Vous êtes ici

Coulisses de Bruxelles

S'abonner à flux Coulisses de Bruxelles
Les dernières actualités du site bruxelles.blogs.liberation.fr
Mis à jour : il y a 1 mois 3 semaines

Manfred Weber, candidat de la droite européenne pour la présidence de la Commission

ven, 09/11/2018 - 15:48

C’est un score digne d’une République populaire : par 79,5 % des voix, celles des 621 délégués représentants les droites européennes réunies en congrès à Helsinki (Finlande), l’Allemand Manfred Weber, 46 ans, membre de la CSU, l’alliée de droite radicale de la CDU d’Angela Merkel, est devenu jeudi le « candidat tête de liste » (« Spitzenkandidat » en allemand) du PPE (parti populaire européen, conservateur), c’est-à-dire le successeur potentiel si ce n’est probable de Jean-Claude Juncker, lui aussi du PPE, à la présidence de la Commission européenne.

Celui qui est actuellement le chef du groupe PPE au Parlement européen n’a laissé aucune chance à son challenger, Alexander Stubb, 50 ans, ancien Premier ministre de Finlande, plusieurs fois ministres, et même ancien député européen. Avec un peu plus de 20 % des voix, il fait beaucoup moins bien que le Français Michel Barnier qui, en 2014, avait réuni 42 % des suffrages contre Juncker. Le score de maréchal obtenu par Weber montre qu’il fallait du courage pour oser l’affronter. Car il est acquis depuis 2014 que la désignation du Spitzenkandidat est une affaire relevant pour l’essentiel de la CDU-CSU, le parti qui domine de la tête et des épaules le PPE et par voie de conséquence le Parlement européen, les conservateurs formant depuis vingt ans le premier groupe de l’assemblée. Nulle carrière ne peut se faire au sein du PPE sans accord des conservateurs allemands. Or Berlin ayant adoubé Weber au cours de l’été, les jeux étaient faits, exactement comme cela s’est passé en 2014 lorsque Barnier s’est heurté à la Chancelière allemande qui lui a préféré Juncker, un homme proche de l’Allemagne et soucieux des intérêts allemands.

Stubb, à défaut d’être l’homme de l’appareil du PPE, a tenté une campagne très moderne en s’adressant d’abord aux citoyens. A l’inverse de Manfred Weber qui a même refusé de débattre avec son adversaire. Homme d’appareil, Weber s’est comporté comme tel en demeurant à l’écart des caméras. Il est vrai qu’outre l’allemand, il parle seulement un anglais passable, ce qui le condamne à s’adresser à un public limité, à la différence de Stubb qui jongle entre les langues (dont le français).

En poussant la candidature Weber, Berlin montre qu’elle entend rafler la présidence de la Commission, un poste qu’elle n’a occupé qu’entre 1958 et 1967 avec Walter Hallstein. Le problème est que l’Allemagne est déjà particulièrement bien servie : présidence du Mécanisme européen de stabilité, de la Banque européenne d’investissement, de la Cour des comptes, du Conseil de résolution unique de l’Union bancaire ; des Allemands président les groupes politiques du PPE, des socialistes, de la gauche radicale et des Verts ; dans l’administration, les postes de secrétaire général de la Commission et de secrétaire général du Parlement (ainsi que son adjoint) reviennent aussi à des Allemands.

Reste que le profil de Weber n’est pas celui d’un président de Commission : à la différence de tous ceux qui ont occupé cette fonction, il n’a jamais été ministre ou Premier ministre et ne parle pas français, ce qui serait sans précédent pour un tel poste surtout au moment où la Grande-Bretagne va sortir de l’Union.

Photo: DR

Catégories: Union européenne

Budget italien: la zone euro à l'épreuve de la démocratie

lun, 05/11/2018 - 16:37

La crise de la zone euro ne s’est pas terminée à l’été 2012, lorsque les États ont lancé l’Union bancaire afin de contrôler leurs banques et que la BCE, dans la foulée, a garanti sans limites les dettes publiques. Elle a pris une autre forme, non plus financière, mais politique. On l’a vu avec Chypre en 2013, la Grèce en 2015, on le voit désormais avec l’Italie. Les démagogues au pouvoir à Rome, en présentant un projet de budget 2019 que la Commission européenne a retoqué le 23 octobre, posent en réalité une question explosive pour l’avenir de l’euro : qui doit l’emporter, des peuples ou des technocrates non élus appliquant mécaniquement des règles à la légitimité douteuses ?

Pour la coalition formée par les populistes du Mouvement cinq étoiles (M5S) et les fascistes de la Ligue, la réponse ne fait aucun doute : le peuple italien leur a donné une majorité et elle a donc reçu un mandat pour mettre en œuvre ses promesses, dussent-elles être en contradiction avec les normes communautaires. Pour l’exécutif européen, soutenu par la quasi-totalité des gouvernements de la zone euro, la réponse ne fait aucun doute : « l’Europe fonctionne selon des règles préétablies. Les nouveaux gouvernements doivent respecter la parole de ceux qui les ont précédés », a martelé Jean-Claude Juncker, son président.

C’est en profitant de la panique des gouvernements qu’Angela Merkel et Wolfgang Schäuble, la chancelière allemande et son ministre des Finances, ont réussi à imposer, en 2011 et 2013, pour prix de leur solidarité financière, un durcissement du Pacte de stabilité budgétaire et confier à la Commission un pouvoir de contrôle des budgets nationaux. Non seulement la règle des 3 % du PIB de déficit budgétaire a été gravée dans l’acier, mais l’équilibre budgétaire est devenu l’objectif ultime de la zone euro, chaque État devant s’engager à l’atteindre en suivant une feuille de route négociée avec la Commission et l’Eurogroupe, l’enceinte où siègent les ministres des Finances de la zone euro.

Rares sont ceux qui ont compris que ces réformes poseraient à terme un problème démocratique. En effet, ni la Commission, dans le cadre de l’Union économique et monétaire, ni l’Eurogroupe ne sont responsables collectivement devant aucun parlement, qu’il soit européen ou national. Autrement dit, la volonté des peuples est étroitement encadrée par un pouvoir technocratique qui n’a de comptes à rendre qu’à lui-même. Or, toutes les révolutions démocratiques sont nées de la volonté des peuples de contrôler les impôts et les dépenses publiques, une conquête que l’Union leur a confisquée en grande partie.

Le choc qui s’annonce entre la commission et Rome se joue donc sur la question démocratique et non sur celui des chiffres. Que la Commission affirme que la nouvelle majorité est tenue par les engagements du précédent gouvernement confirme bien que, pour elle, les droits démocratiques des citoyens sont limités : votez pour qui vous voulez, cela ne changera pas grand-chose, tel est son message.

Pour accroitre la pression sur Rome, Juncker a affirmé que « si l’Italie veut un traitement particulier, cela signifierait la fin de l’euro ». Ce qui est tout simplement inexact : aucun économiste ne considère qu’un déficit de 2,4 % menace l’existence de la monnaie unique. Au lieu d’agiter de telles menaces, la Commission et son commissaire aux affaires économiques et monétaires, le socialiste français Pierre Moscovici, auraient dû demander à l’Italie, dont le solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles et hors paiement des intérêts est excédentaire depuis 1995, de corriger son budget pour qu’il réponde au vrai défi de ce pays : celui de sa croissance médiocre. Et qu’importe que son déficit se creuse temporairement. En se focalisant bêtement sur un chiffre, elle prend le risque d’un rejet de l’euro par les peuples qui, contrairement à ce qu’elle croit, sont attachés à leurs droits démocratiques.

Catégories: Union européenne

F 35 : la Belgique ne volera pas européen

mar, 30/10/2018 - 10:57

La Belgique a-t-elle porté un coup mortel à l’Europe de la défense ? À tout le moins, elle l’a affaibli politiquement en annonçant jeudi sa décision de remplacer, à partir de 2023, ses 54 vieux chasseurs bombardiers F16, construits par l’américain Loockeed Martin, par 34 F-35 flambant neufs, des avions dits de la « cinquième génération » du même constructeur, au détriment du Rafale français et de l’Européen Typhoon Eurofighter (Airbus, BAE et Finmeccanica). Le lendemain, de Brastislava où il se trouvait, Emmanuel Macron, le chef de l’État français, a dit « regretter le choix fait » qui « stratégiquement va a contrario des intérêts européens ». Dassault a renchéri en jugeant que « le choix du F35 est un mauvais signal pour la construction de l’Europe de la défense. Une fois encore, nous constatons une préférence américaine en Europe ».

