaison avec celui de la Stratégie Européenne de Sécurité. En effet, selon ces experts, c’est important que la PEV ait une approche plus politique et moins bureaucratique, et que la dichotomie actuelle entre les relations extérieures de l’UE et sa politique étrangère soit éliminée pour faire en sorte que la PEV soit une partie intégrante de la PESC.
Quant à la pertinence des instruments actuels, les contributions analysées présentent une variété de visions. Si d’un côté certains auteurs sont favorables au maintien d’une conditionnalité positive (E. Tkeshelashvili, S. Florensa) et négative (G. Gromadzki et B. Stendhardt, Suzana Carp et T. Schumacher de l’Institut Egmont), basée sur l’adhésion aux normes européennes (Alina Inayeh et Joerg Forbrig du GMF) et sur les critères de Copenhague, d’autres avertissent que la conditionnalité ne devrait pas avoir pour effet de bloquer de plus étroites relations (E. Landaburu). Pour M. Leigh, de son côté, le modèle entier de la politique d’élargissement, ainsi que les instruments des Accords de Libre Echange Complet et Approfondi, ne sont pas appropriés pour la PEV. En outre, souligne-t-il, les réformes en matière de droits de l’homme, Etat de droit et démocratie ne devraient pas être des conditions préalables pour travailler avec les voisins sur des sujets d’intérêt mutuel. M. Lehne, lui, affirme que l’UE devrait accepter qu’il existe des situations où les intérêts à la fois de l’UE et du pays partenaire requièrent un engagement plus fort quel que soit le niveau de réformes.
Enfin, la nécessité d’engager les voisins des voisins dans la nouvelle politique fait un large consensus parmi les experts, avec de rares exceptions. Concernant la Russie, une étude réalisée par P. De Micco pour le Parlement Européen souligne que, quelle que soit la forme de la nouvelle politique, des négociations commerciales entre l’UE et la Russie seront nécessaires et que l’UE se doit de répondre aux préoccupations de la Russie. De même, d’autres auteurs mentionnent la nécessité d’ouvrir des discussions techniques avec l’Union Economique Eurasiatique (H. Kostanyan) et plus généralement d’impliquer Moscou dans un dialogue sur le voisinage commun (M. Leigh, S. Lehne, M. Foucher et G. Lepesant). Plus précisément, soulignent M. Foucher et G. Lepesant, il faut « convaincre les élites russes que la politique de voisinage ne participe en aucun cas d’une logique de containment » – à cet égard, il est intéressant de noter qu’une étude de la Commission AFET parle de la politique de sanctions de l’UE vis-à-vis de la Russie comme d’un outil de containment de cette dernière. Pour E. Tkeshelashvili, l’implication d’un acteur ayant des intérêts géopolitiques concurrents aurait pour effet de lui donner un pouvoir de veto sur cette politique de l’UE.
En général, l’importance d’engager les autres voisins des voisins est amplement reconnue par les experts. A cet égard, S. Lehne mentionne la Turquie, la Russie, l’Arabie Saoudite et le Qatar, mais aussi d’autres importants acteurs tels que les Etats-Unis et la Chine. M. Leigh, lui, parle de la Turquie, de l’Asie Centrale des pays du Golfe et des Etats-Unis.

