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L'Afrique réelle (Blog de Bernard Lugan)

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Site officiel de l'historien africaniste Bernard Lugan, professeur à l'Université Lyon III et expert au tribunal international d'Arusha
Mis à jour : il y a 1 mois 3 semaines

L'Afrique Réelle N°95 - Novembre 2017

mer, 01/11/2017 - 10:24
Sommaire

Actualité
Somalie : un attentat révélateur de l’ampleur du chaos

Dossier
Sahel , des conflits ethniques sous paravent religieux
- L’islam, les Peul, les Haoussa et les Bambara
- L’islamisme radical est-il soluble dans l’océan ethnique ?

Histoire
Le 17 octobre 1961 à Paris : combien de morts ?
Entretien avec Bernard Lugan


Editorial de Bernard Lugan :
Quand une « chercheuse » de l’IRSEM s’aventure à parler des ethnies… 

Durant des années, des  membres du CNRS (Jean-Pierre Chrétien, Jean-Loup Amselle, Catherine Coquery-Vidrovitch ou Elikia M’Bokolo), nièrent l’existence des ethnies. Puis, rejoints et dépassés par les évidences, ils attribuèrent l’origine de ces dernières à la colonisation. Comme si les Africains n’avaient pas eu d’identité avant l’arrivée des colonisateurs... Aujourd’hui, comme il n’est plus question de nier l’évidence ethnique en raison de l’actualité, les « baise-cul » de l’idéologie officielle ont donc recours à la vieille méthode marxiste consistant à déconsidérer ad absurdum la thèse qu’ils attaquent en lui donnant un énoncé caricatural. Sonia Le Gouriellec, « chercheuse » à l’IRSEM (Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire), publie ainsi dans Le Monde du 16 octobre 2017, un article archétypique en la matière intitulé « La lecture exclusivement ethnique des conflits en Afrique est fallacieuse ». Or, nul esprit sensé n’a jamais écrit que l’ethnie explique tout. En revanche, ceux qui connaissent l’Afrique autrement que depuis l’algeco de la place Joffre, savent que rien ne s’explique sans l’ethnie… 
Pour fonder sa dialectique, Sonia Le Gouriellec prend l’exemple du Rwanda, société qu’elle ne connaît pas plus que la question ethnique elle-même, en caricaturant outrancièrement ce qui y constitue le soubassement de toutes les relations sociales : « Selon cette lecture (sous-entendu, celle de ceux qui ne pensent pas comme elle), les Tutsi et les Hutu seraient destinés à s’affronter et les massacres seraient le résultat d’une opposition raciste héréditaire et pratiquement constitutive de l’ADN des Rwandais et, plus largement, des Africains, condamnés aux tueries et aux barbaries spontanées sans dimension politique ni instrumentalisation ».
Mais où donc ailleurs que dans ses fantasmes, Sonia Le Gouriellec est-elle allée chercher de telles inepties ? On le comprend quelques lignes plus loin quand elle écrit, paraphrasant Jean-Pierre Chrétien : « C’est à partir du XIXe siècle (sous-entendu avec la colonisation) que le critère racial est intégré… ». Et nous voilà revenus à la théorie de la fabrication de l’ethnie par la colonisation… Bel exemple de pensée à la fois biaisée et totalitaire.
Plus loin, vautrée sous le truisme, notre « chercheuse » à l’IRSEM écrit : « l’ethnie n’est pas une réalité figée ou immuable, mais au contraire se trouve en constante évolution ». Une fois encore, qui soutient le contraire ? Cependant, est-ce parce que leurs contours évoluent, ce qui est le propre de toutes les sociétés humaines, que les ethnies n’existent plus ou n’existent pas ? 
Que Sonia Le Gouriellec utilise les colonnes du Monde pour développer ses élucubrations est une chose. Qu’elle le fasse es-qualités de « chercheuse » à l’IRSEM, en est une autre. Nos soldats qui risquent quotidiennement leur peau en étant confrontés, eux, au réel ethnique, ont en effet besoin de véritables connaissances du milieu sur lequel ils sont projetés, et non de fantasmes idéologiques inspirés de l’air du temps. Mais allons plus loin: en ces temps de drastiques réductions budgétaires, est-il concevable que, depuis les bureaux feutrés de l’IRSEM, loin de l’ennemi, - et pour quelle utilité ? -, des manieurs de concepts hors sol, fendent les eaux de la sociologie et du contentement de soi en « consommant » des crédits qui font si cruellement défaut à ceux qui, sur le terrain, constatent chaque jour l’inanité de leurs postulats ?
Catégories: Afrique

17 octobre 1961 : un « massacre » sans cadavres

ven, 13/10/2017 - 16:07
Comme chaque année à la date anniversaire de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris, communistes et socialistes, amis du FLN et militants « anticolonialistes » (sic), vont commémorer un « massacre » qui aurait été perpétré par la police française. Ils se réuniront ensuite sur le Pont Saint-Michel d’où, toujours selon  eux, des dizaines, voire des centaines d’Algériens auraient été précipités dans la Seine.
Le seul problème, mais il est de taille, est que ce « massacre » n’a pas eu lieu… Quant aux noyades, à l’exception de celles pratiquées par le FLN sur les membres du MNA ou sur les Harkis, elles n’ont pas davantage existé…car nous sommes en réalité en présence d’un montage.
Démonstration [1] :
1) Le 18 octobre 1961 au matin, le bilan de la manifestation de la veille parvient à Maurice Legay, directeur général de la police parisienne. Il est de 3 morts. Nous voilà donc loin des dizaines, voire des centaines de morts et de noyés avancés par certains.
2) Or, deux de ces trois morts, à savoir Abdelkader Déroués et Lamara Achenoune n’ont aucun lien avec la « répression » du 17 octobre puisqu’ils ont été tués, non pas à coups de matraque, mais par balle, non pas dans le centre de Paris, mais à Puteaux, donc loin de la manifestation. De plus, le second a été préalablement étranglé….
3) Un mort, un seul, a tout de même été relevé dans le périmètre de la manifestation et il ne s’agit pas d’un Algérien, mais d’un Français « de souche » nommé Guy Chevallier, décédé vers 21h devant le cinéma REX de fractures du crâne. Etait-il un simple passant ou bien un porteur de valises manifestant avec le FLN ? Nous l’ignorons. Fut-il tué lors d’une charge de la police ou bien par les manifestants ou bien par une toute autre cause ? Nous ne le savons pas davantage.
La conclusion qui s’impose à tout esprit doté d’un minimum de réflexion est que la « répression » de la manifestation algérienne du 17 octobre semble n’avoir paradoxalement provoqué aucun mort algérien…
A ces faits, les tenants de la thèse du « massacre » répondent que le vrai bilan de la « répression » policière n’a pu être établi que plusieurs jours plus tard, une fois pris en compte les blessés qui décédèrent ultérieurement, et une fois les cadavres retirés de la Seine. Mais aussi, parce que, terrorisés, les manifestants cachèrent d’abord les corps de leurs camarades.
Trois grandes raisons font que cette argumentation n’est pas recevable :
- Les archives des hôpitaux parisiens ne mentionnent pas une surmortalité particulière de « Nord-Africains » (selon la terminologie de l’époque), durant la période concernée. Même si de nombreux manifestants blessés à coups de matraques y furent pris en charge.

- La police ayant totalement et hermétiquement bouclé le périmètre de la manifestation, l’on voit mal comment des porteurs de cadavres auraient pu passer à travers les barrages.

- Et, in fine, que seraient devenus les cadavres en question ? Ils n’apparaissent en effet pas dans les archives de l’IML, l’Institut médico-légal (la Morgue), où sont transportés les morts relevés sur la voie publique ou repêchés dans la Seine et dans la Marne.

Le « Graphique des entrées de corps « N.A » (Nord-africains) par jour. Octobre 1961 », à l’Institut médico-légal de Paris, pour la période allant du 17 octobre au 21 octobre, nous apprend ainsi que:

- Le 17 octobre, alors que se déroulait dans Paris un prétendu « massacre », l’Institut Médico-Légal n’a enregistré aucune entrée de corps de « NA ».

- Le 18 octobre, deux corps de « NA » furent admis à l’IML. Il s’agissait d’Achour Belkacem, qui avait été tué ce 18 octobre à Colombes, donc le lendemain de la manifestation, par un policier invoquant la légitime défense. Le second était Abdelkader Bennahar relevé lui aussi à Colombes et portant des blessures à la tête avec possibilité, dixit le rapport de police, d’écrasement par un véhicule.

- Les 19 et 20 octobre, l’IML n’a comptabilisé aucune entrée de corps de « NA ».

- Le 21 octobre, soit 5 jours après la manifestation, 1 corps fut déposé à l’IML, celui de Ramdane Mehani décédé vers 22h 30 durant son transfert du commissariat du 13° arrondissement au palais des Sports de la Porte de Versailles. Le registre de l’IML parle de mort naturelle, donc, là encore, sans aucun lien avec la manifestation du 17 octobre.

Conclusion : nous sommes donc en présence d’un « massacre » sans cadavres, ce qui s’explique parce qu’il n’y eut pas de « massacre » !!!
C’est donc un « massacre » imaginaire qui va être commémoré le 17 octobre prochain à l’occasion d’une grande cérémonie culpabilisatrice à laquelle des médias incultes ou partisans vont une fois de plus donner une grande publicité.
Un « massacre » imaginaire fruit d’un montage politique fait à l’époque par le FLN voulant peser psychologiquement sur les négociations en cours avec le gouvernement français. Montage qui fut ensuite orchestré par le parti communiste et  plus que complaisamment relayé par les médias…hier comme aujourd’hui.
Pour les historiens du futur ce prétendu « massacre » restera donc comme la fabrication d’un des grands mythes du XX° siècle. A l’image de la manipulation de Katyn, des cadavres de Timisoara en Roumanie, des « couveuses » du Koweit et des « armes de destruction massive » en Irak. Leur principal sujet d’étonnement sera cependant l’insolite caution donnée à un tel mensonge par les plus hautes autorités de l’Etat français sous la présidence de François Hollande…
Bernard Lugan13/10/2017

[1] La brièveté synthétique de cette mise au point interdisant de développer un argumentaire détaillé, la bibliographie et l’historiographie de ce « massacre » seront faits  dans le numéro de novembre 2017 de l’Afrique Réelle que les abonnés recevront le 1er novembre. On pourra également voir à ce sujet le chapitre IX de mon livre : Algérie, l’histoire à l’endroit. Pour le commander, cliquer ici.
Catégories: Afrique

Niger : derrière la mort des soldats américains, l’opposition Peul-Touareg et les conséquences de l’ « embouteillage » sécuritaire

sam, 07/10/2017 - 10:57
(Cette analyse peut être reproduite à la condition d’en citer la source)

Le 4 octobre 2017 un élément américano-nigérien à ossature de forces spéciales est tombé dans une embuscade à quelques kilomètres de la frontière entre le Niger et le Mali, près de Tongo Tongo, un village situé à proximité de Tillabery. Cette embuscade a fait 4 morts parmi les soldats américains et au moins cinq parmi les Nigériens ainsi que plusieurs blessés. Les véhicules de la patrouille ont été détruits. Qui se cache derrière cette attaque marquant un palier supplémentaire dans le conflit sahélien ?
Pour la première fois, des assaillants viennent donc de s’en prendre ouvertement et dans un combat frontal à une force occidentale. Qui plus est, à des forces spéciales. Jusque-là, les pertes essuyées par les forces françaises étaient essentiellement provoquées par des IED, mines placées sur les axes empruntés par les convois ou les patrouilles. Nous sommes donc en présence d’une montée en puissance des jihadistes car l’embuscade était bien organisée, ses auteurs fortement armés et équipés de véhicules et de motos. Après l’attaque, les assaillants se sont volatilisés dans la savane.L’attaque s’est produite dans une zone particulièrement propice aux embuscades où les forces armées nigériennes ont déjà subi de lourdes pertes. La question qui se pose est double.

