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Union européenne

Croatie: le gouvernement sur le point de voler en éclats

RFI (Europe) - sam, 04/06/2016 - 15:14
Même s'il n'est pas officiellement dissout, le gouvernement croate a complètement cessé de fonctionner vendredi 3 juin, alors que Premier ministre Tihomir Oreskovic a demandé aux deux têtes de listes de la coalition gouvernementale de démissionner.
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Migrants: des centaines de naufragés au large de la Crète, 117 corps en Libye

RFI (Europe) - sam, 04/06/2016 - 11:04
Des centaines de migrants pourraient avoir perdu la vie dans le naufrage d'un bateau, vendredi 3 juin au large de la Crète. L’embarcation transportait au moins 700 personnes dont une partie seulement a pu être secourue. A ce drame s’ajoute la découverte en Libye de 117 corps, en majorité des femmes, jeudi, sur la plage de Zouara non loin de la frontière avec la Tunisie. Un bilan qui n’est pas définitif, précisent les autorités.
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La défense du maintien du Royaume Uni dans l’UE : la lutte contre la corruption, une opportunité pour la gauche anglaise ?

EU-Logos Blog - sam, 04/06/2016 - 10:46

La tension monte dans la presse anglaise alors que le 23 juin approche et que le dernier sondage publié par la société de conseil MORI révèle que l’appel des britanniques aux urnes est en train de suggérer de plus en plus l’éventualité de consultations pareilles dans les autres États-Membres. À la fin de Mai le coude à coude en faveur de l’électorat britannique est de plus en plus serré : 46% voteraient pour le maintien dans l’UE, 43% pour la sortie, selon une estimation publiée par le Financial Times. Des études diverses se multiplient pour essayer de mieux comprendre quel coût entraînera le Brexit, à la fois en considérant les effets sur le bien-être des citoyens britanniques et les immigrés sur sol anglais, à la fois en essayant de comprendre quelles seront les conséquences pour le reste de l’Union Européenne après ce départ éventuel.

Dans la presse anglaise, le sujet du Brexit a été jusque là abordé principalement par rapport à trois thèmes ou politiques : la politique économique, la politique migratoire et la sécurité. Globalement, pour chacun de ces domaines la position des Brexiters a été celle de récupérer une marge de manœuvre en sortant de l’UE, pour optimiser l’engagement britannique en terme de ressources désinvesties du cadre européen en les injectant à nouveau dans des politiques axées sur des actions susceptibles de bénéficier aux citoyens britanniques. Le parti du «On Reste » a insisté sur les coûts additionnels que les sociétés britanniques et européennes auront à souffrir du point de vue économique et social. En particulière, le discours sur la migration a été instrumentalisé, en insistant sur les bénéfices que les flux migratoires apportent en terme d’offre de main d’oeuvre pas chère (seulement dans quelque cas on a souligné la valeur de la migration des travailleurs hautement qualifiés). À l’occasion de la visite au Parlement Européen de l’ancien Premier Ministre et secrétaire du Parti Travailliste Gordon Brown, le Président du Parlement Européen, Martin Schultz, a souligné que « le débat sur le Brexit et ses conséquences ont pris une dimension simplement économique, avec un langage qui relève de plus en plus de la comptabilité ».

La visite de Brown au Parlement Européen à Bruxelles, organisée par le groupe du S&D le 25 Mai, a montré, au-delà de la rhétorique, qu’il y aurait encore une marge d’influence dans le débat, une fenêtre d’opportunité que le Parti Travailliste devrait occuper. Or, un positionnement clair dans le débat public ne s’est concrétisé que tardivement, avec la tiède déclaration du leader travailliste Jeremy Corbyn du 14 avril 2016. Le discours de Corbyn, qui avait voté contre l’adhésion du Royaume-Uni à l’UE lors du référendum de 1975, était très attendu, alors que le résultat a été estimé trop fade même au sein de son parti. S’il a déclaré que « le Labour est majoritairement en faveur d’un maintien parce que nous estimons que le projet européen a apporté emplois, investissement et protection aux travailleurs, aux consommateurs et à l’environnement», son ami de longue date Tariq Ali, écrivain vétéran de gauche, qui connaît M. Corbyn depuis 40 ans, a dit au journal New Yorker de ne pas avoir de doute sur le fait que le secrétaire aurait plutôt continué à s’opposer aux conditions de participation du RU à l’UE et que son attestation relèverait plutôt d’une opposition forte à la frange conservatrice du mouvement Vote Leave.

Dans ce scénario, l’intervention de M. Brown a indiqué une voie précise pour son parti d’appartenance. Pour l’ancien premier ministre, la vraie question du rapport Royaume-Uni/UE ne tourne pas autour du « membership », mais plutôt du « leadership » : comment le Royaume-Uni pourrait-il jouer un rôle capital dans l’Union Européenne (car il ne serait pas question de sortir) ? D’ailleurs il a bien avoué comprendre la réaction de l’électorat – et les stratégies des politiciens qui comptent en faire leur fortune – mais pour lui il ne s’agirait que d’une ‘réponse émotive’ au plus complexe phénomène de la globalisation et à toute conséquence que ça entraîne pour la politique du Royaume-Uni. Contre les nostalgiques de la grandeur de la Grande Bretagne au centre du Commowealth, l’ancien secrétaire se contente de répéter la vielle leçon du fédéraliste italien Mario Albertini, c’est-à-dire qu’en Europe désormais l’Etat National est un organisme trop petit et dépourvu de forces pour faire face a l’enjeu de la dimension globale des phénomènes auxquels la classe politique est censée s’adresser. Si on regarde la ‘taille’ de l’effort nécessaire pour gérer les flux économiques, les flux migratoires, ou encore assurer l’intégrité des citoyens face à la menace terroriste, la seule ‘réponse rationnelle’ est, selon M. Brown, « la coopération, et l’Union Européenne est le cadre idéal pour développer cette stratégie ».

La vraie question n’est donc pas « qu’est ce que l’Europe peut faire pour le Royaume-Uni » mais, au contraire, quel apport devrait amener le Royaume-Uni à l’Europe pour répondre aux défis contemporains ?

La réponse, qui bien sûr est liée avec un rejet de la proposition d’abandonner le consortium des 28, est de promouvoir en 2017 « une présidence britannique 100% européenne ». Comme le calendrier du Conseil prévoit que de juillet à décembre ce soit le Royaume Uni à la tête de l’institution, M. Brown a développé des points précis pour le futur mandat de son gouvernement. Cet ‘agenda positif et progressiste’ est articulé autour des cinq points ou lignes d’action suivants :

  1. Création d’emploi ;
  2. Développement d’une véritable Union Européenne de l’énergie et de l’environnement ;
  3. Lutte contre le terrorisme.
  4. Renforcement des droits sociaux ;
  5. Lutte contre les paradis fiscaux.

Évidemment la lutte contre le terrorisme est d’une importance capitale, et l’action en ce domaine devrait se développer d’une façon harmonisée entre la politique de sécurité et sa déclinaison en matière de coopération judiciaire et de garde-frontières d’un côté, et une véritable sécurisation des lieux d’origine des migrants. « La misère et le manque d’opportunité poussent les gens à la fuite » a-t-il spécifié, en proposant un plan concret de financement de l’Union : « On devrait assurer un nouveau pacte entre l’Union et les populations du Moyen Orient en lançant un nouveau ‘Marshall Plan’ », en soulignant que le budget de ce fond devrait être supérieur à celui des fonds déjà disponibles.

