REUTERS/Dario Pignatell
L’Union européenne dont rêve Jean-Claude Juncker semble tout droit sortie du siècle dernier, comme si les polycrises des vingt dernières années n’avaient pas existé. En écoutant le président de la Commission délivré son discours sur « l’état de l’Union », le 13 septembre dernier devant le Parlement européen réuni à Strasbourg, on ne pouvait s’empêcher de penser à Hibernatus, cette comédie d’Édouard Molinaro avec Louis de Funes, contant l’histoire d’un homme se réveillant après 65 ans passés en animation suspendue…
Constatant, à raison, que « l’Europe a de nouveau le vent en poupe », après avoir résisté au Brexit et au vent mauvais des démagogies d’extrême droite et d’extrême gauche, il propose de mettre « cet élan à profit ». Non pas en innovant, mais en renouant avec les recettes du passé, celles qui ont justement échoué et précipité l’Europe au bord du gouffre. Ainsi, il souhaite accélérer la conclusion d’accords de libre-échange avec l’ensemble de la planète, après le Canada et le Japon, comme si le rejet du démagogue Donald Trump par les opinions publiques européennes, dont l’un des marqueurs politiques est effectivement son isolationnisme, et les défaites des partis démagogiques en Autriche, aux Pays-Bas, en France et en Italie, était un ralliement sans condition à la mondialisation telle qu’elle se fait depuis trente ans.
Or, ce n’est absolument pas le cas : Emmanuel Macron, en France, s’est certes fait élire en rejetant le repli sur le pré carré national, mais aussi en promettant une « Europe qui protège ». Car c’est un fait têtu : les opinions publiques, certes de façon variable selon les pays, sont de plus en plus méfiantes à l’égard du mythe de la « mondialisation heureuse », les pertes d’emplois massives et immédiates les ayant vacciné contre les promesses de lendemain qui chantent. Sans sombrer dans l’isolationnisme trumpien, ils exigent à tout le moins qu’on leur prouve que le libre échange va leur apporter un surcroit de croissance, une preuve qui est rarement faite. En annonçant que désormais la Commission négocierait des traités qui ne nécessiteront plus la ratification des parlements nationaux et régionaux (en évitant d’y inclure des clauses relatives aux investissements financiers et au règlement des différents), on ne peut pas dire que Jean-Claude Juncker cherche précisément à les rassurer…
De même, il ne semble tenir aucun compte de la fatigue de l’élargissement qui se manifeste d’un bout à l’autre de l’Europe : le non franco-néerlandais au référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen, largement motivé par un élargissement massif et non expliqué, est à nouveau nié. Or, les Néerlandais, en rejetant en avril 2016, l’accord d’association avec l’Ukraine, ont montré que cette lassitude était toujours présente. Emmanuel Macron, lors de sa visite à Athènes le 7 septembre, a ainsi rappelé que «par l’ampleur qu’il a prise, l’élargissement qu’il a connu, la diversité qu’il a adoptée, le projet européen s’est soudain heurté voilà un peu plus de dix ans à un refus du peuple, des peuples», ce qui devrait inciter à la prudence.
Qu’importe pour le président de la Commission : il propose d’accueillir tous les pays des Balkans qui en font la demande, soit l’Albanie, le Kosovo, la Macédoine, le Monténégro et la Serbie. Seule la Turquie fait les frais de sa dérive dictatoriale, Juncker estimant qu’il faut geler les négociations avec ce pays, ce qui est bien le moins. Comment une telle Europe à 32 pourra-t-elle fonctionner alors qu’à 28 (bientôt 27) elle cafouille de plus en plus ? Mystère. Une Commission composée de 32 commissaires où les grands pays n’auraient que trois représentants, cinq en ajoutant la Pologne et l’Espagne, aurait-elle une quelconque légitimité ? Pas un mot sur le sujet si ce n’est la proposition bien insuffisante et très contestable de fusionner les postes de président de la Commission et du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement (une possibilité ouverte par le traité de Lisbonne). Pas un mot non plus sur les échecs polonais ou hongrois, ces États se transformant jour après jour en « démocrature » bien éloignée des standards de l’État de droit européen, ou bulgare et roumain, ces pays restants gangrenés par la corruption, le clientélisme et la mafia…
Juncker semble encore croire au mythe des années 90, lorsque la Commission affirmait doctement que par la grâce de l’adhésion ces pays se transformeraient rapidement en démocraties modèles. Si cela a fonctionné pour les Baltes ou la Slovénie (et encore), ce n’est pas le cas pour les autres. Un statut de membre associé ne serait-il pas plus adapté ? Manifestement, la seule politique étrangère qu’imagine le président de la Commission est celle d’un élargissement sans fin : comme il l’a expliqué, il s’agit de stabiliser ces pays quitte à déstabiliser davantage l’Union. Il ne s’arrête pas en si bon chemin : il veut que la Bulgarie et la Roumanie intègrent Schengen, comme si la crise des migrants qui a démontré l’incapacité de nombres d’États à contrôler leurs frontières extérieures n’avait pas eu lieu. Pourtant Emmanuel Macron, fin août a prévenu Sofia et Bucarest qu’il remettait en cause l’accord de son prédécesseur, François Hollande, d’admettre leurs aéroports, pourtant faciles à contrôler, dans le dispositif Schengen.