1) Qui sont les auteurs de cette attaque ?

Les autorités nigériennes accusent les groupes jihadistes maliens, notamment deux organisations, l’Etat islamique du Grand Sahara (EIGS) et le Jamat Nosrat al-Islam, nouveau mouvement apparu au mois de mars 2017 et dont le chef est Iyad ag Ghalid, un chef touareg malien de la grande tribu des Ifora passé au jihadisme et affilié à Al-Quaida.Or, nous devons bien voir que dans cette région, le paravent islamique cache le cœur de la question qui est une fois de plus l’ethnie. Comme je ne cesse de le dire depuis plusieurs années, le jihadisme sahélien est d’abord, la surinfection d’une plaie ethnique. Ici, tout se greffe en effet sur l’opposition entre Peul (Fulani), Touareg, Touareg Imghad et autres groupes, engagés dans une féroce compétition, d’abord pour le contrôle des trafics, mais aussi des points d’eau et des pâturages. Depuis plus d’une année, sous paravent islamique, se cache en réalité une terrible guerre ethnique qui oppose ces deux populations d’éleveurs nomades et qui a fait des dizaines de morts. Dans cet imbroglio, certains Fulani (Peul) se sont jihadisés afin de pouvoir lutter contre leurs rivaux et concurrents, notamment, mais pas exclusivement, les Imghad. Ces derniers qui ont été armés par le Mali pour lutter, certes contre les jihadistes, mais d’abord contre les Iforas, profitent de la situation pour s’en prendre à leurs rivaux ethniques. Les jihadistes ont beau jeu d’attiser ce conflit millénaire. Ils légitiment ainsi la réaction des Peul par les grands jihad des XVIIIe-XIXe siècles, quand le paysage politique de l’ouest africain sahélien fut remodelé par leurs ancêtres qui constituèrent alors de vastes Etats inspirés par le jihad. Alimentés à la fontaine du mythe, bien des jeunes peuls se sont mis à rêver à des destins comparables à ceux d’Ousmane Dan Fodio (1754-1817), fondateur de l’Empire de Sokoto, de Seku Ahmadu (1773-1844), qui créa l’empire peul du Macina ou encore à Omar Tall dit el-Hadj-Omar (1796-1864) fondateur de l’empire Toucouleur ou Torodbe qui s’était fixé pour but l’islamisation de l’Ouest africain.
Alors, certes, ce sont bien des jihadistes qui ont mené la sanglante embuscade du 4 octobre 2017. Mais en prenant appui sur la marqueterie ethnique régionale. Il est donc une fois de plus essentiel de voir ce qui alimente ce jihadisme. Pour cela, cessons d’analyser la situation en termes « globaux » ou en parlant de déficit de démocratie, de « développement » ou autres fadaises ânonnées ad nauseam par le politiquement correct ou le psittacisme journalistique. Autrement, le combat sera perdu par avance.
2) Du danger de l’ « embouteillage sécuritaire »

Dans de précédents articles ou communiqués, j’avais fortement mis en garde contre la multiplication des structures de lutte anti-jihadiste au Sahel. Elles constituent en effet une juxtaposition de forces dont la coordination est moins rapide que la prise de décision unique par les responsables jihadistes.Le coup très dur qui vient d’être porté aux forces spéciales américaines illustre hélas mon propos. Ces dernières ont deux emprises régionales, à Aguellal et à Diffa, plus des éléments équipés de drones à Agadez ainsi qu’une emprise sur l’aéroport de Niamey. Leur connaissance du terrain est technique et disons-le « livresque ». Il leur manque la « profondeur historique » et pour tout dire cette connaissance de la géopolitique ethnique régionale que notre vieille Infanterie de marine, la « Coloniale », possédait sur le bout des doigts.Aux forces américaines, viennent s’ajouter régionalement diverses composantes onusiennes, d’autres issues de l’Eurocorps. Ce mille-feuilles sécuritaire est également composé d’armées nationales, de forces conjointes issues de ces mêmes armées nationales, de milices ethniques anti-jihadistes et maintenant du G5 Sahel…Un véritable volapük militaire qui prête le flanc à toutes les catastrophes. D’autant plus que ces forces enchevêtrées et qui, toutes, luttent en principe contre les jihadistes, doivent de plus être coordonnées avec la colonne vertébrale du dispositif qui est Barkhane...Depuis la nuit des temps, l’expérience a pourtant appris trois choses aux militaires :
1) La nécessité de l’unité du commandement2) La connaissance du terrain3) L’identification de l’ennemi que l’on combat
Bernard Lugan
07/10/2017
Catégories: Afrique

L'Afrique Réelle N°94 - Octobre 2017

mar, 03/10/2017 - 11:17
SOMMAIRE
Dossier : Angola- Une économie du tout pétrole sinistrée- Une guerre civile de 25 ans
Dossier : Algérie- Les dessous de l’éviction d'Abdelmadjid Tebboune- L’armée pourrait-elle jouer un rôle dans le dénouement de la crise politique et institutionnelle ?- Entre désindustrialisation et effondrement de la rente pétrolière- A travers la presse algérienne
Histoire :La question «berbériste »

Editorial de Bernard Lugan :Algérie et Angola : le double naufrage
En Algérie et en Angola, la chute des prix du pétrole a mis au grand jour les graves problèmes communs à ces deux pays, tous deux créations coloniales dont les mouvements de libération furent militairement vaincus par les forces de l’ancien colonisateur. Contrairement à ce que prétendent les histoires officielles de ces deux pays, ce n’est en effet pas par les armes que les indépendances ont été obtenues, mais parce que Paris et Lisbonne en décidèrent ainsi. En donnant le pouvoir aux deux fractions les plus extrémistes de leur prisme politique nationaliste, à savoir le FLN en Algérie et le MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola) en Angola. Résultat, les deux pays ont immédiatement connu deux guerres civiles. En Algérie, l’insurrection kabyle fut vite réprimée, mais en Angola, l’UNITA poursuivit le combat jusqu’en 2002. 
L’Algérie et l’Angola ont pareillement vécu de la monoproduction des hydrocarbures et n’ont pas diversifié leurs économies : 90% de leurs exportations et 80% de leurs recettes fiscales ont ainsi pour origine le pétrole. A l’époque coloniale, Portugais et Français avaient au contraire créé des économies diversifiées et prospères, reposant sur un maillage de PME particulièrement performantes et sur une agriculture florissante et exportatrice. 
Depuis les indépendances, les deux pays sont dirigés par les mêmes partis, FLN et MPLA, dont les clans ont fait main-basse sur l’économie. Tous deux sont minés par la corruption et les dépenses publiques y servent à acheter la paix sociale. Le taux de chômage y est dramatiquement élevé (estimation 55%) et tous deux ont hérité des pesanteurs de la période socialiste avec notamment un nombre élevé de fonctionnaires venant plomber le déficit public[1]. 
La principale différence est politique. En Angola, le régime s’est maintenu aux affaires car le MPLA a fait élire Joao Lourenço, un apparatchik, pour succéder à José Eduardo Dos Santos resté 38 ans au pouvoir.En Algérie, le régime cherche à faire de même. Or, à la tête du pays depuis 1999, soit plus de 18 ans, le président Bouteflika connaît une dramatique fin de règne. Rendu impotent par la maladie, n’ayant plus prononcé de discours public depuis le 8 mai 2012, moribond et subissant en même temps l’agonie de l’économie algérienne, il n’exerce plus une fonction passée aux mains d’un clan familial et de quelques obligés. Risquant de devenir les victimes expiatoires du naufrage algérien après la mort de leur chef, ces derniers ont bien compris que leur survie passe par la conservation du pouvoir. Voilà pourquoi ils font tout pour tenter de le garder. Ce qui se passe actuellement en Algérie s’explique par cet impératif.
[1] L’Algérie compte 2.020.172 agents publics, soit 1.608.964 fonctionnaires et 411.208 contractuels (Direction générale de la fonction publique) pour une masse salariale de 2.600 milliards de dinars (1 dinar algérien = 0.00749 euros.)
Catégories: Afrique

Pourquoi le CRAN ne demande-t-il pas de débaptiser les écoles, collèges, lycées et rues Victor Hugo, Jean Jaurès, Léon Blum et Edouard Herriot ?

