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L'Afrique réelle (Blog de Bernard Lugan)

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Site officiel de l'historien africaniste Bernard Lugan, professeur à l'Université Lyon III et expert au tribunal international d'Arusha
Mis à jour : il y a 1 mois 3 semaines

Quand les Berbères cesseront-ils d’être colonisés ?

mer, 22/03/2017 - 11:37
Analyse de  Bernard Lugan
  Pour le courant arabo-musulman nord-africain, l’islamisation a marqué la fin de l’histoire des Berbères, leur conversion à l’Islam les ayant inscrits de façon irréversible dans l’aire culturelle de l’arabité. Dans les années 1950, en pleine crise berbériste, la revue Al Maghrib écrivit même que les Berbères ne pouvaient accéder au Paradis que s’ils se rattachaient à des lignées arabes. Leur salut passait donc par leur intégration au peuple ayant donné naissance à l’ultime messager de Dieu. En un mot, le salut par le suicide ethno-national… Par le passé, des clans et des tribus berbères ont ainsi trahi leurs ancêtres et renié leurs propres généalogies pour entrer dans celles des qabilaarabes. Voilà pourquoi leurs descendants sont aujourd’hui persuadés être d’origine arabe alors qu’ils sont des Berbères « raciaux » dont les aïeux furent linguistiquement arabisés, religieusement islamisés et ethniquement acculturés.
Pour les Berbères ayant conservé leur identité, la fin de la période française ne fut que la première étape de la libération, ce qui fit dire à Mohammed Chafik : « Et si l’on décolonisait l’Afrique du Nord pour de bon ? »(Le Monde amazigh, n° 53, novembre 2004). Paniqués à l’idée d’un réveil de la belle endormie berbère qui pourrait entraîner à la fois le rejet de l’arabité et celui de l’islam, les dirigeants algériens échouèrent à tenter de fondre le peuple indigène dans un artificiel nationalitarisme arabo-musulman. Ayant pris le relais, les salafistes, les wahhabites et les diverses obédiences islamistes cherchent actuellement à dissoudre l’identité berbère dans l’universalisme musulman et la Umma. Une course contre la montre est donc engagée entre l’identité enracinée et le broyeur universaliste. Portés par le réveil identitaire planétaire, les Berbères vont-ils prendre véritablement conscience de leur situation de colonisés ? S’ils parvenaient au terme de leur réappropriation historique, culturelle et politique, la géopolitique de la Méditerranée serait alors bouleversée. Redevenu la Berbérie, le Maghreb cesserait en effet de regarder vers l’Orient pour revenir dans sa matrice occidentale. Comme avant la conquête arabo-musulmane du VIIIe siècle[1].
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[1] Pour en savoir plus, voir mes deux  livres : Histoire des Berbères et Algérie, l’histoire à l’endroit.
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Utilisation fallacieuse de mon nom

mer, 15/03/2017 - 22:08
Communiqué de Bernard Lugan
Mon nom étant actuellement utilisé sans mon accord par plusieurs sites ou radios, je porte à la connaissance du public que :- Je ne dispose d’aucun compte Facebook, ce qui signifie donc que tous les comptes ouverts à mon nom sont des faux.- Contrairement à ce qui est indiqué sur son site, je ne suis pas, et je n’ai jamais été « collaborateur » à la revue Jeune Nation.- Comme cela s’est une nouvelle fois produit le lundi 13 mars 2017, Radio Courtoisie utilise  mes anciens enregistrements, laissant ainsi entendre que je participerais toujours à ses activités. M’étant mis en congé d’une station à laquelle j’ai consacré plusieurs années d’activité bénévole, et m’étant depuis scrupuleusement  tenu à l’écart des conflits l’agitant, je ne puis accepter que mon nom serve ainsi de faire-valoir.
J’ai donc demandé à mon avocat de veiller à la défense de mon indépendance, de ma réputation et de mes intérêts. 
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L'Afrique Réelle N°87 - Mars 2017

jeu, 02/03/2017 - 22:45
SOMMAIRE
Actualité :- Mali : comment contrer la nouvelle stratégie des jihadistes ?- La tension entre l’Egypte et l’Ethiopie
Dossier : Algérie- Retour sur la polémique Macron- L’histoire à l’endroit (première partie, des origines à 1871)

Editorial de Bernard Lugan : Démocratie et démographie : les deux plaies de l’Afrique
A lire les médias, à écouter les « spécialistes », si l’Afrique est sinistrée, c’est parce qu’elle subit un déficit de développement. La solution est donc simple : injecter une aide de plus en plus en plus massive et imposer la démocratisation. L’erreur est évidement totale car, primo, les critères de pauvreté définis en Europe ne sont pas ceux de l’Afrique et, secundo, politiquement, entre nos sociétés individualisées et celles, communautaires, du continent africain, les critères sont très différents. De plus, les problèmes qui se posent au nord du Sahara ne sont pas ceux des pays situés au sud du désert. 
La seule approche réaliste de la question est fondamentalement géographique et ethno-historique car, et certains l’oublient trop souvent, le continent africain a une histoire différente de celle de l’Europe. Alors qu’en Europe les grands phénomènes historiques ou civilisationnels furent continentaux, tel ne fut pas le cas dans les Afriques. Toute l’Europe fut en effet concernée par la fin de l’Empire romain et par la greffe chrétienne sur le vieux tronc païen. Puis, en sa totalité, elle fut irriguée par l’art roman et par le gothique. De même, toute entière, elle fut concernée par la Renaissance, par la Réforme, par la période dite des Lumières, puis par les révolutions politiques et industrielles. Dans les Afriques, tout au contraire, les phénomènes historiques eurent le plus souvent des conséquences uniquement régionales, hormis dans le cas de la colonisation. Sauf rares exceptions, il n’y eut pas de dépassement ou de coagulation de l’ethnie ; même en cas de constitution d’empires. Ces derniers furent en effet toujours étroitement ethno centrés ou formés par le rassemblement de tribus ou de clans appartenant aux mêmes ensembles ethniques ; les exemples des royaumes Luba, Lunda, Shona, Zulu ou d’Imérina à Madagascar illustrent avec force cette grande originalité. 
La conquête coloniale se fit généralement à l’avantage des pôles littoraux avec lesquels les Européens avaient noué de séculaires relations et qui, dans bien des cas, avaient été leurs partenaires durant l’époque de la traite esclavagiste. A l’intérieur, les Empires qui résistèrent furent défaits au profit des populations qu’ils dominaient. La colonisation cassa ainsi plusieurs « Prusses » africaines potentielles ou en devenir : Madagascar et la monarchie hova, l’Empire de Sokoto, les royaumes ashanti et zulu, les ensembles créés par el-Hadj Omar ou par Samory. Elle en subjugua d’autres, les arrêtant durant une phase expansionniste de leur histoire, comme l’Etat tutsi rwandais coupé de son exutoire du nord-ouest Kivu et ramené sur les hautes terres bordières de la crête Congo-Nil ; ou encore comme l’Ethiopie, empêchée de regagner un accès à la mer en raison de l’installation italienne en Erythrée. La colonisation procéda également par amputation comme dans le cas du Maroc, Etat millénaire territorialement découpé au profit de l’Algérie et de la Mauritanie, deux créations françaises. 
Puis, au moment des indépendances de la décennie 1960, l'insensé maillage frontalier donna naissance à autant de « prisons de peuples ». Et pour encore aggraver la situation, la démocratisation fut imposée à l’intérieur de ces coquilles vides. Résultat, ce plaquage européo-centré déboucha sur l’ethno-mathématique, autrement dit sur la victoire des peuples les plus nombreux, ce qui encouragea encore davantage cette course à la natalité qui va achever de tuer le continent.
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Lettre ouverte à Monsieur Emmanuel Macron, homme politique né d’une PMA entre le grand capital et les Minotaures de la repentance

dim, 19/02/2017 - 12:52
Ce communiqué peut être repris à la condition d’en citer la source.

Lancé sur le marché politique tel un nouveau smartphone, vous êtes, Monsieur Macron, un ignorant butor dont les propos concernant la colonisation sont doublement inadmissibles.