Pourquoi autant d’émotion autour de ce contrat, certes important à l’échelle belge (3,6 milliards d’euros à l’achat, mais 15 milliards d’euros sur les 40 ans de vie des appareils, sans doute beaucoup plus vu les déboires de l’appareil américain), mais insignifiant au regard des enjeux d’une défense européenne ? Après tout, le Royaume-Uni, le Danemark, les Pays-Bas et l’Italie ont déjà commandé des F35 sans qu’on en parle. Tout simplement parce que ces pays se sont associés dès les années 2000 à ce programme dont l’un objectif était de siphonner une partie des efforts de recherches et de développement militaire des pays européens en les embarquant, sous contrôle total des Américains, il va de soi, à bord de cette aventure industrielle. La Belgique, alors dirigée par le libéral flamand Guy Verhostadt, qui s’était opposé aux côtés de l’Allemagne et de la France à la guerre en Irak, a refusé de tomber dans ce piège. Autrement dit, le choix belge est hautement symbolique puisqu’il était totalement libre d’en faire un autre, les retombées industrielles du F35 étant particulièrement limitées.

Au-delà des critiques sur un appareil qui n’a guère tenu ses promesses après 17 ans de développement, selon le Pentagone lui-même, dont les coûts dérapent sans cesse, ce qui a provoqué un mémorable coup de gueule de Donald Trump à peine élu, et se révèle peu fiable pour ses équipages, la flotte américaine ayant connu plusieurs incidents graves, le F35 est une option qui se justifie uniquement si l’appareil est destiné à agir dans le cadre américain ou otanien : isolé, l’appareil a des capacités d’action infiniment moindre que celles du Rafale, du Typhoon ou du F16, car il dépend de l’accès aux informations que les Américains voudront bien lui donner. Même chose pour ses évolutions logicielles futures. Le F35, comme l’écrit la revue Défense et Sécurité internationale, « d’un maillon au sein d’un réseau de vecteurs que d’un effecteur à part entière ». Autrement dit, la Belgique a fait le choix de la dépendance aux États-Unis à l’heure où Donald Trump se révèle un allié peu fiable et surtout extrêmement critique de l’Otan. Charles Michel, le Premier ministre belge, s’est défendu en rappelant qu’il « ne restera pas président des États-Unis pour quarante ans », comme si la présidence Trump n’était qu’une parenthèse, ce qui reste à démontrer.

Mais les indépendantistes flamands de la N-VA, qui détiennent les clefs du pouvoir, tout comme l’armée, dominée par les Flamands, ne voulaient en aucun cas d’un avion français et avaient dès le départ opté pour le F35. De ce point de vue, la procédure d’appel d’offres a été une farce : « à toutes les questions, la seule réponse possible était F 35 », résume un diplomate français. C’est pour cela que Boeing et Dassault s’en sont retirés, tout comme le Grippen suédois. La France a fait le choix, en septembre 2017, d’offrir un « partenariat stratégique » à la Belgique avec de fortes retombées industrielles et surtout un accès au nuage d’informations recueillis par les Rafales français, ce qui impliquait une forte intégration à l’armée hexagonale. Ce dont ne voulaient en aucun cas les Flamands de la N-VA.

Le partenariat proposé par la France impliquait aussi l’intégration de la Belgique au programme franco-allemand de système aérien de combat du futur, le SCAF (avion et drone). Car les grandes manœuvres dans l’industrie de l’aviation de combat de demain ont commencé et les Européens ont d’excellentes cartes à jouer, surtout dans le nouveau monde que dessine Trump : alors que les États-Unis veulent toujours rester maitre du matériel qu’ils vendent, les Européens, eux, n’hésitent pas à offrir aux pays tiers une vraie souveraineté. Les Belges ont donc offert une belle victoire au président américain en s’interdisant de participer pour longtemps à l’Europe de la défense. Mais, au fond, est-ce une mauvaise chose ? En matière d’armement, il est prouvé, comme l’a montré l’A 400-M, qu’il faut mieux limiter les pays participants pour éviter les demandes contradictoires avec l’explosion des coûts qui va avec. La Belgique vient simplement de confirmer que la défense européenne sera à la carte. Et qu’elle ne sera pas dans cette carte.

N.B.: version longue de mon article paru dans Libération du 29 octobre

Catégories: Union européenne

Présidence de la Commission: la démocratie confisquée?

lun, 29/10/2018 - 17:22

Mon dernier édito dans «La faute à l’Europe» sur France Info/

Catégories: Union européenne

L'Italie fait sa forte dette

ven, 26/10/2018 - 19:33

La Commission n’a pas eu le choix devant l’intransigeance du gouvernement italien (composé des démagogues du M5S et de la Ligue) : elle a adopté un avis, hier, exigeant que Rome lui présente d’ici trois semaines un budget 2019 « révisé ». C’est la première fois depuis que le Pacte de stabilité et de croissance a été renforcé en 2011 et 2013, au plus fort de la crise de la zone euro, que l’exécutif européen retoque ainsi, comme elle en a la possibilité, le projet de budget d’un État membre de l’Union économique et monétaire.

Certes, le déficit italien prévisionnel reste dans la limite du plafond des 3 % du PIB (2,4 %), mais il viole les engagements pris par l’Italie de le ramener à 0,8 % en 2019 contre 1,7 % en 2018, soit un écart de 1,4 % du PIB ou 25 milliards d’euros, ce qui est « sans précédent » selon la Commission. D’autant que rien ne garantit que ce chiffre sera tenu, la Commission, le FMI et même le « bureau parlementaire (italien) du budget » (UPB) jugent que la prévision de croissance de 1,5 % sur lequel s’appuie ce projet est irréaliste : elle sera plus prêt de 1 %, ce qui entrainera automatiquement un dérapage du déficit… Surtout, cet accroissement du déficit va entrainer celui de la monstrueuse dette publique italienne (131,2 % du PIB en 2017), « soit la plus élevée de la zone euro après celle de la Grèce et l’une des plus élevées au monde », martèle la Commission. Une dette que l’agence de notation Moody’s a d’ailleurs dégradée le 19 octobre d’un cran supplémentaire pour la placer au dernier niveau de la catégorie investissement. Ensuite, la dette de la Péninsule sera « junk » (obligations pourries).

Giuseppe Conte avait accepté de continuer à réduire le déficit

L’affaire est d’autant plus embarrassante pour le gouvernement de Giuseppe Conte qu’il a donné son accord lors du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement du 28 juin et lors du Conseil des ministres des Finances du 13 juillet à la recommandation fixant les objectifs budgétaires dont il s’affranchit trois mois plus tard, ce que la Commission se fait un plaisir de rappeler. Autrement dit, il ne peut même pas faire valoir que la nouvelle majorité n’a pas à respecter les engagements pris par une autre majorité, ce qui effectivement viderait de son sens l’exercice de la démocratie.

L’avis de l’exécutif européen prend soin de répondre aux arguments des démagogues au pouvoir à Rome qui estiment que l’Italie est victime de l’austéritaire Europe. Non, la dette n’est pas un point de détail, puisque les intérêts payés chaque année représentent environ 65,5 milliards d’euros (soit 3,8 % du PIB), « ce qui est à peu près équivalent aux ressources publiques consacrées à l’enseignement ». Surtout, Rome ne peut pas se plaindre de l’absence de solidarité financière: la Commission rappelle qu’elle a été la principale bénéficiaire de l’interprétation flexible du Pacte entre 2015 et 2018, ce qui lui a permis de dégager 30 milliards d’euros (1,8 % du PIB) de dépenses supplémentaires. Mieux, « l’Italie est le deuxième bénéficiaire » du plan Juncker : « les financements accordés au titre du Fonds européen pour les investissements stratégiques devraient générer, à partir d’octobre 2018 plus de 50 milliards d’euros d’investissements supplémentaires ». Et, entre 2014 et 2020, elle a reçu près de 45 milliards d’euros d’aides régionales européennes.

Un budget qui manque sa cible, relancer la croissance

A ces sommes, il faut ajouter les 15 % de dettes italiennes rachetées par la Banque centrale européenne dans le cadre de l’assouplissement quantitatif (quantitative easing en anglais) lancé en 2015, soit 356,4 milliards d’euros qui resteront pour longtemps dans les coffres de Francfort. Des rachats de dette qui ont contribué à maintenir bas les taux d’intérêt italiens, générant ainsi des marges de manœuvre supplémentaires, du moins jusqu’à ce que l’actuelle majorité s’installe au pouvoir en juin 2018. Car, désormais, l’Italie doit payer un spread (l’écart de taux entre le bund allemand à 10 ans et les bons italiens de même durée) de 300 points de base, soit 3 % de plus que l’Allemagne.

