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L'Afrique réelle (Blog de Bernard Lugan)

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Site officiel de l'historien africaniste Bernard Lugan, professeur à l'Université Lyon III et expert au tribunal international d'Arusha
Mis à jour : il y a 1 mois 3 semaines

Libye : un gouvernement de dilution de l’Etat

mar, 16/02/2016 - 14:56
Dans une Libye disloquée par une guerre de tous contre tous, trois gouvernements s’opposent. A Tobrouk, siège la Chambre des représentants reconnue par la communauté internationale ; à Tripoli est installé le parlement de Salut national sous influence des islamistes d’Abdelhamid Belhadj et des Frères musulmans de Misrata. Quant au Gouvernement d’union nationale constitué le 19 janvier 2016 sous les pressions de l’ONU par le Conseil présidentiel de neuf membres dirigé par Fayez el-Sarraj, il n’est pas parvenu à se faire reconnaître par les Libyens. Composé de plus de trente membres, il a en effet  été rejeté par les deux parlements rivaux de Tobrouk et de Tripoli.Prié de  « revoir sa copie », le 14 février, Fayez el-Sarraj a présenté un nouveau gouvernement de 13 membres plus cinq secrétaires d’Etat, dans lequel, en principe, chaque grande faction libyenne est représentée. Cependant, deux des neuf membres du Conseil présidentiel se sont opposés à sa composition. Il s’agit d’Omar lassoued (Omar Al Aswad), représentant de Zenten et d’Ali Kotrani (Ali al Gatrani) de Tobrouk qui reprochent à ce gouvernement de faire la part trop belle aux Frères musulmans de Misrata et aux islamistes de Tripoli.La composition de ce Gouvernement d’union nationale a également buté sur le portefeuille de la Défense qui était brigué à la fois par le général Haftar, le chef de l’armée de Cyrénaïque soutenu par l’Egypte, et par l’ancien bras droit de Ben Laden,  Abdelhakim Belhaj, le chef du GICL (Goupe islamiste de combat de la Libye) une des plus puissantes milices islamistes de Tripoli, soutenu par la Turquie et le Qatar. Finalement, le portefeuille est revenu au colonel Mehdi Brahim Barghethi (Mahdi al-Barghati), proche du gouvernement de Tobrouk mais que certains observateurs pensent être en froid avec le général Haftar. Quant au ministère de l’Intérieur, il a été attribué à El Aref Salah Khouja (Salel al-Khoja), un lieutenant d’Abdelhakim Belhaj. Les forces de sécurité libyennes vont donc dépendre de deux chefs dont les objectifs sont à l’opposé… La coupure entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque est donc inscrite dans les faits.Concernant les autres ministères, chaque région, chaque grande faction a en principe obtenu d’être représentée. Dans cette dilution de l’Etat, certains sont favorisés, comme les Frères musulmans de Misrata, inconditionnellement appuyés par la Turquie et le Qatar. D’autres sont marginalisés, comme Zenten, qui détient prisonnier Saïf al Islam, le fils du colonel Kadhafi. De fait, la Tripolitaine est donc partagée entre Frères musulmans de Misrata et Milices de Tripoli apparentées à Al Qaïda. Le nouveau gouvernement devant s’installer à Tripoli, il sera donc, de fait, sous le contrôle de ces derniers, d’où d’inévitables tensions avec les forces de Cyrénaïque. Mais peu importe ce bricolage issu d’un quasi marchandage de souk puisque la « communauté internationale » a enfin réussi à mettre en place une autorité « légale » qui va pouvoir lui demander d’intervenir contre l’Etat islamique. Une intervention refusée par l’Algérie et la Tunisie mais qui va se faire au profit des Frères musulmans et des diverticules d’Al Qaïda qui contrôlent la Tripolitaine. Tous espèrent que les forces spéciales occidentales les débarrasseront de l’Etat islamiqueafin qu’ils puissent reprendre ensuite leurs guerres internes et continuer à s’enrichir en acheminant des « migrants » en Europe. Regardons en effet les choses en face : le résultat de la calamiteuse guerre décidée en 2011 par Nicolas Sarkozy et BHL est que, aujourd’hui, nous allons intervenir en Libye, certes contre l’Etat islamique, mais d’abord au profit d’une coalition rassemblant Al-Qaïda et Frères musulmans…

Bernard Lugan
16/02/2016
Catégories: Afrique

Libye : l’intervention militaire décidée par les Etats-Unis va amplifier le chaos

jeu, 11/02/2016 - 16:42
Le 28 janvier 2016, face au danger représenté par l’Etat islamique, leprésident Obama a donné son feu vert au plan militaire américain d’intervention en Libye. Ne tenant pas compte du principe du « primum non nocere » (d’abord, ne pas nuire), le scénario retenu va au contraire amplifier encore davantage la catastrophe provoquée en 2012 par le renversement du colonel Kadhafi.
Que l’on ne se méprenne cependant pas sur mes propos : une intervention militaire est nécessaire. A la condition toutefois qu’elle ne se fasse pas au profit de ceux qui entretiennent le chaos, de ceux qui en vivent et qui, à travers lui, espèrent prendre le contrôle du pays. Je veux parler à la fois de cette tête de pont de la Turquie, des Frères musulmans et du Qatar qu’est Misrata, et des milices salafistes de Tripolitaine plus ou moins directement apparentées à al Qaïda (Aqmi). Explications :
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Catégories: Afrique

L'Afrique Réelle N°74 - Février 2016

mer, 03/02/2016 - 23:20
Sommaire  Actualité :
- Le jihadisme sahélien- Le nouveau jihad noir- La départementalisation de Mayotte : un autre échec de la politique africaine de Nicolas Sarkozy
Dossier : Les « printemps arabes » cinq ans plus tard
- Les révolutions de Tunisie et d’Egypte- La Tunisie entre jasmin et chrysanthèmes- Egypte : le mirage démocratique s’est dissipé- Algérie : l’année 2016 commence mal
Editorial de Bernard Lugan :
Les troubles sociaux qui agitent leur pays commencent à faire regretter à de nombreux Tunisiens l’époque « heureuse » du président Ben Ali. Les barbus ne tenaient alors ni la rue, ni le maquis, le pays était gouverné, plus de sept millions de touristes irriguaient l’économie, les poubelles étaient ramassées, il n’y avait pas de coupures d’électricité… Aujourd'hui, les Tunisiens ont le ventre et les poches vides ; quant au jasmin de leur révolution, il ressemble de plus en plus à un chrysanthème… Politiquement, les Tunisiens qui, en 2014, avaient voté pour un président et un parti anti-islamistes se retrouvent gouvernés par une coalition composée des islamistes qu’ils rejetèrent par les urnes et qui ont été remis en selle par les anti-islamistes qui prétendaient les combattre… Le résultat de ce mariage de la carpe et du lapin est une incapacité gouvernementale à faire face à une crise socio-économique qui prend peu à peu une forme insurrectionnelle. Le vendredi 22 janvier, dans certaines régions de la Tunisie, le couvre-feu fut même décrété. Comme sous Ben Ali...
En Algérie, un processus est engagé qui semble ne pas pouvoir connaître d’autre issue que la violence. Le pays dispose cependant d’un atout : les pays européens qui n’ont aucun intérêt à ce qu’il explose feront tout ce qui est en leur pouvoir afin qu’il échappe au pire.De plus, comme l’Algérie paye en partie ses importations en euros et ses exportations en dollars, la hausse de ce dernier a servi d’amortisseur à sa balance des paiements. Plus encore, le pays qui ne produit rien et qui achète à l’étranger de quoi nourrir, soigner, habiller et équiper sa population, bénéficie actuellement de la baisse des cours des produits qu’il importe. Nous sommes cependant dans le trompe-l’œil comme nous l’apprend le dernier rapport des Douanes algériennes (janvier 2016) qui met en évidence ce miracle conjoncturel. Trois exemples peuvent ainsi être cités :- Durant l’année 2015, les importations de matériaux de construction ont augmenté en volume de près de 10%, mais ils ont baissé de 12% en valeur.- Les importations de bois ont connu une hausse en volume de plus de 100% (846 millions de dollars), mais leur baisse en valeur fut de près de 25%. - Alors qu’en 2015, les volumes d’importation de céréales ont augmenté d’environ 10%, la facture payée par l’Algérie fut de 3,43 milliards de dollars contre 3,54 en 2014.Si les cours repartaient à la hausse, si un accident climatique se produisait chez les producteurs mondiaux de céréales et si, parallèlement, les cours du baril de pétrole ne remontaient pas d’une manière significative, qu’adviendrait-il alors en Algérie ?
A l’heure où ces lignes étaient écrites, dans le sud de la Libye, Touareg,  Toubous et Arabes, s'affrontaient,  cependant que le pays n’avait pas de gouvernement d’union nationale. Or, sans un tel gouvernement, aucune intervention militaire internationale contre l’Etat islamique n’est envisageable.La difficulté à laquelle se heurtent les responsables onusiens œuvrant à la constitution d’un tel gouvernement est que, quand ils contentent les-uns, ils mécontentent les autres. A cet égard, l’erreur de la communauté internationale est d’avoir voulu favoriser la ville de Misrata. Détestée par la plupart des autres composantes libyennes, elle est soutenue par la Turquie, le Qatar, les Frères musulmans et les Etats-Unis… donc par la France…
Catégories: Afrique

