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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 1 month 1 week ago

Repenser la stabilisation face au terrorisme en Afrique

Thu, 08/07/2021 - 11:08


À l’heure où le désengagement progressif de l’opération Barkhane et la mise en place de Takuba alimentent le débat sur l’efficience de la lutte contre les groupes jihadistes au Sahel, le Liptako-Gourma entre dans la phase de stabilisation. Si l’un symbolise les limites de la réponse militaire, l’autre ne doit pas soulever des espoirs inconsidérés. La sécurité et le développement doivent agir concomitamment. En partant de l’exemple du bassin du lac Tchad, je postule que pour atteindre des résultats durables et efficients, il faut coupler les opérations militaires à une stabilisation transformationnelle. Celle-ci nécessite un engagement proportionnel à l’ampleur des facteurs générateurs des crises qui secouent le Sahel et bien d’autres régions d’un continent qui risque de devenir l’épicentre d’une instabilité irradiante pour d’autres parties du monde.

Un continent parsemé de menaces

En une décennie, toutes les régions africaines se trouvent en proie à des organisations terroristes. Cette régionalisation concerne aussi bien les Shabab et Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) plus anciennement implantés que les franchises et autres émanations endogènes qui se sont développées dans des contextes d’imbrication de conflits et de sources de fragilités. À l’instar du bassin du lac Tchad, le Liptako-Gourma confirme davantage l’existence de connectivités territoriales, économiques et humaines que les entrepreneurs de tous genres, y compris les groupes armés non étatiques, sont capables de rentabiliser, malgré les efforts consentis en matière de réponse militaire.

L’implantation de telles organisations violentes dans des zones d’économies rurales et itinérantes, car structurées autour de la mobilité dans les échanges, limite l’accès des populations aux ressources de production économique, et surtout permet de développer l’entrepreneuriat d’insécurité. D’où des possibilités locales de financement des groupes armés, voire de capitalisation et de blanchiment. L’ampleur du vol et du trafic du bétail, la circulation des produits du crime et la poursuite des enrôlements de jeunes, indique bien qu’au-delà de l’idéologie, c’est dans la transformation des rouages et des capacités de l’économie et de la société locales que se trouve le combat à mener contre des organisations qu’il convient d’éviter de lire sous le seul prisme des discours idéologiques et des haillons de leurs leaders et combattants hirsutes et dépenaillés.

À la régionalisation s’imbrique l’autochtonisation qui en est d’ailleurs la nourricière. Longtemps, le terrorisme porté par des organisations d’obédience islamique sur le continent africain a été perçu comme le reflet de l’internationalisation d’une lutte civilisationnelle, tout au moins l’islamisation de contestations politiques d’ailleurs qui ont progressivement essaimé vers l’Afrique, particulièrement subsaharienne. Si cette lecture à la Samuel Huntington ne manque pas d’indicateurs au regard des dénominations et des allégeances à Al-Qaïda et à Daech, force est de constater que les labellisations n’occultent pas la constitution d’organisations émanant de la maturation de groupes essentiellement portés vers la violentisation des revendications locales, la contestation asymétrique de la gouvernance étatique et l’instrumentalisation du courroux social en contexte de saturation des besoins alors que les réponses stagnent. L’émergence de l’insurrection violente au Mozambique, particulièrement la récente attaque de Palma, résulte davantage de l’écart entre la qualité de vie des populations et le gigantisme des investissements étrangers dans une zone où sous-emploi, inadéquation des services sociaux de base et récupération idéologique sont porteurs d’insurrections. Même la revendication de cette attaque par l’État islamique et les liens éventuels avec les Shabab, n’éludent pas la dimension éminemment locale des sources de la violence. L’autochtonisation s’opère donc dans une articulation complexe de facteurs locaux, de vecteurs régionaux, de contextes favorables et de facilitations tels que l’accès à des financements (butins, trafics…) et moyens opérationnels. Toutes les enclaves de fragilités deviennent ainsi des zones candidates pour peu que le contexte favorise l’irruption d’un groupe armé.

Ces zones candidates élargissent la carte des modes opératoires terroristes en Afrique. La métastase est perceptible, car plusieurs pays situés en dehors du champ d’influence traditionnelle de l’islam sont touchés par des attaques conduites par des groupes locaux. Les pays côtiers où se déploient des investissements et des échanges internationaux de grande envergure ont dépassé le stade du risque et sont progressivement gagnés par des menaces réelles, notamment dans le golfe de Guinée déjà confronté à la piraterie maritime.

Loin d’être exhaustive, cette évocation des évolutions du risque terroriste sur le continent africain suggère que les groupes armés s’adaptent facilement à la réponse militaire lorsque celle-ci est la principale réaction de l’État et de ses partenaires. Si la réponse militaire continue d’enfler au gré de l’épaississement de la menace, il est à craindre que la crise humanitaire s’intensifie et que l’environnement stratégique du continent se complexifie davantage. Entre négociations avec les insurgés et réaménagements des forces dans certains théâtres, l’on reste encore focalisé sur les issues politiques et militaires. Il importe de saisir ce contexte pour analyser de façon robuste les facteurs d’insurrection.

Le bassin du Lac Tchad comme site d’observation

Depuis 2014, les pays riverains du lac Tchad (Cameroun, Niger, Nigeria, Tchad) sont confrontés à une crise humanitaire et sociale due à l’extrémisme violent. Sous le label Boko Haram, des groupes armés affichant un discours idéologique et des prétentions à contrôler des territoires pour y constituer un État théocratique, perpètrent des violences variées à l’encontre des forces de défense et de sécurité, des populations civiles et des biens publics et privés. C’est ainsi que des attaques frontales, des embuscades, des prises d’otages contre rançon, des enlèvements de jeunes et de femmes, des attentats suicides et des expéditions de pillage, ont instauré une insécurité généralisée dans certaines parties de la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, la région de Diffa au Niger, les États d’Adamawa et de Borno au Nigeria, les provinces du Lac, du Kanem et du Hadjer Lamis au Tchad. Il s’en suit des déplacements de populations d’une ampleur inédite dans le bassin du lac Tchad. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), au 31 décembre 2020, on dénombrait plus de 2,9 millions de déplacés internes dans le nord-est du Nigeria, plus de 778 000 dans les trois autres pays, lesquels accueillent plus de 300 000 réfugiés. Le peu de services sociaux de base disponibles avant la crise ont été détruits ou ont subi les effets des intempéries. Les marchés et les routes commerciales transfrontalières sont fermés. Les champs et les pâturages sont restés inaccessibles durant plusieurs années. Produit de la vulnérabilité cognitive et socioéconomique, l’enrôlement des jeunes s’est accru du fait de la précarité qui s’est intensifiée et répandue à toutes les couches de jeunes habitués à vivre à la frontière ou à proximité de la frontière et à en tirer des bénéfices. Le déplacement a accru les charges sociales des femmes tout en annihilant les ressorts de leurs activités génératrices de revenus habituelles.