Mais le rôle pivot de la présidence britannique que rêve M. Brown est celui de champion de la lutte contre la corruption et le recours aux paradis fiscaux. En faisant de çet objectif un véritable drapeau de transparence et de justice sociale, l’Union Européenne regagnerait son image de « communauté pour le bien être du citoyen », une image perdue pendant la gestion néolibérale de la crise financière et économique qui a intensifié l’inégalité économique et les désavantage pour les catégories sociales plus dépourvues. Selon Gordon Brown, la lutte contre les paradis fiscaux devrait être accompagnée d’un effort plus sévère pour la soumission des entreprises multinationales à la fiscalité et au droit de travail là où ils réalisent leurs profits (dans chaque État-membre) pour équilibrer l’inégalité croissante face aux lois du marché globale. Le gouvernement du Royaume Uni alors à la présidence du Conseil jouerait alors un rôle magistral en couplant la lutte européenne avec l’effort au niveau national de combattre l’entrée des capitaux blanchis aux Caïmans et simili dans ses circuits financiers.

Comme montré par divers think thank en 2015, chaque année des centaines de milliards de dollars de provenance criminelle sont à être blanchis à travers les banques du Royaume Uni et leurs filiales (National Crime Agency), pendant que le marché immobilier en expansion continue à assumer la fonction de stockage des capitaux (Transparency UK). Les estimation des ONG sont arrivées à un montant présumé de 57 milliards de sterling recyclés chaque année, soit 74 milliards d’euros. Selon Transparency International, en 2015 à Londres, dans une zone de 6 km carrés, on comptait 36.342 immeubles qui relevaient de sociétés offshores de couverture. Actuellement, 75% des immeubles au Royaume Uni sont sous enquête judiciaire. Dans la capitale, 90% des immeubles de propriété des entreprises étrangères sont enregistrés auprès de paradis fiscaux.

Le tango entre l’administration londonienne et les titans de l’immobilier a commencé en 2013 à Cannes, où le premier maire de Londres choisi par élection, Ken Livingstone, allait pour rencontrer un collectif d’entrepreneurs auxquels il promit ‘le potentiel pour de très bons profits’ et l’aval pour la construction des tours ‘the taller the better’ qui sont aujourd’hui au centre des polémiques. Qu’on les considère d’un point de vue esthétique ou sociologique, ces tours ne sont pas intégrées dans le tissu urbain et social de Londres et restent souvent inoccupées. Comme repris par The Guardian, le vrai problème derrière la « chirurgie drastique infligée à la ville » est le manque de transparence, car un plan de régulation avec des limites par rapport à la localisation des nouvelles tours ou de leur hauteur n’a jamais été publié. « Personne n’a pris soin de leur apparence ou volume, leur signification civique ou le rôle qu’elles allaient jouer dans la vie de la capitale. Autour de 80% des bâtiments approuvés étaient des appartements de luxe, précisément commercialisés comme des spéculations en Asie de l’Est ». Si à l’époque David Cameron dénonça cette initiative en tant que ‘poursuite de grandeur fasciste’, sa montée au pouvoir n’a pourtant rien changé, tout a été vite oublié, car la lobby des constructeurs à Londres est simplement trop puissant. Mais qui se cache derrière cet enjeu de pouvoirs et de béton ?

Récemment, l’expert international des modèles économiques de gestion d’affaires par la criminalité organisée, le journaliste italien Roberto Saviano, auteur de Gomorra et de ZeroZeroZero, a fait beaucoup de bruit dans la presse internationale en déclarant lors du festival littéraire de Hay-on-Wye que « Si on demande quel Pays est le plus corrompu au monde, la réponse la plus immédiate sera influencée par le niveau de corruption perçu. On pourrait penser au Mexique, aux Pays latino-américains ou africains, au Moyen-Orient, à l’Italie. Au contraire, le plus corrompu est l’Angleterre, mais il ne s’agit pas d’un type de corruption qui concerne l’administration publique, les policiers, les maires, mais d’une corruption qui est de la même nature que le système économique. Le système anglais est alimenté par la corruption. Et dans toute cette affaire le gouvernement et les citoyens britanniques n’ont pas réalisé cette émergence dans le Pays ». Selon Saviano, toutes les organisations criminelles qui ont atteint désormais l’échelon international sont aujourd’hui – silencieusement – présentes dans la capitale anglaise. En 2013 une étude fondée sur des enquêtes menées par Transcrime, le Centre de Recherche transnational de l’Université Cattolica de Milan, a montré que toutes les principales organisations mafieuses d’Italie ont développé leurs affaires à Londres.

A l’heure du désengagement de l’Etat d’un welfare véritablement universel au nom de la durabilité financière des comptes publics, le scandale des Panama Papers, qui a touché directement le premier ministre David Cameron et jeté une ombre sur le Parti Conservateur en tant que défenseur de la grande propriété immobilière, financière et à la fois spéculatrice, a renforcé le mépris et la méfiance des citoyens envers la classe politique au pouvoir. D’une certain façon, cette méfiance est similaire au sentiment de plus en plus répandue en Europe d’une Union Européenne de plus en plus inefficace, l’Union Européenne des bureaucrates que ne parvient pas a formuler des politiques calibrées sur la réalité de la vie des citoyens, l’Union Européenne qui impose des limitations et des coûts pour l’individu moyen, l’Union qui impose l’austérité mais qui permet les grand profits des multinationales et la fuite d’une partie légitime de la fiscalité ailleurs. En bref, l’Union Européenne que l’électeur désinformée pourrait rejeter lors d’un référendum. Dans ce peu de temps avant le 23 juin, une véritable campagne de soutien à une Grande Bretagne qui participe à l’Union devrait se focaliser sur un message fort et claire de changement du statu quo où nage l’Union maintenant, de réagir au manque de solution efficaces en se proposant comme propulseur, tout en bénéficiant, bien sûr, des avantages que comporte le fait de faire partie de l’Union. En tirant une leçon des campagnes référendaires (Pays-Bas) et présidentielles (Autriche) de cette année, les partisans du maintien devraient essayer une communication plus simple et efficace, plus proche de la majorité des citoyens, dont les contenus (donnée et projections statistiques) soient plus compréhensibles. Un vrai programme anti-establishment, comme celui indiqué par M. Brown, ne pourrait pas être soutenu par la fraction anti-Brexit des Tories, déjà divisé et dont le leader est couramment mis en cause.

Au Labour de jouer.

 

Francesca Sanna

Pour en savoir plus :

  • « Revealed: 9% rise in London properties owned by offshore firms”, The Guardian,

http://www.theguardian.com/money/2016/may/26/revealed-9-rise-in-london-properties-owned-by-offshore-firms

  • « Britain is most corrupt country on Earth, says Mafia expert Roberto Saviano”,

The Telegraph, http://www.telegraph.co.uk/science/2016/05/29/britain-is-most-corrupt-country-on-earth-says-mafia-expert-rober/?cid=sf27215547+sf27215547

  • « La mafia silenziosa alla conquista di Londra », La Repubblica Esteri,

http://www.repubblica.it/esteri/2016/05/26/news/saviano_mafia_londra-140616042/

  • « London’s empty towers mark a very British form of corruption”, The Guardian,

http://www.theguardian.com/commentisfree/2016/may/25/london-empty-towers-very-british-corruption-tainted-wealth

  • “Jeremy Corbyn ‘would be campaigning for Brexit if he was not Labour leader’,

says long-time ally Tariq Ali”, The Independent,

http://www.independent.co.uk/news/uk/politics/jeremy-corbyn-would-be-campaigning-for-brexit-if-he-was-not-labour-leader-says-long-time-ally-tariq-a7032736.html

 


Classé dans:BREVES, Citoyenneté européenne, QUESTIONS INSTITUTIONNELLES ET BUDGETAIRES
Catégories: Union européenne

Lutte contre les discours haineux : le nouveau code de conduite de la Commission

EU-Logos Blog - sam, 04/06/2016 - 10:34

Qu’il s’agisse d’incitations à la haine, de propagande terroriste, de discours d’extrême droite, Internet est devenu, en peu de temps, l’outil privilégié pour la propagation de ce genre de propos, pourtant très souvent illicites. S’il peut être parfois difficile de lutter contre ces pratiques de plus en plus répandues, la Commission européenne avait déjà préparé le travail sur ce thème à la suite du colloque « Tolérance et respect : prévention et lutte contre la haine antisémite et islamophobe en Europe » en mars dernier. S’en était alors suivi le forum Internet de l’Union européenne en décembre 2015 où il était avant tout question de la protection du public contre la propagation des contenus à caractère terroriste et contre l’exploitation des moyens de communication pour faciliter et organiser les activités terroristes. C’est alors qu’après de nombreuses discussions avec des entreprises des technologies de l’informatique, la Commission a été en mesure de présenter, le 31 mai dernier, un nouveau code de conduite à destination de ces entreprises, en vue de lutter plus efficacement contre les discours haineux que l’on peut retrouver sur la Toile.

