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2023-06-28T12:43:19+02:00 Olivier Kempf
Mis à jour : il y a 2 mois 3 semaines

Le continent de la douceur (A. Bellanger)

mer, 19/08/2020 - 22:49

Aurélien Bellanger est un auteur contemporain important, d’une veine houellebecquienne mais dont les préoccupations tournent autour de l’information (on se souvient d’un remarquable Théorie de l’information) mais aussi de l’espace et de son ordonnancement politique. On avait ainsi adoré L’aménagement du territoire mais aussi Le grand Paris.

Son dernier opus prend l’Europe comme sujet avec une excellente métaphore, celle d’un pays qui n’existe pas, la principauté de Karst (ex-Yougoslavie). La principauté vit l’invention des machines horlogères à la complication diabolique et l’utilité inconnue, mais aussi accueillit un mathématicien hors pair, dont le souvenir irrigue le roman qui conte l’histoire de la diaspora karste et de la « résurrection » de la principauté.

C’est follement drôle avec beaucoup de références en tout sens, une moquerie gentille de l’UE (la nouvelle machine karstienne), l’inclusion géographique et historique des deux hémisphères européens, un BHL traité pour ce qu’il est, à savoir un personnage farce de roman. On s’amuse beaucoup en se sentant intelligent et cultivé avec une douce ironie, pour ne pas dire moquerie, envers cette Europe qui se croit si importante alors qu’elle n’est plus qu’un doux souvenir.

Le continent de la douceur Aurélien Bellanger, ici

O. Kempf

Catégories: Défense

L'utopie déchue (F. Tréguer)

lun, 17/08/2020 - 22:46

Le sous-titre de l’ouvrage dit son programme : une contre-histoire d’Internet, du XVe au XXIe siècle.

L’auteur est membre de la Quadrature du net, association militant pour la sauvegarde de la liberté d’expression sur Internet et des libertés publiques.

Le programme du livre est donc celui de la liberté d’expression et des tentatives de contrôle de celle-ci par les pouvoirs, au travers des siècles : autrement dit, ce qui arrive aujourd’hui à la « régulation de l’Internet » ne serait que la réplication de méthodes expérimentées par le passé par les pouvoirs. Le changement est évident aujourd’hui, car nous observons l’association de divers types de pouvoirs (politique, économique, médiatique) qui de facto s’entendent pour maîtriser cet espace de liberté que devrait être l’Internet. Un livre qui permet de prolonger notre article « Pays média, pays réel » du LV 147.

L’utopie déchue Félix Tréguer, Fayard 2019, ici

O. Kempf

Catégories: Défense

Kisanga (E.

ven, 14/08/2020 - 21:43

Voici un très bon polar qui nous emmène en RD Congo et la région des Grands lacs.

L’enjeu : à la fois une opération minière qui allie un géant minier français et de nouveaux investisseurs chinois, le tout servant à illusionner des investisseurs anglo-saxons ; et la recherche d’une opération ratée des services français, dix ans auparavant, du côté du Ruanda et de l’est de la RDC, qui mettrait en cause le dirigeant du groupe français.

On le comprend, le tableau peint une âme humaine bien noire même si le héros, improbable, est un des cadres du groupe qui recherche la vérité au mépris de ses intérêts et au péril de sa vie : on le sent embarqué là un peu par hasard, anti-héros logiquement inattendu mais qui apporte le regard frais sans être pourtant candide. Enfin, on sent cette Afrique profonde du côté du Katanga, avec sa vitalité, ses profondes injustices et ses richesses gâchées.

Kisanga Emmanuel Grand, Livre de poche, 2019. Ici

O. Kempf

Catégories: Défense

Mondes en guerre (Dir. Hervé Drévillon)

mer, 12/08/2020 - 21:40

Cette somme en quatre volumes (deux parus cette année) réunit, sous la direction d’Hervé Drévillon, les analyses des historiens sur la guerre à leur époque de prédilection.

Le premier tome est consacré à la période vaquant de la Préhistoire au Moyen-Âge, le second volume à l’époque moderne (jusque 1870). Ces ouvrages sont non seulement bien écrits, ils sont également remarquablement illustrés grâce à une iconographie soigneusement choisie. On attend avec impatience le troisième tome (1870-1945) et le quatrième (de 1945 à nos jours). Un fonds de bibliothèque stratégique.

 

Mondes en guerre (2 tomes sur 4) Dir H. Drévillon, Passés composés, 2019. ici.

O. Kempf

Catégories: Défense

Histoire de l'Atlantique (Paul Butel)

lun, 10/08/2020 - 22:37

Les ouvrages d’histoire se divisent souvent en des genres bien convenus : biographies, période chronologique, histoire transversale et histoire d’un lieu. Il s’agit souvent de pays ou de villes, plus rarement d’ensembles géographiques (montagnes, mers).

Cette histoire de l’Atlantique appartient à cette dernière catégorie et a été écrite par un spécialiste des Antilles, Paul Butel. Il est particulièrement à l’aise avec la période du XVIIe au XIXe siècle, qui vit l’essentiel des trafics et migrations transatlantiques et pour laquelle les données sont plus nombreuses.

Est-ce sa perception ou la réalité ? on a l’impression, à le lire, que l’essentiel se fit dans l’Atlantique nord car il y a très peu de relation de ce qui se fît au sud. Il reste qu’on découvre l’importance précoce de Liverpool dans le commerce océanique, le rôle esclavagiste des colonies américaines, la part relative de ce commerce négrier dans l’enrichissement français, l’effacement précoce de l’Espagne, les tentatives de la France qui manquèrent de continuité et l’arrivée, à la fin du XIXe siècle, de la puissance allemande.

Histoire de l’Atlantique Paul Butel, Perrin Tempus, 2012. Ici

O. Kempf

Catégories: Défense

Sept jours avant la nuit (G.-P. Goldstein)

sam, 08/08/2020 - 22:32

Les bons romans de géopolitiques sont rarissimes. Celui-ci en est un, à l’évidence, qui prend la suite d’un déjà remarqué Babel minute zéro.

Julia O Brien, agente de la CIA, est libérée des geôles russes pour être immédiatement replongée dans une aventure extrême : Un groupe d’extrémistes hindous a réussi à fabriquer des bombes nucléaires et après un premier attentat, annonce en avoir placé une ou plusieurs autres. Le roman n’est pas la simple course au temps, d’usage dans ce genre d’ouvrages, car il témoigne de vraies connaissances des situations géopolitiques locales (en Inde ou en Arabie Séoudite) mais aussi des véritables interrogations liées à la prise de décision d’un homme d’Etat face à la crise.