Face aux effets multiformes de la menace, les États affectés ont déployé des réponses essentiellement militaires. La première composante de cette réponse comprend les opérations nationales. La seconde est constituée par la Force mixte multinationale (FMM). Après des années de lutte, force est de constater que les opérations de grande envergure que Boko Haram menait avec des centaines d’hommes se font désormais rares. Les attentats suicides ont considérablement diminué. De temps à autre, des engins explosifs improvisés font des blessés, des dégâts matériels et parfois des morts. Tandis que vers le Lac, la menace continue de requérir des engagements militaires conséquents, plus au sud, l’on a surtout affaire aux attaques prédatrices d’adeptes manifestement confrontés aux besoins de survie. C’est fort des résultats déjà engrangés par la réponse militaire que les États réunis au sein de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), en synergie avec l’Union africaine et leurs partenaires internationaux, particulièrement le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), ont élaboré la Stratégie régionale de stabilisation (SRS) qui a été adoptée en 2018. La mise en œuvre de la SRS a bénéficié de crédits dans le cadre de la Facilité régionale pour la stabilisation du bassin du lac Tchad (FRS) lancée en juillet 2019 à Niamey. La FRS est financée par l’Union européenne, l’Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la France.

Dans les zones cibles de l’Extrême-Nord du Cameroun, le PNUD a entrepris de réaliser des activités visant d’une part à viabiliser les zones affranchies de la menace de Boko Haram, mais où les communautés restent fragiles, et d’autre part à soutenir les communautés installées dans les zones d’action humanitaire en étroite collaboration avec les forces de défense et de sécurité dont l’encadrement reste nécessaire.

À ce jour, la mise en œuvre des projets a permis d’atteindre des résultats rapides et probants en matière de soutien à la sécurité communautaire, construction ou reconstruction d’infrastructures essentielles servant au retour des services publics et la délivrance des services sociaux de base, réhabilitation des voies d’accès aux villages et aux espaces de production, renforcement des capacités de certains acteurs de la chaîne judiciaire afin de garantir des enquêtes appropriées. C’est ainsi que des bâtiments devant abriter des postes de sécurité, des services d’agriculture et d’élevage, des écoles, des centres de santé, ont été construits en matériaux définitifs pour renforcer la présence de l’État et de ses services. Dans le cadre de la revitalisation de l’économie locale, le fait le plus notable et le plus attendu a été la réouverture du corridor Banki (Nigeria) et Amchide (Cameroun) qui est le poumon de l’économie transfrontalière. C’est par là que passent les produits de première nécessité, les produits agricoles et pastoraux, les produits manufacturés, les matériels de construction, le carburant, bref l’essentiel des commodités vendues sur les marchés locaux. Plus que la reprise du petit commerce local, c’est l’ensemble de l’économie régionale qui va être galvanisée sur une profondeur de plus de cent kilomètres en direction des marchés urbains tels que Maroua, Kousseri et N’Djamena. L’amorce des travaux à Blangoua et bientôt Hile-Alifa, permettra sous peu la reprise des activités agricoles, piscicoles et pastorales dans des zones vitales pour l’économie des abords sud du lac Tchad et les corridors fluviaux par lesquels passent les marchandises circulant entre Gambaru (Nigeria) et les provinces tchadiennes voisines du Lac.

Tout ceci a substantiellement amélioré les relations civilo-militaires, rationalisé la protection communautaire, motivé le retour de déplacés internes, réduit les risques d’enrôlement à travers le cash for work et la relance des activités génératrices de revenus à travers les échanges transfrontaliers. Après la phase d’urgence et celle de résilience, la stabilisation produit chez les bénéficiaires le sentiment que les choses s’améliorent, ce qui permet la reprise de la vie économique et sociale dans des communautés qui attendaient et réclamaient aussi bien davantage d’actions militaires concrètes que d’actions socioéconomiques efficientes.

Cet espoir nouveau s’éveille au moment où la branche la plus redoutable de Boko Haram, en l’occurrence l’État islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO), étend son influence sur les zones jusque-là sous emprise d’Abubakar Shekau. L’approche persuasive de l’EIAO, faite de propagande et de facilitations socioéconomiques en direction des populations cibles, est de nature à relancer le mécénat de l’extrémisme violent, la collaboration passive des populations vulnérables et les recrutements de jeunes. Il est évident que l’adaptation des dispositifs de réponse militaire et de sécurisation à cette nouvelle donne sera un gage de réussite de la stabilisation, la sécurité étant indispensable au déploiement de tous types d’interventions.

Toutefois, il convient d’agir pour la transformation profonde de l’environnement économique et social de ces zones frontalières où sécurité, développement et paix durable sont plus que jamais intimement liés.

Un financement conséquent de la stabilisation           

Dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), dans le bassin du lac Tchad, désormais au Liptako-Gourma et peut-être ailleurs, les mécanismes de stabilisation apparaissent comme la réponse idoine pour apporter un changement économique et social répondant aux attentes des populations. Pour que la stabilisation atteigne des objectifs de transformation durable des sociétés meurtries qui continuent d’être à risque et pouvant potentiellement basculer dans la radicalisation insurrectionnelle, il convient de sortir du saupoudrage pour consacrer des crédits conséquents aux infrastructures, aux projets structurants, à la viabilisation des espaces transfrontaliers, bref pour faire du développement l’outil de prévention par excellence. Dès lors, les prochaines étapes de la stabilisation devront Sécuriser le développement par l’optimisation de la présence de l’État et particulièrement des services de sécurité renforcés, Viabiliser les communautés affectées par le renforcement de l’accès aux utilités dont : l’eau pour la consommation courante, l’irrigation ; l’énergie solaire pour accompagner la reconstruction de la convivialité, soutenir les apprentissages des élèves, réduire les vulnérabilités sécuritaires dues à l’obscurité, faciliter l’accès à l’information et plus amplement à la modernité, Instaurer de nouvelles perspectives de production économique par le développement des agropoles en fonction des chaînes de valeur locale et l’expérimentation de nouveaux produits, Soutenir la reprise et l’employabilité du secteur commercial par le crédit et la reconstruction des espaces commerciaux et fonctionnant comme des hubs régionaux ou locaux pour la distribution des produits, Susciter l’urbanisation par la construction de routes viables en toute saison et d’ouvrages de franchissement entre les zones de production et les agglomérations, Bâtir des connexions transfrontalières solides, à savoir une synergie entre les communautés et entre les services frontaliers, Construire l’interrégionalisation en soutenant les initiatives des communautés économiques régionales en faveur de liaisons et de facilitations des échanges. L’exemple du Comité international de coordination (CIC) de la lutte contre la piraterie maritime (CEDEAO, CEEAC, CGG)[1] devrait inspirer d’autres initiatives autour des routes transrégionales, des flux de marchandises et de personnes, des liaisons aériennes, des mobilités estudiantines et professionnelles, Restaurer l’autorité de l’État partout où son encadrement a fait défaut, ou se trouve démantelé par les violences des groupes armés.

