Vous êtes ici

IRIS

S'abonner à flux IRIS
Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Mis à jour : il y a 2 mois 2 jours

Sénégal : la démocratie en danger ?

ven, 02/06/2023 - 18:36

Au Sénégal, le jeudi 1er juin Ousmane Sonko, président du parti d’opposition PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), a été condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » dans un procès pour viol et menace de mort, deux charges pour lesquelles il a été acquitté. Il a aussitôt contesté le verdict, dénonçant un complot visant à le rendre inéligible aux élections présidentielles de 2024 face à l’actuel président Macky Sall, soupçonné de vouloir se représenter pour un troisième mandat pourtant illégal d’un point de vue constitutionnel. Des violences ont éclaté dans tout le pays : neuf personnes ont déjà été tuées dans des affrontements entre la police et ses partisans.
Le Sénégal risque-t-il, dans la continuité de cette affaire, de s’enfoncer dans une crise démocratique ?

Macron en fait-il trop pour les pays de l’Est ?

jeu, 01/06/2023 - 17:10

 

Mercredi 31 mai, Emmanuel Macron a prononcé un discours à Bratislava (Slovaquie), à l’occasion du forum Globsec, un forum d’orientation atlantisme axé sur les questions de sécurité régionale. Cette première participation de la France est destinée à envoyer un message aux pays d’Europe de l’Est, avec qui la France entretient des relations délicates en raison de ses tentatives passées de dialogue avec la Russie. Le président français a constaté l’échec géopolitique de la Russie. Il a également mis en avant l’aide importante apportée par l’Union européenne à l’Ukraine, insistant sur la nécessité de fonder une sécurité européenne moins dépendante des États-Unis. Sans parler d’une intégration dans l’OTAN, il a proposé d’offrir à Kiev des garanties formelles de sécurité. Mais Emmanuel Macron est aussi revenu sur les positions de la France ces dernières décennies, tant dans son attitude vis-à-vis de Vladimir Poutine, que dans ses relations avec les pays d’Europe de l’Est, critiqués notamment par Jacques Chirac pour leurs positions sur l’Irak. Reprenant le narratif de ces pays, Emmanuel Macron n’est-il pas allé trop loin ?

L’analyse de Pascal Boniface

Victoire d’Erdogan en Turquie : quelles conséquences sur la scène internationale ?

jeu, 01/06/2023 - 12:47

Dimanche 28 mai, Recep Tayyip Erdogan a remporté le second tour de l’élection présidentielle avec 52,16% des voix. À 69 ans, le chef d’État sortant a battu son opposant Kemal Kiliçdaroglu, marquant ainsi sa quinzième victoire électorale consécutive. Salué par de nombreux chefs d’État, dont Emmanuel Macron, pour sa réélection, Erdogan incarne pour beaucoup l’assurance que la Turquie conservera son statut d’acteur géopolitique clé et intransigeant dans la défense de ses intérêts nationaux. Quel bilan peut-on tirer de la réélection d’Erdogan ? Quelle sera l’évolution de ses relations avec les pays de la région ? La Turquie jouera-t-elle un rôle crucial dans la résolution du conflit entre la Russie et l’Ukraine ? Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS, spécialiste de la Turquie et du Moyen-Orient, répond à nos questions.

 

Comment expliquer la réélection de Recep Tayyip Erdogan en Turquie ?

La principale explication de la réélection du président sortant réside dans les nombreux défis auxquels la Turquie est confrontée, qu’ils soient d’ordre économique, social ou géopolitique. Une large partie de l’électorat a considéré qu’Erdogan était vraisemblablement le mieux placé pour les relever, en raison de sa stature d’homme fort, une réalité incontestable. Son expérience et sa capacité à faire valoir la Turquie face aux grandes puissances ont également joué en sa faveur. En revanche, l’opposition, représentée par Kemal Kiliçdaroglu à la tête d’une coalition de six partis, a été perçue, avec raison, comme hétéroclite. Le choix de la stabilité s’est donc imposé.

Deuxièmement, il convient de souligner qu’Erdogan, depuis de nombreuses années, a parfaitement saisi la réalité sociologique de sa majorité électorale. Il a su capter les aspirations conservatrices de cette majorité, profondément imprégnée de valeurs religieuses. Il y a eu une sous-estimation de la part de nombreux analystes des réalités sociales et politiques prévalant dans « l’Anatolie profonde » et sur les bords de la mer Noire. Bien que de nombreuses critiques soient fondées à l’égard du bilan de R. T. Erdogan, ces deux facteurs combinés expliquent en large partie la victoire de Recep Tayyip Erdogan.

