Le 18 Novembre 2016, le German Marshall Fund (GMF) a organisé une conférence sur le thème de la coopération UE-États-Unis, invitant le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.La réunion du 18 novembre 2016 a été mise en place pour renforcer la coopération entre les continents de part et d’autre de l’Atlantique. Pour ce faire, ils ont invité le Secrétaire général de l’OTAN puisque c’est la seule organisation défensive existante qui « unit les pays de deux continents » depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.La conférence s’est déroulée en deux étapes : le secrétaire général s’est d’abord exprimé sur les thèmes principaux, ensuite certains participants ont eu l’occasion de poser des questions relatives à l’actualité.
Lors de la première partie, le Secrétaire Générale de l’OTAN a approfondi le thème des relations entre les Etats-Unis et l’Europe en démontrant la relation réciproque qui lie les deux continents : la sécurité de l’Europe repose sur les États-Unis mais ceux-ci ont un intérêt stratégique d’entretenir une Europe stable et sécurisée comme ils le prouvent encore aujourd’hui.
Le Secrétaire général de l’OTAN a aussi rappelé les priorités de l’organisation : la question russe, les troubles en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, la crise des réfugiés, le terrorisme, les menaces hybrides et la cyber-security.
Selon lui, l’organisation reste capable de multiplier les forces de ses membres, en se présentant comme une plate-forme où partager les intérêts stratégiques.
Il a tenu a souligner que l’Alliance n’est pas une organisation «ancienne», bloquée dans les conflits du passé. Selon lui, l’OTAN continue de jouer un rôle crucial dans la « lutte contre le terrorisme international. De nombreux pays membres font, par exemple, partie de la coalition menée par les Etats-Unis pour combattre l’Etat Islamique (ISIL).De plus, l’OTAN est engagée dans la formation des officiers irakiens pour combattre l’ISIL.
La deuxième partie de la conférence a été consacrée aux questions posées par le public. Les questions et les réponses peuvent être regroupées autour des trois grandes stratégies sur lesquelles l’OTAN a mis au point sa propre politique:
Par rapport à la situation compliquée en Turquie, l’OTAN reconnaît l’importance comme Etat membre d’un pays unique dans sa géopolitique. La Turquie, malgré sa politique intérieure actuelle caractérisée par une absence d’état de droit (et le respect de certaines libertés fondamentales), a une position stratégique importante pour les intérêts de l’ensemble de l’Alliance. En fait, il est le seul pays membre sur lequel se déroulent les plus grands défis politiques actuels:
Ø A l’ouest la mer Méditerranée implique, pour l’instant, l’afflux des migrants par mer et l’intervention de l’OTAN dans la mer Égée,
Ø Au nord la mer Noire est l’endroit choisi par la Russie pour accroitre ses activités militaires,
Ø Au sud, il y a la Syrie, d’où viennent, en plus d’un grand nombre de réfugiés, les cellules affiliées à l’État islamique (ISIL).
Objectivement, la Turquie est actuellement l’Etat de l’Alliance qui a le plus besoin d’une «aide» que l’OTAN n’a encore jamais refusée parce qu’elle représente un point de passage pour les navires de l’Alliance directs vers la Mer Noire pour contenir la menace russe. C’est aussi une base pour les navires dans la Méditerranée orientale, et aussi une base territoriale d’où surveiller les événements en Syrie.
Il y a donc une confiance mutuelle entre la Turquie et l’OTAN : la Turquie sert à l’OTAN, et l’OTAN sert à la Turquie.
Le thème de la lutte contre le terrorisme a ensuite été abordé.
Pour rappel, le contre-terrorisme n’était pas dans les buts initiaux de l’OTAN. Cependant, L’ISIL comme la question de la migration, relèvent de la catégorie mentionnée ci-dessus : des menaces hybrides. L’OTAN est donc en train de développer une stratégie transversale pour faire face au problème. Le Secrétaire Général a affirmé que «This is not a NATO-led coalition but NATO plays a key role providing direct support with AWACS planes, with training Iraqi officers, also with the work we do for instance in Jordan and Tunisia and in the wider region but also the fact that the efficiency and the strength of the U.S.-led coalition fighting ISIL is very much based on the ability to work together which has been developed through decades of NATO exercises and decades of working together in military operations […]ISIL is an organization we try to eradicate not talk to but eradicate». Cela signifie que l’OTAN n’a pas un rôle de premier plan dans la coalition internationale pour combattre l’Etat islamique. Enfin, les questions sur le rôle des États-Unis dans l’Alliance ont évidemment été abordées étant donné le résultat des élections.
Le Secrétaire général de l’OTAN a déclaré “On projecting stability, well we decided to continue in Afghanistan, that’s part of our efforts to fight terrorism and we are stepping up our efforts to support the international coalition fighting ISIL”. Les missions de l’OTAN en Afghanistan, en Irak et le soutien à la Coalition sont le résultat de la liaison entre les Etats-Unis et l’Alliance atlantique.
L’OTAN, selon la déclaration du Secrétaire général, est confiant sur le soutien des États-Unis, même au niveau financier, car couper les fonds à l’Alliance (conçue comme un filtre pour les intérêts des États membres) signifie également perdre ses « contact » direct et légitime sur ses zones d’intérêt. 70% du budget de l’OTAN vient des États-Unis, parce qu’ils donnent plus de 2% de leur PIB pour le soutien de l’Alliance. Cela signifie que si les États-Unis réduisent leurs dépenses pour l’OTAN, ils vont perdre leur «pouvoir» en son sein.