dim, 17/09/2017 - 22:39
Le journal Le Mondenous apprend que le CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France) organisation ultra confidentielle mais percevant des subventions prélevées sur les impôts des Français, fait actuellement circuler une singulière pétition ayant pour cible le grand ministre que fut Colbert. Parmi les signataires de cette pétition, on relève les noms de Lilian Thuram (footballeur), Harry Roselmack (journaliste) et Rokhaya Diallo (journaliste-documentaliste). Egalement celui d’une certaine Mireille Fanon-Mendès-France qui se présente comme « ancienne présidente du groupe d’experts de l’ONU sur les personnes d’ascendance africaine » (???). Ce titre ronflant fait d’elle, et en toute modestie, la porte-parole auto-proclamée de plus d’un milliard d’hommes et de femmes, ce qui n’est pas rien… Il pousse également à poser la question de savoir qui est l’actuel(le) président(e) de cet organisme et quels émoluments il (elle) perçoit du « machin » auquel la France, 5° contributeur à son budget ordinaire, verse annuellement 122,6 millions de dollars US prélevés, là encore, sur les impôts des Français.La pétition du CRAN demande rien de moins que de débaptiser les collèges et les lycées portant le nom de Jean-Baptiste Colbert et de déboulonner ses statues au motif qu’il « fonda la Compagnie des Indes occidentales, compagnie négrière de sinistre mémoire ».Mais pourquoi donc le CRAN s’en tient-il à Colbert ? Au nom du « vivre ensemble » et de l’antiracisme, n’est-il en effet pas nécessaire et plus urgent, de débaptiser les édifices publics portant les noms de Victor Hugo, Jean Jaurès, Léon Blum et Edouard Herriot… pour commencer. La liste est en effet longue de ces personnalités constituant le panthéon de nos gloires républicaines et laïques, de ces figures montrées en exemple de la défense des droits de l’homme, de la tolérance, de la fraternité universelle et qui, en réalité, seraient d’horribles racistes-colonialistes dont les propos abjects font penser aux plus sombres heures de notre passé colonial-esclavagiste. Que l’on en juge :

Victor Hugo, qui a donné son nom à 2555 rues et avenues de France, juste derrière Louis Pasteur, ce chantre de la liberté, n’hésita pas à afficher un détestable mépris à l’égard des Africains auxquels il alla jusqu‘à contester l’appartenance au genre humain :
« L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie même a son histoire qui date de son commencement dans la mémoire humaine, l’Afrique n’a pas d’histoire ; une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe.(…) Le Blanc a fait du Noir un homme (…) Emparez-vous de cette terre. Prenez-là. A qui ? à personne. »
Concernant la conquête coloniale, cette forme moderne de l’esclavage selon le CRAN, Jean Jaurès dont 2215 voies, rues, boulevards ou avenues portent le nom considérait que :
« La France a d’autant le droit de prolonger au Maroc son action économique et morale que (…) la civilisation qu’elle représente en Afrique auprès des indigènes est certainement supérieure à l’état présent du régime marocain »
Léon Blum et Edouard Herriot ne sont pas dans le « top 10 » des noms de rues et voies, ce qui est heureux, même si des centaines d’écoles, collèges, lycées, maisons de la culture, portent encore leurs noms. Leurs cas sont en effet encore plus graves que ceux de Victor Hugo et de Jean Jaurès. Celui de Léon Blum est même emblématique. Cet internationaliste aux mains pures, ce défenseur de Dreyfus, cet indéfectible soutien des « républicains » espagnols devenu éminente personnalité du Front populaire, compterait en effet, aux côtés d’Arthur de Gobineau, de Vachet de la Pouge et même du taxinomiste racial George Montandon, parmi les théoriciens (horresco referens !) de l’inégalité des races puisque, cause aggravante, ce fut devant les députés qu’il osa déclarer, l’hémicycle en frémit encore, que :
« Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture ».
Toujours devant les députés, Edouard Herriot, cette icône de la fraternité laïque, ce chantre de la tolérance républicaine si chère aux Lyonnais, ce frère de tous les humains, ce croisé du suffrage universel, n’a, quant à lui, pas craint d’oser dire que :

« Si nous donnions le droit de vote aux peuples de l’Empire, la France deviendrait la colonie de ses colonies ».
Alors, oui, amplifions le grand mouvement de nettoyage de l’histoire de France lancé par le CRAN, qui n’en manque décidemment pas, et établissons au plus vite des listes de personnalités qui ne méritent plus d’être respectées. Au nom de l’antiracisme et de l’amour du genre humain, épurons ! Epurons ! Epurons ! Et que revienne le temps béni des Fouquier Tinville, Carrier ou Collot d’Herbois…

Bernard Lugan
17/09/2017
Catégories: Afrique

L'Afrique Réelle N°93 - Septembre 2017

dim, 03/09/2017 - 22:03
SOMMAIRE  ActualitéKenya : Entre les illusions de la croissance et les réalités ethniques- La crise de la terre- Luo contre Kikuyu ou les ravages de l’ethno-mathématique démocratique
DossierSahel : L’ethnicisation du jihadisme
DébatAfrique : Le déterminant ethnique

Editorial de Bernard Lugan
Du Sahel à la zone guinéenne ou à la région péri-tchadique, l’ouest africain est en crise :
- Au Mali où la question nord-sud n’a pas été réglée et où l’islamisme est d’abord la surinfection d’une plaie ethnique, les attentats se multiplient et le chaos menace, s’étendant au centre du pays et débordant sur le Burkina Faso. En plus de ses propres crises, le Niger subit les conséquences des conflits malien et libyen. Quant au Tchad, il est saigné par la perte de ses revenus pétroliers, ce qui y réveille les vieux démons…
- Plus au sud, la Guinée risque de voir renaître ses oppositions ethniques à la faveur du prochain scrutin présidentiel, cependant que la Côte d’Ivoire ne parvient toujours pas à surmonter ses divisions.
- Dans le golfe de Guinée, le Nigeria est en pleine incertitude avec un président malade qui ne dirige plus un pays devenant peu à peu une sorte de bateau-ivre. En dépit de ses problèmes linguistiques, le Cameroun connaît un calme relatif avant la tempête qui risque de s’abattre sur lui à l’occasion de la campagne présidentielle de 2018.
Dans tous ces pays la « communauté internationale » (lire les Occidentaux), a imposé des élections en postulant qu’elles allaient y régler les crises. Sans tenir compte des leçons du passé et sans remettre en cause leur credo philosophique, les dirigeants des pays du Nord continuent de parler de « bonne gouvernance » et de démocratisation. Tétanisés par les dogmes qui les corsètent, ils nient ou ils refusent de prendre en compte les grandes réalités qui sont pourtant au cœur des problèmes africains : nous sommes en effet face à des sociétés communautaires et enracinées alors que le démocratisme est une idéologie individualiste, universaliste et hors sol. 
Comment, dans ces conditions, prétendre que la démocratisation pourra ramener un semblant de stabilité dans des pays où le système du « One man, one vote » débouche sur l’ethno-mathématique, à savoir le triomphe automatique des représentants des ethnies les plus nombreuses, les plus prolifiques ? 
Dans les Afriques où la criante nécessité d’Etats forts est une évidence, l’impératif démocratique décrété à la Baule par le président François Mitterrand le 20 juin 1990 a eu des conséquences désastreuses dont nous n’avons fini de mesurer les dégâts. Le multipartisme y a en effet affaibli des Etats en gestation et réveillé les luttes de pouvoir à travers des partis qui ne sont, dans leur immense majorité, que des habillages ethniques. 
C’est pourquoi il importe de permettre à l’Afrique de reprendre au plus vite ce « raccourci autoritaire » qui traumatise tant les démocrates européens, mais qui, seul, est peut-être susceptible, un jour, de provoquer une coagulation nationale[1].

[1] Voir à ce sujet mon livre Osons dire la vérité à l’Afrique. Le Rocher, 2015.
Catégories: Afrique

Franc CFA : l’arrestation de Kemi Séba relance le débat

lun, 28/08/2017 - 20:07
L’arrestation à Dakar le 25 août 2017 du nationaliste panafricaniste Kemi Séba accusé d’avoir brûlé en public un billet de 5000 francs CFA (moins de 8 euros), pose d’une manière très médiatisée la question du maintien de cette monnaie créée en 1945 et accusée par l’immense majorité des jeunes intellectuels africains d’être à la fois une survivance de la période coloniale et un moyen pour la France de continuer à exercer une tutelle sur ses anciennes colonies.
Dans une longue analyse intitulée « Franc CFA : « boulet colonial » ou « danseuse » ? » et réservée aux abonnés à l’Afrique Réelle ( son résumé a été publié sur ce blog le  6 décembre 2016), j’ai montré que :
1) Cette monnaie n’est pas un obstacle au développement des 14 pays africains (plus les Comores), membres de la zone franc pour lesquels elle constitue la monnaie commune,
2) Qu’elle est au contraire un atout pour eux, la France jouant à leur profit le rôle d’une assurance monétaire.
Economiquement parlant, le positif l’emportant sur le négatif, les pays africains concernés auraient donc avantage au maintien du CFA. Mais, avec ce dernier, nous n’en sommes plus au débat économique, mais à la symbolique.
Par ailleurs, contrairement à ce qui est constamment affirmé, la France n’a, quant à elle, aucun intérêt réel au maintien du CFA et de sa zone. Les chiffres publiés par la Direction générale du Trésor (avril 2016 en ligne) tordent en effet le cou à bien des légendes en mettant en évidence trois points importants:

1) En 2015, alors que la totalité de ses exportations mondiales était de 455,1 milliards d’euros, la France a vendu à la seule Afrique sud saharienne pour 12,2 milliards d’euros de biens et marchandises, soit 2,68 % de toutes ses exportations. Sur ces 12,2 milliards d’euros, la zone CFA en a totalisé 46%, soit environ 6 milliards d’euros, soit à peine 1,32% de toutes les exportations françaises. Pour ce qui est des importations, les chiffres sont voisins.

2) La zone CFA n’est pas non plus cette « chasse commerciale gardée » permettant aux productions françaises de bénéficier d’une sorte de marché réservé comme certains l’affirment. En 2015, la part de la France dans le marché de cette zone ne fut  en effet que de 11,4%, loin derrière la Chine.

3) Les détracteurs du CFA disent que les comptes d’opérations étant ouverts auprès du Trésor français, ce dernier bloque des sommes d’environ 14 mds d’euros qui appartiennent aux Africains et dont les intérêts lui profitent. Là encore, sachons raison garder. Que pèsent en effet ces 14 mds d’euros qui servent de garantie aux Etats africains pour la couverture de leurs achats à l’étranger comparés aux +- 400 milliards d’euros du budget de la France ?