1) En premier lieu parce qu’ils furent tenus à Alger, devant ces rentiers de l’indépendance qui, pour tenter de cacher leurs échecs, leurs rapines et la mise en coupe réglée de leur pays, mettent sans cesse la France en accusation.
Certains qui, parmi votre auditoire, applaudirent à vos propos d’homme soumis (cf. Houellebecq), et devant lesquels vous vous comportâtes effectivement en dhimmi, sont en effet ceux qui, le 1er novembre 2016, publièrent un communiqué exigeant que la France :

« (…) présente des excuses officielles au peuple algérien pour les crimes commis durant les 132 ans de colonisation et pour les crimes coloniaux perpétrés à l’encontre du peuple algérien afin de rappeler les affres de la répression, de la torture, de l’exil, de l’extermination et de l’aliénation identitaire car l’histoire du colonialisme restera marquée par ses crimes de sang et ses pratiques inhumaines ».
Candidat à la présidence de la République française, vous avez donc donné votre caution à de telles exigences autant outrancières qu’insultantes. Ce faisant, vous vous êtes fait le complice des pressions et chantages que l’Algérie exerce à l’encontre de la France afin d’obtenir d’elle une augmentation du nombre des visas ou tel ou tel avantage diplomatique ou financier. En d’autres temps, vous auriez donc pu être poursuivi pour « Atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ».
2) Ensuite parce que vos propos constituent non seulement un recul de l’état des connaissances, mais également le viol de ce consensus historique auquel étaient arrivés les historiens des deux rives de la Méditerranée. Or, par ignorance ou par misérable calcul électoraliste, vous les avez piétinés.
Au nom de quelle légitimité scientifique avez-vous d’ailleurs pu oser les tenir ? Avez-vous seulement entendu parler des travaux de Jacques Marseille, de ceux de Daniel Lefeuvre ou encore des miens ?

Oser parler de « crime contre l’humanité », maladroitement rectifié en « crime contre l’humain », au sujet de la colonisation revient en réalité à classer cette dernière au niveau des génocides du XXe siècle, ce qui est proprement scandaleux. Sur ce terrain, vous voilà donc encore plus en pointe que Christiane Taubira, ce qui n’est pas peu dire...
Pierre Vidal-Naquet, pourtant militant de la décolonisation et « porteur de valises » assumé du FLN écrivait à ce sujet :

« Assimiler peu ou prou le système colonial à une anticipation du 3e Reich est une entreprise idéologique frauduleuse, guère moins frelatée que l’identification, à Sétif, (…)  de la répression coloniale aux fours crématoires d’Auschwitz et au nazisme (…). Ou alors, si les massacres coloniaux annoncent le nazisme, on ne voit pas pourquoi la répression sanglante de la révolte de Spartacus, ou encore la Saint-Barthélemy, ne l’auraient pas tout autant annoncé… En histoire, il est dangereux de tout mélanger. Un sottisier peut-il tenir lieu d’œuvre de réflexion ? (…) L’air du temps de la dénonciation médiatique (…), le contexte social, économique et politique actuel est encore fécond qui continuera à générer de telles tonitruances idéologiques à vocation surtout médiatique ».  J’ajoute électoralistes.
Vous devriez pourtant savoir, Monsieur le candidat à la présidence de la République, qu’en créant l’Algérie, la France donna un nom à une ancienne colonie ottomane, traça ses frontières, unifia ses populations, y créa une administration et toutes ses infrastructures. Ce faisant, y aurait-elle commis  un « crime contre l’humanité » ou « contre l’humain » ? Les chiffres de l’accroissement de la population ne semblent pas l’indiquer puisqu’en 1830, la population musulmane de l’Algérie n’excédait pas 1 million d’habitants alors qu’en 1962 elle avait bondi à 12 millions.
Serait-ce donc en commettant des « crimes contre l’humanité » que la France, ses médecins et ses infirmiers soignèrent et vaccinèrent les populations et firent reculer la mortalité infantile ? Serait-ce parce qu’elle commettait des « crimes contre l’humain » que chaque année, à partir du lendemain du second conflit mondial, 250 000 naissances étaient comptabilisées en Algérie, soit un accroissement de 2,5 à 3% de la population, d’où un doublement tous les 25 ans ? A ce propos, relisons René Sédillot :

« La colonisation française a poussé l’ingénuité - ou la maladresse - jusqu’à favoriser de son mieux les naissances : non seulement par le jeu des allocations familiales, mais aussi par la création d’établissements hospitaliers destinés à combattre la stérilité des femmes. Ainsi, les musulmanes, lorsqu’elles redoutaient d’être répudiées par leurs maris, faute de leur avoir donné des enfants, trouvaient en des centres d’accueil dotés des moyens les plus modernes tout le secours nécessaire pour accéder à la dignité maternelle. (…)(L’histoire n’a pas de sens, Paris, 1965, page 71).
Enfin, puisque vos propos indécents tenus à Alger obligent à faire des bilans comptables, voici, Monsieur le candidat à la présidence de la République, celui qui peut être fait au sujet de l’Algérie française : en 132 années de présence, la France créa l’Algérie, l’unifia, draina ses marécages, bonifia ses terres, équipa le pays, soigna et multiplia ses populations, lui offrit un Sahara qu’elle n’avait jamais possédé après y avoir découvert et mis en exploitation les sources d’énergie qui font aujourd’hui sa richesse. Comme je ne cesse de l’écrire depuis des années, en donnant l’indépendance à l’Algérie, la France y laissa 70.000 km de routes, 4300 km de voies ferrées, 4 ports équipés aux normes internationales, une douzaine d’aérodromes principaux, des centaines d’ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs, barrages etc.), des milliers de bâtiments administratifs, de casernes, de bâtiments officiels qui étaient propriété de l’Etat français ; 31 centrales hydroélectriques ou thermiques ; une centaine d’industries importantes dans les secteurs de la construction, de la métallurgie, de la cimenterie etc., des milliers d’écoles, d’instituts de formations, de lycées, d’universités. Dès l’année 1848, et alors que la conquête de l’Algérie était loin d’être achevée, 16 000 enfants en  majorité musulmans étaient scolarisés. En 1937 ils étaient 104 748, en 1952 400 000 et en 1960 800 000 avec presque 17 000 classes, soit autant d’instituteurs dont les 2/3 étaient Français (Pierre Goinard, Algérie : l’œuvre française. Paris,  1986). En 1962, il y avait en Algérie, un hôpital universitaire de 2000 lits à Alger, trois grands hôpitaux de chefs-lieux à Alger, Oran et Constantine, 14 hôpitaux spécialisés et 112 hôpitaux polyvalents, soit le chiffre exceptionnel d’un lit pour 300 habitants.
Tous ces équipements, toutes ces infrastructures, tous ces établissements ainsi que les personnels qui les faisaient fonctionner avaient été payés par la France et avec l’argent des Français.
Monsieur le candidat à la présidence de la République, je vous poste ce jour en RAR mon dernier livre « Algérie, l’histoire à l’endroit »[1], afin que vous puissiez mesurer l’abîme séparant la réalité historique de vos inacceptables propos.

Bernard Lugan

[1]Ce livre est uniquement disponible via l’Afrique Réelle. Pour le commander :
http://bernardlugan.blogspot.fr/2017/02/nouveau-livre-de-bernard-lugan-algerie.html
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Nouveau livre de Bernard Lugan : Algérie, l'histoire à l'endroit

mar, 07/02/2017 - 11:21

























Présentation :
Depuis 1962, l’écriture officielle de l’histoire algérienne s’est appuyée sur un triple postulat :- Celui de l’arabité du pays nie sa composante berbère ou la relègue à un rang subalterne, coupant de ce fait, l’arbre algérien de ses racines. - Celui d’une Algérie préexistant à sa création par la France à travers les royaumes de Tlemcen et de Bougie présentés comme des noyaux pré-nationaux.- Celui de l’unité d’un peuple prétendument levé en bloc contre le colonisateur alors qu’entre 1954 et 1962, les Algériens qui combattirent dans les rangs de l’armée française avaient été plus nombreux que les indépendantistes.En Algérie, ces postulats biaisés constituent le fonds de commerce des rentiers de l’indépendance. En France, ils sont entretenus par une université morte du refus de la disputatio et accommodante envers les falsifications, pourvu qu’elles servent ses intérêts idéologiques. Dans les deux pays, ces postulats ont fi ni par rendre le récit historique officiel algérien aussi faux qu’incompréhensible.Cinquante ans après l’indépendance, l’heure est donc venue de mettre à jour une histoire qui doit, comme l’écrit l’historien Mohamed Harbi, cesser d’être tout à la fois « l’enfer et le paradis des Algériens ».Ce livre répond donc aux interrogations fondamentales suivantes : l’essence de l’Algérie est-elle Berbère ou Arabe ? Avant la conquête française, ce pays fut-il autre chose qu’une province de l’Empire ottoman ? Les résistances d’Abd el-Kader et de Mokrani furent-elles des mouvements pré-nationaux ?Que s’est-il véritablement passé à Sétif et à Guelma en mai 1945 ? La France a-t-elle militairement perdu la guerre d’Algérie ? Quelle est la vérité sur le « massacre » du 17 octobre 1961 à Paris ? Enfin, peut-on raisonnablement affirmer que la France ait « pillé » l’Algérie comme le prétendent certains ?
Table des matières :
Chapitre I : 
- L’Algérie est-elle Berbère ou Arabe ?Chapitre II : 
- Comment des Berbères chrétiens sont-ils devenus des Arabes musulmans ?Chapitre III : 
- Pourquoi Bougie et Tlemcen n’ont-elles pas créé l’Algérie alors que Fès et Marrakech ont fondé le Maroc ?Chapitre IV : 
- L’Algérie, Régence turque oubliée ou marche frontière de l’empire ottoman ?Chapitre V : - Abd el-Kader, une résistance « nationale » ou arabe ?- Mokrani, une résistance « nationale » ou berbère ?Chapitre VI :- Que s’est-il passé à Sétif et à Guelma au mois de mai 1945 ?- Sétif au-delà des mythesChapitre VII :- 1954-1962 : la « révolution unie », un mythe ?- La revendication berbéristeChapitre VIII :- Le FLN a-t-il militairement vaincu l’armée française ?- La guerre d'Algérie ne s'est pas terminée le 19 mars 1962Chapitre IX :- Le 17 octobre 1961 à Paris : un massacre imaginaire ?Chapitre X :- La France a-t-elle pillé l’Algérie ?

