You are here

Bruxelles2

Subscribe to Bruxelles2 feed Bruxelles2
B2 Le Blog de l'Europe géopolitique. Actualités. Réflexions. Reportages
Updated: 1 week 4 hours ago

[Analyse] Quelques leçons du conflit russo-ukrainien dix ans après

Sun, 25/02/2024 - 12:30

(B2) Au début de la troisième année de l'intervention massive russe en Ukraine, quelle leçon retenir ? Quelle menace prendre en compte ? Que faire ? Quelques pistes

(photo : Parlement européen)

Première piste : garder la tête, nommer les faits

Halte au pessimisme ambiant

Il faut tout d'abord se méfier des vagues successives qui sortent autant du ressenti que de la réalité. On est passé ainsi du pessimisme total à la mi-février 2022 ("les Ukrainiens sont foutus") à un optimise béat lors de la première phase de reconquête des Ukrainiens ("quelle résilience ces Ukrainiens") à l'automne 2022, voire à l'optimisme total au lendemain de la montée sur Moscou des troupes de Wagner, devenues rebelles, en juin 2023 ("Poutine va tomber"). Puis au spleen de l'automne 2023 après l'échec de la contre-offensive ukrainienne et même à un certain défaitisme aujourd'hui avec le retrait d' Avdiivka. En partie alimenté à la fois par Kiev (pour augmenter les soutiens européens et américain) et par Moscou (bien content d'avoir une victoire à se mettre sous la dent).

Nommer la réalité : une tentative continue d'asservissement de l'Ukraine depuis 10 ans

Voir ce conflit à travers la dernière année est une erreur. La guerre en Ukraine n'a pas commencé en février 2022. Elle a débuté entre la fin février 2014, avec l'annexion de la Crimée (lire : Les troupes russes peuvent intervenir (officiellement) en Crimée) et le printemps 2014, avec la déstabilisation du Donbass puis son annexion de fait. Soit depuis dix ans ! Ne suscitant finalement qu'une très faible réaction occidentale (lire : Crimée, Ukraine. L’OTAN “extrêmement préoccupée”. Mais c’est tout).

L'intervention militaire de 2022 a le même objectif que la première : déstabiliser le gouvernement de Kiev pour le rendre dépendant de Moscou. Elle est plus massive, plus radicale, plus intensive, visant non pas seulement à déstabiliser mais éradiquer l'indépendance ukrainienne, annexer l'ensemble des territoires. La première intervention n'ayant pas eu l'effet escompté et que le Kremlin a, entre-temps, durci sa position.

Une pression militaire russe constante depuis 2008

L'attitude russe agressive récente, elle, a démarré beaucoup plus tôt, visant à repousser l'influence européenne et occidentale. Elle se manifeste dès 2008 par l'intervention militaire en Géorgie, très vite interrompue par la sécurisation des deux « républiques » séparatistes de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Sans vraiment inquiéter en Europe. Elle se poursuit en 2015 par l'intervention militaire en Syrie, réussie, aboutissant à éliminer toute influence américaine, française et britannique sur le conflit.

En 2016, les forces russes en Libye s'impliquent de façon plus active en soutien du général Haftar avec un succès plus mitigé face aux Turcs soutenant Tripoli. Mais l'objectif stratégique est atteint, les deux opposants réussissent à évincer l'influence européenne ; l'intervention de l'OTAN en 2011 a finalement servi la Russie (une sacrée revanche. L'avancée russe continue en Afrique, sous couvert des groupes privés de type Wagner tout d'abord en 2017-2018 en Centrafrique ; en 2022 au Mali, selon le même modus operandi doublé d'une coopération militaire russe officielle. Avec un échec patenté au Mozambique en 2019 (lire : Des militaires russes bientôt au Mozambique ? Les Wagner russes en embuscade). Autant de signes avant-coureurs souvent négligés.

Une Russie affaiblie ?

La trouée humaine est catastrophique : entre 200.000 Ukrainiens et plus de 300.000 Russes morts ou hors de combat, blessés compris. Elle pèse davantage sur les Ukrainiens aujourd'hui qui peinent à recompléter et renouveler leurs troupes — plus compliqué à faire dans une démocratie que dans un régime autoritaire — et à obtenir un soutien plus net des Alliés. La balle est dans le camp des Européens en effet. Mais il ne faut pas non trop surestimer la solidité du pouvoir de Poutine. Il pourrait aussi, un moment, être remis en question... Il ne faut donc pas céder à ses chantages et coup de menton.

Deuxième piste : réagir et changer le mode de réflexion

Avant tout, il faut changer la façon de penser, mais aussi d'agir et de parler. Européens et Américains n'ont pas anticipé la dureté de l'offensive russe et ont souvent eu du mal à enclencher la réaction adéquate.

Prêter attention à la gestuelle politique

Il faut se rappeler le premier geste des États-Unis. Pourtant bien informés et ayant analysé l'offensive potentielle, la première décision de Washington est début 2022 de rapatrier tous leurs diplomates, pour éviter toute prise à partie possible (prisonniers, décès, blessés) et donc toute confrontation politique. Un aveu crucial en temps de guerre qui équivaut à une marque de faiblesse, un feu vert tacite aux Russes d'y aller... Un geste en totale contradiction avec la parole publique.

Anticiper davantage

À quelques exceptions près (Britanniques, Polonais, Baltes), les Européens ont souvent eu un temps de retard sur la guerre. Rechignant à offrir la panoplie complète d'une armée en bataille (terre, air, mer), soit pour des raisons pratiques car ils n'ont pas assez de moyens disponibles (drones, munitions, défense anti-aérienne), soit pour des raisons politiques (avions, missiles moyenne-longue portée). Il s'agissait de tester la réaction russe comme de convaincre les opinons nationales. Il y a eu très peu d'anticipation de la zone de bataille suivante. Ou s'il y a eu anticipation (en termes militaires), cela n'a pas été toujours suivi d'effet.

Tenir ses engagements, être réalistes sur ses promesses

En temps de guerre, il n'est pas question de faire des promesses en l'air. Cela sera perçu par l'adversaire comme une faiblesse à utiliser. Ainsi quand on promet noir sur blanc un million de munitions en plus de ce qui est déjà livré, il faut tout faire en termes techniques et pratiques pour tenir cet engagement... ou alors ne pas promettre. Le plan munitions de l'UE conçu en 2023 était enserré dans des délais impossibles à tenir. Des diplomates et militaires européens l'avaient confié à B2 à l'époque. L'objectif était « d'abord politique », pour inciter les États à en faire plus. Mais si on arrivait à la moitié de l'objectif réel, ce serait déjà bien... Ce qui s'est passé. La preuve : les deux milliards d'euros mis sur la table pour rembourser les États n'ont été dépensés qu'à moitié (lire : [Analyse] Le semi-échec du plan européen de livraison de munitions lourdes à l’Ukraine).

Être plus réactif et imaginatif

La réactivité prime en temps de guerre. Même si le soutien militaire à Kiev est réel en nombre, en matériels, en financement, la montée en puissance reste lente : les objectifs fixés se réalisent avec un tempo d'une année de retard (lire : [Verbatim] deux millions d’obus produits... d’ici 2025 (Thierry Breton)).

L'économie de guerre marche à cloche-pied. Les Européens rechignent ainsi à donner l'ordre à leur industrie de prioriser les livraisons à l'Ukraine sur les autres exportations. La Commission européenne l'avait proposé en 2023 ; les États membres ont soigneusement biffé toutes les lignes du projet de règlement (lire : [Analyse] ASAP, plan munitions. La schizophrénie poussée à son paroxysme).

Les gouvernements hésitent à passer des commandes sur le moyen terme. Ce qui fait hésiter l'industrie à lancer de nouvelles lignes de production. Enfin, malgré leurs dires, ils se méfient toujours du cadre européen. Seuls sept États membres ont ainsi utilisé les 60 contrats-cadres négociés par l'agence européenne de défense. Or, des marges existent au niveau financier, notamment avec les revenus des avoirs russes gelés (lire : [Exclusif] Créer un fonds spécial dédié à la défense européenne ? Une idée à creuser). Pour cela, il ne faut pas hésiter à innover en termes juridiques, politiques et financiers. Et, surtout, le faire vite et agir en Européens.

Cesser une compétition interne

Enfin, le petit jeu du blame and shame : moi je donne davantage que toi doit cesser. L'effort important des Baltes et Polonais est réel. Il devrait servir d'exemple. Mais d'une part il y a une logique géopolitique et militaire au plan technique. Les stocks étaient plus nombreux et immédiatement utilisables car correspondant aux standards de matériels soviétiques en nombre dans l'armée ukrainienne. D'autre part, ce qu'oublient généralement de dire Tallinn comme Vilnius, ils ont été largement financés par les contributions des autres pays (Allemagne et France...). C'était d'ailleurs le deal de départ : vous donnez, nous finançons. La donne a changé quand ce sont des matériels occidentaux qui ont commencé à être donnés, notamment les Leopard allemands. Berlin pointant alors du doigt Paris, Madrid et Rome pour leur faible contribution. Un jeu assez stupide et néfaste.

Troisième piste : analyser clairement la menace, les menaces russes

Une menace sur le territoire de l'OTAN ?

Aujourd'hui, il n'est pas un jour sans qu'un politique ne relate une petite phrase sur la menace d'une guerre totale de la Russie. C'est sans doute nécessaire dans l'esprit de la préparation de la population. Mais il faut se méfier : cela peut aussi avoir un effet contraire, de tétaniser, de faire peur. C'est d'ailleurs la volonté des Russes et de Poutine qui ont d'abord agité la menace nucléaire (un message assez classique dans la dissuasion), puis d'un dérapage du conflit. La pression russe est régulière sur l'OTAN, via les avions, les sous-marins, les missiles, qui frôlent la frontière, jouent à cache-cache, parfois tirent en direction. Mais ce sont des avertissements qu'il faut prendre comme tel.

Quelles menaces ?

La menace russe immédiate est d'abord hybride. Il faut en avoir conscience. Cela passe par la pression via les immigrés sur la frontière finlandaise ou polonaise. C'est l'espionnage tout azimut, l'infiltration des forces politiques ou manifestations "pacifiques" ou de mécontentement. C'est la désinformation. C'est aussi cette peur insidieuse laissée par une menace russe militaire agitée régulièrement. Il faut garder son sang froid : réagir sur les menaces existantes (hybrides), soutenir à fond l'Ukraine, anticiper au maximum, mais aussi ne pas sur-réagir. Avec un risque : l'épuisement. La stratégie russe vis-à-vis des Alliés semble être la même en effet que la stratégie américaine des années 1980 sur le bouclier anti-missiles : arriver à la victoire sans combattre par épuisement de l'adversaire.

Une action russe sur les Baltes ?

Sur les pays baltes, la nature de la menace est différente. Il ne faut pas se voiler la face (1). Bribes de l'URSS qui ont (ré)arraché leur indépendance en 1991 les trois pays baltes sont menacés au premier chef par la volonté du Kremlin de retrouver la grandeur perdue. La forte minorité russe dans certains pays (Lettonie surtout), la faible profondeur territoriale, l'enclave de Kaliningrad, la proximité de St-Petersbourg... sont autant de moyens russes de pression, pour une pénétration hybride d'abord, voire plus franche en cas d'absence de réaction. Les préventions de l'après 1989 n'ont plus lieu d'être aujourd'hui. On peut donc penser bases militaires permanentes OTAN (elles sont déjà là), voire présence nucléaire à titre dissuasif. Il faut changer de braquet.

(Nicolas Gros-Verheyde)

L'intervention terrestre ?

L'option terrestre est aujourd'hui exclue pour les Européens. En revanche, il n'est pas interdit de réfléchir à des interventions localisées. L'enclave russe de Transnistrie en Moldavie est un point clé pour cette réflexion. Constituée de forces russes, pas automatiquement les plus performantes, elle peut être une menace de prise en tenailles si la Russie s'aventurait vers Odessa. Une opération moldavo-ukrainienne soutenue par les Américains et Européens n'est pas à exclure totalement. Le risque est notable. Mais il est mesurable. Et le message passé aux Russes serait clair : dent pour dent. Histoire de renverser l'équilibre de la force.

