You can read here the article on populism, which was written by Professor George Pagoulatos. The commentary was published on 15 October 2016 in the Sunday edition of Kathimerini and is available in Greek.
In cooperation with Kathimerini newspaper, the Hellenic Foundation for European & Foreign Policy (ELIAMEP) embarks on an attempt to analyse threats and dilemmas of European security as well as challenges and opportunities for Greece. In a series of special publications by Kathimerinui, experts offer insights on critical themes.
The first series was published on 15 October 2016 and includes the following articles:
- ‘The European security at a crossroads’, by Thanos Dokos
- ‘External threats and internal insecurity’, by Othon Anastasakis
- ‘Quo vadis NATO; After Brexit and Warsaw», by Panagiotis Tsakonas
- ‘The global security strategy’, by Spyros Economides
The first series will be complemented with an interview of Ambassador Thrasyvoulos Stamatopoulos, former NATO’s Assistant Secretary General for Political Affairs and Security Policy, to be published on 17 October 2016.
Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, sur la nomination d’Antonio Guterres à la tête de l’ONU, et sur le rôle essentiel de l’organisation.
L’attribution du prix Nobel de Littérature à Bob Dylan met fin à vingt-trois ans de disette – et la récompense de Toni Morrison en 1993 – pour les écrivains américains. Si Dylan est le premier auteur-compositeur récompensé par l’académie de Stockholm, il ne s’agit pas pour autant d’une surprise. Depuis des décennies, des universitaires américains réclament cette récompense pour l’auteur de textes aux accents puissants, comme Blowin’ in the Wind, The times they are a-Changin’, Masters of War, Like a Rolling Stone, Subterranean Homesick Blues ou Hurricane. La carrière de Bob Dylan, c’est plus de 500 chansons, des dizaines d’albums, des dizaines de reprises par des artistes du monde entier… Peu d’artistes de la pop culture peuvent revendiquer un tel parcours, et s’il en fallait un reconnu à ce niveau, ce devait sans doute être lui. Récompenser Dylan, c’est rendre hommage à une nouvelle forme d’expression littéraire, et en ce sens son prix n’est ni usurpé, ni surprenant, quoi qu’en disent ses détracteurs. Mais des détracteurs, il y en a toujours, quels que soient les prix, et quels que soient les lauréats.
Plus surprenant, en revanche, est la volonté du comité Nobel de s’inviter dans la campagne présidentielle américaine. Dylan aurait pu être récompensé depuis des années, et il aurait pu également l’être dans un ou deux ans. Mais en choisissant (après un délai supplémentaire d’une semaine) de se prononcer en faveur de celui qui était présenté comme le champion de la génération beatnik (son amitié avec Allan Ginsberg en porte le témoignage) et le porte-parole de sa génération dans les années 1960 (contre son gré d’ailleurs), le comité envoie un message aux Américains qui désigneront, le 8 novembre prochain, leur prochain président. Ce message est celui d’une Amérique éprise de liberté et de justice, anticonformiste, en rébellion mais porteuse d’espoir, qui dénonce un quotidien parfois difficile et prône pour un rêve américain dénué de cynisme et de course à la croissance. Une Amérique qui dénonce la violence des armes à feu, les guerres illégitimes, la dérive des élites politiques, les inégalités sociales, les discriminations raciales, un monde des affaires déconnecté des réalités… Une Amérique que ni Hillary Clinton, ni Donald Trump, ne semblent pouvoir incarner.
Car c’est bien le manque de rêve qui, depuis des mois, caractérise cette sinistre campagne. Entre une candidate démocrate sans programme et qui peine à écarter le doute sur ses différences de vue avec Barack Obama, dont elle revendique pourtant le bilan, et un candidat républicain qui accumule mensonges et imprécisions sur fond d’insultes et de provocations, les électeurs sont désespérés. Seule la polarisation poussée à son paroxysme de la vie politique américaine maintient, pour l’un comme pour l’autre, une base électorale par défaut. Au point que de nombreux Américains ne voteront pas pour un candidat, mais contre l’autre.