IMPORTANT : CE LIVRE EST UNIQUEMENT DISPONIBLE VIA L'AFRIQUE REELLE
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L'Afrique Réelle N°86 - Février 2016

mer, 01/02/2017 - 15:46
SOMMAIRE :
Actualité :- Algérie : comme un bateau ivre…- Libye : l’implication russe peut-elle changer la donne ?
Dossier : Côte d’Ivoire, entre illusions et réalité- Le nouveau naufrage des «experts »- Le facteur-risque ivoirien
Dossier : Namibie et repentance- La révolte des Herero et ses conséquences- Du Sud-Ouest africain à la Namibie

Editorial de Bernard Lugan :
Le plus grave dans la crise majeure que traverse actuellement l’Afrique sud-saharienne tient au fait que ce sont ses « locomotives » qui ont déraillé. L’Afrique du Sud et le Nigeria qui représentent près de 50% du PIB continental sont ainsi en récession ou en quasi récession, la Côte d’Ivoire dévisse, l’Ethiopie se disloque et l’Angola est en faillite. Résultat, la croissance continentale s’est effondrée à 1,5 ou 1,6%. Or, à moins de 7% durant plusieurs années, il est impossible de faire reculer la pauvreté. Comme dans la plupart des pays, la croissance démographique est plus importante que la croissance économique, le continent s’enfonce donc chaque jour un peu plus dans le néant. Un néant masqué par quelques ilots de prospérité qui sont autant d’arbres cachant la forêt de misère qu’est l’Afrique.
La baisse du prix des matières premières est une cause importante de cette situation, mais là n’est pas l’essentiel. Les véritables causes du drame africain sont en effet ailleurs et, à ce sujet, je ne peux que renvoyer à mon livre Osons dire la vérité à l’Afrique[1]. Il y en a deux principales :
- L’absence de lucidité et le refus de la réalité. Depuis la décennie des indépendances, il y aura bientôt trois-quarts de siècle, l'Afrique se voit appliquer la « méthode Coué » à travers les annonces périodiques de son « démarrage ». Or, loin de « démarrer », l'Afrique sud saharienne revient au contraire au XVIIIe siècle et à l'économie de comptoir (pétroliers ou miniers), qui enrichit une poignée d'Africains cependant que l'immense majorité de la population tente de simplement survivre. Ce grand bond en arrière est illustré par un retour à la traite humaine à travers l'émigration qui se fait vers l'Europe. 
- L’impératif moral avec sa conséquence, le diktat démocratique, a empêché le « raccourci autoritaire » d'aller à son terme alors qu'il était peut-être porteur de cette notion d'Etat qui manque tant à l'Afrique.
Ceci étant, la résolution des problèmes africains passe par quatre préalables :
1) D’abord, maîtriser puis inverser la courbe démographique. Sans cela, rien ne pourra être entrepris. Une telle évolution serait une révolution et comme elle ne s’annonce pas, la situation est donc sans espoir.
2) Ensuite reconnaître le poids des fondamentaux ethniques. Au milieu de la désagrégation généralisée, l’ethnie constitue en effet ce plus petit commun dénominateur sur lequel il est possible de rassembler les hommes. Rassembler pour ensuite, éventuellement, élargir.
3) Puis, admettre que les principales crises africaines ont une origine historique, politique et culturelle. Tant que leur approche continuera d'être d'abord économique, elles n'auront aucune chance d'être traitées.
4) Enfin, comprendre qu'avant d'être francophones ou anglophones, chrétiens ou musulmans, les habitants de l'Afrique, sont d'abord des Africains qui parlent des langues africaines et qui ont leurs croyances car, et comme l'a dit le romancier ivoirien Ahmadou Kourouma : « [L'Afrique sud-saharienne] est habitée par des animistes, les uns teintés de christianisme, les autres d'islam. »
[1] Editions du Rocher, 2015. Il est également possible de commander le livre à l’Afrique Réelle sur notre blog.
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Le « miracle ivoirien », cet autre mirage afro-optimiste

mer, 25/01/2017 - 11:42
En Côte d’Ivoire, en dépit d’une croissance de près de 10% du PIB, l’année 2017 a commencé avec une mutinerie militaire. En plus de primes, les mutins exigeaient l’équivalent de 7500 euros… plus une maison. Des prétentions insensées dans un pays où plus de la moitié de la population survit avec un euro par jour.  Paniqué et impuissant, le gouvernement céda immédiatement à ces demandes exorbitantes, mais, loin d’apaiser la situation, cette capitulation provoqua une réaction en chaîne.
Révélateurs de l’extrême faiblesse du régime, ces évènements conduisent à poser la question de savoir si Alassane Ouattara sera en mesure de tenir jusqu’à la fin de son mandat prévu en 2020.

Dans le numéro du mois de juin 2013 de l’Afrique Réelle, j’écrivais :
« Hissé au pouvoir par le président Sarkozy, Alassane Ouattara n’a toujours pas réussi à se dégager de l’image de fondé de pouvoir du nouvel ordre économique mondial qui lui colle à la peau. Arrivé à la présidence dans les fourgons des forces spéciales de l’ancien colonisateur, son prestige est limité ; c’est pourquoi il n’a pas réussi à prendre ses marques, prisonnier qu’il est d’une histoire politique dont il ne parvient pas à s’extraire ».Cette analyse étant plus que jamais actuelle, à moins d’un redressement rapide et spectaculaire, l’avenir de la Côte d’Ivoire s’annonce donc difficile. Mais pour les « experts » et pour le FMI, tout va bien puisque les courbes du PIB sont bonnes…Le prochain numéro  de l’Afrique Réelle que les abonnés recevront le 1 février contiendra un  dossier consacré à l’analyse de la crise ivoirienne et à une évaluation du facteur-risque de ce pays.
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Libye : Vladimir Poutine redistribue les cartes

dim, 15/01/2017 - 16:04
Analyse de Bernard Lugan 
Le 11 janvier 2017, soit moins de deux mois après sa réception à Moscou par Vladimir Poutine (voir mon précédent communiqué), le général Haftar, s’est rendu à bord du porte-avions russe Amiral Kouznetzov qui croise actuellement en Méditerranée orientale. Ce déplacement hautement symbolique étrangement ignoré par les médias occidentaux, était destiné à rendre lisible par toutes les parties libyennes l’appui que la Russie fournit désormais à l’homme fort de Cyrénaïque.Un conflit interminable et sans issue provoqué par la désastreuse intervention française de 2011[1], et dont la gestion calamiteuse s’est faite à travers le naufrage de la diplomatie de l’UE et de l’ONU, change donc de nature.
Il est en effet clair qu’entre une Cyrénaïque contrôlée par le général Haftar et une Tripolitaine en totale anarchie et où un président fantoche est porté à bout de bras par les Occidentaux, une nouvelle géographie militaire et politique de la Libye se dessine sous nos yeux. Explication
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[1]Pour tout ce qui concerne cette guerre et les constantes politico-tribales de Libye, voir de Bernard Lugan Histoire de la Libye des origines à nos jours. En commande ici :
http://bernardlugan.blogspot.fr/2015/11/nouveau-livre-de-bernard-lugan-histoire.html
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Egypte, Libye et Maroc : le triple coup de maître de Vladimir Poutine