Reste à savoir si le pari italien a des chances de réussir, comme cela s’est vu au Portugal, lorsque le nouveau gouvernement de gauche a violé ses engagements en faisant plonger son déficit à 4,4 % en 2015 afin de relancer la croissance avant de revenir largement dans les clous en 2016. La différence est que le pays a connu une cure d’austérité et de réformes structurelles entre 2011 et 2014 lorsque, pour éviter la faillite, il a dû faire appel à l’aide de la zone euro. Rien de tel en Italie. Surtout, le budget italien est bâti sur de fortes contradictions dues à l’attelage baroque entre un mouvement d’extrême droite probusiness et un parti populiste qui emprunte beaucoup de thèmes à la gauche : d’un côté, il coupe dans les impôts et amnistie la fraude fiscale, de l’autre il augmente les dépenses, notamment pour créer un « revenu minimal »…

Une dette interne

Il est plus que douteux que Rome change son fusil d’épaule. Il sait que le temps joue pour lui : les sanctions financières prendront du temps (une amende de 0,1 % du PIB), la Commission présidée par Jean-Claude Juncker est en fin de vie, les élections européennes auront lieu en mai 2019. Bruxelles compte beaucoup sur la pression des marchés pour la ramener à la raison. Mais là aussi, l’Italie joue sur du velours. Sa dette non résidente n’est que de 32,3 % et est plutôt sur du long terme, ce qui la met largement à l’abri des marchés. Pour rappel, les pays de la zone euro qui ont frôlé la faillite en 2010-2013 avaient une dette non résidente de près de 80 %. « Pas de panique, l’Italie n’est pas la prochaine Grèce », a d’ailleurs estimé hier Klaus Regling, le patron du Mécanisme européen de stabilité (MES) chargé de venir au secours des pays de la zone euro en difficulté: « l’Italie n’a pas perdu sa compétitivité, le déficit budgétaire n’est pas aussi élevé et une grande partie de la dette est financée en interne ».

N.B.: Article paru dans Libération du 24 octobre

Catégories: Union européenne

Non, la richesse ne préserve pas des démagogues, des xénophobes, des fascistes

jeu, 18/10/2018 - 15:01

Ma chronique dans «La Faute à l’Europe» sur France Info.

Catégories: Union européenne

Les commentaires ont disparu

jeu, 18/10/2018 - 10:26

Chers internautes,

Comme vous l’avez remarqué, les commentaires sont désormais impossibles sur mon blog (et sur le site de Libé) depuis le début de septembre. Plus embêtant, les anciens commentaires ont tous disparu.

Il s’agit d’un problème informatique lourd dont la résolution va prendre du temps et coûter de l’argent d’après ce que j’ai compris.

Pour un blog, c’est évidemment embêtant, puisqu’il s’agit d’une communauté qui tisse des liens.

Aussi je vous invite à aller débattre sur trois pages Facebook que je gère et sur lesquelles je publie mes papiers (publications ouvertes à tous): mon profil personnel, Jean Quatremer, ma page Jean Quatremer et la page «Coulisses de Bruxelles». Bien sûr, il faut avoir soi même un profil FB pour pouvoir commenter.

C’est du bricolage, bien sûr, mais sauf à déplacer mon blog sur un autre site, je ne vois que cette rustine.

Catégories: Union européenne

Les régimes autoritaires menacent l'Union européenne

jeu, 18/10/2018 - 10:16

Viorica Dancila et Liviu Dragnea

Après la Pologne et la Hongrie, c’est au tour de la Roumanie de susciter l’inquiétude de l’Union. Le 3 octobre dernier, le Parlement a débattu, pour la seconde fois cette année, de la dérive autoritaire de ce pays, en présence de la Première ministre roumaine social-démocrate, Virica Dancila. « Ça monte doucement, mais sûrement, on voit enfin qu’il y a un sujet d’État de droit », confirme un diplomate européen. De fait, les autorités roumaines essayent d’en finir avec l’indépendance de la justice, un pilier central de l’État de droit, et sapent consciencieusement la lutte anti-corruption. Pour l’instant, il n’est pas encore question d’activer l’article 7 des traités européens qui peut aboutir à des sanctions s’il y a « un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs » européennes. Mais on s’en rapproche.

Jusqu’à présent, les deux principales forces politiques de l’Union, les conservateurs du PPE, d’un côté, les socialistes de l’autre, se tenaient par la barbichette, les premiers protégeant Viktor Orban, le Fidesz étant membre du PPE, les seconds couvrant le social-démocrate Liviu Dragnea, le vrai patron de la Roumanie, condamné pour corruption… Mais, en septembre, une partie du PPE, pour enlever une épine du pied de l’Allemand Manfred Weber, président du groupe PPE du Parlement et qui souhaite présider la prochaine Commission, a voté pour que la Hongrie soit poursuivie sur la base de l’article 7. Dès lors, le groupe socialiste n’a guère d’autre choix que de lâcher son protégé roumain…

Le problème est que plus de pays sont mis en cause, moins il y a de chance que la procédure de l’article 7 aboutisse. Tout simplement parce que pour « constater » l’existence d’un « risque clair d’une violation grave » des valeurs européennes, il faut une majorité des quatre-cinquième des États (soit une minorité de blocage de 6 pays) et pour décider de sanctions, l’unanimité (moins l’État mis en cause). Or, Varsovie, Bucarest et Budapest pourront sans doute compter sur le soutien de la Slovaquie, de la Tchéquie, d’un ou deux Baltes, de la Bulgarie, de l’Autriche et de l’Italie. En effet, tous ces pays comptent des démagogues autoritaires dans leur gouvernement et, même s’ils ne sont pas encore visés par une procédure, ils n’auront aucune envie de créer un précédent.

Reste que la dérive roumaine autoritaire est une nouvelle démonstration que l’Union est confrontée à une crise existentielle : alors qu’elle a été fondée sur les ruines du fascisme puis du communisme, partout en Europe on voit resurgir des parties qui revendiquent des valeurs en totale opposition avec les siennes. La Pologne vient ainsi de monter en gamme en posant son veto à un rapport européen, jusque là adopté sans problème par les Etats membre, mentionnant les risques pesant sur la communauté LGTB dans certains pays... « Ce ne sont pas des « démocraties illibérales, mais des régimes autoritaires qui remettent en cause la démocratie et les valeurs européennes », souligne le diplomate déjà cité, comme en témoignent les assassinats et intimidations visant les journalistes. Or, l’Union est fondée sur la confiance mutuelle : comment coopérer, notamment en matière policière et judiciaire ou de défense, avec des pays non démocratiques ? Ce n’est pas un hasard si la Cour européenne de justice vient de décider que le mandat d’arrêt européen ne serait plus automatique dès lors qu’il existe un doute sur le respect de l’État de droit par le pays émetteur. La Commission veut aller plus loin : elle propose que les aides régionales soient, à partir de 2021, conditionnées au respect des valeurs européennes. De fait, pourquoi permettre au PiS polonais ou à Orban de mener une politique sociale généreuse qui renforce leur pouvoir sur fonds européens ? Une réforme périlleuse qui porte en germe l’éclatement de l’Union.

Photo: DR

Catégories: Union européenne

BCE: la France lâche-t-elle la proie pour l'ombre?

jeu, 04/10/2018 - 20:05

La France a-t-elle renoncé à placer l’un de ses ressortissants à la tête de la Banque centrale européenne (BCE) en novembre 2019 pour succéder à Mario Draghi ? Ou est-elle en train de commettre une bourde faute d’avoir une vision d’ensemble du mercato européen ? Car de nombreux postes de direction vont être remis en jeu en 2019 et la partie d’échecs s’annonce particulièrement délicate.

Celle-ci a déjà commencé avec un poste technique important. En effet, le mandat de cinq de la Française Danièle Nouy, première présidente du Mécanisme de surveillance unique (MSU), l’institution chargée de superviser les banques européennes, arrive à échéance en décembre. Un appel à candidatures a donc été lancé par la BCE, son autorité de tutelle. Moins d’une dizaine de personnes se sont montrées intéressées et le Conseil des gouverneurs des banques centrales a établi une « short list » de trois noms qui sont pour l’instant gardés secrets. Selon mes informations, il s’agit de Robert Ophèle, président de l’Autorité française des marchés financiers (AMF) depuis août 2017 et en tant que tel membre du conseil des superviseurs de l’Autorité européenne des marchés financiers, de Sharon Donnery, gouverneure adjointe de la Banque centrale d’Irlande, et de l’Italien Andrea Enria, patron de l’Autorité bancaire européenne (qui va déménager de Londres à Paris).