Manque de rêve, perte du rêve américain. Le temps de la victoire de Barack Obama en 2008 semble loin, et si cette campagne ne passionne pas au-delà des polémiques, c’est parce que les candidats sont incapables de faire rêver. Les jeux politiques ont pris le dessus sur la capacité à rassembler les foules et à susciter l’espoir, et la sagesse s’efface derrière les coups bas, écrasée sans pouvoir combattre. « We live in a political world, wisdom is thrown in jail » (Political World, 1989).
Bob Dylan ne s’est pas contenté de critiquer l’action des politiques, il a parfois exprimé de façon prophétique les problèmes auxquels ils peuvent être confrontés. Comme ces lignes dans It’s Alright Ma (I’m only Bleeding) en 1965, quand il écrit “But even the President of the United States sometimes must have to stand naked”. Le président de l’époque est un certain Lyndon Johnson, engagé au Vietnam (auquel la chanson fait référence) et son successeur sera Richard Nixon, poussé à la démission en 1974 suite au scandale du Watergate deux ans plus tôt. Comme un appel à la révolte face à des responsables politiques qui ne tiennent pas compte de leur électorat, et moins encore des lois. Voilà un message que devraient entendre Trump et Clinton à qui Dylan pourrait chanter : « You better start swimmin’ or you’ll sink like a stone, for the time they are a changin’ ». Le comité Nobel s’en charge à sa place, comme s’il voulait rappeler que l’Amérique a été capable de produire des antidotes à ses dérives, des Bob Dylan dénonçant le Vietnam, et derrière lui des générations d’artistes engagés.
Le prix Nobel de Littérature n’apporte rien de plus à la carrière de Bob Dylan, qui n’a jamais été particulièrement avide de récompenses de toute façon, et traine sa nonchalance depuis plus de cinquante ans de succès. En revanche, qu’apporte Bob Dylan au prix Nobel de littérature ? Une petite dose de modernité, la promesse d’une ouverture à d’autres formes d’expression littéraire, et l’espoir que ce symbole rappelle aux Américains, et au reste du monde, que l’Amérique peut encore faire rêver. Cela sera-t-il suffisant, tant cette campagne pourra laisser des cicatrices ? The answer, my friend, is blowin in the wind…
Au lendemain du décès de son vénéré souverain Rama IX (Bhumibol Adulyadej), la nation thaïlandaise s’est réveillée ce vendredi matin avec des sentiments partagés, lestés principalement par la douleur d’une disparition redoutée ; mais pas seulement. Si l’émotion et le respect dû au défunt prévalent chez une majorité de sujets de l’ancien Siam, si la retenue de circonstance et la gravité du moment imposent mécaniquement, pour un temps, de repousser sine die les diverses contingences politiques ou partisanes pour se consacrer tout entier au souvenir du disparu, il n’empêche : les 67 millions de résidents du royaume peinent malgré tout en ce 14 octobre à ne pas se projeter sur le moyen-terme et, ce faisant, se retrouvent confrontés à quelques légitimes appréhensions. S’il est en cette période de deuil débutant malvenu d’en faire état – la rigide administration civilo-militaire du Premier ministre (ex-général) Prayut Chan-ocha n’en fait guère mystère… -, doute, préoccupations et projections pessimistes sont à l’esprit de tout un chacun ou presque. A commencer par la résilience de la monarchie (constitutionnelle), de son futur représentant (pour le moins sujet à controverse) ou encore des contours politico-institutionnels (plus ou moins flous) à venir à moyen terme.