  1. Il y a deux ans, on pouvait considérer ce scénario comme de la pure fiction, une peur illusoire des dirigeants baltes. Aujourd'hui, tant le langage du Kremlin que les préparatifs (concentration de forces) oblige à penser différemment.

Mis à jour avec changement de la photo

Categories: Défense

[Actualité] Un navire marchand atteint par un missile dans le détroit de Bab-el-Mandeb

Mon, 19/02/2024 - 14:40

(B2) Le Rubymar, un vraquier britannique battant pavillon du Belize, opéré par une société libanaise, a été sérieusement endommagé par le tir de deux missiles venus du Yémen, dans le Sud de la mer Rouge.

Entre 21 h 30 et 22 h 45, dimanche (18 février), deux missiles balistiques antinavires visent le MV Rubymar, un vraquier battant pavillon du Belize et appartenant à une société britannique. Les missiles touchent le navire, provoquant des dégâts sérieux, l'un près de la salle des machines, l'autre sur le pont selon le propriétaire du navire contacté par la BBC.

« Le navire a émis un appel de détresse. Un navire de guerre et un autre navire marchand répondent à l'appel » indique un communiqué du CentCom, le commandement US pour la région. Le navire menaçant partiellement de couler, l'équipage est évacué. C'est le premier incident grave en mer Rouge depuis la prise du Galaxy Leader par les rebelles Houthis du Yemen en novembre (lire : [Actualité] Les Houthis détournent en mer Rouge un navire « israélien »).

Jusqu'à présent les missiles et autres drones explosifs frôlaient les navires, explosaient ou étaient détournés avant d'arriver, ou s'ils arrivaient sur le navire ne faisaient que des dégâts mineurs (lire notre [Dossier n°101] Tensions en mer Rouge. Attaques des Houthis et répliques américaine et européenne). Apparemment, cette fois, les Houthis ont mieux ajusté leur tir et les forces présentes sur place (américaines, européennes, etc.) n'ont rien pu faire pour éviter la frappe. Un coup de semonce clair que la situation est loin d'être maitrisée. Une façon peut-être aussi de célébrer à leur façon le lancement de l'opération européenne (lire : [Actualité] Aspides, la nouvelle opération de l’UE en mer Rouge : risquée, intéressante. Cinq leçons).

(mis à jour)

(Nicolas Gros-Verheyde)

Categories: Défense

[Actualité] Aspides, la nouvelle opération de l’UE en mer Rouge : risquée, intéressante. Cinq leçons

Sun, 18/02/2024 - 21:55

(B2) Ce lundi (19 février), les 27 ministres des Affaires étrangères vont lancer sur les fonts baptismaux une nouvelle opération maritime entre le Golfe d'Aden, le détroit de Bab-el-Mandeb et le sud de la mer Rouge.

le destroyer italien Caio Duilio qui servira de navire-amiral (crédit : marine italienne / EUNAVFOR Atalanta)

Face aux Houthis

L'objectif de cette opération est de protéger contre les attaques aériennes ou maritimes de Houthis yéménites les navires marchands (tankers, vraquiers, porte-containers, etc.) qui transitent à travers le Canal de Suez, faisant la navette entre Europe et l'Asie ou le Golfe, et, par le même coup, de préserver la liberté de navigation.

Une opération défensive

EUNAVFOR Aspides, du grec "boucliers" (au pluriel), se veut « défensive », à la différence de l'opération similaire initiée par les États-Unis de frappes aériennes sur le territoire du Yémen, assurées "en national" par les USA et Royaume-Uni. Défensif ne veut cependant pas dire passif pour autant. Les Européens pourront répliquer en cas d'attaque sur un de leurs navires mais aussi sur les navires marchands qu'ils protègent. Sur le principe de la légitime défense.

Opération à risque

Cette opération est risquée. Il ne s'agit pas en effet uniquement — comme pour l'opération anti-piraterie (EUNAVFOR Atalanta) — de faire face à des pirates, plutôt amateurs, avec des armements assez sommaires (RPG et Kalachnikov). Ici, les Houthis rodés à plusieurs années de guerre contre les forces arabes, soutenus et informés par l'Iran, utilisent des drones explosifs, des missiles anti-navires, voire des bateaux qui pourraient eux-aussi être bourrés d'explosifs.

Peu de temps avant de réagir

Bref, la menace est réelle, à la fois maritime et aérienne. Et pour déjouer ces attaques, il y a peu de temps, entre le moment où on détecte le départ d'un missile et son arrivée sur zone : moins de 90 secondes sur zone. C'est dire l'intérêt d'avoir à la fois un système de détection efficace et un système de réaction anti-missiles performante.

Une opération intéressante : quelques leçons à en tirer

Tant l'objectif visé que la façon dont cette opération a été montée et dont elle doit fonctionner méritent un détour.

1° Une opération de pure défense des intérêts

Premier point à remarquer : les Européens ne se cachent pas derrière un objectif d'intérêt général : le maintien de la paix, la stabilité d'un pays, la préservation d'un cessez-le-feu, etc. Ce qui sous-entend cette opération est la défense pure et entière des intérêts économiques européens, la libre circulation maritime et la sécurité d'approvisionnement de l'Europe.

2° une opération montée en un temps record

Deux mois à peine entre le début des réflexions et la mise en place sur zone. Cela peut paraitre long dans une chaine de commandement directe (type française). Au niveau européen, c'est un record notable. D'autant que les options et le plan d'opération ont du être revus à deux reprises. La première option de se baser sur l'opération EUNAVFOR Atalanta a été barrée par l'Espagne (pour des raisons de politique interne). La seconde option de se baser sur l'opération multinationale Agenor (initiée par la France) a été laissée de côté, faute d'accord des pays du Golfe. La troisième option a donc été de lancer une opération entièrement nouvelle. Un peu plus compliqué mais réussi à l'unanimité.

3° Une génération de forces plutôt efficace

Pour une fois, la fourniture des moyens nécessaires, notamment les frégates, n'a pas été si difficile. L'opération devrait démarrer ainsi avec quatre navires (français, italien, grec, allemand). Soit un de plus que le minimum requis. Tout n'est pas encore tout à fait calé aujourd'hui. Mais par rapport aux générations d'autres opérations, notamment terrestres ou même les débuts de l'opération Atalanta en 2008, il y a une prise de conscience des Européens de la nécessité d'agir rapidement, et pas seulement en paroles. Poussée par ses armateurs, l'Allemagne a décidé d'accélérer le mouvement. La frégate allemande Hessen (F-221) est ainsi partie de son port d'attache le 8 février sans attendre le feu vert du Bundestag. Elle n'entrera certes dans la zone d'opération dès qu'une fois celui-ci donné. Mais il n'y aura ainsi pas d'attente supplémentaire. NB : elle était dimanche dans le port de Souda, en Grèce, selon le site ItaMilRadar.

4° Une volonté de se distinguer des USA

Au plan politique, on peut noter que les Européens veulent se distinguer très clairement de l'opération américaine Prosperity Guardian (même si les deux opérations seront coordonnées étroitement) menée sous couvert de la CMF (les forces maritimes conjointes) et encore plus des frappes menées par le CentCom (le commandement central US), en duo avec le Royaume-Uni. D'où le mot « défensif » martelé régulièrement. Comme pour se distinguer de « l'offensif » décidé à Washington. Ce distinguo militaire est aussi politique. Il s'agit pour les Européens de ne pas s'afficher aux côtés des Américains, au moment où ceux-ci affichent une position très pro-israélienne qui n'est pas celle d'une bonne majorité des Européens qui ont une attitude plus nuancée sur le conflit Israël-Gaza. Une volonté d'autonomie stratégique à bas bruit, en quelque sorte.

5° Un catharsis aux divisions sur le conflit à Gaza

Un point intéressant alors que les États membres participants ont des visions plutôt différentes sur le conflit Israël-Gaza. De fait, cette opération apparait ainsi comme une sorte de catharsis des divisions existantes sur le Proche-Orient. Un peu comme l'opération État de droit au Kosovo avait été en 2008, un pansement sur les plaies laissées par la division entre Européens sur la reconnaissance ou non de l'indépendance du Kosovo.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire :

Mis à jour - distinguo entre l'opération Prosperity Guardian proprement dite et les frappes effectuées en national par les Américains

Categories: Défense

[Éditorial] L’OTAN secouée par les coups de butoir de Donald Trump oscille

Wed, 14/02/2024 - 02:20

(B2) Inutile de le nier. Le coup de Trump a secoué le Landerneau otanien. Au siège de l'Alliance à Bruxelles, chacun cherche bien à se rassurer. En vain. L'inquiétude rôde dans les couloirs.

Même si Jens Stoltenberg ne l'avouera jamais publiquement, à l'Alliance, chacun connait le principe : si les USA éternuent, l'OTAN se retrouve clouée au lit avec une mauvaise fièvre (Photo : OTAN - Archives B2)

Les mots de trop de Trump

Au siège de l'OTAN, l'ambiance n'est pas folichonne ces jours-ci après les mots de Donald Trump samedi (lire : [Analyse] Face à la menace Trump, aux armes Européens ! Neuf pistes pour réagir). Une phrase notamment a fait mouche : « I would encourage Russia to do whatever the hell they wanted to you ». Littéralement, si vous ne payez pas votre écot à l'Alliance, j'encouragerais la Russie à faire tout ce qu'elle veut de vous. Quelques mots restés en travers de la gorge de chacun et abondamment commentés dans les couloirs lumineux de l'Alliance, des alcôves feutrées des différentes représentations permanentes ou cabinets directoriaux jusqu'au Starbuck situé à l'entrée qui sert de refuge aux amateurs d'une petite pause café.

La méthode Coué ne marche plus

Bien sûr, chacun essaie de se rassurer. Les arguments sont divers. 1. C'est normal avec Trump. 2. Après tout, ce ne sont que des paroles. 3. Sa précédente présidence l'a montré : il parle beaucoup, mais finalement il ne fait rien de mal. 4. L'Alliance tient debout et reste concentrée sur son plan de travail. 5. Pas de quoi fouetter un chat. Etc. Autant d'arguments assez peu crédibles : même les intéressés ne semblent pas y croire. Se replacer dans la situation de 2016-2020, est une erreur.

Un contexte totalement différent

il y a au moins trois éléments qui ont changé chez Trump et ailleurs, résume un bon connaisseur de l'Alliance. Premièrement, il y a « une forme d'alignement » du discours de Trump sur la Russie. Ce qui est inquiétant. Il y a aussi un « changement d'échelle, une évolution du discours » avec cette phrase, véritable appel à la Russie à envahir un pays de l'OTAN. Deuxièmement, le contexte a énormément changé : « Nous avons une guerre en Europe. La Russie a fait le choix de la confrontation. L'Ukraine est attaquée. (Tout simplement) car elle est indépendante » et refuse d'être assujettie aux desiderata de Moscou. Pendant ce temps, les USA tergiversent sur le versement d'une nouvelle aide à l'Ukraine.

Une radicalisation du discours

Enfin, poursuit notre interlocuteur, « le parti républicain ne s'est pas vraiment dissocié de ses positions ». Il y a une « réelle Trumpisation du parti Républicain ». Celui-ci, quasiment comme un seul homme, refuse de voter une aide supplémentaire à l'Ukraine. C'est un des arguments de campagne que Donald Trump a développé d'ailleurs dans son allocution en Caroline du Sud (un point peu repris par les médias en fait) : pourquoi les USA doivent payer la facture de l'Ukraine qui concerne au premier chef les Européens et que ceux-ci ne contribuent pas encore assez ?

Une Alliance touchée au plus profond d'elle-même

Inutile de le nier : l'attaque fait mal. Très mal (1). Car elle touche au plus profond de ce que l'OTAN a de plus cher : l'article 5, la clause de défense mutuelle. Le véritable ciment de l'Alliance. Ce que Trump dit rompt clairement avec le principe d'unité face à une possible agression extérieure. Ni dans l'esprit de ses concepteurs ni dans son application ensuite, il n'a en effet jamais été question de conditionner cette solidarité, politique et militaire, à un quelconque calcul de notaire ou de comptable.