Cette « short list » a été transmise à la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen qui en prendra connaissance ce lundi avant de procéder à des auditions à huis clos. Il reviendra ensuite au Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement de confirmer son choix. En théorie, la candidate la plus qualifiée est Sharon Donnery. Mais voilà, les pays du sud n’en veulent pas, car elle est aussi dure que Danièle Nouy sur « les prêts non performants », ces prêts bancaires accordés à des emprunteurs non solvables qui encombrent les bilans de leur banque et qui bloquent l’achèvement de l’Union bancaire. En effet, Berlin refuse toute garantie européenne des dépôts tant que les banques du « club med » n’auront pas été nettoyées… De leur côté, les Allemands ne veulent pas de l’Italien Andrea Enria par principe. Au final, le Français pourrait donc décrocher le pompon comme candidat du moindre mal.

En soi, c’est plutôt une bonne nouvelle, d’autant que son CV est irréprochable. Le problème est que cela risque de tuer une candidature française à la tête de la BCE, François Villeroy de Galhau, l’actuel gouverneur de la Banque de France, étant sur les rangs. Des Français dirigeant à la fois le MSU et la BCE, c’est inimaginable pour Berlin, même si cela ne la gêne pas que des Allemands ou des gens proches d’elles occupent tous les postes à responsabilité. Résultat, la nomination de Robert Ophèle pourrait dégager la voie à une candidature « nordique », le rêve pour l’Allemagne conservatrice, après le règne du « laxiste » Draghi… En l’occurrence, ce pourrait être Erkki Liikanen, gouverneur de la Banque centrale de Finlande jusqu’à cette année, ou Klaas Knot, actuel gouverneur de la Banque centrale des Pays-Bas. Manifestement, il y a eu une absence de coordination entre l’Élysée et Bercy, la candidature de Robert Ophèle ayant été poussée par Bruno Le Maire. Tant à Francfort qu’à Bruxelles, on s’inquiète de cet amateurisme français qui risque de propulser à la tête de la BCE un homme proche des thèses monétaristes allemandes, celles-là mêmes qui ont failli couler l’euro.

N.B.: article paru dans Libération du 1 er octobre

Catégories: Union européenne

"L'abominable problème italien", le retour

mer, 03/10/2018 - 16:06

L’Italie et son incapacité chronique à tenir ses comptes en ordre ont toujours été le cauchemar de ses partenaires européens. C’est à cause d’elle qu’ont été inventés les critères de convergence du traité de Maastricht, dont le fameux plafond des 3 % de déficit public, mais aussi le Pacte de stabilité, ce « carcan budgétaire ».

L’Italie dans l’euro malgré l’opposition franco-allemande

Petit retour dans le passé. La scène se passe à Paris, début avril 1991, en pleine négociation de Maastricht. En amont des réunions à Douze (la CEE de l’époque ne comptait que douze pays), Allemands et Français se rencontrent secrètement chaque mois pour harmoniser leurs positions. Au menu du jour : faut-il des critères de convergence économique et budgétaire ? La France n’est pas chaude à l’idée d’inscrire des objectifs chiffrés dans le traité. Mais les Allemands craignent que les pays du sud soient admis dans l’euro sur la base « d’une décision purement politique ». Pour eux, l’euro doit être limité à la zone mark et à la France, point final. Jean-Claude Trichet, alors directeur du Trésor et négociateur français, se laisse finalement convaincre quand les Allemands lui rappellent les chiffres italiens : un déficit de plus de 11 % du PIB en 1990 et une dette de 98 % du PIB.

Le futur président de la Banque centrale européenne (BCE) concède alors « qu’il faut venir à bout de l’abominable problème italien » et « qu’une procédure pour écarter ceux qui ne seraient pas capables » est nécessaire… C’est l’acte de naissance des critères de convergence destinés à se débarrasser de Rome. Le Pacte de stabilité, conclu en 1997, est un second obstacle dressé sur la route de l’Italie. Mais rien n’y fait : l’Italie réussit à se qualifier en 1999 en manipulant ses comptes à coup d’impôts remboursables. Trente ans après, la zone euro est toujours face à « l’abominable problème italien ».

2300 milliards de dettes

Certes, son déficit est redescendu à 1,7 % en 2018, mais sa dette est à 132 % du PIB, soit plus de 2300 milliards d’euros, le ratio le plus élevé de la zone euro, derrière celui de la Grèce, un État qui a fait faillite en 2010. En laissant filer son déficit, de 1,6 point par rapport aux promesses de l’ancien gouvernement - qui s’était engagé à le ramener à 0,8 % en 2019 et à le maintenir à ce niveau jusqu’en 2021- le Mouvement 5 étoiles et la Ligue, tout en restant sous le plafond des 3 % en théorie, réamorcent la pompe à endettement. Une dérive qui ne pourra que susciter la défiance des marchés et faire grimper les coûts de financement de sa dette avec pour conséquence de grever mécaniquement son budget. Déjà, l’écart de taux (spread) avec l’Allemagne a grimpé à 276 points, soit un taux à dix ans de 3,2 %. En clair, emprunter coûte presque trois plus chers aux Italiens qu’aux Allemands. Certes, en 2011, sous le gouvernement Berlusconi, les taux avaient frôlé les 7 %, mais sur une courte période. Si la défiance des marchés avait duré plus longtemps, Rome aurait été à genoux.

Le gouvernement romain a parfaitement conscience des risques encourus. Mais il parie sur le fait que, comme une banque systémique, l’Italie est « too big to fail » (trop importante pour faire faillite), ce qui contraindra la BCE et ses partenaires à intervenir. La coalition M5S-Ligue a déjà demandé à ce que Francfort efface une partie de la dette qu’elle détient dans ses coffres. En effet, dans le cadre du « quantitative easing » (QE) lancé en 2015, la BCE a acheté 356,4 milliards d’euros de bons du Trésor italiens, soit 15 % de sa dette. C’est d’ailleurs grâce à ce programme d’achat des dettes publiques des États de la zone euro (2000 milliards d’euros) que les taux d’intérêt restent très bas. Mais ce QE va s’achever à la fin de l’année, ce qui aura des conséquences importantes sur le niveau des taux italiens, même s’il n’est pas question que la BCE remette la dette qu’elle détient sur le marché : elle sera simplement renouvelée et restera dans les coffres de la BCE.

Le piège des marchés

À défaut d’une annulation, Rome espère que Francfort sera contrainte d’intervenir si son financement devient insoutenable, en clair qu’elle lance un QE rien que pour elle. Une hypothèse qu’on écarte à Francfort. Si l’Italie a besoin d’aide, il faudra qu’elle en passe par un programme d’ajustement exactement comme l’ont fait la Grèce, le Portugal, l’Irlande et Chypre. Personne, tant à Francfort qu’à Bruxelles, n’espère en arriver là.

La Commission et la BCE vont essayer de convaincre Rome de revenir dans les clous pour éviter une sanction du marché. Chacun a conscience de manier un baril de nitroglycérine tant le gouvernement italien est imprévisible et manifestement peu au fait des questions économiques et financières.

Comme l’Italie n’a pas dépassé le plafond des 3 % de déficit, la Commission va faire jouer le mécanisme préventif du Pacte de stabilité en demandant, d’ici fin novembre, que le projet de budget soit amendé. Mais il sera difficile d’aller plus loin, alors qu’aucun pays, même pas la France qui pendant 9 ans a dépassé les 3 % de déficit, n’a jamais été sanctionné. D’autant que les démagogues italiens ne manqueraient pas de tirer profit d’une crise avec les institutions communautaires, puisqu’ils accusent déjà l’Europe de ne pas respecter le suffrage universel. Au fond, comme cela a toujours été le cas, ce sont les marchés qui siffleront ou pas un pénalty, les institutions communautaires étant politiquement trop faibles pour s’y risquer.

N.B.: article paru dans Libération du 29 septembre

Catégories: Union européenne

Juncker, l'été meurtrier

mar, 25/09/2018 - 16:15

Mon édito dans «la faute à l’Europe», sur France Info.