Plusieurs questions restent encore à approfondir, notamment les relations avec l’UE, les mesures contre la Russie et le terrorisme en Syrie. En attendant le prochain Sommet européen en Décembre, où seront traitées les menaces communes aux deux organisations, l’OTAN a encore un fois sa volonté de tenir ouvert le dialogue avec la Russie et essayer de trouver une solution à la question ukrainienne.
Maria Elena Argano
REUTERS/Francois Lenoir
Que reste-t-il de « Maïdan », trois ans après, presque jour pour jour ? L’enthousiasme mondial autour de ce mouvement démocratique pro-européen, qui a débuté le 21 novembre 2013, à Kiev, Place (Maïdan) de l’indépendance, à la suite du refus du président ukrainien de l’époque, Viktor Ianoukovytch, de signer un accord d’association avec l’Union européenne pour rester dans l’orbite de Moscou, n’est plus qu’un lointain souvenir. Son successeur, Petro Porochenko, qui s’est rendu jeudi à Bruxelles, pour un sommet annuel avec les représentants de l’Union, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, et Donald Tusk, le président du Conseil des chefs d’État et de gouvernement, va constater que ses interlocuteurs n’ont pas grand-chose à lui offrir, alors que l’environnement international vient brutalement de se dégrader pour son pays avec l’élection d’un Donald Trump isolationniste qui proclame son admiration pour Vladimir Poutine.
En effet, l’avenir de l’accord d’association UE-Ukraine, qui est à la fois à l’origine de la révolution orange de 2013, mais aussi de l’intervention de Moscou en Crimée et dans l’est du pays, ce traité ayant été perçu comme les prémices d’une extension de l’Union – et donc de l’OTAN- dans « l’arrière-cour » de la Russie, est toujours aussi incertain. Finalement signé le 27 juin 2014, il s’applique provisoirement depuis janvier 2016. Mais, pour une entrée en vigueur définitive, il doit être ratifié par le Parlement européen et les 28 parlements nationaux. Or, les Pays-Bas ne l’ont pas fait, car ils se sont pris les pieds dans le tapis du référendum d’initiative populaire qu’ils venaient d’introduire. Une constellation de groupes et de partis anti-européens ont réussi à convaincre les Néerlandais, le 6 avril dernier, de rejeter la loi autorisant la ratification de cet accord par 61 % des voix, mais seulement 32 % de participation.
Depuis, le gouvernement de Mark Rutte cherche une solution pour sortir de ce piège. Certes, la consultation n’est que consultative, mais il doit réunir une majorité de son parlement autour d’une solution qui prenne en compte les préoccupations de son peuple. Le 31 octobre, il a finalement envoyé une lettre à Bruxelles dans laquelle il demande une « déclaration juridiquement contraignante » écartant, notamment, toute perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’Union et toute libre circulation des travailleurs ou encore affirmant solennellement que les Européens ne sont pas garants de la sécurité de l’Ukraine. « Comme nous n’avons pas le choix, puisque sans cette déclaration on peut dire adieu à l’accord d’association, nous allons la rédiger et l’adopter lors du sommet européen de mi-décembre », explique un diplomate européen. « On devrait réussir à obtenir l’unanimité ».
La Pologne va devoir se mordre la langue en signant ce texte : depuis 2004, elle bataille pour que la « vocation européenne » de l’Ukraine soit reconnue, ce qui ouvrirait la porte à son adhésion. Une perspective dont la plupart des pays d’Europe de l’Ouest, la France en particulier, ne veulent pas entendre parler, car cela serait quasiment une déclaration de guerre à la Russie. De là à dire que beaucoup voit d’un bon œil que l’on ferme définitivement la porte au nez des Ukrainiens, il n’y a qu’un pas. Sans compter Poutine qui voit ainsi un supposé danger s’éloigner. Mais, par contrecoup, cela ne va pas pousser Porochenko à relancer les réformes internes, puisqu’il perd dans l’affaire l’un de ses arguments de vente, lui qui passe son temps à hanter les coulisses de tous les sommets européens depuis deux ans pour plaider sa cause… Reste que cette déclaration ne garantit pas le vote positif du Parlement néerlandais : « si ça ne passe pas, c’est le saut dans l’inconnu », s’inquiète un diplomate.
Or, l’élection de Donald Trump aux États-Unis va aussi changer la donne dans la région. Le président élu a, en effet, l’intention de fumer le calumet de la paix avec Poutine, une détente dont l’Ukraine pourrait faire les frais. Trump ne semblant pas considérer que la garantie de sécurité collective prévue par le traité de l’Atlantique nord joue automatiquement pour les pays d’Europe de l’Est même membres de l’OTAN, Poutine pourrait dès lors considérer qu’il a les mains libres pour continuer à déstabiliser son ancienne République afin de la faire retomber dans son giron. Autant dire que Porochenko risque de se retrouver bien seul face au Kremlin…
Seul lot de consolation pour Kiev : l’Union a donné son feu vert pour supprimer les visas pour les Ukrainiens détenteurs d’un passeport biométrique (ils sont 1,5 millions) désireux de se rendre en Europe pour moins de 3 mois. Ça ne sera pas une révolution, moins de 2 % des demandes étant refusées. Cette levée des visas ne sera effective que lorsque le Parlement européen et le Conseil des ministres auront adopté, dans doute d’ici la fin de l’année, un « mécanisme de frein d’urgence » permettant de les rétablir en cas de risque sécuritaire ou migratoire.
N.B.: version longue de mon article paru dans Libération du 24 novembre