En somme, il s’agit de rompre le cycle de violences opportunistes dont la pauvreté est le socle. La longue sédimentation des fragilités et leur interpénétration ont consolidé un socle de courroux sur lequel s’appuient les insurrections. Il faut démanteler ce socle et bâtir des sociétés sur la base d’un nouveau contrat social. Ainsi pourra-t-on éviter la reproduction dans plusieurs régions africaines des crises dévastatrices et à grands frais telles qu’en Afghanistan et en Irak. Il faut pour cela déployer un plan ambitieux de stabilisation avec des moyens financiers et matériels à la hauteur des enjeux pour éviter à tout prix d’agir lorsqu’il sera trop tard et la facture beaucoup plus lourde !

[1] CEDEAO : Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ; CEEAC : Communauté économique des États de l’Afrique centrale ; CGG : Commission du Golfe de Guinée.

J’ai lu…Pour une France indépendante de Jean-Luc Mélenchon

Wed, 07/07/2021 - 19:00

Le regard de Pascal Boniface sur la présentation par Jean-Luc Mélenchon de son programme international en prévision des élections présidentielles.

La guerre au Tigré : l’amorce d’une fin de conflit pour l’Éthiopie ?

Wed, 07/07/2021 - 11:48

Depuis le début du mois de novembre 2020, la région du Tigré est le théâtre d’un conflit entre le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) et le gouvernement éthiopien rejoint par l’armée érythréenne et les milices amhara. Après huit mois de conflit, un « cessez-le-feu de principe » a été décidé, mais demeure incertain puisqu’unilatéral. Ce dernier peut-il être le signe d’un processus de paix entre les deux camps ? Dans un contexte électoral et humanitaire complexe, peut-on entrevoir la fin de ce conflit ? Le point avec Patrick Ferras, président de l’association Stratégies africaines, enseignant à IRIS Sup’ et spécialiste de l’Éthiopie.

Après avoir reconquis la ville de Mekele le 28 juin dernier, les forces pro-TPLF (Force de défense du Tigré) ont repris une partie du Tigré et se disent aujourd’hui prêtes à accepter un « cessez-le-feu de principe » sous conditions. Parmi elles se trouvent le retrait des forces érythréennes et amhara soutenant l’armée éthiopienne. Ces exigences vous semblent-elles envisageables au regard du passé entre les différents territoires ?

Les Tigréens ont annoncé qu’ils étaient d’accord par principe sur l’accord de cessez-le-feu avec néanmoins des conditions préalables. Parmi elles, ils exigent que les forces éthiopiennes, érythréennes et les milices amhara quittent la totalité du territoire tigréen. Il n’y aura pas de discussion possible tant que ces forces-là n’auront pas quitté cette région. Les forces éthiopiennes et érythréennes semblent avoir quitté le Tigré ou sont sur le point de le faire. Il reste les milices amhara qui ont conquis une petite partie du territoire tigréen à l’ouest du pays. Ce sera sûrement un foyer de tension voire une possibilité d’intervention militaire tigréenne dans les prochaines semaines. Le TPLF souhaite récupérer la totalité de son territoire, et y assurer sa défense et sa politique. En complément de ces requêtes préalables, ils ont demandé que la totalité des personnes arrêtées ou internées pour des critères d’appartenance au groupe tigréen soient remises en liberté le plus rapidement possible. Des conditions incontournables que refuse d’avaliser le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed.

Dans l’état actuel des choses, les positions sont à 180 degrés tant du côté d’Abiy Ahmed que du côté du leader du TPLF, Debretsion Gebremichael, excluant la possibilité que chacun fasse un pas en avant. Avant la nomination du nouveau Premier ministre ou sa reconduction, qui aura lieu fin septembre début octobre lors de la prochaine réunion parlementaire, trois mois de fenêtre d’opportunités s’ouvrent aux deux camps afin d’engager ou non des discussions. Cependant, il y a peu de chances que les deux hommes se retrouvent autour d’une table de négociations dans la mesure où l’Assemblée nationale éthiopienne a décrété que le TPLF était un mouvement terroriste. Or, aujourd’hui, les Tigréens arrivent en position de force avec une victoire politique et militaire, et le Premier ministre éthiopien va être obligé de faire un certain nombre de concessions s’il ne veut pas voir le conflit s’intensifier et être le témoin de l’avancée des troupes tigréennes sur Addis-Abeba comme en 1991. Le Tigré et les Tigréens doivent être réintégrés dans le jeu politique éthiopien, car au travers de la réponse du TPLF au gouvernement central, ils souhaitent rester au sein de l’Éthiopie.

Après avoir été reportées au 21 juin, les élections ont enfin eu lieu en Éthiopie, mais partiellement. Que peut-on en attendre ? Leurs résultats peuvent-ils avoir un poids dans le contexte sécuritaire actuel ?

Aujourd’hui, la situation sur le terrain montre que les élections quels que soient leurs résultats ne seront pas d’un grand intérêt et il y a peu de chance qu’elles aient un impact sur le contexte. La plupart des yeux sont tournés vers ce qui se passe dans le nord, c’est-à-dire ce que vont faire les Tigréens, quelles sont leurs demandes par rapport à l’accord de cessez-le-feu voulu par Abiy Ahmed. On s’attend à ce que le Parti de la prospérité, le parti du Premier ministre, soit déclaré vainqueur de ces élections et il devrait être réélu au mois de septembre octobre lorsque le Parlement se réunira. Cependant, même avec une victoire importante, tout restera à faire. Abiy Ahmed jouera sur cette victoire, mais la défaite politique et militaire subie au Tigré a relégué les résultats au second plan.

La guerre au Tigré a généré une grave crise humanitaire, ce qu’annonce l’ONU ce vendredi 2 juillet : « Plus de 400 000 personnes ont franchi le seuil de la famine et […] 1,8 million de personnes supplémentaires sont au bord de la famine ». Face à la destruction de nombreuses infrastructures essentielles à l’approvisionnement, la communauté internationale et les ONG possèdent-elles encore une marge de manœuvre dans la région ?

