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Brexit: un accord? Non, une capitulation!

mer, 13/12/2017 - 22:22

Nicolas Vadot

« Jeu, set et match » : aux petites heures du mercredi 11 décembre 1991, à Maastricht, le Premier ministre conservateur d’alors, John Major, clame sa joie d’avoir tout obtenu ou presque de ses partenaires, tant sur la monnaie unique que sur le social. 25 ans plus tard, aux petites heures du vendredi 8 décembre, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, et Michel Barnier, le négociateur du Brexit, ont la décence de se montrer infiniment plus diplomates avec un pays qui termine à genoux la première partie des pourparlers de sortie de l’Union. De fait, il s’agit moins d’un « accord » que d’une capitulation sans condition de Londres : si Theresa May, la Première ministre britannique, veut sauver les meubles alors que tous les voyants économiques virent au rouge, elle n’a d’autres choix que d’accepter toutes les exigences des Européens. Décryptage du premier rapport de 15 pages publié hier.

1- La frontière entre l’Irlande du Nord et la République irlandaise ne sera pas rétablie.

C’était le point majeur des trois conditions préalables fixé par les Vingt-sept (avec le statut des ressortissants communautaires et la facture du divorce) et surtout le plus complexe et le plus explosif. Les Vingt-sept exigent que la frontière entre l’Irlande du Nord, partie du Royaume-Uni, et la République irlandaise reste ouverte, car il s’agit de la pierre angulaire des accords dits du Vendredi saint d’avril 1998 qui ont mis fin à trente ans de guerre civile entre nationalistes catholiques et unionistes protestants. Or, le « hard Brexit » (Brexit dur) choisi par Theresa May implique une sortie du marché unique et de l’union douanière, ce qui signifie le rétablissement d’une frontière physique pour contrôler non seulement les marchandises (soumises à des droits de douane et à des vérifications de normes), mais aussi les femmes et les hommes. Or les deux Irlande sont aujourd’hui étroitement imbriquées et le risque d’un nouvel embrasement en cas de nouvelle séparation n’est pas seulement de l’ordre de la politique fiction.

Londres et Bruxelles n’ont pas encore trouvé « la » formule magique, même s’ils se rapprochent de celle qui s’applique à Hong-kong depuis sa rétrocession à la Chine : « un pays, deux systèmes ». En clair, il est convenu que l’Irlande du Nord restera de facto dans le marché unique et l’union douanière. Un tel engagement est lourd de conséquences, car cela implique que les normes juridiques et la politique commerciale nord-irlandaise seront calquées sur celles de l’Union. Mais en même temps Theresa May s’engage à ce que la circulation soit libre entre l’Irlande du Nord et le reste du territoire britannique, ce qui exclut donc que les normes et la politique commerciale britanniques s’écartent des normes de l’Union, puisque tout ce qui passera de l’ile de Grande-Bretagne vers l’Irlande du Nord pourra se retrouver en République d’Irlande et donc dans l’Union. La logique ultime de cet accord est donc que Londres adhère à l’Espace économique européen (comme la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein). Ce qui est pour l’instant inacceptable par les Brexiteurs les plus durs. Ou alors, si Londres veut retrouver sa pleine souveraineté sans remettre le feu à l’Irlande du Nord, cela veut dire que l’Irlande du Nord restera dans le marché unique et l’union douanière, sans libre circulation avec la Grande-Bretagne. À terme, cela ne peut que se terminer par la création d’une fédération irlandaise. Et pour ne rien arranger, le futur statut spécial de l’Irlande du Nord donne déjà des idées à l’Écosse et au pays de Galles. Autrement dit, il y a un fort risque de désintégration du Royaume…

2- Les droits des ressortissants communautaires résidant en Grande-Bretagne sont garantis.

Au départ, le gouvernement britannique voulait se servir des 3 millions d’Européens vivant au Royaume-Uni comme d’une monnaie d’échange. C’est loupé : leur droit au séjour, au travail ou à la protection sociale est garanti pour l’éternité, pour eux et leurs enfants, y compris ceux à naitre après la date du Brexit, le 30 mars 2019, comme l’exigeait le Parlement européen. Mieux : la Cour de justice de l’Union sera compétente jusqu’en avril 2027 pour arbitrer tous les conflits relatifs à leurs droits (Bruxelles souhaitait la date de 2029, Londres de 2024).

3- La facture du Brexit sera intégralement payée par Londres.

En juillet 2017, Boris Johnson, le secrétaire au Foreign Office martelait devant les Communes : « Les sommes que les responsables européens proposent de réclamer à ce pays me semblent exorbitantes et je pense qu’ils peuvent toujours courir ». Résultat de la course : Londres s’acquittera bien d’une facture comprise entre 45 et 55 milliards d’euros qui comprend tous les engagements budgétaires qu’elle a souscrits avec ses partenaires. Un chèque qu’elle paiera sur plusieurs années. Bon prince, la Commission a fait cadeau des frais de déménagement de l’Autorité bancaire européenne et de l’Agence du médicament qui doivent rejoindre Paris et Amsterdam…

4- Et maintenant ?

« Le défi le plus difficile est devant nous », a prévenu Donald Tusk, le président du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement. Lors du sommet européen des 14 et 15 décembre, les Vingt-sept vont donner leur feu vert pour l’ouverture de la seconde phase des discussions afin de trancher les liens innombrables qui unissent les deux rives de la Manche et entamer des négociations sur le cadre de leur relation future, y compris une période de transition de deux ans, ce qui permettra aux entreprises de s’organiser. « Si vous superposez les modèles existants d’accords avec États tiers et les lignes rouges fixées par le gouvernement britannique, il ne reste qu’une partie visible: un accord de libre-échange du type Canada«, a estimé hier Michel Barnier. Ce qui risque d’exclure les services alors que ceux-ci représentent 80% du PIB britannique.

N.B.: version longue de mon article paru dans Libé du 9 décembre

Catégories: Union européenne

Changement d'époque à l'Eurogroupe

mar, 05/12/2017 - 13:08

REUTERS/Francois Lenoir

Tout un symbole ! Les dix-neuf ministres des finances de la zone euro, réunis au sein de l’Eurogroupe, ont élu à leur tête, ce lundi, Mario Centeno, leur collègue portugais, pour succéder au socialiste néerlandais Jeroen Dijsselbloem qui a perdu son poste de ministre des Finances en octobre dernier. Pourquoi un symbole ? Car il fait partie, depuis 2015, d’un gouvernement qui s’appuie sur une alliance inédite entre socialiste et gauche radicale qui n’a pas hésité à tourner le dos, sans déséquilibrer les comptes publics, à une austérité qui frappait d’abord les plus fragiles. Avec le Premier ministre, Antonio Costa, Centeno n’a pas hésité à affronter la Commission et l’Eurogroupe en adoptant un budget qui s’éloignait de leurs recommandations en creusant temporairement le déficit pour mieux relancer l’économie avant de reprendre l’assainissement budgétaire.

Une politique couronnée de succès pour un pays qui a été placé sous tutelle de la zone euro entre 2011 et 2014 : le chômage est à son niveau de 2009, la croissance est au plus haute depuis 2000 et le déficit au plus bas depuis 43 ans… Cela a valu à Mario Centero d’être qualifié de « Cristiano Ronaldo de l’Ecofin » par Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances. Un compliment qui vaut son pesant d’austérité…

Les jeux étaient, en réalité, faits depuis quelques jours, même si le vote a eu lieu à bulletins secrets, ce qui aurait pu réserver quelques surprises. Car les autres candidats soit ne faisaient pas le poids, ce qui était le cas du social-démocrate slovaque, Peter Kazimir, son inflexibilité au moment de la crise grecque étant restée en travers de la gorge de beaucoup de pays, soit n’avaient pas la bonne couleur politique. De fait, le poste devait revenir à un socialiste pour préserver l’équilibre entre la droite (qui détient actuellement la présidence du Parlement européen, de la Commission et du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement) et la gauche (celle-ci ne détenant que le poste de ministre des Affaires étrangères de l’Union avec Federica Mogherini). Dès lors, le libéral luxembourgeois Pierre Gramegna n’avait aucune chance, pas plus que la Lettonne Dana Reizniece-Ozona dont le parti écologiste de droite est allié à un parti populiste…

Si les ministres n’avaient pas respecté cet accord de répartition des postes, cela aurait ouvert une crise avec la gauche au pire moment, puisque les Dix-neuf doivent non seulement accompagner la sortie de la Grèce de son troisième (et dernier ?) programme d’aide, achever l’Union bancaire, et surtout lancer l’approfondissement de la zone euro comme le demande Emmanuel Macron, le chef de l’État français. Même s’il n’est pas encarté au PS portugais, Centero appartient à un gouvernement socialiste. L’affaire a été vite pliée : il l’a largement emporté au second tour face au libéral luxembourgeois.