Ce nouveau document, comprenant un véritablement engagement pour lutter contre la diffusion en ligne de discours de haine illégaux en Europe a été accueilli favorablement par les géants du web. La Commission européenne a d’ailleurs rendu public ce nouveau code de conduite avec l’appui de Facebook, Twitter, Youtube et Microsoft.

Malheureusement, comme communiquer sur internet est devenu tellement facile, nous assistons rapidement à un effet boule de neige lorsqu’il s’agit de diffuser des propos haineux. Si de nombreux internautes se cachent derrière une pseudo liberté d’expression pour produire toutes sortes de propos haineux, il est important d’être en mesure de lutter plus efficacement contre ces phénomènes difficilement contrôlables. Il était donc très important que les entreprises des technologies de l’information soit en première ligne pour coopérer en vue de supprimer les moindres paroles incitant à la haine de leurs plateformes en ligne.

La prise de conscience de la prolifération de l’incitation à la haine sur internet n’a cessé d’accroître. Le problème est que, si des lois existent, il est très difficile de les faire respecter dans ce domaine où l’information circule virtuellement. Des mesures ont déjà été prises au niveau national, que cela soit fait par des particuliers ou par les autorités nationales. Nous pouvons par exemple citer la Belgique, où une application tenue par des bénévoles et des juristes nommée Kif Kif a pu permettre aux internautes de dénoncer des messages haineux ou racistes, même si elle a été controversée. Nous retrouvons un autre exemple en France où le gouvernement a mis en place un site internet où il est possible de signaler un contenu illicite comme de la pédophilie, l’incitation à la violence ou à la haine, etc.

Ce sont des outils utiles où toute la société peut contribuer à l’arrêt de la prolifération de ce phénomène, mais cela ne suffit pas. Il est nécessaire que les entreprises des technologies de l’information, et en particulière les réseaux sociaux, mettent en œuvre des moyen de contrôle et de suppression des discours haineux en ligne, c’est pour cela que la Commission a décidé d’établir un code de conduite à adopter par ces entreprises pour être en mesure de lutter efficacement contre la propagation virale de ce genre de diffusion en ligne.

S’il est important de promouvoir la liberté d’expression en ligne, il ne faut pas que cela se fasse à n’importe quel prix, au détriment des minorités, et sans respecter les lois protégeant la liberté, la tolérance, et la non-discrimination au sein d’un État de droit. La liberté ne signifie pas que tout est permis. La Cour européenne des droits de l’homme a elle même consacré ce principe depuis son arrêt de 1976, Handyside c. Royaume-Uni, par la formule suivante « la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels [d’une] société [démocratique], l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10 [de la Convention européenne des droits de l’homme], elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique » ». De fait, à cela la Cour de Strasbourg a ajouté, dans son arrêt Erbakan c. Turquie, que des restrictions étaient possible, notamment car « la tolérance et le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains constituent le fondement d’une société démocratique et pluraliste. Il en résulte qu’en principe on peut juger nécessaire, dans les sociétés démocratiques, de sanctionner, voire de prévenir, toutes les formes d’expression qui propagent, incitent , promeuvent ou justifient la haine fondée sur l’intolérance (…), si l’on veille à ce que les formalités, restrictions ou sanctions imposées soient proportionnées au but légitime poursuivi ».

Il convient également d’ajouter, comme a pu l’affirmer la Commission européenne elle-même, qu’un tel code de conduite est un moyen d’aider à la lutte contre les discours haineux, mais pour véritablement éviter une prolifération de tels propos, il est également nécessaire que tous les États prennent leurs responsabilités en transposant et en appliquant dans leurs ordres juridiques nationaux la décision-cadre du Conseil du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal. Il est nécessaire que de tels actes soient incriminés pour les combattre au mieux et cela est impossible sans un système juridique solide mettant en œuvre de véritables sanctions pénales envers les auteurs de tels propos.

Évidemment, cette législation doit être complétée par les actions des entreprises visant à permettre un signalement des discours à caractère haineux, ainsi que des examens rapides afin de permettre la suppression d’un contenu inapproprié.

Il va sans dire que dans le contexte actuel où l’Europe connaît la plus important menace terroriste de son histoire, ces outils sont plus que jamais nécessaires car internet est le relais privilégié des organismes terroristes et lutter contre les discours haineux contribue également à la lutte contre la radicalisation. La commissaire Vera Jourova a elle même déclaré que « les récentes attaques terroristes nous rappellent à quel point il est urgent de lutter contre les discours de haine en ligne. Les médias sociaux font malheureusement partie des moyens utilisés par les groupes terroristes pour radicaliser les jeunes, et par les racistes pour répandre la violence et la haine. L’accord conclu constitue une avancée importante pour qu’Internet reste un lieu d’expression libre et démocratique, dans lequel les valeurs et les législations européennes sont respectées ».

Chaque entreprise signataire de ce nouveau code de conduite s’engage à prendre les mesures nécessaires pour lutter efficacement contre les propos incitant à la haine et leur propagation. Le but est de former le personnel pour qu’ils soient en mesure de faire face à ce phénomène, notamment en étant capable de gérer les signalements en moins de 24 heures afin de supprimer le contenu s’il est jugé illicite. Le but est d’orienter les activités des entreprises pour qu’elles soient toutes à même de partager des bonnes pratiques et d’endiguer ce phénomène.

A travers le code de conduite, la Commission a défini des engagements précis qui devront être respectés et mis en œuvre par les entreprises signataires, les États membres et la Commission elle-même. Parmi ces engagements, nous pouvons retrouver les suivants :

  • La mise en place de procédures d’examen claires lors de signalement de discours d’incitation à la haine diffusés à travers leurs services afin d’agir rapidement en vue de retirer le contenu inapproprié ou d’en bloquer l’accès.
  • L’examen des signalements doit se faire en suivant leurs propres règles, tout en prenant en compte la décision-cadre de 2008 et, si nécessaire, en confiant ces examens à des équipes compétentes.
  • L’examen des signalements doit se faire au cours des 24 heures.
  • Les entreprises signataires doivent aussi participer à la sensibilisation de leurs internautes contre l’incitation à la haine et à la violence, tout en indiquant clairement les moyens de signalement disponibles.
  • Les entreprises s’engagent à développer des partenariats avec des OSC (Open Sound Control) permettant un échange d’information rapide afin que les signalements proviennent principalement d’experts, en vue de créer des sortes de « rapporteurs de confiance » indépendant et crédible. Les États membres et la Commission doivent soutenir les entreprises dans cette démarche.
  • Le personnel des entreprises doit régulièrement être formé aux évolutions actuelles de la société.
  • Les entreprises doivent coopérer entre elles pour propager ces bonnes pratiques au sein de tous les médias sociaux, en vue d’obtenir l’adhésion de nouvelles entreprises.
  • Les entreprises des technologies de l’information, la Commission et les États membres s’engagent à poursuivre les travaux dans le domaine de la lutte contre l’incitation à la haine et à la violence en ligne, notamment en faisant la promotion de contre-discours et en soutenant les programmes éducatifs qui encouragent l’esprit critique.