Conclusion
1) Le poids de la zone CFA étant pour elle anecdotique, l’économie française ne serait donc guère affectée par sa suppression.
2) Politiquement, avec le CFA, nous en sommes davantage aux réactions psychologiques qu’aux analyses argumentées. L’intérêt de la France est donc de le supprimer ainsi que sa zone afin d’en finir une fois pour toutes, sept décennies après les indépendances, avec les lassantes et répétitives accusations de néocolonialisme et de « françafrique »[1].
Bernard Lugan28/08/2017

[1] Voir mon livre « Osons dire la vérité à l’Afrique ». Le Rocher, 2015. A commander ici.
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L'Afrique Réelle N°92 - Août 2017

jeu, 03/08/2017 - 16:26
Sommaire
Actualité :Mali : la France entre Barkhane et le G5 Sahel
Dossier Rwanda : Allons-nous enfin savoir qui sont les assassins du président Habyarimana ?- Le curieux missile du Kivu- Que contient le dossier du juge Herbaut, successeur du juge Trévidic ?
Livres :Sétif, encore et encore...

Editorial de Bernard Lugan
Face au chaos libyen qu’ils ont provoqué, s’obstinant à nier le réel et encalminés dans le néocolonialisme démocratique, les « Occidentaux » ont prétendu reconstruire la Libye autour d’un fantomatique gouvernement d’ « Union nationale ». Présidé par M. Fayez Sarraj, ce GUN est en réalité l’otage des milices islamistes de Tripolitaine et des Frères musulmans de Misrata. Face à cette politique « hors sol », la Russie a déroulé un plan reposant sur les rapports de force militaires. Sa conclusion fut le voyage que le général Haftar - l’homme avec lequel la « diplomatie » européenne refusait de parler directement -, effectua à Moscou les 27 et 28 novembre 2016. Du jour au lendemain, les nains politiques de l’UE réalisèrent alors que le « rebelle obstacle à la démocratisation de la Libye » était en réalité le maître de la Cyrénaïque, qu’il disposait de la seule force militaire du pays, qu’il contrôlait 85% de ses réserves de pétrole, 70% de celles de gaz, 5 de ses 6 terminaux pétroliers, 4 de ses 5 raffineries, et qu’il avait l’appui de la confédération tribale de Cyrénaïque ainsi que celui des tribus kadhafistes de Tripolitaine[1].Le 25 juillet 2017, le président Macron a organisé une rencontre entre Fayez Sarraj et le général Haftar, ce dernier voyant ainsi sa stature internationale confortée. Les deux hommes ont conclu un accord non signé et non ratifié. Que peut-il en résulter alors que le général Haftar est le maître de la Cyrénaïque quand Fayez Sarraj ne contrôle même pas Tripoli et vit sous la menace permanente des milices ? Les deux hommes se sont engagés à organiser des élections. Certes, mais la Libye a déjà connu plusieurs scrutins qui n’ont à aucun moment permis d’avancer sur le chemin de la paix. De plus, comme le Conseil des tribus n’a pas été partie prenante à cet accord, si Seif al-Islam Kadhafi n’y est pas associé d’une manière ou d’une autre, il demeurera lettre morte.
*La situation s’aggrave au Mali où, en dépit de l’accord de paix, les groupes armés signataires s’entretuent. Le climat sécuritaire du pays est plus mauvais aujourd’hui qu’il y a quatre ans, quand le président IBK a été élu. A l’insécurité dans le nord, s’ajoute en effet le centre du pays où, pudiquement, les observateurs parlent de « violences communautaires » pour ne pas dire  guerre ethno-tribale, l’islamisme n’étant ici que la surinfection d’une plaie ethnique.
*Les Casques bleus de la mission de paix au Congo (Monusco) ont mis la main sur un missile sol-air récupéré sur une milice du Kivu armée par Kigali. Il porte les mêmes numéros de série et a été fabriqué à la même date (avril 1987), que les deux missiles qui ont abattu l’avion présidentiel rwandais le 6 avril 1994. Ces éléments sont contenus dans un rapport officiel de la Monusco dont le rédacteur demande qu’il soit transmis au P5 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité) ou au P3 (les trois membres occidentaux du conseil de sécurité), à défaut, aux autorités judiciaires françaises en charge de l’enquête concernant l’attentat du 6 avril 1994. Ce rapport a maintenant plus de 10 mois. Si l’ONU ne l’a pas encore transmis au juge Herbaut, cela démontrerait une fois de plus que certaines puissances ne veulent toujours pas, 22 ans après l’attentat qui fut le déclencheur du génocide du Rwanda, que la vérité soit faite sur son (ses) commanditaire(s).
[1] Pour tout ce qui concerne les tribus de Libye et leurs alliances, voir de Bernard Lugan Histoire de la Libye des origines à nos jours
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Pourquoi le général Lecointre est-il accusé par les amis du général Kagamé d’avoir « défendu les auteurs du génocide » du Rwanda ?

mar, 25/07/2017 - 12:39
A peine nommé Chef d’Etat-Major des Armées, voilà le général Lecointre devenu la nouvelle cible des amis du régime de Kigali. En 1994, le capitaine Lecointre, participa à l’opération humanitaire Turquoise, ce qui lui vaut d’être aujourd’hui accusé par l’Humanité - journal en cessation de paiement depuis 2000 et qui reçoit annuellement en moyenne 600 000 euros de subventions de l’Etat français (Source Contribuables associés)-, de complicité de génocide. Cette accusation aussi violente qu’insensée a été portée dans un article au titre dénué de toute ambigüité : « Le nouveau chef d’état-major défendait les auteurs du génocide rwandais ». Parmi d’autres journaux, le Nouvel Observateur a ensuite imprudemment repris cet article-tract.
Imprudence en effet, parce que, avant d’en venir aux véritables raisons de cette attaque contre le général Lecointre, donc contre nos Armées, il importe de donner aux lecteurs de ce blog trois informations qui leur ont été soigneusement cachées par la presse. En premier lieu par le Figaro qui, au début du mois de juin 2017, fut particulièrement en pointe dans l’affaire des accusations portées par M. de Saint-Exupéry contre la France et son armée :
1) M. de Saint-Exupéry aurait alors été avisé de modérer ses propos puisque la Cour d’Appel de Paris, dans un arrêt du 18 décembre 2014, avait retenu le caractère diffamatoire de ses précédentes accusations portées contre les officiers français de l’opération Turquoise, excluant sa « bonne foi ». Or, à aucun moment, les journalistes qui, au mois de juin 2017 lui ouvrirent complaisamment leurs antennes ou leurs colonnes ne firent allusion à cette condamnation…
2) Contestant cet arrêt, M. de Saint-Exupéry s’était pourvu en Cassation. Or, dans un arrêt en date du 11 juillet 2017, la Cour de Cassation vient de rejeter son recours, estimant que la Cour d’Appel avait régulièrement jugé et qu’il y avait bien eu diffamation, condamnant de surcroît son auteur à une amende. La condamnation est donc définitive. Là encore, le silence des médias fut assourdissant…
3) Pour mémoire, dans l’affaire du général Quesnot, chef d’état-major particulier du président Mitterrand, la Cour de Cassation dans un arrêt du 14 janvier 2014 avait déjà fait litière des accusations portées contre l’armée française.
Alors pourquoi de telles campagnes de presse ? Les journalistes sont-ils à ce point ignorants ou arrogants qu’ils ne tiennent aucun compte des jugements rendus, reprenant inlassablement le « marronnier » de la prétendue « complicité française » dans le drame rwandais et cela dans l’ignorance bétonnée du dossier ? Pourquoi aujourd’hui cette attaque contre le général Lecointre ?
La réponse est claire. En mettant la pression sur Paris à travers des articles écrits par quelques spadassins de plume qui sont ses obligés ou ses dhimmis, le régime Kagamé se livre en réalité à un chantage: l’abandon de l’instruction des juges Herbaut et Poux dans l’enquête sur l’attentat du 6 avril 1994 qui coûta la vie au président Habyarimana contre la fin de la campagne médiatique anti-française.
Pour Kigali, il y a en effet péril en la demeure car l’étau se referme sur les auteurs de cet attentat qui déclencha le génocide du Rwanda. Voilà pourquoi une pression est exercée sur l’Etat français afin d’éviter la défaite judiciaire qui pourrait s’annoncer avec les conséquences cataclysmiques qui en découleraient car, comme l’a dit Madame Carla Del Ponte, Procureur du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda) : « S’il était avéré que c’est le FPR qui a abattu l’avion du président Habyarimana, c’est toute l’histoire du génocide du Rwanda qu’il faudrait réécrire ».
Or, les éléments allant dans ce sens semblent s’accumuler comme je le montre dans le communiqué en date du 29 juin 2017 publié sur mon blog. D’autant plus qu’un rapport confidentiel de l’ONU dont l’Afrique Réelle publiera les principaux éléments dans le numéro que les abonnés recevront le 1er août prochain (pour vous abonner, cliquez ici), nous apprend que les Casques bleu de la mission de paix au Congo (Monusco) ont mis la main sur un missile sol-air de la même série et fabriqué à la même date (avril 1987), que ceux qui ont abattu l’avion présidentiel rwandais le 6 avril 1994, missile récupéré sur une milice du Kivu armée par Kigali…
Ce nouvel élément dans la question de savoir qui, le 6 avril 1994, a assassiné le président Habyarimana, déclenchant ainsi le génocide de 1994, vient donc encore alimenter le volumineux dossier des juges français en charge de l’enquête sur ce crime qui coûta la vie à deux présidents en exercice, celui du Rwanda et celui du Burundi, qui avaient pris place dans le même avion. Comme, par les énormes pressions qu’ils exercèrent sur le Conseil de sécurité de l’ONU, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, alliés du régime de Kigali, réussirent à interdire au TPIR d’enquêter sur cet attentat, seule l’enquête française pourrait donc permettre de connaître un jour la vérité.
Voilà pourquoi, pour Kigali, il est vital que cette enquête soit annulée ou suspendue. Et c’est encore pourquoi le général Lecointre est attaqué, le régime rwandais voulant à travers ce tir de semonce de très gros calibre, indiquer au gouvernement français qu’il ne relâchera jamais sa pression et qu’il ne reculera devant aucune attaque puisqu’il en va de sa survie…
Désormais, une seule question doit être posée : la France se laissera-t-elle une fois de plus intimider par le général Kagamé comme ce fut tant de fois le cas sous les présidences Sarkozy et Hollande ? Dans une enquête très documentée parue dans le « UN », n°140 du 1° février 2017 sous le titre « Récit d’une manipulation », Pierre Péan explique en effet comment, à partir de l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy et jusqu’au départ du juge Trévidic, un groupe comprenant diplomates, magistrats, politiques et hommes de l’ombre, groupe relayé par les réseaux pro-Kagamé français se serait ingénié à saboter l’enquête française sur l’attentat du 6 avril 1994. Cet article hautement explosif ne fut relayé par aucun média français bien qu’il détaille de nombreux et très graves faits d’entrave à la justice.La nouvelle administration française décidera-t-elle de mettre enfin un terme à ces obscures pratiques pour dire clairement au général Kagamé que le temps des compromissions et des marchandages avec son régime est terminé ?
Le président de la République française qui s’est récemment plu à rappeler qu’il est le Chef des Armées, peut-il tolérer qu’un régime rwandais aux abois traîne ainsi son CEMA, donc les Armées françaises, dans la boue ?
Pour en savoir plus, voir le livre de Bernard Lugan :
Rwanda : un génocide en questions




















