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La Convention internationale contre le racisme a 50 ans. Pour l’Union européenne, un chantier à l’arrêt ?

dim, 03/01/2016 - 22:06

C’était il y a 50 ans. En 1965, une première Convention internationale était conclue dans l’enceinte des Nations Unies. Elle traduisait les grands principes issus de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Les États s’y engageaient à mettre en œuvre par tous les moyens et sans tarder une politique visant à lutter contre le racisme et la discrimination raciale. C’est une promesse forte qui est prise par la communauté des nations, vingt ans après le génocide de la seconde guerre mondiale, en pleine période de décolonisation et en plein apartheid. On espérerait qu’elle ait vieilli un peu, qu’elle ne soit plus d’actualité… Et pourtant. Cependant c’est désormais de lutte contre les discriminations sous toutes ses formes dont il faudrait parler, tant le racisme se fait insidieux, multiforme et se déguise pour se manifester.

 

Où en est-on aujourd’hui? À Genève, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, qui veille à l’application de la Convention, a publié des rapports régulièrement…

 

Depuis 1965, les choses ont évolué mais pas tant qu’espéré. L’étranger n’est plus tant celui venu d’ailleurs mais plutôt le « culturellement différent ». Le plus paradoxal est que, dans un même mouvement où nous réduisons le groupe minoritaire à son origine, sa culture ou ses croyances, nous entravons aussi ses aspirations à témoigner de manière visible de cette culture et de ces croyances. Nombreux sont ceux dans nos pays européens qui cultivent encore l’idée qu’une société devrait être culturellement homogène. Or, comme l’écrit très justement Edwy Plenel dans son ouvrage « Pour les musulmans », l’obligation d’assimilation est souvent un euphémisme signifiant en réalité une obligation de disparaître. Si l’on demandait à chaque minorité de s’assimiler, cela équivaudrait à lui demander rien moins que de ne plus exister, de ne plus s’estimer, de ne plus se nommer, de ne plus s’exprimer et par là de ne plus prendre ses responsabilités. Nos droits et libertés constitutionnelles – dont nous sommes fiers – sont ceux de chaque habitant de ce pays : personne ne doit les « mériter ». Selon Edwy Plenel, nous ne sommes toujours pas prêts à embrasser l’universel et l’individuel, la solidarité et la diversité, l’unité et la multiplicité. En France l’approche des élections pour la présidence de la République a fait resurgir le débat entre intégration et assimilation, parfois au sein du même parti, comme par exemple le parti des Républicains.

 

Le cadre législatif interdisant la discrimination existe, mais il nous manque une évaluation sérieuse de ces dispositions ainsi que les mesures et les contrôles de bonne application. Témoin involontaire de cette situation, l’Union européenne n’a toujours pas adopté sa directive horizontale contre les discriminations qui date de 2008. Un chantier à l’arrêt, nous le verrons en examinant sa communication de janvier 2014.

 

Une disproportion dans la participation à l’emploi, à l’enseignement, au logement, …, n’est pas seulement le signe d’une discrimination. C’est aussi le symptôme d’une société dans laquelle les « vieilles opinions », les « vieux schémas » entravent encore tout changement et toute participation égale et inclusive.

 

Quelle que soit l’approche choisie, il faut en mesurer les résultats. S’il faut s’attaquer aux discriminations structurelles, qui sont le résultat d’un rapport de forces dans la société et d’un mode d’organisation reproduisant les inégalités, il faut aussi faire un travail sur soi-même. Nous partageons tous, sans exception, des stéréotypes, dont il faut prendre conscience pour qu’ils ne basculent pas vers des préjugés négatifs, puis de proche en proche vers des discours de haine, puis des actes de haine et de la discrimination pure et dure.

 

Nous attendons de nos dirigeants des actes mais aussi des mots. Leurs prises de position, toujours trop rares, doivent refléter leur engagement pour les libertés et les droits constitutionnels qui sont ceux de chaque habitant, tous égaux en droits et en dignité. Nous attendons aussi qu’ils dénoncent les propos en contradiction avec ce socle de droits fondamentaux. Et ceci avant de pouvoir parler d’un « socle de valeurs », qui reste lui à construire, ensemble, de manière inclusive. Ils doivent pour cela s’engager pleinement dans le débat sur la direction que notre société doit prendre, y impliquer et responsabiliser chacun sans exclusion. Le débat sur l’Etat de droit dans lequel le Parlement européen semble vouloir s’engager en est un signe tangible. Comment va évoluer le problème polonais ?Le résultat sera hautement ignificatif.

 

Comment la Convention est-elle mise en œuvre

 

Les principes d’égalité et de non-discrimination font partie intégrante du droit international moderne, y compris de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Charte des Nations Unies et aussi bien évidemment de la Charte européenne des droits fondamentaux. Ces principes sont repris tout au long des deux principaux Pactes internationaux sur les droits de l’homme – celui relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et celui relatif aux droits civils et politiques – ainsi que des dizaines de conventions, traités, déclarations et autres instruments juridiques internationaux majeurs.

 

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale est l’instrument le plus complet en matière de lutte contre la discrimination raciale. Elle fut adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 21 décembre 1965 et entra en vigueur le 4 janvier 1969. En août 2008, 173 Etats avaient ratifié la Convention.

La Convention énumère les mesures que les Etats doivent prendre pour éliminer la discrimination raciale que l’Article premier définit comme : « toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique ».

 

La mise en application de la Convention est contrôlée par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD). Le Comité est composé de 18 experts indépendants, élus en leur capacité personnelle par les Etats parties à la Convention pour une durée de quatre ans avec un souci de répartition géographique équilibrée.

Le CERD est chargé de contrôler les progrès réalisés par les Etats pour se conformer aux obligations juridiques définies par la Convention et, pour ce faire, examine les rapports que les pays se doivent de soumettre tous les deux ans. L’examen se fait en présence d’une délégation du pays qui répond aux nombreuses questions des experts. Pour évaluer la mise en pratique de la Convention au niveau national, le Comité prend aussi en compte les informations fournies par d’autres sources, y compris les ONG nationales et internationales.

 

Après l’audition des délégations gouvernementales le Comité adopte ses remarques finales qui reflètent les points de discussion les plus importants et indiquent les préoccupations du Comité et les questions qui requièrent un suivi de la part de l’Etat concerné. Les observations finales, qui sont rendues publiques, indiquent les aspects positifs ainsi que les sujets de préoccupation et fait des suggestions et des recommandations concrètes en vue d’une action future. Ces remarques sont ensuite transmises au gouvernement de l’état dont le rapport a été examiné et sont aussi remises à l’Assemblée générale.En plus du CERD et des sept autres comités chargés de surveiller la situation en matière de droits humains, il existe d’autres mécanismes de surveillance des Nations Unies y compris le Conseil des droits de l’homme et les procédures spéciales.(cf. Pour en savoir plus).L’expression procédures spéciales désigne les rapporteurs spéciaux, experts indépendants et groupes de travail mis en place par la Commission des droits de l’homme et endossés par son successeur, le Conseil des droits de l’homme, pour répondre à la situation propre d’un pays ou à des questions thématiques au niveau mondial.

 

Plusieurs des 30 mandats thématiques se concentrent sur des questions liées au racisme, en particulier le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, qui entreprend des missions fréquentes pour obtenir des informations sur la situation propre à un pays et rencontrer un éventail d’interlocuteurs dont les autorités gouvernementales et la société civile. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) soutien le travail des titulaires de mandats au titre des procédures spéciales. Ils communiquent leurs conclusions et recommandations au Conseil des droits de l’homme et beaucoup d’entre eux présentent également leurs rapports à l’Assemblée générale.

 

Le système des Nations unies et les autres instruments onusiens spécifiquement conçus pour protéger de la discrimination sont :

-. la Convention sur l’égalité de la rémunération (1951) et la Convention concernant la • discrimination (emploi et profession) (1958), qui furent toutes deux adoptées par la Conférence générale de l’Organisation internationale du travail (OIT);

-. la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de • l’enseignement (1960) et la Déclaration sur la race et les préjugés raciaux (1978) qui furent adoptées par la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) ;

-. la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de • discrimination fondées sur la religion ou la conviction proclamée par l’Assemblée générale en 1981.

Les efforts pour lutter contre la discrimination se sont renforcés ces dernières années. En septembre 2007, l’Assemblée générale a adopté la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, et en mai 2008 la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son protocole optionnel entrèrent en vigueur. Un nouvel organe de traité sera bientôt mis en place pour surveiller la manière dont les Etats partie se conforment à cette Convention.

Enfin, la Conférence de révision de Durban a donné en 2009 un nouvel élan à la mise en application de la Déclaration et programme d’action de Durban adoptée en 2001 à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.

 

A propos du HCDH

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), une composante du Secrétariat des Nations Unies, a reçu un mandat unique pour promouvoir et protéger tous les droits de l’homme. Avec son siège à Genève, le Haut-Commissariat est également présent dans quelque 40 pays. Avec à sa tête le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, une fonction établie par l’Assemblée générale en 1993 pour être le fer de lance des efforts des Nations Unies en matière des droits de l’homme, le HCDH entreprend des actions basées sur le mandat unique qui lui a été donné par la communauté internationale de protéger et de défendre la législation internationale des droits de l’homme. Pour plus d’information, veuillez consulter le site: www.ohchr.org.(cf. Pour en savoir plus)

 

Et l’Union européenne ?

 

Elle travaille à la protection de tous ses citoyens contre toute discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique (Directive2000/43/CE), la religion, les croyance ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle et le sexe.(Directive 2000/78/CE)Elle assure la protection des citoyens dans certains aspects essentiels de leur vie :l’emploi et le formation professionnelle (l’une et l’autre directive) ; l’éducation, la sécurité sociale et les soins de santé ainsi que l’accès aux biens et services, y compris en matière de logement, d’énergie et leur fourniture(Directive 2000/43/CE) ;interdisent diverses formes de discrimination : discrimination directe et indirecte, harcèlement, injonction de discrimination et rétorsions. Enfin les directives obligent les Etats membres à prévoir des sanctions et des voies de recors effectives.

 

L’UE lutte contre la discrimination

 

La Commission européenne prend des mesures visant à:

  • améliorer les connaissances en matière de discrimination en sensibilisant les citoyens à leurs

droits et obligations, mais aussi aux avantages de la diversité;

 

  • soutenir les acteurs intermédiaires tels que les ONG, les partenaires sociaux et les organismes de promotion de l’égalité afin d’améliorer leur capacité à lutter contre la discrimination;

 

  • soutenir l’élaboration de politiques d’égalité à l’échelon national et encourager l’échange de bonnes pratiques entre les États membres;

 

  • faire réellement évoluer la situation dans le domaine de la non-discrimination grâce à des activités de formation en matière de lutte contre la discrimination;

 

  • insister sur la gestion de la diversité dans les entreprises en tant qu’élément de réponse stratégique à une société, une clientèle, une structure de marché et une main d’œuvre plus diversifiées.

 

En plus des deux directives (directive sur l’égalité raciale et directive-cadre sur l’emploi), la Commission a adopté en juillet 2008 une communication qui présente une démarche globale visant à renforcer la lutte contre la discrimination et à promouvoir l’égalité des chances, ainsi qu’une décision instituant un groupe d’experts gouvernementaux sur la non-discrimination ainsi qu’une proposition de Directive

 

La Commission européenne défend également l’égalité de traitement des Roms, la minorité ethnique la plus importante d’Europe. Vous trouverez dans « Pour en savoir Plus les dernières évolutions relatives à la politique en faveur des Roms.

 

Quels sont les résultats ?

 

Ils transparaissent difficilement dans le rapport de la Commission du 17 janvier 2014 sur l’application des deux directives, malgré tout le soin apporté à sa rédaction. La difficulté nait de la nature même de l’objectif poursuivi fait remarquer la Commission

Un premier constat, les deux directives ont été transposée en droit interne mais l’examen des situations nationales révèle que leur mise en œuvre et leur application sont encore source de difficultés Les deux directives soulignent l’importance de la diffusion de l’information de façon à ce que les personnes concernées sachent quels sont leurs droits en matière d’égalité de traitement. Tous les européens et pas seulement les populations minoritaire ont généralement une mauvaise connaissance de leurs droits : par exemple que la discrimination dans l’emploi est interdite dès le stade de la demande de l’emploi.

 

Autre constat : pénurie de données sur l’égalité de traitement, car les directives n’obligent pas à recueillir les données. La rareté des données ethniques dans la plupart des Etats membres est un obstacle pour le suivi de l’application de la législation. Rareté des signalements : 82% des personnes ayant subi une discrimination n’ont pas signalé leur cas : l’accès aux mécanismes de plaintes et à l’accès à la justice n’ont pas été améliorés. Les juridictions nationales ont tendance semblent avoir tendance à appliquer le barème des sanctions légales le moins strict et à avoir la main légère en ce qui concerne le montant des compensations. La jurisprudence en matière de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, le handicap et la race ou l’origine ethnique est moins développée étant donné le nombre plus restreint d’affaires portées devant la Cour européenne de Justice. La Cour n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur la discrimination fondée sur la religion ou les convictions.

 

La situation dans les Etats membres est fort variable. Dans certains Etats les directives ont donné lieu à une importante jurisprudence et des affaires sont régulièrement envoyées à CJUE.D’autres Etas signalent un petit nombre d’affaires.

 

La notion de discrimination indirecte est désormais consacrée par le droit, »mais sa mise en œuvre reste une gageure, écrit la Commission européenne.

 

Les directives ne contiennent aucune disposition spécifique concernant les discriminations multiples même si elles font référence au fait que les femmes que les femmes sont souvent victimes de discriminations multiples et les directives permettent d’aborder une combinaison de plusieurs motifs. Des problèmes pourraient découler du fait que les directives offrent des niveaux de protection différent. La Commission s’est efforcé de réduire l’écart avec sa proposition de 2008 en vue d’une nouvelle directive.

 

Un aspect très important est à signaler : l’interdiction de la discrimination bénéficie à tous dans l’Union et pas seulement aux citoyens de l’UE. Les ressortissants de pays tiers y compris les apatrides sont souvent exposés aux discriminations en raison de leur situation.

 

Pourtant reconnait la Commission européenne certains problèmes ne résultent pas directement de la législation, mais de la manière dont elle est appliquée sur le terrain et donc la législation doit être également combinée à des interventions et mesures financières adaptées et c’est pour quoi plusieurs Etats membres décrivent leurs politiques d’intégration à l’égard des migrants et des ressortissants de pays tiers comme des actions de prévention contre la discrimination.

 

Aspects propres à la discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique

Remarquons d’abord que la directive ne définit pas les notions de race et d’origine ethnique, il appartient aux Etats membres de décider si ces notions seront définies par le droit national sur ce plan certaines législations nationales sont muettes. Ce sont là des sources de confusion, désordre ne pouvant donner que des résultats médiocres, tant le vécu historique, les traditions, la sensibilité différent fortement entre les Etats membres. A cet égard deux aspects prennent une place particulièrement importante : le rôle des organismes de promotion de l’égalité et la protection des Roms. La directive impose de désigner les organismes chargés d’aider les victimes, or le fait est qu’il existe des différences importantes, trop importantes entre les Etats membres : rôle de conseil, rôle de promotion pour d’autres compétences quasi juridictionnelles

Quant aux Roms c’est un groupe qui est incontestablement particulièrement important sur le plan quantitatif et aussi très exposé. De longue date la Commission s’est attachée à combattre la source des problèmes, notamment lorsqu’il s’agissait de mesures nationales, mais la Commission a dû admettre que la législation à elle seul n’apporte pas de solution suffisante à l’exclusion sociale et aux préjugés. Un élément clé de l’offensive a été l’adoption d’un cadre pour les stratégies nationales d’intégration des Roms allant jusqu’en 2020. La Commission a ensuite procédé au suivi annuel des stratégies nationales élaborées par les Etats membres, en retenant les quatre domaines prioritaires: éducation, emploi, soins de santé et logement. Parallèlement elle a continué à étoffer la protection juridique des Roms dans le cadre de recommandations adoptées par le Conseil en insistant sur la garantie d’une mise en pratique effective sur le terrain. Les Etats membres étant par ailleurs invités à s’assurer que leurs règlementations nationales, régionales, locales ne sont pas discriminatoires et n’entraînent pas de la ségrégation. Le dossier Rom est emblématique, faut-il le souligner ! Aussi longtemps qu’il ne sera pas réglé, aussi longtemps la crédibilité de l’Union européenne restera entachée.

 

Aspects propre en matière d’emploi : l’âge, l’emploi, l’orientation sexuelle

 

A l’époque où la directive a été adoptée, la discrimination liée à l’âge était inconnue dans de nombreux Etats membres. La discrimination à l’égard des travailleurs les plus âgés revêt in intérêt croissant compte tenu de l’évolution démographique à l’origine de la plupart des législations récentes relatives à l’âge : suppression ou prorogation de l’obligatoire de départ à la retraite, mesures dissuasives de départ anticipé, autres mesures visant à maintenir les travailleurs les plus âgés sur le marché dub travail. Les dérogations laissent aux Etats membres une marge de manœuvre considérable et donc a donné lieu à un grand nombre de décisions importantes rendues par la Cour de Justice de l’Union et les juridictions nationales qui ont permis de clarifier les critères d’admissibilité d’un traitement différencié.

 

Quant au handicap, la Cour de Justice a rendu un certain nombre d’arrêts marquants, elle a défini la notion de handicap et jugée que la maladie ne relevait pas en soi de cette définition mais elle a néanmoins précisé que la notion de handicap pouvait dans certaines circonstances inclure un état pathologique causé par une maladie incurable ou une maladie curable de longue durée. La Cour de Justice a également intégré à son interprétation la notion de handicap telle qu’elle figure dans la convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées.

 

L’interdiction de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle était nouvelle pour presque tous les Etats membres à l’époque de la transposition et la Commission a dû engager des procédures d’infraction à l’encontre de plusieurs Etats membres. Toutes ces affaires sont maintenant clôturées et tous les Etas membres assurent la protection requise. Des difficultés subsistent et une vigilance constante doit demeurer ;

 

La directive interdit la discrimination fondée sur la religion ou les convictions dans le domaine de l’emploi. Toutefois une dérogation est prévue pour les églises et autres organisation dont l’éthique est fondée sur la religion ou les convictions et en position d’employeurs. Ces organisations sont autorisées sous certaines conditions      à imposer à imposer des exigences spécifiques. Ces « exigences professionnelles » fondées sur la religion doivent être essentielles légitimes et justifiées au regard de l’éthique de l’organisation et ne doivent pas reposer sur d’autres critères. La dérogation doit être interprétée de façon restrictive. Les procédures d’infraction engagées sont actuellement clôturées ;

 

 

Conclusions et perspectives

 

Les Etats membres ont pris les mesures nécessaires pour assurer la transposition dans leur ordre juridique interne ; ils ont mis en place les procédures et organismes requis. Mais l’essentiel n’est peut être pas là : le principal défi est de sensibiliser davantage le public aux discriminations. La législation ne peut à elle seule suffire à assurer une pleine égalité qui doit aller de pair avec une grande variété d’interventions. Des activités de formation et de sensibilisation existent mais elles doivent être amplifiées et diversifiées. Sur ce plan l’Union européenne se comporte trop souvent comme un déserteur sans toujours bien mesurer l’ampleur des dégâts occasionnés : les discriminations déchirent le tissu social, rendent difficile la cohabitation entre les différentes composantes de la société. Il ne se passe pas de jour sans que les médias, face aux crises multiples, diverses, aiguës, ne dissertent sur le « mieux vivre ensemble ». Combattre les discriminations est au cœur de cette recherche du mieux vivre ensemble. Cela va faire huit ans que la proposition de directive de la Commission est sur la table du Conseil…

Pour en savoir Plus :

 

     -. Texte de la Convention internationale http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CERD.aspx

 

     -. Les Nations Unies et la lutte contre le racisme et les discriminations http://www.un.org/fr/rights/overview/themes/racism.shtml

 

   -. Tout savoir sur le Conseil des droits de l’Homme (FR) http://www.ohchr.org/FR/HRBodies/HRC/Pages/HRCIndex.aspx (EN) http://www.ohchr.org/EN/Pages/Home.aspx

 

     -. Index des documents de la Commission européenne consacrés aux discriminations http://ec.europa.eu/justice/discrimination/document/index_en.htm

 

     -. Lutte contre la discrimination : liens utiles http://ec.europa.eu/justice/discrimination/link/index_fr.htm

 

     -. Portail de la Commission européenne consacré à la lutte contre la discrimination http://ec.europa.eu/justice/discrimination/index_fr.htm

 

-. Rapport de la Commission sur la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement

entre les personnes (17.1 2014 )Com(2014) 2 final(FR) http://ec.europa.eu/justice/discrimination/files/com_2014_2_fr.pdf (EN) http://ec.europa.eu/justice/discrimination/files/com_2014_2_en.pdf

 

     -. Communication de la Commission(FR) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=URISERV:dh0001 (EN) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/ALL/?uri=URISERV:dh0001

 

     -.Proposition de Directive (FR) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:em0008 (EN) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=uriserv:em0008

 

     -. Les organismes de promotion de l’égalité

Ils peuvent contribuer de manière essentielle à la promotion de l’égalité et rendre plus efficace la mise en œuvre et l’application des directives. Renforcer leur efficacité pourrait rendre plus rapide et moins coûteuse que le recours juridictionnel. Ces organismes font l’objet de consultations régulières outre les organismes nationaux de promotion de légalité, citons :

-le Réseau européen de l’égalité EQUINET ;

-l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

-les partenaires sociaux : le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt économique général (CEEP) ;la Confédération européenne des syndicats (CES) ;ERUROCADRES e- et l’Union européenne de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises (UAPME) ;

-le Lobby européen des femmes ;

-la Plate-forme des ONG européennes du secteur social (la Plate forme sociale) ;

-le Réseau européen en matière de Religion et de Croyances ( (ENORB) ;

-le Réseau européen contre le Racisme (ENAR) ;

-Ilga-Europe ;

– AGE Plateforme-Europe ;

-le Forum européen des personnes handicapées (FEPH) ;

-Open Society ;

-Amnesty International ;

-le Centre européen es droits des Roms ;

-plate forme Pour la coopération internationale sur les sans-papiers (PICUM);

-Forum européen des femmes musulmanes ;

-Réseau européen des experts juridiques en matière de législation ant-discriminatoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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Catégories: Union européenne

Femmes , enfants , un cri déchirant: plus de 16 millions de bébés sont nés en 2015 dans des zones de conflit, chiffre qui équivaut à une naissance sur huit dans le monde et souligne la vulnérabilité de plus en plus d’enfants, a déclaré le Fonds des...

mer, 30/12/2015 - 21:43

« Toutes les deux secondes, un nouveau-né prend son premier souffle en plein conflit, souvent dans des circonstances terrifiantes et sans accès à des soins de santé », a dit le Directeur exécutif de l’UNICEF, Anthony Lake. « Trop d’enfants commencent aujourd’hui leurs vies en situation extrême, un conflit, une catastrophe naturelle, la pauvreté, la maladie ou la malnutrition. Peut-il y avoir un pire départ dans la vie ? »

Dans les pays touchés par un conflit, comme l’Afghanistan, l’Iraq, la République centrafricaine, le Soudan du Sud, la Syrie et le Yémen, où lors de périples dangereux pour échapper aux combats, les nouveau-nés et leurs mères affrontent d’énormes risques. Les femmes enceintes risquent d’accoucher sans assistance médicale dans des conditions d’hygiène déplorables. Leurs enfants ont une probabilité plus grande de mourir avant l’âge de 5 ans et de vivre dans des conditions de stress extrême – dit « toxique »– qui peuvent entraver leur développement psychologique et cognitif à long terme, explique l’UNICEF.

Outre les conflits, la pauvreté, le changement climatique et l’absence de perspectives rendent les enfants de plus en plus vulnérables et ont forcé des millions d’entre eux à se lancer dans des périples dangereux, loin de leurs foyers.

-. Plus de 200.000 enfants ont demandé l’asile politique dans les pays de l’Union européenne au cours des neuf premiers mois de 2015. Ils s’ajoutent aux 30 millions d’enfants de la planète obligés de fuir leurs foyers avant 2014 à cause de la guerre, de la violence et des persécutions. On compte maintenant plus de personnes déplacées qu’à aucun autre moment depuis la Seconde Guerre mondiale.

-. Plus de 250 millions d’enfants – soit un sur neuf – vivent dans des pays ou des régions en proie à un conflit. Leur santé, leur éducation et leur bien-être sont gravement compromis.

-. Plus d’un demi-milliard d’enfants vivent dans des zones où les inondations sont extrêmement fréquentes et près de 160 millions d’entre eux vivent dans des zones de sécheresse élevée ou très élevée.

-. Les enfants représentent la moitié des personnes vivant dans une pauvreté extrême bien qu’ils ne représentent qu’un tiers environ de la population mondiale.

« Les derniers mois de 2015 ont vu la communauté internationale se rassembler autour de la lutte contre le changement climatique et pour un nouveau programme de développement mondial », a déclaré Anthony Lake. Ces accords ambitieux représentent une énorme occasion si nous pouvons traduire nos promesses en actes pour les enfants les plus vulnérables. Si nous remédions aux raisons pour lesquelles tant de familles ressentent le besoin de se déraciner et de déraciner leurs enfants – en résolvant les conflits, en luttant contre le changement climatique, en élargissant les possibilités de chacun – nous pouvons faire de 2016 une année d’espoir pour des millions de personnes – et non une année de désespoir ».