La Commission a précisé qu’il y aurait régulièrement des évaluations de la société pour constater des effets de tels engagements sur la durée. Le but est alors d’être en mesure de faire le point d’ici la fin de l’année 2016, et ce, en coopération avec des groupes d’experts dans la lutte contre les phénomènes racistes, homophobes, ou toute autre forme d’intolérance.

Malgré le but légitime de ce nouveau code de conduite et la participation active des géants du web, il est tout de même notable de prendre en compte les différentes critiques à son égard. En effet, les organisations European Digital Right (EDRi) et Access Now, qui font la promotion de la liberté online, ont fortement critiqué ce projet en signalant qu’il s’agissait d’un résultat lamentable sans possibilité d’y apporter une quelconque contribution, ce qui a obligé les associations à se retirer du forum de discussion européen sur Internet, en protestation d’un tel projet. Elles estiment que la Commission ne prend pas les mesures nécessaires pour combattre un tel fléau. Cela ne doit pas être suffisant de demander aux entreprises de bloquer le contenu illicite, il faut de véritable moyen pour poursuivre les auteurs de tels propos haineux. Et elles ajoutent qu’en plus de cela, un tel accord entre la Commission et seulement quelques entreprises est susceptible de violer la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne puisqu’une telle restriction à un droit fondamental doit être prévu par la loi, comme le prévoit également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme précédemment citée. S’il est nécessaire de lutter efficacement contre la prolifération des propos haineux sur Internet, il faut le faire en toute transparence et en respectant les droits fondamentaux des individus, ce que ce nouveau code de conduite ne respecte pas, selon ces organisations de protection des droits et libertés numériques des internautes.

Marie Brun

 

Pour en savoir plus :


Classé dans:Citoyenneté européenne, COOPERATION JUDICIAIRE ET POLICIERE, Dignité humaine, DROITS FONDAMENTAUX, Non-discrimination, Protection des minorités
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La France soutient Séoul face aux «provocations» de Pyongyang

RFI (Europe) - sam, 04/06/2016 - 07:40
La visite d'Etat de la présidente sud-coréenne en France se solde par la signature d'accords visant à rapprocher un peu plus les deux pays. La France est très présente en Corée dans les secteurs aéronautiques, cosmétiques et pharmaceutiques. Les échanges commerciaux sont en très forte croissance, et ces nouveaux accords devraient favoriser les investissements dans le domaine de l'éducation, de la recherche et du tourisme. Mais ce qu'est venue chercher la présidente sud-coréenne, c'est également un soutien diplomatique face à la Corée du Nord.
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Menace terroriste: les autorités allemandes sur le qui-vive

RFI (Europe) - sam, 04/06/2016 - 03:54
Au lendemain du démantèlement d'une cellule terroriste en Allemagne ce jeudi 2 juin, le procureur allemand a communiqué de nouveaux chiffres témoignant d'une forte progression du danger terroriste dans le pays.
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L’ONU accuse l'Ukraine et les rebelles pro-russes de torture

RFI (Europe) - ven, 03/06/2016 - 22:16
Dans un rapport publié ce vendredi, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations unies (HCDH) accuse à la fois les autorités de Kiev et les rebelles pro-russes de l'est de l'Ukraine de torture et de mauvais traitements infligés à leurs prisonniers respectifs.
Catégories: Union européenne

Croatie/éducation: marée humaine «contre le primitivisme» et le gouvernement

RFI (Europe) - ven, 03/06/2016 - 18:09
Une revue de presse présentée en partenariat avec Le Courrier des Balkans
Catégories: Union européenne

Activité physique en Europe : un bilan préoccupant

Toute l'Europe - ven, 03/06/2016 - 18:00
Remettre les Français et les Européens en mouvement. C'est autour de ce thème que s'est tenue au Sénat, mercredi 1er juin, une conférence organisée par le think tank Sport et Citoyenneté, en présence notamment de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education. A notamment été dévoilée une étude portant sur l'activité des Européens, élaborée dans le cadre du projet PASS – Physical Activity Serving Society et conduite par Sport et Citoyenneté avec l'aide de ses partenaires européens. Partenaire de l'événement, Toute l'Europe revient sur les principaux résultats du rapport et a pu interroger l'ancien rugbyman Sébastien Chabal, aujourd'hui à la tête de Chabal Sport Citoyen, un projet destiné aux jeunes.
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Migrants: vaste opération de sauvetage en mer Egée

RFI (Europe) - ven, 03/06/2016 - 15:17
Près de 350 migrants et réfugiés ont été secourus lors d'une opération d'ampleur menée dans le sud de la mer Egée après le naufrage de leur embarcation, selon un nouveau bilan des garde-côtes grecs qui font également état de quatre corps repêchés en mer.
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Intempéries dans le nord de l'Europe: des inondations meurtrières

RFI (Europe) - ven, 03/06/2016 - 14:01
Les intempéries ont fait deux victimes en France, dix en Allemagne et deux en Roumanie. En Belgique, un homme qui « souhaitait protéger ses ruches » a finalement été retrouvé sans vie. C'est un lourd bilan pour des inondations causées par des intempéries. En France, 20 000 personnes ont été évacuées.  
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Background - 31e session de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE

Parlement européen (Nouvelles) - ven, 03/06/2016 - 13:55
La 31e session plénière de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE se tiendra à Windhoek, capitale de la Namibie, en Afrique australe, du 13 au 15 juin 2016. La session sera officiellement ouverte par ses coprésidents, Louis Michel pour le Parlement européen, et Netty Baldeh (Gambie) pour les pays ACP.

Source : © Union européenne, 2016 - PE
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[Revue de presse] L'Allemagne reconnaît le génocide arménien et déclenche la colère du gouvernement turc

Toute l'Europe - ven, 03/06/2016 - 12:01
Les députés allemands ont adopté hier à la quasi-unanimité une résolution reconnaissant le génocide du peuple arménien par les Ottomans en 1915. Une qualification qui n'a jamais été acceptée par la Turquie et qui a donc déclenché la colère du gouvernement. L'ambassadeur de Turquie en Allemagne a immédiatement été rappelé à Ankara. Un vote qui peut surprendre, en plein débat autour de l'accord sur les migrants, et qui ne facilitera pas les relations déjà tendues entre les deux pays.
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Peut-on tirer des leçons des élections autrichiennes ?

EU-Logos Blog - ven, 03/06/2016 - 10:58

Elles sont brèves et banales. Premièrement constater qu’il s’agit d’une victoire, le succès d’une résistance et dans le bilan comptable il convient de l’enregistrer comme telle, la marge minime (31 000 voix) n’y change rien. C’est la loi de la démocratie ordinaire. Certes ce fut plus un soupir de soulagement qu’une joie bruyante. Songeons un instant aux conséquences et aux commentaires en cas d’échec. Aussi fragile que soit ce succès, il y a désormais un rempart en Autriche.

Les contre-valeurs d’un fascisme rampant ont été une fois de plus repoussées, trop souvent les défaites sont anticipées : pensons aux victoires du Front national annoncées comme inévitables lors des élections régionales en France : à l’arrivée, que des défaites. Il faut donc bannir tout propos, toute stratégie, toute conduite défaitistes. Chassons ,aujourd’hui ,tout esprit, toute tentation , tout calcul de compromission.