jeu, 05/01/2017 - 09:33
Le général Haftar au Kremlin le 27 novembre 2016Analyse de Bernard Lugan
L’une des conséquences de l’intervention de Moscou en Syrie est l’ouverture à la marine russe d’un accès permanent à la Méditerranée. Le succès d’une telle politique dans laquelle les Tsar et l’URSS avaient échoué, nécessite la mise à disposition de points d’appui.
Celui de Syrie étant sécurisé et l’Egypte se rapprochant de plus en plus de la Russie, Vladimir Poutine regarde maintenant vers la Libye et le port en eau profonde de Tobrouk en Cyrénaïque. D’où son soutien au général Haftar.
Mais le président russe voit plus loin. En appuyant le Maroc dans la question du Sahara occidental, c’est désormais l’ouverture sur l’océan atlantique qu’il prépare. Une telle réussite laisse sans voix les « castrats » de Bruxelles et les « beaux merles » du Quai d’Orsay. Quant à l’Algérie, la voilà paralysée et mise hors-jeu en raison de son soutien-boulet au Polisario.
De la Crimée au Maroc, cette politique russe qui rebat les cartes de la géopolitique méditerranéenne, a été menée en sept étapes et en moins de trois ans.Explications et développement :
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L'Afrique Réelle N°85 - Janvier 2017

sam, 31/12/2016 - 16:29
Sommaire
Actualité :Ethiopie : le réveil de la tectonique ethnique
Economie :2016, annus horribilis
Dossier : Quelle évolution pour la conflictualité africaine en 2017 ?- L’Afrique du Nord et ses crises multiples- L’arc de crise saharo-sahélien- La Corne face à ses déterminismes- L'Afrique centrale et ses foyers crisogènes

Editorial de Bernard Lugan 
L’année 2017 verra la permanence des grands foyers crisogènes africains qui sont étudiés à l’intérieur de ce numéro. Il conviendra de suivre avec attention l’évolution de la situation économique et sociale du Tchad, pays gravement frappé par l’effondrement des cours du pétrole. Tout ce qui pourrait affaiblir le verrou tchadien aurait en effet des conséquences sur la stabilité régionale. De même, une déflagration en RDC et dans la région du Kivu provoquerait une onde de choc dans toute l’Afrique centrale. Dans l’est du continent, les échéances électorales pourraient perturber l’actuel essor économique du Kenya, cependant qu’au Mozambique, pays assis sur de colossales réserves en hydrocarbures, la guérilla de la Renamo et la stratosphérique corruption interdisent pour le moment tout véritable démarrage.
Durant l’année 2017, cinq grandes nouveautés pourraient modifier la géopolitique africaine :
1) Le retour de la malédiction ethnique éthiopienne risque de bouleverser les équilibres dans la région de la Corne et de ruiner la réussite économique du pays (voir la page 2).
2) La montée des tensions au Cameroun ajoute un nouveau foyer de désordre dans une région péri-tchadienne déjà bien instable. D’autant plus que le climat politique va connaître une crispation automatique à l’approche des futures échéances électorales (voir page 13).
3) En Afrique du Sud, l’année 2017 verra la désignation du successeur de Jacob Zuma par l’ANC. Quels seront les nouveaux rapports de force au sein du parti-Etat ANC ? Jacob Zuma réussira-t-il à imposer un candidat ayant ses faveurs ou sera-t-il mis en minorité ? Là est toute la question. En dehors de son ancrage zulu, quelle est encore la marge de manœuvre d’un président noyé sous les affaires et dénoncé comme « l’homme qui vole les pauvres » ?
4) Quelle sera la politique africaine de la nouvelle administration américaine ? Le président Trump manifestera-t-il un intérêt pour le continent africain autre que les stériles envolées lyriques de Barak Obama ?
5) Le retour de la Russie en Egypte et son implication en Libye aux côtés du général Haftar vont-ils peser sur la géopolitique régionale ?
Economiquement, l’année 2017 fera-t-elle oublier le calamiteux bilan de 2016, année durant laquelle la croissance économique dans l’Afrique sud-saharienne a atteint son plus bas niveau depuis 1999 avec entre 1,4% et 1,6% (FMI, 24 octobre 2016) ? Ce chiffre qui pulvérise le credo des afro-optimistes est d’autant plus terrible qu’à moins de 7% de croissance durant plusieurs années, il est impossible de développer l’Afrique. Il illustre également le naufrage d’un continent dans lequel la croissance économique est désormais largement située en dessous de sa croissance démographique. L’impasse est d’autant plus profonde que les deux géants économiques de l’Afrique sud-saharienne, ses « locomotives », sont dans une situation préoccupante. Le Nigeria est en effet entré en récession avec une croissance négative de -1,8%, et en Afrique du Sud la croissance de 0,1% a juste permis d’échapper à cette même récession.
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Emile Gafirita abandonné à des assassins : inconséquence ou affaire d’Etat dans le bras de fer entre la France et le Rwanda ?