Editions du Rocher, 2014, 286 pages, cahier de cartes en couleur.
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Saïd Bouteflika a besoin du soutien de Paris pour succéder à son frère. Que propose-t-il pour l’obtenir ?

mer, 12/07/2017 - 11:51
Avec le régime algérien, rien n’est simple et rien ne doit être pris au premier degré. Y compris ses folles exigences de repentance. Ainsi, le 5 juillet 2017, quand, à l’occasion de la fête nationale, sourd, muet et quasi paralysé,  le président Abdelaziz Bouteflika publie un message diffusé par l’agence officielle APS dans lequel « il » écrit : « Notre peuple exige (je souligne) toujours une reconnaissance de ses souffrances de la part du colonisateur d’hier, la France ».Au-delà de cet exercice de style incantatoire, mécanique et convenu, passons à l’essentiel du message. Ceux qui tiennent la main du président Bouteflika s’y adressent plus aux Français qu’aux Algériens. Un paradoxe le jour de la fête nationale algérienne…. Après avoir insulté la France, voilà qu’ils y affichent une claire intention d’établir avec elle des rapports enfin apaisés à travers « un partenariat d’exception qui se doit d’être mutuellement bénéfique ». « Mutuellement bénéfique » signifiant donnant-donnant, que demande donc le clan Bouteflika aux abois ? Tout simplement qu’Emmanuel Macron entérine la succession « à la cubaine » qu’il prépare, Saïd Bouteflika prenant alors la place de son frère Abdelaziz. En échange de cet aval français qui ouvrirait la voie à une reconnaissance internationale, les services algériens « aideraient » Paris dans un dossier malien de plus en plus pesant, mais dont ils connaissent intimement certains des principaux acteurs…
Explications :
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L'Afrique Réelle N°91 - Juillet 2017

mar, 04/07/2017 - 13:49
Sommaire  Actualité :- L’isolement du Qatar va-t-il favoriser un règlement de la question libyenne ?- Centrafrique : tous contre tous… et contre les Peul
Dossier : Afrique du Sud- En 25 ans, l’ANC a réussi à ruiner un pays prospère…- La faillite économique- Une agriculture florissante mais menacée- Jacob Zuma peut-il survivre au « Gupta Gate » ?

Editorial de Bernard Lugan :Afrique du Sud et RCA, le mythe démocratique à l’épreuve des réalités
En trois décennies, Nelson Mandela, président de la République du 10 mai 1994 au 14 juin 1999, puis ses successeurs, Thabo Mbeki (1999-2008) et Jacob Zuma (depuis 2009), ont transformé un pays qui fut un temps une excroissance de l’Europe à l’extrémité australe du continent africain, en un Etat du « tiers-monde » dérivant dans un océan de pénuries, de corruption, de misère sociale et de violences, réalité en partie masquée par quelques secteurs ultraperformants de plus en plus réduits encore dirigés par des Blancs.
Pouvait-il en être autrement quand depuis 1994, la « Nouvelle Afrique du Sud » s’est construite sans tenir compte de la réalité ? La « nation arc-en-ciel », paradis post-apartheid, moderne version de la « société sans classes » qui était postulée naître de la fin du régime blanc est en effet vite apparue comme un « miroir aux alouettes ». Produit de la niaiserie occidentale, ce dernier a interdit de voir que l’Afrique du Sud ne constitue pas une Nation, mais une mosaïque de peuples différents rassemblés ou juxtaposés par le colonisateur britannique. Des peuples dont les références culturelles sont étrangères et même irréductibles, les unes aux autres. Durant des années, le culte planétaire quasi religieux rendu à Nelson Mandela, le dithyrambe outrancier chanté par des hommes politiques opportunistes et des journalistes tant incultes que formatés, a masqué le réel. Aujourd’hui, la messe est dite et à travers les dernières fumées de l’encens, le cercueil de la vieille Afrique du Sud apparaît bien vermoulu… En Centrafrique, nous assistons au début d’une situation « à la libérienne ». Mais à l’échelle de l’Afrique centrale car, en raison des apparentements transfrontaliers, des risques de contagion se profilent déjà en Ouganda, en RDC, au Soudan, au Cameroun, au Congo et au Tchad. Le risque de résurgence de conflits pré-coloniaux alimentés par la prédation était connu et c’est pourquoi il importe de désigner ceux qui, par ignorance ou par idéologie ont permis leur extension :- Le premier est Nicolas Sarkozy qui décida d’évacuer l’emprise militaire française de Birao, clé de toute la région et axe traditionnel des invasions venues du Soudan en direction à la fois du fleuve et du lac Tchad.- Le second est François Hollande. Alors qu’il aurait dû ordonner de « traiter » les coupeurs de route du Seleka avant leur marche sur Bangui, il les laissa au contraire agir. Puis, quand, début 2014, il lança l’Opération Sangaris, il ne donna pas de mission claire à nos troupes, se refusant à désigner l’« ami » et l’« ennemi », plaçant nos soldats entre le marteau et l’enclume. Plus grave encore, il les encalmina à Bangui alors que l’objectif eut dû être Birao afin de couper le Seleka de ses bases soudanaises. Prisonnier du postulat démocratique François Hollande ne cessa ensuite d'affirmer que la résolution de la crise se ferait par la reconstruction de l’Etat à travers des élections, ce qui conduisit automatiquement à une ethno-mathématique. L’élection, le 14 février 2016, de Faustin-Archange Touadéra à la présidence de la République, fit en effet que les plus nombreux, c'est à dire les sudistes, revinrent automatiquement au pouvoir, alimentant encore davantage la furie des moins nombreux, c'est à dire les nordistes…
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Rwanda : M. de Saint-Exupéry accuse t-il la France afin de protéger le général Kagamé ?