Mais il nous faut surtout continuer à agir avec acharnement, activement, sans rougir de notre vigueur dont nous ferions preuve dans le combat « pour l’union sans cesse plus étroite » des peuples européens. Une vigueur dont nous rêvons quelle soit du même niveau que celle montrée habituellement par les eurosceptiques, populistes, souverainistes, extrémistes de droite comme de gauche.

Ce sursaut autrichien est venu des profondeurs du peuple : aucune consigne n’est venue des conservateurs ou des sociaux démocrates habitués à se partager le pouvoir alors qu’on constate une polarisation, un clivage important des électorats : monde rural et ville, le centre et la périphérie, les gagnants et les perdants de la mondialisation etc. Pas de cordon sanitaire établi officiellement, mais il a fonctionné.

L’échec du FPÖ est d’une certaine façon inattendu et il reste gênant pour lui : la dynamique de la campagne était pour Norbert Hofer, la sympathie spontanée encore pour Norbert Hofer, en tout cas elle était supérieure à celle de son adversaire. Tout cela n’a pas suffit et donc constatons que même en Autriche un rempart existe. Cela montre que pour les électeurs ce n’est pas naturel de voter pour les extrêmes et cela reste difficile de gagner des élections même si leur influence grandit partout et même si leurs idées peuvent être, à l’occasion, reprises par des partis de gouvernement. Notons que c’est la mobilisation des abstentionnistes du premier tour qui a fait pencher la balance de la victoire vers Alexander van der Bellen.(200 000 des 300 000 non votants du Premier tour du 24 avril ont voté pour lui ; les femmes et les villes ont plus voté pour lui comme les plus diplômés)

La situation autrichienne s’est banalisée à quasiment tous les pays de l’Union : ceux qui n’y succombent pas se comptent sur les doigts d’une seule main et même moins.

Chacun s’accorde à reconnaître que ces sucés de l’extrême droite répondent à des angoisses identitaires, d’abord nationales, mais aussi , et on le soulignent moins, européennes. Si l’UE donne l’impression qu’elle ne contrôle pas la situation, cela nourrit les votes de repli. Or des succès de l’UE existent : la technologie (l’espace), diplomatique (l’Iran) des drames sont évités etc. Il convient de faire mieux connaître les réussites : elles existent, les faire connaître c’est combattre les extrêmes.S’il est vrai que le monde sera de moins en moins eurocentré , de ce fait , et ce n’est pas un paradoxe, le monde aura de plus en plus besoin de l’Europe. Il reste à en prendre conscience. Enfin constatons que la difficulté de constituer des perspectives d’alternance politique authentique renforce les extrêmes comme on vient de le voir en Autriche. D’autres tentations voisines existent ailleurs.

L’exemple de l’écologiste Van der Bellen montre qu’un relatif nouveau venu, sans qualités manifestes évidentes peut s’opposer de façon crédible au populisme d’extrême droite, preuve de sa faiblesse.


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Catégories: Union européenne

Vers une gouvernance globale de l’Internet : les acteurs du digital à la conquête du Trône numérique

EU-Logos Blog - ven, 03/06/2016 - 09:52

En tant que point d’appui aux débats citoyens et vecteur d’informations, Internet constitue un formidable outil mais surtout un puissant instrument. En tant qu’espace de liberté, doté d’une portée transfrontière et d’une très grande flexibilité de par sa nature-même, le Net se révèle particulièrement complexe à encadrer. Et pourtant, en raison de sa dimension globale (dans le sens où il dépasse les frontières tant géographiques que celles dressées par l’Homme), la gouvernance d’Internet constitue un enjeu qui concerne la totalité de la communauté internationale dont bien sûr l’Union européenne, notamment dans le cadre de sa Digital Single Market Strategy.

Alors, plus de quarante ans après les prémisses des premiers réseaux informatiques, quid de la régulation du Net ?

L’essor considérable qu’a connu Internet en à peine quelques décennies s’explique notamment par la liberté qui caractérise cet outil ainsi que par sa facilité d’adaptation particulièrement propice aux technologies et idées innovatrices. Dès lors, toute tentative de législation du Net vient contredire sa nature propre. La gestion de l’Internet relève ainsi de l’inédit : complètement décentralisée, elle ne soumet cet instrument ni aux contrôles frontières, ni à un gouvernement et encore moins à une forme quelconque de planification centrale.

L’émergence de forces économiques et politiques nouvelles poussent toutefois la gouvernance du Net dans deux directions opposées : une ouverture encore plus importante d’une part, et d’autre part une certaine fermeture des réseaux, chacune dressant une féroce diatribe de l’autre en invoquant d’un côté le respect des droits et libertés des individus (à la vie privée, de l’expression, des idées…) et de l’autre un impératif de sécurité publique de plus en plus prioritaire auprès des gouvernements nationaux notamment.

Toutefois, malgré tous ses aspects positifs, le Web comporte également une certaine part d’ombre qui appelle à une nécessaire appréhension par les autorités. C’est ainsi qu’un modèle original et en adéquation avec la flexibilité qui caractérise l’Internet a été consacré par la communauté internationale, celui de la gouvernance multi-acteurs. Elaborée en 2015 lors du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), elle a été définie comme étant : « l’élaboration et l’application par les Etats, le secteur privé, la société civile, dans le cadre de leurs rôles respectifs de principes, normes, règles, procédures de prise de décisions et de programmes communs propres à moduler l’évolution et l’utilisation de l’Internet ». Ce modèle multi-acteurs n’empêche cependant pas ces derniers de tenter de ‘tirer la couverture’ vers leurs intérêts propres respectifs.

Vers un empire du Net dirigé par les grandes firmes des technologies ?

De véritables empires se sont fondés grâce à l’Internet tout en participant activement à son développement – et donc au leur. Ces firmes constituent des acteurs centraux du numérique, c’est le cas en particulier des GAFA (le quatuor des plus importantes multinationales du Net : Google – Apple – Facebook – Amazon). Pourvues d’un capital de plusieurs centaines de milliards de dollars et de plusieurs millions d’utilisateurs partout dans le monde, elles disposent pour certaines de moyens supérieurs au PIB de certains pays membres de l’Union européenne. Ces géants du digital façonnent le monde numérique et influent directement sur le quotidien de milliards d’individus via l’Internet, seul outil à ce jour capable de toucher un tel nombre d’individus et donc de consommateurs / utilisateurs potentiels.

Les GAFA vantent ainsi les pouvoirs de la connexion – par son mantra, Facebook se donne clairement l’objectif de « bring people together » – et affichent un techno-enthousiasme à toute épreuve. En affichant de si grandes ambitions dans des domaines régaliens tels que la santé, l’éducation ou même la défense, ces plateformes semblent afficher à terme une vocation à suppléer, voire à remplacer l’Etat dans sa forme actuelle. Elles montrent de plus une vision du monde au service d’un messianisme numérique dont l’objectif réside dans la connexion universelle. Google et Facebook se donnent ainsi pour but d’ « apporter la bonne parole aux plus démunis » en leur offrant un accès au numérique – leur intention réelle étant de pouvoir toucher les quatre milliards d’utilisateurs potentiels qui ne bénéficient pas de l’Internet. En cela, ces multinationales se placent en tant qu’opérateurs, à la place dans une certaine mesure de l’Etat. Elles se positionnent également sur une multitude de projets et domaines annexes plus ou moins liés aux hautes technologies. Cette volonté d’innover dans le spatial, l’intelligence artificielle ou encore les biotechnologies n’est en soi pas négative, au contraire, de même que leur manière de suppléer certains Etats dans les zones de ‘déserts numériques’. La principale problématique est qu’elles réalisent ces actions au service d’une certaine vision du monde qui leur est propre, d’autant que leur puissance financière énorme – la capitalisation boursière d’Apple couplée à celle de la maison-mère de Google, Alphabet, représente ainsi mille milliards de dollars, soient 1 000 000 000 000 $ – est entièrement au service de leurs projections d’un futur tel qu’elles le fantasment. Elles mettent ainsi en avant un modèle de technologies au service du bien social et placent la science comme levier de transformation de la société capable de vaincre la maladie, voire la mort, non plus ralentir mais stopper le changement climatique ou même aller sur Mars.