mer, 14/12/2016 - 17:22
Communiqué de Bernard Lugan[1]
Emile Gafirita fut enlevé le 13 novembre 2014 à Nairobi. Il devait s’envoler le lendemain pour la France afin d’y être auditionné par les juges anti-terroristes Trévidic et Poux qui enquêtaient sur l'assassinat de Juvénal Habyarimana, le président du Rwanda. Il n’a pas réapparu depuis.Selon ses dires, Emile Gafirita aurait été l'un des membres du commando de l’armée de Paul Kagamé qui, depuis la frontière de l'Ouganda jusqu'à Kigali, aurait transporté les deux missiles qui, le 6 avril 1994, abattirent l'avion du président Habyarimana.
Comme cet attentat déclencha le génocide du Rwanda, la question de savoir qui en sont les auteurs est donc primordiale. Et pourtant, il n’y eut pas d’enquête internationale sur ce crime qui coûta la vie à deux présidents en exercice, celui du Rwanda et celui du Burundi. Comme si la vie de deux chefs d’Etat africains avait moins de poids que celle d’un Premier ministre libanais (cf. l’affaire Hariri) ou pakistanais (cf. l’affaire Buttho). Par les énormes pressions qu’ils exercèrent sur le Conseil de sécurité de l’ONU, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, alliés du régime de Kigali, réussirent en effet à interdire au TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), de mener cette enquête. Comme le TPIR vient de terminer ses travaux, les auteurs de ce crime ne seront donc ni identifiés, ni poursuivis par la justice internationale[2].
L’enquête française
Saisi par les familles de l’équipage français de l’avion présidentiel rwandais, le parquet anti-terroriste français chargea le juge Bruguière d’enquêter sur cette affaire. Ce dernier réussit à obtenir les numéros de série des deux missiles SA 16 IGLA qui abattirent l’avion (respectivement 04-87-04814 et 04-87-04835). La traçabilité de ces deux missiles a été établie grâce à la coopération judiciaire de la Russie. Nous savons ainsi que ces deux missiles portables SAM 16 faisaient partie d’un lot de 40 missiles SA 16 IGLA livrés à l’armée ougandaise quelques années auparavant par Moscou. Or, Paul Kagamé et ses principaux adjoints furent officiers supérieurs dans l’armée ougandaise avant la guerre civile rwandaise et, de 1990 à 1994, l’Ouganda fut la base arrière, mais aussi l’arsenal de l’APR (Armée patriotique rwandaise). Sur ce point les travaux du TPIR permettent des certitudes. De plus, comme cela a été établi, toujours devant le TPIR, l’armée rwandaise ne disposait pas de tels missiles. Le juge Bruguière identifia également les chauffeurs des véhicules utilisés pour transporter ces deux missiles depuis l’Ouganda jusqu’au casernement de l’APR situé au centre de Kigali, et de là, jusqu’au lieu de leur tir qu’il localisa. Il réussit également à mettre des noms sur les deux tireurs et sur les membres de leur escorte. En 2007, au terme de son enquête, le juge rendit une ordonnance dans laquelle il désigna le général Kagamé - protégé par son immunité de chef d’Etat -, comme étant le commanditaire de l’attentat. En conséquence de quoi, il lança plusieurs mandats d’amener contre des membres de son premier cercle considérés par lui comme étant directement mêlés à cet acte terroriste.  
En juillet 2013, puis en janvier 2014, le juge Trévidic qui avait succédé au juge Bruguière, interrogea Jean-Marie Micombero. Cet ancien secrétaire général au ministère rwandais de la Défense et qui, le 6 avril 1994, était affecté à une section chargée du renseignement dépendant directement de Paul Kagamé, confirma au juge les noms et les grades des hommes qui, le 6 avril 1994, auraient tiré les deux missiles qui abattirent l’avion présidentiel. Il livra également nombre de détails sur les préparatifs et sur le déroulement de l’attentat[3]. Ces déclarations recoupaient en les confirmant celles qui avaient été recueillies par le juge Bruguière auprès d’autres témoins.
La passivité de la justice française devant les assassinats des témoins
Si toutefois il n’était pas fantaisiste, le témoignage d’Emile Gafirita allait donc peut-être permettre de faire avancer l’enquête. Dans la procédure de réouverture d'instruction qui était alors en cours, la teneur de ce que le témoin-acteur allait dire aux juges était accessible à la Défense. Cette dernière informa ses clients de l’existence d’Emile Gafirita et de son prochain témoignage. Avocat de l’Etat rwandais  (Afrikarabia, 19 octobre 2016) et de 6 des 7 mis en examen, M° Léon-Lef Forster, dans un entretien avec la journaliste canadienne Judi Rever[4]l’a reconnu:« J’ai informé les mis en examen, un avocat a l’obligation d’indiquer à ses clients où en est la procédure…il est parfaitement légitime que les clients soient informés des raisons pour lesquelles le dossier est ré-ouvert ».
A partir de ce moment, Emile Gafirita fut en danger de mort [5]. Dans ces conditions, il est pour le moins « insolite » que les juges français qui allaient l’interroger n’aient pas pris la précaution de le mettre sous protection. D’autant plus qu’Emile Gafirita se savait menacé et que, dans l’attente de sa convocation qui arriva le jour de sa disparition, il avait écrit par mail à son avocat, M° Cantier, qu’il souhaitait être entendu : «  le plus vite serait le mieux avant qu’ils ne me fassent taire à jamais ».
Emile Gafirita avait demandé à être entendu sous X avec le statut de « témoin protégé », ce qui ne lui fut pas accordé par le juge Trévidic. Et pourtant, comme l’a révélé plus tard Emmanuel Fansten dans Libération du 4 mars 2015, à la même époque, le juge Trévidic qui enquêtait sur l’attentat de la rue Copernic entendit sous X un ancien membre du groupe Abou Nidal. Pourquoi une telle différence de traitement ? Le juge Trévidic justifia son refus d’entendre anonymement Emile Gafarita «  par le nombre conséquent de manipulations constatées dans l’instruction» (Jeune Afrique, 9 décembre 2014). Cette explication laisse pour le moins perplexe car le juge d’instruction a précisément parmi ses missions celle de faire le tri entre les éléments qu’il recueille. Dans tous les cas,  ceux qui enlevèrent Emile Gafirita ne partageaient  pas ses doutes…
Emile Gafirita qui vivait clandestinement depuis quelques semaines à Nairobi sous un nom d'emprunt fut donc laissé seul et sans protection dans une ville où, en 1996 et en 1998, avaient déjà été assassinés le colonel Théoneste Lizinde et Seth Sendashonga, deux très hauts responsables rwandais ayant fait défection. En privé, le premier prétendait avoir indiqué la ferme de Masaka comme le lieu le plus propice pour commettre l’attentat du 6 avril 1994 ; quant au second, ancien ministre de l’Intérieur, il détenait également bien des secrets sur les événements du mois d’avril 1994.
Dans cette dramatique affaire, comment qualifier autrement que par « insolite », l’angélisme ou la « légèreté » du juge Trévidic ? D’autant plus qu’après les meurtres « anciens », de Théoneste Lizinde et de Seth Sendashonga, d’autres, plus récents, avaient tragiquement montré que Kigali n’hésitait pas à faire assassiner quiconque était susceptible de parler au sujet de l’attentat du 6 avril 1994.Le 9 juillet 2013, Sonia Rolley, journaliste à RFI, avait ainsi publié deux entretiens exclusifs avec deux des plus hauts responsables du régime de Kigali ayant fait défection et qui s’étaient réfugiés en Afrique du Sud. Il s’agissait du général Faustin Kayumba Nyamwaza, ancien chef d’état-major de l’APR (Armée patriotique rwandaise) qui, le 6 avril 1994, était le responsable du renseignement militaire, et du colonel Patrick Karegeya, ancien chef des renseignements extérieurs du Rwanda de 1994 à 2004. Ces deux très hauts dignitaires accusaient le général Kagamé d’être le donneur d’ordre de l’attentat du 6 avril 1994, et, depuis plusieurs années, ils demandaient, toujours en vain, à parler à la justice française. On se doit de rappeler à ce propos que le général Kayumba Nyamwaza était sous le coup d’un mandat d’amener du juge Bruguière et que refuser de l’entendre était donc « singulier ». D’autant plus que les autres mis en examen avaient, eux, été  entendus à Bujumbura, au Burundi, par les juges Trévidic et Poux du 6 au 14 décembre 2010, et sans que les parties civiles n’en soient semblerait-il prévenues. Le quotidien Le Monde avait, à l’époque, relaté ce déplacement dans les termes suivants : « L’interpellation des personnalités visées s’étant révélée impossible, leurs avocats, Lev Forster et Bernard Maingain, ont négocié avec les juges ce curieux détour par Bujumbura ».
Pourquoi les juges Trévidic et Poux ne recueillirent-ils pas les témoignages du colonel Karegeya et du général Nyamwaza ? L’on nous dit que l’Afrique du Sud n’avait pas répondu à la demande française d’aide judiciaire. Certes, mais l’instruction avait tout de même les moyens de savoir s’il s’agissait ou non d’affabulateurs. Dans tous les cas, pour le régime de Kigali il était clair qu’il ne s’agissait pas de mythomanes puisqu’il lança des escadrons de la mort à leurs trousses. Le colonel Patrick Karegeya fut ainsi assassiné par strangulation le 31 décembre 2013, dans sa chambre d’hôtel à Johannesburg. Quant au général Nyamwaza, il échappa à trois tentatives d’assassinat dont l’une le laissa quasiment  pour mort, avec notamment une balle dans l’estomac. Page 302 de son livre Charles Onana [6]rapporte des propos tenus par le colonel Karegeya peu avant son assassinat : « (…) Tout ce que fait votre juge (Trévidic) se trouve dans les médias, même les noms des témoins qui peuvent ainsi être retournés par Kigali ou assassinés ».
A la suite de l’assassinat du colonel Karegeya, les autorités sud-africaines expulsèrent plusieurs diplomates rwandais qu’elles accusaient d’avoir partie liée à ce meurtre et le 10 septembre 2014, la justice sud-africaine condamna quatre hommes à huit ans de prison chacun pour tentative d’assassinat sur le général Nyamwaza. Dans le jugement, il est écrit que cette tentative d’assassinat politique avait été ourdie au Rwanda.
Le 16 janvier 2014, par la voix de Mme Jen Psaki, son porte-parole, le département d’Etat américain s’est dit « troublé par une succession de meurtres d’exilés rwandais qui semblent avoir une motivation politique. Les déclarations récentes du président Kagamé à propos « des conséquences pour ceux qui trahiraient le Rwanda » nous inquiètent au plus haut point ». Quelques jours plus tard, le Foreign Office britannique s’exprima dans des termes voisins.
Quant au Quai d’Orsay, le silence du ministre Fabius y fut aussi assourdissant que celui du ministre Taubira à la Chancellerie…
L’ultime manœuvre de Kigali
Relais constant des thèses du régime de Kigali, la presse française (notamment Libération, et plus récemment Le Monde) est restée étrangement « pudique » sur le scandale judiciaire, humain et peut-être même politique, que constitue l'enlèvement d'Emile Gafirita, venant après le meurtre du colonel Karegeya et les trois tentatives d’assassinat du général Nyamwaza.
En revanche, cette même presse s’est récemment et très largement, fait l’écho de la volonté du régime du général Kagamé d’inculper des officiers français dans un dossier fabriqué de toutes pièces par ses services. Mais en cachant toutefois à ses lecteurs qu’il s’agissait là d’une ultime manœuvre destinée à décourager le juge Jean-Marc Herbaut, successeur du juge Trévidic, d’interroger enfin le général Nyamwaza.
Un retour en arrière est ici nécessaire.En 2014, M°Lef Forster et Bernard Maingrain avaient assuré leurs clients que l’instruction était terminée et qu’une ordonnance de non-lieu allait être rendue. Les deux avocats avaient même publié le très aventureux communiqué suivant : « Ce 8 juillet 2014, Mme et M. les juges d’instruction Poux et Trévidic ont décidé de mettre fin à l’instruction concernant l’attentat de l’avion Falcon survenu le 6 avril 1994 » indiquent Mes Léon-Lef Forster et Bernard Maingain (…) La défense qui fut très patiente, attend désormais que le non-lieu soit prononcé au plus vite (…) ajoutent les deux avocats »(Reuters, 8 juillet 2014 et rfi.fr/afrique 09-07-2014).
Or, il ne fut pas mis fin à l’instruction et le général Nyamwaza continua à demander à être auditionné par les magistrats français. Comme le juge Jean-Marc Herbault, successeur du juge Trévidic, a lancé une commission rogatoire internationale pour l’entendre, nous saurons donc bientôt si ce que lui aura dit le général permettra de faire avancer le dossier.
La décision du juge provoqua la fureur du régime de Kigali et c’est donc clairement pour exercer un nouveau chantage sur l’instruction que fut annoncée l’intention rwandaise d’inculper des officiers français. Quant à M° Léon Lef Forster, paraissant perdre tout sens de la mesure, il déclara qu’il allait contester cette commission rogatoire vue par lui comme « une tentative de déstabilisation du Rwanda ourdie par un arrière-cabinet occulte négationniste » (sic). Et il posa l’étonnante question suivante : « Pourquoi, plus de vingt ans après les faits, un personnage découvre-t-il qu’il a des informations nouvelles à fournir ? Pourquoi, pendant des années ne l’a-t-il pas fait ? » (rfi.fr/afrique 08-10-2016).
La tentative d’enfumage de M° Forster n’abusera personne car :
1) Il est trop bien placé dans le dossier pour ignorer que c’est depuis 2010 que le général Nyamwaza demande à être entendu.
2) Si le général Nyamwaza est un affabulateur comme le soutient Kigali, et si, comme l’a déclaré M° Forster, son témoignage est « risible » et « absurde » (Jeune Afrique18 octobre 2016, en ligne), pourquoi, et par trois fois, a t’on voulu le faire taire en tentant de l’assassiner ?