Un tir fratricide

Le fait que cette entaille vienne des USA, l'Allié principal, d'un ancien dirigeant, candidat à la présidence pour un des deux principaux partis du pays, les Républicains, est ressenti comme un acte de traitrise. Une attaque blue on blue (tir fratricide) diraient les militaires. Le centre nerveux de l'Alliance parait atteint. Le Kremlin n'a, en fait, aujourd'hui, qu'à se frotter les mains et compter les coups : il n'a pas besoin de faire le sale boulot. Celui-ci est fait de l'intérieur.

Une erreur majeure de jugement

Le travail en forme de carpette fait durant des années par le Secrétaire général norvégien Jens Stoltenberg pour brosser l'ego de Donald Trump dans le sens du poil n'a finalement pas payé. Au contraire. Ses propos répétés sur une Europe incapable d'assumer sa défense (lire : Quand Jens Stoltenberg (OTAN) voit l’Union européenne incapable de se défendre. A-t-il raison ?) résonnent étrangement aujourd'hui comme un argument supplétif au crédit de l'élu Républicain. Une faille supplémentaire dans l'unité euro-atlantique.

L'Alliance toujours dissuasive ?

La question posée aujourd'hui par Donald Trump est cruciale. Est-ce que l'Alliance est capable d'assumer sa fonction première, la défense du territoire européen face à la Russie ? Si son principal allié tergiverse, l'Alliance sera-t-elle demain en position de réagir et d'assumer son rôle de dissuasion de toute attaque ? La réponse est malheureusement : pas sûr à 100%. L'Alliance n'est plus en état moral d'assumer toutes ses capacités de défense et de dissuasion. Ce qui est un réel problème. Car tout le principe de la dissuasion de l'Alliance n'est pas seulement dans ses capacités, mais réside surtout dans sa volonté (politique) d'opposer à l'adversaire un roc indestructible.

Un plan B nécessaire

Aujourd'hui, plus que jamais, il ne faut plus tergiverser. Il ne s'agit pas de remplacer l'Alliance atlantique. Il s'agit d'avoir la capacité pour les Européens d'agir seuls sans l'aide du « papa » américain qui défaille. On pourra rétorquer que les Européens n'en sont pas capables. C'était vrai hier sans doute. Ce ne sera pas vrai demain automatiquement. Les Européens ont tout ce qu'il faut en interne pour compléter l'Alliance. À condition de faire un (petit) effort. L'effort n'est pas tellement financier aujourd'hui. L'axiome comptable "plus on dépense, mieux c'est" est une hérésie (2).

L'Europe peut le faire

Le saut doit être en termes d'organisation : politique, industrielle et militaire. Les Européens (Norvégiens compris au besoin) doivent réaligner leur industrie de défense pour pouvoir agir sans une nécessaire autorisation de Washington. Ils doivent revoir leurs outils opérationnels pour se permettre de réagir en commun. Ils doivent surtout réorganiser leur système de décision pour pouvoir suppléer à une défaillance du Conseil de l'Atlantique Nord. Compter sur les Américains est un placement trop à risque aujourd'hui pour retarder ce type de décision.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Il suffit de lire la réponse de Jens Stoltenberg pour s'en convaincre : “NATO remains ready and able to defend all Allies. Any attack on NATO will be met with a united and forceful response. Any suggestion that allies will not defend each other undermines all of our security, including that of the US, and puts American and European soldiers at increased risk. I expect that regardless of who wins the presidential election the US will remain a strong and committed NATO Ally.”
  2. Les Européens ont beaucoup dépensé durant la guerre froide. Avec des ratios par rapport au PiB largement supérieurs. Cela ne les a pas doté d'une capacité d'action ?

Categories: Défense

[En bref] Un navire de pêche yéménite détourné par les pirates

Tue, 26/12/2023 - 20:34

(B2) Un bateau de pêche yéménite, dénommé Emarat 2, a été détourné à 13 km au nord d'Eyl (Puntland) signalent les autorités maritimes samedi (23 décembre). Le dhow long de 17 mètres avait été vu pour la dernière fois se dirigeant vers le nord, le long de la côte yéménite la veille (22 décembre). Selon les autorités militaires, le navire pourrait être utilisé pour de futures attaques de piraterie. Cette attaque des pirates somaliens s'ajoutent aux nombreuses attaques par drone et missiles, ainsi que plusieurs approches « suspectes » signalées ces derniers jours entre Djibouti et le Yémen, dans le sud de la mer Rouge.

Categories: Défense

[Actualité] La frégate Languedoc en renfort dans Atalanta. En mer Rouge les attaques continuent

Mon, 18/12/2023 - 17:05

(B2) Face aux attaques désormais quotidiennes des Houthis sur les navires marchands dans le détroit de Bab el Manded, entre Yémen et Djibouti, et dans le sud de la mer Rouge, les Européens et Alliés renforcent leurs moyens dans la zone

frégate Languedoc (Photo : EMA Com / Marine nationale)

Les Américains qui ont le 'lead' dans la zone ont demandé à leurs alliés de renforcer leurs moyens et leur patrouilles dans la zone. Du côté européen, plus que jamais, l'alerte est donnée. L'idée d'une coordination européenne a été lancée, notamment par le président français Emmanuel Macron lors du Conseil européen du 15 décembre (lire : [Actualité] Face à la menace Houthis, une coordination maritime européenne en mer Rouge ?).

Une frégate française en renfort

La frégate FREMM Languedoc rejoint l'opération européenne EUNAVFOR Atalanta. Cela permettra à l'opération « d'accroître la présence en mer Rouge et la capacité de partage d'informations avec nos partenaires de la sécurité maritime, notamment les forces maritimes combinées (CTF) » a confirmé à B2 un responsable de l'opération. Un soutien apprécié au moment de la recrudescence d'actes de piraterie des Somaliens (lire : [Actualité] Nouvelle alerte aux pirates dans le Golfe d’Aden. Un navire malto-bulgare capturé ?) comme des tirs et sommations des Houthis yéménites (cf. ci-dessous).

En soutien associé

La frégate sera en mode « soutien associé ». C'est-à-dire opérant dans le cadre du mandat d'EUNAVFOR, sous son autorité. Mais pas automatiquement de façon permanente. D'autres actions « pourraient ainsi être menées », mais dans le cadre de décisions et sous une chaine de commandement nationales. 

Même si un soutien français à l'opération européenne n'est pas exceptionnel, ce n'est plus aussi régulier qu'en 2010 lors des temps critiques de la lutte anti-piraterie (1).

Un destroyer britannique dans la zone

Le gouvernement britannique a décidé de déployer le destroyer HMS Diamond (D34) dans la zone. Parti de Plymouth, fin novembre, il est venu ainsi rejoindre (et relayer) le HMS Lancaster, déployé dans la région l'année dernière pour sécuriser le golfe, et trois chasseurs de mines (le HMS Bangor, le HMS Chiddingfold le HMS Middleton et le navire de soutien auxiliaire de la Royal Fleet RFA Cardigan Bay). Navires déployés dans le cadre de l'opération permanente Kipion et sous le commandement de la composante maritime britannique (UKMCC) à Bahreïn.

Objectif : « renforcer les patrouilles de la Royal Navy » dans la région et « maintenir ouvertes les routes commerciales critiques » comme l'a expliqué le ministre Grant Shapps  dans un communiqué. « Il est essentiel que le Royaume-Uni renforce sa présence dans la région, pour protéger la Grande-Bretagne et nos intérêts d’un monde plus instable et plus contesté. »

Les Allemands se tâtent

Les États-Unis ont demandé à la marine allemande si elle serait en mesure de fournir un soutien en mer Rouge. Mais la réponse à Berlin reste pour l'instant très floue, comme l'a noté notre collègue Thomas Wiegold de Augengeradeaus. Interrogé par la presse, vendredi soir (15 décembre), en marge d'une visite à la base aérienne de Wunstorf, le ministre de la Défense Boris Pistorius a été elliptique : « Nous étudions actuellement la demande et les options disponibles. Mais nous ne sommes pas encore au bout », a-t-il répondu à l'agence de presse DPA.

Les attaques continuent

Les attaques via drone ou missile, ou les sommations faites aux navires circulant dans la zone de se détourner de leur route pour aller dans un port yéménite, sont désormais quotidiennes.

Ce lundi (18 décembre), un tanker norvégien — apparemment le MT Swan Atlantic qui faisait route de France vers La Réunion selon son propriétaire— a été l'objet d'une approche agressive par trois petits bateaux avec du personnel armé à bord à 63 nautiques au nord-ouest de Djibouti. Attaque déjouée par un navire de la coalition maritime allié (américain), qui se trouvait à proximité. Un autre navire — apparemment le MSC Clara, un porte-containers battant pavillon panaméen — a aussi l'objet d'une attaque à 24 nautiques au nord-ouest du port yéménite de Mokha, signalant une explosion forte étant survenu à babord. Sans dégât au bateau ni aux hommes. Les Houthis ont revendiqué l'attaque sur ces deux navires.

Vendredi (15 décembre), le porte-conteneurs allemand Al Jasrah de la compagnie Hapag-Lloyd est touché par un missile. Un incendie se déclare à bord. Un coup de semonce en Allemagne au point que les armateurs comme certains responsables politiques demandent à l'Allemagne de s'engager dans la zone avec des navires. Le même jour, le destroyer britannique HMS Diamond abat un drone d'attaque présumé ciblant un navir dans la mer Rouge, détruisant la cible avec un missile Sea Viper (alias Aster), confirme la défense britannique.

La veille, jeudi (14 décembre), le porte containers danois MV Maersk Gibraltar (de la compagnie AP Moller-Maersk), qui navigue sous pavillon de Hong Kong, parti de Jebel Ali (Émirats arabes unis) vers Djeddah (Arabie Saoudite), est visé par un missile en mer Rouge. Le même jour, le porte-conteneurs MSC Palatium 3, naviguant sous pavillon libérien, est aussi touché par un missile, près du port yéménite de Mokha. Tandis qu'un autre navire de la compagnie, le MSC Alanya qui avait aussi pour destination Djeddah, est sommé par les Houthis de changer de cap.

Mercredi (13 décembre), c'était un chimiquier battant pavillon des Iles Marshall, le MV Ardmore Encounter (de la compagnie Ardmore shipping), qui avait subi une attaque combinée humaine et de missile. Les forces yéménites ont « d'abord tenté d'aborder le pétrolier via des skiffs. Cette tentative n’ayant pas abouti, deux missiles ont été tirés depuis les zones du Yémen contrôlées par les Houthis sur le navire. Elles ont tous deux manqué leur cible » raconte la marine US qui est intervenu. Enfin, alors qu'il répondait à l'appel de détresse, l'USS Mason (DDG 87) a « abattu un drone également lancé depuis les zones contrôlées par les Houthis Û qui se dirigeait vers le navire.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Venant du détroit d'Ormuz, où elle était engagée dans le cadre de la sécurisation de ce détroit vital pour le passage du pétrole, avec de possibles menaces de l'Iran, la frégate française de type FREMM, qui devait normalement remonter vers l'Europe a finalement réorienté sa route, avec escale à Djibouti.

Lire aussi : [Actualité] La menace Houthis en mer Rouge continue. Un pétrolier norvégien atteint par un missile

Mis à jour : précisions sur les attaques du 18 décembre et du 13 décembre

Categories: Défense

[Actualité] Un navire malto-bulgare capturé par les pirates somaliens dans le Golfe d’Aden(v2)

Fri, 15/12/2023 - 19:06

(B2) Un navire battant pavillon maltais a été capturé par les pirates en plein Océan indien jeudi (14 décembre). Il a rejoint la côte somalienne suivi à la trace par la frégate espagnole de l'opération européenne Atalanta.