À la demande du Front de libération du peuple du Tigré, toute l’aide humanitaire sera acceptée et avalisée par les autorités tigréennes. Elle devrait reprendre en fonction de la situation des routes, des villes, etc., après avoir été bloquée pendant cinq à six mois ou administrée au compte-goutte, entraînant de graves situations de famine à travers la région. Abiy Ahmed a notamment demandé un « cessez-le-feu » pour que l’aide humanitaire puisse arriver, une logique raisonnable même s’il est à l’origine du blocage.

Aujourd’hui, les Tigréens en ont besoin et ont donc demandé comme condition préalable à l’accord de cessez-le-feu que l’aide continue. Les dégâts des retards et des ralentissements vont peut-être être minimisés, mais resteront tout de même conséquents. Il n’est pas possible à l’heure actuelle de nourrir toute la population en état de famine, la situation nécessitant un long processus. Pour ce faire, il est nécessaire que les avions puissent se poser à Mekele, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, que les accès routiers soient possibles et que les ponts ne soient pas détruits simplement pour couper la descente des troupes tigréennes vers le sud, paralysant aussi l’acheminement de l’aide humanitaire vers le nord.

La communauté internationale a les moyens d’accélérer l’arrivée de cette aide humanitaire, car, sur ce point, les deux parties sont d’accord. Dans le cadre du cessez-le-feu inconditionnel et unilatéral, Abiy Ahmed a donné comme raison l’acheminement de l’aide humanitaire. Dans sa réponse, le TPLF déclare qu’il apportera son aide sans réserve pour cet acheminement en assurant la sécurité de la distribution et des personnels employés à cette fin.

 

« Il faut que l’OPEP et l’OPEP+ tentent de recoller les morceaux »

Wed, 07/07/2021 - 11:40

L’alliance OPEP+ n’a pas réussi à rapprocher les points de vue lors de sa 18e réunion ministérielle. Celle-ci a été annulée lundi, après avoir été reportée à deux reprises, entre le 1er et le 5 juillet. Quelles répercussions cela va-t-il avoir sur le marché pétrolier ?

Les prix du pétrole ont augmenté le lundi 5 juillet, en partie du fait de l’incapacité des pays de l’OPEP+ à se mettre d’accord au cours de cette réunion ministérielle.

En fin de journée, le prix du Brent de la mer du Nord coté à Londres était de 77,16 dollars le baril (contrat de septembre 2021) et celui du West Texas Intermediate (WTI, contrat d’août) à New York de 76,36 dollars/b. L’explication de cette hausse est très claire  puisqu’il n’y a pas eu d’accord au sein de l’OPEP+ (23 pays producteurs, 13 pays membres de l’OPEP et 10 pays non OPEP), cela signifie que les augmentations de production envisagées entre août et décembre 2021 n’auront pas lieu. Il était question de 2 millions de barils par jour sur les cinq prochains mois (environ 400 000 b/j chaque mois).

Comme la demande pétrolière mondiale est orientée à la hausse du fait de la forte reprise économique en 2021, il y a un risque d’insuffisance de l’offre et les marchés sont donc logiquement sur une pente haussière.

Comment voyez-vous l’évolution des prix dans les semaines à venir ?

Il faut toujours être prudent lorsque l’on évoque l’évolution future des prix du pétrole brut, même à très court terme. Cependant, le scénario le plus probable est la poursuite de la hausse des cours de l’or noir.

Dans les prochaines semaines, la croissance économique mondiale va rester forte et l’offre va demeurer restreinte. Il y a quelques hypothèses qui pourraient pourtant, si elles se concrétisaient, conduire à une stabilisation ou à une baisse des cours : une nouvelle réunion de l’OPEP+ dans un délai assez rapide et se terminant avec un accord ; une augmentation de production décidée unilatéralement par certains pays sans accord au sein de l’OPEP+ ; une aggravation de la pandémie de Covid-19 qui aurait un impact négatif sur l’économie mondiale et sur la demande pétrolière ; et un accord entre les Etats-Unis et l’Iran sur le programme nucléaire de ce dernier, ce qui lui permettrait de produire et d’exporter plus de pétrole. Mais il n’est pas très probable que ces scénarios deviennent réalité dans un très proche avenir.

Le différend inédit entre les Emirats arabes unis et l’Arabie Saoudite risque-t-il de s’amplifier et de menacer la cohésion de l’OPEP+ ?

C’est effectivement un différend inhabituel. Ces deux pays sont souvent sur la même ligne sur beaucoup de questions, y compris en matière pétrolière. De plus, la vigueur de ce différend et son caractère public n’étaient pas du tout anticipés. Il n’était pas non plus évident que les EAU iraient jusqu’au bout de cette épreuve de force en étant quasiment seuls contre tous les autres.

On sait par ailleurs que les EAU se sont posés il n’y a pas très longtemps des questions sur leur appartenance à l’OPEP. Ce pays est pourtant un Etat membre de cette Organisation depuis 1967, soit depuis 54 ans, ce qui n’est pas rien.

Et c’est le troisième producteur de pétrole au sein de l’OPEP, après l’Arabie Saoudite et l’Irak. Cela dit, l’argumentation d’Abou Dhabi n’est pas absurde et l’Arabie Saoudite et d’autres pays de l’OPEP+ auraient pu faire preuve d’un peu plus de souplesse en ne cherchant pas à prolonger jusqu’à la fin 2022 les réductions de production prévues initialement jusqu’à la fin avril prochain.

Ce sujet de l’extension aurait pu être traité plus tard et pas forcément au début juillet 2021. Cela aurait été plus simple que de faire une concession aux EAU sur le niveau de leur allocation de production qu’Abou Dhabi voudrait voir relever d’un peu plus de 600 000 b/j, ce qui n’a pas été accepté. Après cet échec, il faut que l’OPEP et l’OPEP+ tentent de recoller les morceaux, et ce, assez rapidement. Il ne serait pas bon pour la coopération entre ces pays producteurs que ce différend persiste trop longtemps.

Le précédent conflit vécu par l’alliance OPEP+, suite au différend entre la Russie et l’Arabie Saoudite en 2020, et la guerre des prix qui s’ensuivit, risque-t-il de se reproduire ?

Il est exact que le précédent échec de l’OPEP+ remonte au 6 mars 2020, avec le refus de la Russie d’accepter des réductions de production proposées par l’OPEP à ses partenaires non OPEP. Mais le contexte est très différent. A l’époque, les cours du brut étaient en train de s’effondrer du fait de la pandémie et de ses conséquences économiques et le fiasco du 6 mars 2020 avait encore plus fait plonger les prix.

Par contre, actuellement, l’OPEP+ est dans une position beaucoup plus forte avec des prix du pétrole qui sont huit à neuf dollars au-dessus de leurs niveaux du tout début 2020 et avec une consommation pétrolière en forte progression alors qu’elle avait chuté d’environ 9% en 2020 par rapport à 2019.