En cela, il ne s’agit pas seulement de tourner les pages compulsivement (c’est un très bon roman), mais aussi d’en profiter pour comprendre et s’interroger.

Sept jours avant la nuit, G.-P. Goldstein, Folio Gallimard, 2017. ici.

Catégories: Défense

La bombe

mer, 05/08/2020 - 19:38

Mieux qu’une bande dessinée, ce long album de 500 pages raconte l’histoire de l’invention de la première bombe atomique et de son premier lancement opérationnel sur Hiroshima.

Tout commence en 1933, lorsqu’un physicien hongrois, Leo Szilard, décide de quitter son université à Berlin, devant l’arrivée de Hitler au pouvoir, pour rejoindre les États-Unis. Là commencent les premières recherches puis, à partir de l’entrée en guerre, le lancement du projet Manhattan.

On croise Fermi, Heisenberg, le général Grooves et tous les autres qui ont participé, d’une façon ou d’une autre, à cette histoire. Nous connaissions leurs noms sans savoir exactement qui avait fait quoi.

Cet album de référence, mieux peut-être qu’un essai, nous donne à comprendre ce qui s’est passé, grâce à une documentation impeccable et un dessin (N&B) éblouissant.

La Bombe, par Alcante, Bollée et D. Rodier, Glénat. Ici.

O. Kempf

Catégories: Défense

Introduction à la sécurité internationale

mar, 14/07/2020 - 22:58

Ci-joint une fiche de lecture, parue en mars dans la RDN (lien ici), sur un manuel concis et précis. Excellent comme introduction au sujet.

Les manuels de relations internationales ont tendance à se ressembler. Aussi faut-il signaler ce petit ouvrage qui se distingue par une approche plus tournée vers les questions de sécurité, sans verser pour autant dans les études de paix. Autrement dit, un heureux équilibre. L’auteur enseigne à l’université de Grenoble depuis plusieurs années et l’on sent, à la lecture, non seulement une connaissance approfondie des auteurs et thématiques de référence, mais aussi le frottement des théories avec les interrogations des étudiants. Ainsi, le livre ne se cantonne pas à réciter les grandes théories et citer les grands auteurs, il s’intéresse au fait de la guerre contemporaine et s’interroge avec lucidité sur « les guerres du XXIe siècle », comme l’auteure le signale dès l’introduction. Le lecteur sent alors qu’il ne s’agit pas de réciter des certitudes, mais de réfléchir face à un phénomène très changeant, dont les règles ont profondément muté et qui laisse aussi les praticiens dans l’expectative.

L’ouvrage est divisé en trois parties. La première reprend les approches théoriques de la sécurité internationale, décrivant les écoles réaliste, libérale et constructiviste en soixante-dix pages : c’est assez précis pour bien comprendre les grands débats et les principaux courants, sans aller trop loin dans les subtilités théoriques ; il s’agit bien d’un ouvrage d’initiation, à jour des références théoriques sur le sujet. La deuxième partie évoque les principaux acteurs de la sécurité internationale : l’État, qui demeure un « acteur clef » ; les organisations internationales de sécurité collective ; les acteurs régionaux et enfin un chapitre qui décrit « deux acteurs non étatiques, les sociétés militaires privées (SMP) et les ONG ». Remarquons ici que cette évocation des SMP constitue une heureuse surprise, tant elle est rarement évoquée. La troisième partie traite des grands enjeux de la sécurité internationale contemporaine (ce dernier adjectif est important) : un chapitre sur les guerres asymétriques et les nouveaux conflits armés, un autre sur le terrorisme, un dernier sur la cybersécurité internationale.

Le lecteur observera qu’il n’est pas fait mention de la dissuasion nucléaire ni de contrôle d’armement ni de lutte contre la prolifération, par exemple : autant de thèmes qui pourraient faire logiquement partie du sujet. Mais l’auteure a fait des choix : celui de la lisibilité (l’ouvrage fait 250 pages, il constitue bien un petit manuel d’initiation) ; celui surtout du centrage sur la conflictualité contemporaine telle qu’elle se déploie activement ; autrement dit, la guerre (ou le conflit) d’aujourd’hui, et non pas tout le champ de la guerre, y compris celui de l’interdiction de la guerre. Le livre a donc les qualités de ses défauts : il est bref et se concentre pour cela sur un certain nombre de thèmes. Mais du coup, c’est un texte original, qui se distingue des autres et constitue une excellente façon de s’initier au sujet. 

O. kempf

Catégories: Défense

Robot, Combat urbain et éthique

lun, 06/07/2020 - 22:55

Juste pour signaler un article que j'ai publié il y a quelques mois, dans le numéro de mars de la RDN. (lien vers l'article)

Résumé :

Le combat urbain de demain va obliger à l’emploi accru de robots terrestres. Ceux-ci permettront d’élargir le champ des possibles, tout en préservant la vie des soldats. Les règles d’engagements de ces nouveaux moyens devront s’inscrire dans une réflexion éthique déjà bien avancée.

O. Kempf

 

Catégories: Défense

Autorité des scientifiques

ven, 05/06/2020 - 22:08

J'ai répondu en mai, au moment de la crise de la Covid, aux questions de Damien Liccia pour ANtidox, revue en lgne qu'il anime (lien vers le numéro concerné).

Un débat intéressant qui a servi à la rédaction de la lettre La Vigie n°144 qui constatait une "Disparue, l'autorité scientifique".

Depuis le début de la crise, l'exécutif se réfugie systématiquement derrière des médecins et des scientifiques pour justifier ses décisions. La politique est-elle désormais sous tutelle du discours scientifique ? Quid de la légitimité et de la responsabilité de cette parole ?

Il y a effectivement eu cette tentation, notamment au début quand le pouvoir a été surpris par l'irruption imprévue de cette pandémie. Dès lors, les services habituels de l'Etat ont paru débordés et le gouvernement a dû masquer cette difficulté. S'en remettre à des avis scientifiques était une façon de regagner de la légitimité à la suite de la perte de confiance brutale. Mais le rôle d'un pouvoir est de prendre des décisions et dans un régime démocratique, d'obtenir l'assentiment du peuple. La légitimité démocratique étant affaiblie, la légitimité technocratique et bureaucratique ayant failli, il fallait trouver une nouvelle source de légitimité des décisions à prendre (sans même se prononcer sur la nature de ces décisions).