A cela se couple leur propre modèle vouant un véritable culte à l’efficiente technique et à l’efficacité économique et financière au détriment bien souvent de certains droits fondamentaux comme celui de la protection de la vie privée : le « pouvoir de tout partager avec tout le monde » de Facebook est ainsi affirmé par la firme mais toute la question réside ailleurs : ce pouvoir, le donne-t-elle ou le détient-elle ? C’est par exemple dans ce cas que l’Etat se doit d’intervenir en régulant l’Internet et le pouvoir de ces firmes : il est leur ‘meilleur ennemi’ car c’est aussi grâce à lui qu’elles ont la possibilité de se développer davantage, autour des cadres qu’il tente de leur poser.

La crise de l’Etat-Providence que connaît le monde actuel permet aux géants du numérique de se poser en tant que concurrents directs de l’Etat dans des secteurs pourtant régaliens. En proposant aux citoyens des services que l’Etat-Providence peine de plus en plus à prendre en charge, ils favorisent la consolidation du secteur privé associée à un modèle néo-libéral individualiste.

L’alternative serait alors de réguler ces firmes, de poser un cadre à leurs possibilités, d’autant que l’Internet pose de nouveaux enjeux centraux aux gouvernements en place.

Les Etats, un maillon dans la chaine de la gouvernance de l’internet :

La grande force d’Internet réside dans sa faculté à dépasser les frontières et à se jouer des aléas géographiques, que ce soit pour la transmission et l’échange d’informations ou assurer de nouveaux types de commerces et/ou entre de nouveaux partenaires. La question du rôle des souverainetés étatiques au sein du cyber-espace se pose alors très clairement. Cette problématique s’illustre par exemple dans le cadre de la facilitation des liens commerciaux entre les Etats-Unis et l’Union européenne via le TAFTA (Trans-Atlantic Free Trade Agreement). L’un des nombreux points d’achoppement de cet accord réside dans la transmission des données des citoyens européens vers les firmes américaines alors que l’Union a dressé une politique de protection des données personnelles beaucoup plus sécurisée que celle de son voisin d’outre-atlantique. Les règlementations encadrant l’Internet et les services qui y sont associés diffèrent d’un Etat à l’autre.

Le modèle multi-acteurs défini par la communauté internationale en 2015 dévoile dans ce cas une partie de sa force et de son adéquation avec le Web : les participants au SMSI ont ainsi prévu l’élaboration et la mise en place d’une feuille de route permettant une internationalisation progressive de la gestion et de la législation de l’une des fonctions-clés du monde numérique : l’adressage sur Internet. L’IANA (Internet Signed Numbers Authority), l’autorité en charge de cette tâche, doit en effet être détachée du gouvernement américain pour ensuite être gérée par un quorum rassemblant les parties-prenantes du monde numérique. Par cette décision, la communauté internationale indique qu’elle considère le modèle multi-acteurs comme un acquis, ce que l’Assemblée générale des Nations Unies est venue rappeler dans une décision de décembre 2015 tout comme les chefs d’Etats réunis dernièrement pour la tenue du G7 au Japon. Or l’Etat fait partie des acteurs du numérique et selon la position actuelle de la communauté internationale, il a un réel rôle à jouer dans la régulation et la gouvernance de l’Internet.

Le capitalisme numérique tel que les GAFA le façonnent est fondé sur l’information et l’exploitation de données et constitue une forme d’économie digitale en plein essor, et en cela, l’Etat se doit d’apporter un cadre qui limite de trop importants transferts de pouvoir à ces firmes afin d’établir une certaine forme d’équilibre. D’ailleurs, les entreprises de technologie affichent une certaine crainte face aux actions des gouvernements. L’Etat apparaît donc comme l’un des régulateurs devant pondérer leurs actions entre notamment les intérêts de la société civile et ceux du secteur privé. Reprenons l’exemple du TAFTA dans le cadre duquel est négocié un accord de transmission des données des citoyens et consommateurs européens vers les firmes américaines. Ce Privacy Shield – tout comme son prédécesseur le Safe Harbor – ne garantit pas un seuil de sécurité concernant l’utilisation de ces données et le droit de regard que possède le citoyen selon le droit européen, ce qui conduit nombre d’Etats membres de l’Union et une partie des autorités européennes à dénoncer cet accord. Le Safe Harbor avait d’ailleurs était invalidé pour sa trop faible protection et la même menace guette son successeur.

L’économie numérique est certes récente mais un tel mouvement en faveur d’une gouvernance de l’Internet peut sembler plutôt soudain : alors qu’est-ce qu’il est si urgent de réguler sur le Net ?

En formant des ‘communautés partagées’, des plateformes collaboratives, en proposant des services sur demande et en créant une nouvelle forme de commerce en ligne, Internet emporte un réel impact sur la vie quotidienne des individus et y joue un rôle croissant. En parallèle de l’augmentation du nombre d’utilisateurs et de consommateurs du Web, les actes de fraudes, de malveillance, voire de terrorisme numérique, croissent également. De plus, ces nouveaux services tels que Airbnb, Uber etc… ont d’une part accès à des données très personnelles et sensibles (coordonnées bancaires, adresse postale, mail, numéro de téléphone…) et constituent d’autre part à une forme de concurrence presque déloyale pour des services plus anciens comme l’hôtellerie ou les taxis car leurs charges sont très réduites et leurs prix plus bas. Se pose également dans ce cadre la question de l’assurance professionnelle, de la retraite, le respect de mesures législatives et/ou réglementaires telles que l’accès aux personnes à mobilité réduite… La problématique principale réside donc aussi dans l’inclusion de l’économie numérique au sein du système existant.

De nouvelles mesures et structures sont ainsi mises en place à plusieurs échelles telles que la question des impôts, des assurances professionnelles mais aussi du Droit. Or, il est complexe pour les Etats seuls d’assumer ce rôle de régulateurs dans la mesure la principale force de l’Internet réside dans sa capacité à dépasser les frontières : la résolution de crimes et délits digitaux demandent donc une coordination réelle entre plusieurs pays alors-même que les législations de chacun diffèrent.

Internet étant un instrument global, il appelle à une gouvernance qui l’est tout autant pour être efficace et l’Etat apparaît donc davantage comme une ‘courroie de transmission’ de mesures coordonnées et harmonisées devant s’appliquer sur leur sol : pour être effectifs, il faut que les Etats cèdent une partie de leur souveraineté sur ce point. C’est ainsi que les autorités européennes ont récemment élaboré de nouvelles mesures en ce sens.

La contribution européenne à la gouvernance de l’Internet : une véritable valeur ajoutée :

De par son échelle d’action, l’Union européenne dispose d’une vraie légitimité à agir pour la gouvernance du Net par rapport aux possibilités qui s’offrent aux Etats. Les difficultés face aux différences de législation au sein de l’Union sont en effet réelles : l’instruction par exemple se révèle particulièrement complexe lorsque la victime et le coupable ne dépendent pas de la même juridiction. Pour des raisons évidentes d’effectivité des mesures régulant l‘utilisation de l’Internet, une harmonisation des politiques et structures de gouvernance à échelle régionale telle que le permet l’Union européenne est ainsi nécessaire, d’autant que dans ce cas de figure, il serait contraire au Droit européen de ne pas agir en ce sens. L’article 67 du traité sur l’Union européenne dispose qu’elle doit garantir un niveau de sécurité suffisant à ses citoyens notamment par la prévention et la lutte contre le crime dans toutes ses formes. Elle doit ainsi assurer un seuil minimal de législation à respecter par tous les Etats membres et la dimension transfrontière de l’Internet vient dans ce cas appeler à une nécessaire action européenne : l’apport de l’Union est donc décisif et son intervention dans le domaine du numérique respecte donc le principe de subsidiarité qui régit son action.