La critique de Barkhane[1] procède d’une erreur d’analyse.

mer, 20/01/2016 - 11:43
Ce communiqué peut être repris à la condition d’en citer la source et le lien.
Les sanglantes attaques terroristes menées à Bamako le 20 novembre 2015 et à Ouagadougou le 15 janvier 2016, font dire à certains journalistes spécialisés dans les questions militaires[2] que « l’opération Barkhane a été contournée » et que la question à la fois de son coût -700 millions par an-, et de son terme, doit donc être posée. Jean-Dominique Merchet écrit même que « (…) Barkhane est victime du syndrome de la ligne Maginot. Ces opérations empêchent l’ennemi de passer là où l’on a décidé qu’il ne passerait pas, mais il n’en a cure et prend un autre chemin ».Cet avis rappelle la controverse Lyautey-Pétain quand, durant la guerre du Rif, le second, qui ne connaissait le Maroc que par les cartes, reprochait au premier sa manoeuvre d’étouffement d’Abd el-Krim parce qu’elle ne donnait évidemment pas les résultats immédiatement visibles qu’aurait pu produire un frontal assaut de tranchée... Oublions donc les visions métropolitaines et même à certains égards « betteravières », pour ne prendre en compte que les réalités des grands espaces de l’ouest africain. Or, ces derniers ne peuvent s’analyser en chambre: 
1) Les connaisseurs de la région savent que sans quadrillage de l’immense zone saharo-sahélo-guinéenne, il est impossible d’éradiquer le jihadisme. Or :- Nos moyens drastiquement réduits par le couple Sarkozy-Morin nous l’interdisent.- De plus, et même à supposer que nous puissions couvrir toute cette région, nous ne contrôlerions pas pour autant l’Algérie, la Libye et le Nigeria d’où pourraient être lancées des actions terroristes.- Plus encore, nous n’aborderions toujours que le volet militaire alors que le fond du problème devient de plus en plus celui de la wahhabisation des populations de la bande sahélo-guinéenne qui fournit un terreau fertile aux jihadistes.
2) Dans ces conditions, à moins d’abandonner l’ouest africain pour consacrer tous nos moyens à une illusoire « ligne Maginot » métropolitaine de type « Sentinelle », que pouvons-nous faire d’autre que de perturber les mouvements terroristes, limiter leur liberté d’action, empêcher leur coagulation et couper leurs liaisons avec leurs bases de Libye ? Ce que fait excellemment Barkhane…Nous avons en effet deux priorités :- La première est de rendre la plus hermétique possible la frontière entre la Libye et le Niger, afin d’éviter le ré-ensemencement du jihadisme sahélien à partir de la Libye.- La seconde est de protéger la région du lac Tchad, pivot régional, afin d’éviter l’embrasement du Cameroun et de toute la sous-région à partir du foyer allumé par Boko Haram.Or, jusqu’à présent, Barkhane a parfaitement rempli cette double et difficile mission, notamment, mais pas exclusivement, grâce aux implantations dans la zone de la passe Salvador-Toumno-Madama. Cependant, et sur ce point Jean-Dominique Merchet a raison, et je ne cesse d’ailleurs de mettre en garde mes auditoires militaires, car il ne faudrait pas que cette barrière défensive installée dans le nord du Niger, devienne effectivement une « ligne Maginot ». En plus d’être vulnérable[3], elle est en effet facilement contournable à l’ouest, à partir des passes orientées est-ouest qui tombent du plateau de l’Acacus pour confluer sur la frontière algérienne[4]. Les actuels bons rapports que Paris et Alger entretiennent devraient (en principe…) mettre nos forces à l’abri de mauvaises surprises venues de la région de la passe d’Anaï. Quant à un contournement depuis l’est, c'est-à-dire par le Tchad, comme il devrait se faire par l’espace de peuplement toubou, il se heurterait aux forces armées tchadiennes et à nos éléments sur zone.
3) La critique de Barkhane ignore un autre résultat essentiel de l’opération qui est que les trafiquants commencent à se séparer des jihadistes. Nous sommes là au cœur du problème :- C’est en effet sur les réseaux de la contrebande transsaharienne que se sont originellement greffés les jihadistes repliés d’Algérie ;- Or, les incessantes patrouilles de Barkhane, même si elles ne sont pas prioritairement dirigées contre eux, perturbent les trafics. Comme, de plus, les katibas jihadistes ont été défaites et dispersées, comme elles ne disposent plus de leur sanctuaire des Iforas et comme elles ne se meuvent plus en terrain conquis, elles n’inspirent donc plus la même peur aux trafiquants qui voient leurs « affaires » péricliter en raison de la guerre.- Nous savons que pour ces derniers, la question qui se pose est désormais simple : faut-il continuer à collaborer avec des jihadistes dont la présence conduit les Français à « mettre le nez » dans des activités de contrebande ancestrales et vitales pour les populations de la zone ?
4) Bousculés dans la partie nord peu peuplée de la zone saharo-sahélienne, et s’y sentant moins en sécurité qu’auparavant, les jihadistes ont replié leurs « états-majors » en Libye, à l’abri de Barkhane. Parallèlement, ils ont ouvert les hostilités plus au sud, dans la bande sahélo-guinéenne, d’où de nombreuses attaques dans la région de Mopti au Mali et sur la frontière du Burkina Faso, là où les populations sont en cours de wahhabisation. Le site Mondafrique nous apprend à cet égard  que pour la seule année 2013, près de 722 missions  « humanitaires sont parties du Qatar vers le Burkina Faso (…) ». Or,  ces « actions humanitaires qataries servant de cheval de Troie à l’islam radical sont concentrées sur les zones frontalières entre le Mali et le Burkina ». Là est désormais le vrai problème. Or, il échappe aux militaires de Barkhane puisqu’il est politique : la France peut-elle lutter contre le jihadisme ouest africain tout en continuant à privilégier des rapports politiques et commerciaux avec un Qatar clairement à l’origine de la radicalisation des populations de la zone que nous protégeons ?
En définitive,1) Si nous allégions Barkhane, nous provoquerions un appel d’air pour les jihadistes de la zone saharo-sahélienne qui auraient tôt fait de reprendre le contrôle des régions  d’où ils furent chassés par Serval, ainsi que des réseaux de contrebande sur lesquels ils avaient ancré leur précédente implantation.2) C’est tout au contraire à un élargissement et à un renforcement de Barkhane que nous devrions procéder, mais en y associant des unités mixtes franco-africaines à recrutement local,c'est-à-dire ethno-régional et non national, dont l’élément français serait composé d’éléments permanents, et dont les cadres, qui devraient parler la langue de ceux qu’ils auraient à commander, auraient reçu une formation du type des anciennes « Affaires indigènes ».3) Enfin, dans l’optique de l’intervention internationale qui devrait se faire en Libye, le rôle de Barkhane serait d’une telle évidence qu’il est inutile de développer ce point. 
Bernard Lugan20/01/2016 