Le MV Ruen (Photo : Navibulgar)

Le Centre d'opérations conjoint de la force navale de l'Union européenne (EUNAVFOR) a reçu jeudi (14 décembre) une alerte sur le détournement possible du MV Ruen, un cargo battant pavillon maltais et géré par une compagnie bulgare. L'incident s'est produit en plein Océan indien, à environ 500 Nautiques à l'Est de l'île de Socotra. Parti de Gwangyang (Corée du Sud) avec une cargaison de métaux, avec pour destination Gemlik en Turquie, il a été capturé, comme l'a confirmé son capitaine aux forces maritimes.

La frégate espagnole Victoria, a reçu l'ordre de mettre les moteurs et « se rapprocher le plus vite possible » du navire marchand. Objectif affiché : « recueillir davantage d'informations » et « évaluer d'autres actions ». Les forces maritimes combinées de la CTF sont également averties.

L'officier de sécurité de la compagnie affirme n'avoir plus de contact avec l'équipage. Le navire aurait mis le cap sur Bossaso en Somalie, dont il se trouve à environ 680 nautiques, selon les dernières indications.

Le 15 janvier, dès les premières heures, un avion de patrouille maritime indien a repéré le navire marchand, et réussi à établir des communications radio avec l'équipage. Les 18 membres de l'équipage se portaient alors bien, enfermés dans la citadelle. Mais, quelques heures plus tard, la situation a totalement changé. Les pirates avaient réussi à s'introduire dans la citadelle et fait prisonnier l'équipage.

Le 16 janvier, aux premières heures du 16, un navire de la marine japonaise, le destroyer Akebono (DE-201), sous le commandement des forces maritimes combinées (Combined Task Force 151), et le navire de la marine indienne, le destroyer INS Kochi (D64), sont arrivés à proximité du navire détourné, rejoignant le Victoria. Des échanges continus d’informations ont eu lieu entre les navires ^résents.

Au petit matin du 18 janvier, un membre de l'équipage du bateau piraté a dû être évacué vers l'INS Kochi, pour y être soigné. L'équipe médicale de la frégate espagnole restant « en soutien, disponible, si nécessaire » précise le QG d'Atalanta à Rota.

Mardi (19 décembre), selon les dernières informations, le MV Ruen se trouvait entre Eyl et la péninsule de Xaafun (Somalie). La frégate espagnole a pu le suivre en permanence, même à l'intérieur des eaux territoriales somaliennes, grâce à « une autorisation ad hoc accordée par le gouvernement fédéral somalien ». Dans l'après-midi, il a quitté la zone pour des raisons logistiques, dans l'après-midi.

(Nicolas Gros-Verheyde)

V2 - mis à jour avec les informations de suivi entre le 15 et 19 janvier

Categories: Défense

[Actualité] La menace Houthis en mer Rouge continue. Un pétrolier norvégien atteint par un missile

Tue, 12/12/2023 - 21:05

(B2) L'attaque d'un pétrolier norvégien a failli tourner au drame dans la soirée du lundi (11 décembre) en mer Rouge. Les Houthis donnent réalité à leur volonté de viser tout navire ayant pour destination Israël.

La frégate Languedoc en mer rouge (Flux video : Etat major des armées / sélection B2)

Un pétrolier norvégien visé délibérément

Le pétrolier Strinda, battant pavillon Norvégien, a été victime d’une « attaque aérienne complexe » impliquant un missile et un drone, dans le sud de la mer rouge, selon les informations diffusées par la défense française et américaine. Deux navires l'un de la marine française, Le Languedoc, l'autre de l'US Navy, l'USS Mason, se sont portés au secours du navire marchand.

Un missile qui fait mouche, un drone intercepté

Le pétrolier a en effet été atteint par un missile, provoquant un incendie à bord. Missile de croisière anti-navire (ASCM) lancé depuis une zone contrôlée par les Houthis au Yémen, selon l'US Navy. L'incendie a pu être maitrisé. Aucun blessé n'est à déplorer.

Marines française et US au secours

Le drone, qui « menaçait directement le Strinda », a pu être intercepté et détruit par la frégate française multi-missions FREMM Languedoc (D-653), qui patrouillait dans la zone (1). Le Languedoc s’est ensuite placé en protection du bâtiment touché, « empêchant la tentative de détournement du navire », indique la défense française.

Le destroyer américain USS Mason (DDG-87) a ensuite pris le relais et escorté le Strinda vers le golfe d’Aden hors de la zone de menaces. Tandis que la frégate Languedoc reprenait sa patrouille vers le Nord.

Une attaque revendiquée par les Houthis

Le ciblage du pétrolier a été revendiqué par les forces armées yéménites. « L'équipage du navire [norvégien] a ignoré tous les appels d'avertissement », a affirmé Yahya Sare'e, porte-parole des forces armées, selon al Massirah, la télévision liée au groupe yéménite. Une stratégie affirmée.

Viser tout navire à destination d'Israël

Les Houthis avaient indiqué, samedi (9 décembre), vouloir intercepter les navires se dirigeant vers Israël, « quelle que soit leur nationalité ». « Tout navire en route vers Israël sera considéré comme une cible légitime pour les forces armées yéménites » a ainsi indiqué Yahya Sare'e, porte-parole des forces armées. Une réponse « aux atrocités continues commises par Israël (...) et le blocus imposé à la population de Gaza ».

Le Languedoc visé délibérément

La semaine dernière, samedi (9 décembre), la frégate Languedoc avait abattu deux drones qui se dirigeaient « droit sur elle, en provenance des côtes du Yémen ». L’interception et la destruction de ces deux « menaces caractérisées » ont eu lieu vers 21h30 puis vers 23h30 (heures françaises) à 110 km des côtes du Yémen, à hauteur de Al Hudaydah, indique la défense française.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Le Languedoc a fait partie du dispositif Emasoh Agenor en protection du détroit d'Ormuz est en position pour remonter vers la Méditerranée. Il a aussi été intégré dans le groupe naval assurant la protection du porte-avions américain USS Dwight D. Eisenhower (CVN 69) dans cette même zone fin novembre.

Lire aussi :

Categories: Défense

[Analyse] Le sommet de tous les dangers

Sun, 10/12/2023 - 17:01

(B2) Le Conseil européen jeudi et vendredi prochain (14-15) décembre s'annonce comme une réunion cruciale pour les 27 sur tous les plans. Seront-ils capables de surmonter leurs divisions ? De sortir par le haut de leurs réticences croisées ? L'enjeu est notable.

Au sommet UE-Amérique latine, les sourires et applaudissements sont de sortie... pour la photo de famille (Photo : Conseil de l'UE)

Un sommet à grand risque

De la division à l'Union, un rite bien précis

Les rencontres au sommet ne sont jamais un grand moment de convivialité unie. Malgré les apparences, les sourires et les accolades. Elles sont plutôt le lieu où les Chefs se confrontent. Ces batailles sont parfois homériques. Leurs idées, leurs intérêts divergent bien souvent avant la réunion. C'est le jeu et même le rite habituel. Cette rencontre étant souvent le moment de resserrer les rangs et définir quelques orientations communes. Le mot division est ainsi souvent concomitant à celui de sommet comme celui d'unité. La réunion de jeudi n'est donc pas exceptionnelle sur ce point.

Un lot de dossiers non réglés

Ce qui semble exceptionnel aujourd'hui, ce n'est donc pas tant l'absence de consensus avant la réunion au sommet, c'est le nombre de dossiers, de première importance, sur lequel les 27 ne sont pas d'accord, de façon profonde et ouverte. Sur l'avenir de l'Europe, ses règles intérieures, son budget, son rôle dans le monde, derrière les mots généreux et souvent creux, les Chefs n'ont plus d'affectio societatis. Les Européens ne sont d'accord sur rien ni au plan extérieur ni au plan intérieur.

Le soutien à l'Ukraine ne recueille plus le consensus

Au niveau extérieur, ils n'arrivent plus ainsi à s'accorder sur le nécessaire soutien militaire à l'Ukraine. Ce point était depuis février 2022 un facteur de consensus. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Entre ceux qui estiment que le soutien à l'Ukraine commence à coûter cher et qu'ils préfèrent dépenser en national que via l'Europe (ex. l'Allemagne) et ceux qui estiment qu'aider militairement l'Ukraine est une impasse (Hongrie, Slovaquie, Autriche), une minorité certaine s'est formée pour refuser les dernières propositions du Haut représentant. Même l'ouverture des frontières suscite une levée de bouclier des pays les plus proches (Pologne, Slovaquie, Bulgarie, etc.), pourtant la plupart ardents soutiens de Kiev.

La summa divisio d'Israël et Palestine

L'attaque du 7 octobre du Hamas en terre israélienne a causé un traumatisme, non encore cautérisé, chez les Européens. Elle a fait exploser la ligne de consensus. Au point que l'antique message européen d'une solution à deux États, de peuples vivant pacifiquement côte à côte, avec Jérusalem comme capitale des deux États, le caractère illégal des colonies, etc. semble aujourd'hui impossible à réitérer dans son entier. Pour quelques uns prompts à suivre la stratégie Netanyahu, il faut en finir avec les Palestiniens et réoccuper Gaza. Pour d'autres, la solution à deux États est la seule issue possible. Entre les deux, se meut un marais d'États membres au langage plus flou. Seule l'aide humanitaire aux Palestiniens (et encore !) semble retrouver un semblant d'accord.

Pas d'affectio societatis sur l'avenir européen

Les Européens ne sont pas d'accord sur les questions intérieures vitales. Ni sur le budget futur pour 2024-2027 (dépenser plus ou économiser plus, trouver de nouvelles ressources), ni sur le plan migrations (restreindre encore les règles d'arrivées ou permettre une voie légale limitée pour certains potentiels), ni sur les règles budgétaires (faut-il revenir à une règle plus stricte des déficits et d'endettement et quelle marge laisser aux États membres). Autant de sujets primordiaux

... ni sur les frontières futures

Quant à l'élargissement européen à l'Ukraine, il est devenu aujourd'hui un point crispant. La Hongrie a mis son veto à toute décision du Conseil européen sur ce sujet en décembre. Mais il serait vain de mettre Budapest dans un corner. Plusieurs pays se satisfont en coulisses de ce Nem hongrois de dernière minute, leur permettant d'afficher une position plus généreuse en apparence, et évite d'afficher leurs réticences tout aussi grandes. Bref les Européens ne sont plus d'accord sur le projet européen...

Le nombril du monde

Cette absence de consensus et surtout de décision est dangereuse. Le reste du monde bouge, vite et sans les Européens. La Russie a relevé la tête. La Chine est sûre de son destin de leader mondial, l'Inde s'affirme comme puissance économique. Des puissances régionales, du Brésil à la Turquie en passant par l'Arabie saoudite ou l'Afrique du Sud prennent leurs aises dans ce monde nouveau. Des pays à l'importance plus secondaire — tels le Niger, le Mali, le Burkina Faso — ont déjà jeté par dessus bord l'aide et les "recommandations" européennes, préférant d'autres alliances. D'autres n'hésitent plus à "panacher" leur aide pour ne pas dépendre que des Européens. Et ce mouvement ne semble pas prêt de s'éteindre.

Une Europe en peine de leaders

Face à cette révolution planétaire, l'Europe ne semble pas effet au rendez-vous. Plusieurs Chefs sont sur le départ et non des moindres : le Néerlandais Mark Rutte, le Polonais Mateusz Morawiecki notamment. D'autres ont de grosses difficultés internes à commencer par le principal d'entre eux, le chancelier allemand Olaf Scholz en proie à des dissensions au sein de sa coalition. Même le Français Emmanuel Macron, vers qui les regards souvent se tournent à la recherche d'une impulsion, est en minorité au Parlement et son gouvernement ne tient qu'à coups d'articles 49-3 (vote bloqué).

Une absence de prise de risques

Le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel, ne brille pas par son opiniâtreté. Si sa perspicacité politique, son sens de la manœuvre sont bien connus, ce n'est en effet pas le courage politique qui l'étreint. Il répugne aux confrontations trop fortes et préfère souvent botter en touche, repoussant à plus tard la résolution des problèmes, nous précise un bon connaisseur de la machine européenne. D'où le nombre de dossiers qui sont "non réglés". Quant au couple franco-allemand, il semble aux abonnés absents. Et ce n'est le fait de Paris. Du moins cette fois (lire : [Analyse] Un coup de grisou sur le couple franco-allemand aux racines plus profondes).