Bref, le gouvernement était dans l'embarras et ce passage par l'avis scientifique a été un expédient. Peu à peu, les critiques se sont élevées là-contre et le pouvoir est revenu à une mécanique habituelle de prise de décision. Car finalement, nous nous sommes aperçus que l'avis scientifique n'était qu'un avis et qu'il ne résolvait que partiellement l'inertitude. Or, c'est le métier du décideur, où qu'il soit (et donc du décideur politique) que de trancher dans l'incertitude. Quand il n'y a pas d'incertitude, il n'y a pas de décision.

Nous sommes donc depuis revenus à un système plus classique où le politque consulte mais à la fin du processus décide, ce qui suscite forcément des mécontents.


Les contradictions des scientifiques en période d'incertitude ne sont-elles pas l'un des facteurs de la montée de la défiance, qui touche autant la science que la légitimité des pouvoirs publics ?
Absolument, car nous nous sommes aperçus, notamment avec le débat sur la chloroquine, que la démarche scientifique, notament dans l'inconnu, n'avait pas de certitude. Je n'ai aucun avis sur la chloroquine et ses vertus face au Covid-19. Mais cela a donné lieu à une polémique publique qui est passée par plusieurs canaux : les médias traditionnels, bien sûr, mais aussi les réseaux sociaux.  Or, cela vient après plusieurs épisodes similaires auxquels nous n'avons pas prêté attention et qui pourtant relèvent du même rapport nouveau, émotif et sémantique, à la science : je pense ici au débat entre climato-sceptiques et collapsologues, par exemple, ou entre pro- et antivax. Le deuxième cas est moins net car il n'y a qu'un côté qui est radical mais dans le cas du climat, ce qui est frappant c'est que des deux côtés, nous avons des "extrémistes".

Avec la chloroquine, nous sommes arrivés, beaucoup plus rapidement d'ailleurs, à cette radicalisation des opinions. Que le débat scientifique soit "contradictoire" pour reprendre le mot central de votre question, quoi de plus normal ? La démarche scientifique est fondée sur le doute et la remise en cause, qui doit bien sûr être appuyée sur des observations et des modèles explicatifs. La chose nouvelle, c'est que ce débat scientifique (comme tout débat intellectuel) perfuse désormais dans l'espace public qui a lui-même radicalement changé de nature, puisqu'il n'est plus tenu par des médias structurés (sans même parler de leur contrôle éventuel par ces groupes de pression) mais par des réseaux sociaux, qui sont véritablement des médias de masse, aussi bien par leur diffusion (les consomamteurs) que par leur émission (les producteurs).

Voici donc cette couche sémantique du cyberespace qui prend une ampleur incroyable et insoupçonnée et où l'émotion règne en maître et vient logiquement affecter des débats qui seraient autrement fondés sur la raison.


Si le télescopage des calendriers est évidemment fortuit, la loi Avia vient d’être adoptée à l’Assemblée. Cependant, que faut-il penser de ce type de dispositifs législatifs et de leur impact sur les réseaux sociaux. Une manière de rendre ces espaces plus rationnels ?

C'est d'une certaine façon une conséquence du dernier phénomène que je viens d'évoquer : la massification des réseaux sociaux et l'augmentation du rôle de l'émotion font que des débats apaisés peinent à se tenir. Très vite, les insultes fusent, sur le modèle du point Godwin. Comment donc contrôler ces expressions et empêcher les excès ?

Il y a un mot pour cela, qui n'est pas à la mode mais qui correspond bien à ce qu'on cherche : la censure. Elle n'est pas néfaste par nature et notre société s'est finalement habituée à des lois qui encadrent la liberté d'expression pour éviter tout négationnisme ou toute haine. Par nature, la censure n'est pas populaire mais elle est pourtant nécessaire dans toute société. La grande question tient à son contrôle car si la censure vise à éviter les excès, comment éviter les excès de la censure ?

Pour en venir à la loi Avia, je vois surtout un autre débat (sans même parler de son efficacité ni des menaces qu'elle fait porter indirectement sur les libertés publiques) : c'est le rôle de la puissance publique. En effet, dans le cyberespace, face aux mastodontes des réseaux sociaux, qui a le pouvoir d'exercer cette censure sur ces médias électroniques ? les plateformes... Or, dans le cyberespace, le code est la loi et dans le cas présent, les "conditions générales d'utilisation" (CGU) sont la vraie loi. De facto, ce sont les plateformes qui exercent cette censure et ce contrôle des expressions radicales. La rigueur de la loi intervient après les décisions des plateformes qui suivent leurs propres règles : observez par exemple la pudibonderie de certaines censures de billets sur Facebook... Le pouvoir politique court après le pouvoir privé qui est lui même un pouvoir technique. 

La loi Avia signale finalement la perte de pouvoir du pouvoir...

O. Kempf

Catégories: Défense

L'échec de la pensée technocratique

sam, 02/05/2020 - 11:13

Un correspondant m'envoie un texte avec une explication complotiste du confinement. Pas beaucoup d'intérêt, nous sommes d'accord. Mais elle révèle beaucoup de choses, notamment sur notre rapport collectif au discours technocratique venu du haut. Constatons que la gestion de la pandémie, particulièrement en France, démontre de façon sidérante l'inefficacité de l’État (attention, en disant cela, je ne prononce pas l'habituel discours libéral voire libertarien). Il s'agit d'autre chose qui a à voir avec le modèle technocratique.

Source

Le confinement est une mesure irrationnelle prise parce que subitement, la mort est revenue dans nos sociétés. Plus exactement, elle est devenue visible, d'autant que l'hyper médiatisation et les réseaux sociaux ont accentué ce phénomène. Observez cette omnipotence du sujet dans les médias, avec un effet cumulatif. On en parle donc on le craint, on le craint donc on en parle.

Par conséquent la réaction des autorités a été totalement démesurée. On est à 185.000 morts mondiaux, alors qu'une population vaccinée contre la grippe (paraît-il) admet 300.000 morts par an.

Au fond, plutôt que de croire à un complot (sorte d'hyper rationalité), je crois surtout à l’impéritie et à la faillite de la technocratie.

La technocratie est une technique du XXe siècle, (elle est à la base du projet de l'UE, d'ailleurs). Elle suppose que tout est une affaire d'équation et que des experts vont pouvoir la résoudre. Or, aujourd'hui, on constate deux choses :

1/ Le flux d'information fait qu'on ne peut les entrer dans des équations (malgré les illusions du Big Data et de l'IA, autre sujet qu'il faudrait que je développe, ce qui ne signifie pas que les Big Data ou l'IA sont inutiles : mais la pensée magique à leur sujet est typique d'une erreur de pensée).