Certes, le président de l’Eurogroupe, élu pour 2,5 ans renouvelables une fois, n’est pas décisionnaire, la partie se jouant pour l’essentiel entre Paris et Berlin. Mais son entregent sera nécessaire pour emporter l’adhésion de ses collègues. Or Centero a montré qu’il était capable de rassurer les faucons de la zone euro en évitant leur foudre lorsqu’il a négocié le virage budgétaire de son pays en 2015. La France, qui lui a apporté son soutien, ne peut qu’être satisfaite : il est lui-aussi partisan d’une zone euro plus solidaire financièrement et plus démocratique. Le probable retour de la grande coalition en Allemagne avec des sociaux-démocrates du SPD qui ont fait de l’approfondissement de la zone euro l’une de leurs priorités, les temps sont manifestement en train de changer en Europe. Le groupe socialiste du Parlement européen a d’ailleurs salué l’élection d’un homme qui « aura montré que l’on peut sortir d’un programme de la Troïka sans se renier » et le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a jugé cette candidature « pleine d’espoir ».

Catégories: Union européenne

Le glyphosate, cette passion française

lun, 04/12/2017 - 19:28

La France et la Belgique francophone sont les deux pays qui se sont le plus mobilisés contre le glyphosate, cet herbicide soupçonné d’être cancérigène. Ces emportements collectifs font partie des passions françaises qui ont tendance à occulter les vrais enjeux. Mon coup de gueule contre cet unanimisme qui mérite d’être questionné. C’était dans «la faute à l’Europe» sur France Info télé.

Catégories: Union européenne

Réforme de la zone euro: Juncker voyage au centre de l'austère

lun, 04/12/2017 - 18:03

REUTERS/Vincent Kessler (à droite, Martin Selmayr)

Mon article sur les propositions de réforme de la zone euro que s’apprête à rendre publiques, mercredi, Pierre Moscovici, est ici. Il fait des vagues au sein de la Commission, celle-ci ne s’attendant pas à une fuite. Le porte-parole de Jean-Claude Juncker, Margaritis Schinas n’a pas hésité à démentir en bloc mes informations... Un élément intéressant quant à la collégialité supposée: aucun commissaire n’a encore entre les mains le paquet qu’ils découvriront au mieux demain avant adoption mercredi. Ce qui signifie tout simplement qu’il n’y aura strictement aucune discussion puisque personne n’aura le temps de réfléchir à ce que ces propositions signifient. C’est beau la démocratie à l’ère Juncker.

Catégories: Union européenne

Agence bancaire européenne: la belle remontada de la diplomatie française

dim, 26/11/2017 - 21:20

L’Agence du médicament (AEM, 900 employés) s’installera à Amsterdam, et l’Autorité bancaire (ABE, 170 employés) à Paris. Les Vingt-Sept sont parvenus sans drame et sans affrontement spectaculaire à se répartir, lundi soir, les deux agences actuellement basées à Londres, et qui devront quitter le Royaume-Uni avant la date fatidique du Brexit, le 29 mars 2019. Le choix de ces deux villes est une surprise, Milan et Francfort étant données largement favorites avant l’ouverture des votes. Mais comme lors de l’Euro de foot, ce sont rarement les favoris qui s’imposent au final. Si le gouvernement français est satisfait de ce bon coup, qui fait de Paris la place forte de la régulation bancaire européenne, puisqu’elle accueille déjà l’Autorité européenne des marchés financiers, les élus nordistes, qui espéraient obtenir l’Agence du médicament, sont furieux.

Scandales

La maire de Lille, Martine Aubry, a lâché sur Twitter : «Nous avions la conviction que le président de la République n’avait pas - malgré ses dires - soutenu le dossier de l’AEM à Lille. Nous en avons maintenant la preuve.» Encore plus polémique, Xavier Bertrand, le président Les Républicains de la région des Hauts-de-France, a tweeté : «En soutenant l’Agence bancaire européenne, Emmanuel Macron a fait le choix de la finance plutôt que de la santé.» «Si on avait obtenu l’AME, il aurait sans doute tweeté qu’on avait choisi l’industrie pharmaceutique contre la régulation bancaire», ironise un proche d’Emmanuel Macron.

Reste qu’on ne fait pas mystère, à l’Elysée, que la candidature de Lille, préférée par François Hollande à celle de Lyon, pourtant capitale hexagonale de l’industrie pharmaceutique, était peu crédible. «La barre était trop haute pour Lille», admet ainsi un diplomate de haut niveau, alors que 19 villes étaient candidates pour l’accueillir. De fait, à une mauvaise desserte aérienne, un immeuble à l’état de projet, des capacités de logements et de scolarisation en plusieurs langues limitées, des employés de l’EMA peu enthousiastes - ceux-ci ayant marqué leur nette préférence pour Barcelone avant que cette ville sorte du jeu en raison de la crise catalane, ou pour Amsterdam - s’ajoutait la perte de crédibilité de l’Agence française de sécurité du médicament, empêtrée dans plusieurs scandales, dont celui du Médiator.

La procédure retenue par le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, en juin 2017, a aussi joué. Afin d’éviter les batailles de chiffonniers peu glorieuses du passé entre les patrons des exécutifs, mais aussi pour maintenir le front uni des Européens face à Londres, il a décidé que l’attribution des sièges se ferait au niveau des ministres. Surtout, il a mis au point un système de vote digne de l’Eurovision, afin de contourner la règle de l’unanimité qui ouvre la porte à tous les chantages. Chaque Etat s’est ainsi vu doté de six voix à répartir - à bulletins secrets, ce qui est une sacrée innovation - entre trois villes : trois pour son premier choix, deux pour son second, un pour son troisième. Si une ville parvient à être le premier choix de quatorze pays, elle gagne. Sinon, un second tour est organisé, mais seulement entre les trois villes arrivées en tête : pour gagner, il faut encore être soutenu par quatorze pays. A défaut, un troisième tour entre les deux villes arrivées en tête a lieu. Et s’il aboutit à une égalité, c’est le tirage au sort.

Tirage au sort

«Au lieu de tout perdre en défendant à la fois Lille et Paris, on a décidé depuis quinze jours de se concentrer sur l’ABE», admet un diplomate. Plutôt bien vu, puisque Lille n’a obtenu que trois voix au premier tour, celles de la France. Un échec pour le moins cuisant. Bratislava, la capitale slovaque, qui espérait décrocher la timbale (les pays d’Europe centrale étant plutôt mal servie en termes d’institutions européennes) a été à son tour dépassée par Amsterdam et Milan, la grande favorite. A l’issue du troisième tour, Milan et Amsterdam ayant chacune obtenu treize voix, il a fallu procéder à un tirage au sort : deux boules contenant le nom de chaque ville ont été mises dans un vase et la présidence estonienne tournante de l’UE a choisi. Le sort a été favorable à la capitale batave, au grand désespoir des Italiens, qui ont déjà du mal à se remettre de leur élimination de la Coupe du monde de football…

Pour l’ABE, que huit villes espéraient accueillir, les chances de Paris face à Francfort paraissaient faibles. C’est là que la diplomatie française a donné sa mesure : en amont de la réunion de lundi, Emmanuel Macron a plaidé pour Paris auprès de plusieurs de ses partenaires, ce qui lui a permis d’arriver en tête au premier tour, suivi par Francfort et Dublin. Puis cette dernière, avec treize voix, et Paris, avec dix voix, se sont qualifiées pour le troisième tour, Francfort s’effondrant (avec seulement quatre voix).

Remontada

«Pendant une heure, on s’est activé comme des fous pour convaincre les pays qu’on soupçonnait d’avoir voté Dublin», poursuit le diplomate. En particulier, les Français ont fait valoir que l’effondrement bancaire irlandais de 2010 et son statut de quasi-paradis fiscal pour grands groupes américains ne plaidaient pas pour l’Eire. Le troisième tour a, une nouvelle fois, abouti à l’égalité parfaite : treize voix partout. Le hasard a fait le reste, à la grande joie du camp français. Une belle «remontada», comme le dit un diplomate français.

Le «meilleur» est à venir, puisque les frais des deux déménagements (dont les dédits pour l’interruption des baux) sont à la charge des Britanniques : une facture de plusieurs centaines de millions d’euros.