[1] Cette opération a été lancée le 1er août 2014.[2]Notamment Jean-Dominique Merchet sur son blog Secret Défense.[3]Nous savons que les jihadistes  cherchent à y lancer une opération suicide doublée d’un assaut rapide dont les conséquences politiques pourraient être dévastatrices.[4] Voir à ce sujet les cartes de mon « Atlas des guerres africaines ». Pour le commander, cliquer ici.
Catégories: Afrique

Derrière l’attaque meurtrière à Ouagadougou (Burkina Faso)

sam, 16/01/2016 - 12:40
Au moment où, paniqués par la progression de Daesh en Libye, certains en sont quasiment arrivés à croire qu’il était possible de soutenir une partie des jihadistes contre les autres, le massacre commis à Ouagadougou venant après celui de l’hôtel Radisson de Bamako le 20 novembre 2015, rappelle que nous sommes en présence d’un même phénomène. Comme en Syrie, où le président Poutine ne cesse de  dire qu’il n’y a pas plus de jihadistes « modérés » qu’au Sahel.Au-delà de la description événementielle et journalistique, l’analyse du massacre qui vient de se produire à Ouagadougou peut se faire autour de quatre points : 
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Libye : comment empêcher la victoire de l’Etat islamique ?

sam, 09/01/2016 - 14:18
Le 4 janvier, depuis son bastion de la région de Syrte, Daesh (Etat islamique) a lancé une offensive contre les ports de Cyrénaïque par lesquels la Libye exporte 40% de son pétrole brut. A l’heure où ces lignes étaient écrites, les terminaux de Sidra et de Ras Lanouf étaient en flammes. Au même moment, dans tout le pays, l’Etat islamique revendiquait des attentats sanglants. Depuis plusieurs mois l’Afrique Réelle annonce que Daesh a décidé d’ouvrir un second front après celui du Proche-Orient et que des avions partis de Turquie déposent en Libye des jihadistes retirés de Syrie.De même, l’Afrique Réelle est en mesure d’affirmer aujourd’hui que les opérations de Daesh sur les terminaux pétroliers libyens cachent ou préparent une offensive qui vise la région tchado nigériane, le sud du Mali et peut-être même jusqu’à la Centrafrique.
Comment vitrifier ce cancer qui métastase à partir d’une Libye territorialement partagée entre les diverses obédiences du jihadisme et où la situation ressemble désormais à celle que connaît la Syrie? A deux différences près toutefois :- En Libye, il n’existe pas un Bachar el Assad sur lequel ancrer la résistance puisque le colonel Kadhafi a été lynché, sodomisé avec une baïonnette, puis assassiné par ces « gentils islamistes démocrates » chers à BHL qui, aujourd’hui, supplient l’Europe de voler à leur secours;- En revanche, la chance de la Libye est qu’elle n’a pas un voisin turc jouant double ou même triple jeu.
Alors que convient-il de faire et surtout, de ne pas faire ?
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L'Afrique Réelle N°73 - Janvier 2016

dim, 03/01/2016 - 02:17
Sommaire  Actualité :  - Afrique du Sud : «Zuma must fall »- Libye : L’intervention militaire est nécessaire
Dossier : La conflictualité et les tensions africaines en 2016  - L’Afrique du Nord sous tension- La contagion jihadiste du Sahel à la bande sahélo-guinéenne- La Corne : entre conflit permanent et résurgent- Centrafrique, Soudan du Sud et Burundi : les nouvelles zones grises

Editorial de Bernard Lugan : Le retour de l’afro-réalisme
En 2015, l’Afrique a connu une grande révolution liée à l’effondrement du prix du baril. Ceux qui affirmaient il y a encore quelques mois que le pétrole allait devenir de plus en plus rare et qu’il fallait d’urgence entrer dans un nouveau modèle industriel, sont aujourd’hui bien silencieux face à la surabondance de l’or noir que le marché ne parvient plus à absorber.
Ce phénomène a deux causes :
- La première est conjoncturelle, et il s’agit du ralentissement économique de la Chine.
- La seconde est structurelle. Elle découle du fait que, contrairement aux prévisions alarmistes, il y a en réalité du pétrole partout dans le monde et les progrès constants de la technologie permettent de l’extraire à des profondeurs de plus en plus grandes. Sans parler naturellement de l’arrivée du pétrole de roche américain.
Or, cette surabondance va durer dans la mesure où l’Iran n’est pas encore revenu sur le marché, cependant que les productions de Syrie et de Libye sont fortement handicapées par la guerre. Seule une crise majeure affectant le Moyen-Orient et le Golfe persique pourrait inverser en profondeur cette tendance.
Pour l’Afrique, le résultat de cette situation est catastrophique car une quinzaine de pays sur 54 sont des monoproducteurs tirant entre 75 et 98% de leurs recettes de la manne des hydrocarbures[1]. Ce sont les « locomotives » économiques africaines dont les « experts » ont tant vanté le « démarrage » durant les années 2013 et 2014. C’est en ayant les yeux fixés sur des statistiques artificielles et leur pensée rivée à des modèles mathématiques désincarnés qu’ils ont pu écrire que l’Afrique avait démarré. Hélas, ce prétendu « décollage » fantasmé était suspendu à une envolée artificielle et passagère des cours[2].
Or, ces pays qui s’étaient subitement enrichis et qui, pensant que la manne était éternelle, ont dépensé sans compter, se trouvent aujourd’hui face à des échéances qui ne sont plus couvertes. Les voilà donc contraints de s’endetter pour continuer à financer des projets non soldés ou tout simplement pour acheter la paix sociale et éviter la révolution. A peine sortis de la mortelle spirale de l’endettement des années 1980-1990, les voilà donc qui y replongent en priant pour que les cours remontent.Si nous ajoutons à la trentaine de pays vivant de l’exportation des matières premières pétrolières et minières, ceux qui sont ravagés par des guerres civiles, ethniques et religieuses, la situation du continent est donc apocalyptique, sur fond de suicide démographique.
Nous voilà donc loin de cet « afro-optimisme » de commande asséné par les butors de la sous-culture médiatique et les experts auto-proclamés. Une fois de plus, l’afro-réalisme est donc de retour.
Bernard Lugan
[1] Les pays producteurs de minerais sont également affectés par la baisse des cours du cuivre, du fer etc.[2] J’ai longuement expliqué ce phénomène dans mon livre « Osons dire la vérité à l’Afrique », le Rocher, 2015.
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Bernard Lugan fait le point sur la situation libyenne sur TV Libertés

sam, 19/12/2015 - 13:50


NB:  L'interview de Bernard Lugan commence à la 32e minute de la vidéo.
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L'Afrique Réelle N°72 - Décembre 2015

dim, 29/11/2015 - 15:05
Sommaire :
Actualité :- Burundi : retour vers le chaos- Algérie : l’hypothèse Saïd Bouteflika est-elle crédible ?
Histoire :Ile Maurice : Trois cent ans après...
Dossier : Les changements climatiques en Afrique : mise en perspective
- L’homme est-il responsable du réchauffement climatique ?- Et si l'Afrique avait tout à gagner du « réchauffement climatique » ?- Les changements climatiques expliquent la naissance de la civilisation égyptienne