Enfin, Jean-Claude Juncker veut que l’euro devienne la monnaie de tous les Européens : « si nous voulons que l’euro unisse notre continent plutôt que de le diviser, il faut qu’il soit plus que la monnaie de quelques ». Il propose même la mise en place d’un « instrument d’adhésion à l’euro » destiné à apporter aides techniques et financières. Passons sur le fait que la plupart de ces pays ne veulent pas rejoindre la monnaie unique et que la Suède en a même rejeté le principe par référendum en 2003 alors qu’elle ne bénéficie d’aucun opt out. Mais, au-delà des critères de Maastricht, admettre des pays qui n’ont toujours pas les structures économiques, financières, politiques et statistique pour supporter le choc de la monnaie unique, c’est préparer de nouvelles crises grecques, comme l’ont fait immédiatement remarquer les responsables autrichiens : « je considère cette idée comme irréfléchie », a ainsi immédiatement déclaré le chancelier social-démocrate autrichien Christian Kern.
Bref, Juncker fait comme si l’élargissement ne posait aucun problème, comme si aucune crise n’avait failli emporter l’Europe au cours des dernières années. Il rejette la volonté d’Emmanuel Macron d’approfondir la seule zone euro, d’en faire le cœur nucléaire de l’Europe, de distinguer une Europe espace d’une Europe puissance comme il l’a expliqué à Athènes : «Nous avons besoin d’une zone euro plus intégrée, et donc d’un vrai budget de la zone euro, d’un ministre des Finances permanent qui dirige cet exécutif, une responsabilité démocratique au niveau de la zone euro, et à ce titre il faut le maximum d’ambition».
Comment expliquer un tel aveuglement ? Par fonction, sans doute : la Commission doit veiller à maintenir l’unité européenne, une préoccupation qu’elle partage avec l’Allemagne qui ne veut pas se couper de son Hiterland économique. Plus profondément, Bruxelles n’arrive pas à faire le deuil de son mythe fondateur, celui qui veut que tous les pays européens partagent la même vision de l’avenir radieux européen. Au fond, Juncker appartient à l’ancien monde, celui qui a refusé de voir tous les problèmes que poserait l’élargissement, ce que François Mitterrand avait pressenti en proposant en 1990 une « maison commune européenne » comme première étape d’un élargissement qu’il savait inéluctable, mais potentiellement destructeur. Ce que ne voit pas Juncker, c’est qu’en ne voulant pas perdre l’Est, il prend le risque de perdre l’Ouest en fournissant des arguments aux europhobes qui n’ont pas dit leur dernier mot. Il serait peut-être temps de « débruxelliser » la Commission.
N.B.: article paru dans l’Hémicycle n°495
On Wednesday, 25th October, during a plenary session debate, MEPs discussed a resolution in favour of a European directive against gender-based violence. Following the Weinstein scandal, as well as several press articles denouncing cases of harassment within the European Parliament itself, the institution had to react. However, the hemicycle was almost empty.
According to the newspaper Politico, « more than 30 allegations of rape, assault and harassment related to the European Parliament » were identified.
« We must take women out of the humiliation and shame they are in, and we must all stop closing the eyes, » French MEP Elisabeth Morin-Chartier (EPP, right wing) argued during the debate. She oversees a committee dedicated to the fight against harassment in Parliament.
Parliamentarians voted on this subject today, Thursday, October 26th, around 1 P.M. They called for the creation of a « committee of independent experts » to help fight internal sexual harassment in the Parliament. These experts should be mandated to « evaluate » and « propose changes » to the work done by the two bodies that already exist in the assembly to shed light on sexual harassment cases or abuses.
Parliamentarians also want the establishment of a « mandatory training for all staff and MPs on respect and dignity at work. »
All too often, the MEPs’ assistants are afraid to denounce the harassment of which they are victims, because they can be easily dismissed. In fact, 80% of women who denounce their employers are then being laid out.
Louise Bougot
For further information:
http://www.bbc.com/news/world-europe-41754589