[1]Expert assermenté devant le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda) dans les affaires Emmanuel Ndindabahizi (TPIR-2001-71-T), Théoneste Bagosora (TPIR-98-41-T), Tharcisse Renzaho (TPIR-97-31-I), Protais Zigiranyirazo. (TPIR-2001-73-T),  Innocent Sagahutu (TPIR-2000-56-T), et Augustin Bizimungu (TPIR- 2000-56-T). Commissionné dans les affaires Edouard Karemera (TPIR-98-44 I) et J.C Bicamumpaka. (TPIR-99-50-T).  La synthèse des rapports remis à l’occasion de ces expertises ainsi que celle des travaux du TPIR et l’état des connaissances sur la question du génocide du Rwanda a été faite dans Bernard Lugan ( 2014 ) Rwanda: un génocide en questions. Le Rocher. Disponible sur Amazon ou directement à l’Afrique Réelle, BP 45, 42360 Panissières, contre un chèque de 30 euros port en colissimo compris. Pour l’étranger 35 euros.[2]Voir le documentaire de la BBC qui présente une analyse du génocide du Rwanda et des responsabilités concernant son déclenchement : Rwanda's Untold Story http://vimeo.com[3] Voir à ce sujet l’interview recueillie par Pierre Péan intitulée « J’ai assisté à la préparation de l’attentat qui a déclenché le génocide » (Marianne numéro du 28 mars au 3 avril 2014).[4]Judi Rever « Witness in French inquiry into 1994 Rwanda plane crash disappears ». 20 novembre 2014 en ligne.[5]Le 18 novembre 2014, le professeur belge Filip Reyntjens, juriste spécialiste du Rwanda et expert devant le TPIR, écrivit à M° Bernard Maingain, avocat belge des mêmes officiels rwandais mis en examen par le juge Bruguière : « Si vous avez communiqué le nom de M. Gafirita, qu’on ne verra probablement plus, à vos clients rwandais, vous devriez avoir honte et votre conscience devrait être lourde »( cité par Jeune Afrique, 9 décembre 2014).[6]Charles Onana, La France dans la terreur rwandaise, éditions Duboiris, 2014.
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Franc CFA : « boulet colonial » ou « danseuse » ?

mar, 06/12/2016 - 17:30
Le 27e sommet Afrique-France doit se tenir à Bamako les 13 et 14 janvier 2017 dans un climat de grande incertitude en raison des prochaines échéances électorales françaises. Si l’actuelle opposition de droite parvenait au pouvoir au mois de mai 2017, une nouvelle politique de coopération serait en effet définie et la question du franc CFA n’échapperait alors pas à un profond réexamen.
Quatre grandes questions se posent en effet à son sujet :
1) Cette monnaie est-elle un obstacle au développement des 14 pays africains (plus les Comores), membres de la zone franc pour lesquels elle constitue la monnaie commune ?2) Est-elle au contraire un atout pour ces pays, la France jouant à leur profit le rôle d’une assurance monétaire ? 3) Créé en 1945, le CFA est-il une survivance de la période coloniale, un moyen pour la France de continuer à exercer une influence sur ses anciennes colonies ? 4)  L’intérêt politique de la France n’est-il pas de supprimer le CFA afin d’en finir une fois pour toutes avec les lassantes accusations de néocolonialisme[1] ?
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[1] Pour tout ce qui concerne les critiques concernant les politiques d’aide et de coopération, voir mon livre « Osons dire la vérité à l’Afrique ». Le Rocher, 2015.Pour le commander, cliquer ici (function(i,s,o,g,r,a,m){i['GoogleAnalyticsObject']=r;i[r]=i[r]||function(){ (i[r].q=i[r].q||[]).push(arguments)},i[r].l=1*new Date();a=s.createElement(o), m=s.getElementsByTagName(o)[0];a.async=1;a.src=g;m.parentNode.insertBefore(a,m) })(window,document,'script','https://www.google-analytics.com/analytics.js','ga'); ga('create', 'UA-88565760-1', 'auto'); ga('send', 'pageview');
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Sommaire de l'Afrique Réelle N°84 - Décembre 2016

mer, 30/11/2016 - 21:09
Sommaire  Actualité :- Algérie : Le retour en grâce du général Mediene ou les dernières convulsions du sérail- Sud Soudan : L’échec du redécoupage des frontières- Centrafrique : Quand la longue histoire des raids esclavagistes musulmans explique les tensions actuelles
Débat : L'Afrique se développe-t-elle ?

Editorial de Bernard Lugan
Mali et RCA, deux échecs du mythe du « vivre ensemble »
Au Mali comme en RCA, des conflits récurrents et résurgents opposent des populations que tout sépare. Au nom du mythe universaliste du « vivre ensemble », la seule solution proposée par la France est électorale. Or, l’ethno-mathématique confirmant à chaque fois la domination démographique, donc démocratique, des plus nombreux, les ressentiments des peuples minoritaires en sont aggravés. Voilà pourquoi nos interventions militaires successives, pourtant couronnées de succès, sont suivies d’autant d’échecs politiques. 
Un minimum de culture ethno-historique permet pourtant de bien poser le problème :
1) Dans le Sahel, et notamment au Mali, toutes les populations nomades nordistes, qu’il s’agisse des Touareg, des Maures, des Arabes et des Peul, furent esclavagistes. Durant des siècles, elles puisèrent dans le « vivier humain » sudiste du Bilad al Sudan, le « pays des Noirs », notamment chez les Bambara, les Soninké et les Malinké. Ces derniers n’ont pas oublié leurs souffrances passées dont ils furent délivrés par la colonisation. L’indépendance leur fournit ensuite les moyens d’une vengeance historique. Devenus les maîtres d’un Etat rassemblant artificiellement nomades et sédentaires, razzieurs et razziés, esclavagistes et victimes, ils s’en prirent aux Touareg, lesquels, en réaction, se soulevèrent à maintes reprises. Sur ce terreau propice prospérèrent ensuite les trafiquants de toutes sortes, puis les islamistes. 
2) Avant la colonisation, l’actuelle RCA, le Bilad el Kouti ou Dar Kouti, littéralement la « terre des esclaves », fut ravagée par les esclavagistes musulmans venus du Soudan et du Tchad. Comme au Mali, les populations sudistes conservent la mémoire de ces chasses à l’homme dont elles furent, elles aussi, libérées par la colonisation française. Pour elles, l’offensive que la Seleka lança en 2013 était donc une moderne razzia renouant avec les raids musulmans d’avant la période coloniale. 
Aujourd’hui, dans les deux pays, la situation est sans issue. Elle l’est parce que, au lieu de réfléchir à des solutions fondées sur le réel, donc sur la prise en compte du déterminant ethnique, la France, aveuglée par son idéologie universaliste n’a, comme les médecins de Molière, qu’un seul remède à proposer, le « clystère » électoral dont, quasiment partout en Afrique, l’on a pu constater l’inutilité et même la nocivité.
Une telle cécité, un tel aveuglement a une explication : les élites dirigeantes françaises sont formatées par l’africanisme devenu une discipline universitaire militante recrutant par endogamie doctrinale. Hier, il fut sous le contrôle de l’école marxiste qui bannissait le fait ethnique car il était jugé trop étranger à la conception matérialiste de l’histoire. Aujourd’hui, l’évidence ethnique est refusée car elle apporte un cruel démenti au diktat universaliste des adversaires de tout enracinement.
Il est donc urgent que soient fondées des universités « hors contrat » libérées de la doxa et dans lesquelles l’approche des Afriques pourra enfin se faire à travers le seul réel.
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Barkhane face au risque d’enlisement