Editorial de Bernard Lugan
Au Mali rien n'est réglé
La prise d'otages de l'hôtel Radisson à Bamako marque un tournant dans la guerre de conquête déclenchée par les islamistes. Ses auteurs ne sont en effet pas des nordistes « blancs », Maures ou Touareg, mais des sudistes « noirs ». Grâce aux financements des monarchies pétrolières du Golfe, au premier rang desquelles l'Arabie saoudite, un nouvel islam arabo-africain est aujourd'hui en pleine expansion face à l'islam africain traditionnel. Vecteur d'un jihadisme ayant métastasé dans le sud du Sahel, irrigué par les trafics en tous genres, il recrute désormais au sud du fleuve Niger où il offre une perspective de revanche à certains peuples en s'enkystant sur leurs résurgences identitaires.
Comme le Mali partage 1000 kilomètres de frontière avec le Burkina Faso, 858 avec la Guinée et 532 avec la Côte d'Ivoire, les porosités qui en découlent sont annonciatrices de futurs embrasements.Après la région saharo-sahélienne nos forces vont donc devoir se préparer à intervenir dans la bande sahélo-guinéenne. C'est donc à une refondation de notre outil militaire que vont devoir penser les dirigeants politiques français. C'est en effet à un véritable quadrillage de toute cette immense zone qu'il va falloir peu à peu procéder en reconstituant, aux côtés des unités tournantes, des éléments spécialisés. Composés de Français et de nationaux encadrés par des officiers formés aux méthodes des anciennes « Affaires indigènes », ils seront à même à la fois de recueillir le renseignement, de « loger » les groupes armés et d'éviter le basculement des populations.
Le temps long du climat africain
Sans entrer dans la querelle entre « réchauffistes » et « climatosceptiques », au moment où se tient la Conférence sur le climat (Cop21), le passé de l'Afrique permet de mettre en perspective certaines affirmations assénées comme le credo d'une nouvelle religion à laquelle nous sommes sommés de croire avec la même obligation qu'à celle du « vivre ensemble ».
Par le passé, l'Afrique a connu de très amples variations climatiques, et, comme son actuel réchauffement a débuté vers 2500 avant JC, quatre questions méritent d'être posées :
1) Ce réchauffement est-il cyclique ?2) Est-il global ?3) Est-il naturel ou d'origine humaine ?4) Est-il une calamité annoncée ?
C'est à ces questions que répond ce dernier numéro de l'année 2015 en partant d'une réalité scientifique, c'est à dire observable et vérifiée, qui est qu'il est démontré que le désert du Sahara n'a pas toujours occupé l'espace qui est le sien aujourd'hui. Par le passé, il fut en effet tantôt plus vaste, tantôt plus réduit (voir les cartes de la page 11 de la revue) et cela, en fonction de la succession d'épisodes chauds, donc humides, ou bien froids, donc arides, que connut l'Afrique.Or, durant ces lointaines époques, les hommes ne faisaient que saupoudrer de leur présence les immensités continentales, ils ignoraient le moteur diesel et ils n'utilisaient pas l'énergie tirée du charbon. Il est donc difficile de leur attribuer la responsabilité de ces bouleversements climatiques dont les causes étaient bien évidemment naturelles.
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Derrière la prise d'otages de Bamako

sam, 21/11/2015 - 17:15
(Ce communiqué peut être repris à la condition d'en citer la source)

L'attentat tragique de Bamako s'explique par la progression vers le sud d'un islamisme armé ayant profité du vide créé par la désastreuse intervention militaire française de 2011 en Libye. Qui plus est, les réductions opérées sous la présidence de Nicolas Sarkozy ont eu pour conséquence de livrer au gouvernement de François Hollande, un outil militaire très affaibli. Dans ces conditions, malgré les prouesses opérées par les 3000 soldats français chargés de stabiliser un désert de près de 3 millions de kilomètres carrés, il était impossible à nos Armées, en raison même de leur format, de prévenir tout risque d'attentat au Mali. Si le président Sarkozy n'avait réduit de façon si drastique les forces pré positionnées françaises, notamment à Bamako, en déclarant en 2006 dans cette même ville que "la France n'a pas besoin de l'Afrique", il est fort probable que les islamistes n'auraient jamais osé s'en prendre de la sorte aux intérêts européens.
Ceci étant, dans l'affaire de la prise d'otages de Bamako, six éléments ne doivent pas être perdus de vue :
1) Les autorités maliennes ont pour ennemis prioritaires les séparatistes touareg. Les jihadistes qui combattent ces derniers et qui ne demandent pas la partition du Mali sont de fait des alliés.
2) Refusant de reconnaître qu'elles ont laissé les jihadistes gangrener Bamako, ces mêmes autorités maliennes ont donc été promptes à faire porter la responsabilité de l'attaque de l'hôtel Radisson sur l'ennemi "nordiste" (touareg), ou sur des étrangers (le jihadiste algérien Moktar ben Moktar).
3) L'émiettement du pouvoir central s'accélère. L'armée malienne étant incapable de contrôler le pays, les autorités de Bamako ont en effet  encouragé la création de milices ethniques destinées à lutter contre les Touareg. Au nord, nous avons ainsi le GATIA ( Groupe d'auto défense touareg Imghad et alliés) dirigé par le colonel Ag Gamou. Au sud du fleuve, le FLM (Front de libération du Macina), héritier des milices peul d'auto-défense des années 2000 a basculé dans le fondamentalisme inspiré de la secte Dawa d'origine pakistanaise. Or, avec le Macina, c'est le coeur même du Mali qui est touché, et non plus les extrêmes périphéries sahariennes nordistes. Après les Touareg, les Maures et les Peul, les Sénoufo vont-ils à leur tour créer un groupe armé pour revendiquer la renaissance de leur Kénédougou?
4) Contrairement à ce qui est toujours écrit, au Mali, comme dans tout le Sahel, nous ne sommes pas d'abord face à une guerre de religion, mais en présence de résurgences de conflits historiques, ethniques, raciaux et sociaux sur lesquels, avec opportunisme, se sont greffés les islamistes. Le fondamentalisme islamique n’est donc pas la cause de la septicémie  sahélienne, mais la surinfection d’une plaie géo-ethnique.
5) Ceci étant, tout le Sahel est actuellement confronté à une tentative hégémonique de la part d'un islam radical, sorte de fourre-tout sublimant déceptions, désillusions et frustrations, comme hier le marxisme. Cet islam révolutionnaire financé par les monarchies pétrolières du Golfe a connu une progression silencieuse avant de s'affirmer aujourd'hui au grand jour avec l'introduction de normes nouvelles comme la prière de nuit (le tahajjud), la burqa, la séparation des sexes ou encore de nouveaux rites mortuaires.
6) Nous assistons à un renversement du paradigme nordisme = islam et sudisme = christianisme. La conversion galopante des ethnies sudistes a en effet changé la nature de l’islam local à travers la fabrication d’une artificielle identité africaine arabophone musulmane qui échappe de plus en plus aux structures traditionnelles.
NB : Pour tout ce qui concerne l'insolite et dévastatrice guerre que Nicolas Sarkozy, inspiré par BHL, déclencha contre le colonel Kadhafi, ainsi que sur ses conséquences régionales, voir mon livre Histoire et géopolitique de la Libye (novembre 2015), uniquement disponible à l'Afrique Réelle.
Pour le commander, cliquer ici.

Bernard Lugan
21/11/15
Catégories: Afrique

Nouveau livre de Bernard Lugan : Histoire et géopolitique de la Libye

mer, 04/11/2015 - 15:25

























Histoire et géopolitique de la Libye, des origines à nos jours
- 225 pages 
- 25 cartes couleur
- Importante bibliographie et index (nom des personnages, des peuples et des tribus)

Prix :
32€ pour livraison en France
34€ pour l'Europe
37€ pour le reste du monde

Présentation : 
Collés à l'immédiat, journalistes et "experts" décrivent le chaos libyen. Ils ne l'expliquent pas. Ne connaissant ni les couches sédimentaires historiques, ni la marqueterie tribale du pays, ils en seraient d'ailleurs incapables.Or, les origines du drame et ses conséquences, tant locales que régionales et migratoires, ne peuvent être analysées et comprises qu'à travers les permanences de cette société profondément originale qu'est la Libye.
Vieille terre berbère islamisée puis arabisée par la violence, cette dernière se caractérise à la fois par la faiblesse du pouvoir central et par la vitalité de ses forces tribales.Au nombre de plusieurs dizaines si nous ne comptons que les principales, mais de plusieurs centaines si nous prenons en compte leurs subdivisions, les tribus libyennes sont groupées en trois grandes alliances régionales : la confédération Sa'adi en Cyrénaïque, la confédération Saff al-Bahar  dans le nord de la Tripolitaine et la confédération Awlad Sulayman qui occupe la Tripolitaine orientale et intérieure ainsi que le Fezzan.Au sein de ces alliances, agissant comme de véritables "fendeurs d'horizon", les tribus les plus fortes contrôlaient jadis les couloirs de nomadisation sur l'axe Méditerranée-Tchad. Les trafics d'aujourd'hui (notamment drogue et migrants), se font le long de ces anciennes voies sur lesquelles les jihadistes-contrebandiers  bénéficient de solidarités lignagères séculaires.
Faute d'avoir pris en compte ces données pourtant essentielles, ceux qui, au nom de l'illusion démocratique, déclenchèrent l'intervention franco-britannique de 2011 contre le colonel Kadhafi sont les responsables directs de l'actuel chaos. Or, par le biais des migrations, celui-ci frappe à nos portes. Face à un tel danger, la pacification de la Libye est un impératif vital. Il serait cependant singulièrement inconséquent de vouloir l'obtenir au nom de l'utopie démocratique et sans prendre en compte son archéologie tribale.
Fondé sur le seul réel, à savoir la terre, les hommes et leur histoire, ce livre donne les véritables clés de compréhension d'une crise qui menace directement l'Europe. Il permet de poser le bon diagnostic et donc de définir les bons remèdes.
IMPORTANT : Edité par l'Afrique Réelle, ce livre n'est pas vendu dans le commerce. 