2/ La parole scientifique démontre toutes ses limites : cf. ce pseudo conseil scientifique dont les opinions varient au fil du temps et des pressions du pouvoir, cf. les polémiques sur le Dr Raoult. On nous promet un vaccin dans 12 mois sachant qu'on n'a pas de vaccin absolu contre la grippe que l'on connaît depuis des siècles, ni contre le Sida apparu en 1983... Imposture. Qui alimente en retour la défiance envers le discours "venu du haut" et donc les explications complotistes, telle celle que je signalai en début de billet.

Or, en se concentrant sur les personnes à risque (plus de 65 ans et comorbidité) on réussirait à contenir aussi bien le virus sans avoir provoqué le foutoir de ce confinement. Mais voilà, nous avons réagi par émotion... Une émotion technocratique !

Olivier Kempf

Catégories: Défense

Quelles postures des services Cyber israéliens dans la lutte contre le COVID-19 ?

mar, 21/04/2020 - 15:08

''Je suis heureux de publier un texte d'un jeune directeur pays au sein d'une grande société de Défense européenne et officier de réserve au sein des Armées, Romain Queïnnec. Mille mercis à lui. O. Kempf

Le directeur général de l'INCD (comparable à l'ANSSI en France) - Igal Unna - a passé en revue la posture Cyber d'Israël dans le contexte de la crise du COVID-19, à l'occasion du CyberTechLive d'avril 2020

La crise sanitaire mondiale et la course au vaccin que nous vivons actuellement fait naître une crise Cyber aux multiples facettes. D'une part, le contexte est particulièrement favorable aux agresseurs : explosion et déploiement anarchique du télétravail, sécurité affaiblie par la gestion à distance/délais de réactions/procédures non-maîtrisées, utilisateurs stressés moins vigilants, etc. Et, d'autre part, les mobiles d'agressions, quant à eux, sont nombreux et variés : rançons, hacktivisme, espionnage économique, pré-positionnement de dispositifs pour actions ultérieurs, etc.

L'INCD distingue 4 profils rencontrés par leurs équipes lors de la gestion de cette crise Cyber :

  • Cybercriminalité : profiter de la tension liée à la crise sanitaire pour obtenir des rançons.
  • Scriptkiddies et étudiants : "joue" au hacking ou passe-temps pour s'occuper en confinement.
  • Hacktivistes : activités de militantisme politique, religieux, etc.
  • Etatique (direct ou indirect) : espionnage économique, pré-positionnement de dispositifs.

Les 7 missions de l'INCD durant la crise du COVID-19

Bien que déjà en posture d'alerte dans le contexte des élections israéliennes, l'INCD a cependant orienté spécifiquement une partie de ces missions dans le cadre de la crise sanitaire actuelle. Cette posture est doublement renforcée par la célébration par les juifs israéliens de "Pessah" début avril, période habituelle d'attaques Cyber importantes pour ce pays.

Les 7 missions principales que l'INCD a identifiées sont les suivantes :
  • Cybersécurité et continuité d'activité complète du secteur Santé.
  • Cybersécurité des chaînes d'approvisionnements maritimes et aériennes.
  • Cybersécurité des accès à distance aux services "e-Gov".
  • Un accès fluide et continu à Internet malgré le télétravail de masse et l'explosion de la consommation des loisirs numérique durant le confinement.
  • Cybersécurité de la production et de la distribution alimentaire et médical.
  • Assurer une industrie Cyber parfaitement opérationnelle pour soutenir les secteurs publics et privés.
  • Cybersécurité de la R&D autour de l'étude de solutions contre le COVID19 (vaccins et solutions technologiques). Autrement dit, protection contre l'espionnage (y compris économique) des éventuelles découvertes israéliennes.
Les mesures prises par l'autorité Cyber Israélienne

L'INCD a mis en place 8 mesures cyber :

  • Mise en place d'un "Command & Control" dédié à la crise COVID-19 en partenariat avec les "agences habituelles".
  • Alertes et conduites à tenir Cyber publiées sur les sites gouvernementaux (ex: collaboration sur Zoom, télétravail, Vishing et Phising, etc). L'INCD a publié 17 alertes et conseils de conduite à tenir depuis le début de la crise.
  • Conseil et audit de l'application de backtracking "Hamagen" (c.a.d "le bouclier") à destination de la population locale.
  • Coopération internationale : webinar thématique (50 pays, 220 participants, 4 sessions).
  • Mise en place d'un market-place rassemblant environ une centaine de produits/services/solutions Cyber israéliens.
  • La hotline "119" pour signaler les incidents Cyber.
  • Sécurisation des laboratoires liés aux tests ou recherche du coronavirus. Actuellement, 29 laboratoires ont reçu l'aide de l'INCD.
  • Renfort des services et audits ciblés : 136 nouvelles institutions inscrites sur l'outil de scan et d'analyses des risques cyber, 52 organisations passées en niveau "infrastructure critique" (équivalent en France des OIV), 4 audits conjoints menés avec d'autres services, 7 opérations de réponses à incidents menés par les équipes de l'INCD.
Anticipation - Quelles leçons pour demain ?

L'ANSSI israélienne déclare également travailler sur le "day after" et a identifié 6 leçons qui peuvent déjà être retenues de l'expérience de la crise Cyber en cours :

  • Augmenter la capacité de fonctionnement à distance : télétravail, télémedecine, e-learning, service e-gov.
  • Déploiement de la 5G et du cloud pour faire face à la tension sur les infrastructures de télécommunication.
  • Un engagement et une sensibilisation plus large sur la Cyber en cas de crise.
  • Réouverture des discussions concernant la vie privée VS le bien public : géolocalisation, medical, données.
  • Redéfinition de la Cybersécurité comme fournisseur de services critiques.
  • Maitriser des TTP (Tactique, Technique et Procédure) en cas de fonctionnement massif des organisations à distance.
COVID-19 - Opportunité pour notre souveraineté Cyber ?

La posture Cyber israélienne menée par l'INCD est irriguée par la tradition du pays à naviguer entre la gestion de crise et le "day-after", c'est à dire entre l'innovation de contrainte et l'innovation d'anticipation. Bien que temporellement situé au coeur de la crise, il y a un vrai challenge stratégique dans cette innovation d'anticipation, en ce qu'elle est une opportunité de prise de leadership pour demain. Le "chaos fertile" de Sun Tzu.