N.B.: article paru dans Libération du 22 novembre

Catégories: Union européenne

L'UE libérée des libéraux allemands?

jeu, 23/11/2017 - 17:14

REUTERS/Axel Schmidt

Et si l’échec de la « jamaïcaine » n’était pas forcément la « mauvaise nouvelle » pour l’Europe que beaucoup de commentateurs annoncent voire redoutent ? De fait, si le Président de la République allemande, le social-démocrate Frank-Walter Steinmeier, et la chancelière, Angela Merkel, parviennent à éviter la convocation d’élections anticipées - qui risquent de ne pas clarifier le paysage politique allemand -, c’est finalement le parti le plus eurosceptique de feu la « jamaïcaine », celui qui réclamait le poste stratégique de ministre des finances, le FDP, qui se retrouverait sur la touche. Autrement dit, que ce soit dans le cadre d’une grande coalition avec les sociaux-démocrates du SPD, qui paraît peu probable pour l’instant, ou d’un gouvernement minoritaire noir-vert (CDU-CSU/Grünen), soutenu au coup par coup par le SPD, la chancelière aurait en réalité les coudées beaucoup franches en matière européenne et pourrait accepter ce que le FDP aurait refusé.

Dérive démagogique

« Christian Lindner, le patron du FDP, est engagé dans une dérive à la Jörg Haider, l’ancien leader du FPÖ autrichien », déplore Daniel Cohn-Bendit, l’ancien co-président du groupe Vert au Parlement européen et proche d’Emmanuel Macron : « il pense pouvoir récupérer une partie de l’électorat de l’AfD avec son cocktail de nationalisme économique, d’euroscepticisme et de refus de l’immigration ». De ce point de vue, ceux qui espéraient que Lindner serait le nouvel Hans-Dietrich Genscher, qui fut le très europhile ministre des Affaires étrangères de Helmut Schmidt puis de Helmut Kohl, entre 1974 et 1992, ont été déçus. En réalité, une majorité avec les libéraux aurait rendu très difficile toute intégration supplémentaire de la zone euro, ceux-ci campant, en particulier, sur leur refus de la moindre solidarité financière entre les dix-neuf Etats membres de la zone. Or, la création d’un budget de la zone euro est justement l’un des projets phares du Président de la République française.

Autrement dit, avec le FDP, l’Allemagne aurait certes été gouvernée par une majorité solide, mais peu disposée à faciliter la tâche d’Emmanuel Macron. Personne n’a oublié, à Bruxelles, qu’entre 2009 et 2013, c’est l’euroscepticisme des libéraux qui a empêché Berlin et donc la zone euro de répondre de façon adéquate et massive à la crise grecque, ce qui a fait dégénérer un problème local en une crise systémique qui a failli emporter la monnaie unique. Angela Merkel, durant ces années cauchemardesques pour le projet européen et pour la Grèce, a dû s’appuyer sur le SPD, alors dans l’opposition, pour forcer la main de ses alliés et accepter au fil du temps ce qu’elle avait d’abord refusé, retardant d’autant la résolution de la crise…

L’art du judo

C’est pourquoi, à Bruxelles, le départ du FDP n’est pas vécu comme une catastrophe. « Il est beaucoup trop tôt pour se montrer inquiet », tempère ainsi un diplomate : « La chancelière est encore là ! » Et un retard de calendrier n’est pas bien grave, l’Union ayant connu pire. Il en irait bien sûr différemment avec des élections anticipées qui pourraient voir le FDP et/ou l’AfD se renforcer au détriment de la CDU, ce qui ouvrirait une crise de leadership en Allemagne. Surtout, une « chancelière trop affaiblie n’est pas bon pour Macron », analyse Daniel Cohn-Bendit. De fait, le chef de l’Etat a besoin, pour faire avancer ses idées, du soutien de l’Allemagne : en Europe, rien ne peut se faire sans un accord entre les deux rives du Rhin, aucun pays n’étant prêt à accepter le leadership d’un grand Etat seul. On oublie trop souvent que la « puissance » allemande durant la crise de la zone euro a tenu au fait que sans sa puissance économique et financière rien ne pouvait se faire : elle n’a jamais rien proposé, se contentant de jouer en défense face aux propositions françaises. Mais c’est l’accord, souvent difficile, trouvé au sein du couple, qui a entrainé à chaque fois leurs partenaires, bon gré, mal gré.

Bref, si la chancelière parvient à sortir de cette périlleuse situation, elle pourrait être en situation de jeter par dessus bord certaines vaches sacrées allemandes, ce qui permettrait d’achever l’intégration de la zone euro comme le souhaite son partenaire français. De l’art du judo en quelque sorte…

N.B.: article paru dans Libération du 21 novembre

Catégories: Union européenne

La Catalogne indépendante, un rêve ou un cauchemar?

mer, 15/11/2017 - 20:31

Si la Catalogne proclame son indépendance, pourra-t-elle rester dans l’Union et dans l’euro comme le gouvernement de la Généralité continue à l’affirmer crânement ? Pour les partenaires européens de Madrid et les institutions communautaires, la réponse est clairement négative, même si les traités européens sont silencieux sur cette question et qu’il n’existe aucun précédent. De fait, jusqu’ici, les États du vieux continent qui se sont scindés (essentiellement à la suite de la chute du communisme) ont eu le bon goût de le faire avant d’adhérer à l’Union… Lors du sommet européen de la semaine dernière, les 27, en soutenant sans ambiguïté Madrid, ont envoyé un message clair à Barcelone : toute sécession de l’Espagne sera considéré comme une sécession de l’Union.

« La clef n’est pas dans le droit européen, mais dans le droit international », reconnait-on à la Commission. Même si ce droit n’est pas contraignant, il est carré : si une région proclame son indépendance, avec ou sans accord de l’État central, elle sort automatiquement de tous les traités signés par le pays auquel elle appartenait. Les institutions communautaires et les capitales européennes ont d’ailleurs déjà fait savoir qu’il appliquerait cette règle et que la Catalogne sortirait de l’Union et de l’euro si elle devenait indépendante…

Madrid refuse de reconnaitre l’indépendance

En réalité, il y a deux cas de figure distincts. Si Madrid refuse de reconnaitre l’indépendance de la Catalogne, elle restera de facto dans l’Union puisqu’elle ne sera pas un État indépendant reconnu comme tel par l’État central et la communauté internationale. Elle pourra certes s’organiser en Etat de fait, en imaginant que Madrid la laisse faire, mais elle n’aura aucune voix dans l’Union ou dans le monde : c’est l’Espagne éternelle qui continuera à représenter les intérêts de toute l’Espagne à Bruxelles et la Catalogne devra appliquer les décisions qui seront prises par les Vingt-huit sans qu’elle ait son mot à dire. Elle se retrouvera dans une situation à la norvégienne si l’on veut : membre de l’Espace économique européen, comme l’Islande et le Liechtenstein, Oslo doit appliquer l’ensemble du droit européen sans avoir voix au chapitre pour prix de son accès au marché unique. « Ce sera un État fantoche », résume crument Claude Blumann, professeur émérite à l’Université de Paris II. Une situation qui n’est forcément pour déplaire à Barcelone : « si Madrid estime qu’une Catalogne indépendante doit sortir de l’Union et renégocier une adhésion à laquelle elle pourrait poser son véto, il faudrait d’abord qu’elle nous reconnaisse! », s’amusait en septembre 2016 devant quelques journalistes français Carles Puigdemont, le président de la Généralité de Catalogne… En clair l’indépendance, mais sans ses inconvénients.

Blocus

Mais une autre hypothèse est plausible : un blocus terrestre et maritime de la Catalogne organisé par Madrid. Frédéric Mérand, professeur de sciences politiques à l’Université de Montréal, ne l’exclut pas et voit « mal les Etats européens s’y opposer. Si la France maintient sa frontière ouverte, Madrid pourra estimer qu’il s’agit d’une attitude hostile à son égard avec ce que cela implique… ». Autrement dit, même non reconnu, la Catalogne pourrait se retrouver couper de l’Union européenne, avec son approbation tacite, jusqu’à ce qu’elle demande grâce.