ven, 11/11/2016 - 17:21
Communiqué de Bernard Lugan
La situation sécuritaire du Mali se détériore chaque jour un peu plus : les garnisons de l’impuissante armée malienne sont attaquées, des véhicules militaires français sautent sur des mines, quant à la Minusma, elle est évanescente. Le pays est en phase de parcellisation et même d’émiettement ethnique et tribal, tant au nord qu’au sud. Régionalement, l’insécurité touche désormais le Niger et le Burkina Faso, avec un glissement depuis la zone sahélienne vers la zone soudanienne. Pour le moment le Tchad est encore un solide pivot mais le Cameroun va entrer dans une période de turbulences provoquée par les futures échéances électorales.
Légitimés par le scrutin ethno-mathématique de 2013, les responsables politiques maliens ont refusé de prendre véritablement en compte les revendications nordistes. Rien d’étonnant à cela, car leurs ennemis sont moins les jihadistes que pourchassent les forces françaises, que les "séparatistes" touareg. Ayant échoué à faire reconnaître leurs revendications, ces derniers se sont divisés, ce qui ajoute encore aux incertitudes. D’autant plus qu’ils reprochent désormais à la France de les avoir  trahis après qu’elle les ait utilisés contre les jihadistes en échange de la promesse de son appui politique auprès des autorités de Bamako.
Le Mali étant donc plus que jamais à la veille de se défaire, et nos « alliés » touareg commençant à se retourner, la situation de Barkhane risque donc de devenir compliquée. C’est pourquoi il est temps de regarder la situation clairement en face à travers trois grandes questions :

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L'Afrique Réelle N°83 - Novembre 2016

ven, 04/11/2016 - 21:28
Sommaire :  Actualité : - Maroc : Le paradoxe électoral- Mali : L’atomisation tribale des Touareg- Gabon : une affaire de famille
Dossier : RDC, la coquille vide peut-elle imploser ?- Aux sources du chaos congolais (1960-1997)- Quand le diktat démocratique provoque l’anarchie- L'insoluble question du Kivu
Idées :Afrique : la nécessité de changer de paradigme

Editorial de Bernard Lugan : La dangereuse fragmentation du Mali
Un peu plus d’un an après les « accords d’Alger » qui devaient acter la réconciliation entre les belligérants, un peu plus de trois ans après des élections qui devaient faire couler le lait et le miel du consensus démocratique, le Mali est plus que jamais en perdition. L’actuel émiettement des protagonistes y rend en effet encore plus compliquée une situation déjà largement illisible. Avec, comme en Libye, le risque de voir éclater une guerre de tous contre tous qui profiterait aux jihadistes. Ce délitement se fait sous le regard impuissant de la Minusma (Mission des Nations Unies au Mali).
Sur le terrain, les groupes armés appartiennent à trois grandes familles : les jihadistes, les milices ethno-tribales nordistes et les milices ethno-tribales sudistes. Toutes étant impliquées à des degrés divers dans les activités mafieuses, des porosités existent entre elles, ce qui vient encore épaissir le brouillard de leur identification.
1) Les jihadistes
Les deux principaux groupes jihadistes sont Ansar ed-Dine du Touareg ifora Iyad ag Galy et la katiba al-Mourabitoune dirigée par Mokhtar Belmokhtar.
2) Les milices ou groupes ethno-tribaux nordistes
Il s’agit essentiellement des bras armés des diverses tribus touareg. Parmi elles, nous devons distinguer celles qui dépendent des Touareg Ifora et les autres.
a) Les groupes politico-armés ifora sont étroitement imbriqués. Il s’agit du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), du HCUA (Haut conseil pour l’unité de l’Azawad et de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad).
b) Les groupes politico-armés non Ifora sont essentiellement l’émanation des tribus Idnane, Imididaghane, Chamanamass, Dawssahak et Kel Antessar (Kel Ansar). Il s’agit du :- FPA (Front populaire de l’Azawad), mouvement des Chamanamass. - CJA (Congrès pour la justice dans l’Azawad), émanation des Touareg Kel Ansar.- MSA (Mouvement pour le salut de l’Azawad), groupe des Touareg Dawssahak dirigé par Moussa Ag Acharatoumane, un des anciens fondateurs du MNLA.
3) Les milices ou groupes ethno-tribaux sudistes
Leur diversité est extrême ainsi que leur volatilité. Certains sont conjoncturellement alliés au pouvoir de Bamako, d’autres se veulent jihadistes. Parmi eux : 
- Le GATIA (Groupe d'auto défense touareg Imghad et alliés) dirigé par le colonel Ag Gamou est le principal allié de Bamako. - Le FLM (Front de libération du Macina) est un mouvement peul et jihadiste.- Le MDP (Mouvement pour la défense de la patrie) est un mouvement armé peul que Bamako tente d’utiliser contre le FLM. -  Les groupes d’auto-défense bambara et dogon aux structures imprécises.
Entre tous ces groupes, il existe cependant un lien : le trafic. Si Barkhane s'y attaquait, elle risquerait de les fédérer.
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L’opération Sangaris : un échec politique qui avait été annoncé