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Union européenne, un régime sans visas ? En tout cas beaucoup plus que partout ailleurs : feu vert pour la Géorgie et l’Ukraine, feu rouge provisoire pour le Kosovo .

mer, 30/12/2015 - 18:15

La saga des exemptions de visas accordées ou refusées continue dans l’indifférence ou l’ignorance. Mais c’est une erreur, il s’agit d’un domaine de la plus grande sensibilité politique et diplomatique : des pays comme les Etats-Unis, la Russie ou l’Iran ne s’y trompent pas et exercent leur vigilance parfois à coup de représailles.

La Commission a annoncé avec une certaine solennité le vendredi 18 décembre à l’occasion du sommet européen de fin d’année qu’elle va recommander au début de l’année 2016 de libéraliser le régime des visas pour les ressortissants de l’Ukraine et de Géorgie. Le Kosovo devra, quant à lui, encore patienter n’ayant pas rempli tous les critères pour bénéficier du même traitement. Aux yeux des autorités européennes c’était une preuve supplémentaire, s’il en fallait une, de l’intengibilité de la zone Schengen.

En publiant les trois rapports sur la mise en œuvre des feuilles de route de ces pays pour obtenir un régime sans visas, la Commission amende le règlement 539/2001 sur les visas pour l’Ukraine et la Géorgie. Pour des deux pays il s’agissait des rapport finaux et leurs ressortissants pourront voyager avec un seul passeport biométrique dans l’espace Schengen pour une durée maximale de 3 mois. Ces propositions d’amendements seront présentées au début de l’année 2016 a déclaré le Commissaire Avramopoulos.

La Commission européenne a en effet estimé que les deux pays avaient rempli toutes les exigences en ce qui concerne l’amélioration de leur cadre législatif pour ce qui est de la gestion de la migration, de l’asile, de la coopération policière, des droits des citoyens et dans le but de lutter contre la corruption, le trafic de drogues, le trafic d’êtres humains et le blanchiment d’argent.

Les rapports ukrainiens et géorgiens montrent que ces deux pays ont rempli « tous les critères des quatre blocs fixés pour la seconde phase du plan d’action de libéralisation des visas » a souligné le commissaire Avramopoulos. Bien évidemment le Premier ministre géorgien, Irakli Garibashvili, a salué cette décision tout comme l’a fait le président Ukrainien Petro Porochenko. Quant à l’Ukraine elle a depuis la fin du mois de mai « fait les progrès qu’il fallait » a souligne le commissaire « il y a un engagement net en faveur des réformes et la lutte contre la corruption » a-t-il ajouté sans toujours fortement convaincre ses auditeurs. Comme toujours en matière de visa, les discussions sont longues : les dialogues sur la libéralisation des visas ont commencé en juin 2012 pour la Géorgie et en octobre 2008 pour l’Ukraine.

Pour le Kosovo il s’agit certainement d’une décision amère : son ministre des affaires européennes, Bekim Collaku, s’attendait à une décision positive de la part de la Commission européenne, car argumentait-il, le Kosovo est le seul pays des Balkans occidentaux à ne pas disposer de régime sans visas et dette différence de traitement devait cesser d’autant plus, faisait-il valoir, le Kossovo devait remplir 95 critères, beaucoup plus que dans les autres cas. Le Kossovo se consolera car il estime qu’il a franchi une étape et les citoyens kosovars sont prêts à voyager sans visas. Le commissaire Avramopoulos a rappelé qu’il restait encore huit critères à remplir et qu’une fois cette étape franchie le Kosovo pourra a à son tour bénéficier d’une décision positive. L’objectif de la Commission est de rendre cette décision de libéralisation du régime des visas au début de l’année 2016 si le Kosovo remplit les dernières exigences. Cependant de priorités restent à mettre en œuvre : « le transfert d’un nombre suffisant de juges vers les tribunaux des départements criminalité, la mise en place de bilans et d’évaluations pour les enquêtes dans les affaires de crimes organisés et de corruption grave ou encore sur l’indépendance de l’organe d’examen des marchés publics et de la commission de régulation des marchés publics, a rappelé le commissaire Avramopoulos. La Commission européenne doit encore analyser les progrès du Kosovo en ce qui concerne l’accord sur les frontières avec le Monténégro.

Et les Etats-Unis ?

Les touristes de 38 pays, dont 30 en Europe, ne pourront désormais plus entrer sans visa aux Etats-Unis s’ils sont allés en Irak, Syrie, Soudan ou en Iran, selon une loi adoptée par le Congrès américain et promulguée par le président Barack Obama. La réplique européenne a été discrète et mesurée contre ce qu’elle a qualifié malgré tout de pratique discriminatoire

Tout autre est celle de l’Iran : le chef de la commission des Affaires étrangères du Parlement iranien a appelé ses homologues d’Europe, de Chine et de Russie à « s’opposer » à une nouvelle loi américaine sur les visas jugée « discriminatoire », a rapporté dimanche 27 décembre l’agence Isna. L’Iran estime que cette nouvelle loi est contraire à l’esprit de l’accord nucléaire qu’il a conclu le 14 juillet avec les grandes puissances, dont les Etats-Unis. Celui-ci va permettre la levée prochaine des sanctions internationales en Iran en échange de l’engagement de Téhéran de limiter son programme nucléaire civil et de renoncer à l’arme atomique.

Considérant que cette loi « injuste et discriminatoire » va « cibler vos citoyens (…) je vous appelle à vous opposer à cette décision prise par l’administration américaine » qui « est un coup destructeur » porté à l’accord nucléaire de juillet entre l’Iran et les grandes puissances, a écrit Alaedin Buroojerdi, président de la commission des Affaires étrangères et de la Sécurité nationale du Parlement iranien. La lettre a été envoyée à ses homologues du Parlement européen et des assemblées parlementaires de France, Grande-Bretagne, Allemagne, Russie et Chine.

Lors d’une visite il y a une semaine à Téhéran, Gérard Larcher, président du Sénat français avait estimé que cette loi américaine envoyait « un mauvais signal ». »Cela peut être perçu ici (à Téhéran) comme une marque de défiance et pour nous, ce n’est sans doute pas une initiative (…) qui s’inscrit dans la culture de la confiance à construire » avec l’Iran, avait-il déclaré.

Lors d’une rencontre avec M. Larcher, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, avait lui estimé que « cette loi est avant tout contre l’indépendance de l’Europe » et « les Européens doivent montrer leur indépendance face à des mesures discriminatoires ».

Quant à la Russie on peut imaginer qu’elle n’a pas allumé des feux de joie à l’annonce de ces décisions, à commencer par celles concernant la Géorgie, l’Ukraine et le Kosovo qui portent en elles autant de discrimination par rapport au traitement réservé par l’Union européenne à la Fédération de Russie.

Pour en savoir plus :

–          Communiqué de presse de la Commission https://ec.europa.eu/avservices/video/shotlist.cfm?ref=I114582

     -.   Texte du Règlement 539/2001 (FR) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/ALL/?uri=CELEX%3A32001R0539 (EN) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:32001R0539&from=fr

     -. Les conditions d’entrée dans l’espace Schengen http://www.immigration.interieur.gouv.fr/Europe-et-International/La-circulation-transfrontiere/Les-conditions-d-entree-dans-l-espace-Schengen

 

 

 

 


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Catégories: Union européenne

L’Union européenne peut avoir du bon pour la Grèce !

mer, 30/12/2015 - 09:37

L’Europe au secours des médecins grecs et leur semaine de 93 heures…Si les autorités européennes sont régulièrement   , et avec vigueur, accusées de dégrader la situation sociale en Grèce en imposant des mesures d’austérité sévères touchant les salariés, par contre une profession pourrait voir ses conditions s’améliorer très sensiblement : les médecins hospitaliers.

Dix associations de médecins grecs qui avaient déposé une plainte au prés de la Commission européenne pour dénoncer leurs conditions de travail sont en voie d’obtenir satisfaction. Les plaignants avaient fait valoir que la législation nationale leur impose de rester sur le lieu de travail pour effectuer leurs gardes, cette présence vient s’ajouter à la durée de travail initiale et n’est                                                                                   pas plafonnée dans la durée. Au final, la durée de leur semaine de travail oscille entre 60 heures et 93 heures, tandis que les « journées » peuvent atteindre 32 heures car la législation autorise le médecin à enchaîner une journée normale après une garde. Le tout sans repos compensateur immédiat. Suite à la plainte des médecins grecs, la Commission a saisi la Cour de Justice de l’Inion européenne.

Dans un arrêt du 23 décembre, les juges ont constaté que la Grèce ne respectait effectivement pas la législation européenne : la directive 2003/88/CE impose une durée hebdomadaire maximale de 48 heures et garantit également pour chaque période de 24 heures travaillées un repos minimum de 11 heures consécutives. Bien loin donc des conditions actuelles que connaissent les médecins grecs. Priée de se mettre en conformité avec le droit européen, la Grèce va devoir s’exécuter sous peine d’une nouvelle condamnation accompagnée de sanctions financières.

 

Pour en savoir plus :

     -. Texte de la Directive 2003/88/CE (FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2003:299:0009:0019:fr:PDF (EN) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2003:299:0009:0019:en:PDF

     -. Communiqué de presse de la Cour de Justice http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2015-12/cp150152fr.pdf

 

 


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L’Union européenne après les attentats de Paris: Hollande active le 42-7, so what ? 3/5

mer, 09/12/2015 - 11:22

http://www.lemonde.fr (François Hollande lors de son allocution le 17 novembre)

L’ampleur du bilan humain et symbolique des attentats du 13 novembre est conséquente. Ces attentats ont révélé au grand public le changement de nature du terrorisme : à la fois ancré sur un territoire et transnational, dissocié de toute appartenance identitaire ou religieuse (l’idéologie de l’EI relève d’une « inculture » de l’Islam), à combattre autant à l’extérieur qu’à l’intérieur de nos frontières, surtout, porté par une vision apocalyptique et nihiliste que rien ne semble pouvoir arrêter ou raisonner. Parce que Daesh n’est pas seulement « l’ennemi de la France, mais l’ennemi de l’Europe », le Président français a appelé à une réponse européenne, le 17 novembre, à l’occasion fortuite d’un Conseil des ministres de la Défense. Il a activé à cette occasion, pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, la clause d’assistance mutuelle (CAM), parfois appelée « clause de défense mutuelle ». Inscrite à l’article 42-7 du Traité de l’Union européenne (TUE), elle créer une obligation autant politique que juridique de soutien à la France dans sa lutte contre le jihadisme terroriste de l’EI suite aux attentats.

 Pourquoi la Clause d’Assistance Mutuelle ?

 « Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres »
(article 42-7 TUE)

L’article 51 de la Charte des Nations unies autorise les exceptions à l’interdiction générale de recours à la force en droit international, au nom du droit des États à la légitime défense. Il oblige en retour la France à régulièrement informer le Conseil de Sécurité des Nations unies (CSNU) des mesures envisagées avec ses partenaires européens. L’activation de l’article 42-7 TUE crée à cet égard un emboîtement d’échelle juridiquement contraignant : national (France), européen (article 42-7 TUE) et internationale (article 51 et CSNU).

Ensuite, la formulation de l’article 42-7 TUE (« par tous les moyens en leur pouvoir ») permet de respecter la neutralité de certains États membres (Finlande, Suède, Autriche, Ireland, et une opt-out pour le Danemark). Ainsi, l’ « aide et l’assistance » qu’ils doivent fournir peut être de nature logistique, matérielle, humanitaire, financière, etc. plutôt que militaire.

La référence au « caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres » permet aux États membres d’adapter le soutien apporter en fonction des contraintes de leurs législations et systèmes constitutionnels nationaux : accord du Parlement allemand ou britannique obligatoire pour pouvoir déployer l’armée à l’étranger ; restrictions procédurales à l’usage de l’arme nucléaire pour le Royaume-Uni et le France ; etc..

Il n’existe pas de procédure européenne particulière pour l’activation de la CAM (pas de réunion d’un Conseil des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne par exemple). En fait, les institutions de l’Union européenne ne possèdent aucun pouvoir décisionnel, ni de pouvoir de mise en œuvre des actions arrêtées. Ceci s’explique par le caractère intergouvernemental de la clause : la France va engager des discussions bilatérales pour définir la nature de l’aide apportée par chaque État membre. Il en résulte une absence de contributions uniformes en termes de moyens, de nature et de durée, et l’absence d’opérations de sécurité et de défense commune (PSDC). Ce caractère intergouvernemental permet à F. Hollande de garder le contrôle de la riposte en Syrie et en Irak. Le Service Européen d’Action Extérieur (SEAE) peut néanmoins faciliter les discussions et coordonner les actions décidées bilatéralement.

L’article 42-7 TUE (clause d’assistance mutuelle) ne doit pas être confondu avec l’article 222 TUE (clause de solidarité). Celui-ci prévoit une solidarité entre États membres dans le cas spécifique d’une « attaque terroriste » ou « d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine ». Certains juristes considèrent que la référence à ces deux risques sous-entend une limitation géographique à la clause de solidarité : elle limite l’aide fournie au seul territoire de l’Union européenne, pour conserver une certaine proportionnalité entre la nature de la menace et la réponse apportée.

Plus contraignante sur le plan intérieur, parce qu’elle enclenche une procédure communautaire – Commission et Haute-Représentante identifient les outils de réponse adéquats et fournissent des rapports d’évaluation de la situation – elle dessert donc les intérêts français sur le plan extérieur en n’offrant aucune base juridique pour légaliser les bombardements en Syrie.

Toutefois, qu’elle que soit la clause européenne activée (article 42-7 ou 222 TUE), celle-ci a surtout une valeur symbolique puisque les opérations militaires contre l’EI sont déjà en cours. Jean-Yves Le Drian a ainsi qualifié l’activation de la CAM d’ « acte politique ».

Croire en l’Europe plutôt qu’à l’atlantisme

A priori, la France aurait pu activer l’article 5 du Traité de l’OTAN. Mais plusieurs arguments viennent rapidement clore le débat.

Tout d’abord, ce serait exclure d’office des alliés pourtant indispensables à la coalition contre l’EI, comme la Russie ou l’Arabie Saoudite, non-membres de l’OTAN. Ils sont pourtant parmi les rares à pouvoir garantir une coalition militaire vraiment efficace, notamment avec une présence au sol. Surtout, leur participation à la coalition et aux négociations est essentielle pour imposer une stratégie de sortie de crise sur le long terme en Syrie.

Ensuite, cette clause, déclenchée une seule fois jusqu’à présent – au lendemain des attentats du 11 septembre – a laissé un goût plutôt amer aux occidentaux. Les États-Unis disposent d’un leadership naturel au sein de l’OTAN, mais ni leurs alliés ni eux-mêmes ne souhaitent plus les voir diriger une coalition armée au Moyen-Orient. Ils sont pour partie responsables de l’instabilité actuelle dans la région, en particulier en Irak, ce qui a largement participé à l’émergence et à l’enracinement de l’EI dans la région. Sont-ils capables de tirer les conséquences de leurs erreurs passées ? La question se pose.

Enfin, la priorité donnée à une réponse européenne, même intergouvernementale (article 42-7 TUE) est à comprendre à la lumière des efforts constants de la France pour la mise en place d’une politique européenne de défense et de sécurité commune et autonome. La France a toujours été plus européenne qu’atlantiste.

Pour Pauline Massart (Friends of Europe) d’autres arguments, propres à l’OTAN, doivent être pris en compte : le consensus occidental sur les réductions budgétaires n’a pas épargné l’OTAN. L’organisation n’a donc plus les moyens, ni même la volonté, de s’engager dans un nouveau conflit, d’autant plus que celui-ci s’annonce durable. Ces dernières années ont aussi été marquées par une désaffection de la part des États parties pour ce mécanisme de la Guerre Froide, qui possède, enfin, une image négative dans le monde arabe.

Clause d’assistance mutuelle : carrefour crucial pour l’Europe

Bien que l’article 42-7 TUE ne possède aucune dimension communautaire, son activation offre une excellente occasion de remplacer les discussions théoriques sur le rôle, les contours et l’intérêt d’une PSDC par des actions concrètes de soutien et d’assistance. Même si tout se joue à l’échelle bilatérale, il s’agit d’un moment de vérité crucial pour l’Europe : dans quelle mesure les États membres vont-ils soutenir la France ? Vont-ils oser opposer un argumentaire politique à l’obligation juridique d’assistance ? La France ne serait-elle pas en train de donner une chance à la construction européenne, en offrant l’occasion d’expérimenter une politique de sécurité et de défense commune à laquelle il ne manque plus que l’enveloppe communautaire et le nom ?

Article 42-7 TUE : un coup d’épée dans l’eau ?

Le 17 novembre, lors de la conférence de presse qui a suivi le Conseil européen des ministres de la Défense, Federica Mogherini déclarait : « l’Europe a dit « oui » ». Mais très vite, la question s’est posée : oui à quoi ? Oui dans quelle mesure ? Que veulent (peuvent !) vraiment les partenaires européens de la France ?

Comme le remarque Nicolas Gros-Verheyde (Bruxelles2) : « la France est le seul pays de l’Union européenne à avoir un système décisionnel, au niveau présidentiel, avec une très faible participation démocratique sur l’armée ». Ce qui offre une capacité de réaction dans des délais très courts. Le dispositif de bases militaires et de forces pré-positionnées dans plusieurs zones du monde accentue encore cette réactivité. Chez les voisins européens, au contraire, un temps de réflexion est imposé par le régime parlementaire. D’où des promesses gouvernementales après le 13 novembre parfois trop rapides.

Ensuite, peu de pays européens possèdent une armée « offensive ». Résultat : seuls le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Danemark, l’Italie, l’Espagne, la Belgique et les Pays-Bas disposent des moyens nécessaires pour une action de bombardement ciblée ou massive en Syrie.

Enfin, « l’acceptation du « risque mortel » » par les populations et les gouvernements est, finalement, assez peu partagée ailleurs en Europe. Ainsi, « le nombre de pays prêts à supporter un risque durable sur une certaine durée est assez limité : Royaume-Uni, Danemark, Espagne, Belgique ». Ce sentiment a été aggravé par les précédentes opérations européennes (Irak en 2003, Lybie en 2011), qui ont demandé un engagement long et coûteux sans offrir de résultat probant.

 Royaume-Uni – parce qu’ils disposent d’une des meilleurs armées de l’Union européenne, une coalition internationale sans les britanniques était difficilement envisageable. À raison, David Cameron a déclaré, devant la Chambre des communes, le 26 novembre : « si nous n’agissons par maintenant, quand la France, notre amie et alliée, a été frappée à ce point, alors nos amis et alliés sont fondés à se demander : « Alors quand ? » ». Les britanniques ne sont pas naïfs non plus : les attentats ont eu lieu à Paris, ils pourraient bientôt avoir lieu à Londres. Ce qui ne signifie pas pour autant que le traumatisme de l’engagement en Irak, en Afghanistan et en Lybie sur la base des mensonges de Tony Blair, puissent être facilement surmontés. Le cinglant refus des députés en août 2013 de bombarder le régime de Bachar el-Assad l’a prouvé. Lors des négociations à Minsk pour tenter de dénouer la crise ukrainienne, Londres avait même fait preuve d’un certain isolement. À défaut de convaincre Westminster de bombarder la Syrie, David Cameron devra apporter un soutien logistique ou financier à la France en vertu de la CAM. Il a déjà proposé l’accès à sa base aérienne d’Akrotiri à Chypre. Il en va aussi de l’issu du Brexit : D. Cameron a intérêt à amadouer une France peu compréhensive dans les négociations relatives à son maintien ou à sa sortie de l’Union.

Allemagne – obligée, comme tout État membre, à apporter son soutien à la France en vertu de la CAM, et profondément touchée par les attentats qui ont frappé son « conjoint français », l’Allemagne ne s’en montre pas moins particulièrement réticente à engager son armée en Syrie. Depuis la Seconde guerre mondiale, les allemands ont, de gré ou de force, renoncé à la puissance militaire, et l’opinion publique est devenue particulièrement pacifiste. Berlin a donc d’abord fait le choix, fin novembre, d’assurer un soutien logistique, de protection et de reconnaissance à l’armée française. En l’espèce, une frégate protégera le porte-avion Charles-de-Gaulle, accompagné d’avions Tornado équipés de système de reconnaissance et d’un satellite d’observation (sans armements !). Un avion-ravitailleur faisant défaut à l’armée française sera également fourni. Mais l’émotion a dû finir par l’emporter : le 4 décembre, le Parlement allemand a voté la participation de 1200 militaires en Syrie et en Irak. Enfin, et c’est un point capital, l’Allemagne devrait augmenter le nombre de militaires assurant les formations des combattants kurdes dans le nord de l’Irak, et leur fournir plus d’armes. Toutefois, l’accord du Bundestag reste incontournable dans tous les cas.

Lauriane Lizé-Galabbé

 

Pour en savoir plus

Dans le même dossier

L’Union européenne après les attentats de Paris: un nouvel élan  pour la sécurité européenne?  1/5

http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/12/07/lunion-europeenne-apres-les-attentats-de-paris-une-nouvel-elan-pour-la-securite-europeenne/ 

L’Union européenne après les attentats de Paris: guerre contre les comptes virtuels d’un faux Dieu 2/5

http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/12/08/lunion-europeenne-apres-les-attentats-de-paris-guerre-contre-les-comptes-virtuels-dun-faux-dieu-25/ 

     -. la clause d’assistance mutuelle, consulter les articles de l’Egmont Institute
(EN)
http://www.egmontinstitute.be/publication_article/eu-mutual-assistance-is-more-than-defence/?utm_source=the+Egmont+mailing+list&utm_campaign=41413f5203-Egmont-newsletter-nov-2015&utm_medium=email&utm_term=0_6fda39e199-41413f5203-169675881 (19 novembre 2015)
(EN)
http://www.egmontinstitute.be/publication_article/invoking-the-eus-mutual-assistance-clause-what-it-says-what-it-means/?utm_source=the+Egmont+mailing+list&utm_campaign=d4a3c2c2da-T.Renard_BRICS-july2015&utm_medium=email&utm_term=0_6fda39e199-d4a3c2c2da-169675881 (20 novembre 2015)

      -. les réunions en l’OTAN et l’Union européenne, consulter la synthèse de La documentation française (1er janvier 2010)
(FR)
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/otan/relations-otan-union-europeenne.shtml

      -. la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC), consulter l’article de Toute l’Europe (17 novembre 2015)
(FR)
http://www.touteleurope.eu/les-politiques-europeennes/diplomatie-et-defense/synthese/la-politique-de-securite-et-de-defense-commune-psdc.html

      -. article de Nicolas Gros-Verheyde pour Bruxelles2 intitulé « Pourquoi la France se sent seule ? Pourquoi les européens sont si lents ? » (25 novembre 2015)
(FR)
http://www.bruxelles2.eu/2015/11/25/pourquoi-la-france-se-sent-seule-pourquoi-les-europeens-sont-si-lents/

 


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L’Union européenne après les attentats de Paris: guerre contre les comptes virtuels d’un faux Dieu 2/5

mar, 08/12/2015 - 09:24

http://www.businessinsider.com

Imaginez que votre Dieu vous parle à travers son compte Facebook. Imaginez qu’il vous dissuade que la seule voie juste et acceptable, pour respecter et accomplir ses préceptes, soit de rejoindre un Etat qui s’est autoproclamé en son nom. De combattre avec une armée dont le chef suprême n’est pas visuellement connu par à peu près tous ses serviteurs. De quitter votre famille. D’apprendre l’art militaire. De punir systématiquement les infidèles. D’attaquer votre propre pays. De mourir en tuant en son nom.

A la suite des attaques du 13 novembre, la France, de façon non équivoque, a déclaré ouvertement la guerre à l’Etat Islamique. L’Union européenne a montré sa pleine solidarité et sa volonté d’apporter son soutien.

 

Mais, dans quel type de « guerre » allons-nous réellement combattre ?

L’arsenal traditionnel de la guerre a complètement changé dans le monde actuel. Les comptes virtuels d’un faux Dieu sont les nouveaux ennemis. Twitter, Facebook, Telegram and Youtube sont les nouveaux champs de bataille. Les Tweets, les vidéos, les messages instantanés, les « posts », les photos et les piratages sont les nouvelles armes. Les Hackers deviennent parfois les nouveaux protagonistes, les nouveaux gardiens de notre sécurité.

Une déclaration de guerre a été lancée ouvertement contre tous les comptes Facebook d’un Dieu qui est devenu un simple instrument et à qui on a retiré sa propre religion. Ainsi, en devenant un faux Dieu.

Une déclaration de guerre a été lancée ouvertement contre ses préceptes, extrêmes et déformés, contre son pouvoir de persuasion et contre ses principaux moyens de communication.

« Allah bénit Twitter et Telegram, force principale de la guerre sainte », a rapporté le journal italien Fatto Quotidiano, en citant les propos d’un profil djihadiste sur Twitter.

Internet est une plateforme accessible et pratique puisque les sites Web et les réseaux sociaux sont libres et attractifs.

Le soi disant « Imam Google », il faut le souligner, est le premier recruteur et le principal prédicateur. La radicalisation est devenue une radicalisation « de poche » : les smartphones et les ordinateurs sont les principales voies de transmission à travers lesquelles le radicalisme se diffuse, surtout parmi les jeunes qui constituent la catégorie la plus vulnérable. Les actions de propagande et de recrutement semblent être effectuées de façon plus importante devant des écrans que dans les mosquées. Internet est le principal outil nourrissant les rangs de l’ISIS et créant la glorification de ses succès.