Un tel pouvoir reconnu à l’État central n’est-il pas en contradiction avec le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes proclamé par la Charte des Nations Unies ? Car s’il n’est pas supérieur à l’ordre juridique interne, autant le passer par pertes et profits… « Il est exact que la Constitution espagnole ne peut pas être le seul référent dans cette affaire », reconnaît Claude Blumann. Le problème est que ce principe a été interprété très largement après la Seconde Guerre mondiale et lors de la décolonisation, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Surtout, il implique de savoir s’il y a un « peuple catalan » et s’il peut revendiquer son indépendance. Enfin, il n’existe aucune instance internationale compétente pour en juger. Il appartient à chaque État d’en décider en reconnaissant ou non le nouveau pays et cette déclaration n’engage que lui… Autrement dit, une Catalogne « indépendante » devra compter sur la bonne volonté des États. Or, dans l’Union, elle n’a aucun allié…

Si Madrid reconnait l’indépendance de la Catalogne

Cependant Madrid peut choisir de reconnaitre le droit à l’indépendance de la Catalogne. Dans ce cas, elle notifiera sa décision à Bruxelles, « comme la France l’a fait avec le département d’Algérie en 1962 qui a immédiatement cessé d’appartenir à la CEE de l’époque », rappelle Jean-Luc Sauron, conseiller d’État et spécialiste des affaires européennes. Et les partenaires de Madrid devraient suivre sans difficulté. La Catalogne sera alors un nouvel État européen en bonne et due forme. Mais comme l’État successeur de l’Espagne unie sera l’Espagne réduite aux acquêts, en bonne logique la Catalogne se retrouvera en dehors de l’Union et de l’euro puisque ce n’est pas elle qui a signé le traité d’adhésion en 1985. Ce qui est vrai de l’Union l’est tout autant de l’ensemble des traités auxquels l’Espagne est partie : ONU, OMC, OCDE, OTAN, etc. Il faudra donc que la Catalogne négocie ensuite son adhésion à l’ensemble des organisations internationales…

Mais ce départ ne se fera pas du jour au lendemain : « il faudra d’abord que l’Espagne modifie sa Constitution pour autoriser un nouveau référendum d’autodétermination, légal celui-là, puis que la Catalogne et l’Espagne négocient un traité de séparation, ce qui s’annonce ardu, puis qu’enfin les liens avec l’Union soient rompus », liste Jean-Claude Piris, ancien Jurisconsulte du Conseil des ministres de l’Union. Et là, on ne sait pas trop comment on fera puisque le cas ne s’est jamais présenté, surtout pour un territoire qui a appartenu à la zone euro. « On n’est pas dans le cas du Brexit où c’est un État membre qui décide de partir. L’article 50 ne s’applique pas. Là c’est une région qui quitte un État membre et ça on ne sait pas faire », souligne Jean-Luc Sauron.

Realpolitik?

Bien sûr, il est possible qu’un accord politique soit trouvé pour garder la Catalogne dans l’Union sans en passer par une nouvelle demande d’adhésion : après tout, il y a un gros risque de tempête financière si la zone euro perd ainsi un bout de son territoire qui pèse plus que la Grèce… « Personne au sein de l’Union ne voudra se priver de l’économie catalane qui pèse 2 % de son PIB. Je suis persuadé que la realpolitik finira pas l’emporter et que nous resterons membre de l’Union », estimait ainsi Carles Puigdemont. Une hypothèse que n’écarte pas Jean-Luc Sauron . Ce n’est pas l’avis de Jean-Claude Piris : « on a l’obligation de vérifier que le nouvel Etat remplit bien tous les critères politiques (État de droit, protection des minorités, etc.) et économiques pour adhérer à l’Union. On ne peut pas se contenter de lui faire confiance ». Et Madrid n’a pas emprunté la voie du dialogue et de la conciliation, préalable à tout accord politique de cette nature.

Bref, les indépendantistes catalans n’ont manifestement pas mesuré la complexité de la tâche qui les attend et les risques politiques et économiques qu’ils prennent et font prendre à l’Union.

N.B.: article paru dans Libération du 25 octobre

Catégories: Union européenne

La lutte contre l'évasion fiscale se heurte à la mauvaise volonté des Etats européens

ven, 10/11/2017 - 18:44

REUTERS/Yves Herman

Cueilli à froid par les « Luxleaks » lors de sa prise de fonction à la présidence de la Commission, en novembre 2014, Jean-Claude Juncker avait promis d’être le Vidocq de la fiscalité en Europe. « La lutte contre la fraude fiscale et l’évasion fiscale seront l’une de mes grandes priorités » avait-il alors clamé devant les députés européens. « Et ce ne sont pas des paroles en l’air ». Trois ans après, celui qui a su attirer, durant les vingt-cinq ans où il a été aux commandes du Grand Duché (comme ministre des Finances puis Premier ministre), les entreprises à la recherche d’une fiscalité accommodante via les fameux « rescrits fiscaux » et autres taux de TVA compétitifs, a tenu parole. Jamais l’Union n’a été aussi active pour boucher les trous légaux qui permettent aux entreprises d’échapper à l’impôt, « l’interaction entre les règles nationales des uns et les règles nationales des autres peut conduire à des taux d’imposition très faibles » comme il l’avait expliqué en novembre 2014. Au lendemain de la publication des «Paradise Papers», qu’a fait l’Union depuis 2014?

Sur proposition de Pierre Moscovici, son commissaire chargé de la monnaie unique et de la fiscalité, une série de textes a été adoptée par les États membres à une vitesse record (entre 3 et 7 mois) en dépit de la règle paralysante du vote à l’unanimité en matière fiscale, les révélations des médias sur les multiples voies de la fraude et de l’évasion fiscale (« offshore leaks », « Swiss leaks », « Panama papers », « Malta’s files », « Bahama’s papers » ou « Paradies papers ») ayant agi comme autant de piqûres de rappel.

«Discordances hybrides»

Ainsi, depuis 2017, les administrations fiscales doivent automatiquement échanger des informations sur les « rescrits fiscaux » qu’ils accordent aux entreprises, une pratique pas illégale en elle-même puisqu’elle permet simplement de connaître par avance l’impôt à acquitter. De même, le « reporting country by country » (RCBC) a été rendu obligatoire, ce qui permet aux administrations fiscales et surtout au public de connaître les pays où les grandes entreprises (plus de 750 millions de chiffre d’affaires) présentes dans l’UE réalisent leurs profits et où elles payent leurs impôts. Toujours en 2016, une directive anti-évasion fiscale a été adoptée, mais certaines de ses dispositions n’entreront en vigueur qu’en 2022 : il s’agit de lutter contre les « discordances hybrides » qui permettent d’échapper à l’impôt. Par exemple, un revenu peut-être considéré dans un pays comme un paiement d’intérêts déductibles et, dans un autre, comme un dividende non soumis à l’impôt… Une autre directive a étendu ce texte aux pays tiers. Enfin, le secret bancaire en Europe a été éliminé, d’abord au sein de l’Union, mais aussi, depuis janvier 2017, avec la Suisse, Monaco, Andorre, le Liechtenstein et San Marin via des accords bilatéraux.

En revanche, d’autres textes sont en carafe devant le Conseil des ministres, l’instance où siège les représentants des États. C’est notamment le cas de la directive définissant une assiette commune (ce qui est taxé) de l’impôt sur les sociétés et de celle qui permettra de considérer les groupes de sociétés comme une seule entité (la division en entités juridiques différentes permet d’échapper en partie à l’impôt). La liste noire des paradis fiscaux ou « juridictions non coopératives » proposée par Moscovici connaît aussi quelques vicissitudes : si le commissaire espère un accord pour le 5 décembre sur une liste de noms, ça coince sur les sanctions. L’exécutif européen les voudrait « dissuasives », mais le Luxembourg, la Lettonie, la Lituanie et Malte ne veulent pas en attendre parler alors que la majorité se contenteraient de sanctions purement symboliques… Autant dire que le résultat final risque de ne pas être à la hauteur des attentes.

La politique de concurrence contre l’optimisation fiscale

Le dernier levier d’action utilisé, depuis 2015, par la Commission est celui de la politique de concurrence. Elle a ainsi jugé illégal un dispositif fiscal belge qui a permis à plus d’une trentaine de multinationales (Celio, BP, AB Invest, BASF, Belgacom, British American Tobacco, etc.) de bénéficier de plantureuses ristournes fiscales. Elle a fait de même avec les rescrits fiscaux (tax ruling) dont bénéficiaient, au Luxembourg et aux Pays-Bas, Starbucks et Fiat Finance and Trade ou, encore, a exigé que l’Irlande récupère 13 milliards d’euros d’impôts auprès d’Apple, celle-ci ayant bénéficié d’un régime fiscal particulièrement avantageux (Dublin a fait appel et s’apprête à récupérer ces fonds). Le problème est que la Commission ne peut sanctionner que les régimes discriminatoires, c’est-à-dire qui bénéficient seulement à certaines entreprises, et qu’elle n’a pas les moyens matériels de contrôler tout ce que font les États pour s’attirer les bonnes grâces des entreprises.