Une majorité rognée par les extrêmes

Enfin la campagne pour les élections européennes semble s'annoncer difficile pour la plupart des dirigeants. Les changements qui s'annoncent — faiblesse des centristes libéraux et des verts, montée attendue de l'extrême droite et des conservateurs — menacent l'équilibre politique européen interne. Ce qui ne facilite pas vraiment un engagement trop fort et des concessions.

Le précipice de l'histoire

Les Européens tout occupés par leur nombril sont-ils en train de perdre pied. Pas encore tout à fait. Mais le précipice n'est pas loin. Si chacun n'y prend pas garde. À force de petite défense des intérêts et de médiocrité, les Européens pourraient passer demain à côté de l'Histoire.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Categories: Défense

[Exposition] Studiolo de Jean Jullien

Sat, 09/12/2023 - 12:07

(B2) Si vous n'avez pas encore vu l'exposition de l'artiste graphiste français Jean Jullien au Mima, le musée des arts urbains de Bruxelles, situé dans un quartier en pleine reconversion de Molenbeek au bord du Canal de Bruxelles. Courrez-y.

Cette « première exposition muséale personnelle » en Europe joue les prolongations : jusqu'au 7 janvier prochain. Elle mêle des peintures intimistes de l’artiste, des tableaux naturalistes à des commentaires et réflexions peints directement sur les murs. Les représentations de la mer, les plages, les forêts semblent si réalistes qu'on peut s'attendre à tout moment à se faire surprendre par une vague ou oiseau sorti du tableau.

(Crédit : Jean Jullien / MIMA)

Au détour des couloirs, tout en haut presque au pigeonnier du musée, vous pourrez découvrir une fresque géante, présentant sur un demi-cercle, un raccourci de l'histoire des guerres récentes, de l'antiquité à l'actualité, en passant par le Moyen-âge. Édifiant

(Crédit : Jean Jullien / MIMA)

(Nicolas Gros-Verheyde)

Au Musée MIMA, Quai du Hainaut 41, Molenbeek-Saint-Jean 1080 jusqu'au 31 décembre 2023

Le site de Jean Jullien

Categories: Défense

[Actualité] Les attaques se succèdent en mer Rouge contre les navires marchands

Tue, 05/12/2023 - 08:08

(B2) Les Houthis du Yémen mettent leur menace à exécution. Des missiles et drones ont visé, dimanche (3 décembre), plusieurs navires commerciaux naviguant dans le sud de la mer Rouge. Une réplique voulue à l'attaque d'Israël à Gaza.

USS Carney (Photo : US Navy - Archives B2)

Un destroyer américain sur zone

Les attaques se sont succédé dimanche matin et après-midi, menés à la fois par des missiles ou des drones, selon l'US CentCom, le commandement américain, compétent sur le Golfe persique, qui a détaillé chacune de ces attaques et la réplique engagée par un destroyer américain qui patrouillait sur zone. A plusieurs reprises, ce sont des navires britanniques qui ont été visés. Propriété d'actionnaires ayant souvent la double nationalité britannique et israélienne.

Une première attaque contre un navire britannique

Vers 9 h 15 (heure locale), l'USS Carney (DDG64), un destroyer de la classe Arleigh Burke normalement basé à La Rota, a « détecté une attaque de missile balistique antinavire tirée depuis les zones contrôlées par les Houthis au Yémen » indique le CentCom, Direction : un cargo battant pavillon des Bahamas, détenu et exploité au Royaume-Uni, le MV Unity Explorer (1). Le missile a « explosé à proximité du navire ».

Un drone abattu

Un peu plus tard, vers midi l'USS Carney — qui « se trouve alors dans les eaux internationales » selon le commandement US —, détecte un drone « lancé depuis les zones contrôlées par les Houthis au Yémen » se dirigeant dans sa direction. Le drone est abattu « sans dommage pour le navire américain ni aucun blessé parmi le personnel ». La cible spécifique du drone n'était « pas claire » reconnait cependant le CentCom. « Nous ne pouvons pas évaluer pour le moment si le Carney était une cible des drones. »

Un navire marchand cible d'un missile

Quelques minutes plus tard, vers 12 h 35, un nouveau navire marchand, le MV Unity Explorer lance un appel de détresse avoir « été touché par un missile tiré depuis les zones contrôlées par les Houthis au Yémen ». L'USS Carney se dirige vers le navire marchand pour évaluer les dommages. Les dégât semblent « mineurs ». Mais, dans l'intervalle, un autre drone en approche est détecté. Il est abattu « sans dommage ni blessé, sur le Carney comme le Mv Unity Explorer ».

Troisième attaque contre un autre navire britannique

Vers 15h30, c'est au tour du MV Number 9, un porte-containers battant pavillon panaméen et détenu par une société britanique, d'être touché par un missile tiré « depuis les zones contrôlées par les Houthis au Yémen » alors qu'il naviguait dans les eaux internationales de la mer Rouge. « Sans dommages ».

Quatrième attaque

Une heure plus tard, vers 16h30, le MV Sophie 2, un autre vraquier battant pavillon panaméen, envoie un appel de détresse indiquant avoir été touché par un missile. L'USS Carney a de nouveau répondu à l'appel de détresse mais n'a signalé aucun dommage significatif. Alors qu'il était « en route pour apporter son soutien », le navire américain a cependant abattu un drone « se dirigeant dans sa direction ».

Des précédents

Ces attaques surviennent après la capture d'un navire britannique (lire : [Actualité] Les Houthis détournent en mer Rouge un navire « israélien ». Plusieurs marins européens capturés). Le week-end précédent, la marine américaine avait déjà déjoué cette fois, une attaque de pirates somaliens contre un tanker dans le golfe d'Aden près du Yémen (lire : [En bref] L'attaque contre le Central Park déjouée. Les cinq pirates somaliens arrêtés)

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Un navire bien connu par son équipage ukrainien et philippin qui n'avait pas hésité à, en mars 2022, à poser sur le pont du bateau pour dénoncer « l'horreur de la guerre » en Ukraine et « les bombardements des occupants russes ». Un message diffusé sur facebook.

Categories: Défense

[Editorial] Attention à une nouvelle crise migratoire à venir

Sun, 03/12/2023 - 14:56

(B2) Les Européens jouent avec le feu au Proche-Orient. S'ils n'y prennent garde, ils pourraient se retrouver demain avec la « pire crise » migratoire que l'Union européenne ait connue. À côté, la crise des années 2015-2015 pourrait presque paraître contenue

Migrants arriving from Athens to the border between Greece and Former Yugoslav Republic of Macedonia (FYROM).

La seule porte de sortie : l'Égypte

La volonté israélienne est en effet d'en finir aujourd'hui avec le réduit de Gaza, de pousser ses habitants à fuir... Les derniers bombardements le prouvent. La volonté affichée par certains dirigeants israéliens aussi. L'Égypte est la seule voie de sortie possible. L'issue terrestre Nord comme la voie maritime étant bloquées par Israël. Or le gouvernement égyptien l'a bien fait comprendre au Haut représentant de l'UE comme aux quelque dirigeants européens venus au Caire. Il est hors de question d'accueillir ces Palestiniens. Pour des raisons politiques. Ce serait réduire à néant le processus de paix reposant sur une solution à deux États. Mais aussi pour des raisons internes et de sécurité. Ce serait subir un enkystement de mouvements islamiques aux antipodes du régime de al-Sissi qui a proscrit les Frères musulmans et consorts.

Les pays de la région peu disposés

De solution alternative, il n'y en a pas vraiment. Aucun autre pays de la région n'est disposé aujourd'hui à accueillir ces réfugiés. Pour les mêmes raisons. Auxquelles s'ajoute une autre : ils sont débordés. Si entre 2012 et 2015, ils ont accueilli à bras ouverts des centaines de milliers de Syriens à la recherche d'un asile, ils ne sont pas prêts à renouveler ce geste maintenant (surtout pour les Palestiniens). La Jordanie estime qu'elle a aussi fait le nécessaire. Le Liban est exsangue. La Turquie a fait le maximum en hébergeant déjà plusieurs millions de Syriens sur son sol.

Des bateaux vers l'Europe

Pour Le Caire, la solution est donc toute trouvée. Si l'Égypte se retrouve forcée, malgré elle (car la pression sera trop forte aux frontières de Rafah), de recueillir des Palestiniens de Gaza, ils seront rapidement mis sur des bateaux : direction l'Europe. Or accueillir une telle population, forte d'un peu moins deux millions d'âme, remplie d'une amertume certaine, d'une possible volonté de vengeance, et qui comprend en son sein quelques extrémistes notoires, formés au maniement des armes, à l'intelligentsia terroriste, ne sera pas de tout repos pour les Européens. Tel Aviv, Beyrouth et Le Caire le savent, les Européens sont prévenus. À bon entendeur...

(Nicolas Gros-Verheyde)

Categories: Défense

[Actualité] Un dhow iranien capturé par les pirates au Puntland intercepté et suivi à la trace par les Européens (v3)

Wed, 29/11/2023 - 18:35

(B2) Les marins de l'opération européenne EUNAVFOR Atalanta ont repéré un navire de pêche  capturé par les pirates la semaine dernière au large du Puntland.

Boutre de Pêche AlMeraj1 (photo : Eunavfor Atalanta)

Capturé la semaine dernière

Battant pavillon iranien, le Al-Meraj 1, ce boutre de pêche (ou dhow) aurait été capturé par les pirates au large de Eyl (Puntland), mercredi dernier (22 novembre), selon les informations du MSCHOA / MICA Center de Brest (qui assure la veille informationnelle dans la zone de l'Océan indien pour l'opération européenne). A bord de deux skiffs, les pirates avaient — selon une méthode bien rodée à la fin des années 2010 — placé des échelles pour aborder le dhow à la coque bleue et blanche, menaçant l'équipage avec des armes de type AK47 (Kalachnikov) et RPG (lance-grenades). Puis ramenant leur proie sur la côte.

Suivi par voie aérienne et localisé très au large des côtes

L'opération navale de l'Union européenne a, depuis plusieurs jours, déployé des « moyens dédiés » pour localiser le navire, notamment l'avion de patrouille maritime de l'opération basé à Djibouti (un Casa Vigma) et un drone de bord de type Scan Eagle. Ses deux navires, la frégate italienne Durand de la Penne et la frégate espagnole Victoria se sont relayés pour « suivre de près les mouvements du boutre et signaler sa position ». Et le dhow intercepté au large des côtes du Puntland (Somalie) « à plus de 230 milles marins » des côtes somalienne.

Un suivi à la trace durant plusieurs jours

Depuis le moment de l'interception, le boutre a été suivi à la trace. Les navires marchands étant informés de la présence d'un bateau suspect dans la zone. Finalement, ayant perdu ses deux skiffs remorqués et les conditions météorologiques étant défavorables, le Al Meraj 1 a viré de bord, et remis le cap sur les côtes du Puntland, toujours étroitement surveillé par les unités d'ATALANTA, Le navire « navigue pour l'instant vers les côtes somaliennes sous la surveillance des moyens d'EUNAVFOR », indique le QG de l'opération situé à Rota (Espagne) à B2 vendredi (1er décembre).

Un usage possible de bateau-mère

Hors de question en effet pour les marines européennes de laisser un tel navire. Il aurait fort bien pu servir de bateau-mère pour « faciliter de nouvelles attaques de pirates contre des navires marchands ». Mais les Européens ne sont pas intervenus. D'après nos informations, la situation à bord est assez « confuse » (1). Il est difficile de préciser dans quelle mesure l'équipage collabore, ou non, avec les pirates. D'où la terminologie prudente utilisée par EUNAVFOR : le boutre « aurait été enlevé par des pirates ».