Un mois de conversation via Facebook et Skype a été suffisant à Abou Bilel al-Firansi, affilié à l’Etat Islamique et ayant des liens étroits avec Abu Bakr al-Baghdadi, pour persuader Mélodie, une jeune française de 20 ans convertie à l’Islam, originaire de Toulouse. Pour la duper avec des fausses promesses, pour l’épouser et pour organiser son voyage vers la Syrie. La seule raison pour laquelle Mélodie n’a jamais vu la Syrie, c’est que derrière le nom de la jeune fille se cachait en réalité une journaliste française. Mais les journaux racontent chaque jour des histoires similaires à celle de Mélodie : des jeunes découvrent, sur le Net, le pouvoir et « l’attractivité » de l’Etat Islamique et rêvent de faire partie de l’organisation. Plusieurs entre eux atteignent cet objectif : « C’est notre jeunesse qui s’est retournée contre nous » a affirmé le commissaire Avramopoulos le 18 Novembre.

La procédure prévoit plusieurs étapes logiques et précises : montrer la gloire de l’Etat Islamique ; prendre contact avec ceux qui montrent un minimum d’intérêt par tout ce qui est partagé sur Internet ; garder des contacts étroits et directs ; donner une image d’un mode de vie alternatif qui soit correct et attractif. Après l’arrivée en terre « sainte » : cours de langue arabe et entrainements militaires.

De plus, le compte Facebook dont on parle, n’est rien d’autre qu’un seul maillon d’une chaine virtuelle de comptes similaires (et ce même compte peut être crééu facilement sur Twitter ou n’importe quel réseau social). Une chaine virtuelle qui constitue une plateforme pour les communications et aussi pour la planification et l’organisation technique et stratégique d’attentats.

L’utilisation de comptes Twitter est, habituellement, liée à d’autre plateformes de réseaux sociaux beaucoup plus sûrs : une fois que le contact a été établi, les conversations se déplacent sur des logiciels cryptés cachés des regards indiscrets des services de renseignement.

Telegram est l’une de ces plateformes puisque elle donne la possibilité d’inviter des contacts à rejoindre des « conversation cachées ». Des conversations utilisant le chiffrement bout-à-bout, ne laissant pas de trace sur les serveurs, ayant une minuterie d’autodestruction et ne permettant pas le transfert. Mais une des applications considérées les plus sûres par l’Etat Islamique est Signal qui, avant l’envoi d’un message, applique à ce dernier des formules mathématiques que seulement le dispositif de réception peut décoder et lire.

« Pour les communications, il est important que tu utilises PGP même si ça prend plus de temps, c’est plus sûr ». Le PGP (Pretty-Good-Privacy) est un logiciel crypté et celui-ci est un message reçu par Sid Ahmed Ghlam qui était en train de planifier des attaques terroristes en avril 2015, contre deux églises de Villejuif, en France.

Pour communiquer de façon sûre, même les outils de base comme les email sont utilisés. Parfois, en effet, il suffit d’appliquer des stratégies banales mais, en même temps, efficaces. Selon l’avocat chargé de défendre les victimes de la fusillade de l’Hyper cacher de janvier dernier à Paris, l’assaillant, Amady Coulibaly, aurait simplement utilisé les brouillons d’une boîte mail pour communiquer avec le « cerveau » de l’attaque, localisé en Syrie. En effet en rédigeant ces messages, ces systèmes les enregistrent automatiquement dans les Brouillons. Ainsi, en connaissant l’identifiant et le mot de passe et en pouvant accéder à la boîte mail à partir de n’importe quel appareil électronique, il est facile de communiquer sans envoyer aucun message.

Le Web n’est pas seulement un lieu de propagande et de communication. Internet est aussi le lieu où il est possible de faire des transactions d’argent avec de la monnaie virtuelle, les BitCoins, qui permettent la possession et le transfert d’argent. Cela de façon anonyme et sans le contrôle d’un tiers : un moyen facile pour obtenir des financements « anonymes » ou pour en envoyer aux militants aussi à l’étranger. Le web est aussi le lieu où il est possible d’acheter n’importe quel genre de bien illégal, dont des armes, grâce au marché du deep web.

La NCBNews a récemment rapporté les propos du directeur du FBI, James Comey, concernant le fait que Daesh est constamment en train d’améliorer ses capacités « d’agir dans le noir » (« Go Dark »). Plusieurs informations ont annoncé le retour du Cyber Caliphate, un groupe d’hackers affilié à l’Etat islamique, qui auraient diffusé des informations sur le personnel militaire américain et installé un bureau d’assistance « 24-hours Jihadi Help Desk » qui a pour but de livrer et diffuser des instructions sur comment crypter et sécuriser les communications.

La dimension digitale du conflit, profondément intangible mais aussi essentiel ou efficace, a, ainsi, poussé les institutions européennes et autres acteurs à accélérer le développement des nouvelles actions, des nouvelles mesures ou nouvelles stratégies.

Dans la résolution du 25 novembre 2015 sur la prévention de la radicalisation et du recrutement des citoyens européens par les organisations terroristes, le Parlement européen a proposé de nombreuses mesures pour la prévention de la radicalisation sur le Web.

Le Parlement, en rappelant les responsabilités légales des compagnies et des fournisseurs d’Internet et des réseaux sociaux à coopérer avec les autorités des Etats membres pour éliminer les contenus illégaux. Il invite, aussi, les Etats membres à prendre des mesures légales, dont la poursuite pénale, à l’encontre de ceux qui refusent d’agir en ligne avec les requêtes administratives ou judiciaires.

« Le refus ou l’échec des plateformes internet de coopérer devrait être considéré comme un acte de complicité ».

Une collaboration systématique et plus approfondie entre les entités publiques et les entités privées est nécessaire : il est fondamental que la liberté d’expression ne soit pas étouffé et parfois la définition d’un contenu, comme étant illégal, n’est pas facile et immédiate. Le 3 décembre, les commissaires Avramopoulos (Migration, Affaires Intérieures et Citoyenneté) et Jourová (Justice, Consommateurs et Egalité des genres) ont lancé un Forum européen sur l’Internet qui a réuni les ministres de l’Intérieur européens, les géant, d’Internet (Ask.fm, Facebook, Google, Microsoft and Twitter), Europol, le Coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme et le Parlement européen. L’industrie d’Internet peut jouer un rôle important, faisant, ainsi, que la mise en place d’un partenariat entre public et privé soit un élément fondamental pour une meilleure détection et une meilleure action sur les contenus néfastes sur Internet.

Le même jour, le Premier ministre français, avec le Ministre des Affaires Digitales, le Ministre de l’Intérieur et le Ministre de la Justice, a rencontré les représentants de Facebook, Twitter, Google, Apple et Microsoft.

Plusieurs « Mélodie » pourraient être dissuadées de rejoindre Daesh, aussi à travers des actions concrètes de « contre-discours », impliquant la diffusion d’un discours efficace contre la propagande terroriste. Ceci est quelque chose que le Parlement européen exhorte dans sa résolution, avec la pleine mobilisation de tous les utilisateurs d’Internet, en leur permettant de signaler les contenus illégaux et de les dénoncer auprès des autorités compétentes, et la mise en place d’unités spéciales dans les Etats membres, liées à la détection ou l ‘élimination de ce contenu.

Les eurodéputés ont exprimé leurs préoccupations concernant la montée de la technologie cryptée et son l’utilisation de la part des groupes terroristes, et ont accueilli favorablement la création de « EU Internet Referral Unit » (IRU) au sein de Europol.

Lancé en Juillet sur la base du mandat donné à Europol par le Conseil européen en Mars, le but de l’IRU est de réduire le niveau et l’impact de la propagande extrémiste sur le Web. Ceci, en identifiant et traitant les illégaux sur Internet et en aidant les Etats membres dans l’analyse stratégique et opérationnelle.

Un autre aspect important de la stratégie, approuvée au niveau européen, envisage la répression des devises virtuelles et les payements faits anonymement online. Dans les conclusions du Conseil JAI du 20 novembre dernier, les ministres de l’Intérieurs et de la Justice ont invité la Commission à présenter des nouvelles propositions pour renforcer les contrôles des paiements non-bancaires comme les paiements anonymes et électroniques et les monnaies virtuelles telles que les BitCoins.

Toutes les mesures contenues dans la résolution du Parlement et l’appel fait par le Conseil n’ont, par contre, pas de valeur légale. Pas encore. Maintenant tout est dans les mains de la Commission pour faire de nouvelles propositions et pour créer des nouveaux instruments légaux. Sur le plan opérationnel, chaque élément est dans les mains des Etats membres, des autorités nationales et de certaines agences européennes. Toutefois, à côté de ceux-ci, quelqu’un d’autre a endossé un rôle actif dans cette guerre. Une guerre réelle est en train de se faire aussi dans les coins obscurs du Net.

Ça fait plus d’un an que la communauté des hackers a entrepris des attaques online contre Daesh sur les réseaux sociaux, les sites web et le deep web. Le scénario de guerre devient toujours plus compliqué : des acteurs non-étatiques et illégitimes se sont placés activement du côté des entités nationales dans une campagne de guerre sur Internet.

Anonymous a mis en place, après les attaques de Paris, la soi-disante campagne #OpParis : une action renforcée et focalisée qui est complémentaire des activités déjà entreprises contre Daesh. « Plus de 20.000 profils Twitter appartenant à l’ISIS ont été arrêtés par Anonymous… Daesh, on vous traquera, on abattra vos sites, vos comtes, vos emails et on vous démasquera. A partir de maintenant, aucun lieu sur le net ne sera sûr pour vous. Vous serez traités comme un virus et nous sommes le remède… Daesh, il est trop tard pour nous attendre », a rapporté le groupe dans une vidéo publié le 18 novembre.

Hormis la prise de contrôle des réseaux sociaux et la diffusion des instructions sur comment signaler les profils appartenant à Daesh, Anonymous utilise aussi des attaques DDoS (Distributed Denial Services) pour dissoudre les sites de l’Etat islamique, y compris ceux qui sont utilisés pour diffuser la propagande et les sites de financement, habituellement mis en place dans les recoins obscurs du Net.

Chacun peut être Anonymous. Il suffit seulement d’avoir un ordinateur et une connexion internet. C’est tout. Anonymous n’a pas de leader. C’est comme un troupeau d’oiseaux voyageant dans la même direction. « Au même moment, plusieurs oiseaux peuvent rejoindre, partir, se retirer vers une autre direction ». La structure ouverte et libre d’Anonymous est un des points forts de l’organisation. En même temps c’est aussi la base des reproches qui sont adressées à l’action du groupe contre Daesh. Le manque de leadership, de coordination et l’approche décousue de Anonymous rendent ses actions confuses. Parfois, des cibles innocentes sont frappées.

Michael Smith, conseiller du contre-terrorisme des membres du Congrès américain et co-fondateur de Kronos Advisory, a insisté sur le fait que le manque de coordination au sein de Anonymous « peut actuellement être vu comme une forme d’interférence (avec le travail des autorités compétentes ), ce qui peut être bénéfique pour l’ennemi ».

Une sorte de coalition du web est née contre un ennemi commun : Anonymous, en effet, n’est pas le seul acteur. Plus récemment, un nouveau groupe a émergé et qui se distance de Anonymous. Il est spécialisé dans les actions de contre-terrorisme. Il s’appelle « Ghost Security Group ». Le nombre de ses opérateurs s’élève à 14.

Le groupe travaille en étroite collaboration avec d’autres réseaux de collecte de données : Controlling Section, qui a pour but principal d’exposer les membres de Daesh et d’Al Qaida sur Twitter ; Katiba de Narvalos, un groupe d’Intelligence français crée en réponse aux attaques de Paris contre Charlie Hebdo, accédant à des réseaux d’informations et fournissant des analyses concernant les tendances de la lutte contre le terrorisme en cours ; Peshmerga Cyber Terrorism Unit, un groupe de soldats d’élite affiliés et servant les militaires du Peshmerga en Iraq, relayant en temps réel les informations concernant les zones actuelles de conflit et en fournissant des données importantes concernant les communications de l’ennemi et les mouvements des troupes.

GhostSec identifie et piste les plateformes de communication online utilisées par les groupes terroristes et perturbe les principaux moyens de communications. Il infiltre les forums djihadistes et détecte la localisation et l’adresse IP des cyber-djihadistes, en élargissant ainsi la gamme d’actions qui englobent alors aussi l’espionnage et la collecte de renseignements, soit dans l’espace Web soit dans le deep web.

A différence de l’approche opérationnelle d’Anonymous, GhostSec a établi des liens avec les autorités du gouvernement américain afin de leur fournir des informations qui pourraient être partagées avec d’autres gouvernements. Michael Smith est un de leurs intermédiaires.

Selon lui, l’information passée au Bureau Fédéral américain d’Investigation a eu un rôle crucial en permettant d’ébranler une cellule djihadiste en Tunisie dont les membres étaient en train de planifier un nouveau « massacre de Sousse Beach ».

Le groupe réclame sa contribution dans l’arrestation de plusieurs extrémistes et dans la prévention d’attaques à New York ou en Arabie Saoudite. « A ce jour, on a été capable d’arrêter plus de 110.000 comptes extrémistes sur les réseaux sociaux, 149 sites liés à Daesh et plus de 6000 vidéos extrémistes, cependant on ne doit pas éliminer les ressources web de l’ennemi qui ont une valeur importante pour le renseignement » a affirmé DigitaShadow, un de ceux qui ont veillé à la création de Ghost Security Group, dans une interview à International Business Times.

Dans une vidéo publié sur son site web, the Ghost Security Group a annoncé la naissance d’une nouvelle génération de contre-terrorisme : « Nous combattons dans une guerre invisible où vous ne pouvez pas voir des fils à l’intérieur … Pour chaque vie que l’extrémisme revendique, notre détermination et fermeté seront plus fortes. Nous sommes les fantômes qu’ils ont crées ».

Cette guerre digitale qui englobe différents acteurs, ne sera pas la solution finale contre l’Etat islamique. Elle ne libérera pas le peuple syrien. Elle ne vaincra pas l’ennemi. Pas toute seule.

Néanmoins, le conflit qui est en train de se dessiner, se déroule sur plusieurs terrains et l’espace cyber en est officiellement un. Son importance a redéfini les actions étatiques, elle a alimenté et relancé les débats sur la liberté de la parole et sur l’utilisation des technologies cryptées. Actuellement, il semble que cela a aussi un impact sur comment la communauté des hackers est perçue.

Imaginez que votre profil Facebook soit violé. Imaginez qu’un « geek », vêtu d’une capuche, puisse avoir accès à vos données personnelles, à vos activités, à vos communications et puisse surveiller chaque chose vous concernant. Imaginez qu’un jour, il décide d’éliminer votre profil et le fasse. Imaginez, maintenant, que la même chose puisse arriver au Facebook, Twitter ou n’importe quel compte virtuel d’un djihadiste qui fait de la propagande et recrute des gens. Facilement, la nature illégale des actions entreprises par le « geek » deviendrait un élément secondaire.

 

Paola Tavola

 

Retrouvez cet article en version anglaise sur le lien suivant:

The EU after November 13th : war to the virtual accounts of a false God

Dans le même dossier :

L’Union Européenne après les attentats de Paris : un nouvel élan pour la sécurité européenne ? 1/5

http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/12/07/lunion-europeenne-apres-les-attentats-de-paris-une-nouvel-elan-pour-la-securite-europeenne/ 

L’Union européenne après les attentats de Paris:  Hollande active le 42-7, so what ? 3/5

http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/12/09/lue-apres-le-13-novembre-hollande-active-le-42-7-so-what/

 

     -.Pour en savoir plus :

     -. International Business Times, How Anonymous’ #OpParis campaign may actually be helping Isis

http://www.ibtimes.co.uk/how-anonymous-opparis-campaign-may-actually-be-helping-isis-1530023

     -. Il Fatto Quotidiano : Terrorismo, la cyber guerra dell’Isis : account fantasma per communicate su Twitter

http://www.ilfattoquotidiano.it/2015/11/25/terrorismo-la-cyber-guerra-dellisis-account-fantasma-per-comunicare-su-twitter/2249269/

     -. Remarks of Commissioner Dimitris Avramopoulos at the Press Conference on the Preparation of the 20 November Justice and home Affairs Council and the Firearms Package

http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-6125_en.htm?locale=FR

     -. Envoyé spécial. Comment les jihadistes communiquent-ils entre eux ?

http://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/envoye-special/video-envoye-special-comment-les-djihadistes-communiquent-ils-entre-eux_1204377.html

       -. NBCnews, ISIS Has Help Desk for Terrorist Staffed Around the Clock

http://www.nbcnews.com/storyline/paris-terror-attacks/isis-has-help-desk-terrorists-staffed-around-clock-n464391

     -. Résolution du Parlement européen du 25 novembre 2015 sur la prévention de la radicalisation et du recrutement des citoyens de l’Union par des organisations terroristes

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0410+0+DOC+XML+V0//FR

     -. Europol’s Internet Referral Unit to combat terrorist and violent extremist propaganda

https://www.europol.europa.eu/content/europol’s-internet-referral-unit-combat-terrorist-and-violent-extremist-propaganda

     -. Conseil “Justice et Affaires intérieures”, 20/11/2015

http://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/jha/2015/11/20/

     -. Anonymous – Operation Paris Continues #OpParis

https://www.youtube.com/watch?v=ZfyVVLGWivo

     -. Anonymous vs the Islamic State

http://foreignpolicy.com/2015/11/13/anonymous-hackers-islamic-state-isis-chan-online-war/

     -. Ghost Security Group

http://ghostsecuritygroup.com

     -. Le groupe « hacktiviste » Ghost Security “devient“Ghost Security GroupTM” Des changements pour intégrer le cercle du contre-terrorisme professionnel

https://ia601506.us.archive.org/6/items/GhostSecurityGroupPressReleaseFrench/Ghost%20Security%20Group%20Press%20Release%20%5BFrench%5D.pdf

 


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L’Union européenne après les attentats de Paris: un nouvel élan pour la sécurité européenne? 1/5

lun, 07/12/2015 - 11:46

 

Suite aux attentats de Paris du 13 novembre qui ont bouleversé la France et l’Europe, la menace terroriste qui pèse sur tout le territoire européen a atteint un niveau sans précédents. Cette menace a investi tous les pays européens et en particulier la France et la Belgique. Elle a démontré que le réseau terroriste ne connaît pas les frontières et que le phénomène est d’ampleur transnationale : les terroristes sont des ressortissants des pays membres de l’UE et agissent librement sur le sol européen. C’est pour cela que l’action de l’Union européenne a tout de suite semblé indispensable: les acteurs politiques, européens et nationaux, ont appelé à la création d’une réponse commune dans la lutte contre le terrorisme. Comment, alors, les institutions européennes ont-elle réagi après les attentats et quelles réponses ont-elles adopté face à la menace terroriste ? L’Union européenne arrivera-t-elle à dépasser les limites auxquelles elle doit faire face en matière de sécurité ?

 Dès le lendemain des attentats, la réaction des chefs d’Etats et des institutions de l’Union européenne a été immédiate, à commencer par le Président français, François Hollande.Ce dernier a tout de suite montré sa volonté de créer une réponse immédiate et européenne face à la menace terroriste. Les djihadistes, selon Hollande ne sont « pas seulement l’ennemi de la France mais l’ennemi de l’Europe ». C’est dans cette optique que, lors de son discours face au Parlement réuni en Congrès, le 16 novembre à Versailles, le Président Hollande a invoqué la clause de défense mutuelle de l’Union européenne qui prévoit que « au cas où un Etats membres serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres Etats membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir (…) ». Une première dans l’histoire de la construction européenne : pour la première fois un chef d’Etat exige une réponse européenne en matière de sécurité et défense et invoque le point 7 de l’article 42 du traité de l’Union. Suite à ce discours, lors de la réunion à Bruxelles du Conseil des Affaires Etrangères du 17 novembre, les 28 pays de l’Union ont donné leur accord de principe à la demande française. Selon la Haute Représentante de l’UE, Federica Mogherini : « L’Europe a dit ‘oui’ ». Mais si cela semble être un bon début pour une réponse sécuritaire européenne en réalité, cet accord de principe que les 28 ont donné se traduira seulement par des accords bilatéraux entre la France et chaque Etat membre. En effet le Président français n’a pas invoqué la clause de solidarité du traité de l’Union, c’est-à-dire l’article 222 qui prévoit que « l’Union et ses Etats membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un Etat membre est l’objet d’une attaque terroriste ou la victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine. L’Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à disposition par les Etats membres », mais bien la clause d’assistance mutuelle : l’article 42.7 spécifie en effet que cette clause ne va pas à l’encontre du « caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres ».François Hollande a donc choisi la voie sécuritaire européenne la plus soft et la plus « nationale ». Mais les institutions européennes, c’est-à-dire Commission, Parlement européen et Conseil, ont quand même réagit massivement après les attentats. En premier lieu, le 18 novembre, la Commission a réagit en adoptant un paquet de mesures concernant le contrôle des armes à feu sur le sol de l’Union européenne renforçant la directive déjà existante. Ce paquet de mesures vise à rendre plus difficile l’acquisition d’armes à feu, à améliorer la traçabilité des armes détenues légalement et à garantir que les armes à feu neutralisées soient inopérantes  tout en améliorant la coopération et l’échange d’informations entre les Etats membres.Ces propositions avaient été déjà présentées dans le programme européen en matière de sécurité, adopté en avril dernier, mais les derniers événements ont poussé la Commission à accélérer son travail sur les armes à feu afin de « répondre à la menace des armes illégales tombant entre les mains de dangereux terroristes » selon les termes utilisés par Jean-Claude Juncker. Face à une menace transfrontalière, le collège des Commissaires a compris la nécessité d’adopter des règles et des critères communs pour améliorer la sécurité européenne. Le même jour, la Commission a annoncé la création d’un Plan d’action de lutte contre le trafic illicite d’armes et d’explosifs pour contrer le marché noir et le crime organisé. Ce plan a été adopté par la Commission le 2 décembre et prévoit de restreindre l’accès aux armes et aux explosifs illégaux et d’améliorer les règles communes en la matière. Pour ce faire, il est indispensable que les Etats membres échangent des informations de façon efficace, même avec l’aide de pays du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord ou des Balkans occidentaux, et coopèrent du point de vue opérationnel avec un renforcement sécuritaire dans l’espace cyber et aux frontières extérieures de l’UE.    Ce travail en accéléré de la Commission européenne montre la volonté européenne d’avoir une réponse rapide aux problèmes sécuritaires et de manque de coordination entre les Etats membres. Cette lacune sécuritaire dans l’Union européenne a été lourdement critiquée par des acteurs européens comme par exemple Guy Verhofstadt, le chef de file du Groupe parlementaire européen ALDE. Selon ce dernier, les attentats du 13 novembre sont  le  véritable échec de l’Union européenne et des services de renseignement. Vu la portée transfrontalière de la menace terroriste, il est évident, pour lui, que le système d’Intelligence européen ne peut pas avoir de frontières. « Soit on fait un échange obligatoire des renseignements, entre les systèmes européens, soit on crée une structure européenne » a affirmé le député européen. Cette idée de « structure européenne » souligne la volonté de certains député européens de voir un jour la création d’un centre de renseignement ou opérationnel européen et donc d’une CIA européenne ou un FBI européen mais aussi la volonté de l’appliquer ou de renforcer les outils déjà existants en matière de sécurité. Cette idée est ressortie aussi lors de la réunion LIBE du 19 novembre : le député espagnol S&D, Aguillar a souligné l ‘éventualité de créer « une sorte de FBI européen » afin d’intercepter les personnes dangereuses au niveau européen. Selon lui, il est important que l’Union européenne se développe et fasse face à la menace terroriste mais cela seulement par le biais de l’Intelligence. Si certains soutiennent cette idée,difficile à exécuter, d’autres députés ont préféré parler de renforcement des outils européens déjà existants en matière de sécurité comme par exemple Europol et une meilleure coordination de l’échange d’informations et du travail entre les services de renseignement. Cela est le discours majoritaire au sein de la Commission LIBE : les députés de tout horizon politique ont affirmé le besoin de coopération transfrontalière et accusent  l’immobilisme des Etats membres qui est pour la députée Laurentin le « talon d’Achille » de l’Union européenne. Les députés, toujours, presque à l’unanimité, ont demandé donc plus d’action européenne notamment dans le contrôle des frontières extérieures, dans le programme de déradicalisation et de prévention dans les Etats membres et l’aboutissement de l’accord sur le PNR, c’est-à-dire la proposition sur les données des dossiers des passagers aériens tout en ne tombant pas dans l’amalgames qui porteraient à confondre migrant et terroriste et en assurant les libertés des citoyens européens. Ces mêmes points ont tous été réaffirmés lors de la deuxième réunion LIBE du 1er décembre. La députée du S&D, Ana Gomes, a rappelé qu’il faut renforcer l’action européenne et qu’à la base de tout cela, il faut affirmer une réelle « volonté politique » au niveau européen et au niveau national. Toujours du même groupe politique la députée Sippel a rappelé que le renforcement de la sécurité européenne doit passer par travers les outils européens qui existent mais qui sont mal ou peu utilisés.D’autres députés comme la députée française du S&D Sylvie Guillaume ou la députée hollandaise de ALDE Sophie in’t Veld ont demandé aux institutions européennes d’arriver de façon rapide à la conclusion des accords sur le PNR, tandis que d’autres comme le député Michael Boni du PPE a mis l’accent sur le besoin de politiques européennes efficaces en terme de prévention et déradicalisation. Ces thématiques sont ressorties lors du débat en plénière du 25 novembre. Les parlementaires, dans leur majorité, ont voulu montrer leur volonté à ce qu’il y ait plus de coopération entre les Etats membres et entre les services de renseignement nationaux et la conclusion des accords sur le PNR, comme a soutenu le chef de file du groupe PPE, Manfred Weber qui a appelé ses collègues européens à réagir : « Ne parlons pas mais agissons ». Le chef de file du S&D, Pitella a exhorté à créer « plus d’Europe » afin de créer plus de cohésion entre les pays européen et les services de renseignement face à la menace terroriste. Selon lui, « l’Europe doit faire l’Europe ». Tout cela doit se faire, par contre, toujours dans le cadre du respect des libertés fondamentales, comme la souligné Guy Verhofstadt à propos du PNR et sans tomber dans un discours populiste et anti-migrants, comme l’ont souligné plusieurs députés dont la chef de file GUE, Gabi Zimmer. Les députés européens rappellent alors la nécessité d’une collaboration judiciaire et policière entre les services nationaux par le biais notamment de la coordination de Europol, l’utilisation d’outils européens tels que le système d’information Schengen ou le contrôle systématique aux frontières. Le même jour, l’hémicycle européen a adopté avec 548 voix pour, 110 vois contre et 36 abstentions, la résolution rédigée par Rachida Dati (cf.autre article) concernant la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens européens par des organisations terroristes. Cette résolution met en avant le besoin à ce que les Etats membres agissent dans la lutte contre l’extrémisme dans le milieu carcéral, sur Internet et par le biais de l’éducation et l’inclusion sociale.  A cela, les députés ont ajouté vouloir établir une « liste noire européenne des djihadistes et des terroristes présumés » et une définition commune du terme « combattant étrangers » afin de pouvoir les poursuivre pénalement à leur retour en Union européenne. A la fin de cette journée de débat en plénière, le Président de la République italienne, Sergio Mattarella, lors d’une allocution face aux eurodéputés, a appelé à l’unité des Européens afin de combattre la menace terroriste et la violence. Selon lui, en effet, « aucun pays n’est en mesure d’affronter, seul, le terrorisme » et l’Europe en est la seule réponse vu que « l’architecture des institutions européennes est basée sur les valeurs de démocratie, tolérance et consensus ». Si les parlementaires poussent vers une action commune européenne, cela est impossible sans le rôle du Conseil. A ce sujet justement, les ministres de la Justice et de l’intérieur se sont réunis à Bruxelles, le 20 novembre,  lors d’une session extraordinaire du Conseil JAI, convoqué tout de suite après les attentats de Paris. Etienne Schneider, ministre de l’Intérieur luxembourgeois, a affirmé à ce propos que « l’Union européenne se devait de donner une réponse forte et commune, sur des priorités jugées comme essentielles pour contrer la menace terroriste qui tente de s’installer de façon durable dans l’Union européenne ». Cette réunion a permis, selon lui, l’ adoption de mesures concrètes qui permettront de «renforcer considérablement nos outils de lutte contre le terrorisme». En effet, les ministres ont convenu sur 8 points principaux: le PNR, les armes à feu, le contrôle des frontières extérieures, le partage d’informations, le financement du terrorisme, la réponse judiciaire au terrorisme et la lutte contre la radicalisation. Le PNR : Le Conseil a affirmé la nécessité de finaliser l’accord sur le PNR européen avant la fin de l’année 2015, afin que la directive soit opérationnelle et efficace incluant notamment les vols intracommunautaires, une durée de rétention des données raisonnable et qui  ne se limite pas à des crimes transnationaux. Cet outil est « indispensable » notamment dans le but de suivre les combattants étrangers, a affirmé le ministre de l’Intérieur français Cazeneuve. Les armes à feu : Concernant ce sujet, le Conseil s’est engagé « à démarrer immédiatement les travaux du Conseil au niveau de la proposition de refonte de la directive « armes à feu » qui vient d’être présentée par la Commission » a communiqué Etienne Schneider. En plus d’approuver alors l’adoption du 18 novembre de la Commission en matière d’armes à feu, les ministres se sont engagés à créer un renforcement de la collaboration entre les Etats et Europol. Le contrôle des frontières extérieures : Le conseil a conclu que pour faire face à la menace terroriste, il était nécessaire que les contrôles aux frontières extérieures « n’est pas une option, c’est une obligation » par le biais d’outils tels que le système VIS et le système SIS ou les agences Frontex et Europol. Pour ce faire les ministres invite la Commission à présenter une proposition de révision ciblée du Code Schengen et de sa proposition concernant « les Frontières Intelligentes ». Le partage d’informations : Concernant le partage d’informations sur les terroristes suspectés entre les pays membres, « les lacunes sont patentées » a affirmé Etienne Schneider. Ce qui est grave puisque « l’Union dispose d’outils efficaces pour échanger des informations concernant ces individus, par exemple via le système SIS II ».Les ministres ont convenu qu’il est nécessaire que les Etats utilisent pleinement ces outils comme le système Prüm qui permet l’échange de données telles que les empreintes digitales ou l’ADN et qu’ils collaborent de façon systématique avec Europol et le Centre européen de la lutte contre le terrorisme, une plateforme d’information qui sera lancée en janvier 2016. Le financement du terrorisme : Malgré l’existence de la directive concernant la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchissement d’argent, les ministres ont convenu qu’il fallait renforcer le volet relatif à la collaboration entre les Cellules de renseignement financier. La réponse judiciaire au terrorisme : Le Conseil pendant la réunion a approuvé la signature de l’Union européenne à la Convention du Conseil de l’Europe concernant la Prévention au terrorisme et le Protocole additionnel relatif au Combattants étrangers, faite à Riga le 22 octobre dernier. Ils ont également souligné qu’il est l’important à ce que les Etats membres échangent les casiers judiciaires des présumés terroristes et utilisent dans ce sens le système ECRIS (European Criminal records Informations System). La lutte contre la radicalisation : Pour ce qui concerne le volet « prévention » les ministres réunis se sont penchés sur la question de la radicalisation et ont convenu qu’il est nécessaire à ce que la Commission européenne propose le placement de financements afin de renforcer les outils judiciaires nécessaires à prévenir la radicalisation ou encore à instaurer des programmes de réintégration et réhabilitation. Cela est selon la ministre de la Justice française, Christiane Taubira, « un travail de longue haleine à entamer dès aujourd’hui ». Toutes les institutions ont répondu présent après les attentats européen. Mais il ne faut pas oublier une figure centrale dans la lutte européenne contre le terrorisme : Gilles de Kerchove, le coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme.Son intervention lors de la réunion en commission LIBE, le premier décembre, a souligné la nécessité d’agir de façon européenne mais a aussi montré les faiblesses de l’UE dans le domaine de la sécurité, qui selon le traité de Lisbonne est exclu des compétences européennes. Malgré cela, les récents événements de Paris ont fait surgir 3 défis importants pour l’UE :