Catégories: Union européenne

A Salzbourg, l'UE des blocs

dim, 23/09/2018 - 21:10

Vous ne voulez pas accueillir de demandeurs d’asile ? Alors vous pouvez oublier Schengen. Vous contestez les valeurs européennes ? Alors vous vous passerez de l’argent européen ! C’est, brutalement résumé, la menace qui pèse sur les Etats d’Europe centrale et orientale, mais aussi les Etats dirigés par des forces « populistes » qui semblent avoir oublié que l’Union donne certes des droits, mais implique aussi des devoirs.

Hier, en clôture du sommet informel de Salzbourg, en Autriche, qui n’a strictement marqué aucun progrès ni sur le Brexit ni sur la politique d’immigration et d’asile, Emmanuel Macron a brutalement haussé le ton. Il s’en est violemment pris à « ceux qui expliquent : moi, j’aime l’Europe quand elle me donne de l’argent, quand elle permet la prospérité à mon peuple, quand elle permet à mes travailleurs d’aller mieux gagner leur vie dans des pays voisins. Mais, chez moi, pas un seul migrant, pas un seul réfugié ». Pour le président de la République, « les pays qui ne veulent pas davantage » de contrôle commun des frontières extérieures de l’Union ou de « solidarité » dans la gestion des flux migratoires « sortiront de Schengen ». « Les pays qui ne veulent pas davantage d’Europe, ils ne toucheront plus les fonds structurels ».

La France est loin d’être la seule à durcir le ton : l’Allemagne l’a fait avant elle. On assiste, en réalité, à une rupture profonde entre l’Est (les Baltes sont un cas à part) et l’Ouest qui pourrait déboucher sur remise en cause de l’intégrité de l’Union. Constrairement à ce qu’espéraient les promoteurs du grand élargissement de 2004, non seulement la greffe entre l’Est et l’Ouest n’a pas prise, mais on constate aujourd’hui un véritable rejet : la crise des migrants l’a mis à jour tout comme la lente dérive vers des régimes illébéraux. Mais ce n’est pas la seule ligne de fracture qui menace l’Union : la droite radicale, l’extrême droite et les néo-fascistes font parti de majorité de gouvernement en Autriche, en Belgique, en Italie et au Danemark : ces pays n’hésitent pas à préconiser des « solutions » au problème migratoire qui violent le droit européen, international et humanitaire, par exemple en demandant le refoulement immédiat dans le pays de départ des étrangers sauvés en Méditerranée. Des forces xénophobes que la cohérence n’étouffe pas : ainsi l’Italie est du côté de l’Allemagne et de la France pour réclamer la répartition des demandeurs d’asiles, mais du côté de la Hongrie et de la Pologne pour refuser l’accueil des migrants (afin de faire le tri entre les immigrants et les réfugiés) sur son sol. « L’Italie est représentative de ces nouvelles forces politiques : on rejette l’Union tout en faisant appelle à elle, car elles savent qu’elles ne peuvent pas s’en passer en réalité ».

Plus grave encore : les démagogues sont en train de miner le fonctionnement même de l’Union qui repose sur le respect du droit et de la parole donnée. Ainsi, les pays d’Europe de l’Est refuse d’appliquer le règlement de 2016 sur la répartition des demandeurs d’asile ainsi que l’arrêt de la Cour de justice leur donnant tort. Bruxelles n’ayant pas de force de police, elle est désarmée. Ces pays considèrent aussi qu’ils ne sont pas tenu par les engagements pris par leur chef de gouvernement lors des conseils européens. Ainsi, les ministres de l’intérieur de la Hongrie, de la Pologne ou de l’Italie refusent de mettre en musique les décisions du conseil européen de juin sur la gestion des débarquements en Méditerranée… Bref, il y a le feu à la maison européenne.

D’où la volonté de Macron et de ceux qui restent attachés au projet européen et au modèle démocratique libéral de porter le fer contre les « populistes » qui remettent en cause les valeurs et le projet européens, et ce, en prévision des prochaines élections au Parlement européen en mai 2019. « La crise que l’Europe vit ces 10 dernières années, c’est une crise existentielle, la capacité à savoir si le projet politique conduit par les pères fondateurs, qui a consisté à savoir conjuguer les intérêts nationaux pour définir quelque chose de plus grand, peut toujours prévaloir », a résumé le chef de l’Etat français à Salzbourg.

La Commission a déjà proposé, au printemps dernier, qu’à partir de 2021, l’octroi des aides européennes (jusqu’à 4 % du PIB des pays d’Europe de l’Est) soit conditionné au respect de l’Etat de droit. Emmanuel Macron et Angel Merkel vont plus loin en demandant que la libre circulation de Schengen soit réservée aux seuls pays qui respecteront la politique commune d’immigration et d’asile, une politique qui pourrait devenir une « coopération renforcée ». Ce qui reviendrait de facto à créer deux Europe. L’une solidaire, l’autre limitée à un simple marché.

N.B.: article paru dans Libération du 21 septembre

Photo: France Info

Catégories: Union européenne

"On ne règle pas la crise des migrants selon les mêmes mécanismes qu'une crise du lait"

dim, 23/09/2018 - 21:10

La relocalisation obligatoire des demandeurs d’asile est un échec. Adopté en 2015, en pleine crise des réfugiés, sur proposition de la Commission, afin de soulager les pays de la ligne de front, le règlement européen s’est heurté au refus à la fois des pays d’Europe centrale de prendre leur part du fardeau et des demandeurs d’asile peu désireux de se retrouver dans un pays qu’ils n’avaient pas choisi. Sur les 100 000 demandeurs d’asile qui auraient dû être relocalisés, 35 000 l’ont effectivement été après 3 ans, et seuls la Finlande, la Lettonie, le Luxembourg et l’Irlande ont atteint la moitié du quota qui leur était alloué.

Autant dire que l’adoption d’un régime permanent de relocalisation en cas de crise prévue par le projet de réforme du règlement de Dublin sur le pays responsable du traitement d’une demande d’asile a peu de chance d’être adoptée. Pour sortir de cette impasse, Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS, professeur invité à Yale (États-Unis) et l’un des meilleurs spécialistes de l’immigration, propose, dans un article publié dans la Revue des droits de l’homme (cosigné par Pierre Auriel), de sortir du juridisme pour réintroduire du politique dans la gestion des crises migratoires. Pour lui, c’est le seul moyen de rendre effective l’exigence de solidarité. Entretien.

Un certain nombre d’États européens refusent par principe la relocalisation obligatoire des demandeurs d’asile. Comprenez-vous leur attitude ?

Même si les dispositions des traités européens permettent un tel mécanisme obligatoire, l’on ne pouvait régler la crise selon les mêmes mécanismes que, par exemple, en cas de surproduction de lait en imposant des quotas. Car il y a une dimension humaine et des aspects de souveraineté nationale qu’on ne peut ignorer. La commission a gagné devant la Cour européenne de Justice, mais les Etats n’appliquent pas sa décision. C’est donc l’impasse. Or, il y a la possibilité de faire autre chose que la relocalisation obligatoire, et cela immédiatement, sans changer les traités, les règlements ou le droit européen.

C’est-à-dire ?

Il faut rétablir une forme de logique dans la gestion des réfugiés. En temps normal, le système du règlement de Dublin sur le pays responsable du traitement d’une demande d’asile doit continuer à s’appliquer. En clair, c’est le premier pays d’accueil qui doit instruire la demande d’asile. En cas d’afflux massif, par exemple en Grèce, la Commission devra faire appel aux Etats volontaires, prêts à fournir soit une aide financière, soit des garde-frontières et des garde-côtes, soit du personnel pour aider au traitement des demandes d’asile conformément à la convention de Genève. Cet appel officiel à la solidarité des États membres créera un débat politique dans chacun d’entre eux et dans les sociétés civiles. C’est seulement ensuite, si l’aide est insuffisante, que la Commission pourra passer à l’étape de la contrainte, celle-ci étant d’autant mieux justifiée qu’elle sera motivée par l’incapacité des Etats à se mobiliser volontairement.

Donc la Commission en gérant la crise migratoire par la règle sans faire appel au débat politique a commis une erreur ?

La Commission s’est trompée en oubliant qu’avant la contrainte elle disposait d’un outil juridique d’appel au volontariat qui aurait permis d’informer les citoyens européens, d’instaurer un débat politique et favoriser ainsi la prise de conscience collective de la situation en Grèce ou en Italie qui aurait peut-être permis de traiter la crise sans vouloir imposer la contrainte. Si elle l’avait utilisé, je suis certain qu’il y aurait eu des mobilisations dans tous les États, y compris en Hongrie, pour que l’on vienne en aide aux pays de premier accueil. Cela aurait fait bouger les lignes.

Ne faudrait-il pas aussi impliquer la communauté internationale ?