Escorté par une frégate espagnole

Dès que le boutre de pêche sera dans les eaux territoriales somaliennes, ce sera aux Somaliens de prendre le relais. L'opération européenne n'ayant plus d'autorisation de pénétrer dans ces eaux, la résolution du Conseil de sécurité des nations unies, n'ayant pas été renouvelée. La position exacte du Al Meraj 1 a ainsi été communiquée aux forces de police somaliennes, précise l'opération dimanche (3 décembre). Des forces somaliennes habituées à interagir avec leurs homologues européens, ayant été souvent formées ou invitées à s'entrainer à bord des navires d'Atalanta.

Une rançon demandée

Les ravisseurs exigeaient, selon le média somalien Garowe Online, du propriétaire du navire le versement d'une rançon de 400.000 $. Les responsables de l'opération Atalanta ont lancé un appel à la vigilance. Recommandant à tous les navires dans la zone de « s'inscrire dans le système d'enregistrement volontaire (VRS) du MSCHOA », le centre de sécurité maritime pour la Corne de l'Afrique, situé à Brest.

Alertes sur le Golfe d'Aden

Plusieurs alertes ont été lancées ces derniers jours par les autorités maritimes (MSCHOA et UKMTO). Mercredi (29 novembre), plusieurs capitaines ont ainsi repéré un petit canot suspect dans les parages du Golfe d'Aden. Lundi (27 novembre), un canot avec trois personnes à bord s'est approché d'un navire marchant à 60 nautiques au sud de Aden au Yémen. Le canot a suivi le navire pendant une heure avant de changer de direction.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. L'histoire ne dit pas si le navire de pêche avait une autorisation en bonne et due forme pour pêcher dans la zone. L'opération reste aussi prudente sur les circonstances entourant la capture par les pirates.

Une résurgence ?

La piraterie somalienne n'est plus aussi effective que dans la fin des années 2010. Mais elle surgit de temps à autre. La dernière attaque d'envergure, recensée par B2, avait eu lieu en août 2021 contre un cargo battant pavillon turc, au nord de la capitale somalienne (lire : tentative d'attaque de pirates au large de Mogadiscio).

En avril 2019, un navire militaire espagnol de Atalanta avait intercepté un navire de pêche yémenite utilisé par les pirates (lire : Les pirates repartent à l’attaque. Un bateau-mère stoppé net dans l’Océan indien) ; les ravisseurs arrêtés avaient été transférés aux Seychelles pour jugement (lire : Les cinq pirates arrêtés par les Espagnols transférés aux Seychelles).

En février 2018, c'était un tanker battant pavillon de Singapour mais appartenant à un armateur letton qui avait été attaqué au large des côtes somaliennes (lire : Un chimiquier letton attaqué par les pirates au large de la Somalie). En avril 2017, c'était un dhow indien qui avait capturé par les pirates.

Lire aussi :

Corrigé et complété le 1.12 à 19h35 - le boutre de pêche n'a pas été libéré, mais juste intercepté et suivi à distance. Précisions aussi sur les moyens employés et la situation à bord. Mis à jour le 3.12 sur la remise aux autorités somaliennes (précisions sur les conditions météo et circonstances du suivi du navire).

Categories: Défense

[En bref] L’attaque contre le Central Park déjouée. Les cinq pirates somaliens arrêtés

Wed, 29/11/2023 - 09:35

(B2) La marine américaine a déjoué dimanche (26 novembre) une attaque de pirates somaliens contre un tanker dans le golfe d'Aden près du Yémen.

L'USS Mason (Photo : US Navy Robert Aylward - Archives B2)

Cette attaque classique de pirates prenant le contrôle de navires a été combinée avec des tirs de missiles provenant du Yémen. Pouvant induire à une certaine concertation entre pirates et Houthis.

Une attaque menée par cinq hommes armés

Le tanker battant pavillon libérien a été « abordé par cinq individus armés alors qu'il était en transit dans le golfe d'Aden, près du Yémen » dimanche (26 novembre). Les pirates « ont tenté d'accéder à la cabine de l'équipage » puis « ont tenté alors de prendre le contrôle » du navire, a raconté le général US Pat Ryder lors d'une réunion avec la presse au Pentagone lundi (27 novembre). « L'équipage, pour l'essentiel, a pu s'enfermer dans un lieu sûr » à l'intérieur du navire.

La CTF 151 sur zone

Répondant à l'appel de détresse lancé dans la soirée de dimanche (26 novembre) le navire américain USS Mason, plusieurs navires alliés et avions, parties prenantes de la CTF 151 (la force conjointe initiée par les USA). Les cinq pirates — des Somaliens apparemment — ont alors tenté de s'enfuir à bord d’une petite embarcation. Ils ont été rattrapés et « arrêtés » par l'équipe de visite et d'arraisonnement de l'USS Mason. Celle-ci est montée à bord du tanker, l'a sécurisé et libéré l'équipage. Ils sont détenus à bord du USS Mason a précisé Pat Ryder.

Tir de missiles balistiques

Lundi 27 au matin, deux missiles balistiques ont été tirés depuis des zones contrôlées par les Houthis au Yémen, en direction des zones où évoluaient les deux navires, l'USS Mason et le Central Park. « Les missiles ont atterri dans le golfe d'Aden, à environ 10 milles marins des navires. On ne sait pas encore exactement ce qu'ils visaient » a indiqué Pat Ryder précisant que ni l'USS Mason ni le Central Park n'avaient été endommagés par les missiles. Le Central Park a remis ses moteurs en marche et a repris sa route.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi : [Actualité] Un dhow iranien capturé par les pirates au Puntland intercepté et suivi à la trace par les Européens

Categories: Défense

[Reportage] Des Mirage français (et des F-16 belges) au-dessus de la Lituanie

Tue, 28/11/2023 - 16:01

(B2) Pour la dixième fois consécutive depuis 2004, des avions français seront basés dans les pays baltes. Prêts à faire face à toute alerte. Notamment des avions militaires russes toujours tentés de faire un peu de provoc' aux bordures des pays baltes.

Escorte de Mirage 2000 (© NGV / B2)

B2 a pu accompagner les pilotes de l'armée de l'air et de l'espace qui se déploient en Lituanie ces jours-ci. Avec une bonne vingtaine de journalistes de différents pays de l'OTAN, nous avons pris ainsi place à bord d'un A300M MRTT (1). Départ au petit matin, sur la base de Istres, dans le sud de la France (la BA 125 pour les intimes de la chose aérienne). Direction Šiauliai en Lituanie, alors que le soleil pointe à peine le bout de son nez sur la Méditerranée.

Dixième participation française

Durant quatre mois, de fin novembre 2023 à fin mars 2024, des avions Mirage 2000-5F assureront la police du ciel au-dessus des pays baltes. Aux côtés des F-16 belges et polonais.

Une présence active des avions alliés sur le ciel balte

C'est la dixième participation à la surveillance du ciel balte (Baltic Air Policy), précise l'état-major des armées, la septième en Lituanie (2), en 20 ans. La présence aérienne alliée a, en effet, été renforcée depuis 2014 et la première intervention militaire russe en Ukraine (Crimée et Donbass). Elle est encore plus actuelle depuis 2022, et la seconde intervention russe en Ukraine (plus massive). Les moyens ont été densifiés.

En relais des Italiens et Espagnols

Les Français viennent s'insérer dans un dispositif rodé depuis des années. Ils seront aux côtés des Belges qui assureront la Baltic air policing classique. Tandis que les Polonais seront à Amari (Estonie) relayant les Espagnols. Ils auront fort à faire. La Quick reaction rapid italienne a réalisé, en quatre mois de présence (1er aout à novembre) 60 alertes. 70% étant liés au survol d'avions russes à destination ou au départ de l'enclave russe de Kaliningrad.

Deux fois deux Mirage

Quatre avions Mirage 2000-5F du groupe de chasse 1/2 « Cigognes » sont déployés pour cette mission. Ils seront basés à Šiauliai, en Lituanie. Les Mirage évoluent, en général, par paire. Ces avions de chasse monoplaces, normalement dédiés à la défense aérienne, sont capables d’interdire toute intrusion aérienne sur un large territoire mais aussi d’assurer la protection de bombardiers ou d’autres aéronefs stratégiques. Ils sont équipés d’un radar multi-cibles performant et peuvent être dotés de missiles air-air de type MICA.

Un détachement d'une centaine de militaires

Le détachement Air français se compose d’une centaine de personnels : six pilotes de chasse, une quarantaine de mécaniciens, une quinzaine de fusiliers et commandos de l’air, des pompiers de l’air (3), ainsi que des soignants du service de santé des armées, des militaires du service de l’énergie ou des spécialistes des systèmes d’information et de communication (CIS). Ce qui est relativement peu en soi. Tout simplement car la plupart de la logistique (fuels, etc.) est assurée sur place, soit par les Lituaniens, soit par d'autres Nations OTAN.

Pleine interopérabilité OTAN

Toutes les actions aériennes des pays alliés sont normalisées dans des procédures de type OTAN, bien intégrées par chacune des forces. Des normes utilisées tant sur le sol national qu'en opérations extérieures. Des procédures de vols, à l'atterrissage ou au ravitaillement en vol, jusqu'aux multiples détails, tels les signaux de parking sur une piste, tous les appareils de l'Alliance opèrent ainsi selon les mêmes modalités, assurant une « complète interopérabilité ». Ce qui « facilite énormément l'interaction entre tous les alliés », témoigne le colonel Gaudillière, porte-parole des opérations de l'armée française, qui parle en connaissance de cause (ancien pilote de Rafale, il a aussi commandé la BA125, la base aérienne d'Istres).

Ravitaillement en vol d'un F-18 finlandais (© NGV / B2)

Objectif : Identifier et dissuader

La mission de tous les aéronefs engagés dans le dispositif répond à un mode opératoire assez similaire, assez classique dans la sûreté aérienne : qui répond à quatre missions : identifier, contrôler, surveiller ou intercepter. En premier lieu, il s'agit d'identifier tout aéronef suspect (« douteux » dans le langage aéronautique) pénétrant ou survolant l’espace aérien balte.

Trois critères d'appréciation d'un avion douteux

Un avion est considéré comme suspect, s'il ne répond pas à certains critères : 1° pas de contact radio avec les organismes de contrôle civil, 2° pas de dépôt d’un plan de vol ou non-respect de ce plan de vol, 3° coupure du transpondeur et donc pas de moyen d'identification de l’aéronef. En cas de doute, deux avions décollent pour « prendre liaison, à des fins de vérification » avec l'avion. C'est ce qu'on appelle un « Alpha scramble », pour une alerte réelle (à distinguer d'un « Tango scramble » dédiée aux décollages pour entraînement).

Contact par tous moyens

De façon concrète, un contact radio est pris, à proximité, par tous les moyens possibles (UHF, canal de détresse, etc.). À défaut, c'est un contact visuel — de cockpit à cockpit — qui est assuré (par le biais de petites affiches que montre le pilote). Au besoin, l'avion est escorté jusqu'au sortir de l'espace aérien balte, et pris en charge par les avions polonais, finlandais ou suédois, selon sa direction (cf. carte).

De la simple perte de contact radio à l'intention volontaire

Parfois, il s'agit d'une  simple perte de contact radio avec le sol (panne ou défaillance), il s'agit alors pour les avions de l'OTAN de « porter une assistance en vol » à l'appareil en détresse, de l'escorter et le guider au besoin jusqu'à sa destination ou (en cas d'urgence), le terrain le plus proche. C'est souvent le cas pour les avions civils. Pour les avions russes (militaires et parfois civils), la donne est différente. De façon volontaire, les avions russes coupent leur transpondeur ou transgressent leur plan de vol.

La FIR ou l'espace territorial ?

Précision importante : les avions russes ne violent pas généralement l'espace aérien balte, au sens territorial du terme. Ils évoluent en marge de celui-ci, dans la FIR, la zone de responsabilité du contrôle aérien d'un des pays baltes. Le tout pour provoquer ou « stimuler » le contrôle aérien balte. Ces vols sont parfois à visée très provocatrice, coïncidant avec des évènements particuliers (fête nationale, visite d'une personnalité d'un pays de l'OTAN). Histoire pour Moscou de marquer son empreinte sur la zone.