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Catégories: Afrique

L'Afrique Réelle n°71 - Novembre 2015

ven, 30/10/2015 - 14:22
Sommaire  Actualité :Algérie : Saïd Bouteflika se prépare-t-il à succéder à son frère ?
Economie :Afrique : l'impasse économique
Dossier :Islam et islamisme en Afrique sud saharienne
- L'islam africain traditionnel- Le wahhabisme à la conquête de l'Afrique- L’islam radical, nouvel horizon révolutionnaire africain- Pourquoi les Européens sont-ils désarmés face à l’islam révolutionnaire africain ?

Editorial de Bernard Lugan
Fin de règne à Alger
En Algérie, c'est une course pour la survie qui vient d'être engagée par la famille du président Bouteflika. Afin de neutraliser par avance toute contestation du président qu'elle voudrait se choisir, l'armée et les forces de sécurité sont actuellement épurées des cadres qui ne lui ont pas fait allégeance. La longue liste des suspects (voir la page 3 de la revue), vient encore de s'allonger avec la mise à la retraite de 12 généraux et de 2 colonels du DRS (les services spéciaux), ainsi que de 14 colonels de la justice militaire.Deux hommes exécutent la manoeuvre décidée par Saïd Bouteflika, le frère du président moribond. Le général Gaïd Salah, chef d'état-major et vice-ministre de la Défense est chargé d'épurer l'armée. Le général Tartag a, quant à lui, reçu pour mission de « nettoyer » le DRS de tous ceux qui pourraient avoir conservé des liens avec le général Mediene, leur ancien chef évincé le 13 septembre.
De 1999, date de l'arrivée au pouvoir d'Abdelaziz Bouteflika à 2013, veille de l'actuelle crise pétrolière, l'Algérie a engrangé entre 800 et 1000 milliards de dollars de revenus tirés des hydrocarbures. Où est passée cette somme colossale ? Aucune industrie n'a été créée, aucun véritable développement agricole n'a été entrepris. La rue va donc demander des comptes.Or, ceux qui ont pillé le pays ont fait un pari : la nomenklatura élargie qui a profité de la manne des hydrocarbures n'a pas intérêt à pousser à la déstabilisation politique dont elle serait la première victime. Elle jouera donc la sécurité en se ralliant à celui que le clan Bouteflika aura désigné. Comme la situation régionale est hautement explosive et que l'Algérie est un maillon essentiel dans la lutte contre le terrorisme, les pays européens n'ont pas davantage intérêt à une explosion de l'Algérie, et c'est pourquoi ils entérineront ce choix.
Il n'est cependant pas certain que cela suffise à empêcher de graves évènements car, en raison de l'effondrement des cours du pétrole, l'Etat n'est plus en mesure d'acheter la paix sociale. Pour calmer la rue, le gouvernement a assuré qu'il ne toucherait pas aux subventions et il a construit un projet de budget 2016 basé sur un baril à 45 dollars[1]. Certes, mais selon la Banque mondiale et le FMI, pour éviter la faillite, l'Algérie a besoin d'un baril à plus de 100 dollars...
Les autorités ne cessent de faire remarquer que l'Algérie a déjà connu ce genre de situation, notamment en 1986, mais qu'elle a toujours réussi à se redresser. La comparaison est abusive car, entre 1986 et 2015, la population algérienne ayant doublé il y a  aujourd'hui deux fois plus d'hommes, de femmes et d'enfants à nourrir, à soigner et à vêtir ; or l'Algérie qui ne produit rien, achète tout à l'extérieur... Comment le fera-t-elle dans 18 mois quand ses 150 milliards de réserves de change auront disparu ? En 1986, les importations annuelles n'étaient en effet que de 6 milliards de dollars contre, officiellement, 60 milliards - et peut-être 80 ou 90 milliards - aujourd'hui. Quant aux subventions, elles atteignaient alors 10% du PIB contre plus de 30% aujourd'hui.
[1] Celui de 2015 l'était sur un baril à 60 dollars.
Catégories: Afrique

Allons-nous intervenir en Libye au profit d’Al Qaïda et des Frères musulmans ?

jeu, 15/10/2015 - 13:55
En Libye, près de 300 kilomètres de littoral sont aux mains d’un Etat islamique que rien ne semble pouvoir arrêter. A partir de cette fenêtre sur la Méditerranée, des terroristes mêlés aux clandestins rebaptisés « migrants » s’infiltrent en Europe. Contrairement aux annonces de la presse internationale, les efforts désespérés de M. Bernardino Leon, Emissaire des Nations unies pour la Libye, et qui, depuis plus d’un an, cherche à obtenir un accord inter-Libyen, n’ont pas débouché sur une solution politico-militaire viable.
Face à cette situation plus que périlleuse pour notre sécurité, une opération militaire serait donc envisagée. Or, celle à laquelle pensent nos diplomates aurait pour résultat de donner le pouvoir à des islamistes aussi dangereux que ceux de l’Etat islamique… Comme en Syrie où, si le président Poutine n’avait pas sifflé la fin de la récréation, le Quai d’Orsay voulait faire remplacer le président Assad par de « gentils démocrates » salafistes. En Libye, ce serait au profit des Frères musulmans et d’Al-Qaïda (ou de ses diverticules) que nos forces pourraient être engagées. Comme elles le furent hier à l’avantage des musulmans de Bosnie et du Kosovo…
L’idée française serait en effet  de miser sur la cité-Etat de Misrata, fief des Frères musulmans et base avancée turque en Libye. Ses milices [1] sont certes parmi les plus opérationnelles du pays, mais elles sont détestées par la plupart des tribus de Tripolitaine et de Cyrénaïque. Intervenir en appui de Misrata permettrait peut-être de freiner les forces de l’Etat islamique, mais en nous aliénant les vraies forces vives du pays.Ce plan envisagerait également un renforcement de la coopération avec les islamistes de Tripoli qui reçoivent actuellement des renforts jihadistes acheminés par voie aérienne depuis la Turquie. Comme si, pressé en Syrie par la Russie, le président Erdogan voulait ouvrir un second front en Libye.
Or, et il importe de ne pas perdre de vue deux éléments essentiels : 

1) Comme notre ami-client égyptien est en guerre contre les Frères musulmans d’Egypte, l’arrivée au pouvoir de cette organisation en Libye ferait courir un danger mortel au régime du général Sissi.

2) Aucune intervention franco-européenne ne peut se faire sans, au moins, la neutralité de l’Algérie. Or, qui commande à Alger ? Les clans qui guettent la mort du président Bouteflika pour s’emparer du pouvoir ont en effet des positions contradictoires à ce sujet. Certains sont farouchement opposés à toute intervention étrangère, d’autres l’accepteraient sous certaines conditions, cependant  que ceux qui espèrent obtenir le soutien des islamistes feront tout pour torpiller une opération franco-européenne.
La réalité est donc cruelle. Ce n’est pourtant pas en la niant que nous avancerons. Face au chaos libyen il n’existe en effet pas de solution miracle qui permettrait de refermer les plaies ouvertes par MM. Sarkozy et BHL.La solution consisterait peut-être à « renverser la table » et à changer de paradigme en oubliant les « solutions électorales » et les constructions européo-centrées fondées sur les actuels acteurs libyens. Comme rien ne pourra se faire sans les tribus, c’est donc en partie sur ces dernières que toute opération viable devrait être fondée. Autrement, dans le théâtre d’ombres libyen, nos figurants politiques ne feront que traiter avec des figurants locaux.
Le problème de fond est que les alliances tribales sur lesquelles reposait l’ordre socio-politique libyen ont été éclatées par l’intervention franco-otanienne de 2011. Dans le vide alors créé se sont engouffrés des acteurs secondaires devenus artificiellement les maîtres du jeu. Qu’il s’agisse de Misrata, des islamistes de Tripoli et de Derna, puis ensuite de ceux de l’Etat islamique.Toute pacification de la Libye passe donc par :

1) Le rééquilibrage entre les vrais acteurs tribaux et ces acteurs secondaires devenus incontournables et qu’une intervention franco-européenne aboutirait à installer seuls au pouvoir.