Enfin, un troisième élément, probablement moins important, mérite d’être souligné. Entre les deux tours, le candidat de l’opposition, Kiliçdaroglu, a adopté un discours fermement hostile envers les réfugiés. Un changement de cap, non seulement tactique, mais aussi stratégique par rapport à ses déclarations antérieures, s’est avéré préjudiciable. Modifier de manière si radicale sa stratégie électorale en plein milieu de la campagne, entre les deux tours, a constitué une erreur majeure et a désorienté une partie de son électorat.

Au cours des vingt dernières années, le président sortant et son parti l’AKP ont su construire une base sociale et électorale solide. Cela explique pourquoi Erdogan a remporté 14 élections successives, même si l’analyse des résultats électoraux de 2015 peut être nuancée, qu’elles soient locales, législatives, présidentielles ou référendaires. Cette 15e victoire n’est donc pas le fruit du hasard, mais plutôt le résultat d’un travail de longue haleine. L’AKP est une véritable machine électorale, parfaitement organisée, dotée d’une riche expérience et de ressources considérables grâce à sa symbiose avec l’appareil d’État, certains parlant même d’un Etat-AKP. De plus, les médias, largement contrôlés par des proches d’Erdogan, jouent un rôle déterminant, puisqu’environ 80 % de ceux-ci sont considérés être entre les mains du pouvoir en place, comme en témoigne le différentiel de temps de parole de 1 à 60 entre Erdogan et son opposant durant le mois précédant le premier tour sur la principale chaîne de télé publique.

 

L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, qui étaient auparavant rivaux de la Turquie, ont promis à Erdogan d’importants investissements sur le sol turc pendant sa campagne électorale. Que peut-on conclure de cette situation ? Le nouveau mandat d’Erdogan annonce-t-il l’ancrage du rapprochement entre la Turquie et les pays du Golfe, mais aussi avec l’Égypte et Israël ?

Il existait en effet des tensions très marquées, voire des ruptures politiques – mais jamais diplomatiques -, notamment du fait des positions diamétralement opposées défendues, en particulier au cours des soulèvements dans les pays arabes en 2011-2012, où chacun avait soutenu des camps différents. Ainsi, Erdogan et la Turquie ont adopté une posture de soutien à l’islam politique, principalement incarné par les Frères musulmans, tandis que des pays tels que l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis ont tout fait pour affaiblir la capacité des Frères à s’imposer sur la scène politique, voire même à accéder au pouvoir, comme cela fut brièvement le cas en Égypte jusqu’au coup d’Eta fomenté contre eux en 2013. Depuis lors, des divergences très fortes s’étaient cristallisées sur fond de rivalités pour s’assurer le leadership régional.

Cela étant, on observe ces trois dernières années une normalisation progressive des relations entre les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et la Turquie, découlant de la volonté des deux premiers de former des partenariats régionaux afin de contrer l’influence de l’Iran, devenu une préoccupation majeure ; Erdogan a compris, quant à lui, qu’il ne pouvait pas rester isolé dans la région. Chacun y trouvant ainsi son intérêt, un processus de réconciliation s’est engagé.

Dans le cas d’Israël, la logique est similaire bien que les raisons soient différentes. Après une période de tensions très vives entre Ankara et Tel-Aviv, nous constatons depuis un peu plus de deux ans maintenant un processus de rapprochement, toutes deux ayant un intérêt à se réconcilier et à fluidifier leurs relations.

Ces rapprochements, dans le cas de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, se sont déclinés par l’octroi d’une aide financière conséquente au régime au pouvoir en Turquie, via le versement de prêts financiers avantageux largement utilisés par Erdogan dans le cadre de sa campagne populiste et clientéliste : augmentation du salaire minimum, réduction de l’âge du départ à la retraite, promesse de reconstructions rapides dans les régions affectées par les séismes du mois de février 2023, etc. Il est très probable que cette aide des États arabes du Golfe se poursuive à l’avenir sous une autre forme qui reste à négocier. Le processus de rapprochement entre la Turquie et ces pays va donc se confirmer et s’approfondir.