C’est ce que nous proposons en cas d’appel à la contrainte. La crise de l’ampleur de celle de 2015, n’était pas une crise européenne, mais une crise humanitaire mondiale. Imaginons que la Grèce n’ait pas été alors dans l’Union : elle aurait fait appel à l’ONU pour qu’on lui vienne en aide et il y aurait eu une mobilisation internationale sans en passer par la contrainte. Si l’Europe ne peut pas faire au moins ce qu’aurait fait le conseil de sécurité qu’elle le saisisse ! Quand il y a eu la crise des boat people vietnamiens, on n’a pas laissé les voisins de ce pays gérer seul le problème. Dans le cas syrien, il aurait fallu impliquer, au-delà de nos voisins immédiats, les États responsables de la situation dans la région : les États-Unis, l’Australie, l’Arabie Saoudite, la Russie, etc. Quand tous les grands du monde sont réunis, chacun faisant quelque chose, ils ont plus de chance d’entraîner les Européens réticents.

Il est question de sanctionner financièrement les États européens qui refuseraient d’appliquer la relocalisation obligatoire des demandeurs d’asile. Est-ce une bonne idée ?

Rentrer dans une logique de sanctions, c’est prendre le risque de renforcer Viktor Orban, le Premier ministre hongrois. Il faut rétablir le prima du politique, ce qui permettra de mobiliser les sociétés civiles européennes y compris la société hongroise. il faut aussi qu’en cas de crise humanitaire, l’Union se comporte en acteur majeur de la politique internationale. Ce que nous proposons peut-être mis en application demain. Cela éviterait de se lancer dans une réforme générale du droit d’asile qui, à court et même moyen terme, a peu de chance d’aboutir. Et cela permettrait de sortir de l’impasse.

N.B.: entretien paru dans Libération du 21 septembre

Catégories: Union européenne

Brexit: le Royaume-Uni toujours persuadé que c'est l'Union européenne qui le quitte...

ven, 21/09/2018 - 21:56

Le vendredi 29 mars 2019 à 23 heures, heure de Londres, le Royaume-Uni quittera l’Union. Voilà la seule chose certaine que l’on sait à propos du Brexit, puisqu’il figure dans une loi britannique qu’il sera très difficile de modifier. Pour le reste, c’est toujours la confusion du côté britannique deux ans et demi après le référendum du 23 juin 2016 et un an et demi après le début officiel des négociations. « Même si les droits des citoyens ou le règlement de la facture du départ ont été actés, on en est toujours au point de départ pour le reste : les questions centrales du marché intérieur et de la frontière entre les deux Irlande ne sont toujours pas réglées et un « no deal » par accident est de plus en plus possible, ce qui serait catastrophique pour le Royaume-Uni et une mauvaise chose pour l’Union », explique un diplomate d’un grand pays, puisque toutes les relations seraient interrompues d’une seconde à l’autre. Et, comme prévu, aucun progrès n’a eu lieu au cours du sommet informel de Salzbourg de mercredi et de jeudi.

Or l’horloge tourne de plus en plus vite : « si d’ici le 15 novembre, il n’y a pas d’accord, le gouvernement britannique nous a expliqué qu’il ne pourrait pas être prêt dans les temps, vu le nombre de lois qu’il doit faire adopter avant le 29 mars », poursuit le diplomate déjà cité. Le Polonais Donald Tusk, le président du conseil des chefs d’État et de gouvernement, a déjà prévu un sommet extraordinaire début novembre, en plus du conseil européen ordinaire des 19 et 20 octobre, afin d’essayer de parvenir à un accord à l’arraché.

Le problème fondamental est que Londres n’a toujours pas compris ou admis que c’est elle qui part : « depuis le début de cette affaire, on a l’impression que c’est l’Union qui quitte le Royaume-Uni », s’amuse un diplomate français. Or, dès le départ, les Vingt-sept ont établi la règle du jeu : il n’est pas question que Londres se retrouve dans la même situation qu’avant le Brexit ou qu’elle bénéficie des avantages du marché unique et de l’union douanière sans en supporter les contraintes. Or, quand May appelle les Européens à « faire un effort », c’est en réalité ce qu’elle leur demande : « depuis deux ans, les Britanniques nous proposent des solutions qui sont incompatibles avec nos règles », s’agace un haut fonctionnaire. Ainsi pour l’Union, il est hors de question de saucissonner le marché intérieur en acceptant une libre circulation des marchandises, des services et des capitaux, mais pas des personnes.

De même, il n’est pas question qu’un accès total au marché intérieur des marchandises puisse se faire sans respecter l’ensemble des normes réglementaires de l’Union, ce que souhaite pourtant la Grande-Bretagne. Même chose pour l’union douanière : Londres propose d’y rester afin de résoudre le problème de la frontière irlandaise, mais veut négocier librement des accords commerciaux avec les pays tiers. En fait, « les propositions britanniques reviennent toujours à leur donner un avantage par rapport à leur situation actuelle », résume un diplomate.

Le problème pour Theresa May est que, si les États européens sont divisés sur à peu près tous les sujets, ils sont unis sur le Brexit. Personne, et notamment pas l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et le Danemark, ne veut lui faire le moindre cadeau, à la fois pour décourager ceux qui pourraient être tentés par un « exit » finalement pas si catastrophique, mais aussi pour éviter de donner à la Grande-Bretagne un avantage compétitif. « Il y avait deux solutions simples écartées d’emblée par le gouvernement britannique, explique un diplomate : soit le modèle norvégien, c’est-à-dire l’accès total au marché intérieur en respectant l’ensemble de nos règles, soit l’accord de libre-échange classique ». C’est pour cela que les négociations sont dans une impasse dont on ne voit pas l’issue. La France, prudemment, va demander une loi d’habilitation au Parlement pour promulguer les ordonnances nécessaires pour limiter les effets d’une rupture brutale en cas de « no deal ». De fait, du jour au lendemain, les entreprises britanniques ne pourront plus exercer leur activité dans l’Union, les avions britanniques avoir accès au ciel unique européen, les contrôles aux frontières seront rétablis, etc.. Un précipice vers lequel la Grande-Bretagne fonce tout droit.

N.B.: article publié dans Libération du 20 septembre

Catégories: Union européenne

Face à Orban, la droite européenne façon puzzle

lun, 17/09/2018 - 16:42

Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a donc été lâché par une partie de ses amis de la droite européenne (Parti populaire européen, PPE) et se retrouve aux côtés du gouvernement polonais de Droit et Justice (PiS) sur le banc d’infamie des pays accusés de violer les valeurs européennes, en particulier l’état de droit et la démocratie (lire Libération d’hier). Par une majorité de 448 voix contre 197 et 48 abstentions, le Parlement européen a demandé, hier, l’ouverture de la procédure prévue par l’article 7 du traité sur l’Union.

Il fallait, pour que la résolution défendue par la Néerlandaise Judith Sargentini (écologiste) soit adoptée, une majorité des deux tiers des suffrages exprimés, une super majorité prévue par les traités européens. En clair, bien que 693 députés étaient présents hier dans l’hémicycle de Strasbourg (sur 751 sièges), les 48 abstentions n’ont pas été prises en compte : la majorité requise était donc de 430 voix. Autant dire qu’elle n’a été dépassée que de justesse (de 18 voix). Ce sont les députés du PPE qui ont fait la différence, 116 d’entre eux (sur 218) ayant décidé qu’Orban et le Fidesz avaient franchi la ligne rouge, à l’image de la quasi-totalité des groupes socialiste, libéral, Verts-régionalistes et de gauche radicale. Il est à noter que les députés du Mouvement cinq étoiles (M5S) ont aussi voté pour la mise en accusation d’Orban, à la différence de leurs alliés de la Ligue avec lesquelles ils gouvernent pourtant l’Italie.

La droite radicalisée soutient Orban

En revanche, les groupes eurosceptiques de l’ECR (conservateurs britanniques, PiS polonais, etc.), les europhobes de l’ETDD (essentiellement le UKIP britannique) et de l’ENF (constitué autour du Rassemblement national) ont massivement soutenu Orban. Mais ils n’ont pas été les seuls : le PPE a, en effet, explosé façon puzzle. 57 députés ont voté avec la droite radicale et 28 se sont réfugiés dans l’abstention. Parmi les fidèles du Fidesz, trois élus LR qui assument la ligne extrême droitière de Laurent Wauquiez : Angélique Delahaye, Nadine Morano et Frank Proust. Parmi les abstentionnistes, six LR : Michèle Alliot-Marie, Arnaud Danjean, Rachida Dati, Geoffroy Didier, Brice Hortefeux, Philippe Juvin. Au final, sur les 18 LR présents, seuls 9 ont voté contre Orban.