Pour renforcer et conclure mon propos, je ne peux pas m'empêcher de vous partager cette citation de Mike Rogers (ancien directeur de la NSA américaine) qui répondait à Nadav Zafrir (ancien général de l'unité 8200 - Renseignement militaire Israélien), tous deux participants au CyberTechLive, et liés par leurs activités au sein du think-tank Cyber Team8.

Nadav Zafrir de demander "Les gens sont en train de perdre leurs jobs, comment pouvons-nous penser au futur ?"

Et Mike Rogers de répondre : "Conduisez le changement, ne le subissez pas ! Conduire le changement, c'est sécuriser son futur. Tirez avantage de cette crise et saisissez l'opportunité de créer un monde meilleur".

Meilleur pour qui ?

Conclusion

Au-delà de la pensée "américaine" de Mike Rogers, pour laquelle je laisse chacun avoir son avis, je me demande si effectivement en France et en Europe nous ne sommes pas dans un effet tunnel de gestion de la crise. Mobilisé (à juste titre) sur la continuité d'activité, ne manquons-nous pas des opportunités de conduire activement le changement à court terme ("prendre la main"), et donc des opportunités de prise de leadership à moyen-long terme face à nos challengers stratégiques Cyber ? La crise du COVID-19 n'est-elle pas une opportunité pour le déploiement offensif d'une souveraineté Cyber pour la France et l'Europe ?

Romain QUEINNEC

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Merci à Bernard Barbier, Jean-Noël de Galzain et Julien Provenzano pour leurs relectures et conseils.

Catégories: Défense

Le héron et la crise

sam, 11/04/2020 - 15:33

Ayant recommencé à publier sur ce blog, j'ai reçu récemment un compte-rendu de mon correspondant de presse auprès des hérons. Je suis très heureux de le porter à votre connaissance. Merci à lui.

source

Du poste d'observation où je guette les grenouilles – créées par le Grand Patapon, dans son immense sagesse, pour nourrir les hérons – j'observe aussi les TGC et j'ai remarqué que depuis quelque temps ils sont moins nombreux et se bousculent moins. L'un d'eux m'a expliqué pourquoi.

Mais là je devine que je vous dois d'abord quelques explications. Les TGC, se sont ces créatures bizarres dépourvues de plumes et de bec qui vivent dans la ville bâtie autour de ma rivière – l'Erdre – et autour de la Loire plus loin.

Les TGC, dépourvus de beaucoup de choses indispensables, n'ont pas d'ailes non plus mais seulement deux pattes et ils sont, de ce fait, limités dans leurs déplacements : c'est pour ça qu'ils ont construit des villes, bien qu'ils s'y bousculent. Le Grand Patapon n'a pas été du tout sympa avec eux quand il les a créés. Cependant il faut croire qu'ils ont leur utilité : les voies du Grand Patapon sont impénétrables. Et en plus, comble du ridicule, les TGC ont une grosse tête : c'est aussi pour ça qu'ils ne peuvent pas voler, car le poids de leur tête les déséquilibrerait. Avec les copains, on les appelle TGC parce que ça veut dire les Trop Gros Cerveaux.

Parfois je bavarde un peu avec l'un d'eux quand il passe sur le Pont Saint-Mihiel. Ce pont franchit l'Erdre pas loin de la péniche sur le toit de laquelle je me poste pour guetter les grenouilles. C'est une péniche où loge un artiste, elle ne voyage plus : le toit de ma péniche est presque à la hauteur du pont où les TGC se bousculent pour passer. Mais depuis quelque temps ils se bousculent moins. Un TGC un peu moins bizarre que les autres m'a expliqué pourquoi. Je dis « moins bizarre » parce que de temps en temps il s'arrête et on bavarde. Jamais vous ne verriez un TGC normal parler à un héron.

Pendant qu'il jetait du pain aux canards, je lui ai demandé : « pourquoi les TGC sont-ils moins nombreux ces temps-ci ? – Parce que nous sommes confinés. – C'est quoi, ça ? – Nous n'avons pas le droit de sortir de nos maisons. – C'est toujours pareil : à chaque fois que je te demande de m'expliquer quelque chose, tu me réponds par autre chose d'encore plus compliqué. Qu'est-ce que ça veut dire pas le droit ? – Ça signifie que l'intérêt de tous les TGC est de rester dans leur maison. – Ah, je comprends. Mais pourquoi ? – Parce que quelques uns d'entre nous ont une maladie qui peut se transmettre aux autres. – Comme la grippe aviaire que nous avons eue autrefois ? Je n'étais pas né : mes parents m'ont raconté. Mais eux, ils n'ont jamais été confinés, comme tu dis. – Parce que eux, ils ne savaient pas. – Au contraire vous, vous savez à cause de votre trop gros cerveau et donc vous n'avez pas le droit d'aller où vous voulez comme vous voulez. »

Ayant dit ça, j'ai réfléchi un peu (très peu, comme toujours, mais suffisamment) et j'ai ajouté : « je t'ai toujours dit qu'un trop gros cerveau ce n'est pas un avantage. »

Mon pauvre TGC n'a pas su quoi rétorquer à ça. J'ai continué : « mais toi, qu'est-ce que tu fais là, à donner à manger aux canards, alors que tu n'as pas le droit de sortir de ta maison ? – On a quand-même un peu le droit : là, je sors en conformité avec le 5° de l'article 3 du décret du 20 mars. – Vous êtes d'un compliqué ! Pas le droit mais quand-même le droit d'aller donner à manger aux canards, c'est dingue ! – Je suis assez d'accord avec toi : je crois qu'il y a chez nous des gens qui n'ont pas bien utilisé leur trop gros cerveau et qu'à cause de ça l'on arrive à des incohérences. Par exemple, les gens qui n'ont pas de domicile (on les appelle les SDF), je ne sais pas comment ils font pour rester chez eux. Ni ceux qui vivent toute l'année dans une caravane (on les appelle les gens du voyage). »

Je n'ai pas répondu parce que moi non plus je ne savais pas. J'ai de la difficulté à concevoir que l'on n'aie pas de nid ou que l'on aie un nid qui voyage. Mon TGC a conclu : « Bon mais maintenant tu m'excuseras : il faut que j'aille confiner. – Oui, vas. Mais sache que je suis de tout cœur avec toi : mes parents, avec la grippe aviaire, n'ont pas eu tous ces problèmes de "pas-le-droit-mais-un-peu-le-droit-quand-même-dans-certains-cas". »

Le héron

Catégories: Défense

La crise accélérateur de l'histoire

mer, 08/04/2020 - 11:00

La crise est un accélérateur de l'histoire : en fait, elle ne sera probablement pas un point tournant (signifiant une réorientation des choses, d'un point de vue géopolitique du moins) mais un point d'inflexion. Reste alors à discerner quelles sont les tendances géopolitiques qui vont être accélérées.

source

J'en vois plusieurs que je teste avec vous :

- la poursuite de la relativité américaine ou plus exactement : de la sortie de la centralité américaine. L'Amérique restera évidemment une grande puissance, mais de plus en plus relative et donc, reléguée au milieu de ses deux océans. Je ne mentionne pas ici l'hypothèse d'un éclatement américain, qui demeure possible .