Unanimité

Rien ne vaut donc l’harmonisation ou du moins la coordination fiscale. Mais la règle de l’unanimité complique l’adoption d’un texte, diminue son degré d’ambition et rend difficile sa modification même si le système s’avère insatisfaisant (comme dans le cas de la TVA). C’est pourquoi Jean-Claude Juncker a proposé, dans son discours sur l’État de l’Union du 13 septembre, de passer au vote à la majorité qualifiée (55 % des États représentant 65 % de la population) en utilisant la « clause passerelle » prévue par le traité de Lisbonne. Problème : il faut l’unanimité des Vingt-huit et l’absence d’opposition des Parlements nationaux… Autant dire que cette réforme cruciale n’est pas pour demain, les États étant persuadés qu’ils défendent leur souveraineté, alors qu’ils ne sont que le jouet des multinationales qui savent obtenir des traitements préférentiels.

C’est pourquoi la Commission essaye, quand elle le peut, d’utiliser une autre base juridique que la fiscalité afin de faire voter ses textes à la majorité : ainsi elle envisage de le faire dans sa proposition de directive destinée à taxer les géants du numérique qui sera dévoilée début 2018. Gageons qu’encore une fois, certains États feront tout pour préserver l’unanimité. Bref, tant que l’Union ne sera pas une véritable fédération, l’harmonisation fiscale demeurera chaotique, puisque soumise à la bonne volonté des gouvernements.

N.B.: article remanié paru dans Libération du 7 novembre

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Pourquoi l'UE a peu de champions industriels?

jeu, 09/11/2017 - 21:22

Dans ma dernière chronique pour «la Faute à l’Europe» sur France Info télé, je me demande pourquoi l’UE a si peu de champions industriels notamment dans le domaine du numérique. La réponse tient en un mot: idéologie.

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Catalogne: l'Espagne obtiendra-t-elle la remise de Carles Puigdemont réfugié en Belgique?

lun, 06/11/2017 - 18:02

Sexta TV via Reuters

La Belgique va-t-elle devoir remettre manu militari à l’Espagne Carles Puigdemont, le président destitué de la Généralité de Catalogne, ainsi que les quatre ex-ministres de son gouvernement qui l’ont accompagné à Bruxelles? Rien de moins sûr, le « mandat d’arrêt européen » n’impliquant aucune automaticité. Il reviendra à la seule justice belge d’en décider dans les deux mois (trois exceptionnellement). Or l’aspect politique des poursuites engagées par la justice espagnole et la gravité des peines encourues en l’absence de toute violence pourrait convaincre les juges d’outre-Quiévrain de ne pas déférer à la demande de Madrid. Déjà, le juge d’instruction belge a refusé, dimanche soir, de placer les cinq hommes en détention préventive à la grande déception de l’Espagne (1).

Entré en vigueur en janvier 2004, le mandat d’arrêt européen (MAE) part du principe qu’entre démocraties appartenant au même ensemble politique, l’Union, la remise des personnes recherchées ou condamnées, y compris ses propres nationaux, doit être quasi-automatique. En clair, on élimine l’aspect politique de la lourde procédure d’extradition (dans laquelle c’est in fine le gouvernement qui décide d’extrader), les appareils judiciaires des Vingt-huit étant censés fournir le même degré de garantie. Mais ça, c’est pour la théorie. En pratique, les États avaient bien conscience que l’absence d’harmonisation du droit pénal et de la procédure pénale, tout comme les traditions judiciaires très diverses, pouvaient aboutir à priver de leurs droits fondamentaux les personnes recherchées.

C’est pour cela que la procédure requiert l’intervention d’un juge pour émettre le MAE et d’un juge pour le valider totalement ou partiellement. Ainsi, en 2014, sur les 9660 personnes arrêtées en vertu d’un MAE, seules 5480 ont été effectivement remises. Le juge requis vérifie en particulier que le délit ou le crime poursuivi existe bien dans les deux législations, en l’occurrence l’Espagnole et la Belge. Certes, cette nécessité de « double incrimination » n’est pas exigée dans tous les cas, mais seulement pour une liste de 32 crimes graves, du terrorisme au trafic d’êtres humains en passant par le trafic de stupéfiants, la cybercriminalité ou le trafic d’armes.

Or Puigdemont et ses ministres ne sont pas poursuivis pour l’un de ces 32 crimes, mais pour « sédition », « rébellion » et « détournement de fonds publics », ce qui rend nécessaire une double incrimination. Si le détournement de fonds publics (pour avoir organiser un référendum illégal avec l’argent public) existe bien dans les deux législations, la «sédition» et la «rébellion», des crimes passibles d’une peine de 25 ans de prison en Espagne (30 en cas de «violence collective»), n’existe pas en droit belge. On trouve bien la trace d’une sédition sous la forme d’une « coalition de fonctionnaires qui refuseraient d’obéir de façon concertée à des ordres, mais il s’agit d’un délit passible de six mois de prison », explique à Libération, l’avocat pénaliste Denis Bosquet. De même, la « rébellion » existe aussi, mais il s’agit d’une rébellion contre les forces de l’ordre par exemple. Autrement dit, même si le MAE fait une interprétation large de la « double incrimination », la justice belge pourra difficilement autoriser la remise de Puigdemont et de ses ministres pour ces deux motifs vu la disproportion des peines : mais elle peut parfaitement la limiter à un seul chef d’inculpation, le détournement de fonds publics, ce qui interdira aux juges espagnols de les juger pour sédition et rébellion...

Mais au-delà, « les juges vont devoir déterminer si le procès promis à Puigdemont et à ses ministres respectera les droits fondamentaux et en particulier le droit à un procès équitable et impartial ou encore l’absence de discrimination fondée sur la langue », souligne Denis Bosquet. La connotation très clairement politique des poursuites engagées par les autorités espagnoles jouera en faveur de Puigdemont qui, pour s’assurer un maximum de sympathie judiciaire, aura intérêt à choisir une procédure en néerlandais et non en français, les Flamands étant plus sensibles que les francophones aux thèses indépendantistes. Revers de la médaille: si Puigdemont obtient gain de cause, il devra rester en Belgique jusqu’à la fin de ses jours sauf à prendre le risque de se heurter à un MAE que l’Espagne émettra sans doute dans tous les Etats membres ou à un mandat d’arrêt international dès qu’il franchira la frontière...

(1) Les journalistes madrilènes ont cherché à savoir si Puigdemont avait été menotté lorsqu’il s’est présenté de lui-même, dimanche matin, au parquet de Bruxelles, à la grande surprise du porte-parole de l’institution qui a dû rappeler que les menottes étaient réservées aux personnes dangereuses. Ambiance.

N.B.: article paru dans Libération du 4 novembre et mis à jour.

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Emmanuel Macron: "je marche seul"...

jeu, 02/11/2017 - 22:03

Emmanuel Macron est politiquement isolé dans l’Union, son parti En Marche n’appartenant pour l’instant à aucune alliance. Un isolement périlleux. Mon édito dans «La faute à l’Europe», sur France Info télé, la seule émission du PAF consacrée à l’Europe communautaire.

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Le Brexit aura-t-il lieu?

lun, 30/10/2017 - 09:02

Ma chronique dans «La faute à l’Europe», sur France Info télévision, la seule émission du PAF entièrement consacrée à l’Europe communautaire !

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Jean-Claude Juncker, l’homme du passé ?

ven, 27/10/2017 - 08:14

REUTERS/Dario Pignatell

L’Union européenne dont rêve Jean-Claude Juncker semble tout droit sortie du siècle dernier, comme si les polycrises des vingt dernières années n’avaient pas existé. En écoutant le président de la Commission délivré son discours sur « l’état de l’Union », le 13 septembre dernier devant le Parlement européen réuni à Strasbourg, on ne pouvait s’empêcher de penser à Hibernatus, cette comédie d’Édouard Molinaro avec Louis de Funes, contant l’histoire d’un homme se réveillant après 65 ans passés en animation suspendue…

Constatant, à raison, que « l’Europe a de nouveau le vent en poupe », après avoir résisté au Brexit et au vent mauvais des démagogies d’extrême droite et d’extrême gauche, il propose de mettre « cet élan à profit ». Non pas en innovant, mais en renouant avec les recettes du passé, celles qui ont justement échoué et précipité l’Europe au bord du gouffre. Ainsi, il souhaite accélérer la conclusion d’accords de libre-échange avec l’ensemble de la planète, après le Canada et le Japon, comme si le rejet du démagogue Donald Trump par les opinions publiques européennes, dont l’un des marqueurs politiques est effectivement son isolationnisme, et les défaites des partis démagogiques en Autriche, aux Pays-Bas, en France et en Italie, était un ralliement sans condition à la mondialisation telle qu’elle se fait depuis trente ans.