jeu, 29/06/2017 - 20:26
Communiqué de Bernard Lugan[1]
Fidèle caisse de résonance du régime de Kigali, la presse française donne actuellement une énorme publicité à un insignifiant article de M. Patrick de Saint-Exupéry dans lequel, sans la moindre preuve, sans la publication du moindre document nouveau, et uniquement sur la base de sous-entendus orientés, il accuse la France d’avoir voulu « réarmer » les génocidaires rwandais durant l’été 1994. Plus encore, voilà maintenant la BNP qui est désormais soupçonnée d’être partie prenante dans cette rocambolesque affaire. L’explication d’une telle campagne orchestrée depuis le Rwanda est pourtant limpide: l’étau se refermant peu à peu sur le régime Kagamé, dans le cadre de l’enquête sur l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, ses amis français sont actuellement à la manœuvre afin d’intimider Emmanuel Macron, comme ils avaient si bien réussi à le faire avec Nicolas Sarkozy et François Hollande. A une différence près : depuis quelques mois, les éléments qui s’accumulent sur le bureau des magistrats français et qui mettent directement en cause le régime de Kigali dans le déroulé des évènements de l’année 1994 sont tels qu’il est désormais impossible d’étouffer l’affaire…
Deux points sont établis :
1) L’attentat du 6 avril 1994 qui provoqua la mort du président hutu Habyarimana fut le déclencheur du génocide. 
2) La thèse du régime de Kigali, à savoir celle du génocide « programmé » et « planifié » par les « extrémistes » hutu, a volé en éclats devant le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda). Ce tribunal créé par le Conseil de sécurité de l’ONU et siégeant à Arusha de 1995 à 2016, a en effet, dans ses jugements concernant les « principaux responsables du génocide » -dont celui du colonel Bagosora présenté comme l’architecte du génocide-, que ce soit en première instance ou en appel, clairement établi qu’il n’y avait pas eu « entente » pour le commettre[2]. Si ce génocide n’était pas programmé, c’est donc qu’il fut spontané, et ce qui le provoqua fut l’assassinat du président Habyarimana. 
Voilà pourquoi la question de savoir qui a ourdi cet attentat est primordiale. Or, il n’y a jamais eu d’enquête internationale menée sur ce crime qui coûta la vie à deux présidents en exercice élus, celui du Rwanda et celui du Burundi, qui avaient pris place dans le même avion. 
Par les énormes pressions qu’ils exercèrent sur le Conseil de sécurité de l’ONU, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, alliés indéfectibles du régime de Kigali, réussirent en effet à interdire au TPIR de mener cette enquête. 
Au mois de janvier 1997, Madame Louise Arbour, Procureur du TPIR de septembre 1996 à septembre 1999, ordonna ainsi à Michael Hourigan de cesser ses investigations. Ce fonctionnaire de l’ONU avait pourtant été personnellement chargé par elle, d’identifier les commanditaires et les auteurs de l’attentat du 6 avril 1994. Madame Arbour voulait alors étayer l’acte d’accusation rachitique qu’elle était occupée à dresser contre les anciens dirigeants du régime Habyarimana, en montrant que cet attentat avait été commis par des « extrémistes hutu », et qu’en le commettant, ces derniers avaient donné le signal du génocide qu’ils avaient programmé.Or, sur place, à Kigali, menant son enquête, Michael Hourigan découvrit tout au contraire que les auteurs de l’attentat n’étaient pas des « Hutu extrémistes », mais des Tutsi du FPR… et il obtint même les noms de ceux qui, selon lui, auraient abattu l’avion du président Habyarimana. Il rédigea un rapport qu’il remit personnellement à Madame Arbour qui le somma alors de mettre un terme à ses recherches, exigeant la confidentialité absolue sur ses découvertes. Le contrat de Michael Hourigan avec l’ONU ne fut pas renouvelé. 
Saisie par les familles de l’équipage français de l’avion présidentiel abattu, la justice française s’est ensuite risquée sur cette affaire qui fut confiée au juge Bruguière. Bien que le TPIR ait refusé de le lui communiquer, et cela au prétexte qu’il n’existait pas ( !!!), le juge Bruguière obtint malgré tout une copie du « Rapport Hourigan ». Puis, devant le juge, Michael Hourigan authentifia son texte dont il confirma la teneur. Poussant plus loin ses investigations, le juge Bruguière interrogea le capitaine sénégalais Amadou Deme, adjoint de Michael Hourigan et ancien numéro 2 du renseignement de l’ONU au Rwanda. Cet officier lui confirma à la fois les résultats de l’enquête à laquelle il avait personnellement participé, et l’insolite changement d’attitude de madame Arbour à partir du moment où le FPR fut suspecté d’avoir assassiné le président Habyarimana.Le 16 novembre 2006, au terme de son enquête, le juge Bruguière accusa à son tour le général Kagamé et il lança neuf mandats d’arrêt contre des membres importants de son premier cercle. Après le départ à la retraite de ce magistrat, l’enquête fut reprise par le juge Trévidic, puis par les juges Herbaut et Poux.
Au mois de juillet 2013 puis en janvier 2014, le juge Trévidic interrogea Jean-Marie Micombero, ancien secrétaire général au ministère rwandais de la Défense et qui, le 6 avril 1994, était affecté à une section chargée du renseignement dépendant directement de Paul Kagamé. Le témoin lui confirma les noms des deux membres de l'armée de Paul Kagamé qui, le 6 avril 1994, auraient tiré les deux missiles qui abattirent l’avion présidentiel. Il livra également au juge nombre de détails sur les préparatifs et sur le déroulement de l’attentat[3]. Ces déclarations recoupaient en les confirmant celles recueillies en leur temps par le juge Bruguière auprès d’autres témoins.
La contre-attaque du général Kagamé se fit à travers ses puissants réseaux d’influence français et par le biais d’une presse qui ne cessa jamais de lui servir de porte-voix, notamment LibérationLe Monde et Le Figaro.Appuyé sur les uns et sur les autres, il tenta de répétitives manœuvres dilatoires destinées à discréditer le travail du juge Bruguière. Mais, au moment où, de guerre lasse, le juge Trévidic s’apprêtait à clôturer son instruction, trois témoins de la plus haute importance se manifestèrent.
Il s’agissait du général Faustin Kayumba Nyamwaza, ancien chef d’état-major de l’APR (Armée patriotique rwandaise, l’armée tutsi), à l’époque responsable du renseignement militaire, du colonel Patrick Karegeya, ancien chef des renseignements du Rwanda, tous deux réfugiés en Afrique du Sud d’où ils accusaient de la façon la plus claire le président Kagamé d’être le responsable de l’attentat du 6 avril 1994 qui coûta la vie au président hutu Habyarimana, et d’Emile Gafarita qui prétendait être l'un des trois membres du FPR qui transportèrent depuis l'Ouganda jusqu'à Kigali les missiles qui abattirent l'avion du président Habyarimana.
Au mois de juin 2010, le général Kayumba survécut par miracle à une tentative d’assassinat dont les auteurs, des Rwandais, furent arrêtés et jugés en Afrique du Sud. Le colonel Patrick Karegeya fut étranglé le 31 décembre 2013 dans sa chambre d’hôtel de Johannesburg.Emile Gafarita fut quant à lui enlevé à Nairobi le 13 novembre 2014 à la veille de son départ pour la France où il devait être interrogé par le juge Trévidic. Dans la procédure de réouverture d'instruction qui était alors en cours, la teneur de ce que le témoin-acteur allait dire aux juges était accessible à la Défense. Cette dernière informa ses clients de l’existence d’Emile Gafirita et de son prochain témoignage. Avocat de l’Etat rwandais (Afrikarabia, 19 octobre 2016) et de 6 des 7 mis en examen, M° Léon-Lef Forster, dans un entretien avec la journaliste canadienne Judi Rever[4] l’a reconnu:« J’ai informé les mis en examen, un avocat a l’obligation d’indiquer à ses clients où en est la procédure…il est parfaitement légitime que les clients soient informés des raisons pour lesquelles le dossier est ré-ouvert ».
A partir de ce moment, Emile Gafirita fut en danger de mort[5]. Dans ces conditions, il est pour le moins « insolite » que les juges français qui allaient l’interroger n’aient pas pris la précaution de le mettre sous protection. D’autant plus qu’Emile Gafirita se savait menacé et que, dans l’attente de sa convocation qui arriva le jour de sa disparition, il avait écrit par mail à son avocat, M° Cantier, qu’il souhaitait être entendu : « le plus vite serait le mieux avant qu’ils ne me fassent taire à jamais ».
Emile Gafirita avait demandé à être entendu sous X avec le statut de « témoin protégé », ce qui ne lui fut pas accordé par le juge Trévidic. Et pourtant, comme l’a révélé plus tard Emmanuel Fansten dans Libération du 4 mars 2015, à la même époque, le juge Trévidic qui enquêtait sur l’attentat de la rue Copernic entendit sous X un ancien membre du groupe Abou Nidal.Pourquoi une telle différence de traitement ? Le juge Trévidic justifia son refus d’entendre anonymement Emile Gafarita « par le nombre conséquent de manipulations constatées dans l’instruction» (Jeune Afrique, 9 décembre 2014). Cette explication laisse pour le moins perplexe car le juge d’instruction a précisément parmi ses missions celle de faire le tri entre les éléments qu’il recueille. Dans tous les cas, ceux qui enlevèrent Emile Gafirita ne partageaient pas ses doutes…
La justice française a donc été incapable de protéger ce témoin essentiel puisque ses ravisseurs ont été prévenus qu'il était depuis quelques semaines à Nairobi où il vivait clandestinement sous un nom d'emprunt dans l'attente de son départ pour la France. Dans son livre "La France dans la terreur rwandaise" (Editions Duboiris, 2014, page 302), le journaliste Onana rapporte de graves propos tenus par le colonel Karegeya peu avant son assassinat: " (...) tout ce que fait votre juge (Trévidic) se trouve dans les médias, même les noms des témoins qui peuvent ainsi être retournés par Kigali ou assassinés".
Allons plus loin : certaines sources sud-africaines laisseraient entendre que des fonctionnaires de l’ambassade de France à Pretoria auraient oralement tenté de dissuader, fin novembre 2016, les autorités judiciaires sud-africaines d’accorder aux magistrats français les possibilités d’entraide judiciaire leur permettant d’interroger le général Nyamwaza.Le 30 novembre 2016, interloquées par cette demande orale insolite, les autorités sud-africaines auraient alors demandé que cette requête soit formulée par écrit… ce qui aurait mis un terme à cette tentative d’entrave à la justice…et, les quatre « visas » des autorités judiciaires sud-africaines nécessaires à l’exécution de l’entraide judiciaire internationale furent accordés aux juges français mi-février 2017. Avant d’être bloqués à la fin du mois à la suite de la visite exceptionnelle faite en Afrique du Sud par le général Joseph Nzabamwita, Responsable des services nationaux de renseignement et de sécurité (NISS), envoyé du général Kagamé.
Dans une enquête très documentée parue dans le « UN », n°140 du 1° février 2017 sous le titre « Récit d’une manipulation », Pierre Péan explique comment, à partir de l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy et jusqu’au départ du juge Trévidic, un groupe comprenant diplomates, magistrats, politiques et hommes de l’ombre, groupe relayé par les réseaux pro-Kagamé français se serait ingénié à saboter l’enquête du juge Bruguière. Cet article n’a été relayé par aucun média français bien qu’il détaille de nombreux et très graves faits d’entrave à la justice.
Quoiqu’il en soit, loin des tumultes et des manipulations médiatiques, un dossier existe et, pour le régime de Kigali, ses avancées pourraient être dévastatrices. Voilà pourquoi ses amis ont reçu l’ordre d’allumer des contre-feux et voilà pourquoi, la presse française est actuellement et une nouvelle fois à la manœuvre.
Que contient en effet le dossier des juges Herbaut et Poux ?
Les éléments qui figurent dans le dossier d’instruction pèsent plus lourd que les sous-entendus de M. de Saint-Exupéry :
1) Le dossier donne, entre autres, le lieu du tir des missiles, les noms des deux tireurs et des membres de leur escorte, la marque et la couleur des véhicules utilisés pour transporter les missiles depuis l’Ouganda jusqu’au casernement de l’APR situé au centre de Kigali et de là, jusqu’au lieu de tir à travers les lignes de l’armée rwandaise, ainsi que le déroulé de l’action.
2) Le dossier contient la preuve que l’avion présidentiel rwandais a été engagé par deux missiles dont la traçabilité a été établie. Grâce à la coopération judiciaire de la Russie, la justice française sait en effet que ces deux missiles dont les numéros de série étaient respectivement 04-87-04814 et 04-87-04835 faisaient partie d’un lot de 40 missiles SA-16 IGLA livrés à l’armée ougandaise quelques années auparavant. Or, Paul Kagamé et ses principaux adjoints furent officiers supérieurs dans l’armée ougandaise avant la guerre civile rwandaise et, de 1990 à 1994, l’Ouganda fut la base arrière, mais aussi l’arsenal du FPR. De plus, devant le TPIR, il fut amplement démontré que l’armée rwandaise ne disposait pas de tels missiles et que l’arme du crime était bien entre les mains du FPR.D’autant plus qu’au mois d’août 2016, la MONUSCO a saisi en RDC un missile de type SA-16 de la même série que ceux qui furent tirés contre l’avion du président Habyarimana le 6 avril 1994. Or, ce missile avait appartenu à une milice soutenue par le Rwanda. Un rapport officiel de la MONUSCO a été transmis au siège de l’ONU à New-York qui visiblement tarde à le transmettre au juge français malgré les recommandations du rédacteur du rapport en question (Référence : Strictly Confidential. Goma, 20 septembre 2016).
En dépit de toutes les pressions qu’ils subissent et qui vont aller croissant, il faudra bien que, tôt ou tard, les juges fassent la balance entre les éléments que contient le dossier de l’assassinat du président Habyarimana. Or, comme les magistrats instructeurs auraient entre les mains suffisamment d’éléments pour étayer la thèse de la responsabilité du général Kagamé dans l’attentat du 6 avril 1994 qui coûta vie au président Habyarimana, attentat qui fut l’élément déclencheur du génocide, tout va in fine dépendre du Parquet chargé de porter l’accusation à l’audience.
Nous voilà donc revenus à la politique, donc aux réseaux d’influence que Kigali entretient en France et dont la mission est de tenter d’influencer la Justice pour que soit étouffé le dossier car, comme l’a dit Madame Carla Del Ponte qui succéda à Louise Arbour au poste de Procureur du TPIR : « S’il était avéré que c’est le FPR qui a abattu l’avion du président Habyarimana, c’est toute l’histoire du génocide du Rwanda qu’il faudrait re-écrire ».Et de cela, les alliés, les soutiens et les obligés du général Kagamé ne veulent évidemment pas entendre parler.
Pour en savoir plus, voir le livre de Bernard Lugan :Rwanda : un génocide en questionsEditions du Rocher, 2014, 286 pages, cahier de cartes en couleur.
[1] Expert assermenté devant le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda) dans les affaires Emmanuel Ndindabahizi (TPIR-2001-71-T), Théoneste Bagosora ( TPIR-98-41-T), Tharcisse Renzaho (TPIR-97-31-I), Protais Zigiranyirazo. (TPIR-2001-73-T), Innocent Sagahutu (TPIR-2000-56-T), Augustin Bizimungu (TPIR- 2000-56-T) et commissionné dans les affaires Edouard Karemera (TPIR-98-44 I) et J.C Bicamumpaka (TPIR-99-50-T).[2] A l’exception du jugement de Jean Kambanda, ancien Premier ministre condamné en 1998, après qu’il eut plaidé coupable contre la promesse d’une peine réduite, procédure qui de facto lui avait fait accepter l’acte d’accusation du procureur. Depuis, il est revenu sur cette reconnaissance.[3] Voir à ce sujet l’interview recueillie par Pierre Péan intitulée « J’ai assisté à la préparation de l’attentat qui a déclenché le génocide » (Marianne numéro du 28 mars au 3 avril 2014).[4] Judi Rever « Witness in French inquiry into 1994 Rwanda plane crash disappears ». 20 novembre 2014 en ligne.[5] Le 18 novembre 2014, le professeur belge Filip Reyntjens, juriste spécialiste du Rwanda et expert devant le TPIR, écrivit à M° Bernard Maingain, avocat belge des mêmes officiels rwandais mis en examen par le juge Bruguière : « Si vous avez communiqué le nom de M. Gafirita, qu’on ne verra probablement plus, à vos clients rwandais, vous devriez avoir honte et votre conscience devrait être lourde » (cité par Jeune Afrique, 9 décembre 2014).
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Centrafrique : le massacre de Bria entre résurgences ethniques, aveuglement démocratique français et incompétence de l’ONU