Du point de vue des producteurs, la situation reste donc sous contrôle, comme le montre la réaction des marchés que nous avons évoquée ci-dessus. Mais, comme souligné dans ma réponse à votre question précédente, il ne faut pas que l’OPEP+ se repose sur ses lauriers. Une telle crise doit pousser les pays concernés à chercher une solution pour trouver une sortie par le haut. Sans cela, la situation pourrait se détériorer à l’avenir. 

Une Europe géopolitique ?

Wed, 07/07/2021 - 11:09

Edouard Simon, directeur de recherche à l’IRIS, répond à nos questions à l’occasion de la parution du n°122 de la Revue internationale et stratégique dont le dossier qu’il a dirigé porte sur « Une Europe géopolitique ? » :
– La nouvelle Revue internationale et stratégique aborde la thématique de l’Europe géopolitique. Pourquoi avoir choisi de traiter ce sujet ?
– À quels défis l’Europe doit-elle faire face pour atteindre ses ambitions régionales et internationales ?
– Les concepts d’autonomie stratégique et de souveraineté européenne ont-ils un avenir ?

RIS n°122 : https://www.iris-france.org/publications/ris-122-ete-2021/

30 ans de l’IRIS : le témoignage de Christian Lechervy

Tue, 06/07/2021 - 18:14

En 2021, l’IRIS fête ses 30 ans ! À cette occasion des personnalités nous ont fait l’amitié de nous donner leur vision de l’Institut sur la scène stratégique française et internationale.

Aujourd’hui, Christian Lechervy, ambassadeur de France en Birmanie, qui a été un des premiers chercheurs de l’IRIS, se prête à l’exercice.

Ce dangereux désordre mondial qui n’en finit pas …

Tue, 06/07/2021 - 15:38

Depuis plus d’un quart de siècle, la communauté internationale souffre d’une défaillance croissante de la gouvernance mondiale. À la fin de la guerre froide, la mondialisation de la politique, la sécurité, l’économie, l’environnement et l’immigration ont créé une demande sans précédent pour une gouvernance mondiale efficace. Pourtant, ce modèle semble être en voie de disparition.

Faute, entre autres, à l’erreur historique qui a été de ne pas organiser au début des années 90, sous la forme d’un sommet post-guerre froide, une concertation internationale de très grande ampleur sur le nouvel état du monde comme cela avait été le cas après les deux conflits mondiaux, voire après les guerres napoléoniennes avec le Congrès de Vienne. L’administration américaine du temps du premier mandat de Bill Clinton en est en grande partie responsable.

En effet, alors que nous allons à la fin de l’année commémorer le trentième anniversaire de la dissolution de l’URSS survenue le 26 décembre 1991, et qu’a eu lieu l’année dernière dans une indifférence totale le centenaire de la création de la Société des Nations, un regard sur l’histoire des trente dernières années laisse apparaître le sentiment d’un certain gâchis, d’une occasion ratée quant à une relance en profondeur du système multilatéral et de son acteur principal, l’ONU. La fin de la division Est-Ouest avec la chute de l’Union soviétique avait ouvert un espace inédit et prometteur de réformes. C’est ainsi que, pour la première fois, le Conseil de sécurité des Nations unies s’est réuni au niveau des chefs d’États et de gouvernements. Il s’agissait de manifester la centralité du système ONU en même temps que l’engagement au plus haut niveau de ses membres les plus puissants. À la même époque, le secrétaire général Boutros Boutros-Ghali avait su impulser une dynamique d’idées et de réformes, par exemple sur les droits de l’homme, mais aussi dans la pensée d’un continuum paix et développement. Cette période charnière des années 1990 avait permis l’émergence d’une réflexion sur un ordre mondial multilatéral, accepté et soutenu par le président des États-Unis de l’époque, George Herbert Bush, épaulé par son conseiller à la sécurité nationale, Brent Scowcroft. Tous ces éléments faisaient naître l’espoir raisonnable de voir l’ONU tenir enfin le rôle pour lequel elle avait été créée sur les décombres de la Seconde Guerre mondiale.

Fait remarquable dont il n’a pas assez été tenu compte et qui frappe dans le contexte des dernières années : l’administration américaine de l’époque avait perçu qu’à moyen terme l’intérêt des États-Unis était de s’intégrer à un ordre multilatéral. Non par altruisme, bien évidemment, mais par réalisme. Les intérêts bien compris de la première puissance mondiale devaient la conduire au soutien lucide porté au multilatéralisme et aux Nations unies. Il aurait alors été facile pour le super-pouvoir américain de dominer et articuler cette société mondiale. À terme, l’Amérique, même une fois son déclin inévitable amorcé, serait restée au centre du jeu international, en tirant les ficelles et dominant l’économie. Dans tous les cas, cela aurait permis à l’ONU de se renforcer et de jouer un rôle politique supérieur à ce que l’on voit aujourd’hui. Et surtout, les pays émergents auraient plus facilement trouvé les voies et moyens de leur expression dans un ordre plus équilibré, plus ouvert et plus juste. Ils auraient pu le faire dans un contexte apaisé repoussant le risque de règlement de compte que l’on voit poindre aujourd’hui dans une sorte de vaste poker menteur planétaire.

Malheureusement, cette chance historique du début des années 1990 de créer un ordre international multilatéral, dynamique et créatif, a été manquée. Bill Clinton élu fin 1992 n’avait pas la vision de son prédécesseur George Herbert Bush et, comme dit plus haut, aucune grande conférence internationale de l’ordre de celle de San Francisco en 1945 n’a été organisée pour discuter et décider d’orientations nouvelles. Quoi qu’on pense de la notion de souveraineté nationale, très discutée depuis la fin de la guerre froide, le débat sur l’avenir des États, leurs rapports et les règles du jeu du monde ne fut pas organisé. Rien de tout ce qui aurait permis de rassembler la société internationale n’eut lieu au risque de faire basculer les relations internationales de l’ordre figé de la guerre froide à une dérégulation complète et dangereuse.

Aujourd’hui, au sein des États et de leurs populations, cette défaillance croissante de la gouvernance mondiale nourrit la perception – et engendre peut-être la réalité – d’un monde en désordre, en perte de contrôle, sans leader, sans État, ni aucune institution au gouvernail pour redresser le cap. Cette situation est aggravée par la crise de l’État-nation. Nous nous retrouvons ainsi dans un « no man’s land » entre des institutions nationales et supranationales trop faibles pour résoudre les problèmes actuels. Tout cela finit par alimenter la polarisation et l’aliénation politiques qui sont de plus en plus évidentes dans de nombreux États à travers le monde.