Le sujet de la résilience de l’institution monarchique est peu ou prou tabou dans ce royaume bouddhiste du sud-est asiatique très pointilleux sur le sacro-saint concept de lèse-majesté. Ces dernières années, il est cependant revenu avec insistance dans les débats feutrés, au gré de la santé déclinante du monarque Bhumibol et de son retrait de plus en plus marqué, loin de ses interventions (rares mais décisives) jalonnant quand de besoin les décennies 1970, 80 et 90, pétries de crises politiques diverses et régulières et de coups d’Etat réussis (rien moins qu’une dizaine…). Une résilience d’autant plus éprouvée par la succession des soubresauts politiques (crises, mobilisations et manifestations, paralysie de l’économie, clivage profond de la société entre l’establishment et une Thaïlande d’en bas autrement plus populiste, etc.), soubresauts observés dans le royaume depuis l’entrée dans le IIIe Millénaire (deux nouveaux coups d’Etat militaire entre 2006 et 2014).
En théorie, la question de la succession du roi Bhumibol est réglée par le protocole depuis une quarantaine d’années. En 1972, le souverain consacrait son unique fils le prince Maha Vajiralongkorn (64 ans aujourd’hui) comme héritier, conformément aux dispositions de la Palace Law of Succession de 1924. Un euphémisme commode consisterait à dire que le prince héritier n’a pas précipité le traditionnellement long apprentissage des fonctions royales censées en son temps lui revenir… Entre écarts divers et variés (trois divorces, existence fréquemment tapageuse essentiellement passée à l’étranger, loin de la retenue et de l’attitude volontairement vertueuse adoptée par son père), souci très relatif pour le quotidien du royaume et de ses sujets, la réputation du futur souverain s’est forgée exclusivement ou presque sur une trame de désinvolture et de manquements, écornant durablement son image, érodant avant même son couronnement son capital d’autorité. Une « faiblesse » évidente pour l’intéressé, une carence déplorée par ses administrés ; un avantage pour d’autres.
S’il fut un temps question (en termes purement théoriques) de lui « préférer » une de ses sœurs, la princesse Sirindhorn (61 ans), 3e enfant du couple royale, à la réputation et à l’engagement pour son peuple d’un tout autre niveau, l’arbitrage final du palais royal et de l’establishment (élites urbaines, armée, milieux industriels et financiers) – mais également l’absence de jurisprudence favorable à ce choix dérogatoire du protocole – confirmèrent in fine le disputé Vajiralongkorn dans ses fonctions à venir.
Une perspective qui n’est pas sans ravir l’actuelle junte et ses puissants mentors, ces derniers préférant probablement composer demain, pour leur gouverne, autorité et intérêts personnels, avec un souverain au crédit aussi limité que ses excès passés sont décriés.
Au-delà de la dimension purement politique et institutionnelle, un paramètre comptable entre également en ligne de compte ; et il n’est pas négligeable, loin de là. En 2016, le magazine Forbes classait le souverain Bhumibol au tout premier rang des fortunes princières, fort d’un patrimoine évalué alors à 30 milliards de dollars (soit près du double, à titre de comparaison, des actifs du souverain saoudien Abdullah bin Abdul Aziz Al Saud…). Ces fonds considérables, leur gestion que l’on devine somme toute confortable, ne disparaissent pas avec le défunt monarque. Qui succède à Bhumibol sur le trône se trouve de jure en situation avantageuse pour disposer (noblement s’entend) de cette formidable manne – l’équivalent d’une fois et demi le Produit Intérieur Brut nominal de l’Afghanistan…
Il y a quelques jours encore, le Conseil National pour la Paix et l’Ordre (CNPO) – l’appellation officielle des plus parlantes de l’administration actuelle, en place depuis 2014 – du peu souriant Premier ministre Prayuth Chan-ocha renouvelait sa (bonne ?) volonté d’organiser d’ici 2017 le prochain scrutin législatif national, afin de convaincre ses administrés de son souci de redonner droit de citer à la règle démocratique (mais dans un cadre constitutionnel revisité). La période de deuil national s’étirant au niveau des instances gouvernementales sur une année entière à compter de ce jour, on peut sans grande difficulté ni prescience aucune envisager l’hypothèse d’un éventuel report de ce rendez-vous électoral, très attendu par une population très éprise de scrutin et aux appétences démocratiques fortes, infiniment moins désiré par une junte droite dans ses bottes et un establishment ayant enregistré revers électoral sur revers électoral depuis 2001.