jeu, 22/06/2017 - 16:16
Lundi 19 juin, à Rome, sous le parrainage de la  communauté de Sant ’Egidio, 13 groupes rebelles centrafricains signèrent un accord prévoyant un cessez-le-feu immédiat. Le lendemain, à Bria, dans le centre de la RCA, l’un des groupes signataires  se livra à un vaste massacre de civils. L’ancienne grille de lecture de la situation centrafricaine présentée comme une confrontation globale entre Seleka et anti-Balaka, entre chrétiens et musulmans, est largement obsolète. La RCA est en effet désormais atomisée en de multiples petits foyers de violence inclus dans un pays coupé en deux, avec une partie majoritairement chrétienne à l’ouest et une autre à domination musulmane à l’est. Or, les principaux foyers de désordre se situent à l’intérieur de ces deux grandes zones où les réalités ethniques séculaires ont pris le pas sur les adhésions plus ou moins récentes et plus ou moins profondes à des religions importées. C’est ainsi qu’à Bria, les massacres se commettent entre musulmans appartenant à des ethnies différentes. Si la tragédie centrafricaine est bien une résurgence de conflits inscrits dans la nuit des temps, son emballement actuel est la conséquence de plusieurs grandes erreurs commises par François Hollande en raison de son aveuglement démocratique. Quant à l’actuelle gestion de la crise par les forces de l’ONU, elle relève du pur scandale en raison de l’incompétence de ses acteurs. Explication. 
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L'Afrique Réelle N°90 - Juin 2017

dim, 28/05/2017 - 23:00
Sommaire
Actualité :- Les dossiers africains du président Macron- Libye : derrière la bataille de Brak- Centrafrique : Les quatre erreurs de François Hollande- Algérie : une société bloquée au bord de l’implosion
Economie :L’impasse économique africaine
Génétique :L’Afrique du Nord n’est pas arabe

Editorial de Bernard Lugan :Misrata et l’anarchie libyenne
En Libye la guerre est désormais totale. Jusqu’à présent tous se battaient contre tous dans un climat d’anarchie duquel aucune solution ne pouvait émerger. Désormais, trois grands camps s’affrontent qui devraient peu à peu engerber les multiples forces secondaires qui mettent le pays en coupe réglée. Nous commençons donc à y voir plus clair car, c’est du rapport de force qui va s’établir entre ces trois grandes composantes que sortira la paix future et la reconstruction de la Libye.
1) En Cyrénaïque, depuis le début du mois de mai 2014, le général Khalifa Haftar, a lancé l’Opération dignité contre les milices islamistes. Aujourd’hui, il contrôle la région, à l’exception de la ville de Derna. Après les derniers attentats dirigés contre les coptes et qui furent téléguidés depuis Derna, le maréchal Sissi va appuyer encore davantage le général Haftar, avec une priorité : liquider cette poche islamiste.Le général Khalifa Haftar est issu de la tribu des Ferjany dont le fief est la ville de Syrte, ville natale du colonel Kadhafi. Il fut avec ce dernier, un des auteurs du coup d’Etat militaire qui renversa le roi Idriss en 1969. S’il s’est ensuite brouillé avec son camarade, il n’a en revanche jamais rompu les liens avec sa tribu, ce qui le place au cœur d’une alchimie tribale stratégique située à la jonction de la Cyrénaïque et de la Tripolitaine. Il est soutenu par l’Egypte, les Emirats arabes unis et la Russie. Actuellement, il livre bataille dans le Fezzan afin d’isoler les forces de Misrata (voir l’article consacré à la bataille de Brak page 3 de ce numéro).
2) A Tripoli, le GLUN (Gouvernement libyen d’union nationale) est désormais disposé à s’entendre avec le général Haftar. C’est pourquoi il est actuellement combattu par Misrata (Frères musulmans) qui serait la grande perdante d’un accord GLUN-Haftar. Alliées à de multiples composantes islamistes, les milices de Misrata occupent une partie de Tripoli, ce qui provoque l’exaspération de la population. Pour mémoire, le 15 novembre 2013, les miliciens de Misrata y avaient ouvert le feu sur une foule réclamant déjà leur départ, faisant plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés.
3) Misrata, ville riche, puissante, fief des Frères musulmans et tournée culturellement et politiquement vers la Turquie est une sorte de corps étranger sur le littoral libyen. De tout temps, elle a mené une politique autonome et, aujourd’hui, elle sent bien qu’elle risque d’être prise en étau entre le général Haftar et un pouvoir tripolitain reconstitué. Bien que soutenue par la Turquie et par le Qatar, sa position est fragile. Misrata a en effet contre elle, outre la population de Tripoli, les milices de Zenten, celles du djebel Nefusa, celles des Warfalla et les  tribus de la région de Syrte qui n’ont pas oublié le traitement ignominieux que ses membres réservèrent au colonel Kadhafi après qu’ils l’eurent capturé.
Comme rien ne pourra être entrepris en Libye tant que la puissance de Misrata demeurera intacte, les actuels combats de Tripoli doivent donc être suivis avec attention. En effet, si les milices de Misrata étaient chassées de la ville, une telle défaite marquerait un tournant dans le conflit libyen car deux options seraient alors ouvertes :1) Misrata accepte de négocier. La sortie de guerre prendrait alors la forme d’un fédéralisme à trois têtes : Tripolitaine, Misrata et Cyrénaïque. Le Fezzan des Toubou regarderait vers Benghazi et      celui des Touareg vers Tripoli.
2) Misrata refuse de négocier. Toutes les forces de Libye risquent alors de se coaliser contre elle et des comptes séculaires se régleront alors.
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Entre effondrement du prix du cacao et mutineries militaires, le « miracle » ivoirien ressemble de plus en plus à un mirage

lun, 15/05/2017 - 15:16
En Côte d’Ivoire, à l’effondrement du prix de la noix de cacao, vient de s’ajouter une nouvelle mutinerie militaire, la seconde depuis le début de l’année. Le plus grave pour le régime est que ce mouvement émane de ceux qui portèrent le président Ouattara au pouvoir. 
Retour en arrière : début janvier 2017, une première mutinerie affecta le noyau dur des fidèles du président, ceux qui avaient combattu pour le hisser au pouvoir et qui, en récompense, avaient été intégrés à l’armée nationale. Ne se satisfaisant pas de ces « embauches », les mutins exigeaient non seulement le versement de primes, mais encore l’équivalent de 7500 euros… plus une maison. Des prétentions insensées dans un pays où la moitié de la population survit avec un euro par jour. Et pourtant, paniqué et impuissant, le gouvernement céda immédiatement à ces demandes exorbitantes. Or, loin d’apaiser la situation, cette capitulation provoqua une réaction en chaîne de la part de tous les « corps habillés », à savoir les policiers, les gendarmes, les douaniers et les pompiers.
Respectant sa promesse, le gouvernement versa 5 millions de francs CFA, soit 7620 euros à chacun des 8400 hommes concernés, le reste devant l’être en plusieurs termes. Or, les responsables de la mutinerie du mois de janvier négocièrent avec le gouvernement dans le dos de leurs mandants et, à l’issue d’un marchandage complexe, ils renoncèrent officiellement au versement du reste des sommes promises, à savoir environ 7 millions de francs CFA par mutin. La « base » n’ayant pas accepté ce geste « patriotique », elle a accusé ses leaders d’avoir été achetés…Voilà pourquoi, le 12 mai, une nouvelle mutinerie a éclaté à Bouaké, puis à Abidjan. Une mutinerie d’hommes de base livrés à leur bon vouloir et n’ayant plus de cadres pour les contrôler…
Pour encore compliquer l’affaire, ceux des « anciens combattants » ayant porté Alasssane Ouattara au pouvoir et qui n’ont pas été intégrés dans l’armée, réclament eux aussi ce qu’ils estiment être leur dû. Or, en raison de l’effondrement du prix de la noix de cacao, les caisses de l’Etat sont vides.
Le président Ouattara se trouve donc face à un choix douloureux :
1) Soit céder une nouvelle fois en confirmant ainsi que son pouvoir est d’une extrême faiblesse, avec pour conséquence que sa survie politique pourrait ne pas durer jusqu’à la fin de son mandat prévu en 2020.
2) Soit faire preuve d’autorité et tenter de mettre au pas des mutins avec pour résultat d’entrer en confrontation directe avec le cœur de ses partisans. Pour le plus grand profit de ses opposants…
Dans le numéro du mois de juin 2013 de l’Afrique Réelle, j’écrivais : « Hissé au pouvoir par le président Sarkozy, Alassane Ouattara n’a toujours pas réussi à se dégager de l’image de fondé de pouvoir du nouvel ordre économique mondial qui lui colle à la peau. Arrivé à la présidence dans les fourgons des forces spéciales de l’ancien colonisateur, son prestige est limité ; c’est pourquoi il n’a pas réussi à prendre ses marques, prisonnier qu’il est d’une histoire politique dont il ne parvient pas à s’extraire ».
A moins d’une rapide et spectaculaire reprise en main, l’avenir de la Côte d’Ivoire s’annonce donc difficile. Or, avec le Nigeria et l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire est l’une des trois « locomotives » de l’Afrique sud-saharienne… Mais le Nigeria est en récession et en proie à de très graves problèmes régionaux dont, mais pas exclusivement, celui de Boko Haram ; l’Afrique du Sud  a une croissance de 0,1% et traverse une très grave crise politique, économique et morale. Quant à la Côte d’Ivoire…Au-delà de leur portée régionale, les évènements  de Bouaké et d’Abidjan illustrent la faillite d’un continent auquel « experts » et « spécialistes » mentent depuis l’époque des indépendances. Un « pieux » mensonge fondé sur l’approche économique, l’illusion universaliste et la juteuse escroquerie qui a pour nom développement [1].
Bernard Lugan15/05/2017
[1] Voir à ce sujet mon livre « Osons dire la vérité à l’Afrique ». Pour le commander, cliquer ici.
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L'Afrique Réelle N°89 - Mai 2017