De nombreuses tensions ont également été observables entre l’Égypte et la Turquie. Si le processus de rapprochement est moins avancé, Le Caire vient néanmoins tout juste d’annoncer le retour de son ambassadeur à Ankara, indicateur d’une réconciliation en cours. Erdogan et le président maréchal al-Sissi s’étaient déjà rencontrés il y a quelques mois et s’étaient serré la main, alors qu’Erdogan avait juré qu’il ne le ferait jamais avec cet homme, tenu pour responsable du coup d’État contre les Frères musulmans. Si les relations s’apaisent, la présence de nombreux Frères musulmans réfugiés politiques à Istanbul reste un dossier contentieux. On peut s’attendre à des tractations qui se concluront par le renvoi de certains membres des Frères musulmans, c’est à peu près certain.

Dans ce processus de réconciliation, la dernière grande question régionale qui reste en suspens concerne celle de la relation à la Syrie. Dans ce cas la question est loin d’être réglée et connaîtra probablement de multiples évolutions au cours des mois à venir.

 

Plusieurs projets relient toujours aujourd’hui Moscou et Ankara, notamment le projet du gazoduc Turkstream. Alors que la guerre se poursuit en Ukraine, quelles sont les perspectives d’évolution des relations entre la Russie et la Turquie d’une part, et entre la Turquie et l’Ukraine d’autre part ? Ankara a-t-elle un rôle à jouer dans la résolution du conflit russo-ukrainien ?

La Turquie entretient de longue date des relations très étroites à la fois avec la Russie et avec l’Ukraine. Cela a permis à Erdogan de se placer rapidement en médiateur lorsque la guerre a éclaté. Le président turc n’a cependant fait preuve d’aucune ambiguïté à l’égard de l’agression russe envers l’Ukraine, qu’il a condamnée immédiatement et explicitement. Quelques jours plus tard, il a fermé le détroit du Bosphore et le détroit des Dardanelles aux navires russes. Néanmoins, il continue de dialoguer avec les deux parties, et il a raison de le faire.

Pour envisager une solution politique, il sera en effet nécessaire de continuer à dialoguer avec les deux parties. Au sein de l’OTAN, cela suscite des réactions négatives de quelques États membres à l’encontre de Erdogan. Pour autant, contrairement à certaines assertions ne se pose aucunement la question de la sortie de la Turquie de l’alliance transatlantique. Les alliances stratégiques fondamentales seront maintenues. Cela n’empêchera pas R. T. Erdogan de continuer à dialoguer et de maintenir des relations très étroites avec Poutine. La poursuite des livraisons d’hydrocarbures russes à la Turquie étant notamment d’une importance vitale.

La Turquie est en effet un pays industrialisé et donc dépendant aux hydrocarbures, mais il n’y en a pas une goutte sur son territoire. Si des gisements ont été découverts en mer Noire, ils ne sont pas encore exploités. Par conséquent, la Turquie est obligée d’entretenir ses relations avec l’Iran et l’Irak, entre autres, mais aussi donc avec la Russie, qui joue un rôle déterminant dans l’approvisionnement en gaz pour l’industrie et les particuliers.

Le plus souhaitable, et le plus tôt sera le mieux, est la signature d’un accord de cessez-le-feu, voire d’un accord de paix entre les différentes parties, dans lequel la Turquie jouera un rôle essentiel, cela est certain. Erdogan a manifesté l’hubris de la victoire, notamment après l’accord sur les céréales conclu en juillet 2022, affirmant que grâce à la Turquie, la paix allait revenir. C’est évidemment exagéré : il ne pourra pas y parvenir seul, mais il ne pourra pas non plus être absent de ces processus.

Cette situation agace les États-Unis et la plupart des pays de l’OTAN qui aimeraient que la Turquie décide de rompre ses liens avec la Russie, ce qu’Erdogan ne fera pas. En la matière, le président turc agit de la même manière que de nombreux autres pays qui ont condamné l’agression russe, mais n’appliquent pas les sanctions. Cela fait partie du processus dit de « désoccidentalisation du monde », où nombre de pays refusent d’appliquer ces sanctions à la Russie, car cela va à l’encontre d’intérêts nationaux jugés désormais prioritaires. Les pays occidentaux ont du mal à l’entendre, mais c’est un fait irréversible. La Turquie est partie à ce mouvement général, il va falloir que les puissances occidentales l’acceptent et en tirent les conclusions.

Taïwan : perspectives électorales au regard des relations avec la Chine

ven, 26/05/2023 - 17:17

Alors que les présidentielles n’auront lieu qu’en janvier 2024 à Taïwan, la campagne électorale a déjà commencé. Trois candidats principaux : le vice-président actuel, Lai Ching-te dit William Lai (Parti démocrate progressiste) ; Hou Yu-ih (Kouomintang), l’actuel maire de Taipei ; et l’ancien maire de Taipei, Ko Wen-je. Comment ces élections vont-elles peser sur les relations inter-détroit ?