  1. La sécurité des citoyens européens
  2. Le maintien de Schengen
  3. La problématique de l’amalgame entre immigration et terrorisme

C’est dans cette optique qu’il incite les institutions européennes à avoir des réponses appropriées concernant la prévention, la répression et l’action extérieure de l’UE. Mais si les défis sont multiples pour l’Union européenne, ses institutions devront faire face à ses limites sécuritaires mais surtout aux obstacles qui sont les pays membres qui ont de réelles difficultés à créer « plus d’Europe » en matière de sécurité, symbole de la souveraineté. Cela est évident si on regarde les résultats du référendum danois du jeudi 3 décembre : 53,1 % de danois ont dit « non » à une coopération européenne renforcée en matière de sécurité. Le Danemark refuse de céder sa souveraineté à l’Union et s’exclut même de l’agence Europol. Alors que les partis traditionnels, tous, s’étaient prononcés pour le OUI8 La recherche d’une sécurité européenne, apparemment tant souhaitée, tant voulue par les acteurs politiques, semble alors être un élément de pure rhétorique. Fernando Pessoa avait raison : « Nous voulons une Europe qui parle d’une seule et même voix, mais dans toutes ses langues, de toutes ses âmes. »

 

Emilie Gronelli

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the European Union after November 13th

Dans le même dossier : 

L’Union européenne après les attentats de Paris: guerre contre les comptes virtuels d’un faux Dieu 2/5

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L’Union européenne après les attentats de Paris:  Hollande active le 42-7, so what ? 3/5

http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/12/09/lue-apres-le-13-novembre-hollande-active-le-42-7-so-what/

 

Pour en savoir plus :      -. Egmont : after Paris, five questions on counter-terrorism in Europe by Thomas Renard http://www.egmontinstitute.be/publication_article/after-paris-five-questions-on-counter-terrorism-in-europe/?utm_source=the+Egmont+mailing+list&utm_campaign=e163fb2e59-T.Renard_BRICS-july2015&utm_medium=email&utm_term=0_6fda39e199-e163fb2e59-169675881      -. Travail de la commission LIBE http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fTEXT%2bIM-PRESS%2b20151118IPR03209%2b0%2bDOC%2bXML%2bV0%2f%2fFR&language=FR        -. Travail du Conseil JAI du 20 novembre  http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/11/20-jha-conclusions-counter-terrorism/        -. Débat en séance plénière du Parlement du 25 novembre  http://www.europarl.europa.eu/plenary/fr/debate-details.html?date=20151125&detailBy=date        -. Débat en commission LIBE du 19 novembre  http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/committees/video?event=20151116-1500-COMMITTEE-LIBE        -. Débat en commission LIBE avec Gilles de Kerchove du 1er décembre http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/committees/video?event=20151201-0900-COMMITTEE-LIBE        -. Etude du CEPS:  » The EU ans its Counter-terroris Policies after the Paris attacks » https://www.ceps.eu/publications/eu-and-its-counter-terrorism-policies-after-paris-attacks   Travail de la Commission sur les armes à feu  http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-15-6219_fr.htm   http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6110_fr.htm        -. Articles Eu Logos sur le PNR http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/09/08/pnr-un-premier-feu-vert-donne-par-le-parlement-europeen-un-compromis-entre-securite-et-droit-a-la-vie-privee-des-nouvelles-pressions-pour-ladoption-du-dossier-apres-lattaque-du/   http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/09/30/eu-pnr-system-condemned-by-the-european-data-protection-supervisor-lack-of-necessity-and-proportionality-the-system-might-lead-to-a-move-towards-a-surveillance-society/        -. Article Eu Logos sur la radicalisation et le rapport Dati http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/10/22/lutte-contre-la-menace-terroriste-lunion-europeenne-cherche-une-reponse-politique-et-juridique-commune-face-a-la-radicalisation/            


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Frontex, l’agence européenne pour la gestion des frontières, dans le collimateur de l’Ombudsman et du Parlement européen. L’heure de vérité approche vraiment.

dim, 06/12/2015 - 18:01

C’est au terme d’un processus long, prés de trois ans, avec à l’origine la médiatrice Emily O’ Reilly, que le Parlement européen demande à Frontex d’établir un système pour traiter les plaintes concernant des violations alléguées des droits fondamentaux des migrants et demandeurs d’asile, affirment les députés dans une résolution adoptée ce mercredi. Pendant le débat en plénière avant le vote, le commissaire Dimitris Avramopoulos a promis que la Commission européenne tiendrait compte de cette idée dans sa révision de la réglementation Frontex en décembre.

Le vote intervient dans un contexte qui n’a plus rien à voir avec ce lui qui prévalait à l’origine. L’agence Frontex vient de dénombrer plus de 1,2 million de passages illégaux des frontières extérieures de l’Union européenne entre janvier et novembre 2015, soit quatre fois plus que sur l’ensemble de l’année 2014 ce qui ce donne à la recommandation une tonalité un peu surréaliste. Pour l’avenir immédiat rien ne laisse présager une diminution sensible de ces passages illégaux. C’est une nouvelle épreuve pour l’intégration de l’Union européenne, une épreuve pour laquelle l’Union n’était pas préparée. Elle démontre aussi que face à une crise de cette ampleur la taille critique pour y répondre ne peut être qu’à l’échelle de l’Europe et même au-delà tant dans sa dimension humanitaire que sécuritaire.

La résolution, adoptée par 488 voix pour, 114 voix contre avec 33 abstentions, soutient la recommandation du Médiateur européen: Frontex devrait établir un mécanisme de plaintes sur les violations des droits fondamentaux dans le cadre de ses opérations.

Le mécanisme devrait devenir « une instance de premier degré pour le traitement des plaintes », affirment les députés. Selon eux, toute personne qui estime que ses droits ont été bafoués par des garde-frontières portant l’insigne de Frontex devrait avoir le droit d’introduire une plainte. Afin d’empêcher les abus du mécanisme de plaintes, les plaintes anonymes ne devraient pas être acceptées. Cependant, les parties tierces devraient aussi pouvoir soumettre une plainte au nom de plaignants qui pourraient préférer ne pas révéler leur identité. Pour éviter des représailles inévitables compte tenu con contexte général plutôt criminogène

Les plaintes contre les agents seront envoyées par les États membres de l’UE.Étant donné que Frontex n’a pas de compétence pour engager des mesures disciplinaires contre des personnes autres que les membres de son propre personnel et n’est pas habilitée à sanctionner des États membres ou leurs agents, les députés recommandent que le bureau de l’officier aux droits fondamentaux de Frontex(créé récemment) transmette les plaintes visant un agent d’un État membre à l’autorité compétente nationale. Ils appellent Frontex et les États membres à coopérer étroitement pour assurer le suivi correct des plaintes visant des agents.

Bien entendu un tel mécanisme demande des ressources supplémentaires et une protection spéciale des groupes vulnérables. Les députés demandent des fonds supplémentaires pour assurer que l’officier de Frontex aux droits fondamentaux soit équipé correctement et dispose du personnel adéquat pour gérer les plaintes. Ils soulignent, par ailleurs, la nécessité de protéger en particulier les mineurs non accompagnés, les femmes victimes de persécutions basées sur le genre, les personnes LGBTI et d’autres groupes vulnérables.

La recommandation du Médiateur européen en faveur de l’établissement d’un mécanisme de gestion des plaintes sur les violations des droits fondamentaux a été présentée dans un rapport spécial suite à l’enquête menée à l’initiative du Médiateur en 2012 sur les obligations de Frontex en matière de droits fondmentaux.( cf. « Pour en savoir plus »)

La plupart des participants aux opérations de Frontex sont des agents dits « agents invités » envoyés par des États membres autres que celui qui accueille l’opération Frontex. Les agents invités ne peuvent accomplir des tâches et exercer des compétences que sur l’instruction et, en règle générale, en présence de garde-frontières de l’État membre hôte.

Rappelons que Frontex n’a pas de compétence pour engager des procédures disciplinaires autres que les membres de son propre personnel. Les Etats traitent les plaintes de manières très différentes. Un mécanisme d’appel doit être prévu pour les plaintes jugées irrécevables ou rejetées. Nécessité d’une coopération de Frontex avec les organismes nationaux de défense des droits de l’homme. Tous les membres du personnel, de Frontex doivent suivre une formation sur les questions de genre. Frontex doit assurer un suivi attentif des plaintes de près en demandant un retour d’information. Il demande au directeur exécutif de Frontex d’exclure tout agent coupable d’infraction aux droits fondamentaux. Ne pas hésiter à étudier la possibilité de retirer tout soutien financier à un Etat membre en cas de violation des droits fondamentaux. Le Parlement estime que le mécanisme de traitement des plaintes ne peut être efficace que si les plaignants potentiels sont sensibilisés à leurs droits. Le mécanisme de traitement des plaintes s’il veut être à la fois efficace et transparent l’officier aux droits fondamentaux doit disposer d’équipements et de personnels suffisants et des ressources supplémentaires doivent être dégagées à cette fin.. L’utilisation des fonds par Frontex doit faire l’objet d’un rapport régulier au Parlement européen. Le parlement européen se réjouit que le Médiateur européen , les membres du réseau européen des médiateurs ayant compétence dans le domaine des droits fondamentaux et le Forum consultatif de Frontex aident pleinement l’Agence et suivent les bonnes pratiques telles que celles de la Banque européenne d’investissements et d’autres organismes européens. Le Parlement européen estime que les termes utilisés pour décrire les missions de l’officier des droits fondamentaux sont trop limités et imprécis. Ils doivent être complétés lors de la prochaine révision du Règlement Frontex. Enfin le Parlement européen demande à Frontex de fournir au public toute l’information nécessaire sur son fonctionnement.

Qu’attendre dans les mois à venir ? La mise en œuvre effective du programme de répartition des réfugiés sera au cœur de la stratégie européenne des six prochains mois. L’aspect sécuritaire, suite aux attentats de Paris, est également devenu une préoccupation majeure ce qui n’était manifestement pas le cas lorsque la médiatrice a lancé son action. Le renforcement des frontières extérieures est également prioritaire. Plusieurs initiatives ont été annoncées :l a Commission européenne présentera en décembre une proposition pour renforcer l’agence Frontex, la création d’un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. Les discussions avec les pays tiers sur les réadmissions vont prendre une dimension toute particulière comme préconisées dans le plan d’action en matière de retour, tout comme la réalisation du plan d’action issu de l’accord entre la Turquie et l’Union européenne. Par ailleurs une réforme des accords de Dublin est plus que pressentie, sans oublier un droit d’asile aux pratiques uniformisées. Enfin les migrants économiques ne peuvent être oubliés : le programme de travail de Jean-Claude Juncker avait annoncé pour mars 2016 un « Paquet » de mesures sur l’immigration légale dont une révision du système de la carte bleue qui est à ce jour un véritable échec.

Après le dernier Conseil du 3 et 4 décembre s’esquissent certaines lignes de force même si elles restent fragiles : il faut améliorer Schengen, pas le détruire. Désormais sont envisagées des modifications substantielles. Les ministres ont toutefois envisagé ou débattu de l’éventualité de prolonger jusqu’à deux ans le rétablissement présumé « provisoire » du contrôle aux frontières intérieures si de défaillances sérieuses et persistantes sont constatées. Paris a confirmé que la réinstauration des contrôles à ses frontières durera aussi longtemps que la menace terroriste. Inévitablement, les mécanismes provisoires, tolérés, de contrôle se traduiront dans les faits par des restrictions à la libre circulation des personnes. Pour l’instant préservons les apparences et la façade sans trop s’attarder sur l’état réel, c’était la tactique utilisée pour préserver l’euro au plus fort des attaques et cette tactique a porté ses fruits. Les gouvernements unanimes, à demi mot, disent souhaiter la survie du mécanisme de Schengen indispensable à la survie du Marché unique, ne l’oublions jamais. Ne misons pas trop sur le caractère durable d’une diminution importante du flux des migrants.

 

 

Pour en savoir plus :

 

-. Texte de la résolution non législative du Parlement européen (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0422+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0422+0+DOC+XML+V0//EN

 -. Dossier de l’Ombudsman avec toutes ses pièces http://www.ombudsman.europa.eu/cases/correspondence.faces/en/61415/html.bookmark

 -. Compte rendu par Nea say de Eulogos de l’audition de la médiatrice , Emily O’ Reilly, par la Commission des libertés civiles (LIBE) du Parlement européen http://europe-liberte-securite-justice.org/2014/02/21/rapport-special-de-la-mediatrice-europeenne-sur-frontex-emily-oreilly-a-la-commission-libe/

 


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Alliances et rivalités au Moyen-Orient : les poupées russes de Kafka

ven, 04/12/2015 - 17:07

http://www.sergeadam.net

À l’heure où le Président français, François Hollande, parle de constituer une « coordination internationale la plus étroite possible » (et non plus une « coalition unique ») contre le mal-nommé État islamique en Syrie et en Irak, qu’en est-il réellement de ses chances de succès ? C’est en effet dans un exercice de haute voltige que s’est lancé le Président français : réunir l’axe sunnite (Turquie, États-Unis, Arabie Saoudite, Union européenne) et l’axe chiite (Russie, Iran, Irak,) du Moyen-Orient. De plus, Daech bénéficie de complicités nombreuses dans le monde sunnite, d’autant plus difficiles à interrompre qu’elles sont inavouées. La victoire sur l’EI s’annonce difficile.

Afin de susciter l’adhésion, F. Hollande va devoir proposer un plan de transition politique et de reconstruction de la société syrienne et de son État, comme cela a manqué jusqu’à présent dans les interventions occidentales au Moyen-Orient. Il doit aussi réorienter sa stratégie : abandonner la rhétorique du « ni-ni » (ni Bachar ni Daesh) pour établir une hiérarchie des priorités. La disparition de ces deux acteurs reste souhaitable pour la France sur le long-terme, mais ne se jouera pas sur le même plan : le combat contre Bachar el-Assad est politique, le combat contre l’EI est militaire.

Les acteurs régionaux : alliés malaisés et frileux

Les pays du Moyen-Orient se retrouvent de facto engagés dans le conflit, mais pour des raisons différentes. En particulier, la question du maintien ou de la destitution de Bachar el-Assad s’avère particulièrement clivante. Cette question cristallise en fait le conflit identitaire et culturel entre sunnisme et chiisme au sein de l’Islam. Mais pour Béligh Nabli, directeur de recherche à l’IRIS, il ne faut pas s’y tromper : souvent, les conflits identitaires, religieux ou culturels sur le pourtour de la Méditerranée, cachent en réalité des intérêts beaucoup plus « terre à terre » de rivalités pour le pouvoir. Les syriens se retrouvent ainsi, malgré eux, au cœur des guerres d’influence et de pouvoir de leurs voisins.

Turquie – ce pays partage ses frontières avec la Syrie et l’Irak, et accueille actuellement 2 millions de réfugiés syriens (dont 500 000 dans des camps à la frontière). Il soutient depuis le début les groupes d’opposants à el-Assad, et fait du départ du dictateur une condition sine qua non de sa participation à toute coordination des forces armées. L’influence d’Ankara dans la région pâtie en effet de la présence au pouvoir du dictateur syrien d’obédience alaouite (branche chiite). Les turcs craignent plus que tout de voir celui-ci se refaire une légitimité sur le dos de la coalition anti-EI. Par ailleurs, la Turquie est le pilier de l’OTAN au Moyen-Orient et dispose, au sein de ce groupe, de la deuxième meilleure armée derrière les États-Unis. Les occidentaux souhaitent voir cette capacité militaire mise à profit par l’envoi de troupes au sol. Pour le moment, Ankara a autorisé les avions de la coalition à décoller depuis sa base à Adana. Cependant, l’attitude ambiguë de la Turquie rend les négociations difficiles : il est évident que le gouvernement ferme les yeux sur l’intense trafic d’hydrocarbures en provenance de l’EI et souhaite clairement profiter de la situation pour « régler le problème kurde ». Enfin, le bombardement d’un avion russe à la frontière turco-syrienne le 24 novembre a attisé les tensions déjà grandes entre Moscou, pilier du soutien à Bachar el-Assad, et Ankara. Cette situation pourrait pourtant ne pas durer : les attentats de l’EI en juillet et octobre dernier en Turquie lui ont fait prendre conscience que sa complaisance envers l’EI devenait dangereuse.

Les kurdes – l’alliance avec les kurdes est une des rares qui fasse l’objet d’un consensus, si ce n’est la résistance acharnée de la Turquie. Ils ont su négocier un accord de non-agression avec l’armée syrienne et se sont alliés à la Russie (ils ont soutenu l’intervention de l’aviation russe fin septembre). En fait, ils se concentrent exclusivement sur l’objectif de la destruction de Daesh, ce qui a l’avantage d’éluder les questions concernant le sort à réserver à Bachar el-Assad. De plus, ils constituent une force militaire terrestre particulièrement intéressante pour les occidentaux, notamment au vue de la frilosité de la Turquie à être un pilier de la coopération sur le front nord de la Syrie. Ils sont aussi les seuls à pouvoir perturber le trafic d’hydrocarbures face à la passivité de la Turquie (40% à 50% des revenus de l’EI). Enfin, les kurdes sont des alliés particulièrement fiables dans la mesure où ils souhaitent ardemment profiter de leur victoire contre l’EI pour améliorer la visibilité et la légitimité de leur cause à l’échelle internationale (obtenir justice pour les persécutions turques et une certaine autonomie politique). Mais il ne faudra pas compter sur eux pour mener une incursion jusqu’à Raqqa, ville en grande majorité arabe, qui n’est pas revendiquée par les kurdes.

Daesh se situe à la confluence de plusieurs mouvements : entre la majorité chiite et la minorité sunnite en Irak ; entre la minorité chiite dont est issu Bachar el-Assad et la majorité sunnite de la population en Syrie ; au cœur de la guerre d’influence entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite wahhabite (sunnite), enfin, dans une série de conflits entre la mouvance djihadiste et les pouvoirs en place, du Mali à l’Egypte.

Iran – le régime chiite de l’ayatollah Ali Khamenei soutien ses homologues au Moyen-Orient (Bachar al-Assad en Syrie depuis 2000 et Nouri al-Maliki en Irak depuis 2006) dans le cadre d’une stratégie d’influence, fortement soutenue par Moscou depuis les années 1990 (« axe Moscou-Téhéran »). Le jihadisme sunnite incarné par l’EI représente donc un ennemi « naturel ». Son soutien politique, matériel et financier à Bachar el-Assad participe aussi d’une stratégie pour briser le « cordon sanitaire sunnite » soutenu par l’Arabie Saoudite et les occidentaux. S’immiscer dans le conflit syrien correspond enfin à ses ambitions de devenir un « gendarme du Moyen-Orient ». Un renforcement de son rôle dans la région déjà confirmé par la reprise des discussions avec les États-Unis.

Pays du Golfe (Bahreïn, Qatar, Émirats arabes unis, Koweït) – ils assurent un soutien logistique, autant aux rebelles modérés qu’aux islamistes sunnites, afin d’obtenir le départ du dictateur syrien. La proximité géographique avec l’EI menace directement leur intégrité territoriale, mais menace aussi el-Assad à leur avantage. Pour s’assurer de leur soutien dans la lutte contre l’EI (mieux contrôler les flux financier de la région), les occidentaux devront donc garantir en contrepartie le départ d’el-Assad. Toutefois, des accusations de financement du terrorisme sunnite (y compris l’EI), ou à défaut de laxisme, ont entamé la confiance des occidentaux.