Alors que les pensées les plus nauséabondes se banalisent et se répandent comme une traînée de poudre sur la scène internationale et que l’ONU se transforme chaque jour un peu plus en une coquille vide, il serait peut-être utile, même avec plus d’un quart de siècle de retard, que quelqu’un pense enfin à relancer cette idée de grande concertation sur l’ordre mondial « post-guerre froide ».

La période post-Covid-19 pourrait en être l’occasion. Mais qui aura l’intelligence de prendre une telle initiative et assez de talent pour la mener à terme ?

Joe Biden ?

Sûrement pas. Le président américain est bien trop occupé à diviser le monde avec son alliance des démocraties.

 

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Essayiste et chercheur associé à l’IRIS, Romuald Sciora vit aux États-Unis. Auteur de plusieurs ouvrages sur les Nations unies, il a récemment publié avec Anne-Cécile Robert du Monde diplomatique « Qui veut la mort de l’ONU ? » (Eyrolles, nov. 2018). Son dernier essai, « Pauvre John ! L’Amérique du Covid-19 vue par un insider » est paru en Ebook chez Max Milo en 2020.

Essence : « Ce n’est pas l’augmentation des prix des carburants qui va changer la donne pour les vacances »

Tue, 06/07/2021 - 11:23

La hausse du prix du carburant risque-t-elle de peser sur le budget des Français cet été, quand on sait que la voiture sera le moyen de transport privilégié ?

C’est un élément important, mais à relativiser. Dans un budget vacances, vous prévoyez l’essence, le logement, les repas, les activités… Dans cet ensemble, l’augmentation du prix du carburant est un petit élément. Car sur un trajet, cela va représenter de 5 à 10 euros. Donc ce n’est pas là-dessus que les gens vont se dire  » Bon, j’avais prévu de partir, j’ai réservé, j’ai dégagé un budget, mais là, il y a une augmentation donc je ne pars pas « . Cela va un peu amputer le budget des ménages mais sans être considérable.

Evidemment, cela va compter pour les ménages les plus modestes, ce n’est pas complètement indolore. Mais dans un budget vacances, surtout après les confinements, quand une famille, un ménage, un couple, une personne a décidé de partir, ce n’est pas l’augmentation des prix du carburant qui va changer la donne.

Cela n’aura donc pas d’incidence sur la saison estivale ?

Il y a une forte motivation en 2021 pour partir en vacances. Tous les éléments le montrent : les transports, les logements. Les professionnels le disent, la demande est forte.

Cette hausse du prix des carburants est-elle une surprise ?

Pas du tout, et la surprise aurait été que les tarifs n’augmentent pas. Il y a un lien entre l’évolution de ces prix et celle des prix du pétrole brut, la matière première Or, ils sont orientés à la hausse ; depuis le début de l’année, on est à + 50 %. Une telle hausse ne pouvait qu’entraîner une hausse du prix des carburants.

Mais pas dans les mêmes proportions…

Parce qu’il y a un facteur-clé entre les prix du brut et ceux des carburants, ce sont les taxes. En France, les carburants automobiles sont très lourdement taxés, à environ 60 %, ce qui veut dire que l’augmentation ne touche pas les taxes, qui sont fixées pour une année. Ce qui augmente concerne le pétrole brut. Ça ne représente donc pas la majeure partie.

Comment expliquer une telle hausse du prix du brut ?

C’est lié à deux secteurs clés, l’un qui porte sur la demande pétrolière mondiale, l’autre sur l’offre. Et les prix sont évidemment souvent le résultat de ces mouvements. Nous avons en 2021 une forte reprise économique mondiale, après une année marquée par une récession liée à la pandémie de Covid-19. Il y a en plus un effet de rattrapage par rapport à 2020. Et lorsque l’économie redémarre comme ça, elle a besoin de consommer plus d’énergie, et donc plus de pétrole.

Cette situation va-t-elle s’installer dans le temps ?

Personne n’a de boule de cristal pour prévoir le prix du pétrole. Il y avait (cette semaine) la réunion de l’Opep + [l’Organisation des pays exportateurs de pétrole]. L’objectif de la concertation est de mettre davantage de pétrole sur le marché, pour tenir compte de la reprise économique mondiale. Mais encore faut-il qu’ils se mettent d’accord *. Leur décision aura un impact à court et à moyen terme sur les prix. Cela concerne les prochains jours, les prochaines semaines, et notamment cet été.

Les membres de l’Opep + ont annulé leur réunion de lundi, sans se donner de nouveau rendez-vous. Cet échec des négociations pourrait conduire à une reconduction en août, et même au-delà, des quotas de production prévus pour juillet.

[Chroniques de l’Amérique latine #13] Washington précise sa politique pour l’Amérique latine

Fri, 04/06/2021 - 16:17

Christophe Ventura, directeur de recherche à l’IRIS et responsable du Programme Amérique latine/Caraïbe, vous donne régulièrement rendez-vous pour ses “Chroniques de l’Amérique latine”.

Aujourd’hui, Christophe Ventura revient sur les travaux de la 51ème Conférence annuelle de Washington sur les Amériques (4 mai 2021) durant laquelle la vice-présidente Kamala D.Harris et le Secrétaire d’Etat Antony Blinken ont précisé la feuille de route des prochains mois des Etats-Unis en Amérique latine.

30 ans de l’IRIS : le témoignage d’Alice Baillat

Fri, 04/06/2021 - 14:13

En 2021, l’IRIS fête ses 30 ans ! À cette occasion, nous avons recueilli le témoignage d’anciens collaborateurs qui ont participé à l’histoire de l’Institut.

Alice Baillat, actuellement experte associée à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM/ONU Migration), docteure en relations internationales, fut chercheuse à l’IRIS de 2017 à 2019. Elle est toujours associée à l’Institut en tant que spécialiste des migrations environnementales et de la géopolitique du changement climatique. Elle revient aujourd’hui sur son parcours et sa relation à l’IRIS et évoque l’évènement géopolitique de ces 30 dernières années qui a été le plus marquant à ses yeux.

Coup d’État au Mali : un bouleversement bien au-delà des frontières ?

Thu, 03/06/2021 - 18:08

Le 24 mai 2021, un coup d’État a été perpétré par le colonel Assimi Goïta contre le président malien Bah N’Daw et le Premier ministre Moctar Ouane, à la tête d’un gouvernement de transition nommé initialement pour 18 mois. Ce deuxième coup d’État en moins de 9 mois a déstabilisé le pays, ses alliés et la « communauté internationale ». Depuis, des décisions et des déclarations françaises, force militaire principale engagée au Sahel, sont intervenues. Le point avec Caroline Roussy, chercheuse à l’IRIS, responsable du programme Afrique/s.