Directeur de recherche à l’IRIS et responsable du Programme Asie-Pacifique, Barthélémy Courmont vous donne régulièrement rendez-vous pour ses « Chroniques asiatiques ».

G7 : pas de rapprochement the West / the Rest

mar, 23/05/2023 - 11:18

Les membres du G7, en se réunissant à Hiroshima au Japon, avaient deux objectifs. Le premier, réaffirmer solennellement l’engagement et leur soutien à l’Ukraine. Le second, élaborer une stratégie commune face au défi chinois sans trop envenimer leur relation avec Pékin.

Au service de ces deux objectifs, ils avaient une stratégie : associer les pays du « Sud global » pour éviter que le clivage the West versus the Rest, déjà franc, ne s’élargisse encore plus. Ce n’est certes pas la première fois que le G7 invite d’autres États à participer à ses travaux, mais rarement l’objectif a été aussi visible et précis. Ont donc été invités l’Australie, très proche des Occidentaux, mais également le Brésil, les Comores, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indonésie, les îles Cook et le Vietnam.

Il y a eu également un invité surprise, Volodymyr Zelensky, venu plaider sa cause, se rendant au Japon par un avion de la République française. Les pays occidentaux, en effet, déplorent que les pays du « Sud global » renvoient peu ou prou dos à dos la Russie et l’Ukraine et ne se montrent pas suffisamment solidaires de la cause ukrainienne.

Si l’objectif était de montrer qu’y compris après 15 mois de conflit, les pays occidentaux continuent de soutenir sans restriction l’Ukraine, il a été atteint. De nouvelles promesses d’aide militaire ont été formulées et Joe Biden a accepté que des pilotes ukrainiens puissent être entraînés sur des avions américains F16.

Mais sur la question ukrainienne, le fossé the West versus the Rest n’a en rien été comblé. Si Volodymyr Zelensky a bien pu avoir un entretien en tête à tête avec le Premier ministre indien Narendra Modi, celui-ci s’est contenté d’un vague engagement d’aide humanitaire. Il n’a pu rencontrer ni le président brésilien ni le président indonésien. Ces deux pays ont certainement pensé que les membres du G7 voulaient leur forcer la main et ils n’ont pas forcément apprécié la démarche. Leur position n’a donc pas changé. Les pays membres du G7 ont fait preuve d’ouverture en voulant associer des grandes démocraties du « Sud global », mais ils ont voulu le faire à leurs conditions et à celle du président ukrainien, sans tenir compte des sensibilités de ces États.

On sait que, s’agissant de la Chine, il y a une divergence d’attitude entre les pays européens et les États-Unis. Ceux-ci voudraient mettre en place une politique d’endiguement à l’égard de Pékin comparable à celle mise en place avec succès du temps de la guerre froide contre l’Union soviétique. Mais il y a un petit changement néanmoins. Il y avait entre l’URSS et les États-Unis deux milliards de dollars d’échanges économiques par an ; ce sont deux milliards par jour désormais entre la Chine et les États-Unis, et les échanges sont aussi très fournis entre l’Europe et la Chine. Un compromis semble avoir été trouvé. On ne parle plus de découpler les économies chinoises et occidentales, mais de se diriger vers une stratégie d’éviter les risques, notamment d’une dépendance trop importante.

Mais dans un passage enfoui à la fin du communiqué final, néanmoins très visible, les Occidentaux, tout en disant qu’ils ne voulaient pas mettre en cause le développement de la Chine, lui ont exprimé un nombre de reproches relativement important sur son attitude en mer de Chine, sur les pressions économiques – l’accusant de coercition – qu’elle peut exercer envers les pays concernés par son projet des « Nouvelles routes de la soie », mais également sur Taiwan, sur les droits de l’homme… Ils lui ont également demandé de faire pression sur la Russie pour parvenir à une paix en Ukraine, sous-entendu aux conditions de l’Ukraine.

Il y a une certaine ironie de la part des pays occidentaux à dénoncer la coercition économique chinoise, au regard de la législation extraterritoriale des États-Unis et la logique des sanctions qu’ils mettent en place assez fréquemment.

Comment ces pays occidentaux auraient-ils réagi si la Chine, après un sommet international, avait formulé des exigences aussi nettes à l’égard de leur politique ? Quoi qu’il en soit, la réaction ne s’est pas fait attendre et le G7 débouche sur une crispation supplémentaire entre les Occidentaux et la Chine.