Les autorités européennes ont donc élaboré de nouvelles mesures qui seront transposées à échelle nationale par les Etats membres afin de renforcer le taux de succès des investigations ainsi que la coopération inter-étatique via les agences nationales dédiées au digital, Europol, le secteur privé et les autres parties prenantes du secteur. Le but est qu’ils puissent se protéger et protéger le consommateur.

Deux axes de gouvernance orientent les politiques européennes : la régulation et la répression, chaque politique comportant en réalité une part de l’un et de l’autre dans la mesure où ces deux éléments sont étroitement liés : une répression efficace vient ainsi appuyer ce qui relève de la régulation, de la prévention, et inversement.

Avec l’élaboration de la Digital Single Market Strategy, l’objectif de l’Union est de venir renforcer l’économie digitale et le marché numérique puisque ces deux éléments jouent un rôle positif sur la croissance économique européenne. Deux politiques ont sont ainsi en cours d’élaboration pour la première et d’implémentation pour la seconde. La directive SRI (Sécurité des réseaux de l’information) d’une part vise à assurer un niveau minimal de protection contre la cybercriminalité aux entreprises, administrations et autres acteurs du numérique offrant des services dits « essentiels » aux citoyens et comporte une obligation d’information des services de sécurité et de coopération en cas d’attaque ou de tentative d’attaque informatique. L’accord sur le texte entre la Commission et le Parlement européens est attendu courant août 2016. La directive révisée des Services de paiement en ligne (PSD2), d’autre part, vise à renforcer la sécurité des paiements électroniques.

Cette consolidation de la sécurité économique numérique est nécessaire à l’essor de l’économie digitale et donc de la croissance économique européenne qui peine à faire face à la crise économique et financière mondiale de 2008. Le maintien de la confiance des consommateurs constitue donc un enjeu central pour son développement et donc pour la santé économique de l’Union européenne.

Elle doit pourtant faire face à des difficultés d’ordre pratique dans la mesure où le numérique est un domaine en constante évolution : les fraudeurs et autres criminels changent rapidement de techniques et de cibles sur la Toile alors-même que de nombreuses dispositions juridiques restent floues. Internet permet ainsi l’avènement d’une nouvelle forme de criminalité globale.

Face au défi de la régulation du Web, l’Union européenne fait ainsi face à trois problématiques majeures.

Premièrement, les deux directives citées ci-dessus constituent certes de réelles avancées dans la gouvernance de l’Internet. Mais il est surtout nécessaire pour les Etats de renforcer leurs lois nationales et surtout l’application de ces dernières par le biais de nouvelles politiques publiques adaptées, d’autant que l’implémentation des nouvelles politiques européennes est estimée à deux ans environ. Dans cette optique, la consolidation de la coopération des acteurs privés entre eux et avec les acteurs publics est primordiale même si complexe de par leur concurrence. Leur coopération sera encore encouragée par la directive PSD2 qui oblige les firmes à rendre public les chaines d’acteurs numériques afin de renforcer la transparence des liens entre les différents intermédiaires, ce qui constitue par exemple une nécessité pour permettre aux victimes d’actes frauduleux digitaux de pouvoir saisir la Justice.

Dans un second temps, en l’état actuel de la régulation de l’Internet au sein de l’Union européenne, les services en charge de la sécurité des citoyens et des consommateurs rencontrent d’importantes difficultés dans les processus de poursuites judiciaires et d’enquêtes, et ce pour plusieurs raisons. Certains comportements pourtant nuisibles ne sont en effet tout bonnement pas légalement répréhensibles dans certains Etats du fait de leur caractère relativement récent. Ces retards dans l’adaptation de la législation en place empêchent tout processus judiciaire au détriment des victimes. Et lorsque le cadre légal permet de débuter une procédure, les limites posées aux outils d’investigation utilisables afin de protéger les droits fondamentaux des citoyens rendent les enquêtes plus lentes et difficiles. Les condamnations sont également rares et la faiblesse des peines les rend peu dissuasives, ce qui s’explique notamment par les contraintes inhérentes aux enquêtes transnationales et les écarts de législation entre les différentes juridictions. Cela pèse aussi sur la coopération entre les agences de chaque Etat membre. Enfin, actuellement, pour nombre de gouvernements nationaux, la sécurité publique passe en premier et si les nouvelles directives participent à la lutte contre les fraudes et les actes de malveillance numérique, ces enjeux ne sont pas prioritaires et les législations nationales se concentrent sur la lutte contre le terrorisme, même si cela inclut certes un pan concernant la cybersécurité.

Dans un troisième temps se pose l’enjeu des droits des victimes ainsi que des systèmes d’assurance : les victimes de fraudes, de vols de données et/ou d’identité peinent à s’extirper de cette situation par manque de reconnaissance de ces délits par la loi notamment. Les droits nationaux comme européen a donc besoin d’une certaine ‘mise à jour’, à la manière de ce que disait le juriste du XIXè siècle Jean-Etienne M. Portalis : « les codes des peuples se font avec le temps ».

Mais surtout, le manque de données, de statistiques, d’études est réel sur les outils et instruments de prévention et de répression des crimes et délits numériques, ce qui accroît l’incertitude qui plane sur des mesures nouvelles portant elles-mêmes sur des problématiques qui le sont pour certaines tout autant.

Ce dernier impératif est d’ailleurs inclus dans les nouvelles directives européennes : le recueil de données d’informations, de statistiques, la tenue d’enquêtes de terrain ont ainsi été incorporés aux textes sous le volet Data collection. La Commission européenne a également commandé auprès du European Cybercrime Center l’élaboration d’un rapport portant sur la cybercriminalité ainsi des consultations publiques et d’experts prévues à ce sujet pour la fin de l’année 2016. Sont aussi prévus un renforcement des lois et politiques publiques déjà en place, la mise au point d’un seuil de sanctions minimal et maximal, l’élaboration d’un ‘scénario’ comportant un déroulé des procédures, juridictions, charges de preuves, cadre de coopération concernant les enquêtes et recueils de données, partenariats publics / privés et autres parties prenantes du secteur digital ainsi qu’un renforcement du rôle des agences nationales et européennes en charge de la gestion du numérique.

Via les quelques études menées, l’impact des directives a été évalué leur implémentation, notamment concernant trois pôles. Concernant l’économie et la santé des entreprises de technologie, la nouvelle réglementation devrait dans un premier temps engendrer des coûts supplémentaires importants pour elles afin de permettre sa mise en place. Mais une fois active, ce panel de mesures doit permettre de diminuer les coûts induits par les fraudes et réparations qu’elles occasionnent tout en renforçant la confiance des consommateurs, ce qui à terme permettra un développement du marché digital et donc une augmentation des profits. Parallèlement, le renforcement des droits des victimes associé à une répression effective viendra consolider les politiques de prévention et la cybersécurité. Tous ces éléments devraient ainsi venir mieux positionner l’Union européenne en termes de compétitivité et d’innovation.

D’autre initiatives européennes et trans-européennes sont également en cours.

Au plan européen d’une part, le High Level Group on Internet Governance (HLIG) poussé par la Commission européenne a pour vocation l’harmonisation des positions des Etats membres alors que le Conseil de l’Europe oeuvre sur l’élaboration de principes encadrant la gouvernance de l’Internet dans la droite ligne de ses travaux antérieurs.