Parmi les gros contingents du PPE qui n’ont pas voulu isoler Orban, on trouve la CSU bavaroise, Forza Italia, le Pardito Popular espagnol et beaucoup d’élus des pays d’Europe centrale et orientale (Bulgarie, Hongrie, Croatie, Slovénie, Slovaquie). Les socialistes, les libéraux et la gauche radicale ont aussi eu une quinzaine de défections dans leurs rangs d’élus de l’Est. Plus curieux, si l’on veut : le parti communiste portugais, qui siège sur les mêmes bancs que France Insoumise, s’est prononcé contre l’activation de l’article 7…

Autant dire que, en première analyse, le paysage de la droite européenne apparaît dévasté après ce vote. Ce sont deux stratégies qui s’affrontent à l’approche des élections européennes de mai 2019. D’un côté, ceux qui considèrent qu’il faut s’opposer frontalement aux démagogues et à l’extrême droite. De l’autre, ceux qui, à l’image de Laurent Wauquiez (on n’ose dire LR tant le parti est lui-même divisé), de Forza Italia, du parti populaire ou de la CSU considèrent qu’il faut au contraire aller chercher des voix voire des alliances à la droite extrême voire à l’extrême droite. L’activation de l’article 7 semble donc marquer une victoire des premiers sur les seconds.

Manfred Weber et l’épine Orban

En réalité, les choses sont un peu plus compliquées. Car il n’est nullement question, pour l’instant du moins, d’exclure le Fidesz du PPE comme le groupe libéral l’avait fait avec le FPÖ autrichien de Jorg Haïder. D’ailleurs, à l’issue du vote, l’Allemand Manfred Weber (CSU), qui préside le groupe PPE et a voté pour la mise en accusation de la Hongrie, a pris soin de tweeter qu’ilsouhaitait « maintenir le dialogue et continuer à préserver l’unité de l’Europe. Les semaines qui viennent doivent permettre d’engager le dialogue, pas d’y mettre fin. Les valeurs européennes ne sont pas négociables pour nous ». En clair, si Orban accepte quelques compromis, on en restera là. Mais nul n’exclut un mouvement de mauvaise humeur d’Orban qui pourrait partir de lui-même afin de créer un nouveau pôle des droites illibérales au Parlement européen. Nul doute que le Français Joseph Daul, le président du parti, et Manfred Weber, le patron du groupe, feront tout pour éviter que ce cauchemar qui affaiblirait gravement les conservateurs ne se produise.

Les deux hommes, tout comme le Premier ministre hongrois, savent d’ailleurs très bien que le vote d’hier est surtout symbolique. Ce n’est, en effet, qu’une demande : désormais, la balle est dans le camp des États puisqu’il revient au Conseil des ministres de l’Union (où siègent les représentants des gouvernements) de décider à la majorité des quatre cinquièmes des 27 s’il « existe un risque clair de violation grave » des valeurs européennes, première étape pouvant mener à de très hypothétiques (car décidées à l’unanimité) sanctions. Or, dans la configuration politique actuelle de l’Union, cette majorité de 22 pays ne sera pas facile à atteindre…

Autant dire que l’opération article 7 ressemble fort à une opération de déminage menée par Manfred Weber qui espère être désigné en novembre par le PPE comme tête de liste pour les élections européennes, ce qui lui permettrait de devenir président de la commission en novembre 2019. Il espère être parvenu à ménager sa gauche, en montrant qu’il combat les démagogues, sans se fâcher avec sa droite, en lançant une procédure qui n’a aucune chance d’aboutir. C’est ce qui s’appelle garder deux fers au feu.

N.B.: article paru dans Libération du 13 septembre. Mon avant-papier est ici.

Dessin: Erwan Terrier pour 28'

Catégories: Union européenne

L'Union n'est plus européenne, mais allemande

dim, 16/09/2018 - 19:37

L’Allemand Manfred Weber, 46 ans, espère succéder au Luxembourgeois Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne. Le patron du groupe PPE (parti populaire européen, conservateur) au Parlement européen et vice-président de la CSU bavaroise, l’aile droitière de la CDU, a annoncé, mercredi, qu’il était candidat à la candidature pour devenir tête de liste (Spitzenkandidat, en allemand) de son parti aux élections européennes de mai 2019. S’il l’emporte, lors du congrès du PPE qui aura lieu à Helsinki les 7 et 8 novembre il aura alors toutes ses chances, le Parlement européen ayant imposé en 2014 que la tête de la liste arrivée en tête aux élections soit automatiquement désignée président de l’exécutif européen.

La candidature à la candidature de Manfred Weber, adoubée par la chancelière Angela Merkel, tout comme les visées germaniques sur la Banque centrale européenne, est symptomatique de l’Europe allemande qui se met impitoyablement en place depuis la crise de la zone euro de 2010. Déjà, le social-chrétien Jean-Claude Juncker, sans être l’homme choisi par Berlin, est extrêmement proche des intérêts allemands, comme il l’était déjà lorsqu’il était ministre des Finances puis Premier ministre du Grand Duché. L’homme qui l’a propulsé à la tête de la Commission et dont il a fait le haut fonctionnaire le plus puissant de l’Union en le nommant secrétaire général de la Commission, Martin Selmayr, est lui-même Allemand. D’ailleurs, il est frappant de constater que trois institutions sur quatre ont des secrétaires généraux allemands : outre la Commission, le Parlement européen (Klaus Welle) et le Service européen d’action extérieure (Helga Schmid). Cela aurait pu être quatre sur quatre si l’Allemand Uwe Corsepius n’avait pas préféré quitter son poste au Conseil des ministres pour retourner à la chancellerie allemande en 2015 après quatre ans passés à Bruxelles… Mieux, le secrétaire général adjoint du Parlement est lui-aussi Allemand, une institution qui a été dirigée pendant cinq ans par un Allemand (Martin Schulz, 2012-2017). Sur huit groupes politiques, quatre, dont les deux plus importants (PPE et PSE), sont présidés par des Allemands. Pour compléter ce tableau, il ne faut pas oublier que les présidents de la Cour des comptes européenne (Klaus-Heiner Lehne), de la Banque européenne d’investissement (Werner Höyer), du Mécanisme européen de stabilité (Klaus Regling), du Conseil de résolution unique des crises bancaires (Elke König) sont Allemands tout comme le commissaire européen chargé du budget, le nerf de la guerre, Gunther Ottinger. Et bien sûr, tous sont membres ou proches de la CDU d’Angela Merkel.

« Il ne s’agit pas d’une volonté délibérée, mais simplement les Allemands considèrent qu’ils sont les meilleurs Européens et donc qu’ils doivent faire le job pour pallier l’absence des autres capitales », explique Dany Cohn-Bendit, ancien député européen (Grünen). Et il est vrai qu’en dehors de la présidence de la BCE, que vise le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galau, les candidats allemands ne rencontrent aucune opposition sérieuse et organisée. « En 1953, Thomas Mann tint à Hambourg un discours devant un parterre d’étudiants qu’il implorait d’aspirer non pas à une « Europe allemande », mais à une « Allemagne européenne », résume l’historien anglais Timothy Garton Ash (1). «Nous avons cependant aujourd’hui affaire à une variante (…) : une Allemagne européenne dans une Europe allemande ». Question : les peuples européens sont-ils prêts à accepter d’être ainsi dirigés par l’Allemagne ?

(1) Der Spiegel, 13 février 2012

N.B.: un dessin de Nicolas Vadot rien que pour vous

Catégories: Union européenne

Un bug infini

ven, 14/09/2018 - 16:51

Le bug qui a fait disparaitre tous les commentaires du site et donc de mon blog n’est toujours pas résolu après une semaine... Je n’ai évidemment aucune prise sur cette étrange affaire et je vous pris de m’en excuser. Si vous voulez commenter mes posts, vous pouvez le faire sur Facebook , sur ma page Facebook, ou sur la page Coulisses de Bruxelles.