Arabie Saoudite – ce pays souhaite avant tout lutter contre l’extension de l’influence de l’Iran (régime chiite) au Moyen-Orient, surtout depuis la fin de l’isolement international de Téhéran (signature de l’accord de non-prolifération nucléaire avec l’UE, accompagnée de la levée des sanctions économiques et financières). Ainsi, elle dirige actuellement une coalition arabe sunnite contre la rébellion houthiste dans l’ouest du Yémen, en faveur de laquelle elle soupçonne une aide indirecte de Téhéran. Rechercher la destitution de Bachar el-Assad (banche du chiisme) poursuit le même objectif. Dans ce contexte, l’EI est une priorité secondaire, mais bien réelle. Abou Bakr al-Baghdadi, « calife » de l’EI, concurrence directement la monarchie spirituelle saoudienne. Il entend renverser son roi, qu’il dénonce comme un « usurpateur ». De plus, la proximité idéologique entre les deux régimes sunnites rend la jeunesse saoudienne plus vulnérable à la propagande de l’EI. Riyad a bien conscience de cette menace, et entend désormais s’opposer à l’expansion de l’EI. Toutefois, habituée des méthodes discrètes, l’Arabie Saoudite préfère agir en fournissant armes et argent aux groupes rebelles menacés autant par l’EI que par el-Assad (modérés pro-occidentaux comme islamistes radicaux).

Il est probable que le conflit syrien ne pourra être résolu qu’avec une solution diplomatique globale aux différents conflits au Moyen-Orient (Yémen, Irak, Syrie) à travers lesquels l’Iran et l’Arabie Saoudite ne cessent de s’opposer

Quid d’une intervention terrestre ? – Les européens, les américains et les russes, qui possèdent tous des intérêts dans la région, ne peuvent pas se permettre une intervention terrestre. Les leçons des précédentes interventions dans la région (Irak, Afghanistan, Lybie) sont claires : ce serait fournir à Daesh un excellent prétexte pour dénoncer les « croisés occidentaux ». Au contraire, des troupes au sol sunnites (kurdes, turques, saoudiennes, …) permettraient de marquer la rupture au sein de l’Islam entre l’idéologie sunnite radicale de l’EI et celle des musulmans modérés (à l’exclusion peut-être du wahhabisme saoudien). Prudence toutefois, le résultat pourrait être inverse : brouiller les lignes et aggraver le chaos. De plus, il ne suffit pas de vaincre les forces de l’opposition pour installer un climat politique favorable à la reconstruction de l’État et à l’enracinement de la démocratie. Une occupation militaire du territoire pendant encore plusieurs années sera nécessaire, le temps de pacifier la société et former les fonctionnaires. Or, une occupation par une force étrangère sur le long-terme a tendance, au contraire, à nourrir les tensions. Le nécessité de rallier les pays du Golfe et de la Turquie est particulièrement importante à cet égard.

Les « grandes puissances » mondiales : acteurs déterminés aux vues antagonistes

Béligh Nabli (IRIS) indique que la Méditerranée demeure un espace géopolitique important au 21e siècle pour plusieurs raisons : il s’agit d’un espace à la jonction de trois continents, de diverses cultures et civilisations, et un espace au cœur du commerce mondial, y compris des produits aussi primordiaux que les hydrocarbures. C’est pourquoi elle est au cœur de la politique extérieure des États-Unis et de la Russie. La Chine elle-même tend à repenser sa présence militaire au Moyen-Orient du fait de sa dépendance, qui ne pourra que s’aggraver avec un développement économique exponentiel, aux importations d’hydrocarbures.

« Souvent désigné comme une guerre civile, le conflit syrien a pourtant une dimension internationale plus que significative. Au-delà des combattants djihadistes étrangers omniprésents dans les rangs insurgés, nombre de puissances étrangères tentent de tirer profit géopolitiquement des hostilités. Sur le dos, sans doute, des Syriens eux-mêmes » (Erin Cunningham)

Russie – la Russie s’avère un adversaire diplomatique redoutable. Combattre l’EI, c’est protéger le pouvoir de Bach el-Assad. Protéger Bachar el-Assad, c’est placer les européens dans une situation insoutenable et potentiellement paralysante : l’Ukraine ou la Syrie, les européens seront forcément perdants sur un tableau. C’est pourquoi V. Poutine n’a pas hésité à exiger la levée des sanctions européennes contre Moscou dans le contexte de la crise ukrainienne pour cesser les frappes contre les forces d’oppositions syriennes. Par ailleurs, le soutien indéfectible de la Russie à Bachar el-Assad doit permettre d’affaiblir la Turquie, État avec lequel elle est en rivalité depuis des siècles. Cette dernière soutient les musulmans sunnites dans le Caucase pour affaiblir la Russie et réduire sa sphère d’influence orthodoxe. Or, Ankara se trouve aujourd’hui rejointe sur le plan des intérêts par l’EI : dans une vidéo de septembre 2014, ce dernier menaçait de « libérer la Tchétchénie et le Caucase par la grâce d’Allah ». Combattre l’EI et soutenir Bachar el-Assad, c’est donc aussi éviter la résurgence des mouvements djihadistes sunnite dans le Caucase, aux revendications indépendantistes affirmées. Ou comment faire d’une pierre deux coups. Ceci bien considéré, un premier terrain d’entente a pu être trouvé entre les États-Unis, la France et la Russie dans la lutte contre Daesh : couper les ressources financières que l’EI tire du pétrole et accroître l’échange d’information. En échange, la Russie épargne les forces luttant contre Daesh. Il est probable que V. Poutine négociera le maintien de Bachar el-Assad lorsque vainqueurs et vaincus se retrouveront à la table des négociations. Autrement dit, si la lutte contre Daesh est la grande priorité, c’est que le changement de régime de Bachar el-Assad peut être différé. Il n’est pas exclu non plus que la Russie abandonne el-Assad si les occidentaux lui présentent un successeur favorable à ses intérêts. De la realpolitik dans toute sa splendeur.

Chine – La connivence entre la Chine et la Russie n’est pas un secret. Leurs relations diplomatiques se sont particulièrement renforcées depuis le début de la crise ukrainienne, et la Chine a, jusqu’à présent, toujours appuyer le veto de la Russie au Conseil de Sécurité de l’ONU. Soutenir la stratégie de V. Poutine en Syrie représente une occasion de plus pour la Chine de s’ériger en partenaire de confiance. Un « front de refus » russo-chinois solide pour résister aux pressions occidentales, et particulièrement américaines. Malgré tout, la Syrie, en tant que telle, est un sujet secondaire pour les chinois. Leur principal intérêt reste de s’opposer à toute logique d’ingérence : ne pas se mêler des affaires des autres pour qu’ils en fassent autant.

États-Unis – les États-Unis disposent de la meilleure armée de l’OTAN, et d’une des meilleures au monde. Ils peuvent assurer la surveillance de masse des communications locales des djihadistes de l’EI et disposent d’images satellitaires et aériennes de la zone irako-syrienne indispensables pour assurer des bombardements précis. Ils sont donc essentiels à la coalition. Mais plus que la Syrie, l’élément qui pèse de tout son poids dans les décisions américaines, c’est la sécurité d’Israël. Ceci étant dit, la « guerre contre le terrorisme » de G. W. Bush a profondément décrédibilisé la possibilité d’envoyer les boys sur le sol arabe et a rendu l’opinion publique américaine particulièrement réticente à toute implication directe dans le conflit syrien. Bien que la région reste stratégique de plusieurs points de vue (hydrocarbures, commerce international), les américains ne souhaitent plus être en première ligne. Et même un soutien indirect aux rebelles est un sujet sensible : dans les années 1980, en armant les rebelles afghans qui luttaient contre les soviétiques, les décideurs américains contribuaient à la naissance d’Al-Qaïda. D’où la très grande prudence de B. Obama.

Lauriane Lizé-Galabbé

 

Pour en savoir plus

Pour visionner l’interview de Béligh Nabli, spécialiste de la Méditerranée  et directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) (19 novembre 2015)
(FR)
http://www.iris-france.org/66746-geopolitique-de-la-mediterranee-2/

Pour en savoir plus sur les avantages et les limites de la lutte armée contre Daesh, consulter l’article de Telos intitulé « Faut-il parler de guerre contre le terrorisme ? » (24 novembre 2015)
(FR )
http://www.telos-eu.com/fr/vie-politique/faut-il-parler-de-guerre-contre-le-terrorisme.html

Pour mieux comprendre la position turque, consulter l’article du Temps intitulé « Ankara, allié nécessaire mais réticent de la « grande coalition » » (24 novembre 2015)
(FR)
http://www.letemps.ch/2015/11/24/ankara-allie-necessaire-reticent-grande-coalition

Pour en savoir plus sur la position e la Turquie vis-à-vis de ses alliés occidentaux, consulter l’article de l’IRIS intitulé « Turquie : quelle stratégie face à l’État islamique ? » (20 novembre 2015)
(FR)
http://www.iris-france.org/66929-turquie-quelle-strategie-face-a-letat-islamique/

Pour en savoir plus sur la position de l’Iran vis-à-vis de la coalition internationale et les intérêts occidentaux à son égard, écouter l’interview de Thierry Coville, spécialiste de l’Iran et chercheur à l’IRIS (23 novembre 2015)
(FR)
http://fr.radiovaticana.va/news/2015/11/23/la_russie_et_liran_alli%C3%A9s_de_circonstances_dans_le_conflit_syrien/1189020

Pour en savoir plus sur la dimension internationale du conflit syrien et ses enjeux géopolitiques (citation), consulter l’article intitulé de JolPress « Un conflit international, pas une guerre civile » (17 août 2012)
(FR)
http://www.jolpress.com/article/syrie-etats-unis-iran-bachar-al-assad-conflit-international-pas-une-guerre-civile-812692.html

Pour en savoir plus sur la stratégie de Poutine au Moyen-Orient, et le retournement de situation géopolitique avant-après le 13 novembre, consulter l’article de Telos intitulé « Passions impériales » (25 novembre 2015)
(FR)
http://www.telos-eu.com/fr/globalisation/politique-internationale/passions-imperiales.html

Pour en savoir plus sur les intérêts de la Chine dans le conflit syrien, consulter l’article du RFI intitulé « Syrie : le pragmatisme de la diplomatie chinoise » (6 septembre 2013)
(FR)
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20130906-syrie-diplomatie-chine-pragmatisme/


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Bruxelles et Ankara s’engagent dans un mariage de raison mais est-ce bien raisonnable ? Autant de flou que d’hypocrisie .

mer, 02/12/2015 - 12:19

Mariage de raison, disons plus simplement alliance de circonstances. Des engagements très généraux mais sans réel calendrier contraignant. Les Européens n’ont pas lâché grand-chose pour convaincre les turcs de garder chez eux les réfugiés Pas d’engagement précis concernant la relance du processus d’adhésion. Au bout du compte, l’UE seule garantie pour échapper au chaos régional.

Lisons les mots clés produits par la presse : lors du Sommet extraordinaire dimanche à Bruxelles, les Vingt-Huit ont cédé aux exigences d’une Turquie en position de force. En échange, ils ont réclamé que les autorités turques retiennent les réfugiés dans le pays. Un marchandage sordide : la Turquie voulait de l’argent…l’Europe donne de l’argent. La Turquie profite de la faiblesse européenne, désunie et velléitaire face à un « partenaire » difficile et imprévisible. Les migrants sont passés de l’actualité, mais rien n’est réglé. Les relations houleuses de la Turquie avec la Russie ne semblent pas prendre la direction de l’apaisement. Tout cela est censé être historique … cela fait 11ans depuis le début des négociations que ces partenaires ne s’étaient pas retrouvés. Pas de dissipation du malentendu historique sur la finalité du processus d’adhésion. Plus personne n’y croit. Pour Davutoglu c’est un jour historique qui redynamise, l’adhésion dans les années à venir, pas un rêve mais une réalité.. Le processus est engagé depuis des années il n’y a pas de raison de l’arrêter ou de l’accélérer (François Hollande). Il n’y a pas là de quoi réécrire le processus d’adhésion avec la Turquie, les standards sont toujours les mêmes   (Jean-Claude Juncker). Un premier ministre turc tout sourire , il ne s’est pas départi d’un optimisme débordant, tout au long du sommet, persuadé que les chefs d’Etat se sont réunis pour un sommet en son honneur, un des plus courts jamais organisé. Oublié le rapport calamiteux de la Commission sorti quelques jours plutôt ! Un excès d’optimisme à mettre au compte des difficultés actuelles et de l’isolement diplomatique. Montrer qu’on a encore des alliés. Rendre l’immigration illégale légale sur la périlleuse route des Balkans. Notre intérêt est que les personnes restent en Turquie. Un évènement exceptionnel parce qu’aucun pays candidat n’avait participé à un sommet du Conseil européen…Déception vive : les Etats membres manquent sans cesse leurs promesses et leurs engagements alors que les institutions européennes tiennent les leurs (Martin Schulz). L’accès à l’emploi et à l’éducation est essentiel pour l’avenir des réfugiés. La date de mise en œuvre de l’accord de réadmission de 2013 doit être avancée. Schengen ne peut survivre que si nous acceptons que la gestion de nos frontières extérieures relève de la responsabilité européenne. Nous attendons que le gouvernement turc lutte efficacement contre la traite des êtres humains et contre les passeurs. Couper la route d’approvisionnement des terroristes. Les négociations d’adhésion sont au point mort, la réticence des Etats membres se fondent sur de bonnes raisons, la liberté de la presse en est une. En faisant de la Turquie un partenaire stratégique, les pays européens jouent sur la corde raide. Ils prennent le risque de se mettre à dos une partie de leur opinion publique, mais aussi de cautionner les agissements d’Ankara. Une responsabilité lourde à porter. Comment échapper au nouveau sultan pris par l’ubris de son propre pouvoir ? Un allié encombrant. L’Europe fermera-t-elle les yeux sur les dérives de Erdogan. La politique de l’Union européenne sur la corde raide. Une bombe à retardement. Dérive autoritaire du régime, conflit avec les Kurdes réouvert, ambiguïtés dans la lutte contre le djihadisme, assassinat du bâtonnier de Diyarbakir, inculpation pour espionnage du directeur du grand journal d’opposition Cumhuriyet. Une épine dans le pied de l’Europe. Pourquoi l’Europe redécouvre les graves reculs de la démocratie seulement maintenant dans son récent rapport annuel à la publication plusieurs fois retardée ? Un partenaire utile dans une politique de voisinage rénovée ce dont elle ne veut pas entendre parler, plutôt qu’un improbable futur membre de l’Union européenne ?

Le palmarès des citations est impressionnant ! L’Europe est inquiète, mais qu’importe la Turquie triomphe, pense-t-elle.

Déclaration du Sommet UE-Turquie et profond scepticisme des députés européens

Selon la déclaration arrêtée dimanche soir au Sommet Europe-Turquie à Bruxelles, l’Union européenne (UE) a reconnu qu’elle est de facto étroitement liée à son voisin turc par de nombreux facteurs: proximité, rapports économiques intenses, lutte contre le terrorisme, défense. Dès lors, elle a admis le principe de relancer les relations bilatérales en vue de forger un destin commun. Dès la première ligne, la déclaration affirme que la Turquie est un pays candidat à l’Union depuis 1999 et que les négociations en vue de l’adhésion ont démarré en 2005. L’UE reconnaît ainsi implicitement que ce dossier n’a pas beaucoup évolué et qu’il doit être pris dorénavant plus au sérieux. Une telle position contraste avec l’ambiguïté que montre régulièrement l’UE à l’égard de la Turquie. Et aujourd’hui encore.

«Au-delà des problèmes actuels, nous devons développer nos relations dans une perspective plus large», a déclaré dimanche Federica Mogherini, la cheffe de la diplomatie européenne. Et d’ajouter: «Ce n’est pas que l’Europe a besoin de la Turquie. Nous avons besoin, plus que jamais, de l’une et de l’autre.» «Ce sommet extraordinaire marque le début d’un nouveau processus dans les rapports entre Ankara et les pays de l’Union», s’est félicité le premier ministre turc Ahmet Davutoglu à son arrivée au sommet. » C’est historique… n’a-t-il cessé de répéter.

Cette réunion au sommet était une exigence d’Ankara. En position de force parce qu’il détient la clé des flux migratoires vers l’Europe, mais aussi revigoré par sa récente victoire aux législatives, le gouvernement turc avait posé ses conditions. Ainsi, le sommet de dimanche a eu lieu non seulement sous l’enseigne de la crise des réfugiés, mais aussi sur la revitalisation des relations bilatérales. Sur ce point, les Vingt-Huit ont accepté d’instaurer un dialogue régulier et à plus haut niveau avec la Turquie. Dorénavant, une rencontre au sommet au lieu deux fois par an. Au plus haut niveau ? Rien n’est moins assuré, interrogé, le porte-parole de la Commission a rappelé que le texte indique au « niveau approprié ». Est-ce une procédure exceptionnelle ? Non elle est pratiquée avec plusieurs pays et le porte-parole s’est engagé à fournir la liste aux journalistes. Mais en fait il apparait que le niveau sera celui des ministres.

Lors des réunions préparatoires , Ankara avait fait savoir que des promesses ne seront pas suffisantes pour obtenir son aide à juguler le flot de réfugiés. Selon le président du Conseil européen, Donald Tusk, 1,5 million de personnes sont arrivées illégalement en Europe depuis le début de l’année. Son avertissement a été entendu à Bruxelles. Derechef, des négociateurs européens et turcs se rencontreront le 14 décembre prochain pour ouvrir un nouveau chapitre sur la candidature turque à l’adhésion. L’UE s’est aussi engagée à compléter, d’ici au premier trimestre 2016, les travaux préparatoires pour ouvrir d’autres chapitres. Les négociations pour l’adhésion se font chapitre après chapitre, le but étant d’assurer que le pays candidat européanise graduellement ses législations. Ankara a débuté ce processus unilatéralement et ses législations, plus particulièrement en matière économique et commerciale, reprennent celles de l’ Union. Mais pour autant cela ne veut pas dire et ne voudra pas dire que pour autant on devient membre de l’Union européenne. Le premier ministre belge, Charles Michel, dans une formule à l’emporte pièce a déclaré que ce ne serait pas pour demain.La grande exception concerne l’Etat de droit et la liberté d’expression.

Les dirigeants européens ont aussi admis hier le principe d’exempter les citoyens turcs de visas pour voyager dans l’espace Schengen à partir d’automne 2016. Un rapport faisant un état des lieux des négociations sera publié au début mars 2016. Il s’agit là de l’une des plus importantes revendications turques. Mais la contrepartie est la signature et l’entrée en vigueur effective de l’accord de réadmission.

Le volet «réfugiés» est traité en deuxième partie de la déclaration. L’UE déboursera trois milliards d’euros destinés à améliorer les conditions de vie des réfugiés en Turquie. Le gouvernement turc a fait valoir qu’elle en accueille deux millions répartis dans 25 camps, dont cinq spécialement prévus pour recevoir les Syriens chrétiens et les Yezidis. Elle affirme aussi y avoir consacré plus de 7 milliards d’euros depuis 2011. La communauté internationale qui avait promis une aide de 4,8 milliards d’euros au début de l’année, n’a versé que 624 millions à ce jour. En contrepartie des trois milliards, l’UE demande à la Turquie de retenir les réfugiés sur son territoire, mais aussi de reprendre les réfugiés dont les demandes d’asile ont été rejetées par les pays de l’Union. L’UE a clairement fait sentir que l’argent doit aller aux réfugiés et aux associations qui s’occupent d’eux et pas à la Turquie.

A son arrivée au sommet dimanche, François Hollande a été clair: «Je veux un accord pour que la Turquie prenne des engagements contre un soutien européen, pour accueillir les réfugiés chez elle.» Selon le président français, les réfugiés ont intérêt à rester au plus près de leur pays d’origine. «L’intérêt de l’Europe n’est pas d’accueillir des réfugiés en grand nombre parce qu’on sait les questions qui sont posées et les problèmes que certains pays ont exprimés», a-t-il ajouté.

Selon un diplomate européen, les Turcs doivent se garder de tout triomphalisme. «Nous sommes certes prêts à accélérer les négociations pour l’adhésion ou pour l’exemption de visa, dit-il. En revanche, la mise en œuvre de la déclaration sera assurée pas-à-pas et à la condition que les Turcs satisfassent toutes les conditions.» Le diplomate rappelle qu’à tout moment, un pays peut tirer la prise des négociations et débrancher le passage du courant, laissant entendre que la Grèce et Chypre espèrent aussi résoudre leur conflit territorial majeur avec la Turquie.

Les députés européens ne s’en laissent pas conter par les belles paroles et les habiletés des déclarations. Doute profond sur les intentions turques.

Les membres de la commission des libertés civiles du Parlement européen réunis le 30 novembre ont émis de sérieuses réserves. Ils se sont émus fortement sur le fait que les questions de la liberté de la presse, des assassinats de représentants des droits de l’homme ou la question de la répression de la minorité kurdes n’ont pas été traités mais esquivées.

Ils ont exprimé de très sérieuses réserves sur la capacité de la Turquie à réduire les flux comme à réadmettre les personnes entrées illégalement sur le territoire de l’Union via la Turquie. Les dénégations turques et l’annonce d’appréhensions d’illégaux ou de passeurs n’ont pas convaincu. Nombreux doutent de la sincérité. Gérard Deprez (Belge, ALDE) a même parlé de façon très explicite « d’absence de confiance  (…) les turcs nous roulent sur les chiffres (…)ils ne vont pas arrêter les réfugiés ». Parlant des visas, avec « la nouvelle porte offerte par la libéralisation des visas, j’espère que vous savez ce que vous faites » a-t-il lancé aux représentants de la Commission européenne.

D’autres députés se sont interrogés comment l’aide de 3 milliards destinés aux refugiés syriens allait être contrôlée. Comment s’assurer que ces 3 milliards « ne serviront pas à acheminer le pétrole depuis la Syrie vers la Turquie «  s’est interrogée Anna Gomes (S&D portugaise). D’autres députés se sont demandés pourquoi l’UE n’offrait pas son aide au Liban, à la Jordanie, ou   l’Irak « la situation y est plus dramatique »

La Commission européenne a assuré aux députés qu’il y aurait un contrôle très précis de cesq fonds et le Directeur Général Mathias Ruete a souligné que la Commission travaillait avec la Turquie dans un esprit de confiance. Revenant sur l’accord de réadmission il a reconnu qu’il s’agissait « d’un sujet majeur à discuter et les discussions auront lieu en janvier. » Actuellement l’accord ne couvre que les ressortissants turcs, et il faudrait qu’il couvre les ressortissants des Etats tiers ». Quant à la question de la libéralisation de visas pour les ressortissants turcs « on peut aller vers la libéralisation prévue pour octobre 2016, mais il faut être convaincu que l’accord de réadmission fonctionne pleinement ».

Sur la relance du processus d’adhésion de la Turquie Matthias Ruete que l’ouverture au printemps des discussions des chapitres 23 et 24  (justice et droits fondamentaux) serait l’occasion de faire progresser la question des droits fondamentaux. Dans un communiqué, les élus français du groupe PPE de l’UE, seulement un membre associé. Sur la radio Europe 1 Nicolas Sarkozy a renouvelé son opposition la plus ferme à l’adhésion de la Turquie. Le leader du PPE, l’allemand Manfred Weber, asouligné « cet accord n’est pas un chèque en blanc. Il contient quelques pilules qui demeurent difficiles à avaler (…) avant que nous au Parlement européen nous nous penchions sur des sujets spécifiques, la Turquie doit prouver qu’elle est prête à coopérer. Cela signifie des mesures décisives contre les passeurs et une réduction nette du nombre de migrants affluant vers l’Europe »a-t-il conclu.

C’est un air bien connu du « je t’aime, moi non plus ! »

Pour en savoir plus :

 -. Déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement du 29 novembre 2015 http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-15-6194_en.htm?locale=en

     -. Status of the Negotiations http://www.consilium.europa.eu/en/policies/enlargement/turkey/

     -. Time line: response to migratory pressures http://www.consilium.europa.eu/en/policies/migratory-pressures/history-migratory-pressures/

     -. Déclaration de Federica Mogherini http://eeas.europa.eu/statements-eeas/2015/151129_01_en.htm

 -. Discours de Martin Schulz, président du Parlement européen lors du sommet informel UE-Turquie du 29 novembre http://www.europarl.europa.eu/the-president/fr/press/press_release_speeches/speeches/speeches-2015/speeches-2015-november/html/sommet-informel-entre-l-union-europeenne-et-la-turquie—discours-de-martin-schulz–president-du-parlement-europeen;jsessionid=8034BA5EA652C263935635083D17AA25

-. EU- Turkey Joint action plan du 15 octobre http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-15-5860_en.htm

 

 

 

 

 


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Liberté d’expression et génocide arménien à Strasbourg : deux poids deux mesures ?

mar, 01/12/2015 - 14:09

Doru Perincek d’un côté, Dieudonné de l’autre, avis d’une experte en génocide arménien et d’un expert en matière de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. L’avis de l’experte, Sévane Garibian est rapporté par le journal le Temps du 1er décembre 2015. Elle est l’auteure de «De la rupture du consensus. L’affaire Perinçek, le génocide arménien et le droit pénal international», in Le génocide des Arméniens. Cent ans de recherche 1915-2015, Armand Colin, Paris, 2015. D’un côté, Dogu Perinçek est blanchi par la CEDH au nom de la liberté d’expression. De l’autre, la même Cour confirme déboute Dieudonné de son appel devant la CEDH pour injure raciale. L’argument de la liberté d’expression serait-il à géométrie variable ? Quant à l’avis de l’expert, il s’agit de celui de Nicolas Hervieu.