mar, 02/05/2017 - 00:37
Sommaire  Actualité :- Libye : la guerre entre le général Haftar et Misrata a éclaté- Corne de l’Afrique : les conséquences de la guerre du Yemen
Dossier : Kasaï, la résurgence des réalités ethniques- Les Lulua, les Luba-Kasaï et les autres- Aux sources des actuels évènements- L’ethno-fédéralisme congolais- Le démembrement du Katanga et du Kasaï
Géopolitique :Journée de la géopolitique de l'Afrique à l'île Maurice
Histoire :« Les vampires » à la fin de la guerre d’Algérie

Editorial de Bernard Lugan
Dans les pays de l'hémisphère nord, la vie politique repose sur des convictions communes et sur des programmes politiques transcendant les différences culturelles, sociales ou régionales. L'addition des suffrages individuels y fonde la légitimité politique. Dans les Afriques où les sociétés sont communautaires, hiérarchisées et solidaires, l'ordre social et politique ne repose pas sur les individus, mais sur les groupes. Voilà pourquoi le principe démocratique du « one man, one vote » y conduit à l’impasse et au chaos. 
La question de la redéfinition de l'Etat, donc de la place des ethnies dans la société, constitue le principal problème politique et institutionnel que l'Afrique doit résoudre. Mais, pour cela, il ne faut pas commencer par nier la réalité ethnique. Or, tout à son universalisme, l’africanisme français et plus largement francophone, a décidé de bannir le fait ethnique car jugé trop « identitaire ». Ses grands prêtres, à l’image de Jean-Pierre Chrétien, de Jean-Loup Amselle, de Catherine Coquery-Vidrovitch, d’Elikia M'Bokolo et de leurs disciples, vont même jusqu’à soutenir, certes avec des nuances, que les ethnies ont une origine coloniale. Une telle arrogance doctrinale sous-entend donc que les peuples africains ont reçu des colonisateurs jusqu’à leur nom et leur identité. Jean-Pierre Chrétien est tout à fait clair à ce sujet quand il ose écrire que : « L’ethnicité se réfère moins à des traditions locales qu’à des fantasmes plaqués par l’ethnographie occidentale sur le monde dit coutumier ». Or, comme l’a remarqué avec justesse Axel Eric Augé, un sociologue français d’origine gabonaise : « En somme, les Africains étaient une masse indifférenciée et attendaient les Européens pour ressentir des phénomènes identitaires ! ».Certes, l'ethnie n'explique pas tout…, mais rien ne peut être expliqué sans elle. L’histoire contemporaine de l’Afrique s’écrit ainsi autour des ethnies, comme l’actualité le montre quotidiennement, et de manière souvent dramatique. La question des frontières étant figée car il n’est pas raisonnable de penser vouloir donner un territoire à chacune des 1500 ethnies africaines, comment faire pour pondérer l’ethno-mathématique électorale dans les pays où les populations sont juxtaposées ou enchevêtrées ? Au Nigeria, les Britanniques avaient trouvé la solution consistant à définir des grandes zones administratives autour des trois grandes ethnies régionalement dominantes, à savoir les Haoussa-Peul-Kanouri au nord, les Yoruba et les Ibo au sud. Le « one man one vote » a ruiné cette politique de coagulation régionale et a au contraire provoqué l’émiettement administratif autour de 36 Etats, ce qui rend le pays ingérable. Au Mali, l’alternative à l’éclatement du pays se trouve dans un large fédéralisme ethno-régional avec la région de Kidal dirigée par les Touareg, celle de Tombouctou par les Arabes et alliés, celle de Bamako par les Bambara et alliés, celle de Mopti par les Peul, etc. Toute autre solution est vouée à l'échec car les élections au « one man one vote » donneront toujours le pouvoir aux plus nombreux. Ceci fait que le problème du Nord ne sera jamais réglé. En définitive, le vote serait individuel au seul niveau régional, entre populations apparentées qui éliraient un nombre égal de députés, nonobstant leur poids démographique. Au niveau national, le pouvoir serait l’émanation de cette représentation. Mais ne rêvons pas. Les plus nombreux n’accepteront jamais cette évolution constitutionnelle marquant la fin de leur domination ethno-mathématique. La solution des problèmes politiques africains n’est donc pas pour demain… 
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Le « développement » n’arrêtera pas la migration africaine vers l’Europe

jeu, 20/04/2017 - 19:22
On ne ment ni à la géographie, ni à la démographie. La première montre que l’Afrique est l’arrière-cour de l’Europe ; la seconde enseigne qu’un trop plein démographique se déverse automatiquement dans un vide démographique. 
Face à cette double réalité, confrontés à une migration de masse qu’ils refusent de nommer, les dirigeants européens s’accrochent au mythe du « développement » postulé être un ralentisseur migratoire. Or, comme je l’ai expliqué dans mon livre « Osons dire la vérité à l’Afrique », le développement est une illusion. Pour trois raisons principales :

1) A supposer qu’il ait une efficacité, le « développement » ne pourrait avoir que des effets à très long terme ; or, il y a urgence.

2) Tout a déjà été tenté en ce domaine. En vain, car, dans les Afriques, la démographie est plus forte que la croissance. Un exemple : depuis 1960, la production agricole y a augmenté de 45%, mais la démographie de 110%...

3) Comme la croissance économique africaine (entre 1,4% et 1,6% en 2016), est inférieure à la croissance démographique (4%), comment, dans ces conditions prétendre « développer » un continent qui, d’ici à 2030, verra sa population passer de 1,2 milliard à 1,7 milliard, avec plus de 50 millions de naissances par an ?
Ce n’est donc pas de « développement » dont l’Afrique a besoin, mais d’une natalité raisonnable. A défaut, des dizaines de millions d’Africains continueront à rêver de venir s’installer en Europe où, par hédonisme, les femmes n’enfantent plus, où les hommes ont honte de leur virilité, où les vieillards sont désormais majoritaires et où les animaux de compagnie ont remplacé les enfants.
Explication.
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Bernard Lugan fait le point sur la Libye

mar, 18/04/2017 - 20:16
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L'Afrique Réelle N°88 - Avril 2017

dim, 02/04/2017 - 16:39
Sommaire
Actualité :- Le lac Tchad : Nouveau sanctuaire de Boko Haram- Libye : Le retour de Seif al-Islam Kadhafi
Controverse Macron :La colonisation française, une idée de gauche qui fut réalisée par la droite
Algérie : L’histoire à l’endroitDeuxième partie : L'insurrection de Sétif

Editorial de Bernard Lugan : 
Supprimer le franc CFA : une urgence politique pour la France et une urgence psychologique pour l'Afrique
Après les prochaines élections présidentielles, la France devra se débarrasser du boulet politique que constitue le franc CFA. 
Le franc CFA (Franc des colonies françaises d’Afrique) a été créé le 26 décembre 1945. En 1958, il est devenu Franc de la communauté française d’Afrique. Aujourd’hui, il a deux noms car, dans la réalité, deux CFA existent :
- Pour les pays de l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) il est le Franc de la Communauté Financière d’Afrique. 
- Pour les pays de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale), il est le Franc de la Coopération Financière en Afrique centrale.
Dans la réalité, peu importe que le CFA garantisse la stabilité des monnaies des pays membres, qu’il oblige les Etats à gérer leur monnaie et que, comme les émissions dépendent de la Banque de France, il y ait impossibilité pour les pays concernés de faire marcher la « planche à billets ». Peu importe également que la France garantisse les transactions. Peu importe enfin que les monnaies nationales de pays à faible revenu ne vaudront plus rien si elles ne sont pas adossées à une monnaie forte ; d’autant plus que, dans tous les cas, les échanges se feront en dollars ou en euros. Peu importe tout cela car, et une fois pour toutes, en Afrique, le CFA est vu comme une survivance coloniale. Dans ces conditions, la France n’a aucun intérêt à son maintien.
D’autant plus qu’économiquement, la zone CFA ne compte pas pour elle. Ainsi :
- En 2015, alors que la totalité de ses exportations mondiales était de 455,1 milliards d’euros, la France a vendu à la seule Afrique sud saharienne pour 12,2 milliards d’euros de biens et marchandises, soit 2,68% de toutes ses exportations. Sur ces 12,2 milliards d’euros, la zone CFA en a totalisé 46%, soit environ 6 milliards d’euros, soit à peine 1,32% de toutes les exportations françaises. Pour ce qui est des importations, les chiffres sont voisins.
- La zone CFA n’est plus cette « chasse commerciale gardée » permettant aux productions françaises de bénéficier d’une sorte de marché réservé comme certains l’affirment. En 2015, la part de la France dans le marché de cette zone ne fut en effet que de 11,4%, loin derrière la Chine.
L’intérêt politique de la France est donc de supprimer le CFA afin d’en finir une fois pour toutes avec les sempiternelles accusations de néocolonialisme.
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