Catégories: Union européenne

Européennes: l'attentisme de Macron l'isole

ven, 07/09/2018 - 18:05

Emmanuel Macron manie le verbe européen à l’instar d’un François Mitterrand et d’un Helmut Kohl, ce qui fait se pâmer le tout Bruxelles. Et personne n’a oublié qu’il a terrassé l’hydre europhobe Marine Le Pen, drapeau européen au poing. Mais au-delà, il est bien seul tant sa stratégie européenne apparaît pour le moins brouillonne. Car se poser en tête de file des europhiles et des défenseurs intransigeants des valeurs européennes, un rôle que Viktor Orban, le Premier ministre conservateur hongrois, et Matteo Salvini, le ministre de l’Intérieur d’extrême droite italien, rêvent de lui voir endosser, ne suffira pas à gagner les élections européennes et encore moins à lui assurer un groupe politique au sein du Parlement européen, clef de toute stratégie d’influence.

« On peut comprendre que Macron veuille répéter en France l’opération qui lui a permis de gagner l’élection présidentielle en agrégeant autour de lui toutes les forces pro-européennes et progressistes, mais sa stratégie est risquée au niveau européen », analyse un haut fonctionnaire du Parlement. En effet, le clivage europhobes/europhiles qui transcenderait au moins partiellement le clivage gauche/droite n’existe pas partout. « Par exemple, poursuit cet eurocrate, en Espagne et au Portugal, il n’y a pas de parti eurosceptique. Si on transforme l’élection européenne en référendum pour ou contre l’Europe, on va y créer une offre extrêmement dangereuse ».

Le piège est d’autant plus grand que cela donnerait aux citoyens l’impression qu’il faut accepter l’Europe telle qu’elle est, c’est-à-dire avec les politiques mises en œuvre par les conservateurs du PPE (Parti Populaire européen) qui domine le jeu depuis 20 ans. Ainsi, le référendum français de 2005 sur le traité constitutionnel européen a montré qu’un choix binaire donnait un coup de fouet aux partis eurosceptiques et europhobes, de droite comme de gauche, qui apparaissent comme la seule alternative possible à une Europe dont on ne partage pas toutes les orientations. En Allemagne, cela donnerait le beau rôle à l’AfD, le parti xénophobe d’extrême droite qui se poserait en seul défenseur d’une « autre Europe ». En Hongrie ou en Italie, Orban et Salvini n’attendant eux aussi que cela.

Le Belge Guy Verhofstadt, patron « macroncompatible » du groupe libéral du Parlement européen, lui, estime que l’affrontement contre les démagogues europhobes est le meilleur moyen d’affaiblir le PPE en mettant le doigt sur ses contradictions. En effet, c’est un regroupement à large spectre, puisqu’il va des socio-chrétiens luxembourgeois, assez proches de la social-démocratie, au Fidesz de Viktor Orban qui a théorisé l’illibéralisme, en passant par l’ÖVP autrichien allié à l’extrême droite du FPÖ. Verhofstadt, tout comme Macron, espère faire voler en éclat le PPE en menant une campagne référendaire ou au moins de l’empêcher de faire alliance avec les populistes qui ne sont pas pour une remise en cause de l’État de droit, comme la Ligue de Salvini « qui n’hésitera pas à lâcher sa copine Marine qui, elle, restera infréquentable à jamais », s’amuse un conseiller politique libéral. À partir du moment où on est allié avec Orban, il est vrai que Salvini n’est pas si terrifiant que cela.

Reste que le rêve de Macron de constituer un groupe pivot autour d’En Marche s’est évanoui à cause de son indécision. Il a mis un an à recevoir Verhostadt (fin juillet) qui était pourtant prêt à faire exploser son groupe pour rejoindre en Marche, a refusé de proposer une alliance au Mouvement cinq Étoiles qui désormais colle à la Ligue, a laissé dériver Ciudadanos sur une ligne encore plus dure que celle du Partido Populare sur la question catalane, ce qui a ouvert un espace inespéré aux socialistes espagnols… Aujourd’hui, mis à part le Parti démocrate italien en chute libre, on ne voit plus très bien avec qui il pourrait constituer un groupe qui compte, sauf à espérer qu’une partie du PPE renâcle à une alliance avec les populistes. Résultat : à neuf mois des Européennes, En Marche sera sans doute réduit à n’être qu’une force d’appoint du groupe libéral de Verhofstadt qui ne lui fera pas de cadeau après avoir été malmené par Macron. D’autant que les députés inexpérimentés ne peuvent espérer aucun poste d’influence… Bref, Macron l’europhile risque bien d’être réduit à l’impuissance faute de troupe.

N.B.: article paru dans Libération du 6 septembre

Photo: AFP

Catégories: Union européenne

BUG (mis à jour le 6 septembre)

jeu, 06/09/2018 - 12:09

Les commentaires ont disparu de ce blog sans que je ne parvienne à savoir pourquoi. Ce n’est évidemment pas ma décision. Je vous tiens informé.

Le service web de Libé me dit que c’est l’ensemble du site qui est touché. Ils sont dessus!

Mauvaise nouvelle du 6 septembre : le problème vient du prestataire de services et semble plus compliqué que prévu. Donc toujours pas de commentaires...

Catégories: Union européenne

Changement d'heure: une opération de communication ratée

mer, 05/09/2018 - 20:27

L’été a été meurtrier pour l’Europe. La coalition de démagogues au pouvoir en Italie, dominée de la tête et des épaules par la Ligue, le parti néofasciste de Matteo Salvini, le ministre de l’Intérieur, a versé dans l’europhobie débridée : Rome menace de ne plus verser sa contribution au budget communautaire, ce que même le Royaume-Uni n’a jamais fait, si les migrants ne sont pas accueillis ailleurs et de déclencher une nouvelle crise de la zone euro en s’affranchissant de toutes les règles européennes. Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, de son côté, s’en est pris violemment à l’Europe occidentale, accusée d’être « non-démocratique », et à la Commission, « symbole de l’échec » de la lutte contre l’immigration et l’Islam. Et, comme si cela ne suffisait pas, Orban et Salvini ont inauguré un nouvel axe europhobe, Emmanuel Macron devenant leur tête de Turc. Autant dire que les sujets d’inquiétudes ne manquent pas en cette rentrée, d’autant que 2019 sera l’année de tous les dangers entre le Brexit, qui aura lieu le 30 mars, et les élections européennes du mois de mai qui pourraient voir une percée historique des europhobes.

Nonobstant, Jean-Claude Juncker a choisi de prendre tout le monde à contre-pied en faisant sa rentrée sur un sujet de la plus haute importance, le changement d’heure. Le président de la Commission a annoncé vendredi dernier que « des millions de personnes ont répondu » à la consultation publique en ligne (qui a eu lieu entre le 4 juillet et le 16 août) « et sont d’avis qu’à l’avenir, c’est l’heure d’été qui devrait être tout le temps la règle, et nous allons réaliser cela ». C’est pourtant le même homme qui avait annoncé au début de son mandat qu’il voulait se «concentrer sur les grands sujets et ne pas perdre de temps sur les petits »…

En réalité, Juncker veut détourner l’attention des « sujets anxiogènes », comme le note un diplomate européen, et surtout éviter les questions embarrassantes sur la montée des « populismes » qui signent l’échec de sa présidence. Et quoi de mieux qu’un sujet mineur, mais hautement inflammable, pour ce faire ? Après tout, Macron a bien réussi à détourner l’attention de la démission de Nicolas Hulot en épinglant les « Gaulois réfractaires » aux réformes…

Le problème est que l’opération semble totalement improvisée et, partant, mal fagotée. Ainsi, le porte-parole de la Commission s’est pris les pieds dans le tapis en expliquant qu’en fait la Commission va proposer aux États de supprimer le changement d’heure obligatoire, mais laissera chacun libre d’adopter l’heure qu’il souhaite, c’est-à-dire l’heure d’été ou l’heure d’hiver. L’unité temporelle du marché unique instaurée par l’harmonisation du changement d’heure risque d’être gravement mise à mal au sein d’un même fuseau horaire. Pire: imaginons que la France en profite pour enfin abandonner l’heure allemande (elle est au fuseau horaire de Berlin depuis 1940 comme Amsterdam, Luxembourg, Bruxelles et Madrid -depuis 1942) et repasse à l’heure anglaise au nom du respect de l’horloge biologique des enfants et des vaches, mais pas la Belgique... Ou que le Luxembourg passe à l’heure de Londres, mais heure d’hiver.

Le plus drôle est qu’en février dernier, Violeta Bulc, la commissaire chargée des transports, avait écarté toute réforme en expliquant qu’elle avait posé la question en décembre aux États d’un changement de la directive de 2000 harmonisant le passage à l’heure d’hiver et que personne n’était intéressé. La dernière année du mandat de Juncker risque d’être longue, très longue.

N.B.: version longue de l’article paru dans Libération du 3 septembre

Catégories: Union européenne

Pages