Sur une ligne assez unanime, les observateurs du dossier thaïlandais s’accordent à penser que dans l’ancien Siam, les prochains mois et trimestres devraient être rythmés, sur un mode consensuel négocié en amont du deuil national, par un tempo épuré de contentieux politiques ou partisans majeurs ; autrement dit, une pax domestica temporaire et de circonstance. La suite immédiate de cette trêve politique, une fois la douleur passée et la patience (de certains) éprouvée, pourrait s’avérer d’une toute autre fébrilité. Il ne s’agirait alors guère de trop miser sur l’influence et le poids du nouveau roi pour peser favorablement sur les débats.
Que dit le comportement de Donald Trump sur son rapport aux femmes ?
Au fond son mépris pour les femmes et son machisme ne le distinguent pas franchement de nombreux hommes politiques. Aux États-Unis, c’est plutôt répandu. Ce qui rend sa personnalité plus abjecte vis-à-vis de certains, c’est sans doute son côté décomplexé. C’est le vrai le reflet de sa manière d’être.
Ses écarts de comportement datent d’il y a un moment. Des concours de Miss Univers dans les années 1990 à la vidéo de 2005, où il s’est presque vanté d’avoir profité de sa notoriété pour abuser de femmes. Ses provocations n’épargnent aucune femme. Ni dans son camp politique – souvenez-vous des moqueries contre son ex-rivale républicaine Carly Fiorina – ni dans sa propre famille, pour celui qui a affirmé qu’il sortirait bien avec sa fille s’il ne la connaissait pas.
Cela dit, je crois aussi que cette attitude machiste entre dans sa stratégie de sa campagne, où règne un « story telling » de la virilité, avec une puissance américaine à restaurer, selon le slogan « Make America great again ». C’est très calculé je crois, cette vulgarité, lorsqu’il affirme que les États-Unis ne doivent pas être le « pussy » de la Chine. Il privilégie un électorat masculin, blanc, patriarcal.
Comment cette rhétorique machiste se traduit-elle dans le programme de Donald Trump et des Républicains ?
À bien y regarder, le programme de Donald Trump est assez indifférent au genre. Il s’adresse tout de même aux mères, quand il propose un abattement fiscal sur la garde d’enfants. L’été dernier, le candidat républicain était allé jusqu’à envoyer un signal aux femmes, affirmant qu’elles avaient des droits. Mais aucune proposition concrète n’a suivi.
Le parti républicain, au final, va beaucoup plus loin que lui, par exemple en s’opposant au droit à l’égalité salariale des femmes. Leur programme législatif comprend des positions très dures, comme l’interdiction totale de l’avortement, donc y compris en cas de viol ou d’inceste.
Est-il pertinent de parler de vote des femmes dans la politique américaine ?
Parler du vote des femmes en général n’a pas grand sens, même si elles ont plutôt voté Démocrate (à 55 %) à l’élection présidentielle de 2012. Les minorités ou les plus diplômées, par exemple, n’iront pas voter Trump.
À l’inverse, il reste un socle électoral qui votera républicain quoiqu’il arrive. Selon les derniers sondages, ce socle représente encore 35 % des suffrages féminins. Ce sont des conservatrices attachées à d’autres sujets comme la faible régulation économique, la lutte contre l’avortement ou l’immigration. Elles viennent plutôt du Midwest, surtout en milieu rural. Ce sont des femmes moins diplômées, plus attachées aux valeurs religieuses.
Au final, la stratégie de Donald Trump fera certainement perdre encore plus de voix féminines que lors des scrutins précédents. Le registre de la provocation lui avait plutôt bien réussi jusqu’à présent. Maintenant que ça marche moins bien, saura-t-il faire autre chose ?
Propos recueillis par Jean-Baptiste François