Le 28 mai, Assimi Goïta a été proclamé chef de l’État malien après un deuxième coup d’État – Emmanuel Macron évoque même un coup d’État dans le coup d’État – contre le président Bah N’Daw et le Premier ministre Moctar Ouane. Surnommé le « serial putschiste » par L’Express, qui est Assimi Goïta ? Quelles sont les origines de son deuxième coup d’État ? Les délais d’une élection en février 2022 pourront-ils être tenus ?

Assimi Goïta est un colonel issu du sérail militaire, rompu au terrain et qui visiblement se voit un destin politique qu’au demeurant, il n’hésite pas à s’inventer. Il a perpétré le premier coup d’État le 18 août 2020 qui avait été précédé par un certain nombre de manifestations contre le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keïta à partir de juin 2020 : résultat à la fois d’une crise multidimensionnelle et d’une coagulation des mécontentements des Maliens sur fond sécuritaire et climat sociopolitique dégradés. Plusieurs partis traditionnels, des membres de la société civile formant une masse critique assez hétéroclite s’étaient réunis dans une plateforme : le M5 – en référence au premier mouvement du 5 juin 2020 -. Après cette phase de turbulences, et pour certains analystes parachevant le processus du M5, Assimi Goïta accompagné entre autres de deux autres colonels a perpétré un coup d’État, sans échange de tirs, sans que le sang ait coulé puisque le président de l’époque, IBK, et son Premier ministre Boubou Cissé avaient chacun été « cueillis » à leur domicile respectif et amenés au camp militaire de Kati. Suite à cette séquence, des sanctions avaient été prises : suspension des organisations internationales, fermetures des frontières terrestres et aériennes, etc. de sorte qu’un gouvernement de transition civile soit nommé, et ce pour une période de 18 mois. Les auteurs du coup d’État avaient fini par obtempérer. Bah N’Daw avait été nommé président de la République, Moctar Ouane Premier ministre et Assimi Goïta vice-président.

Ce deuxième coup d’État quant à lui répond à ce que l’on pourrait appeler une « drôle de séquence ». Une semaine avant son intervention, la grogne montait à Bamako. Moctar Ouane avait démissionné pour être immédiatement renommé dans ses fonctions sur fond de grève généralisée de l’administration déclarée à partir du mardi 18 mai. Dans la soirée du 19 mai alors que je prenais part au 21e forum de Bamako, avec l’ensemble des intervenants, nous avons été alertés d’un possible coup d’État. Il est difficile de recouper les informations tant certaines ont été crédibles et sourcées et d’autres non. On a ainsi appris successivement que Goïta avait été arrêté puis que c’était le président lui-même de retour de Paris où il avait assisté au Sommet sur l’économie africaine. Difficile de démêler le vrai du faux tandis que rien ne paraissait dans les médias officiels ou sur les réseaux sociaux. Reste la question : que s’est-il passé ? Était-ce un avertissement de tensions qui larvaient ? Y a-t-il eu une tentative de manipulation de l’information ? L’histoire nous le dira. Quoi qu’il en soit, le lendemain, la situation semblait normalisée, les rumeurs de la veille évanouies. Le Premier ministre a clôturé le vendredi 21 mai les travaux du forum après avoir reçu une délégation pendant une heure, puis le président Bah Ndaw s’est prêté au même exercice pendant une heure trente. Séquence étonnante, peut-être pour montrer une continuité de l’action gouvernementale sur fond d’absence de gouvernement et de grèves persistantes. Le lundi 24 mai, il y a eu une accélération. La nomination du nouveau gouvernement ayant écarté deux colonels proches de Goïta respectivement des ministères de la Sécurité et de la Défense semble avoir précipité les événements et ce « coup d’État dans le coup d’État ».

Quoi qu’il en soit, il semble peu probable que les élections puissent se tenir en février 2022, comme cela avait été initialement prévu. Tandis qu’à Bamako aucun gouvernement n’est encore nommé, rappelons que des enclaves territoriales échappent complètement au contrôle des autorités et qu’il n’y a plus de coïncidence entre État et territoire d’où une première difficulté identifiée pour organiser cette séquence électorale. Par ailleurs, il faudrait un fichier électoral toiletté alors que dans le contexte actuel, il est difficile d’avoir une connaissance et des chiffres précis concernant ce corpus électoral.

Reste à voir quelles seront les priorités du nouveau gouvernement. Dans cette attente, on notera que les grèves ont été suspendues et que les populations semblent avoir accepté ce nouveau coup de force puisqu’aucune manifestation ne s’en est suivie.

Ce dimanche 30 mai, la Cédéao (Communauté des États d’Afrique de l’Ouest) a décidé lors d’un sommet extraordinaire de suspendre le Mali de ses institutions à la suite du putsch des militaires et de nommer rapidement un Premier ministre provenant de la société civile. Quelles peuvent être les conséquences pour le Mali face à une telle décision ?

Si les réactions ont été unanimement à la condamnation et que pendant plusieurs jours des sanctions ciblées ont été avancées, le Mali a finalement seulement été suspendu des différentes organisations internationales. Comment comprendre cette suspension presque indolore comparativement aux mesures prises en août 2020 ? Plusieurs hypothèses peuvent être posées, le cas tchadien a peut-être fait jurisprudence même s’il est à rappeler que dans le protocole, les premiers à prendre les décisions sont les chefs d’État de la Cédéao dont le Tchad ne fait pas partie. Peut-être que certains pays n’ont pas souhaité des sanctions trop dures à l’égard d’un pays acculé où la population aurait pu être la plus impactée par la fermeture des frontières terrestres et aériennes tandis que la période de soudure approche et qu’une crise de la faim est éminente. Il est évidemment difficile de savoir quels sont les arguments qui ont prévalu au cours des négociations bi puis multilatérales. On observe juste des sanctions a minima qui confortent Goïta dans son rôle de président du Mali. Concernant les autres acteurs internationaux, on observe qu’il n’y a pas eu de consensus au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie refusant de sanctionner la junte. L’Allemagne, les États-Unis et la France ont quant à eux parlé d’une même voix. Les États-Unis se sont prononcés en faveur d’une suspension de leur coopération militaire sans que l’on en connaisse encore les contours, tandis que le président français a envisagé un possible retrait de Barkhane.

Pour l’instant, hormis cette suspension des différentes organisations internationales mettant le pays en marge de « la communauté internationale », et peut-être les acteurs internationaux étant suspendus à la nomination du nouveau gouvernement, aucune sanction n’a encore été prise.