(Nicolas Gros-Verheyde, à bord d'un MRTT et à Siauliai en Lituanie)

Lire aussi notre [Fiche-Mémo] La surveillance aérienne de l'OTAN au-dessus des pays baltes

  1. C'est désormais l'appareil multirôle standard de l'armée de l'Air (avec l'A400M) permettant aussi bien le transport de personnes, de fret, que de blessés (avec le kit Morphée permettant d'avoir une vraie salle de réanimation volante) ou le ravitaillement en vol. L'armée de l'air est déjà dotée de 12 appareils de ce type. 15 à l'échéance sont prévues.
  2. Les précédents ont eu lieu en 2007, 2010, 2011, 2013, 2016 et 2022.
  3. La plupart des aviateurs déployés proviennent de la 2e escadre de chasse, stationnée sur la base aérienne BA116 de Luxeuil-Saint-Sauveur. Une unité héritière de la légendaire escadrille des Cigognes.

Categories: Défense

[Actualité] Les Houthis détournent en mer Rouge un navire « israélien ». Plusieurs marins européens capturés (v3)

Mon, 20/11/2023 - 16:57

(B2) C'est un acte de piraterie « politique » qui vient de se dérouler en mer Rouge. Les Houthis, la force au pouvoir au Yémen,  affirment avoir détourné un navire marchand, le Galaxy Leader.

Dépose des hommes armés par un hélicoptère (Flux Video : AlMasirahTV - Sélection B2)

Ayant traversé le canal de Suez en Egypte, ce navire transporteur de voitures qui bat pavillon des Bahamas a été détourné à 14’50 Nord, 4’15 Est à 50 nautiques de Hodeidah alors qu'il se dirigeait vers le port de Pivavav en Inde. L'officier de sécurité de la compagnie a « perdu les communications avec le navire », après que celui-aurait été « abordé par des personnes non autorisés » a confirmé le centre britannique de suivi de la marine marchande (UKMTO) dimanche (19 novembre).

Une dépose par hélicoptère

Les forces houthis n'ont pas fait preuve d'amateurisme. Un hélicoptère a déposé sur le pont du navire une bonne demi-douzaine d'hommes armés qui ont très vite pris possession du navire, selon une vidéo diffusée par la télévision, Al Masirah du mouvement Houthi. Ils ont fait irruption dans le poste de pilotage et menaçant de leurs armes ses membres pour leur ordonner de se dérouter vers le port du Yémen.

https://www.masirahtv.net/static/uploads/files/%D9%81%D9%8A%D8%AF%D9%8A%D9%88%D9%87%D8%A7%D8%AA/%D8%B7%D9%88%D9%81%D8%A7%D9%86%20%D8%A7%D9%84%D8%A3%D9%82%D8%B5%D9%89/%D9%86%D9%88%D9%81%D9%85%D8%A8%D8%B1%202023/%D8%B3%D9%8A%D8%B7%D8%B1%D8%A9%20%D8%B9%D9%84%D9%89%20%D8%A7%D9%84%D8%B3%D9%81%D9%8A%D9%86%D8%A9%2019-11.mp4

Un avertissement

Les Houthis entendent ainsi donner un « avertissement » à Israël. Tous les navires « appartenant ou traitant avec l'ennemi israélien » deviendront « une cible légitime pour les forces armées ». Ce tant « jusqu'à ce que l'agression contre Gaza cesse et que les actes odieux contre nos frères palestiniens à Gaza et en Cisjordanie cessent ». Ils exhortent aussi « tous les pays dont les citoyens travaillent dans la mer Rouge à éviter tout travail ou activité impliquant des navires israéliens ou appartenant à des Israéliens » Quant à l'équipage du navire, il est traité « conformément aux principes et aux valeurs de notre religion islamique » assure son porte-parole sur XTwitter.

Un navire opéré par des Japonais, propriété britanniques et d'Israéliens

« Il n'y a pas de cargaison à bord » a assuré l'affréteur, la compagnie de transport maritime japonaise NYK Line. Ce navire  est exploité la société britannique Galaxy Maritime Ltd., basée dans le paradis fiscal de l'Isle de Man, et propriété de Ray Shipping LTD, basée à Tel Aviv, dont l'actionnaire principal est Rami Ungar, l'un des principaux importateurs de voitures en Israël, comme il l'affirme lui-même.

25 membres d'équipage retenus, dont plusieurs Européens

Parmi les 25 membres d'équipage, retenus en otage, figurent au moins trois citoyens de l'Union européenne : deux Bulgares, le capitaine et son second, selon le secrétaire du ministère de l'Intérieur, Jivko Kotsev, cité par la télévision bulgare ; ainsi qu'un Roumain selon le ministère roumain des Affaires étrangères — et des Ukrainiens. Selon nos informations, une notice — dite IRTB (Industry Releasable Threat Bulletin) — est en cours de préparation pour informer l'industrie du transport maritime de la nouvelle situation causée par le conflit.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Mis à jour : v2 le 20.11 à 20h00 avec les détails sur les membres de l'équipage et l'IRTB, v3 21.11 vidéo de la dépose hélicoptère

Categories: Défense

[Opinion] Le retour des guerres majeures (Pierre Schill)

Fri, 13/10/2023 - 08:51
(B2) Dans un texte diffusé sur les réseaux sociaux, le général Pierre Schill, chef d'état-major de l'armée de terre française livre un point de vue court, mais percutant, sur sa lecture des évènements en Israël après l'offensive du Hamas. Nous en livrons le contenu

« J’ai été consterné et marqué par les images d’une violence extrême en provenance du Levant qui font irruption sur nos écrans depuis samedi dernier. J’affirme clairement ma solidarité et ma sollicitude pour les victimes, ainsi que ma conviction profonde que le terrorisme - au sens propre de l’emploi de la terreur - doit être combattu avec la plus grande détermination partout où il apparaît.

« Cette réaction d’horreur devra s’accompagner dans les prochains jours d’une analyse militaire, car les évènements d’Israël comme ceux d’Ukraine ou du Haut- Karabagh doivent servir à nous préparer à toute situation, y compris la plus imprévisible.

« Mais surtout, ma première réaction porte sur un fait indéniable : nous assistons au retour des guerres majeures.
Les conflits mettant à l’œuvre un déchaînement de violence paroxystique, dans lesquels les verrous moraux et juridiques sautent sous les coups de boutoir de la barbarie la plus débridée, alors qu’on les pensait relégués dans les livres d’Histoire, font un retour fracassant.

« Le réel frappe à notre porte et nous rappelle que l’homme est un loup pour l’homme, que les États sont engagés dans une compétition permanente et que la guerre est redevenue un moyen privilégié de règlement des différends.

« Dès lors, l’état de préparation des forces armées relève plus que jamais de la précaution la plus élémentaire pour s’assurer de ne pas être à la merci de la volonté du premier compétiteur venu.

« Nous n’avons pas le droit d’être pris en défaut sur ce point. Tous, nous devons en être convaincus. »

(Pierre Schill)

Categories: Défense

[Actualité] Attaques du Hamas sur Israël. Plusieurs pays européens évacuent leurs concitoyens (v4)

Sun, 08/10/2023 - 20:45

(B2) C'est la Pologne qui a, la première, dimanche (8 octobre) annoncé le lancement de l'évacuation de ses concitoyens d'Israël. Le Portugal a embrayé ainsi que la république Tchèque. D'autres suivent. Le mouvement s'accélérant même en milieu de semaine.

(Photo : MOD Pologne)

Après l'attaque multiple menée par les militants du mouvement Hamas contre plusieurs villes et habitations civiles dans le Sud d'Israël, aux alentours de Gaza, de nombreux touristes sont restés coincés — de nombreuses compagnies aériennes civiles ayant interrompu leur vol. « Nous sommes prêts à assurer rapidement et efficacement le retour chez eux des touristes polonais qui séjournent actuellement en Israël » a assuré le ministre de la défense, Mariusz Błaszczak.

Trois avions mobilisés

Varsovie a mobilisé au début trois avions de transport : deux avions C130 Hercules et un Boeing 737 pour cette opération, dénommée NEON. Deux avions polonais se sont posés à l'aéroport Ben Gourion de Tel Aviv dès dimanche (8 octobre). Le troisième a décollé de Varsovie dimanche soir avec, à son bord, une équipe médicale militaire. Les avions pourront au besoin évacuer d’autres citoyens européens et étrangers qui souhaiteraient quitter le pays, précise le gouvernement polonais. Des avions Casa ont pris le relais assurant à partir de lundi (9 octobre) un pont aérien entre Tel Aviv en Israël et Chania en Crète, permettant ainsi de raccourcir le temps d'évacuation. Douze navettes ont ainsi été organisées jeudi (12 octobre).

L'expérience polonaise

L'aviation de transport et les forces spéciales polonaises ont « une certaines expérience dans ce type d'opérations » précise l'état-major : elles avaient mené une opération d'évacuation des Polonais de Wuhan (Chine) lors de l'épidémie de Covid-19 en 2020, et en 2021 pour l'évacuation de Kaboul.

D'autres pays embraient le pas

Le Portugal a aussi mobilisé un C-130 de ses forces aériennes pour « effectuer une mission d'aide au retour des Portugais » d'Israël, a annoncé en début de soirée, la défense portugaise.

L'Italie a assuré plusieurs rotations de ses avions militaires de Tel Aviv vers Pratica di Mare. Deux ont atterri mardi (10 octobre) dans la matinée à Pratica di Mare, ramenant environ 200 personnes, un troisième avion militaire a atterri dans l'après-midi. Deux autres vols assurés par une compagnie aérienne privée (Neos) à « prix contrôlés » (NB : 350 euros) seront assurés mercredi (11 octobre), indique la Farnesina. De nombreux pèlerins se trouvaient dans le pays, coincés par l'annulation des vols réguliers.

De son côté, la Tchéquie a profité du déplacement de son ministre des Affaires étrangères Jan Lipavský en Israël — pour exprimer son soutien à son homologue Eli Cohen —, pour ramener des citoyens tchèques bloqués dans le pays.

34 ont ainsi pu rentrer dans l'avion ministériel dès mardi (10 octobre) soir. Une autre rotation a été assurée mercredi (11 octobre) dans la nuit, permettant de rapatrier une quarantaine de citoyens tchèques à l’aéroport militaire de Kbely, à Prague, à 3h40.

Des citoyens tchèques évacuent de Tel Aviv à bord de l'A319 ministériel (Photo : MFA Tchéquie)

L'Autriche a préféré envoyé un avion C-130 vers Chypre. De là, un service de navette vers Israël sera mis en place pour ramener les Autrichiens. Il devait décoller de Linz mercredi (11 octobre) en matinée annonce la Bundesheer. A bord de l'avion, des psychologues de l'armée. (mis à jour) Mais l'opération a été reportée. L'avion étant tombé en panne. Construit en 1966 (57 ans d'âge !), il est en fonction depuis 2003 dans l'armée autrichienne s'excuse Michel Bauer, le porte-parole de l'armée.

Les Pays-Bas ont annoncé mardi (10 octobre) envoyé un avion de transport militaire de type A330 de l'unité multinationale d'avions de transport multirôles (MRTT) stationnée à la base aérienne d'Eindhoven, gérée par l'Otan, pour « rapatrier les personnes possédant un passeport néerlandais et souhaitant quitter Israël » comme l'a précisé la ministre de la Défense Kajsa Ollengren.

199 personnes ont ainsi pu être rapatriées mercredi (11 octobre). Une deuxième rotation a été organisée dans la foulée. L'appareil se posant à Eindhoven vers 1h30 du matin dans la nuit de jeudi à vendredi (13 octobre) avec plus de 200 Néerlandais à bord et une vingtaine d'Européens, précise le ministère néerlandais des Affaires étrangères. D'autres vols sont prévus dans les prochains jours, indique la défense néerlandaise.

La Roumanie a choisi de privilégier des vols privés, organisés notamment par la compagnie nationale Tarom, à la demande du ministère des Affaires étrangères. 239 ressortissants roumains ont ainsi été rapatriés entre mercredi et jeudi, à bord de quatre vols (Tarom, El Al et deux compagnies privées). En tout depuis le début du conflit, 18 vols spéciaux, assurés par Tarom et d’autres compagnies privées ont permis de rapatrier environ 1800 ressortissants roumains assure le porte-parole du ministère, Radu Filip à Agerpress

Il reste encore 300 citoyens roumains en Israël qui ont demandé une aide pour rentrer et 150 vivant à Gaza (350 Roumains sont recensés dans le territoire palestinien).