2) La levée du mandat d’arrêt international lancé contre Saïf al-islam Kadhafi qui est le seul actuellement en situation de pouvoir reconstituer les alliances tribales libyennes (voir mon communiqué en date du 24 septembre 2015).
Très modestement, il faut bien voir que ce sont là des mesures de long terme. Or, dans l’immédiat, il est urgent de bloquer la progression de l’Etat islamique tout en coupant le flot migratoire partant essentiellement des zones tenues par ceux que nos diplomates considèrent déjà comme nos « alliés », à savoir les  islamistes de Tripoli et les Frères musulmans de Misrata…Alors, oui à une intervention, mais à la condition de ne pas la lancer à la légère.

Bernard Lugan
15/10/2015

[1] Ce sont elles qui lynchèrent le colonel Kadhafi.
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L'Afrique Réelle N°70 - Octobre 2015

sam, 03/10/2015 - 15:27
Sommaire   Actualité :- Algérie : une situation sans issue ?- Chine-Afrique, l’illusion se dissipe  Dossier Centrafrique :Quel bilan pour l'opération Sangaris ?
- Les spécificités du conflit centrafricain- Le déclenchement de la guerre- Les perspectives géopolitiques
Histoire :Quand les Arabes colonisaient les Berbères

Editorial de Bernard Lugan : Le retour au réel
Comme l'écrit Thomas Flichy dans un article intitulé « Géopolitique : retour aux règles du jeu »[1], les faux paradigmes d'hier ont volé en éclats cependant que les paradigmes prétendument désuets, se sont au contraire révélés opérants.C'est donc à un retour au réel que nous assistons. Obstinément nié depuis 1945 au nom d'une idéologie désincarnée, ce réel revient en force depuis l'éclatement des blocs à travers la renaissance de la vieille Russie, le retour de l'Iran, l'éveil de la Chine et de l'Inde.Aveugles à la perte du monopole intellectuel découlant de ce basculement géographique et géopolitique, les responsables « occidentaux » ont continué à vouloir régir le monde au nom de leurs vieilles lunes. Ils y ont même ajouté de nouveaux impératifs catégoriques comme la féminisation de la société et la place réservée aux minorités sexuelles. Sans voir que ces règles, applicables à eux-mêmes, soit à moins de 15% de la population mondiale, sont rejetées par 85% de l'humanité...
Prisonniers de leurs dogmes, autistes et sourds à la fois, ils sont désemparés quand le réel leur explose à la figure. Comme en Syrie où, au nom des « droits de l'homme », ils ont armé les pires fanatiques et mis à bas une société multi-confessionnelle. Or, voilà qu'après avoir parlé du président Assad comme d'un nouvel Hitler, acculés par les évidences, ils se préparent, toute honte bue, à discuter avec lui.
En Afrique, le mythe universaliste négateur des ethnies (lire des enracinements et des différences) a gravement mutilé le continent. N'est-on pas allé jusqu'au bout de l'absurde avec ces africanistes français (Jean-Pierre Chrétien, Catherine Coquery-Vidrovitch, Jean-Loup Amselle et leurs élèves), qui ont osé soutenir que les ethnies africaines étant des créations coloniales, elles devaient être écartées des grilles d'analyse politiques et géopolitiques. Or, ces errements intellectuels sont une insulte faite à l'Afrique car ils sous-entendent que les peuples africains ont tout reçu des colonisateurs, jusqu’à leur nom et leur identité. Avant la colonisation, le continent n'était-il donc peuplé que de masses indifférenciées ?Mais là encore, le réel est de retour et ces arrogantes prétentions universalistes n'apparaissent plus aujourd'hui que comme la butte témoin d'une pensée prisonnière d'impératifs idéologiques anachroniques car nés dans les années 1950.
L'exemple de la Libye est éloquent à cet égard. Désintégrée au nom des « droits de l'homme » et de la démocratie universelle, puis plongée dans un chaos sans nom, voilà qu'elle se tourne vers le réel pour sortir de l'abîme. Or, ce réel prend l'exact contre-pied des principes abstraits au nom desquels fut déclenchée la guerre contre le colonel Kadhafi : c'est celui des tribus dont on nous disait hier encore qu'elles appartenaient au passé.Le 14 septembre 2015, un coup de tonnerre a ainsi retenti dans le ciel serein des certitudes démocratiques européo centrées quand le Conseil suprême des tribus de Libye désigna Seif al-Islam Kadhafi comme son représentant légal. Désormais, voilà donc un fils du défunt colonel seul habilité à parler au nom des vraies forces vives du pays... Contre les universalistes. Qu'ils soient islamistes ou démocrates.

[1] Thomas Flichy est professeur aux Ecoles de Saint-Cyr-Coëtquidan et cet article est à paraître dans la revue Le Casoar.
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Un fils du colonel Kadhafi sera t-il le futur chef de l'Etat libyen ?

jeu, 24/09/2015 - 15:41
Le 14 septembre 2015, un coup de tonnerre a retenti dans le ciel serein des certitudes démocratiques européo centrées quand le Conseil suprême des tribus de Libye désigna Seif al-Islam Kadhafi comme son représentant légal. Désormais, voilà donc un fils du défunt colonel seul habilité à parler au nom des vraies forces vives de Libye...Les abonnés à l'Afrique Réelle et les lecteurs de ce blog ne seront pas surpris par cette nouvelle puisque, depuis 2012, je ne cesse d'écrire :
1) Que la pacification de la Libye ne pourra se faire qu'à partir des réalités tribales.2) Que le seul à pouvoir reconstituer l'alchimie tribale pulvérisée par l'intervention militaire de 2011, est Seif al-Islam que son père, le colonel Kadhafi, avait pressenti pour lui succéder, et qui est actuellement "détenu" par les milices de Zenten.
Mes analyses ne procédaient pas du fantasme, mais du seul réel qui est que :
1) En Libye, la grande constante historique est la faiblesse du pouvoir par rapport aux tribus. Au nombre de plusieurs dizaines, si toutefois nous ne comptons que les principales, mais de plusieurs centaines si nous  prenons en compte toutes leurs subdivisions, ces tribus sont groupées en çoff (alliances ou confédérations).
2) L'allégeance des tribus au pouvoir central n'est jamais acquise.
3) Les bases démographiques des groupes tribaux ont glissé vers les villes, mais les liens tribaux ne se sont pas distendus pour autant.
Le colonel Kadhafi fonda son pouvoir sur l'équilibre entre les trois grands çoff libyens, à savoir la confédération Sa'adi de Cyrénaïque, la confédération Saff al-Bahar  du nord de la Tripolitaine et la confédération Awlad Sulayman de Tripolitaine orientale et du Fezzan à laquelle appartiennent les Kadhafda, sa tribu. De plus, à travers sa personne, étaient associées par le sang la confédération Sa'adi et celle des Awlad Sulayman car il avait épousé une Firkèche, un sous clan de la tribu royale des Barassa. Son fils Seif al-Islam se rattachant donc à la fois aux Awlad Sulayman par son père et aux Sa'adi par sa mère, il peut donc, à travers sa personne, reconstituer l'ordre institutionnel libyen démantelé par la guerre franco-otanienne. Mais pour comprendre cela, encore faut-il se rattacher à la Tradition lyautéenne des "Affaires indigènes" et répudier l'approche universaliste des "cerveaux à noeud" du quai d'Orsay.
Aujourd’hui, les alliances tribales constituées par le colonel Kadhafi ont explosé; là est l’explication principale de la situation chaotique que connaît le pays. En conséquence de quoi, soit l'anarchie actuelle perdure et les islamistes prendront le pouvoir en Libye, soit les trois confédérations renouent des liens entre elles. Or, c'est ce qu'elles viennent de faire en tentant de faire comprendre à la "communauté internationale" que la solution passe par les tribus... Certes, mais la Turquie et le Qatar veulent la constitution d'un Etat islamique et la justice internationale a émis un mandat d’arrêt contre Seif al-Islam...
Le 12 octobre, avec son habituel sens de la clairvoyance, sa célèbre hauteur de vue et son immense connaissance du dossier, BHL expliquera certainement cette évolution de la situation libyenne aux auditeurs de l'IHEDN (Institut des Hautes Etudes de la Défense nationale) devant lesquels il doit prononcer une conférence de "géopolitique". Il est en effet bon que les plus hauts cadres civils et militaires sélectionnés pour intégrer cet institut prestigieux, puissent écouter les analyses des experts les plus qualifiés...
NB : Au début du mois de novembre, aux éditions de l'Afrique Réelle, sortira mon livre intitulé "Histoire et géopolitique de la Libye des origines à nos jours" dans lequel, sur la longue durée, est mise en perspective la marqueterie tribale libyenne, clé de compréhension de la situation libyenne actuelle. Ce blog en rendra compte.
Bernard Lugan24/09/2015
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Algérie : "Monsieur Frère" et l'Odjak des janissaires [1]