Commentaires de Sévane Garibian

Le 15 octobre 2015, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) concluait, par dix voix contre sept, à la violation par la Suisse de la liberté d’expression de Dogu Perinçek. Cet homme politique turc avait préalablement été condamné pour avoir nié publiquement le génocide des Arméniens de 1915. L’arrêt définitif de la Grande Chambre a été salué comme une «victoire» par les gouvernements turc et arménien, pour des raisons différentes. Quant à l’Office fédéral de la justice, il a pris acte en affirmant qu’il «est trop tôt pour mesurer les conséquences de ce jugement sur le plan juridique».

Ces réactions traduisent l’ambivalence d’une décision européenne qui soulève plus de questions qu’elle n’en résout. Ceci d’autant plus depuis la publication, le 10 novembre dernier, de la décision de la même Cour dans l’affaire Dieudonné (condamné en France pour injure raciale), déclarant avec fermeté que la liberté d’expression ne protège pas les spectacles négationnistes et antisémites. Cette actualité s’inscrit au cœur d’une année marquée par le centenaire du génocide arménien d’une part, et par un regain d’attention sur la portée et les limites de la liberté d’expression en Europe d’autre part. Elle offre l’occasion de revenir sur quelques-uns des points les plus saillants de l’arrêt Perinçek.

Tout d’abord, la courte majorité ne fut manifestement pas évidente à obtenir au sein de la Grande Chambre qui traitait, pour la première fois, de négationnisme. L’arrêt de 139 pages contient nombre d’opinions dissidentes importantes – dont celles des présidents et vice-président de la Cour – illustrant de fortes dissensions internes.

Par ailleurs, la Cour abandonne l’argument préalablement utilisé dans l’arrêt de première instance de 2013, selon lequel il n’existerait pas de «consensus général» sur la qualification juridique de génocide s’agissant de l’extermination des Arméniens. Elle précise en outre qu’elle n’a ni l’obligation, ni la compétence, de se prononcer sur la qualification de ces événements. Reste que les juges dissidents soulignent la «timidité certaine» de la Cour et affirment que «le génocide arménien est un fait historique clairement établi». «Le nier – disent-ils – revient à nier l’évidence».

Ensuite, l’issue de l’affaire Perinçek découle d’une appréciation contestable de la nature des propos litigieux, du contexte général de leur énonciation et de la différenciation avec la négation de l’Holocauste. En effet, la Cour considère que la protection des droits et de la dignité des Arméniens ne nécessitait pas, en l’espèce, une condamnation pénale de Dogu Perinçek, pour trois raisons principales. Premièrement, seul un mobile haineux ou raciste justifierait une limitation de sa liberté d’expression: ses propos, de nature «politique» et portant sur une question «d’intérêt public», bénéficieraient d’une protection renforcée. Celle-ci réduirait d’autant la marge d’appréciation des autorités suisses.

Deuxièmement, l’appel à la haine ou à l’intolérance ne serait pas prouvé dans ce cas, vu le contexte que la Cour résume ainsi:

1. la Suisse n’est pas directement liée aux faits historiques en question (elle n’est ni responsable ni complice) ;

2. rien ne prouve qu’il y avait ici, à l’époque des discours du requérant, un climat dangereux de tensions entre Turcs et Arméniens ;

3. le temps écoulé entre les atrocités de 1915 et les propos de M. Perinçek amenuisent leurs effets nuisibles.

Enfin, au regard du contexte historique européen, seule la négation de l’Holocauste supposerait une présomption automatique du caractère antidémocratique et antisémite des propos litigieux, donc du mobile raciste ou haineux. La Cour souligne, pour ce seul cas, l’existence d’une «responsabilité morale» des États. Chacun de ces points, désavoués par les juges dissidents, mérite réflexion tant d’un point de vue juridique que philosophique.

S’ajoute à cela un autre point réfuté par quatre juges contre treize: la non application, dans cette affaire, de l’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’abus de droit (c’est-à-dire sur le fait de se prévaloir de sa liberté d’expression pour défendre des valeurs contraires à celles protégées par la Convention, telles que la justice et la paix). La Cour a pourtant déjà appliqué cette disposition dans le passé s’agissant, notamment, de propos islamophobes, négationnistes et/ou antisémites. Elle le fait à nouveau le 10 novembre dans l’affaire Dieudonné, où elle refuse de mettre sur le même plan des faits historiques clairement établis et une thèse idéologique négationniste.

En conclusion, l’arrêt Perinçek ne remet pas en question la norme antiraciste suisse – que la CEDH estime conforme au principe de légalité –, mais sa seule application au cas d’espèce. En outre, l’appréciation de la Cour, elle le dit elle-même, s’opère «au cas par cas» à la lumière d’une conjonction de facteurs. Plus globalement, rien ne permet d’affirmer que cet arrêt mette fin à la pénalisation du négationnisme en Europe. Il confirme toutefois l’importance, et la nécessité, de la preuve d’une incitation à la haine ou à la violence au travers des propos litigieux, analysés dans leur contexte. Si cet élément n’est pas nouveau, son évaluation reste incertaine et fondée sur des critères discutables, remis en cause par les juges dissidents.

Conclusions : des leçons à tirer et les commentaires de Nicolas Hervieu

Première leçon ; ces problèmes de liberté d’expression ne sont pas faciles à régler tant les aspects émotionnels, passionnels et politiques sont forts. Leur importance cruciale n’est pas à démontrer. Beaucoup de cas d’espèces. Une fois de plus ayons recours à Nicolas Hervieu pour tenter de discerner une conduite à recommander

Quoi que l’on pense de la pénalisation du négationnisme en général, et de l’issue de l’affaire Perinçek en particulier, force est de constater que l’appréciation de la Cour soulève de nombreuses interrogations. Par exemple : s’agissant du facteur historico-géographique, qu’en serait-il donc d’une potentielle négation du génocide rwandais en Suisse ? Et si l’on tient compte du facteur temporel, alors quid de la négation de l’Holocauste dans quarante ans ? Quant à l’examen de la nature des propos du requérant, comment ne pas tenir compte, entre autres, du fait qu’il soit le fondateur du Comité Talaat Pacha visant la réhabilitation de la mémoire d’un génocidaire – Comité condamné en 2006 par le Parlement européen pour être «xénophobe et raciste» ? Et pourquoi ne pas analyser avec la même précision que dans d’autres cas, tel que dans la récente affaire Dieudonné, la mécanique de la rhétorique négationniste et ses usages multiformes? Que penser de la distinction de principe posée par la CEDH entre la négation de l’Holocauste et celle des autres crimes contre l’humanité au risque de créer une inégalité de traitement ?

La question, inévitable, fera prochainement l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel en France : celui-ci est appelé à se prononcer pour la première fois sur la loi Gayssot de 1990, qui réprime la seule négation des crimes nazis, à la lumière du principe de l’égalité. Quant à la négation du génocide arménien : quelles conséquences après la décision de la Cour européenne des droits de l’homme ? Nicolas Hervieux de l’Université Paris-Ouest analyse la décision. La CEDH a jugé que la Suisse ne pouvait pas condamner les propos négationnistes tenus pas un politicien turc sur son sol.

Un «mensonge international». C’est ainsi que l’homme politique turc, Dogu Perinçek, qualifie le génocide arménien. Pour ces propos, tenus à trois reprises lors de conférences en Suisse, il a été condamné en 2007. Mais la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a donné tort à la justice suisse, le 15 octobre dernier. Ces propos n’ont pas porté atteinte «à la dignité des membres de la communauté arménienne au point d’appeler une réponse pénale en Suisse» ont estimé les juges. Une décision qui pourrait avoir des conséquences en France, où François Hollande avait promis, en 2012, une nouvelle loi pénalisant la négation du génocide arménien. Un premier texte avait été invalidé par le Conseil constitutionnel, quelques mois plus tôt.

Cette décision de la Cour européenne des droits de l’Homme peut-elle être considérée comme une remise en cause du génocide arménien ? Pour Nicolas Hervieu pas du tout ! La Cour ne s’est pas prononcée sur l’existence ou non du génocide, mais sur la question de savoir s’il était contraire à la liberté d’expression de pénaliser des propos qui le nient. De plus, elle a bien précisé qu’elle n’avait pas à dire si la pénalisation du négationnisme peut ou non se justifier en soi. La CEDH s’est prononcée sur une affaire particulière, celle concernant les propos tenus en Suisse par un homme politique turc et qui ont conduit à sa condamnation pour négationnisme.

Dans ce cas, en quoi le discours de Dogu Perinçek, qui nie le génocide, est-il jugé «acceptable» ? La CEDH part du principe que le négationnisme n’est pas, en soi, un discours prohibé, que nier un fait historique ne sort pas des limites acceptables de la liberté d’expression. Évidemment, il y a des exceptions, en cas d’appel à la violence, à la haine ou à l’intolérance. Mais les propos de cet homme politique, aussi incisifs soient-ils, n’ont pas été jugés assez violents pour relever de tels cas

La CEDH a aussi tenu compte du contexte du pays où la sanction a été prononcée. Elle juge que la Suisse n’a pas de liens historiques, géographiques et humains assez forts avec le génocide arménien pour justifier de pénaliser sa négation. Même la présence d’une communauté arménienne en Suisse n’a pas suffi.

Est-ce sur ce point qu’il y a une distinction entre le génocide arménien et la Shoah aux yeux de la Cour ? La CEDH le dit explicitement : dans des États qui ont connu les horreurs nazies – comme la Belgique, la France ou l’Allemagne -, la négation de l’existence de la Shoah peut être sanctionnée, compte tenu de la forte sensibilité de cet évènement historique. Dès lors, dans ces pays, de tels propos sont toujours présumés haineux et antisémites. Mais tout dépend du contexte particulier d’un État. Ainsi, en Arménie ou en Turquie, les propos niant le génocide arménien pourraient en soi être interdits. Mais ce n’est pas le cas en Suisse.

Cette décision est-elle une défaite pour les partisans de la pénalisation du génocide arménien en France ? Elle fragilise considérablement leur argumentation juridique. En 2012, le Conseil constitutionnel avait déjà censuré une loi qui allait dans ce sens. Cet arrêt ne renverse pas la jurisprudence, au contraire, il la renforce. Il serait donc étonnant que le législateur prenne le risque d’adopter une nouvelle loi, car elle aurait toutes les chances de subir le même sort. C’est aussi une mauvaise nouvelle pour ceux qui revendiquent la pénalisation du génocide rwandais ou cambodgien : il n’est pas acquis qu’un lien direct et suffisamment fort existe entre la France et ces faits commis dans des pays lointains. En revanche, la loi Gayssot – qui pénalise la négation de la Shoah et qui est actuellement contestée devant le Conseil constitutionnel – sort nettement renforcée.

Certes, la jurisprudence européenne n’est pas intangible, et pourrait varier dans quelques années, à la faveur d’une nouvelle affaire. Les juges sont très divisés sur cette question. L’arrêt concernant le génocide arménien a été rendu à une courte majorité de 10 contre 7. Les juges minoritaires ont critiqué cette décision, car elle risque d’ouvrir, selon eux, la porte à une forme de relativisme des génocides – selon les pays – et donc affecterait l’universalité des droits de l’homme. Mais cet arrêt, rendu par la Grande chambre de la CEDH, après de longs et riches débats, conservera pour longtemps une autorité considérable.

Ces deux points de vue nous confortent dans notre opinion que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme sont d’une subtilité très grande dans leur recherche d’un équilibre entre plusieurs tentations. Une dose importante de sagesse et de prudence dans des matières hautement inflammables et à l’impact politique redoutable.

 Henri-Pierre Legros


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Après la CEDH, au tour du tribunal correctionnel de Liège de condamner Dieudonné

lun, 30/11/2015 - 18:37

Après la Cour européenne des droits de l’homme, c’est au tour du tribunal correctionnel de Liège. Le mercredi 25 novembre, le tribunal correctionnel de Liège a condamné le polémiste Dieudonné à 2 mois d’emprisonnement et 9000€ d’amende pour avoir tenu des propos discriminatoires, antisémites, révisionnistes et négationnistes lors d’un spectacle à Herstal en mars 2012. Le Centre Interfédéral pour l’Egalité des chances s’était constitué partie civile, de même que le CCOJB et le Foyer culturel juif de Liège.

« Le Centre défend une liberté d’expression la plus large possible« , explique son directeur Patrick Charlier. « Nous disons oui à l’humour même lorsqu’il dérange, oui à l’humour décalé, oui à l’impertinence. Nous nous opposons aussi à toute censure préalable. La loi Antiracisme n’a pas pour objectif de limiter la liberté d’expression, mais bien de la préserver, en empêchant qu’elle ne soit détournée et utilisée à des fins de propagande haineuse. Dieudonné n’a pas juste dérapé. Il a déguisé un discours antisémite en spectacle soi-disant humoristique. C’est ce que nous voulions dénoncer en nous constituant partie civile. »

Le juge a estimé que le spectacle était de nature à inciter à la haine et qu’on ne pouvait donc plus le qualifier d’acte humoristique. Il a ajouté qu’il portait aussi atteinte à la dignité des personnes handicapées et homosexuelles (deux autres critères protégés par la loi Anti-discrimination). Il a dès lors assorti la condamnation d’une peine accessoire, à savoir la publication de l’intégralité du jugement dans deux quotidiens, afin de porter réparation à toutes les personnes visées par ses propos.

Pour rappel,  tout récemment Dieudonné a déjà été débouté par la Cour européenne des droits de l’Homme dans un autre dossier judiciaire. La Cour a appliqué l’article 17 (abus de droit) de la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui est assez rare. En d’autres termes, elle a considéré que Dieudonné abusait de son droit à la liberté d’expression pour porter atteinte aux droits et libertés reconnus par la Convention. Elle a ainsi clairement fait entendre qu’elle ne protégerait pas les spectacles négationnistes et antisémites.

Henri-Pierre Legros

Pour en savoir plus

     -. Communiqué du Centre Interfédéral pour l’Egalité des chances http://www.diversite.be/node/37457

     -. Liberté d’expression et discours de haine tout n’est pas permis au nom de la liberté d’expression article de Nea say- Eulogos N° 162 sur le jugement de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) http://www.diversite.be/node/37457

 


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Schengen : vers une évolution des règles de Schengen après les attentats de Paris !

dim, 29/11/2015 - 19:25

« Schengen est mort vive Schengen ! » : c’est le cri poussé par l’institut Jacques Delors. Une fois de plus son auteur, Antonio Vitorino, a su faire preuve de sagesse, de pertinence et de concision. L’essentiel rien que l’essentiel. Un appel à sauvegarder et à renforcer Schengen à rebours de la tentation dangereuse. Schengen c’est plus de liberté et de sécurité. A ceux qui, à mots couverts, prônent un « mini-Schengen » constitué autour d’une poignée de pays, Jean-Claude Juncker a répondu : « si l’esprit de Schengen quitte nos territoires et nos cœurs, nous perdrons plus que Schengen. Une monnaie unique ne fait pas de sens si Schengen tombe (…) Nous ne sauverons Schengen qu’en appliquant Schengen. Je me battrai pour cela ! ». De son côté Didier Reynders réclamait plus d’Europe aux frontières extérieures : « Plutôt qu’un mini-Schengen, je pense qu’il faut travailler sur les frontières actuelles de Schengen. Avec un contrôle européen renforcé aux frontières extérieures de l’Europe. Tout comme pour les hotspots pour les réfugiés, en Grèce et en Italie : ces postes aux frontières doivent être gérés par des équipes européennes. Tout l’enjeu réside aussi dans les discussions avec la Turquie ».

 1-. Des rappels utiles pour l’opinion publique manipulée par des opposants qui, à ce jour, n’ont réussi qu’à démontrer leur ignorance profonde de ce que c’est Schengen, y compris au plus haut niveau des responsabilités politiques et médiatiques

Schengen face aux crises internationales (attaques terroristes et afflux massif des réfugiés), dans une déclaration intitulée : « Schengen est mort? Vive Schengen! », faisant écho à l’Institut Jacques Delors, un consortium de grands journaux européens ont repris le mot d’ordre.

Les lâches et choquantes attaques terroristes de Paris et l’afflux massif de demandeurs d’asile vers l’Union européenne (UE) soulèvent des questions majeures quant à notre capacité à assurer le contrôle effectif de nos frontières extérieures, désormais communes. Ce sont aux chefs d’État et de gouvernement à prendre la mesure de ces crises sans précédent sur la base d’une vision politique claire, de développer une diplomatie plus proactive pour stabiliser notre voisinage. C’est à eux qu’il revient d’amplifier leur aide aux pays qui accueillent aujourd’hui la grande majorité des demandeurs d’asile syriens (Turquie, Jordanie et Liban), pour permettre à ces derniers de demeurer dans leur région d’origine. Nous devons nous unir pour combattre efficacement la menace terroriste, en Europe comme à l’extérieur. « Les réfugiés sont des victimes, non des menaces, et les Européens sont suffisamment forts pour relever dans la durée le défi de leur accueil et de leur intégration ». C’est à eux que revient aussi de renforcer les contrôles à nos frontières, en intensifiant notamment la lutte contre les terroristes, les réseaux de passeurs et la criminalité organisée, et donc les échanges entre services de police et de renseignement.

De nombreux outils européens existent : coopération policière et judiciaire (Système d’information Schengen, Europol, Eurojust, Frontex, Bureau d’appui en matière d’asile, etc),. Il faut simplement les utiliser et les diversifier face à la crise. Mobiliser ces outils est indispensable pour des raisons d’efficacité – un pays agissant seul est impuissant – mais aussi pour entretenir la confiance mutuelle entre États: tous doivent être convaincus qu’aucun d’entre eux ne néglige la mission de surveillance de nos frontières communes.

C’est d’abord pour mieux faire face au défi terroriste qu’il faut utiliser à plein l’outil « Schengen ».

« L’émotion que nous avons éprouvée après les attentats récents ravive un désir de réassurance qui peut se cristalliser autour du rétablissement des contrôles aux frontières nationales, compte tenu de leur poids dans nos imaginaires collectifs. Mais notre désir de sécurité sera satisfait dans le cadre même de l’espace Schengen. »

La grande majorité des 141 articles de la convention d’application de l’accord de Schengen a pour objet d’organiser la coopération policière

et judiciaire entre les autorités nationales – une coopération si utile que des pays non membres comme le Royaume-Uni ont souhaité y participer. « Schengen », c’est à la fois plus de liberté et plus de sécurité, deux avancées à consolider de manière parallèle.

Les attentats terroristes sont souvent commis par des nationaux, en Europe et ailleurs, mais ils ont des racines internationales : ils appellent donc des réponses européennes et internationales. Les terroristes sont fréquemment connus par la police et la justice ou les services de renseignement : c’est en accordant à ces derniers des moyens financiers, humains et juridiques supplémentaires, y compris via l’adoption d’un PNR [Passenger name record] européen, qu’on pourra lutter le plus efficacement contre les attentats. Non en affectant de manière stérile ces moyens à la surveillance des frontières intérieures de l’espace Schengen, pour y contrôler en pure perte les centaines de millions d’Européens qui les franchissent chaque mois.

« Schengen est la condition de notre sécurité : pour défaire le terrorisme, l’union fait la force, la désunion nous désarme. »

 La création récente de centres européens d’identification et de traitement des demandeurs d’asile (« hot spots ») en Grèce et en Italie s’inscrit aussi dans une logique européenne pour reprendre le contrôle de la situation à « nos » frontières. Et sans tarder ce début de ce mouvement d’européanisation : mise en place de gardes côte et de gardes frontière européens ; interventions maritimes sous mandat de l’ONU ; montée en puissance de Frontex, y compris dans les procédures de reconduite des migrants en situation irrégulière ; création de routes européennes d’immigration légale, etc.

Si les règles de Schengen prévoient le retour temporaire des contrôles aux frontières nationales en période de crise, il n’est dans l’intérêt de personne qu’ils s’éternisent compte tenu de leur coût économique et financier exorbitant mais aussi de son inefficacité: ce retour aux contrôles nationaux peut être une option temporaire sous la pression des évènements, il n’est en rien une solution ! C’est pour cesser de faire perdre du temps, et donc de l’argent, à des millions de routiers, de travailleurs frontaliers, d’ouvriers et d’entreprises exportant leurs produits partout en Europe que l’accord de Schengen a été signé il y a 30 ans, puis étendu au bénéfice de 400 millions d’Européens. Les raisons qui prévalaient il y a trente ans sont toujours là. Et c’est pour renforcer l’efficacité des douaniers et des policiers que les contrôles fixes, coûteux et faussement rassurants, ont été redéployés au profit de contrôles mobiles, du développement de la coopération policière européenne et du renforcement des contrôles aux frontières extérieures.

Un retour en arrière ferait à coup sûr des européens les premières victimes. Qui en seraient les premiers bénéficiaires ? La criminalité internationale organisée, les terroristes bien évidemment, la petite et grande délinquance mais qui en serait aussi les premières victimes, notre économie, notre compétitivité, nos finances publiques.

2-. Les dernières décisions des Ministres européens après les attentats de Paris

Après les attentats de Paris et Saint-Denis du 13 novembre 2015, un conseil extraordinaire des ministres européens de l’intérieur et de la justice s’est tenu le 20 novembre 2015.

Le Conseil s’est prononcé en faveur de la finalisation avant fin 2015 d’un accord pour la mise en place d’un fichage des passagers du transport aérien Le Conseil a décidé un renforcement de la lutte contre les armes à feu et salué les propositions de la Commission européenne pour la refonte de la directive sur les armes à feu. Il a également décidé de renforcer les échanges d’information ainsi que la lutte contre le financement du terrorisme.

Concernant le fonctionnement propre à Schengen, les États s’engagent à mettre en œuvre des contrôles systématiques et coordonnés aux frontières extérieures, y compris sur les ressortissants européens entrant dans l’espace Schengen sein de l’Union européenne, espace de libre circulation des personnes entre les États signataires de l’accord de Schengen.. Le contrôle des citoyens européens à l’entrée de l’espace Schengen nécessite une réforme législative du code Schengen. Le Conseil est favorable à la modernisation des systèmes de contrôle aux frontières : interconnexion des bases de données, enregistrement systématique, y compris des empreintes digitales, des ressortissants de pays tiers qui entrent illégalement dans l’espace Schengen, contrôles de sécurité systématiques. Rappelant qu’il a déjà présenté, le 9 novembre 2015, des propositions de révision du code frontières Schengen pour une « frontière intelligente », le Conseil demande à la Commission européenne de présenter une proposition législative qui comprendra aussi une modification du règlement Frontex afin que l’agence Frontex puisse contribuer à la lutte contre le terrorisme sur une base juridique solide.

 Henri-Pierre Legros

Pour en savoir plus

– . Les accords de Schengen http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/approfondissements/accords-schengen.html

 -. Qu’est-ce que Schengen et la citoyenneté européenne http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/ue-citoyennete/citoyennete-europeenne/qu-est-ce-que-espace-schengen.html

-. Citoyenneté européenne ; processus et problèmes http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/approfondissements/citoyennete-europeenne-processus-problemes.html

 -. Les accords de Schengen http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/approfondissements/accords-schengen.html

 -. La libre circulation des personnes, trente ans de fonctionnement de l’espace de Schengen http://www.vie-publique.fr/chronologie/chronos-thematiques/libre-circulation-personnes-union-europeenne.html

 -. Code frontière Schengen (dernière modification le 14 03 2014 (FR) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:l14514 (EN) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=URISERV:l14514&from=FR

      -. Fondation Robert Schuman , Schengen Trente ans après :bilan, faits et défis http://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0361-schengen-trente-ans-apres-bilan-realites-defis

 

     -. Texte du Code Frontière Schengen

Code frontières Schengen

Le présent règlement vise à consolider et à développer le volet législatif de la politique de gestion intégrée des frontières de l’Union européenne en précisant les règles relatives au contrôle aux frontières des personnes franchissant les frontières extérieures de l’UE et à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures.

ACTE

Règlement (CE) no562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) [voir acte(s) modificatif(s)]

SYNTHÈSE

Le présent règlement s’applique à toute personne franchissant les frontières extérieures d’un pays de l’UE, à l’exception du Royaume-Uni et de l’Irlande, et les frontières intérieures de l’espace Schengen (un espace sans frontières comprenant 22 pays de l’UE, ainsi que l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse).

Les frontières extérieures

Les frontières extérieures ne peuvent être franchies qu’aux points de passage frontaliers et durant les heures d’ouverture fixées.

Lors du franchissement d’une frontière extérieure, les citoyens de l’UE et les autres personnes bénéficiant du droit à la libre circulation en vertu de la législation de l’UE (par exemple les membres de la famille d’un citoyen de l’UE) font l’objet d’une vérification minimale. Cette vérification est effectuée en vue d’établir leur identité sur la base de leurs documents de voyage et consiste en un examen simple et rapide de la validité des documents (comprenant, le cas échéant, la consultation de bases de données relatives aux documents volés, détournés, égarés et invalidés) et de la présence d’indices de falsification ou de contrefaçon.

Les ressortissants des pays ne faisant pas partie de l’UE sont soumis à une vérification approfondie, qui comporte la vérification des conditions d’entrée, notamment une vérification dans le système d’information sur les visas (VIS), le cas échéant.

Pour un séjour n’excédant pas 90 jourssur une période de 180 jours , un ressortissant d’un pays ne faisant pas partie de l’UE doit:

  • être en possession d’un document de voyage;
  • être en possession d’un visa si celui-ci est requis;
  • justifier l’objet du séjour envisagé et disposer des moyens de subsistance suffisants;
  • ne pas être signalé aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen (SIS);
  • ne pas être considéré comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique et les relations internationales des pays de l’UE.