La France a annoncé qu'un vol spécial opéré par Air France sera assuré jeudi (12 octobre) pour permettre aux « compatriotes qui le souhaitent, et n’ont pu trouver de places disponibles dans les vols commerciaux encore ouverts à Tel Aviv, de regagner le territoire national » indique le quai d'Orsay, mardi (10 octobre) en fin de soirée.

Le premier vol a atterri à l'aéroport Charles de Gaulle jeudi (12 octobre) au soir ramenant 377 personnes. D'autres vols sont prévus vendredi (13 octobre).

L'Allemagne a demandé à la compagnie nationale Lufthansa d'effectuer plusieurs vols spéciaux jeudi et vendredi à destination d'Israël pour rapatrier les ressortissants et binationaux. Quatre vols avaient déjà été organisés jeudi (12 octobre) permettant d'évacuer 950 personnes, annonce le ministère des Affaires étrangères.

La Hongrie a choisi (comme l'Autriche) Chypre comme hub d'évacuation. 65 citoyens hongrois d'Israël, dont 18 enfants, ont pu rejoindre Chypre par bateau jeudi (12 octobre) annonce le ministre des Affaires étrangères Peter Szijjártó. Ils seront rapatriés par avion en Hongrie.

Après avoir hésité le Royaume-Uni a lancé jeudi (12 octobre) son opération d'évacuation. Via des avions privés, avec trajet payant. Chaque personne devant acquitter un montant de 300 £ précise le communiqué du Foreign Office.

À suivre...

(Nicolas Gros-Verheyde)

Mis à jour le 10 octobre (Italie, Tchéquie, Autriche, Pays-Bas, Allemagne, France) - le 12 octobre (Hongrie, Allemagne, Royaume-Uni, Pologne, Roumanie) - le 13 octobre (bilan chiffré Italie, Pays-Bas, Tchéquie)

Categories: Défense

[Editorial] Le retrait français du Niger. Inéluctable, tardif

Mon, 25/09/2023 - 18:05

(B2) Le retrait de l'ambassadeur français du Niger était inéluctable. De même que le retrait des soldats français. Il aurait été sans doute plus sage et plus avisé de le faire plus tôt. Sans ce bras de fer inutile et finalement perdu.

La décision prise par le président Emmanuel Macron était la seule possible. Annoncée dimanche (24 septembre) au détour d'une interview télévisée bien préparée (1) sur TF1 et France 2, elle interpelle.

Le fond et la forme

Si sur le fond, la position française est logique — refuser de composer avec une junte militaire et considérer le président élu Mohamed Bazoum comme la seule autorité légitime — la forme est beaucoup plus discutable. Camper comme un matamore sur une position ferme — nous ne bougerons pas —, pour ensuite, plier bagage, sans tambours ni trompettes est plutôt incompréhensible. Aucune justification concrète n'est donnée à ce revirement. La seule explication valable étant que la situation était politiquement, militairement et moralement intenable.

Mali, Niger, bis repetita

La même situation s'était produite au Mali où, dans un premier temps, les Français avaient dit, nous ne partirons pas, puis avaient finalement plié bagage, clôturant l'opération Barkhane (lire : Le retrait du Mali : une sacrée défaite française). Au final, l'image et la réputation de la France en sort écornée. Elle laisse l'impression que si une junte militaire est ferme et droite dans ses bottes dans le refus de la coopération, la France après avoir dit haut et fort ce qu'elle pense, rompt le camp. C'est un très mauvais signal envoyé à tous nos alliés en Afrique et un bel encouragement pour de futurs coups d'État.

Un repli sur le territoire européen ?

En même temps, ce départ signe, avec celui qui l'a précédé au Mali, la fin des grosses opérations extérieures conduites par l'armée française (2) en Afrique, voire même dans le monde. Le repli est ainsi sonné vers la défense du territoire national et de l'espace européen. La visite du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, en Moldavie, est un signe notable de cette évolution. Un changement tactique, plutôt que stratégique pour l'instant (3).

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. À la 27e minute sur une question de relance, apparemment bien concertée avec l'Élysée, de la présentatrice du 20h de TF1, Anne-Laure Coudray
  2. L'opération Chammal en Iraq pourrait faire exception. Mais elle se déroule de façon très discrète et, surtout, dans une coalition (conduite par les Américains et non les Français).
  3. Cela ne signifie pas la fin des engagements extérieurs. La France conserve un nombre non négligeable  de points d'appui en Afrique ou ailleurs dans le monde, qu'il s'agisse de bases militaires accueillies par les pays africains (Djibouti, Tchad, Côte d'Ivoire, Sénégal, etc.) ou du Moyen-Orient (Émirats arabes unis), ou des départements et territoires d'outre-mer (Guyane, La Réunion, Nouvelle Calédonie, etc.).

Lire aussi :

Categories: Défense

[Analyse] Un coup de grisou sur le couple franco-allemand aux racines plus profondes

Thu, 21/09/2023 - 17:30

(B2) Les mois passent. Et le couple franco-allemand patine toujours. Sur une question-clé : la défense. La rencontre des ministres Lecornu et Pistorius, aujourd'hui à Évreux, pourra sans doute aplanir quelques difficultés passagères. Mais elle ne suffira pas à redynamiser une relation difficile. De partenaires, Paris et Berlin, sont devenus rivaux. L'enjeu : le leadership européen dans ce domaine.

Les Allemands bien présents lors de l'évacuation au Soudan, mais en deuxième temps (Photo : Bundeswehr)

Des ratés en cascade

Entre la rénovation en commun des hélicoptères Tigre, stoppée, le projet d'avion de patrouille maritime, avorté, la liste des projets interrompus ces dernières années est désormais plus longue que celles des projets enclenchés. La réalité est cruelle : sur les quatre projets définis il y a cinq ans, au sommet de Meseberg, un seul a été enclenché : le SCAF. Non sans difficultés. Et toujours sans certitude sur son aboutissement (1).

Un encalminage révélateur d'un blocage

Quant au dernier, le  système de chars du futur, alias MGCS, il est encalminé. On peut se demander si le projet allemand de préparer le successeur du char Leopard actuel enterre le projet commun ou, au contraire, lui donne un coup de pression ? L'un se situant à cout terme, à l'horizon 2030, l'autre à plus long terme, à l'horizon 2040 (lire : [Actualité] MBT versus MGCS. Quelles répercussions sur la coopération franco-allemande ?). Peu importe. Ce qui est intéressant c'est de bien voir que dans l'un ou l'autre des projets, ce n'est pas la France, mais l'Allemagne qui est au cœur des projets.

Une Allemagne plus fédératrice que la France

Idem pour le bouclier anti-missile lancé par l'Allemagne. Présentée à l'automne 2022, l'initiative European Sky Shield (ESSI) fédère. Aux quinze pays de départ, sont venus s'ajouter quatre autres : Danemark, Suède en février, puis Autriche et Suisse en juillet (cf.Carnet 04.07.2023). Et pas à pas, le projet prend forme. Un contrat vient ainsi d'être signé, il y a quelques jours, entre Allemands et Baltes(cf. Carnet 14.09.2023) . Les Français peuvent bien tempêter (lire : [Actualité] Défense aérienne : Emmanuel Macron dézingue l’approche allemande sans proposer d’alternative concrète), le projet avance inéluctablement. Là encore l'Allemagne est au centre du jeu. La France, sur la touche.

Un réarmement en cours

Nous assistons à un changement majeur d'orientation politique en Allemagne. Pour autant qu'il soit assumé dans la durée - ce qui n'est pas encore assuré à ce stade - ce changement pourrait reconfigurer la carte de l'Europe stratégique. Pour l'heure, l'Allemagne est décidée à se réarmer, à s'équiper et le fait savoir haut et fort. Le temps des atermoiements sur la défense, de grandes déclarations à Berlin suivies de peu d'effet (lire : Défense. L’Allemagne cause beaucoup et agit peu. Pourquoi ?) semble terminé. Certes c'est lent, et parfois balbutiant.

Une lenteur allemande qui ne doit pas faire illusion

Toutes les promesses d'un réinvestissement massif — le fameux fonds de 100 milliards — ne sont ainsi pas encore tenues. Et nul ne sait ce qu'il adviendra à l'échéance. Le budget de défense reste encore grevé par les dépenses en personnels, sociales et de santé. Mais, avec la part annuelle de l'enveloppe exceptionnelle, il devrait atteindre dès 2024 la bagatelle de 71 milliards d'euros, avec pas moins de 19 milliards consacrés aux équipements. A comparer aux 47 milliards d'euros du budget français, on a un écart budgétaire de près de 25 milliards d'euros (près de 30 milliards si on rajoute le nucléaire auquel n'est pas assujetti l'Allemagne).

Une double menace sur l'Allemagne

Les Allemands n'ont pas soudainement redécouvert la géopolitique et l'outil militaire. Ils n'ont pas vraiment envie d'avoir une défense propre. Mais le contexte a changé. Et l'Allemagne, inquiète, s'adapte. Pays du centre-européen, elle doit se garder des deux côtés. Sur son flanc Ouest, l'Allemagne est inquiète (sans le dire ouvertement) d'un retour trumpiste ou de son avatar qui veuille s'en prendre à l'OTAN. Une Alliance atlantique qui reste à Berlin l'alpha et l'oméga de la défense collective. Sur son flanc Est, la stabilité acquise depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, avec le Mur de Berlin, puis sans le Mur de Berlin, est aujourd'hui menacée, durablement, par une Russie agressive.

Une agressivité russe qui fait peur

L'espionnage du Bundestag, l'assassinat en plein cœur de Berlin d'un opposant (lire : [Décryptage] Le GU (ex GRU). Un service russe hyperactif… dans l’ingérence), l'affaire Navalny, etc. ont peu à peu nourri cette inquiétude. L'offensive brutale de la Russie sur l'Ukraine a été le point de bascule. De partenaire, la Russie est devenue une menace, voire un adversaire. Ensuite, les sanctions contre la Russie se mettent en branle. Le gazoduc Nordstream est suspendu. Le soutien militaire l'Ukraine prend de l'ampleur, jusqu'à faire d'une Allemagne, auparavant hostile à exporter des armes dans un pays en guerre, le deuxième soutien de l'Ukraine, derrière les États-Unis.

Un tournant dont on doit prendre conscience

Ces changements sont souvent minorés en France. De même qu'on a peu conscience de la révolution en cours dans le rapport allemand à la défense. Alors que dans le passé, l'Allemagne était prête à s'effacer derrière le leadership français, ce n'est plus le cas aujourd'hui. L'Allemagne d'Olaf Scholz ne semble plus (du tout) disposée à se laisser dicter une conduite et joue sa carte personnelle et celle de leader européen. Si en matière opérationnelle, Berlin reste prudente dans ses engagements militaires, répugnant à s'avancer en premier ou de façon aventureuse comme sait le faire la France (2), elle n'a pas ses pruderies dans le domaine de la défense territoriale, de l'industrie de défense et de la politique de défense à l'échelle de l'Europe. La France d'Emmanuel Macron n'a ni vu venir cette évolution, ni réussi à s'y adapter. En mesure-t-elle seulement les enjeux ?

(Nicolas Gros-Verheyde, avec OJ)

  1. Ce n'est un secret pour personne que chez Dassault, un des principaux acteurs du projet (avec Airbus), on se verrait bien mener le projet en solo (autour du Rafale F5).
  2. Une attitude aventuriste dont Berlin se méfie de plus en plus. L'intervention de la Libye est restée dans les mémoires. L'attitude guerrière au Sahel, tout récemment encore au Niger, augure d'un schisme plus profond. L'Allemagne, positionnée dans une stratégie d'influence économique et politique, notamment en Afrique de l'Ouest, préfère le soft power.

Lire aussi :

Categories: Défense

Pages