dim, 30/10/2016 - 11:27
Le dimanche 30 octobre 2016, la France a mis un terme à l’Opération Sangaris lancée au mois de décembre 2013 pour mettre fin aux massacres commis par la Séléka[1]. Aujourd’hui, le chaos centrafricain n’a pas cessé et le pays est largement aux mains de cette même Séléka et de ses divers chefs de guerre, souvent des Soudanais. L’échec est donc total[2] et il doit être imputé aux dirigeants politiques français qui ont constamment donné aux militaires des ordres aberrants.  Rappel des faits et exposé des responsabilités socialistes.
Dans le dossier de la RCA, François Hollande a constamment tergiversé et accumulé les erreurs :
1) La première date de la fin de l'année 2012 (voir mes communiqués de l’époque) quand, avec peu de moyens, il eut été possible de « traiter » rapidement et efficacement les coupeurs de route de la Séléka. Mais, harcelé par le Quai d’Orsay, François Hollande hésita.
2) Au mois de mars 2013, alors que tous les connaisseurs du pays le pressaient d'agir, il laissa la Séléka prendre Bangui. La Centrafrique sombra alors dans le chaos cependant que les chrétiens - 95% de la population de souche -, étaient persécutés.
3) Début 2014, face au désastre humanitaire dont ses hésitations étaient la cause, François Hollande décida finalement d’intervenir mais en précisant toutefois que l'entrée en scène des forces françaises n'avait pas de but militaire...  Nos troupes ne reçurent donc pas d'ordres clairs puisque ni l’ « ami », ni l’ « ennemi » ne furent désignés, Paris demandant simplement à nos soldats de jouer les « bons samaritains ». Pour cette intervention, nos forces n’ont donc pas eu d’objectif clair. Entre l’humanitaire et le désarmement des milices, quelle fut leur mission? On l’ignore toujours…
4) Le déploiement de notre contingent se fit d'une manière totalement contraire à toute tactique militaire cohérente. Alors que l'objectif militaire prioritaire aurait en effet dû être le verrou de Birao dans l'extrême nord du pays[3] afin de couper la Séléka de sa base soudanaise, il fut au contraire décidé d'enliser les forces françaises à Bangui dans une mission d'interposition relevant de la gendarmerie mobile. L'intérieur de la Centrafrique fut donc laissé à la Séléka qui eut tout le loisir d'y poursuivre ses massacres. L'actuelle situation catastrophique est clairement la conséquence de ce choix militairement incompréhensible. Ce dernier s’explique probablement parce qu’il ne fallait pas « choquer » l’opinion musulmane en paraissant intervenir aux côtés des chrétiens…
5) Dès le début de l’Opération Sangaris, au lieu de leur demander de détruire  les bandes de la Séléka, Paris ordonna donc à nos soldats de simplement séparer agresseurs et agressés, bourreaux et victimes. Alors qu’il fallait leur donner les moyens de sidérer l’adversaire et de saturer l’objectif, les chiches moyens alloués à nos troupes ne leur permirent que de lancer des patrouilles, non de quadriller et de tenir le terrain. Comment prétendre en effet rétablir la paix dans un pays plus vaste que la France avec seulement 1600 hommes dont plusieurs centaines affectés à la seule garde de l’aéroport ? L’impression d’impuissance fut accentuée par le fait qu’à Bangui, au lieu d’être désarmée, la Séléka voulut bien accepter d’être cantonnée...en conservant ses armes et en gardant ses gains territoriaux à travers le pays.
6) Alors que la solution était d'abord militaire, le Quai d’Orsay ne cessa d'affirmer que la résolution de la crise se ferait par la reconstruction de l’Etat à travers le mirage électoral de 2016. Or, le président Faustin-Archange Touadéra a naturellement été incapable de reconstituer un « Etat » centrafricain, lequel n'a d'ailleurs jamais existé; sauf peut-être à l'époque de Bokassa.
Aujourd’hui, les massacres sont quotidiens et le pays est coupé en deux. Aucun administrateur sudiste n’ose en effet s’aventurer dans le nord où il s’y ferait massacrer, cependant que les fonctionnaires nordistes ne sont guère volontaires pour venir se faire lyncher à Bangui… Quant aux bandes de la Séléka et à leurs diverticules, elles tiennent plus de la moitié du pays. Les malheureuses populations occupées sont ainsi revenues aux temps des raids à esclaves lancés depuis le Soudan et dont leurs grands-parents avaient été délivrés par la colonisation. Elles avaient naïvement cru que les troupes françaises étaient venues pour les libérer. Leur amertume est donc grande car l'Elysée n'avait en réalité décidé qu'une gesticulation humanitaire sous habillage militaire.
Bernard Lugan30/10/2016
[1] « La Séléka, une nébuleuse criminelle (…) une internationale criminelle organisée et prospère ». Rapport de la fédération internationale des droits de l’homme du mois de septembre 2013 intitulé « RCA : un pays aux mains des criminels de guerre de la Séléka ».[2] Je l’avais annoncé et même décrit. Voir à ce sujet les numéros de l’Afrique Réelle et mes communiqués des années 2013-2015.[3] Cette position clé avait été évacuée le 30 mars 2010 sur ordre du président Sarkozy.
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L'Afrique Réelle n°82 - Octobre 2016

lun, 03/10/2016 - 17:58
Sommaire
Dossier : Le Niger entre Boko Haram, les Touareg et les Toubou- La paix est-elle définitivement faite avec les Touareg ?- Réveil identitaire toubou ou nouvelle forme de l’ethno-trafic ?
Dossier : Le Gabon après les élections présidentielles- Les Européens et le Gabon- L’alliance entre Téké et Fang de l’Estuaire, est-elle le secret de la longévité du clan Bongo ?- Le Gabon des Bongo- Une économie en quête d’un nouveau souffle- Les défis de la filière forestière

Editorial de Bernard Lugan : Gabon, encore une erreur des médias
Prisonniers de leurs dogmes, coupés des réalités et intoxiqués par une diaspora entreprenante, les médias français ont particulièrement illustré leur nullité partisane à l’occasion de la crise gabonaise. En effet, que n’avons-nous pas lu et entendu sur les « relations louches » et même « incestueuses » entre le Gabon et la France ? Que n’avons-nous pas lu et entendu à propos du « soulèvement démocratique » qui allait emporter le régime Bongo ? Un retour au réel est donc une fois de plus nécessaire. Il tient en deux points :
1) La « françafrique gabonaise » n’est qu’un fantasme de tiers-mondistes sur le retour. Quelques chiffres vont permettre de le montrer. Le Gabon est un minuscule pays qui occupe 0,9% de la superficie de l’Afrique, qui est peuplé par 0,18% de sa population et qui, économiquement, ne compte pas puisqu’il totalise à peine 0,9% de son PIB. Les perroquets de presse ne cessent d’écrire que la France y fait de juteuses affaires, les 120 entreprises ou filiales d’entreprises françaises présentes au Gabon détenant environ un quart des parts du marché local. Des Français font certes des affaires au Gabon, mais cela n’a aucun impact sur l’économie française comme le montrent les chiffres du commerce extérieur :
- En 2015, sur  500 764 millions d’euros de biens et marchandises importés par la France, 172,8 millions provenaient du Gabon, soit  0,003% de toutes les importations françaises. - En 2015, sur un volume de 454 999 millions d’euros de biens et marchandises exportées, la part du Gabon n’était que de 539,3 millions, soit 0,001% de toutes les exportations de la France. 
2) Le « soulèvement démocratique » tellement espéré  par les médias français était un mirage. L’affaire gabonaise va en effet se régler « à la Gabonaise », comme à l’époque de « papa » Bongo. Dès l’annonce officielle de sa « réélection » par la Cour constitutionnelle, Ali Bongo a ainsi appelé les partisans de Jean Ping à un « dialogue post-électoral ». Traduction : le « cadeautage » va préparer la voie à bien des ralliements. Voilà d’ailleurs pourquoi, après des déclarations pleines d’emphase destinées à donner le change, certains sont devenus subitement mesurés dans leurs propos. D’autant plus que, dans le futur « gouvernement d’union nationale », des maroquins seront réservés aux caciques dissidents  revenus à la gamelle... 
L’erreur des journalistes français fut, une fois de plus, en universalistes qu’ils sont, d’avoir analysé la situation comme s’ils étaient en présence d’une élection dans un pays européen. Or, au Gabon, les deux camps en présence ne s’opposaient pas sur des programmes politiques, mais en raison d’une brouille familiale. Les journalistes n’ont pas vu que nous étions face à une querelle opposant deux ex-beau-frères, Ali Bongo et Jean Ping. Que leur querelle faisait penser à un mélange de « Dallas » et de  « Game of Thrones » tropicaux dont certains des acteurs seraient sortis de « Plus belle la vie » ; ainsi, quand Jean Ping, dont le père est Chinois, accusait Ali Bongo de ne pas être Gabonais…
Le plus affligeant est que, n’ayant pas davantage de mémoire que de culture, ces mêmes journalistes vont continuer à se tromper. Ceux qui continuent à les lire ressemblent donc de plus en plus à des cocus complaisants.
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Ifora contre Imghad, Peul contre Bambara et contre Dogon, le Mali sombre…

mar, 20/09/2016 - 18:14
Un an après les « accords d’Alger » qui devaient acter la réconciliation entre les belligérants maliens, un peu plus de trois ans après des élections qui devaient faire couler le lait et le miel du consensus démocratique, le Mali est plus que jamais à la veille d’exploser. Or, ce n’est pas une guerre de religion qui le menace, l’islamisme n’y étant que la surinfection d’une plaie ethnique, mais un conflit ethno-racial sur lequel les trafiquants de toutes sortes ainsi que les islamistes se greffent avec opportunisme.
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Libye : le général Haftar met en échec le plan de l’ONU et de l’UE

jeu, 15/09/2016 - 10:46
Le 11 septembre 2016, après une offensive aussi soudaine qu’inattendue, l’ANL (Armée nationale libyenne) basée en Cyrénaïque et commandée par le général Haftar, l’ennemi des Frères musulmans de Misrata et des islamistes de Tripoli, a pris le contrôle du « croissant pétrolier » libyen et des ports terminaux de Sidra et de Ras Lanouf. Cette victoire met à mal le plan de l’ONU soutenu par l’UE, qui était de refaire l’unité de la Libye à travers le gouvernement El Sarraj appuyé sur les Frères musulmans de Misrata et sur les islamistes de Tripoli.Comme de leur côté, les milices de Misrata ont pris Syrte à Daech[1], il n’y a donc plus de tampon entre les forces du général Haftar et celles de Misrata. Dans ces conditions, la guerre Misrata-Haftar est-elle inévitable[2] ?

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[1] Il y avait entre 1500 et 2000 combattants de Daech à Syrte or, seuls 450 ont été tués ou faits prisonniers. Où sont passés les autres ?
[2]Pour tout ce qui concerne la question libyenne, voir mon livre Histoire de la Libye des origines à nos jours. Pour le commander, cliquer ici
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