A échelle plus globale, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) traite d’autre part de ces problématiques depuis quelques années : en juin 2011, ses membres ont adopté une déclaration intitulée « l’économie d’Internet : un moteur d’innovation et de croissance » – même s’il convient de rappeler qu’elle n’emporte aucune portée juridique – alors que le Comité PIIC (Comité de la politique de l’information, de l’informatique et des communications) qui lui est rattaché a émis des recommandations – qui ne disposent pas non plus d’une force juridique contraignante mais qui sont reconnues par la pratique comme ayant une forte portée morale – et mené des études constituant des préalables nécessaires à l’élaboration de politiques publiques visant le développement de l’économie numérique, et pour se faire, encadrant une forme de gouvernance de l’Internet.

Toutes ces études et mesures vont dans le même sens, vers une gouvernance à vocation plus globale de l’internet et l’Union prend en ainsi de plus en plus en charge son rôle de régulateur et de coordinateur vis-à-vis de ses membres. Ce mouvement n’est cependant pas sans causer des conflits, dont par exemple celui opposant les services de sécurité aux firmes de technologie au sujet de l’étendue de la ‘coopération’ de ces dernières.

Des enjeux contradictoires : l’exemple de la sécurité publique versus la protection des données personnelles cryptées :

Internet peut servir de vecteur à des actes néfastes et malveillants incluant des cas de fraudes mais aussi d’attaques cybernétiques et/ou dans la vie réelle organisées via les services que propose le Web. Suite aux dernières attaques terroristes qui ont secoué le monde, un véritable bras de fer s’est engagé entre les autorités de police et le secteur privé sur la question de donner ou non aux services de sécurité un accès aux données cryptées qui transitent et/ou sont stockées par les entreprises de technologie. Le cryptage consiste en un système de protection informatique destiné à garantir l’inviolabilité des données pendant leur transmission et/ou leur stockage et rend donc les enquêtes particulièrement ardues.

Aux Etats-Unis, le débat a donné lieu à d’âpres négociations après la fusillade de San Bernardino du 02 décembre 2015 entre le FBI (Federal Bureau of Investigation) et Apple. La firme a cependant campé sur ses positions et a refusé de débloquer l’Iphone de l’un des commanditaires de la tuerie, ce qui aurait permis de grandement accélérer l’enquête et éventuellement de contrer d’autres attaques éventuelles. Le FBI a finalement réussi à contourner le refus de la firme à la pomme en parvenant à hacker le smartphone mais le débat reste d’actualité. Il l’est d’ailleurs tout autant au sein de l’Union européenne.

La discorde voit s’opposer en Europe l’ENISA (l’Agence européenne en charge de la sécurité des réseaux et de l’information) à Europol notamment depuis les attentas qui ont successivement secoué Paris et Bruxelles. Si un accord provisoire a pu être conclu le 30 avril dernier, la querelle reste prégnante.

Pour Europol, le système de cryptage employé par les terroristes rend les enquêtes très lentes et complexes alors que la rapidité d’action est déterminante afin de stopper ou d’empêcher une attaque terroriste. Si l’ENISA pose son veto à la demande de ‘passe-droit’ des services de sécurité, c’est par crainte de l’ ‘effet boomerang’ qu’elle pourrait générer. L’Office comme l’Agence restent tous les deux cependant à la recherche d’un meilleur compromis sur les situations dans lesquelles la police pourrait intercepter des communications, le principal point de tension résidant dans de potentielles brèches que ces exceptions pourraient créer et ainsi faciliter les actes malveillants. L’ENISA par la voix de son président Udo Helmbrecht, défend ainsi une réelle protection du cryptage, nécessaire pour la compétitivité dans l’industrie et les services bancaires européens mais en parallèle, l’Agence démontre une réelle volonté de venir aider à renforcer les moyens techniques et juridiques dont disposent les services de police pour accéder aux données cryptées. U. Helmbrecht a ainsi formulé une proposition de collaboration en continu entre l’ENISA et Europol afin d’affiner l’accord du 30 avril, la véritable difficulté résidant dans les techniques qui donneront à la police un accès aux données. A côté de ces négociations, plusieurs personnalités politiques tels que le Premier Ministre français Manuel Valls ou le Ministre allemand de l’Intérieur Thomas de Maizière, ont demandé aux sociétés de technologies de donner un accès aux données qui transitent par elles ou qu’elles stockent via la création d’une ‘porte dérobée’ en plus de la coopération renforcée établie par les directives SRI et PDS2. U. Helmbrecht s’est clairement prononcé contre cette revendication. Il souligne l’importance de ne pas agir ‘à chaud’ ainsi que l’existence de règles encadrant déjà l’accès des services de sécurité aux données personnelles des citoyens européens, mais qui restent très peu utilisées. En dépit de ces déclarations, plusieurs mesures pourtant décriées par l’ENISA sont à l’étude dans plusieurs pays membres de l’Union : au Royaume-Uni, une politique qui obligerait les entreprises à fournir les données privées cryptées aux services de police est ainsi discutée alors que la France de son côté prévoit même des amendes en cas de refus. L’ENISA met pourtant en avant le manque d’études attestant d’un quelconque lien de causalité entre ce type de mesure et l’efficacité d’une politique de prévention des crimes, notamment terroristes. U. Helmbrecht craint également que de tels ‘passe-droits’ ne viennent fragiliser les systèmes et qu’à terme cela conduise à renforcer l’insécurité des réseaux ainsi que le risque d’attaques terroristes numériques, d’où le caractère central des études d’impacts dans le processus d’élaboration des politiques publiques. D’autant qu’il se s’agit pas du seul point problématique de ce type de mesures qui fait également peser un risque économique sur les entreprises qui pourraient perdre la confiance de leurs utilisateurs / consommateurs et donc voir leur chiffre d’affaire diminuer. Mais surtout ces mesures sont totalement contraires au Droit européen puisque la protection de la vie privée et des données personnelles est clairement posée par les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000/C 364/01) mais aussi plus récemment par le General Data Protection Regulation (GDPR), le nouveau package de protection des données voté par le Parlement européen en avril 2016.

Vers un e-gouvernement grâce au modèle multi-acteurs ?

L’action conjointe de l’ENISA, des autorités européennes et nationales ainsi que du secteur privé, dessinent progressivement la gouvernance multi-acteurs de l’Internet en Europe mais aussi dans le monde. Cette forme de régulation globale pour un champ d’action qui l’est tout autant tente de faire face à toute la complexité en termes d’adaptabilité que ce caractère confère à Internet. Les problématiques rencontrées sur le Net ne sont pour la plupart pas nouvelles et demandent donc davantage une adaptation de la loi que des créations législatives de toute pièce.

De même, l’impératif de sécurité publique brandi par les Etats n’est pas nouveau mais la conjoncture internationale le rend simplement plus visible, tout comme celui de rentabilité pour les firmes. Ces enjeux constituent des sources de dérives potentielles et le meilleur rempart dans le cadre d’un enjeu global réside finalement dans la vigilance de chacun pour défendre leur liberté d’autant qu’Internet est un espace libre de nature. Mais, comme tout territoire libre, il suscite la convoitise et l’intérêt de puissants et ces acteurs du pouvoir se balancent les uns les autres grâce à la société civile qui peut venir pousser le curseur d’un côté ou de l’autre en application du modèle multi-acteurs. L’implication de la société civile est en cela centrale. Elle reste cependant exclue de la plupart des rencontres du processus de décisions impliquant les autorités européennes et les autres parties prenantes du Net. La formation d’un e-gouvernement global et effectif semble donc encore lointaine.

Emmanuelle Gris

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