Or, ce n’est absolument pas le cas : Emmanuel Macron, en France, s’est certes fait élire en rejetant le repli sur le pré carré national, mais aussi en promettant une « Europe qui protège ». Car c’est un fait têtu : les opinions publiques, certes de façon variable selon les pays, sont de plus en plus méfiantes à l’égard du mythe de la « mondialisation heureuse », les pertes d’emplois massives et immédiates les ayant vacciné contre les promesses de lendemain qui chantent. Sans sombrer dans l’isolationnisme trumpien, ils exigent à tout le moins qu’on leur prouve que le libre échange va leur apporter un surcroit de croissance, une preuve qui est rarement faite. En annonçant que désormais la Commission négocierait des traités qui ne nécessiteront plus la ratification des parlements nationaux et régionaux (en évitant d’y inclure des clauses relatives aux investissements financiers et au règlement des différents), on ne peut pas dire que Jean-Claude Juncker cherche précisément à les rassurer…

De même, il ne semble tenir aucun compte de la fatigue de l’élargissement qui se manifeste d’un bout à l’autre de l’Europe : le non franco-néerlandais au référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen, largement motivé par un élargissement massif et non expliqué, est à nouveau nié. Or, les Néerlandais, en rejetant en avril 2016, l’accord d’association avec l’Ukraine, ont montré que cette lassitude était toujours présente. Emmanuel Macron, lors de sa visite à Athènes le 7 septembre, a ainsi rappelé que «par l’ampleur qu’il a prise, l’élargissement qu’il a connu, la diversité qu’il a adoptée, le projet européen s’est soudain heurté voilà un peu plus de dix ans à un refus du peuple, des peuples», ce qui devrait inciter à la prudence.

Qu’importe pour le président de la Commission : il propose d’accueillir tous les pays des Balkans qui en font la demande, soit l’Albanie, le Kosovo, la Macédoine, le Monténégro et la Serbie. Seule la Turquie fait les frais de sa dérive dictatoriale, Juncker estimant qu’il faut geler les négociations avec ce pays, ce qui est bien le moins. Comment une telle Europe à 32 pourra-t-elle fonctionner alors qu’à 28 (bientôt 27) elle cafouille de plus en plus ? Mystère. Une Commission composée de 32 commissaires où les grands pays n’auraient que trois représentants, cinq en ajoutant la Pologne et l’Espagne, aurait-elle une quelconque légitimité ? Pas un mot sur le sujet si ce n’est la proposition bien insuffisante et très contestable de fusionner les postes de président de la Commission et du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement (une possibilité ouverte par le traité de Lisbonne). Pas un mot non plus sur les échecs polonais ou hongrois, ces États se transformant jour après jour en « démocrature » bien éloignée des standards de l’État de droit européen, ou bulgare et roumain, ces pays restants gangrenés par la corruption, le clientélisme et la mafia…

Juncker semble encore croire au mythe des années 90, lorsque la Commission affirmait doctement que par la grâce de l’adhésion ces pays se transformeraient rapidement en démocraties modèles. Si cela a fonctionné pour les Baltes ou la Slovénie (et encore), ce n’est pas le cas pour les autres. Un statut de membre associé ne serait-il pas plus adapté ? Manifestement, la seule politique étrangère qu’imagine le président de la Commission est celle d’un élargissement sans fin : comme il l’a expliqué, il s’agit de stabiliser ces pays quitte à déstabiliser davantage l’Union. Il ne s’arrête pas en si bon chemin : il veut que la Bulgarie et la Roumanie intègrent Schengen, comme si la crise des migrants qui a démontré l’incapacité de nombres d’États à contrôler leurs frontières extérieures n’avait pas eu lieu. Pourtant Emmanuel Macron, fin août a prévenu Sofia et Bucarest qu’il remettait en cause l’accord de son prédécesseur, François Hollande, d’admettre leurs aéroports, pourtant faciles à contrôler, dans le dispositif Schengen.

Enfin, Jean-Claude Juncker veut que l’euro devienne la monnaie de tous les Européens : « si nous voulons que l’euro unisse notre continent plutôt que de le diviser, il faut qu’il soit plus que la monnaie de quelques ». Il propose même la mise en place d’un « instrument d’adhésion à l’euro » destiné à apporter aides techniques et financières. Passons sur le fait que la plupart de ces pays ne veulent pas rejoindre la monnaie unique et que la Suède en a même rejeté le principe par référendum en 2003 alors qu’elle ne bénéficie d’aucun opt out. Mais, au-delà des critères de Maastricht, admettre des pays qui n’ont toujours pas les structures économiques, financières, politiques et statistique pour supporter le choc de la monnaie unique, c’est préparer de nouvelles crises grecques, comme l’ont fait immédiatement remarquer les responsables autrichiens : « je considère cette idée comme irréfléchie », a ainsi immédiatement déclaré le chancelier social-démocrate autrichien Christian Kern.

Bref, Juncker fait comme si l’élargissement ne posait aucun problème, comme si aucune crise n’avait failli emporter l’Europe au cours des dernières années. Il rejette la volonté d’Emmanuel Macron d’approfondir la seule zone euro, d’en faire le cœur nucléaire de l’Europe, de distinguer une Europe espace d’une Europe puissance comme il l’a expliqué à Athènes : «Nous avons besoin d’une zone euro plus intégrée, et donc d’un vrai budget de la zone euro, d’un ministre des Finances permanent qui dirige cet exécutif, une responsabilité démocratique au niveau de la zone euro, et à ce titre il faut le maximum d’ambition».

Comment expliquer un tel aveuglement ? Par fonction, sans doute : la Commission doit veiller à maintenir l’unité européenne, une préoccupation qu’elle partage avec l’Allemagne qui ne veut pas se couper de son Hiterland économique. Plus profondément, Bruxelles n’arrive pas à faire le deuil de son mythe fondateur, celui qui veut que tous les pays européens partagent la même vision de l’avenir radieux européen. Au fond, Juncker appartient à l’ancien monde, celui qui a refusé de voir tous les problèmes que poserait l’élargissement, ce que François Mitterrand avait pressenti en proposant en 1990 une « maison commune européenne » comme première étape d’un élargissement qu’il savait inéluctable, mais potentiellement destructeur. Ce que ne voit pas Juncker, c’est qu’en ne voulant pas perdre l’Est, il prend le risque de perdre l’Ouest en fournissant des arguments aux europhobes qui n’ont pas dit leur dernier mot. Il serait peut-être temps de « débruxelliser » la Commission.

N.B.: article paru dans l’Hémicycle n°495

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Travailleurs détachés: jeu, set et match pour Emmanuel Macron

mer, 25/10/2017 - 16:01

Mon article sur la réforme de la directive sur les travailleurs détachés est ici. Et mon analyse .

Une belle victoire pour Emmanuel Macron («jeu, set et match» fait référence à John Major, l’ancien premier ministre britannique, qui a lancé cette formule lors de la conclusion du traité de Maastricht en décembre 1991, tout fier d’avoir obtenu un opt out sur l’euro et le social).

Catégories: Union européenne

Mélenchon et Thatcher, même combat !

sam, 21/10/2017 - 14:19

REUTERS/Philippe Wojazer

Jean-Luc Mélenchon poursuit sa dérive europhobe. Après le drapeau européen, le leader de la France Insoumise s’en prend maintenant à la solidarité financière à l’intérieur de l’Union entre pays riches et pays pauvres. Il n’a pas hésité, mercredi, en commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, à citer l’ancienne Première ministre britannique Margaret Thatcher, une figure bien connue de la gauche radicale, en reprenant sa célèbre formule : «I want my money back». A ce rythme, il ne devrait pas tarder à remettre en cause l’aide au développement.

Rappelons que cet argument de la contribution nette de la France au budget européen a d’abord été développé, et depuis longtemps, par le Front National. Un raisonnement étonnant de la part d’un parti de gauche radicale qui abandonne petit à petit tout «internationalisme», sans voir au passage la contradiction avec son appel à effacer la dette grecque détenue par les Etats de la zone euro.... En outre, il s’agit d’un raisonnement simpliste, le budget européen ne se résumant pas à un simple exercice comptable. Ainsi, les aides européennes bénéficient aussi aux plus riches : par exemple la plupart des travaux publics importants sont effectuées par des entreprises des pays développés (par exemple, c’est un consortium allemand qui a construit l’aéroport d’Athènes) et l’élévation du niveau de vie se traduit pas une augmentation des importations provenant des pays riches. Pour résumer: la France construit des autoroutes en Espagne pour permettre à des camions Mercedes d’importer des machines à laver suédoise...