Lors d’un entretien dans Le Journal du Dimanche, le président Emmanuel Macron a annoncé clairement qu’il retirerait les troupes françaises de l’opération Barkhane du Sahel si le Mali se tournait vers un islamisme radical. Cette déclaration peut-elle réellement être mise en application ? Ce coup d’État pourrait-il déstabiliser la région sahélienne ?

Le message d’Emmanuel Macron est, sans doute, à lire à plusieurs niveaux. Rappelons d’abord qu’il s’est exprimé dans un journal français le JDD dont le lectorat est français. « L’islamisme radical », tout autant que « l’islamo-gauchisme » sont des expressions comprises seules de ceux qui les utilisent. En revanche, ils agitent une crainte de l’islam et du terrorisme qui satisfait sans doute une partie de l’électorat dans une séquence présidentielle qui s’ouvre. Dans l’hypothèse où le Mali choisirait cette voie, le président Macron n’exclut pas un retrait de Barkhane. C’est une hypothèse crédible et à tout le moins, on doit la prendre avec sérieux. Néanmoins si on lit la suite de l’interview, le président français montre également les risques que ce pays et le Sahel pourraient encourir face à une expansion du terrorisme et une immigration massive vers l’Europe. Au regard de ces éléments, on peut sérieusement se demander si quelque part il ne justifie pas l’utilité de Barkhane. D’où peut-être une ambiguïté qui ne permet pas de savoir si des décisions sont arrêtées sinon qu’un processus de réflexion est entamé. À un autre niveau, puisque les informations sont diffusées à l’international, on peut se demander si, par cette interview, il n’instaure pas un rapport de force pour peser dans le choix du nouveau gouvernement malien. Quoi qu’il en soit, cette déclaration, tandis que la France est le pivot sécuritaire dans la région couplée à une situation malienne qui semble tomber de Charybde en Scylla, n’est peut-être pas de nature à rassurer les Européens qui s’étaient engagés à rejoindre Takuba.

À l’heure actuelle, toutes les cartes sont posées sur la table. À voir quelles seront les options de cette transition malienne et les réponses qui pourront y être apportées. Mais c’est bien sûr l’incertitude qui gagne une fois de plus au risque de suspendre des projets à valeur ajoutée au Mali, de détourner de potentiels investisseurs, une situation profitant aux djihadistes qui ne sont pas comptables de ces agendas.

Alternatives aux batteries lithium-ion : les pistes technologiques plus durables et souveraines

Thu, 03/06/2021 - 09:57

Dans cette série de 4 entretiens, M. Jean-Marie Tarascon, professeur au Collège de France, identifie plusieurs priorités pour sécuriser la position de l’UE dans cette course à l’innovation. Il met en avant une sélection de nouvelles technologies qui pourraient dépasser ou compléter les batteries lithium-ion, pour redonner à l’Europe toute sa place sur l’échiquier mondial de la R&D.

Aujourd’hui, le Pr. Tarascon nous présente des pistes technologiques alternatives aux batteries lithium-ion.

Pour aller plus loin sur le sujet

Fluctuat et mergitur ?

Wed, 02/06/2021 - 19:00

« Le bateau ivre », le premier roman de Pascal Boniface, parait aujourd’hui aux éditions Armand Colin.

Dans ce roman où la fiction se mêle à la réalité, il dresse le tableau d’une situation politique à la dérive, en enchainant situations tragiques, portraits savoureux et rebondissements surprenants.

L’ouvrage est disponible dès aujourd’hui en librairie et sur le site de l’IRIS.

« L’Algérie est d’abord un pays gazier »

Wed, 02/06/2021 - 15:41

Une   étude  du   think L’Algérie est d’abord un pays gazier tank  “ Shift   Project ”  sur   les approvisionnements énergétiques de l’UE évoque un déclin avancé des réserves de pétrole en Algérie.  Les prévisions  en  ce domaine sont-elles aussi inquiétantes ?
L’étude du Shift Project met l’accent sur des sujets importants pour l’avenir de la production de pétrole et d’hydrocarbures liquides de l’Algérie, en particulier la baisse de la taille moyenne des gisements mis en production, le fait que la production nationale dépende en quasi-totalité de découvertes réalisées avant 2000 et la baisse de cette production depuis le pic de 2007. C’est une contribution intéressante et utile à un débat essentiel pour le pays, débat qui avait été entamé précédemment par divers spécialistes algériens.

Les  projections mises en avant  dans ce rapport  sur  la  production pétrolière algérienne ne sont-elles pas quelque peu trop pessimistes ? 
L’analyse du Shift Project débouche sur la projection d’une très forte baisse de la production de pétrole brut d’ici à 2050 (-65% par rapport à 2019) et d’une chute un peu moins forte pour les hydrocarbures liquides. Ces perspectives sont inquiétantes pour l’Algérie compte tenu de l’importance du pétrole en particulier et des hydrocarbures en général dans l’économie algérienne, même si l’Algérie est un pays plus gazier que pétrolier.
Le Shift Project se fonde beaucoup sur la base de données de la société norvégienne Rystad Energy, bien connue dans les milieux énergétiques, mais cette base (Ucube) n’est évidemment pas dans le domaine public et je ne peux donc pas la commenter.

L’étude  de  “Shift Project” intègre-t-elle  l’impact  d’une  amélioration possible du cadre d’investissement en Algérie pour freiner le déclin pétrolier ? 
L’on peut évoquer quelques éléments critiques sur le chapitre de cette étude concernant l’Algérie : on évoque le monopole de Sonatrach, ce qui n’est pas le cas dans le domaine de l’exploration ; en revanche, le rapport ne souligne pas la moindre attractivité du pays pour les investisseurs étrangers qui avaient joué un rôle majeur dans les découvertes pétrolières au cours des années 1990 (bassins de Berkine et d’Illizi) ; la volonté des autorités algériennes d’améliorer le cadre contractuel et législatif des activités d’exploration-production n’est pas abordée (lois sur les hydrocarbures de 2013 et de la fin 2019).
Pas plus que les efforts de redynamisation des partenariats entre la Sonatrach et les compagnies étrangères. Enfin, il est très peu question d’hydrocarbures non conventionnels (seulement une phrase dans le chapitre Algérie).

 

Propos recueillis par Akli R. pour Liberté Algérie.

Éviter l’importation du conflit israélo-palestinien ?

Mon, 17/05/2021 - 13:00

Alors que les affrontements au Proche-Orient se poursuivent, la question de l’importation du conflit israélo-palestinien en France se pose à nouveau. Or, qu’il s’agisse des manifestations en soutien à la Palestine qui ont eu lieu ce week-end en France ou des drapeaux israéliens sur la mairie de Nice, il est indéniable que ce conflit, source de passions, a d’une certaine manière déjà été importé en France. L’important est désormais de créer les conditions d’un débat serein et de permettre un dialogue apaisé sur la question.

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