- je ne suis pas convaincu de la poursuite de la montée chinoise. Le régime était déjà dans de grandes difficultés, car son modèle économique arrivait à bout de souffle. La crise accélère cette contradiction interne, d'autant qu'à l'extérieur, on va assister à un nouveau regard. De même que les Européens ont découvert l'Amérique de Trump avec un nouveau regard, de même nous allons regarder la Chine de Xi avec un nouveau regard, celui d'une puissance dont nous sommes trop dépendants et qui surtout nous a beaucoup menti.

- sans revenir à la notion de multipolaire, les circonstances permettent un champ des possibles plus ouvert pour l'Europe, pourvu que les Européens cessent de se considérer comme à la traîne, ici des Américains, là des Européens. En fait, il nous faut nous sortir de notre repentance collective, de notre regret d'avoir dominé le monde, de nos complexes. Vous aurez compris que quand je parle de l'Europe, je ne parle pas de l'UE. Cela signifie que les conditions sont possibles pour une nouvelle relation avec la Russie à l'Est et l'Afrique au sud.

O. Kempf

Catégories: Défense

Introduction à la sécurité internationale (D. Deschaux-Dutard)

lun, 02/03/2020 - 13:01

Les manuels de relations internationales ont tendance à se ressembler. Aussi faut-il signaler ce petit ouvrage qui se distingue par une approche plus tournée vers les questions de sécurité, sans verser pour autant dans les études de paix. Autrement dit, un heureux équilibre.

L’auteur enseigne à l’université de Grenoble depuis plusieurs années et l’on sent, à la lecture, non seulement une connaissance approfondie des auteurs et thématiques de référence, mais aussi le frottement des théories avec les interrogations des étudiants. Ainsi, le livre ne se cantonne pas à réciter les grandes théories et citer les grands auteurs, il s’intéresse au fait de la guerre contemporaine et s’interroge avec lucidité sur « les guerres du XXIe siècle », comme l’auteur le signale dès l’introduction. Le lecteur sent alors qu’il ne s’agit pas de réciter des certitudes mais de réfléchir face à un phénomène très changeant, dont les règles ont profondément muté et qui laisse aussi les praticiens dans l’expectative.

L’ouvrage est divisé en trois parties. La première reprend les approches théoriques de la sécurité internationale, décrivant les écoles réalistes, libérale et constructiviste en soixante-dix pages : c’est assez précis pour bien comprendre les grands débats et les principaux courants, sans aller trop loin dans les subtilités théoriques : il s’agit bien d’un ouvrage d’initiation, à jour des références théoriques sur le sujet. La deuxième partie évoque les principaux acteurs de la sécurité internationale : L’État, qui demeure un « acteur clef » ; les organisations internationales de sécurité collective ; les acteurs régionaux et enfin un chapitre qui décrit « deux acteurs non-étatiques : les sociétés militaires privées et les ONG ». Remarquons ici que cette évocation des SMP constitue une heureuse surprise, tant elle est rarement évoquée. La troisième partie traite des grands enjeux de la sécurité internationale contemporaine (ce dernier adjectif est important) : un chapitre sur les guerres asymétriques et les nouveaux conflits armés, un autre sur le terrorisme, un dernier sur la cybersécurité internationale.

Le lecteur observera qu’il n’est pas fait mention de la dissuasion nucléaire, ni de contrôle d’armement, ni de lutte contre la prolifération, par exemple : autant de thèmes qui pourraient faire logiquement partie du sujet. Mais l’auteur a fait des choix : celui de la lisibilité (l’ouvrage fait 250 p., il constitue bien un petit manuel d’initiation) ; celui surtout du centrage sur la conflictualité contemporaine telle qu’elle se déploie activement : autrement dit, la guerre (ou le conflit) d’aujourd’hui, et non pas tout le champ de la guerre, y compris celui de l’interdiction de la guerre. Le livre a donc les qualités de ses défauts : il est bref et se concentre pour cela sur un certain nombre de thèmes. Mais du coup, c’est un texte original, qui se distingue des autres et constitue une excellente façon de s’initier au sujet.

Introduction à la sécurité internationale D. Deschaux-Dutard, PUG, 2019

Olivier Kempf

Catégories: Défense

Cloud Act, GPDR: International Insights on Privacy and Data Management

jeu, 16/01/2020 - 18:11

J'aurais le plaisir d'être le "Discutant" à cette conférence de la FRS (vous ai-je dit que j'y étais chercheur associé ?) qui se teindra le 24 janveir prochain. Détails ci-dessous.

La Fondation pour la recherche stratégique, en partenariat avec l'ambassade des Etats-Unis à Paris, a le plaisir de vous inviter à la conférence : Cloud Act, GPDR: International Insights on Privacy and Data Management, qui se tiendra le vendredi 24 janvier 2020, de 17h30 à 19h00, dans les locaux de la FRS (4 bis rue des Pâtures - 75016 Paris).

Le professeur Peter Swire du Georgia Institute of Technology y présentera ses travaux sur les politiques et législations sur la vie privée en ligne.

Le Pr. Swire, ancien conseiller des présidents Clinton et Obama sur les enjeux liés à la gestion des données privées et la sécurité nationale, exposera la vision américaine de ces problématiques avant que la discussion ne s'ouvre sur la comparaison avec les orientations européennes et françaises en la matière.

Le général de Brigade (2S) Olivier Kempf, chercheur associé à la FRS, sera le discutant.

Les débats seront animés par Nicolas Mazzucchi, chargé de recherche à la FRS.

La langue de travail sera l’anglais, et la séance se déroulera selon la règle de Chatham House.