Si ces conditions ne sont pas remplies, l’entrée sur le territoire est, sous réserve des dispositions particulières (par exemple pour des raisons humanitaires), refusée. L’entrée ne peut être refusée qu’au moyen d’une décision motivée indiquant les raisons précises du refus notifiée par une autorité nationale compétente au moyen d’un formulaire uniforme. Une personne ayant fait l’objet d’une décision de refus d’entrée a le droit de former un recours contre cette décision et doit recevoir des informations écrites sur la procédure nationale.

Un cachet est systématiquement apposé sur le document de voyage des ressortissants de pays ne faisant pas partie de l’UE à l’entrée et à la sortie. Si le document de voyage n’est pas revêtu du cachet d’entrée, il peut être présumé que son titulaire ne remplit pas ou plus les conditions relatives à la durée de court séjour. Celui-ci peut toutefois apporter, par tout moyen crédible, la preuve démontrant qu’il a respecté les conditions relatives à la durée de court séjour, par exemple un titre de transport ou des justificatifs de sa présence en dehors du territoire des pays de l’UE. À la demande d’un ressortissant d’un pays ne faisant pas partie de l’UE, il peut être renoncé à l’apposition du cachet d’entrée ou de sortie lorsqu’elle risque d’entraîner des difficultés pour celui-ci. L’entrée ou la sortie est alors consignée sur un feuillet séparé avec mention du nom et du numéro du passeport de la personne.

Le contrôle aux frontières est effectué par les gardes-frontières . Ils doivent respecter pleinement la dignité humaine dans l’exercice de leurs fonctions et ne peuvent exercer envers les personnes aucune discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

Le code frontières Schengen permet aux pays de l’UE d’établir des points de passage frontaliers partagés avec les pays voisins ne faisant pas partie de l’UE auxquels les gardes-frontières de chaque pays effectuent des vérifications à l’entrée et à la sortie, successivement, conformément à leur droit national, soit sur le territoire du pays de l’UE concerné, soit sur le territoire d’un pays ne faisant pas partie de l’UE.

Les pays de l’UE mettent en place les effectifs et les moyens appropriés et suffisants pour assurer un contrôle à haut niveau et uniforme à leurs frontières extérieures. Ils doivent veiller à ce que les gardes-frontières soient des professionnels spécialisés et formés.

Les pays de l’UE se prêtent assistance pour que le contrôle soit mis en œuvre de manière efficace. La coopération opérationnelle est coordonnée par l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex).

Les frontières intérieures

Toute personne, quelle que soit sa nationalité, peut franchir les frontières intérieures en tout point sans que des vérifications soient effectuées. Toutefois, les autorités nationales de police gardent la possibilité d’exercer leurs compétences, y compris dans les zones frontalières intérieures, à condition que ces contrôles n’aient pas un effet équivalent aux vérifications frontalières.

Les pays de l’UE faisant partie de l’espace Schengen doivent supprimer tous les obstacles qui empêchent la fluidité du trafic aux points de passage routiers, y compris les limitations de vitesse qui ne sont pas fondées exclusivement sur des considérations de sécurité routière.

En cas de menace grave pour l’ordre public et la sécurité intérieure, les pays concernés peuvent exceptionnellement réintroduire le contrôle à leurs frontières intérieures pour une période de 30 jours au maximum (prolongeable aux conditions établies par le code) ou pour la durée prévisible de la menace grave. Cette mesure doit être prise en dernier ressort. Lorsqu’ils envisagent cette réintroduction, ils en avisent immédiatement les autres pays de l’UE et la Commission européenne en vue d’éventuelles consultations. Le Parlement européen et le Conseil doivent également en être informés au même moment.

Les pays de l’UE et la Commission peuvent se consulter, au moins 10 jours avant la réintroduction envisagée, afin d’organiser une coopération mutuelle et d’examiner la proportionnalité des mesures par rapport aux événements qui sont à l’origine de la réintroduction du contrôle. La décision de réintroduire le contrôle aux frontières intérieures est prise de manière transparente, et le public en est pleinement informé, à moins que des raisons impérieuses de sécurité ne s’y opposent.

Exceptionnellement, si une menace grave à l’ordre public ou à la sécurité intérieure d’un pays de l’UE demande une action immédiate, celui-ci peut réintroduire immédiatement le contrôle aux frontières intérieures; il notifie ensuite sa décision aux autres pays de l’UE et à la Commission.

Si, dans le cadre de l’évaluation de Schengen, des insuffisances graves sont identifiées dans la réalisation des contrôles aux frontières extérieures par un pays de l’UE, la Commission peut émettre des recommandations. Pour le pays de l’UE concerné, il peut s’agir de soumettre à Frontex des plans stratégiques reposant sur une évaluation des risques pour s’atteler à la situation, de lancer le déploiement d’équipes européennes de gardes-frontières ou, en dernier ressort, de déclencher la fermeture d’un point de passage frontalier particulier.

RÉFÉRENCES

Acte Entrée en vigueur Délai de transposition dans les États membres Journal officiel Règlement (CE) no562/2006 13.10.2006 – JO L 105 du 13.4.2006

Acte(s) modificatif(s) Entrée en vigueur Délai de transposition dans les États membres Journal officiel Règlement (CE) no296/2008 10.4.2008 – JO L 97 du 9.4.2008 Règlement (CE) no81/2009 24.2.2009 – JO L 35 du 4.2.2009 Règlement (CE) no810/2009 5.10.2009 – JO L 243 du 15.9.2009 Règlement (UE) no 265/2010 5.4.2010 – JO L 85 du 31.3.2010 Règlement (UE) no610/2013 19.7.2013 et, pour les dispositions concernant la durée d’un court séjour, 18.10.2013 – JO L 182 du 29.6.2013 Règlement (UE) no 1051/2013 26.11.2013 – JO L 295 du 6.11.2013

ACTES LIÉS

Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (Journal officiel L 158 du 30 avril 2004)

Règlement (CE) no 1931/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 fixant des règles relatives au petit trafic frontalier aux frontières terrestres extérieures des États membres et modifiant les dispositions de la convention de Schengen (Journal officiel L 405 du 30 décembre 2006)

Règlement (UE) no 1342/2011 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 modifiant le règlement (CE) no 1931/2006 aux fins d’inclure l’oblast de Kaliningrad et certains districts administratifs polonais dans la zone à considérer comme la zone frontalière (Journal officiel L 347 du 30 décembre 2011)

Règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) (Journal officiel L 243 du 15 septembre 2009)

Règlement (UE) no 1053/2013 du Conseil du 7 octobre 2013 portant création d’un mécanisme d’évaluation et de contrôle destiné à vérifier l’application de l’acquis de Schengen et abrogeant la décision du comité exécutif du 16 septembre 1998 concernant la création d’une commission permanente d’évaluation et d’application de Schengen (Journal officiel L 295 du 6 novembre 2013)

Recommandation de la Commission établissant un Manuel pratique à l’intention des gardes-frontières (manuel Schengen) commun à utiliser par les autorités compétentes des États membres lors du contrôle des personnes aux frontières [C(2006) 5186 final]

Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la mise en œuvre des dispositions relatives à l’apposition de cachets sur les documents de voyage des ressortissants de pays tiers conformément aux articles 10 et 11 du règlement (CE) no 562/2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) [COM(2009) 489 final – non publié au Journal officiel]

Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’application du titre III (Frontières intérieures) du règlement (CE) no 562/2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) [COM(2010) 554 final – non publié au Journal officiel] Dernière modification le: 14.03.2014

 

 

 


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Catégories: Union européenne

La CEDH valide l’interdiction du voile à l’hôpital. Le principe de laïcité à la française conforté, le droit des Etats à gérer le fait religieux reconnu.

dim, 29/11/2015 - 16:23

Porter un voile à l’hôpital risque de créer une discrimination : il faut l’enlever. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) valide une décision de la justice française

Refuser d’ôter son voile quand on est employé par un hôpital peut porter atteinte à l’égalité de traitement des malades, a estimé jeudi la Cour européenne des droits de l’Homme en validant une décision de la justice française.

 

La CEDH avait été saisie par une Française dont le CDD comme assistante sociale au sein du Centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, en banlieue parisienne, n’avait pas été renouvelé au motif qu’elle refusait de retirer son voile malgré les plaintes de certains patients.

 

La Cour a estimé, à l’unanimité, que cette décision, confirmée par les tribunaux administratifs français, ne violait pas l’article 9 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, selon lequel toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

La CEDH a noté qu’il y avait bien eu ingérence dans la droit de cette femme à manifester sa religion mais que cette ingérence « poursuivait le but légitime qu’est la protection des droits et libertés d’autrui ».

Les magistrats ont en effet considéré que « l’Etat qui emploie la requérante au sein d’un hôpital public peut juger nécessaire qu’elle ne fasse pas état de ses croyances religieuses dans l’exercice de ses fonctions pour garantir l’égalité de traitement des malades ».

D’après la Cour, la France avait donc le droit d’imposer l’obligation de neutralité des agents publics.

Elle souligne que le fait qu’une juridiction nationale ait accordé plus d’importance au principe de laïcité-neutralité qu’à l’intérêt de la requérante « de ne pas limiter l’expression de ses croyances religieuses » ne pose pas de problème au regard de la Convention.

Que retenir d’essentiel ?

« La Cour constate que le port du voile a été considéré par les autorités comme une manifestation ostentatoire de la religion incompatible avec l’obligation de neutralité des agents publics dans l’exercice de leur fonction . » Bien plus, cette exigence de neutralité découle du principe de laïcité « au sens de l’article 1er de la Constitution française » Ce principe de laïcité protège ainsi « les patients de l’hôpital de tout risque d’influence ou de partialité au nom de leur droit à leur propre liberté de conscience ». Et surtout insiste la Cour, elle ne viole pas le droit à la liberté de religion qui est ainsi réaffirmé, si besoin en était ! La Cour « estime que les autorités nationales n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation en constatant l’absence de conciliation possible entre les convictions religieuses de la plaignante et l’obligation de s’abstenir de les manifester ». La position de la CEDH n’est pas surprenante et reste conformes aux positions prises antérieurement lorsqu’elle avait été saisie sur les signes religieux dans les écoles publiques (cf. infra « Pour en savoir plus »)

Surtout l’arrêt de la Cour doit être vu, souligne le grand spécialiste de la Jurisprudence de la CEDH », Nicolas Hervieu, comme « une volonté de la CEDH de respecter la laïcité à la française. Une même situation intervenue dans un autre Etat membre aurait pu déboucher sur un arrêt différent car la Cour admet des positions diamétralement opposées dans la manière de gérer le fait religieux dans les Etats et par les Etats. Elle tend à reconnaître un droit à la liberté de manifester ses convictions religieuses. En 2013, les juges européens avaient condamné le Royaume-Uni «qui avait admis que la compagnie British Airways interdise le port d’une petite croix alors que la CEDH « jugeait que c’était une violation excessive de droit de manifester ses convictions religieuses sur son lieu de travail ». De la même manière en 2011 la CEDH avait toléré les crucifix dans les salles de classes en Italie après les avoir fait retirer et cela après une intense campagne dans l’opinion publique qui très majoritairement avait réclamé leur rétablissement. La CEDH soulignait par ailleurs que la présence de ces crucifix correspondait à une tradition bien établie. (cf. « Pour en savoir plus » les différents articles publiés par Nea say sur l’affaire des crucifix dans les salles de classe en Italie). De même que la présence des crucifix dans les salles de classe semble impensable en France, de même le principe de laïcité à la française ne saurait s’imposer dans toute sa rigueur partout en Europe, notamment où la séparation de l’Eglise et de l’Etat n’existe pas et où un statut existe comme par exemple l’Eglise anglicane au Royaume-Uni ou l’Eglise luthérienne eu Danemark.

C’est le fruit de l’histoire et des moeurs, manifestement la CEDH n’est pas pour les guerres de religions : tolérance et souplesse semblent gouverner la jurisprudence de la Cour.

 

Pour en savoir plus :

 

-. Texte du Jugement (EN) http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-158878#{« itemid »:[« 001-158878« ]} (FR) http://hudoc.echr.coe.int/eng#{« itemid »:[« 001-158878« ]}

 -. Fact sheets du Conseil de l’Europe sur les symboles et vêtements religieux http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Religious_Symbols_ENG.pdf

 -. Fact sheets liberté de religion du Conseil de l’Europe http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Freedom_religion_ENG.pdf

 -. Dossier de Nea say sur l’interdiction puis l’autorisation du crucifix dans les écoles en Italie http://www.eu-logos.org//eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3675&nea=162&lang=fra&arch=0&term=0

 


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Parlons plus fort : la liberté d’expression n’est pas négociable ! Il faut oser.

mer, 11/11/2015 - 17:50

Parler plus fort c’est maintenant ! L’UE et le Conseil de l’Europe dénoncent les restrictions dans certains pays ayant vocation à adhérer à l’Union. Ce n’est pas négociable contre un appui diplomatique ou autre, dans la recherche d’une aide dans la solution à la crise migratoire. La vice-présidente du Parlement européen, Ulrike Lunacek (Verts/ale autrichienne) et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks, ont dénoncé , mercredi 4 novembre, les restrictions à la liberté des médias et d’expression dans les pays de l’élargissement, et en particulier la Turquie.

« Sans la liberté, le pluralisme et la transparence dans les médias, la démocratie ne fonctionne pas, c’est une démocratie factice.

Cela nous inquiète dans les Balkans, en Turquie mais aussi dans l’UE » a déclaré Ulrike Lunacek lors de l’ouverture de la Conférence Speak Up.

La députée européenne a dénoncé les attaques contre la Presse en Turquie, avant les élections du premier novembre. Selon elle, « ce qu’on a vu en Turquie a vraiment compromis ce qu’on appelle des élections justes et libres » Mme Lunacek a souligné que la violation des droits de l’homme à l’égard des journalistes « dans un pays comme celui là n’est pas acceptable, on ne peut pas faire fi de cela ». Selon elle dialoguer avec le gouvernement turc sans parler des droits de l’homme n’est pas acceptable ».

Pour Nils Muiziniks s’il y a eu des progrès concernant la liberté d’expression en Turquie grâce à la Cour constitutionnelle, les avancées sont remises en question car les tribunaux reviennent à la charge contre les journalistes. Il a mis en avant les arrestations et les licenciements de journalistes, la fermeture d’un certain nombre de médias de l’opposition, la censure et la pression des autorités turques sur les médias sociaux. Si un journaliste turc a pointé le Président et le premier ministre turcs, pour le commissaire aux droits de l’homme, »le problème n’est pas les deux personnes, c’est beaucoup plus grave ». Il a désigné le système judiciaire : «  avoir une bonne loi, n’est pas suffisant, il faut un système qui protège moins l’Etat et plus l’individu ».Il a aussi rappelé que la liberté des médias dans les Balkans était un grave motif de préoccupations depuis longtemps. »Les enquêtes de police doivent aller jusqu’à identifier les auteurs et les arrêter » a-t-il ajouté soulignant encore les menaces dont sont victimes les journalistes.

De son côté le commissaire aux négociations d’adhésion, Johannes Hahn,a rappelé que la liberté d’expression était au cœur même » du processus d’intégration européenne et que cela « n’était pas négociable » . Les rapports de progrès des pays de l’élargissement sont publiés par la Commission européenne depuis le 11 novembre, Eulogos reviendra en détails sur ces rapports .

Pour en savoir plus :

     -. Conférence Speak up : compte rendu du Daily News http://www.hurriyetdailynews.com/it-is-the-eu-that-needs-to-speak-up-first.aspx?pageID=238&nID=90907&NewsCatID=396

     -. Compte rendu de Fair presse http://www.fairpress.eu/blog/2015/11/05/speak-up-3-freedom-of-media-is-at-the-core-of-the-eu-integration-process-and-is-not-negotiable/

 

 


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Guantanamo : Obama aurait été bien inspiré d’être allé de l’avant lorsque les démocrates détenaient la majorité dans les deux chambres . Peut-il ignorer l’appel de l’OSCE ? Obama peut-il défier le Congrès ?

mer, 11/11/2015 - 15:16

Un cruel dilemme ! Le Congrès américain, à majorité républicaine, a renouvelé le 9 novembre dernier l’interdiction de transférer aux Etats-Unis des détenus de la prison de Guantanamo, sur l’île de Cuba, afin d’empêcher le président Barack Obama de fermer le centre de détention militaire. Le Sénat a voté par 91 voix contre 3 en faveur de la grande loi sur la défense 2016, dans laquelle est réinscrite l’interdiction faite au Pentagone d’utiliser des fonds pour transférer sur le sol américain des détenus de la prison, jusqu’au 31 décembre 2016. La Chambre des représentants l’avait adoptée la semaine dernière par 370 contre 58.

Une première version de la loi avait été adoptée en octobre mais Barack Obama y avait opposé son veto, à cause d’un différend sur l’enveloppe budgétaire, et également à cause des restrictions sur Guantanamo. Mais cette fois, la Maison Blanche a confirmé mardi que Barack Obama promulguerait la loi, le Congrès disposant de la majorité de deux tiers nécessaire pour surmonter un veto.

Les transfèrements aux Etats-Unis ont été interdits par le Congrès en 2011, empêchant de fait le président américain de tenir sa promesse de fermer la prison militaire créée en 2002 et dans laquelle 112 prisonniers de la « guerre contre le terrorisme » de l’après 11-Septembre se trouvent encore.

Mais l’exécutif prépare ouvertement un plan pour transférer aux Etats-Unis les 59 détenus considérés comme les plus dangereux (les 53 autres étant classés comme transférables à l’étranger). Plusieurs prisons pour les accueillir sont à l’étude, en Caroline du Sud, dans le Kansas et le Colorado. Le Pentagone doit rendre public très prochainement un rapport à ce sujet.

Une telle décision se ferait en défiance totale du Congrès, et les républicains majoritaires dénoncent depuis plusieurs semaines un acte qui serait illégal. »S’il persiste, ce serait de façon flagrante anticonstitutionnel, bafouant les lois votées par le Congrès », a déclaré le républicain Michael McCaul, président de la commission de la Sécurité intérieure de la Chambre des représentants.

« Le Sénat a adopté de nombreuses fois depuis des années cette interdiction, soutenue par des membres des deux partis », a rappelé Mitch McConnell, chef de la majorité républicaine du Sénat.

Les élus des Etats où est envisagée la future prison pour enfermer les détenus de Guantanamo sont particulièrement furieux, disant craindre que le lieu devienne une cible d’attaques. Le quasi-consensus de mardi sur la loi de défense s’explique aussi par le fait que la loi autorise l’ensemble des activités de la défense pour l’année budgétaire 2016, soit 620 milliards de dollars jusqu’au 30 septembre 2016, un texte monumental qui définit tout, des programmes d’armement à une aide militaire à l’UKRAINE.

Et maintenant ?

Le Sénat vient de refuser sèchement la fermeture du centre de détention. L’OSCE exhorte toutefois l’Amérique à se conformer au droit, à montrer l’exemple en fermant une prison symbole des abus de la guerre contre le terrorisme

Barack Obama va-t-il devoir commettre un acte de défiance sans précédent du Congrès pour fermer la prison de Guantanamo? Ces prochains jours, le Pentagone va présenter et soumettre au Congrès un plan pour transférer près de la moitié des 112 détenus de la base américaine de Cuba aux Etats-Unis et transférer l’autre moitié, blanchie de toute accusation, dans leur pays ou dans un Etat tiers. Mardi, le Congrès a cependant déjà donné une idée de la manière dont le plan sera reçu. Le Sénat a renouvellé par 91 voix contre 3 l’interdiction déjà votée en 2011 de transférer tout détenu de Guantanamo aux Etats-Unis. La Chambre des représentants en a fait de même une semaine plus tôt, peu après que la Maison-Blanche eut opposé son veto à une loi similaire.

Le refus net du Sénat de fermer Guantanamo intervient le jour même où le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) publie un rapport de 280 pages exhortant les Etats-Unis à clore le centre de détention . Son directeur Michael Georg Link encourage le président Barack Obama dans ses efforts tout en déclarant: «Personne ne doit être soumis à la détention à durée illimitée sans procès. Comptant parmi les plus vieilles démocraties de l’OSCE, les Etats-Unis devraient montrer l’exemple en précisant clairement que tout citoyen a droit à un procès équitable. Les détenus doivent être soit inculpés, soit libérés.». En effet il n’y a pas de choix dans un Etat de droit démocratique : un détenu est libéré ou jugé .

Un sujet explosif en période pré-électorale. Les Etats-Unis sont entrés en période pré-électorale peu propice à des accords bipartisans au Congrès. Nombre de républicains affirment déjà haut et fort que Guantanamo doit rester , voire même accueillir de nouveaux présumés terroristes. De tous les sujets explosifs, il est le plus explosif ! Le sujet est explosif. L’administration démocrate va néanmoins tenter le tout pour le tout. Des émissaires du Pentagone ont passé l’été à évaluer des centres de détention potentiels au Colorado, en Caroline du Sud et au Kansas pour accueillir des détenus. Le plan du Pentagone nécessite toutefois l’approbation très improbable du Congrès sous contrôle républicain. Or le président démocrate l’a répété dans plusieurs discours. La Vice-présidente de la Commission du renseignement du Sénat, la démocrate Dianne Feinstein très active (cf. article dans Nea Say) renforce le message: «Ce n’est pas un hasard si l’Etat islamique […] habille ses victimes dans les mêmes combinaisons orange que celles utilisées à Guantanamo avant de procéder à leurs atroces décapitations.» L’aspect financier est aussi important. Garder un détenu à Guantanamo coûte trois millions par année. Aux Etats-Unis, c’est trente fois moins cher. Experte du dossier Guantanamo chez Human Rights Watch, Letta Tayler met néanmoins en garde: «Le transfèrement de détenus de Guantanamo dans des prisons de haute sécurité aux Etats-Unis ne résout pas le problème si ceux-ci n’ont toujours pas droit à un procès équitable en conformité avec les Conventions de Genève. Des conditions de détention difficiles aux Etats-Unis pourraient par ailleurs aggraver leur santé psychique déjà affectée par des années de détention.»

L’arme ultime du décret présidentiel. Pour Barack Obama qui a fait de la fermeture de Guantanamo l’une de ses promesses de campagne, le temps presse et les difficultés s’accumulent. Si son plan est rejeté par le Congrès, il est apparemment prêt à utiliser l’équivalent de l’arme nucléaire, le décret présidentiel. Ses juristes planchent sur les arguments, notamment sécuritaires, devant permettre au président un tel acte de défiance du Congrès. Dans une telle hypothèse, les républicains promettent de lui déclarer la guerre. Face à l’incapacité du Congrès de s’entendre sur une réforme globale de l’immigration, la Maison-Blanche avait déjà agi par décret présidentiel. Mais celui-ci vient d’être jugé inconstitutionnel par une cour d’appel.

Un échec programmé ? et la lettre du 1er septembre dernier de Human Rights Watch à Obama dans laquelle il présente son plan pour fermer n’y changera rien.

Pour en savoir Plus

     -. Articles du journal le Temps http://www.letemps.ch/monde/2015/11/10/chemin-croix-obama-fermer-prison-guantanamo

     -. Articles publiés dans Eulogos Nea Say sur Guantanamo http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3675&nea=162&lang=fra&arch=0&term=0

     -. Osce/Odhir : Report on the Human Rights Situation of Detainees at Guantanamo http://www.osce.org/odihr/198721?download=true

     -. UK Guantanamo detained released http://www.bbc.com/news/uk-34675324#« 

     -. Human rights watch lettre à Obama pour fermer Guantanamo : https://www.hrw.org/news/2015/09/01/letter-obama-regarding-plan-close-guantanamo-bay-detention-facility

     -. Human Rights Watch : News released https://www.hrw.org/topic/terrorism-counterterrorism/guantanamo

 


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Liberté d’expression et discours de haine: tout n’est pas permis au nom de la liberté d’expression.

mer, 11/11/2015 - 10:10

«Coup d’arrêt » de la Cour européenne des droits de l’homme aux discours négationnistes, de haine, d’antisémitisme. Dieudonné condamné : la Cour ne protège pas de telle démonstration aussi dangereuse qu’une attaque frontale et abrupte contre la Shoah et les juifs a tranché la CEDH .Faire applaudir sur scène un négationniste notoire ne relève pas de la liberté du spectacle, mais d’une « démonstration de haine et d’antisémitisme », a tranché mardi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), en déboutant le polémiste français Dieudonné.

Dieudonné M’Bala M’Bala avait saisi les juges européens en faisant valoir une atteinte à sa liberté d’expression, en raison d’une amende de 10.000 euros qui lui avait été infligée par la justice française pour « injure » à caractère racial. Le polémiste avait été condamné pour son spectacle du 26 décembre 2008 au Zénith de Paris. Ce soir-là, il avait convié sur scène le négationniste Robert Faurisson, l’avait fait applaudir par le public et lui avait fait remettre un « prix de l’infréquentabilité » par un comparse déguisé en déporté juif.

La Cour européenne a estimé que « la soirée avait perdu son caractère de spectacle de divertissement pour devenir un meeting qui, sous couvert de représentation humoristique, valorisait le négationnisme ». « Travestie sous l’apparence d’une production artistique », la « prise de position haineuse et antisémite caractérisée » à laquelle s’est livré le polémiste « est aussi dangereuse qu’une attaque frontale et abrupte » contre la mémoire de l’Holocauste et les juifs, et ne « mérite donc pas » d’être protégée par la liberté d’expression, a tranché la CEDH.