La contribution du groupe de travail de l’Université Saint-Louis

Pendant les derniers mois, EU-Logos Athéna a eu la possibilité de donner son apport à travers sa participation à un groupe de travail organisé par l’Institut d’Etudes Européennes de l’Université Saint-Louis, regroupant des experts de très haut profile tels que René Leray, Pierre Mirel, Olivier Kempf, Georges Estievenart et Jacques Keller-Noellet. La contribution remise par le groupe de travail a été énormément enrichie par les points de vue de ces experts, qui ont introduit dans le débat des idées parfois divergentes.
En général, deux options ont été identifiées pour le réexamen de la PEV : une réforme du cadre actuel ou une refonte plus radicale. Dans le premier cas, le cadre unitaire et le champ géographique seraient maintenus inchangés, et la réforme porterait plutôt sur les instruments de cette politique – par exemple, pendant les discussions Pierre Mirel mettait en évidence que le modèle accords d’association/DFCTA n’est pas le modèle adéquat pour tous les voisins – et sur l’engagement des voisins des voisins.
Dans le deuxième cas, vers lequel la plupart des contributeurs semblent orientés, le champ du voisinage devrait être élargi à « tous les pays/acteurs politiques situés sur le pourtour de l’UE dont le comportement peut affecter, directement ou indirectement, ses intérêts essentiels et sa sécurité ». Par ailleurs, dans ce cas la politique de voisinage devrait être reconduite dans le champ de la politique étrangère au sens large, pour « devenir une partie intégrante de la ‘grande stratégie’ de l’UE », tout en gardant sa spécificité. En effet, « qu’on le veuille ou non, les pays voisins restent d’abord et avant tout des pays étrangers à l’Union », et « il n’y a pas de différence de nature entre la politique de voisinage et la politique étrangère mais une différence d’intensité ».
Une telle conception de la politique de voisinage aurait d’importantes répercussions au plan pratique, à savoir la nécessité d’envisager un portage au niveau du Conseil Européen et une « refonte du dispositif actuel sous l’égide de la politique étrangère et de la politique de sécurité/défense, en parallèle avec la relance de cette dernière ». Ces deux conceptions différentes reflètent les diversités apparues pendant les débats du groupe de travail : si d’un côté pour certains il faudrait une véritable refonte (Georges Estievenart, René Leray) visant à clarifier les objectifs et à compléter cette politique, pour d’autres l’UE ne pourrait faire mieux que de la réformer (Pierre Mirel).
Enfin, la question d’une éventuelle perspective d’adhésion pour les voisins a fait l’objet de discussions animées au cours des réunions du groupe de travail, les points de vue des participants étant très différents. En effet, certains considéraient que l’élargissement ne serait pas la bonne solution ni pour l’UE ni pour l’Ukraine (Christine Dugoin-Clément et Dmytro Ostroushko), tandis que d’autres estimaient que l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie devraient être intégrées dans une perspective d’élargissement (Georges Estievenart). En raison de ces divergences, la contribution finale se limite à plaider pour que les ambiguïtés qui affectent à présent la PEV soient éliminées.
En conclusion, la consultation publique ouverte par la Commission et la Haute Représentante a donné lieu, surtout parmi les experts, à un débat animé et riche de points de vue différents. Il reste à voir ce que la Commission va en tirer lors de la présentation de sa propre proposition pour une nouvelle politique de voisinage, proposition attendue pour le 18 novembre 2015.

Giulia Bonacquisti

 

Pour en savoir plus :

– Accès aux contributions soumises sur le site web de la consultation (EN) : http://ec.europa.eu/enlargement/neighbourhood/consultation/index_en.htm

– Document de consultation sur la PEV
(FR) : http://ec.europa.eu/enlargement/neighbourhood/consultation/consultation_french.pdf
(EN) : http://ec.europa.eu/enlargement/neighbourhood/consultation/consultation.pdf

– Conseil de l’Union Européenne, Conclusions sur le réexamen de la Politique Européenne de Voisinage
(FR) : http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/04/20-council-conclusions-review-european-neighbourhood-policy/
(EN) : http://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2015/04/20-council-conclusions-review-european-neighbourhood-policy/

– Joint Declaration of the Eastern Partnership Summit (Riga, 21-22 May 2015), (EN): http://www.consilium.europa.eu/en/meetings/international-summit/2015/05/21-22/

– Parlement Européen, Direction générale des politiques externes de l’Union, Commission Affaires Etrangères (2015), “The Eastern Partnership after five years: time for deep rethinking”, (EN): http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/536438/EXPO_STU(2015)536438_EN.pdf

– Parlement Européen (2015), “Projet de Rapport sur la révision de la Politique Européenne de Voisinage”, (2015/2002(INI))
(FR) : http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/documents/afet/pr/1053/1053316/1053316fr.pdf
(EN): http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/documents/afet/pr/1053/1053316/1053316en.pdf


Classé dans:COOPERATION INTERNATIONALE, DROITS FONDAMENTAUX, Questions institutionnelles
Catégories: Union européenne

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