Enfin, il ne faut pas oublier que la solidarité financière permet de compenser l’ouverture des frontières aux produits européens (et donc français). Manifestement, le leader de FI a oublié le triptyque de Jacques Delors: «la concurrence qui stimule, la coopération qui renforce, la solidarité qui unit». Bref, pour Mélenchon, la solidarité doit se limiter au cadre national comme le réclame la droite extrême, ce qui ne pourra que favoriser la concurrence (notamment sociale et fiscale) de tous contre tous et, à terme, amener au retour des frontières nationales et donc à la fin de l’Union. La gauche du non au Traité constitutionnel européen, comme c’était prévisible, s’est perdu dans les sables du souverainisme le plus obtus.

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Catégories: Union européenne

Libre-échange: Macron veut appuyer sur pause

sam, 21/10/2017 - 11:57

Emmanuel Macron veut calmer les ardeurs d’une Commission européenne prise d’une frénésie libre-échangiste depuis l’élection d’un isolationniste à la Maison-Blanche. Jeudi soir, lors du diner des chefs d’État et de gouvernement de l’Union réunis à Bruxelles pour leur sommet d’automne, le chef de l’État a plaidé pour « une politique équilibrée entre ouverture et protection pour recréer la confiance dans les échanges commerciaux », comme il l’a expliqué lors de sa conférence de presse. Autrement dit, il veut mettre en musique son slogan de campagne, « l’Europe qui protège » afin de rassurer une bonne partie des citoyens européens de plus en plus inquiets des effets délétères qu’ils prêtent, à tort ou à raison, à la mondialisation.

La fuite en avant de la Commission

« On a l’impression que la Commission s’est lancée dans une fuite en avant en multipliant les négociations commerciales avec le Mexique, le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), la Nouvelle-Zélande ou encore l’Australie », confie un proche du chef de l’État. Depuis que Donald Trump a confirmé son isolationnisme en dénonçant le TPP (partenariat transpacifique), en abandonnant la négociation du TAFTA avec l’Union ou encore en se lançant dans une périlleuse renégociation de l’accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique (NAFTA), la Commission, soutenue par une partie des États membres, se sent investie d’une mission : occuper la place laissée vacante par les États-Unis et ramasser le flambeau du libre-échangisme.

Il est vrai que la plupart des Etats industrialisés de la planète se sont précipités à Bruxelles pour conclure au plus vite des accords de libre-échange avec l’Union, la première puissance économique et commerciale de la planète, afin d’éviter de se retrouver dangereusement isolés face au dragon chinois. « C’est comme ça que le Japon a brusquement accepté en juin dernier un accord qui nous est particulièrement favorable, notamment sur le plan agricole, qu’il faisait trainer depuis des années », reconnaît un diplomate français. « De ce point de vue, le retrait américain nous est clairement favorable ».

Mais faut-il pour autant se lancer dans des négociations tous azimuts ? « La France n’y est pas opposée, mais il faudrait d’abord se doter d’une stratégie d’ensemble et réfléchir au contenu des accords après le CETA, notamment sur le plan environnemental et social », dit ce proche du chef de l’État. Emmanuel Macron a ainsi demandé « une réforme de notre politique commerciale européenne (…) fondée sur l’équité et la réciprocité » et a annoncé qu’il ferait prochainement des propositions en ce sens.

La même erreur qu’avec l’élargissement

Paris est d’autant plus inquiète que la Commission veut se concentrer sur seuls sujets relevant des compétences exclusives de l’Union qui ne nécessitent que la ratification du Parlement européen : les investissements directs et les cours d’arbitrage seraient donc traités à part et soumis, eux, aux parlements nationaux. « En pleine ratification du CETA, ce n’est pas très malin d’annoncer qu’à l’avenir la représentation nationale ne sera plus consultée », s’inquiète-t-on dans l’entourage de Macron.

Reste que la discussion n’a pas vraiment eu lieu entre les chefs d’État et de gouvernement. Seul Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, a défendu sa politique en faisant valoir qu’il n’était pas naïf en excipant de sa réforme des instruments anti-dumping et anti-subventions ou encore de la surveillance des investissements stratégiques, deux demandes de la France. « Je reste attaché à l’idée que l’Europe doit répondre positivement aux appels lancés de par le globe entier pour des accords commerciaux », a-t-il martelé lors d’une conférence de presse. À Paris, on estime cependant que la Commission refait la même erreur qu’avec l’élargissement : précipiter le mouvement, en profitant du recul des démagogues en Europe, sans se préoccuper des effets à long terme. Mais cette fois la France semble déterminée à appuyer sur pause.

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Drapeau européen: une polémique lunaire.

jeu, 19/10/2017 - 18:34

REUTERS/Valentyn Ogirenko

Sur le site de Libération, mon opinion sur l’affaire du drapeau européen. C’est au cours du sommet européen qui a débuté cet après-midi et se terminera demain qu’Emmanuel Macron signera la déclaration n°52 sur les symboles européens.

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Une Catalogne indépendante resterait-elle dans l'Union?

mer, 18/10/2017 - 08:46

Contrairement aux espoirs des indépendantistes , sauf improbable accord politique, que la Catalogne puisse rester dans l’Union si elle quitte l’Espagne. Ma chronique pour France Info télé.

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Guy Verhofstadt: l'Etat fédéral, seule solution pour empêcher l'indépendance catalane

ven, 13/10/2017 - 08:55

Guy Verhofstadt, ancien premier ministre belge et président du groupe libéral au Parlement européen, seule une solution à la belge, c’est-à-dire la création d’un Etat fédéral, permettra de régler la crise entre Madrid et Barcelone. Pour ce Flamand, qui connaît bien les poussées identitaire de sa région, une Europe des régions serait une « folie » et signerait la fin de l’aventure européenne. Il plaide donc pour un fédéralisme national complément d’un fédéralisme européen en devenir.

Ne doit-on pas craindre que la situation en Catalogne ne dégénère en violences ?

Il faut absolument l’éviter et le seul moyen d’y parvenir, c’est d’établir, à défaut de rétablir, un dialogue entre Barcelone et Madrid, mais aussi entre les Catalans. Car la Catalogne n’est pas unie sur la question de l’indépendance : le gouvernement catalan est minoritaire en voix, même s’il dispose d’une majorité en sièges, et tous les sondages indiquent qu’une majorité de Catalans veut rester en Espagne. Les manifestations de ces dernières semaines ont bien souligné cette division de la société catalane quant à son avenir. Nous, les Européens, pouvons aider les deux camps à nouer ce dialogue : Madrid ne doit plus faire la sourde oreille, comme elle le fait depuis dix ans, en espérant que le problème disparaitra de lui-même et Barcelone ne doit pas proclamer son indépendance en se basant sur un référendum inconstitutionnel et dont la légitimité démocratique est sujette à caution. Je rappelle que la Constitution espagnole de 1978 a été approuvée par plus de 90 % des Catalans avec une participation de 67 %. Et aujourd’hui, la Généralité prétend avoir la légitimité pour proclamer une indépendance qui n’a été votée que par 38 % des électeurs (90 % des 42 % des Catalans ayant voté). Ce n’est pas sérieux.

L’Union européenne est étrangement absente de cette crise.

Car c’est essentiellement une question de politique intérieure espagnole. Comme Flamand, je peux le dire aisément : lors de nos tensions communautaires entre Flamands et Francophones, des voix se sont fait entendre pour que l’Union intervienne. Mais personne en Belgique n’a trouvé que c’était une bonne idée : nous avons résolu nos problèmes en parlant, en négociant, en trouvant des solutions. Et la solution a été de créer un État fédéral et des régions disposant de larges compétences. En Espagne, il faut faire la même chose, créer un État fédéral.

Mais jamais en Belgique le dialogue n’a été rompu. C’est pour cela que beaucoup considère que l’Europe devrait s’impliquer dans la crise catalane.

En réalité, cela se fait dans la discrétion. Nous poussons les différentes parties à nouer un dialogue. Mais pas d’une manière formelle ou officielle parce que, encore une fois, c’est une question intérieure, celle de l’organisation territoriale du pays : l’État espagnol peut-il devenir un État fédéral ? Comment la Catalogne peut-elle s’intégrer dans ce nouvel ensemble ?

Ce régionalisme n’est-il pas contraire à l’idée européenne ?