sam, 19/09/2015 - 16:27
En Algérie, les récents limogeages opérés à la tête de l'armée et des services spéciaux ont une explication: le pays n'est plus gouverné par le président Abdelaziz Bouteflika, mais par Saïd, son frère. Enseveli sous de très graves affaires de corruption, ce dernier sait qu'il ira dormir en prison au lendemain de la mort clinique de son aîné s'il ne s'est pas auparavant taillé un pouvoir à sa main. Or le temps presse puisque, depuis sa réélection le 17 avril 2015, Abdelaziz Bouteflika n'a assisté à aucune  cérémonie officielle en raison de son état de santé...
Voilà pourquoi le général "Toufik" Mediene qui avait osé dénoncer les trafics de "Monsieur frère" vient d'être remplacé à la tête de la DRS (le contre-espionnage) par le général Bachir Tartag. Quand des nominations officielles à des postes importants sont décidées, elles sont normalement annoncées par l'APS (Algérie Presse Service), l'agence de presse officielle; dans le cas présent, ce fut par d'obscurs canaux...remontant directement à Saïd Bouteflika.
Ce remplacement intervient après plusieurs autres, dont ceux du général M'Henna Djebbar, chef de la direction de la sécurité de l'Armée, du général Rachid Laalali, chef de la DSE (Direction de la sécurité extérieure), du général Ahmed Bousteila, chef de la gendarmerie etc. Tous au profit du général Ahmed Gaïd Salah, chef d'Etat-major et vice-ministre de la Défense, né en 1940.
L'alliance avec l'Etat-major a donc permis à Saïd Bouteflika d'écarter le très puissant général Mediene. Est-elle pour autant un gage de survie? Il est permis d'en douter. Si parmi les hauts cadres de l'Odjak, ceux qui ont des comptes à rendre à la Justice devraient lui rester fidèles, la loyauté des autres est incertaine. Lesquels parmi les généraux, notamment chez les nouvellement promus, voudront en effet apparaître liés aux profiteurs du régime quand la rue grondera dans un dramatique contexte économique et social aggravé par l'effondrement du prix des hydrocarbures[2]?
Dans la course contre la montre engagée par Saïd Bouteflika, trois grandes hypothèses se dégagent:
1) Saïd Bouteflika et l'Etat-major s'entendent pour installer un homme de paille au pouvoir.
2) L'Odjak se refait une "vertu" à bon compte en donnant la tête de Saïd Bouteflika au peuple avant de placer l'un des siens aux commandes.
3) Prenant tout le monde de vitesse, "Monsieur frère" s'empare directement du pouvoir...
Une situation à suivre, mais qui interdit de fonder une politique sécuritaire régionale sur l'Algérie.
Bernard Lugan
19/09/2015

[1] Commandement des Janissaires. Lire ici l'Etat-major de l'armée.[2]Voir à ce sujet les dossiers consacrés à cette question dans les numéros de mai, de juillet et d'août 2015  de l'Afrique Réelle. Le numéro du mois d'octobre y reviendra en l'actualisant. 
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L'Afrique Réelle N°69 - Septembre 2015

jeu, 03/09/2015 - 09:51
Sommaire :
Actualité : La question du Sahara occidental. Point de situation  Dossier : Entre jihadisme libyen et Boko Haram, quel est l'avenir du pivot tchadien ?- L'alchimie des forces ethno-régionales tchadiennes- Boko Haram peut-il menacer la stabilité du Tchad ?- Le verrou tchadien- La pacification de la région sahélo-saharienne est-elle possible ?

Editorial de Bernard Lugan : La démocratie tue l'Afrique
L'Afrique sud saharienne est frappée par deux maladies mortelles, la démographie et la démocratie[1].
Le mal démocratique est la conséquence du « one man, one vote ». La raison en est simple : les fondements individualistes de la démocratie moderne sont incompatibles avec les réalités communautaires des sociétés africaines. Là est la cause principale des conflits qui ravagent le continent au sud du Sahara. Contrairement à ce que psalmodient les tenants de la doxa, ce ne sont ni la question du développement, ni les problèmes économiques qui sont à l'origine des guerres africaines[2] - même si, ici ou là, minerais rares ou précieux peuvent en être le carburant -  mais le Politique. Ainsi :
- Au Soudan du Sud, comme les Dinka sont les plus nombreux, ils sont assurés de détenir le pouvoir, ce que les Nuer refusent. La guerre ne cessera donc pas.
- Au Mali, les Touareg, moins de 5% de la population, sont écartés du pouvoir par la mathématique électorale. Alors que le règlement de la crise passe par la reconnaissance de cette réalité, la seule solution proposée fut la tenue d'élections. Or, pas plus au Mali qu'ailleurs, le scrutin n'a réglé le problème nord-sud car l’ethno-mathématique électorale n'a fait que confirmer la domination politique des plus nombreux, en l'occurrence les Sudistes. D'autant plus que pour ces derniers, les ennemis ne sont pas tant les islamistes que les séparatistes touareg.- En Afrique du Sud, les Blancs (environ 8% de la population) n'ont ethno-mathématiquement parlant aucune chance de l'emporter dans des élections face aux Noirs. A ce clivage racial vient s'ajouter une fracture ethnique qui fait qu'au sein de l'ANC, le parti de gouvernement, les plus nombreux parmi les Noirs, à savoir les Zulu (environ 25%) l'ont ethno-mathématiquement emporté sur les Xhosa (environ 18%). L'avenir du pays s'inscrira donc automatiquement à l'intérieur de cette réalité.
- Au Rwanda, les Tutsi (10% de la population) ont ravi le pouvoir aux Hutu (90%) à la faveur du génocide et ils le conservent grâce à des pratiques politiques dignes de la grande époque du système communiste. Si des élections libres étaient organisées, le régime tutsi serait électoralement balayé par l'ethno mathématique.
Le problème politique africain se résume donc à une grande question : comment éviter que les peuples les plus prolifiques soient automatiquement détenteurs d’un pouvoir issu de l’addition des suffrages ?La solution réside dans un système dans lequel la représentation irait aux groupes, l’Etat-nation de type européen étant remplacé par l’Etat-ethnique.
Deux problèmes se posent cependant :
1) Les ethnies les plus nombreuses peuvent-elles accepter de renoncer à un pouvoir fondé sur le « One man, one vote » qui leur garantit pour l’éternité une rente de situation tirée de leur démographie dominante ?
2) Les gardiens occidentaux du dogme démocratique pourront-ils accepter cette révolution culturelle sapant les fondements de leur propre philosophie politique ?
[1] La première ayant été traitée dans un précédent numéro de l'Afrique Réelle, c'est à la seconde que cet éditorial est consacré.[2] Bernard Lugan Les Guerres d'Afrique, Le Rocher, 2013. Prix de l'UNOR (Union nationale des Officiers de réserve).
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2017: le Califat du Ponant, fédérant la Libye et l’Algérie, déclenche l'opération Prophète des mers