Dans une décision définitive, elle a déclaré irrecevable la requête de celui qu’elle qualifie d' »humoriste engagé en politique », en soulignant que la Convention européenne des droits de l’Homme, dont elle est la garante, ne protégeait pas « les spectacles négationnistes et antisémites ». Pour la Cour, invoquer la liberté d’expression dans un tel cas relève d’un « abus de droit »: Dieudonné a tenté de « détourner » la Convention de sa « lettre » et de son « esprit », ont estimé les juges. Selon eux, admettre le raisonnement du requérant aurait contribué « à la destruction des droits et libertés garantis » par cette Convention.

– Le premier ministre, Manuels Valls , a twitté sa satisfaction.

Interrogé par l’AFP, l’avocat du polémiste de 49 ans, Me Jacques Verdier, a fait part de sa « profonde déception ». La CEDH n’a pas été « à même de dépasser un certain nombre de basses considérations, qui sont celles de certaines associations qui, par principe, luttent contre Dieudonné », a-t-il déploré.

Le Premier ministre français Manuel Valls – qui lorsqu’il était ministre de l’Intérieur était monté en première ligne pour faire interdire les spectacles de Dieudonné – a salué mardi sur Twitter une décision « ferme et belle ». « Nul ne peut se cacher derrière la liberté d’expression pour se livrer à l’antisémitisme, à la haine », a tweeté M. Valls, qui poursuit actuellement Dieudonné devant les tribunaux. Ce dernier l’avait traité de « Mussolini moitié trisomique » dans une vidéo diffusée sur internet.

 

C’est la première fois que la CEDH était appelée à se prononcer sur Dieudonné – un habitué des prétoires français, plusieurs fois condamné pour ses propos antisémites. Dans les mois à venir, elle aura toutefois d’autres occasions de se pencher sur son cas: le polémiste a déposé des requêtes – toujours pendantes à Strasbourg – contre l’interdiction par les autorités françaises de trois de ses spectacles en janvier 2014, à Nantes, Orléans et Tours. Devant les tribunaux, Dieudonné s’était défendu en expliquant que l’arrivée de M. Faurisson sur scène avait été « très drôle » et que les spectateurs avaient ri. Mais la CEDH, pas plus que la justice française, n’a adhéré à cette analyse. « Les réactions du public (du Zénith) montrent que la portée antisémite de la scène a été perçue par les spectateurs », relèvent les juges européens.

Pour le juriste français Nicolas Hervieu, spécialiste de la CEDH et de sa jurisprudence, les magistrats européens ont opposé à Dieudonné une « fin de non recevoir très brutale, qui douche tous les espoirs de ceux qui voudraient, sous couvert d’humour, exploiter les failles des dispositifs nationaux de lutte contre le racisme et l’antisémitisme ». Cet arrêt marque également, de la part des magistrats européens, une « volonté de consolider une jurisprudence qui a toujours été très ferme sur la négation de la Shoah », selon M. Hervieu. Mais le message ne s’adresse pas uniquement à Dieudonné mais aussi à tous les pratiquants connus ou pas et à tous ceux qui sont tentés de prêter une oreille complaisante à de tels propos. Le message s’adresse à tous les extrémismes, comme l’avait pressenti Nicolas Hervieu.

Notons enfin que comme l’a souligné Nicolas Hervieu dans un article remarquable de janvier 2014 dans l’attente d’une prise de position de la CEDH (cf. infra  « pour en savoir plus » de la CEDH)un nœud gordien a été tranché : dans son article il avait souligné que seul la CEDH pouvait régler le dilemme, « le négationnisme prisme révélateur du dilemme européen face à la lutte contre l’extrémisme »

Pour en savoir plus :

     -. Revue des droits de l’homme : « le négationnisme prisme du dilemme européen face à la lutte contre l’extrémisme » https://revdh.revues.org/503 

     -. Fiche thématique de la CEDH sur la liberté d’expression et le discours de haine http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Hate_speech_FRA.pdf

     -.Guide pratique sur la mise en œuvre de l’article 10 de la CEDH (liberté d’expression) https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=090000168007ff5b

     -. La liberté d’expression dans la jurisprudence de la CEDH http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2015/09/08/la-liberte-d-expression-dans-la-jurisprudence-de-la-cedh-921722.html

     -. Communiqué de presse de la Cour http://www.google.be/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&frm=1&source=web&cd=1&ved=0CBsQFjAAahUKEwjGyJDF4YbJAhVDOxQKHVDIBCY&url=http%3A%2F%2Fhudoc.echr.coe.int%2Fapp%2Fconversion%2Fpdf%3Flibrary%3DECHR%26id%3D003-5219432-6470458%26filename%3DD%25E9cision%2520M’Bala%2520M’Bala%2520c.%2520France%2520-%2520la%2520Convention%2520ne%2520prot%25E8ge%2520pas%2520les%2520spectacles%2520n%25E9gationnistes%2520et%2520antis%25E9mites.pdf&usg=AFQjCNGmdGGlDdZXYP-h0w3ugkjC8xwlCA&bvm=bv.106923889,d.bGg

     -. Journal libération http://www.liberation.fr/france/2015/11/10/pour-la-justice-europeenne-la-prise-de-position-antisemite-de-dieudonne-n-est-pas-du-spectacle_1412402

     -. Journal le Figaro http://www.lefigaro.fr/culture/2015/11/10/03004-20151110ARTFIG00193-dieudonne-deboute-par-la-cour-europeenne-des-droits-de-l-homme.php

     -. Journal le Monde http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2015/11/10/la-cedh-rejette-la-demonstration-de-haine-et-d-antisemitisme-de-dieudonne_4806574_1653578.html

 

 

 

 

 

 


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Face aux crises dans ses voisinages, et chez elle, l’Europe entre est et sud.

dim, 08/11/2015 - 22:31

Les articles et les colloques se sont multipliés sur le sujet, mais peu (voire pas) se sont interrogés sur le point de savoir où commencer la partition entre est et sud, est-elle réellement entre les membres de l’Union et ceux qui n’en font pas partie ou pas encore ? Une question bouleversante pour les uns, inactuelle tenteront de minimiser d’autres. Et si la partition était géographique ou historique plus qu’elle n’est institutionnelle, l’appartenance à l’Union ?

L’Europe a-t-elle ? doit-elle avoir une politique vis-à-vis de voisinages,  si différents?

Les éclats de ces derniers temps ont été tels que l’on s’interroge : assistons-nous au retour de la fracture européenne est-ouest de la guerre froide ? cette fracture est-elle récente ? ce serait oublier celle survenue à l’occasion de la guerre en Irak lancée par George W Bush : déjà la violence des prises de positions de cette partie de l’Europe avait été telle qu’on a pu la qualifier alors de « pratique de la terre brulée » (Nicole Gnesotto,Libératiob du 17 février 2003).Incompréhensible pour bien des européens encore dans l’euphorie de la chute du mur de Berlin. C’est clair ne s’appliquait pas à eux ce jugement qu’avait porté Jacques Delors concernant les nouveaux adhérents portugais et espagnols : « ils sont épatants, on a l’impression qu’ils sont avec nous depuis toujours ».

Mais la fracture nord-sud n’est-elle pas plus importante ?

L’intégration au modèle ou à la réalité institutionnelle de l’Union ne constitue pas un objectif pour ces pays, à commencer par ceux qui en sont membres, laissant apparaître que l’appartenance à  l’est serait plus importante que l’appartenance à l’Union ! Un second élément de différenciation : la grande instabilité et la grande violence politiques de ces pays. L’alternance politique y est souvent mal vécue.

Que ce désaccord européen traduise des différences majeures de perception entre les pays d’Europe centrale et les autres partenaires de l’Union, c’est une évidence dont est surpris qu’elle ne soit pas plus souvent relevée. Ces différences portent sur la culture politique, sur les représentations et les perceptions de l’identité européenne, de la place de l’Europe dans le Monde, sur la place de certaines valeurs communes. Les sociétés d’Europe centrale et orientale sont en général plus fermées culturellement et globalement plus homogènes ethniquement parlant, moins tolérantes que la plupart des autres sociétés européennes. Tout cela s’explique par une histoire tragique au XXème siècle qui n’a pas favorisé les qualités qu’on attend de partenaires engagés dans « une Union toujours plus étroite ».Malgré cela on reste surpris par les violences à l’égard des minorités historiquement établies dans ces pays (minorités hongroises, roms , roumaines etc…) minorités qui ne sont pas le fruit d’immigrations récentes. Ces pays n’ont pas de tradition d’immigration récente en raison de la fermeture communiste ou de la faible attractivité de leur marché de l’emploi.

Pour rendre l’analyse encore plus complexe il est utile de faire remarquer que l’euroscepticisme et les attitudes anti-immigrés ne sont pas propres à ces pays même si à l’ouest et au nord leur expression diffère. Cela laisse augurer l’intensité du travail de pédagogie à mener dans leur direction, d’autant plus qu’on reste frappé par l’attitude extrêmement dur, rigide élevée sur les problèmes en discussion : c’est une question de principe, ils sont non négociable. On reste frappé également par leur sous-estimation d’un engagement européen profond et approfondi par plus de cinquante ans de pratique même si cet engagement semble refluer au cours de ces dernières années.

La construction européenne en est-elle pour autant menacée. Sans doute pas : les plus grands perdants de cet éventuel « détricotage » de l’Europe seraient ces pays d’Europe centrale et orientale. Ce groupe de pays reste dans sa composition déséquilibré, hétérogène, aux perceptions mutuelles antagonistes, voire plus. Ces groupes ne sont pas le couple franco-allemand ou le Benelux ou même la coopération nordique. La menace n’est pas là, mais dans ce problème persistant, lancinant de l’identité européenne, de la déprime collective, du manque de confiance en soi face aux défis et menaces et ce problème touche l’ensemble de l’Europe.

Le choc migratoire actuel a exacerbé les tensions sous-jacentes. Essayons de comprendre comme nous y invite Jacques Rupnik grand spécialiste de ces pays. A l’ouest s’est établi, avec des variantes, de longue date un modèle libéral de sociétés multiculturelles, de son côté l’est de l’Europe connaissait des sociétés fermées n’ayant pas connu des migrations en provenance du sud. Or la perception à l’est la plus répandue est celle d’un échec du modèle culturel, devenu un véritable repoussoir : migrations aujourd’hui, banlieues de l’Islam demain. « Je ne veux pas que Brno devienne Marseille » a dit un ancien ministre slovaque à Jacques Rupnik. A ceux qui invoquent le droit d’accueil et de solidarité, Viktor Orban répond qu’il agit pour protéger « la civilisation européenne » et la chrétienté et le premier ministre social démocrate slovaque, Fico, d’ajouter : « la Slovaquie n’a aucun devoir. Ce n’est pas elle qui a provoqué le chaos en Libye ».On pourrait lui faire remarquer qu’il avait avec ses voisins encouragé l’intervention américaine en Iraq !

Le choc migratoire auquel est confronté l’Europe révèle aussi que si la convergence est-ouest des économies et des systèmes après la glaciation soviétique (J. Rupnik le monde du 3 septembre) fut spectaculaire depuis vingt ans, « l’évolution des mentalités, du rapport à l’altérité, du modèle de société reste très différente » . Les positions fortes d’Angela Merkel et l’influence de l’Allemagne pourront-elles faire évoluer suffisamment ses voisins ? De plus, et on le voit surtout au Royaume-Uni, les poussées migratoires du sud on un impact sur la libre circulation et l’installation des européens de l’est en Europe occidentale : un amalgame s’opère entre les demandes de restrictions des migrations qu’elles soient intra ou extra communautaires. De quelles menaces parle-t-on à Budapest, Bratislava, Vilnius ou Prague ? par sa politique impuissante et incohérente, l’UE « s’est laissée envahir par les migrants menaçant les pays européens d’un conflit social, économique, culturel et sécuritaire sans précédent » (Orban). De toutes les menaces annoncées c’est la menace identitaire, culturelle et civilisationnelle qui est la plus importante pour comprendre le consensus politique dans les élites et la forte adhésion des populations à leurs discours qualifiés alors de populistes. Ces nations sans Etat ont construit au XX ème siècle des Etats-nation enfermées dans un contexte totalitaire qu’il s’agisse de Hitler ou de Staline ou ses successeurs.

Après avoir œuvré pendant plusieurs décennies à surmonter le clivage est-ouest en Europe prioritairement sur le plan de l’économie et de son organisation, l’UE découvre la profondeur d’un clivage sociétal, culturel, des mentalités. Il ne sera pas surmonté par des menaces (couper les fonds), des admonestations mais en démontrant qu’une nouvelle forme d’intégration collaborative existe. Elle a permis des réconciliations longtemps jugées impensables : la réconciliation franco-allemande mais aussi entre les « deux Irlande », on l’oublie trop souvent. Cette intégration collaborative, selon le modèle communautaire, est porteur de bien plus de prospérité, d’égalité, de paix civile dans un débat démocratique apaisé.

Constatons que l’Europe est divisée face à l’implosion de ses deux voisinages au sud comme aussi à l’est, avec la crise Ukrainienne et tous ses prolongements. La crise Ukrainienne comporte un potentiel migratoire : 500 000 réfugiés ukrainiens en Pologne, 300 000 en république Tchèque. Demain combien ? et de quelle provenance ? Si les pays d’Europe centrale et orientale tiennent à ce que l’Europe reste engagée face au voisinage à l’Est ils devront aussi accepter de participer à une forme de cogestion des migrations du sud.


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Catégories: Union européenne

Une Institution européenne pas connue : la Banque de développement du Conseil de l’Europe (ECB) et son Fonds pour les migrants et les réfugiés.

sam, 07/11/2015 - 17:47

C’est à l’occasion d’un évènement relativement marginal (la contribution du Luxembourg à hauteur de 500 000 euros) que la Banque a acquis un peu de visibilité, ce qu’elle mérite amplement. Ce Fonds pour les migrants et les réfugiés (MRF) a été mis en place récemment .Sur proposition du Gouverneur Wenzel, les États membres de la CEB ont approuvé à l’unanimité la création du MRF en octobre 2015. Le Fonds financera en priorité des centres d’accueil et de transit. Les projets visant à faciliter l’intégration des migrants et des réfugiés pourront également bénéficier de financements.

La CEB a doté le MRF de 5 millions d’euros et invité des donateurs à apporter des contributions supplémentaires pour atteindre un montant de l’ordre de 20 à 25 millions d’euros. Jusqu’à présent la Banque a accordé une aide d’urgence de 4,5 millions d’euros en faveur de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » et de la Serbie afin d’assister ces pays à faire face à l’afflux de migrants et de réfugiés.

Le Luxembourg, qui assure la présidence du Conseil de l’Union européenne jusqu’à décembre 2015, rejoint Chypre, l’Allemagne, la République slovaque et la Banque européenne d’investissement (BEI), qui se sont déjà engagés à contribuer au MRF.

Le Gouverneur Wenzel a remercié le Luxembourg et exprimé le souhait de voir d’autres donateurs apporter leur contribution au MRF. En effet pour l’instant on ne se bouscule pas pour apporter sa contribution au MRF.

Fondée en 1956, la CEB (Banque de Développement du Conseil de l’Europe) compte 41 États membres, dont 22 pays d’Europe centrale, orientale et du Sud-Est formant les pays cibles de la Banque. En tant qu’instrument majeur de la politique de solidarité en Europe, la Banque finance des projets sociaux en mettant à leur disposition des ressources levées dans des conditions reflétant la qualité de sa notation (Aa1 auprès de Moody’s, perspective stable, AA+ auprès de Standard & Poor’s, perspective stable et AA+ auprès de Fitch Ratings, perspective stable). Elle accorde des prêts à ses États membres, à des établissements financiers et à des autorités locales pour le financement de projets dans le secteur social, conformément à son Statut

Pour en savoir plus :

Mission est histoire de la CEB (FR) http://www.coebank.org/fr/about/ (EN) http://www.coebank.org/en/about/

 


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Catégories: Union européenne

Cyberespace européen : les agences comme bouclier sécuritaire (2/2)

ven, 06/11/2015 - 07:10

La cybersécurité est devenue, au fil des années, une des principales priorités principales dans la coopération judiciaire et policière de l’UE. Face à l’évolution du monde numérique et des menaces qui y sont liées, l’Union européenne s’est vite rendue compte qu’il fallait agir à travers une coopération active entre les pays membres : la cybercriminalité ne connaît pas de frontières et une collaboration transnationale est donc nécessaire. Pour faciliter la lutte contre la cybercriminalité et améliorer la coopération entre les États membres, l’Union européenne a misé sur l’action des agences européennes concernées par la coopération judiciaire et policière. Mais en quoi consiste l’action des agences européennes face à la cybermenace ? Cette action est-elle réellement efficace et complète face à l’évolution du cyberespace?

L’action européenne visant la lutte à la cybermenace a été introduite par la Commission européenne en 2013 avec la présentation de la Stratégie de cybersécurité de l’Union européenne. Cette stratégie qui vise à la création d’un cyberespace « ouvert, sûr et sécurisé », se concentre sur trois objectifs principaux : la cyber-résilience, la cybercriminalité et la cyberdéfense. En effet en poursuivant des motivations économiques, politiques et idéologiques liées aux droits fondamentaux, la Stratégie de cybersécurité veut faire en sorte que l’UE atteigne la cyber-résilience, réduise drastiquement la cybercriminalité et développe des politiques de cyberdéfense.

Pour rendre possible la politique européenne en la matière, l’action des agences européennes est nécessaire : chaque agence agit dans un des trois domaines visés par la Stratégie afin de rendre le cyberespace plus sûr pour les citoyens, les gouvernements et les entreprises privées.

Pour mieux comprendre l’action européenne en termes de cybersécurité, attardons-nous sur la réelle capacité et la réalisation des trois objectifs par les agences européennes.

La cyber-résilience

La Cyber-Résilience, au niveau européen, prévoit que l’Union européenne puisse faire face aux cyber-risques et aux menaces cybernétiques de dimension transnationale. Cela permettrait une intervention coordonnée en cas d’urgence et un niveau de sécurité plus élevé sur le sol européen.

Le but est donc celui d’améliorer les moyens et les ressources, dans le secteur privé ou public, afin de prévenir, détecter et gérer les incidents de cybersécurité.

Pour renforcer la cyber-résilience l’Union européenne a crée en 2004 une agence capable de renforcer la sécurité des réseaux et de l’information : ENISA (European Union Agency for Network and Information Security).

ENISA a pour mission :

  • D’assister et de conseiller, en tant qu’expert, les Etats membres et la Commission européenne afin d’intensifier leurs efforts dans la Protection des infrastructures l’Information (PIIC) et ainsi renforcer la sécurité des réseaux.
  • De développer des bonnes pratiques afin créer de façon appropriée des stratégies de cybersécurité, des exercices de simulation de cyberincidents, ou des plans nationaux de contingence.
  • De favoriser le contact et l’échange d’informations entre les différentes institutions nationales, en facilitant le dialogue entre le secteur public et le secteur privé, pour prévenir et répondre de façon efficace aux cyberincidents

L’agence ENISA est donc une agence technique d’expertise qui aide les Etats membres et l’Union européenne en matière de cybersécurité.

Son travail est aussi de sensibiliser les Etats, les entreprises privés et les citoyens des risques liés au cyberespace par le biais de rapports, l’organisation d’ateliers d’experts et le développement de partenariats public-privé.

La cybercriminalité

La cybercriminalité est un phénomène de plus en plus répandu et dangereux pour les utilisateurs d’internet : on estime que chaque jour plus d’un million de personnes sont victimes de cybercriminels qui profitent souvent de l’anonymat et de réseaux toujours plus sophistiqués.

L’Union européenne s’est vite rendue compte que pour combattre ce nouveau phénomène, il était nécessaire d’agir au niveau européen à travers la création une législation européenne solide et efficace, une meilleure coordination entre les pays membres et de nouveaux moyens opérationnels communs.

Pour réaliser cela, en 2013 l’UE a créé le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) au sein de Europol dans le but de mieux aider et coordonner les Etats membres et les services répressifs nationaux face aux cybermenaces. Si EC3 est pour ainsi dire le centre européen de « cyberintelligence », celui-ci collabore étroitement avec Eurojust qui est le bras judiciaire de l’UE et qui facilite les procédures légales transnationales.

L’EC3 déploie, donc, des aides techniques, opérationnelles et analytiques: il aide les Etats membres dans les opérations et dans les enquêtes à travers des moyens d’expertise, de coordination et d’analyse et il rend effective la collaboration entre les agences et les institutions impliquées dans la coopération policière face à la cybercriminalité.

Mais l’action du Centre européen se limite seulement à trois domaines de la cybercriminalité :

  • la cybercriminalité commise par des groupes criminels organisés et générant des profits à large échelle c’est-à-dire la fraude en ligne
  • la cybercriminalité qui crée des dommages importants aux victimes c’est-à-dire l’exploitation sexuelle des enfants en ligne
  • la cybercriminalité visant les infrastructures critiques et les systèmes d’information dans l’UE à travers des cyberattaques

Pour ce qui concerne la fraude en ligne, légiférée par la décision-cadre du 28 mai 2001, l’EC3 agit dans le but de combattre les fraudes de paiements en ligne qui peuvent consister soit dans la duplication d’une carte bancaire (Card present fraud), soit dans l’utilisation illégale des données d’une carte bancaire (Card-not-present fraud).

En juin 2013, par exemple, l’EC3 a coordonné l’action de 16 Etats membres dans plus de 38 aéroports lors de l’opération « European Airline Action Day ». L’opération a porté au démantèlement d’un réseau de fraudeurs qui détournaient des cartes de crédit pour l’achat de billets d’avion : plus de 200 transactions suspectes ont été signalées et 117 arrestations ont eu lieu. L’opération a mis en évidence des liens entre ce réseau de fraudeurs et d’autres activités de cybercriminalité, comme par exemple, des viols de bases de données d’établissements financiers ou la diffusion de données de cartes de crédit.

La lutte à la fraude en ligne est d’autant plus importante que ce type de crime est toujours plus répandu et toujours plus de personnes utilisent le mode de paiement par carte: en 2013 ce type de fraude a engendré plus de 1,4 millions d’Euro, ce qui représente une augmentation de 8% par rapport à l’année précédente.

Pour ce qui concerne l’exploitation sexuelle des enfants en ligne, condamné par l’Union européenne le 13 décembre 2011 avec la Directive 2011/92/UE, l’EC3 est fortement impliqué dans la lutte contre la pédopornographie et le « cyberharcèlement » des enfants. La priorité du Centre européen est de protéger les victimes, mais surtout de prévenir ce type d’abus. En 2013, EC3 a soutenu 9 opérations dans Union européenne contre l’exploitation sexuelle des enfants.

Pour finir, les cyberattaques contre les infrastructures critiques et les systèmes d’information dans l’UE sont définis comme crimes de hautes technologies et légiférés par la directive 2013/40/EU du 12 août 2013. L’EC3 agit contre les logiciels malveillants, les logiciels de décodage, le piratage, l’«hameçonnage », l’intrusion et l’usurpation d’identité.

Le danger est d’autant plus grand que non seulement les citoyens peuvent être vulnérables mais aussi les institutions publiques ou les entreprises privé.

La première cyber attaque à l’encontre des institutions étatiques a été recensée en 2007 en Estonie : des sites russes ont, en effet, attaqué des sites de l’administration estonienne par le biais des réseaux zombies prenant le contrôle des données.

En ce qui concerne les entreprises privées sont très vulnérables face aux cyberattaques et leurs données sensibles sont souvent exposées aux dangers cybernétiques, comme dans le cas de AshleyMadison en mai et juillet 2015.

L’EC3 s’est notamment investi dans ce secteur de cybercriminalité. En juin 2013, par exemple, les opérations Ranson I et Ranson II ont été mises en place : elles ont démantelé un réseau criminel qui mettait en place des logiciels de décodage dans plus de 80 pays dans le monde en affectant 21.000 servers et porté à l’arrestations de 13 personnes et à la saisie de 50.000 Euro.

La cyberdéfense

Les efforts de cybersécurité prévoient notamment une dimension de cyberdéfense pour le développement d’outils de détection, intervention et récupération en cas de menace importante et cybernétique. Cela prévoit le déploiement d’une approche civile mais aussi militaire pour la protection des cyber infrastructures critiques. L’agence chargée de la cyberdéfense est l’Agence européenne de défense (AED) : elle définit les exigences de cyberdéfense opérationnelle de l’UE, promeut les moyens logistiques et les technologies de cyberdéfense, élabore des politiques européennes en la matière pour protéger les réseaux et pousse au dialogue entre acteurs civils et militaires, notamment des acteurs internationaux tels que l’OTAN.

Contrairement à ENISA qui s’occupe de la protection des réseaux, la AED s’occupe de la protection d’un point de vue militaire des infrastructures critiques de l’Etat, en particulier les institutions de Défense et d’Information.

Malgré le déploiement des agences dans la lutte contre les cybermenaces, la question de la cybersécurité est encore peu connue et avec peu de législation : l’Union européenne n’est pas assez armée dans un domaine où la sécurité est du ressort des Etats membres, eux-mêmes peu prêts à faire face à des possibles cyberattaques.

Emilie Gronelli

Pour en savoir plus

     -. Site du EC3 https://www.europol.europa.eu/ec3

     -. Site de l’Agence européenne de défense http://www.eda.europa.eu

     -. Site de ENISA https://www.enisa.europa.eu

     -. Internet Organised Crime Threat Assessment (IOCTA) https://www.europol.europa.eu/content/internet-organised-crime-threat-assessment-iocta-2015

     -. Rapport 2014 du EC3 https://www.europol.europa.eu/content/european-cybercrime-center-ec3-first-year-report

     -. Stratégie européenne de cybersécurité https://www.enisa.europa.eu/activities/Resilience-and-CIIP/national-cyber-security-strategies-ncsss/Estonia_Cyber_security_Strategy.pdf


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