Inscription auprès de la FRS (places limitées)

Site de la conférence :

Olivier Kempf

Catégories: Défense

Du côté des western

dim, 12/01/2020 - 12:20

La période de Noël a vu la parution de tout un tas de nouveautés BD. Parmi elles, plusieurs de Westen. J'évoquerai bien sûr le dernier Blueberry mais aussi deux BD débutant des cycles que l'on espère fructueux : Jusqu'au dernier de Félix et Gastine et Lonesome de Yves Swolf.

Jusqu'au dernier, éditions Grand angle (ici)

Félix et Gastine nous offrent ici une belle BD au dessin réaliste avec des couleurs passionnantes. L'histoire est très belle aussi : celle d'un vieux cowboy qui voit la fin de son métier avec l'irruption du train et qui, s'étant pris d'affection pour un gamin simplet, voit ses derniers espoirs basculer dans un drame. Le traitement graphique comme la maîtrise de l'histoire sont remarquables et surtout, permettent beaucoup d'émotions mais aussi la confrontation de tempéraments très opposés, ici nobles, là vils (c'est un western, quand même). Cependant, l’articulation entre "les bons et les méchants" est beaucoup plus subtile et entraîne le lecteur dans une belle histoire, plein de clairs obscurs, aussi bien du dessin que de l'âme. Une histoire complète (pas de suite prévue)

Lonesome, La piste du précheur et les ruffians, Lombard (ici)

Yves Swolfs s'était fait connaître par Durango, déjà un western. Le voici revenir au genre avec cette série (quatre tomes prévus, deux parus depuis 2018) sur un justicier qui affronte une bande d'excités et de pousse-au-crime, aux confins de l'Arkansas, au moment de la Guerre de Sécession. Ici encore, un coup de crayon très réaliste et étonnamment précis, et des méchants vraiment méchants...

Amertume Apache (Blueberry), Dargaud,ici

Qui ne connaît pas Blueberry, un culte absolu de la BD. Mais voilà, depuis le décès de Jean Giraud en 2012, la série n'avait rien connu.? Aussi est-ce avec une impatience gigantesque que tout le monde attendait cet album, proposé par Sfar et Blain. L'histoire se déroule à Fort Navajo, avec des personnages fragiles qu'il s'agisse de notre héros mais aussi du commandant du fort ou des personnages féminins. Au fond, tout le monde est un peu perdu, dans ce coin perdu de l'Ouest. Malgré tout, l'histoire est bien ficelée. Après, comme toute suite, on débattra à l'infini sur l'équilibre à tenir entre imitation et libération par rapport à l'origine. Convenons que les auteurs ont respecté les albums d'origine sans chercher à faire "du Giraud". J'ai pour ma part beaucoup apprécié le dessin, que j'ai trouvé dépouillé, avec une sorte de simplicité qu'on trouvait dans les albums des années 1960. Pour autant, cela n'est pas un album "rétro". Bref, un grand plaisir à retrouver notre personnage attachant. Vivement la suite (2020).

O. Kempf

Catégories: Défense

Mad Maps

dim, 15/12/2019 - 21:11

Le temps de Noël arrive, vous n'avez pas encore fait vos cadeaux, vous ne savez pas quoi demander (peu crédible) ou offrir à un de vos proches qui lui est fana géopolitique - géographie - cartographie (barrer la mention inutile). Voici ce qu'il vous faut : Mad Maps, sorti à la rentrée mais qui est particulièrement pertinent en ces temps de rêve (non, je n’ai pas dit grève ni trêve).

Voici donc un atlas qui propose de nouvelles "représentations du monde" ; exercice typiquement géopolitique. J'y apprends par exemple que le mot "statistiques" vient de l'anglais "state" : pas de cartographie sérieuse sans bonnes données dessous, c'est ce que j'avais appris en travaillant avec un cartographe sur un de mes bouquins. Du coup, voici par exemple une carte qui donne les taux de natalité en effaçant les frontières (p. 73).

Si les anamorphoses sont désormais choses assez courantes, superposer la France géographique, la France routière et la France ferroviaire présente un intérêt certain (p. 64).

Plus original : écrire sur la carte au moyen de ses traces GPS, c'est désormais possible sur OpenstreetMap (p. 83). On s'interrogera aussi sur les jeux de couleurs de nos cartes : rouge ? jaune ? (PP. 90 à 93), ou on s'amusera de la forme de la prochaine Pangée, dans 250 millions d'années (p. 120).

Vous l'avez compris : cet ouvrage est fait pour surprendre à coups de cartes, donc à interroger, donc à rendre plus intelligent grâce au décalage volontairement recherché avec le sérieux de la discipline. Mais ce n'est pas parce qu'on sourit souvent que cela n'est pas sérieux.

Voici au fond un atlas déclencheur d'interrogations, incitant à aller plus loin. Bref, idéal pour Noël et votre proche sera ravi de la bonne idée que vous avez eue.

Mad Maps, par Nicolas Lambert et Christine Zanin, Armand Colin, 2019, 19,9 euros.

Catégories: Défense

"L'Otan n'échappera pas à une profonde remise en question"

sam, 14/12/2019 - 19:50

J'ai donné un entretien à Charles Hequet, pour l'Express, à la suite du sommet de Londres. Il est accessible ici. Vous avez également le texte complet ci-dessous.

Le sommet de l'Otan s'est achevé le 4 décembre. Pour Olivier Kempf, chercheur et spécialiste de l'Otan, l'organisation doit s'interroger sur sa raison d'être.

De ce 70e anniversaire de l'organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan), on retiendra surtout la passe d'armes entre Emmanuel Macron et Donald Trump ou les provocations du président turc Recep Tayyip Erdogan. Mais l'essentiel n'est pas là. Surmontant leurs différends, les 29 pays membres se sont mis d'accord sur une déclaration commune, mardi 3 décembre à Londres, Les apparences sont sauves. Toutefois, des lignes de fracture sont apparues au sein de l'institution. Elles traduisent des divergences profondes, voire existentielles.

À quoi doit servir l'Otan? Qui sont ses ennemis? Que faire lorsque l'un de ses membres - la Turquie - agit à l'encontre des intérêts communs? Pour surmonter cette crise, l'Otan doit se remettre en cause. Revoir ses processus de décision, sa gouvernance, et s'interroger sur sa raison d'être. Général (2S), directeur du cabinet de stratégie La Vigie et auteur de L'Otan au XXIe siècle" (éd. du Rocher), Olivier Kempf nous livre son analyse post-conférence.

1/ Le 70ème sommet de l’Otan vient de s’achever. Quels enseignements peut-on en tirer ?