Les Occidentaux ont montré qu’ils prennent conscience de cette division avec les pays du « Sud global », mais s’ils continuent à penser qu’il suffit de quelques consultations pour que les pays du Sud se rallient à leurs positions, ils se trompent d’époque.

Chili : le nouveau paysage politique après le 7 mai 2023

mar, 23/05/2023 - 10:26

Le 7 mai 2023, les Chiliens étaient appelés à voter pour désigner de nouveaux élus constituants à la suite de l’échec du précédent processus de référendum du 4 septembre 2022. Ce nouveau processus, approuvé par le parlement chilien avec la loi n°21533 du 13 janvier 2023, prévoit un dispositif plus condensé dans le temps et avec des modalités d’élections et d’organisations bien différentes.

Dans un contexte difficile pour le président Gabriel Boric et après l’échec du dernier processus constituant qui a fait l’objet de nombreuses critiques, cette nouvelle séquence marque l’établissement d’un nouveau rapport de forces dans le champ politique chilien. Le nouveau processus prévoit la mise en place d’un Conseil constitutionnel de 51 membres (50 + 1 pour les peuples autochtones), accompagné d’un comité d’experts composé de 24 parlementaires, chargé entre autres de proposer les premiers éléments d’une réforme constitutionnelle, et d’un comité technique désigné par les parlementaires, composé de 12 juristes chargés de contrôler les propositions de normes qui contreviendraient aux objectifs initiaux fixés par la loi du 13 janvier 2023.

Ce processus est donc marqué par une défiance vis-à-vis des modalités de fonctionnement du précédent, dont le contrôle souverain revenait à la Convention constitutionnelle et surtout sans possibilités pour le Congrès ou l’exécutif d’y intervenir.

Les résultats du 7 mai dernier ont été marqués par une défaite importante du gouvernement Boric, avec une gauche divisée et une extrême droite qui arrive en tête. Le Parti républicain (d’extrême droite) arrive en tête avec 3,5 millions de voix, soit 35% des voix exprimées et obtient 23 sièges sur 51. La coalition gouvernementale, Unidad para Chile, obtient quant à elle 16 sièges avec 28% des voix. La droite traditionnelle, Chile Seguro, obtient 21% des voix et 11 sièges. Viennent ensuite le centre gauche de l’ex-Concertación, sans le Parti socialiste, Todo por Chile, qui n’obtient aucun siège malgré près de 9% des voix et enfin le Partido de la Gente de l’ancien candidat à la présidentielle Franco Parisi qui obtient 5% des voix et aucun siège à la convention constituante.

!function(){"use strict";window.addEventListener("message",(function(a){if(void 0!==a.data["datawrapper-height"]){var e=document.querySelectorAll("iframe");for(var t in a.data["datawrapper-height"])for(var r=0;r

S'agissant des sièges pour les peuples autochtones, le nombre attribué dépend du nombre de votants dans les collèges des peuples autochtones répartis proportionnellement parmi les candidats. Plus de 300 000 personnes ont voté dans ce collège, n’octroyant ainsi qu’un seul siège pour les peuples autochtones. Ainsi, au sein de ce Conseil constitutionnel la présence des peuples autochtones n’est que très amoindrie. Alors qu’ils  représentaient près de 10% des sièges dans la précédente Convention constitutionnelle, ils n'en représentent aujourd'hui plus que 2%.

Comme annoncé dans de nombreux sondages ayant précédé l'élection, la droite chilienne gagne du terrain, surfant sur le rejet du président Boric et profitant des débats au sein dans la société chilienne sur l’immigration et  l'insécurité. La droite et l'extrême droite, qui s'étaient prononcées pour le « non » au référendum de 2022 sur l'approbation de la proposition constitutionnelle, ont mobilisé dans ce scrutin 5,5 millions de voix, un score historique et inégalé pour toutes les familles politiques. À titre de comparaison, Gabriel Boric, connu aussi pour avoir été le président le « mieux élu » de l'histoire du Chili, a obtenu 4,6 millions de voix au second tour de la présidentielle de 2021 tandis que pour ce scrutin, qui était obligatoire, sa coalition Unidad para Chile, n'obtient que 2,8 millions de voix, encore moins que le vote du « oui » au référendum de 2022 (4,8 millions de voix).