ven, 07/08/2015 - 11:09
(Ce communiqué peut être repris à condition d'en citer la source)
En 2017, la Libye et l'Algérie sont passées sous le contrôle de Daesh qui en a fait le Califat du Ponant. Profitant du désarmement moral des Européens, les islamistes décident de l'envoi, par vagues successives, de 4 millions de migrants vers l’Europe et plus spécifiquement vers la France, nouveau dâr al-harb[1]. A bord de certaines embarcations, ont pris place des kamikazes chargés de couler les navires portant secours aux forceurs de frontières et cela, afin de déstabiliser encore davantage l'ennemi. L'opération est baptisée Prophète des mers.
Face à cette guerre navale asymétrique, les rares frégates ultra-sophistiquées de la marine française, taillées pour la lutte de haute mer, sont débordées. A l’inverse les navires garde-côtes qui auraient dû être construits depuis longtemps afin de sécuriser les frontières maritimes, manquent cruellement. Faute de prise en compte par les autorités politiques des enjeux stratégiques vitaux que constitue la frontière maritime méditerranéenne, la marine française est impuissante.
Au sud, harcelé le long d'un front ouvert depuis la Mauritanie à l'ouest jusqu'au Soudan à l'est, le dispositif Barkhanes'est replié sur le Burkina Faso afin de protéger la Côte d'Ivoire. Quant aux dernières réserves opérationnelles françaises disponibles après des années de déflation des effectifs, elles ont été positionnées autour de N'Djamena afin de couvrir le Cameroun. Boko Haram, un moment affaibli, a en effet refait ses forces grâce à des cadres venus de Libye, d'Algérie mais aussi de Syrie.
En France même, alors que se déroule la campagne présidentielle, plusieurs banlieues se sont soulevées à la suite de contrôles d'identité ayant dégénéré. En raison de la dissolution de plusieurs escadrons de gendarmes mobiles opérée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, les forces de l'ordre qui n'ont pas les effectifs suffisants pour intervenir doivent se contenter de boucler les périmètres insurgés. Les associations d'aide aux migrants dénoncent l' "amalgame"  et leurs mots d'ordre sont abondamment relayés par les médias. Vingt cinq mille réservistes de la gendarmerie sont rappelés cependant qu’ un peu partout, face à la passivité de l'Etat, se constituent clandestinement des groupes de résistants prêts à passer à l'action. La France est au bord de la guerre civile.
Comment en est-on arrivé là ? Entre 2011 et 2017, conduite au chaos par l'intervention franco-otanienne, la Libye est passée de la plus totale anarchie au califat, Daesh ayant réussi à y engerber les milices. Quant au général Haftar, sur lequel la "communauté internationale" comptait pour constituer une troisième force, il n'a pas pesé lourd face aux jihadistes.  Impuissante, l'Egypte s'est illusoirement retranchée derrière un mur électronique cependant que, quotidiennement, des attentats y entretiennent un climat de guerre civile. Quant à la Tunisie, une artificielle quiétude y règne car les jihadistesqui ont besoin d'un pays-relais, se gardent de trop y tendre la situation, se contentant d'y maintenir une pression calculée. Après plus d'un demi-siècle de gabegie, de détournements de fonds publics, de népotisme et de récriminations à l'égard de l'ancienne puissance coloniale, l'Algérie, cible principale des islamistes de toutes obédiences depuis la décennie 1990, a, quant à elle, basculé dans l'islamisme à la suite d'émeutes urbaines déclenchées par l'effondrement de la rente pétrolière.
Tel est le scénario auquel nous pourrions nous attendre à la veille de l'élection présidentielle française. Avec une Marine sans moyens, mais en première ligne face à la déferlante venue du sud, une Armée de terre aux effectifs rognés et isolée sur le rideau défensif sahélien et une Gendarmerie démotivée en raison de son alignement sur le modèle policier.
Bernard Lugan07/08/2015

[1] Pays des infidèles contre lequel les musulmans  sont en guerre jusqu'à la conversion de ces derniers.
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L'Afrique Réelle N°68 - Août 2015

mar, 04/08/2015 - 11:12
Sommaire
Dossier : Algérie - Une situation qui empire- Les données économiques de base- Mzab : les Berbères face au « grand remplacement »
Dossier : Les jihad africains - Les jihad d'hier- Les jihad de 2015
Histoire : Le premier conflit mondial en AfriqueL'Afrique de l'Est, suite et fin

Editorial de Bernard Lugan :L'actualité de cet été 2015 nous ramène en Afrique du Nord où tout procède du cancer libyen mais où la principale menace vient d'Algérie.
Jusqu'à ces derniers mois, la Libye était en totale anarchie. Les conséquences de cette situation pour la sous-région étaient certes gravissimes, mais pas apocalyptiques. L'intrusion de Daesh a changé les données du problème car la coagulation islamiste qui s'opère actuellement à travers cette organisation sunnite menace toute l'Afrique du Nord. La situation est la suivante :
1) Il n'est plus question d'une intervention internationale en Libye car le général Haftar sur lequel la « communauté internationale » comptait pour constituer une troisième force a échoué dans sa guerre contre les islamistes.
2) Daesh, dont la force de frappe est composée de non Libyens, a renversé le paradigme tribal à travers lequel, jusque là, passait toute solution. Sa méthode est simple : les chefs qui ne veulent pas lui faire allégeance sont égorgés. Terrorisés, les autres se rallient.
3) L'Egypte et la Tunisie ont décidé de se retrancher derrière l'illusoire protection constituée par deux lignes électrifiées. Quant à l'Algérie elle n'a qu'un seul objectif : protéger sa frontière avec la Libye, ce qui passe par de complexes accords avec les milices concernées.
4) Face à Daesh, Frères musulmans, Al Qaida et diverses milices islamistes viennent de s' « allier ». Dans cette guerre entre islamistes, l'Europe a totalement perdu la main.
5) Pour le moment, le Maroc résiste mais il va être dans les prochains mois la cible d'un nouveau mouvement fondamentaliste baptisé Unicité et jihad au Maghreb al-Aqsa, mouvement qui pourrait, lui aussi, se rallier à Daesh. Comme viennent de le faire plusieurs groupes algériens qui considèrent désormais Al Qaida comme trop « modéré »...
A ce tableau peu réjouissant vient s'ajouter le naufrage économique, social, politique et moral de l'Algérie. Or, la cible principale des islamistes de toutes obédiences est précisément ce pays. Depuis plusieurs mois, l'Afrique Réelle  met en garde les dirigeants français en leur montrant qu'il est illusoire de vouloir fonder une politique sécuritaire sur une Algérie au bord de l'explosion et où, économiquement, le compte à rebours a commencé. Après plus d'un demi-siècle de gabegie, de détournements et de népotisme, l'histoire se prépare en effet à présenter l'addition à un système à bout de souffle étranglé par l'effondrement du prix du pétrole.Entre juin 2014 et avril 2015, l'Algérie a puisé un peu plus de 33 milliards de dollars dans ses réserves pour simplement continuer à nourrir et soigner sa population. Or, fin avril 2015, les réserves de change du pays s'élevaient à 160 milliards de dollars. Dans une fourchette comprise entre 24 et 36 mois le pays ne pourra donc plus importer de quoi nourrir ses habitants, ne sera plus en mesure d'acheter la paix sociale à travers les actuelles ubuesques subventions qu'il verse à des millions d'assistés.Pour sortir de l'impasse, il faudrait que le prix du baril soit supérieur à 100 dollars ; or les prévisions le donnent à un cours moyen de 60 dollars jusque fin 2019 et à 80 ensuite. De plus, comme les réserves algériennes s'épuisent, la situation est sans issue. Heureusement qu'avec une dette inexistante - un peu plus de 3 milliards de dollars -, le pays n'a pas, en plus, à faire face à ses créanciers.
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