Si on continue comme ça, on aura une Union de 75 États ! Ce serait de la folie, car on sombrerait dans un nationalisme sans fin qui mettrait même en péril l’existence de ces nouveaux États. Car où s’arrête ce particularisme ? Pour éviter cet éclatement qui aboutira à une paralysie de l’Union, il faut créer les conditions pour que ces nations ou ces identités puissent exister et s’exprimer dans la plus grande autonomie possible à l’intérieur des États existants. Le fédéralisme est évidemment la solution qui permet de gérer des entités complexes. On peut parfaitement être soi-même à l’intérieur d’un espace fédéral. Il n’y a pas de contradiction à être Catalan, et Espagnol. Le fédéralisme, c’est le contraire du centralisme étatique qui considère qu’on ne peut qu’être Espagnol et pas Catalan, mais aussi du séparatisme qui estime qu’on ne peut qu’être Catalan et pas Espagnol. Le fédéralisme, ce n’est pas séparer, ce n’est pas centraliser, c’est un équilibre qui permet d’être soi-même et d’appartenir à une organisation politique plus grande, ce dont on a besoin dans le monde globalisé qui est le nôtre. Penser que l’on devient plus souverain, que l’on pourra défendre son mode de vie, en devenant de plus en plus petit et en s’isolant, c’est une blague : la souveraineté ne peut s’exercer, selon les domaines, qu’au niveau des Etats ou de l’Union. Nous avons besoin d’un fédéralisme à l’intérieur des États et d’un fédéralisme entre les États. On peut comparer ce qui se passe en Catalogne avec le Brexit : la Grande-Bretagne va perdre de l’influence dans le monde en quittant l’Union. Ce sera pareil pour une Catalogne qui quitterait l’Espagne et donc l’Union.

Si la Catalogne devient indépendante, vous estimez donc qu’elle sortira de l’Union et de la zone euro ?

Si une région quitte un État membre, elle sort automatiquement des organisations auxquelles il appartient, c’est logique. C’est d’ailleurs pourquoi les entreprises ont commencé à fuir la Catalogne. Cela va créer de l’incertitude sur les marchés et tout le monde va en souffrir, les Catalans, les Espagnols et les Européens. J’espère donc que la raison finira par l’emporter face aux dangers d’une déclaration unilatérale d’indépendance.

N.B.: entretien paru dans Libération du 10 octobre

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Macron condamne Mélenchon à vivre avec le drapeau européen

jeu, 12/10/2017 - 10:15

Mis à jour le 11 octobre

Grâce à Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron va refermer un peu plus la parenthèse ouverte en 2005 par le rejet du traité constitutionnel européen (TCE). Profitant d’un débat organisé à Francfort avec Daniel Cohn-Bendit et Gilles Kepel, le chef de l’État, qui a mené une campagne fermement et ouvertement pro-européenne, a annoncé son intention de reconnaître formellement les symboles européens. Une réponse au leader de France Insoumise (FI) qui a essayé, en vain, de faire adopter par l’Assemblée nationale un amendement afin de remplacer le drapeau européen de l’hémicycle par celui de l’ONU (?), amendement europhobe soutenu avec enthousiasme, comme l’on s’en doute, par le Front national.

Les symboles de l’Union, qui sont apparus au cours de l’histoire de la construction communautaire, ne figuraient dans aucun traité européen. Un oubli réparé par le projet de traité constitutionnel de 2004 qui en citait cinq : le drapeau (douze étoiles jaunes sur fond bleu), l’hymne (l’Ode à la joie de Beethoven), la devise (« Unie dans la diversité »), la monnaie (l’euro) et la journée de l’Europe (le 9 mai, en souvenir de l’appel à la réconciliation franco-allemande lancé en 1950 par le ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman). Le drapeau, en particulier, est devenu l’emblème de l’Union par une décision du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement de 1985. Mais après le double « non » franco-néerlandais de 2005, une partie des États, dont la France, a jugé judicieux de ne plus les citer dans le traité de Lisbonne qui lui a succédé afin d’en gommer tous les aspects considérés comme trop « constitutionnels » qui pourraient donner à penser qu’un super État était en construction…

Mais seize Etats (dont quinze avaient ratifié le TCE) ne l’ont pas entendu de cette oreille, même si cette absence ne remet pas en question leur existence : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, l’Espagne, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie ont donc signé et annexé au traité de Lisbonne de 2007 la déclaration n°52 réaffirmant leur attachement aux symboles européens. La France et les Pays-Bas, les deux pays du non bien que fondateurs de l’Union, ne l’ont pas signé. Un « oubli » symbolique, cette déclaration n’ayant aucune valeur juridique contraignante, que le successeur de Nicolas Sarkozy, François Hollande, toujours aussi courageux dès qu’il s’agit d’Europe, a omis de réparer…

C’est l’offensive surprise, le sujet étant un vrai marqueur de l’extrême droite, menée par France Insoumise contre la présence du drapeau européen à l’Assemblée nationale, qui a remis la question des symboles sur le table. Dès son arrivée au Parlement, en juin dernier, Jean-Luc Mélenchon a lancé devant les caméras en fixant le drapeau européen surplombant le perchoir à côté du drapeau français : « Franchement on est obligés de supporter ça ? C’est la République française ici, pas la Vierge Marie, je ne comprends pas. » Les députés de son groupe ont mis un moment à comprendre de quoi il s’agissait avant de pouffer, croyant à une plaisanterie de leur leader. Ce qui n’était pas le cas puisque la semaine dernière, le groupe FI a déposé un amendement baroque au règlement intérieur de l’Assemblée ainsi rédigé : « seuls peuvent être présents dans l’hémicycle le drapeau tricolore (…) et le drapeau de l’Organisation des Nations unies » au motif que « la France n’est pleinement en phase avec son projet politique historique d’indépendantisme et de promotion de la paix que si elle dépasse tout ancrage régional et zonal ». Un amendement rejeté en commission des lois le 4 octobre, Benjamin Griveaux, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie et des finances (et non député comme je l’ai d’abord écrit), notant méchamment sur Twitter que « le drapeau européen dérangeait moins Jean-Luc Mélenchon quand il figurait sur sa fiche de paie de député européen ».

Emmanuel Macron pouvait difficilement laisser passer une si belle occasion de réaffirmer que les Français ont tranché en mai dernier la question de l’appartenance à l’Union européenne, comme le Front national l’a d’ailleurs reconnu en virant Floriant Philippot, représentant son aile la plus europhobe. Après avoir rappelé qu’il avait fait jouer l’Ode à la joie à la pyramide du Louvre le 7 mai pour fêter son élection, il a annoncé qu’au « moment où certains en France (…) voudraient enlever le drapeau européen », il avait décidé de signer, lors du sommet européen des 19 et 20 octobre prochain, la déclaration n° 52. Mais, contrairement à ce qu’affirme le chef de l’Etat, cela n’empêchera pas qu’une autre majorité, et ce, sans sortir de l’Union, puisse décider d’enlever les drapeaux européens de l’Assemblée ou de tous les lieux publics, la déclaration n’ayant aucune valeur obligatoire. Surtout, elle n’impose nullement leur présence… Rappelons d’ailleurs que le drapeau français ne trône à l’Assemblée que depuis 2007 et que l’emblème européen ne lui a été adjoint qu’en 2012. Mais le geste est politiquement important.

Mise à jour au 11 octobre:

Jean-Luc Mélenchon, au lieu de passer à autre chose, s’enferre dans ce combat lunaire. Dans un communiqué publié mardi, il clame : «Monsieur le Président, vous n’avez pas le droit d’imposer le drapeau européen un emblème européen confessionnel. Il n’est pas le sien et la France a voté contre son adoption sans ambiguïté». Une analyse pour le moins curieuse, aucune étude post-référendum n’ayant montré que les citoyens avaient voté «non» au TCE en 2005 pour rejeter les symboles européens. A ce rythme, on pourrait aussi soutenir qu’ils ont voté contre l’alphabet... Surtout, en affirmant que le drapeau est «confessionnel» et doit donc être rejeté au nom de la «laïcité», Mélenchon sombre dans le complotisme à l’UPR, cette secte europhobe dirigée par François Asselineau : en réalité, les origines de ce drapeau sont multiples (lire ici). Si Mélenchon se contente de réclamer un vote de l’Assemblée nationale, dont le résultat est plié d’avance, Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout la France, demande carrément un référendum et le Front national, par la voix de Louis Aliot, exige à tout le moins une «réforme de la constitution». Cette union sacrée (si Mélenchon me permet cette entorse à la laïcité) de la gauche radicale et de l’extrême-droite n’est guère surprenante, montrant une bonne fois pour toute qu’il n’y a jamais eu de «non de gauche», un «non» pour une «autre Europe», mais un «non» récupéré par les Europhobes et eux seuls.

Catégories: Union européenne

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