La gauche chilienne, dans son ensemble, est ainsi clairement en perte de dynamique, tandis que la droite, l'extrême droite, mais aussi le bloc abstention/nuls/blancs progressent nettement et constitue ainsi un autre fait important de cette élection.  De fait, 22% des voix exprimées sont des votes blancs ou nuls, représentant ainsi près de 2,6 millions de voix sur les 12 millions de votants. Le vote étant obligatoire, ce nombre très conséquent de votes blancs et nuls peut être interprété comme la continuité d'une méfiance profonde de la société chilienne envers le système politique, qui s'est jusque-là déjà exprimée aussi bien par la candidature Parisi lors de l'élection présidentielle ou l'irruption d'un bloc d'indépendants (non affiliés à un parti politique) lors de la dernière Convention constitutionnelle. À cela s'ajoute l’abstention, encore présente malgré le vote obligatoire, avec un peu plus 15% du corps électoral qui ne s'est pas déplacé pour ces élections. En tout et pour tout, sur les 15 millions d'inscrits pour ce scrutin obligatoire, seuls 9,8 millions de personnes se sont exprimés pour une des offres politiques de ce scrutin. Ainsi, près de 35 % du corps électoral n'a pas participé à l’élection des élus constituants, se rapprochant des scores d'abstention en période d'élection non obligatoire qui se situent autour des 50%. Malgré le vote obligatoire, le système électoral chilien peine à impliquer les électeurs.

Le référendum pour l'approbation du prochain texte constitutionnel est prévu le 17 décembre 2023, soit six mois après l'installation formelle du nouveau Conseil prévue le 7 juin prochain. Ce délai très court pour mener à bien les débats nécessaires, ses modalités d'organisation, mais aussi les rapports de force en son sein indiquent un fort décalage entre ce nouveau processus d’élaboration d’une nouvelle Constitution pour le Chili et les ambitions de la précédente Convention.  Reste à savoir si la proposition constitutionnelle sera adoptée in fine au référendum de décembre, ce qui n'est pas encore certain dans un contexte de défiance de plus en plus aiguë de la classe politique.

Le cycle politique ouvert par les mobilisations sociales de 2019, qui ont provoqué la mise en place d'une Convention constitutionnelle et une dynamique électorale favorable à la gauche, et plus précisément à la gauche de rupture de Gabriel Boric, semble être en train de se refermer.

La gauche est en position très délicate, prise entre ses divisions idéologiques, gouvernementales et ses fragmentations électorales. Le camp du président Boric mais aussi les autres formations de gauche apparaissent en difficultés pour les prochaines échéances. Les prochaines élections municipales et régionales sont prévues pour 2024 et la présidentielle pour 2025. Ces types de scrutins s’étaient révélés les dernières fois très favorables aux forces de gauche. Mais désormais, le rapport de forces semble très différent. Aujourd’hui, sur les 16 régions qui composent le Chili, seules 3 placent la gauche en tête.

Plus que jamais, le nouveau cycle sur lequel espérait prospérer la gauche chilienne est remis en question.

 

__________________________

Cette tribune est publiée dans le cadre de l'Observatoire électoral de l'Amérique latine de l'IRIS, animé par Christophe Ventura, directeur de recherche à l'IRIS.
Pour aller plus loin, (re)visionner la conférence "Chili : retour sur les résultats et les enseignements de l'élection du Conseil constitutionnel" de l'IRIS.

G7 uni, monde divisé

lun, 22/05/2023 - 17:37

Le sommet du G7 vient de se terminer à Hiroshima au Japon, confirmant et renforçant le sentiment d’une unité occidentale dans le soutien à l’Ukraine, et dans le rappel à l’ordre de la Chine à l’égard de laquelle ils appellent à « dé-risquer » les relations. Si la rencontre est un succès pour l’unité occidentale, elle témoigne toutefois à nouveau d’une incapacité à dialoguer de manière cosntructive avec la Chine et les pays du « Sud Global ». La nouvelle opposition « the West vs. the Rest », pourtant bien prise en compte par le G7 qui avait invité au Sommet des pays comme le Brésil, l’Inde, l’Indonésie ou la Corée du Sud, se retrouve finalement creusée par la tendance du Groupe des sept à vouloir imposer leur agenda au reste du monde. Dans ce contexte, seul le président Zelensky, qui avait finalement fait le voyage au Japon grâce à un avion français, parvient réellement à ses objectifs. Alors, le G7 peut-il continuer d’agir comme s’il pouvait encore diriger seul le monde, au risque de perdre des alliés qui pourraient s’avérer cruciaux ?

Pages