La déclaration finale, publiée hier après-midi, est remarquable par sa brièveté (9 points au lieu de 79 au sommet de Bruxelles, en 2018). Elle se concentre en effet sur l’essentiel : la réaffirmation de l’Alliance atlantique et, surtout, de l’article 5, qui engage les membres de l’Otan à porter secours à l’un d’entre eux qui serait agressé. C’est un point très important, après les réactions dubitatives de Donald Trump, qui avait affirmé en 2016 que l’Otan était « obsolète » ou, le mois dernier, d’Emmanuel Macron, qui avait déclaré dans le magazine The Economist que l’Alliance était en état de « mort cérébrale ».

Notons également qu’un paragraphe important est consacré au chapitre nucléaire. Il rappelle que « aussi longtemps qu'il y aura des armes nucléaires, l’OTAN restera une alliance nucléaire ». Ce point méritait d’être souligné, après le retrait américain du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) et dans le contexte de prolifération nucléaire que nous connaissons aujourd’hui.

On note également un paragraphe sur la question des budgets, ce qui satisfait le président américain.

2/ Le cas de la Turquie, pays-membre de l’Otan depuis 1952, qui achète un système de défense anti-aérienne à Moscou et s’attaque aux Kurdes en Syrie, en totale contradiction avec les intérêts de ses « alliés » occidentaux, n’est pas mentionné…

Non, car il s‘agissait de manifester l’unité. Le communiqué recense plusieurs sujets d’intérêt stratégique - espace, cyberattaques, 5G, puis « les actions agressives de la Russie », ce qui répond aux attentes des alliés de l’Est. Mais plus loin, il évoque « la perspective d’établir une relation constructive avec la Russie », ce qui répond aux attentes de la France ou de l’Italie.

3/ Il n’y a pas d’allusion, non plus, aux profonds désaccords apparus lors de la passe d’armes entre Emmanuel Macron et Donald Trump…

Le président américain est arrivé à Londres avec une seule préoccupation : sa politique intérieure. Il a voulu tirer parti de ce sommet pour montrer aux électeurs américains qu’il est un leader responsable, capable d’assurer un leadership vis-à-vis des autres dirigeants occidentaux. Une question demeure : s’agit-il d’une posture de circonstance ou d’une position durable ?

Le président français a, quant à lui, posé des questions de fond, notamment sur la définition du terrorisme. Ainsi, le communiqué évoque « le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations », ce qui répond aux préoccupations de la France sans répondre précisément à la demande turque de considérer les rebelles kurdes comme terroristes. Il faut bien faire la distinction entre l’entente de façade et les questions structurelles qui n’ont pas du tout été résolues.

Notons à cet égard que les alliés ont demandé au secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, de plancher sur « un processus de réflexion prospective visant à renforcer encore la dimension politique de l’OTAN pour la prochaine réunion ministérielle, qui aura lieu dans quelques mois. On ne pourra échapper à ce travail en profondeur. C’est clairement dire que la question posée par le président Macron est pertinente.

4/ L’Otan peut-il survivre à un second mandat de Donald Trump ?

C’est une excellente question. Même s’il s’est érigé en défenseur de l’Alliance atlantique à Londres, rien ne garantit qu’il tiendra ce cap sur le long terme, surtout lorsque l’on sait ce qu’il pense, à titre personnel, des grands accords multilatéraux. Peut-être, lors d’un second mandat, se sentirait-il suffisamment fort pour rompre définitivement les amarres avec l’Otan.

5/ Pour la première fois, la Chine est évoquée. L’Empire du Milieu a-t-il été identifié comme le prochain ennemi de l’Occident ?

Non, puisque le texte évoque « ’influence croissante et les politiques internationales de la Chine présentent à la fois des opportunités et des défis », ce qui est une première mention de ce pays dans un communiqué : cela répond là encore au souci des Américains, sans pour autant décrire la Chine comme une menace. Cette position équilibrée permet d’aborder le nouveau rôle chinois, sans insulter l’avenir.

O. Kempf

Catégories: Défense

Puisqu'il faut des hommes

sam, 07/12/2019 - 17:55

Alors que se profilent les fêtes de Noël et leurs cadeaux associés, égéa peut aussi contribuer à vous donner des idées de cadeaux à offrir ou à demander. Sans surprise, nous pensons à des livres ou des BD. Celle de ce jour vaut particulièrement le détour, tant elle traite avec grande délicatesse deux sujets difficiles, ceux de la guerre d'Algérie et des TPST (Troubles de stress post-traumatique).

L'histoire est celle d'un jeune homme, rentrant dans son village du Massif central et étant mal accueilli par sa famille, des paysans d'une ferme écartée : en effet, Joseph encourt deux reproches : celui d’avoir laissé son frère qui a subi un grave accident et se retrouve en fauteuil roulant ; et celui d'avoir été planqué dans un bureau pendant son passage sous les drapeaux.

La BD montre le décalage entre l'ancien combattant et ceux qui sont restés au pays, mais aussi entre ce qu'il peut en dire et ce qu'il pense au fond de lui-même, sans même parler des images cruelles qui lui reviennent souvent à l'esprit. Comme l'on peut s'en douter, les choses sont plus compliquées mais il ne faut pas gâcher la fin.

Nous avons apprécié le dessin, au découpage classique, ne cherchant pas le réalisme forcené sans pour autant verser dans une abstraction trop stylée : un dessin simple, qui s'accorde pleinement avec l'ambiance terreuse et de terroir. Quant au scénario, nous avons particulièrement apprécié son traitement délicat qui montre à la fois les rudesses de tempérament mais aussi la noblesse de certains caractères.

La guerre d'Algérie sert de toile de fond de la BD (nous sommes en 1961) et elle est traitée non pas sous l'angle idéologique habituel, mais comme une guerre où des ennemis s’affrontent, dans des circonstances difficiles avec, comme toujours, les drames qui l'accompagnent. Quant aux TPST, ils constituent un arrière-plan central, justifiant le mutisme de Joseph qui ne parle pas de ce qu'il a vu. Si les engagements opérationnels contemporains ont rendu plus connus ces troubles, constatons qu'ils sont communs à toutes les guerres. Et si les soldats qui rentrent ne parlent pas de ce qu'ils ont vécu, ce n'est pas forcément qu'ils sont des planqués, ou des tortionnaires...

Puisqu'il faut des hommes, par Pelaez et L. Pinel, Grand Angle

O. Kempf

Catégories: Défense

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