Pour les citoyens allemands, les commandes de l’Union européenne sont aux mains de la Banque centrale européenne, qui devance la Commission européenne et l’Allemagne, selon les résultats d’une étude.
Les syndicats agricoles français tentent de mobiliser le gouvernement et Bruxelles pour augmenter le prix d’intervention. Mais face au recul structurel de la consommation de porc et de lait, la Commission préfère miser sur de nouveaux marchés.
Jamais l’Union européenne n’a été confrontée à un tel afflux de réfugiés sur son sol. La hausse, perceptible depuis janvier 2015, s’est brutalement accélérée en juillet : 107.500 entrées illégales contre 70.000 en juin, soit trois fois plus qu’un an plus tôt. Et il s’agit bien de réfugiés fuyant des zones de guerre, les migrants économiques n’étant qu’une partie minoritaire de l’afflux actuel : « Syriens et Afghans se taille la part du lion dans le nombre de migrants entrant illégalement dans l’UE » souligne ainsi Frontex, l’agence européenne de contrôle des frontières extérieures, Irakiens et Érythréens constituant le reste de ces demandeurs d’asile.
Par exemple, selon le Haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR), les 160.000 personnes entrées en Grèce depuis janvier 2015 (contre 50.242 pour l’ensemble de 2014) proviennent essentiellement de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan. Plus précisément, sur les 20.843 personnes entrées la seconde semaine d’août, 82 % sont Syriens, 14 % Afghans et 3 % Irakiens, dont « la grande majorité (…) devrait recevoir le statut de réfugiés ». « C’est sans aucun doute la plus grande crise de l’asile depuis la Seconde Guerre mondiale », reconnait Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS et professeur à l’École d’économie de Paris et à l’université de Yale (États-Unis). À tel point qu’Angela Merkel, la chancelière allemande, a déclaré le 16 août que le sujet allait « nous occuper bien, bien plus que la Grèce ou la stabilité de l’euro ». Son pays, qui assume le traitement de 40 % des demandes d’asile dans l’Union, s’attend à recevoir 800.000 réfugiés cette année, soit quatre fois plus qu’en 2014 !
Collectivement, l’Union a essayé de réagir en mettant en place, en juin, une mission navale en Méditerranée (« EU Navfor Med » dont le QG est à Rome) destinée à lutter contre les passeurs responsables de la mort de plus de 2000 personnes. Mais faute d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU l’autorisant à avoir recours à la force dans les eaux territoriales libyennes, c’est-à-dire au plus prêt des côtes, elle permettra seulement d’identifier et de surveiller les réseaux. La Commission a aussi proposé, en mai, que les Vingt-huit se répartissent le traitement des demandes d’asile émanant de Syriens et d’Erythréens afin de décharger les pays de la « ligne de front » (Italie et Grèce). Mais ce mécanisme de « relocalisation » obligatoire, qui ne concernait pourtant que 40.000 personnes, a été torpillé par les pays d’Europe centrale (les trois Baltes, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, l’Autriche, la Slovénie) ainsi que par l’Espagne qui estime avoir fait sa part du travail en étant parvenu à bloquer le départ des « pateras » qui franchissaient le détroit de Gibraltar. Résultat, seuls les pays volontaires ont accepté d’accueillir des demandeurs d’asile dans la limite de 32.256 personnes… En revanche, l’Union a accepté d’accueillir sur son sol 20.000 Syriens bénéficiant déjà du statut de réfugiés, mais résidant dans des pays tiers (Turquie, Liban , Jordanie, etc.).
Pour le reste, c’est le chacun pour soi, chacun tentant de se débarrasser du mistigri. Ainsi, la Grèce n’hésite pas à transporter à la frontière macédonienne des réfugiés syriens, sachant pertinent que ceux-ci vont traverser le pays puis la Serbie pour se rendre dans l’Union via la Hongrie, ce qui a poussé Budapest à se lancer dans la construction d’un mur… Ainsi, le 19 août, les autorités grecques ont gracieusement envoyé dans l’ex-République yougoslave 2600 Syriens. Les autorités macédoniennes viennent d’ailleurs de crier grâce. Les Italiens font exactement la même chose, laissant les migrants filer chez leurs voisins, en Allemagne surtout. D’où la récente colère de Thomas de Maizière, le ministre de l’Intérieur allemand : « nous ne dédouanerons pas nos partenaires et la Commission de leurs responsabilités » : « la commission doit agir contre les États membres qui n’assument par leurs devoirs ».
Pis : les États européens se sont lancés dans l’érection de murs à leurs frontières, à l’image de ce qu’a fait depuis longtemps l’Espagne autour de ses enclaves marocaines de Ceuta et Melilla. La Bulgarie a décidé, fin 2014, de prolonger de 130 km le mur de 30 km qu’elle a déjà érigé à sa frontière de 275 km avec la Turquie. Même si le ministre de la Défense, Anguel Naydenov, a reconnu qu’il n’était « pas fier de cette clôture«, ce qu’on peut comprendre de la part d’un pays qui a connu le rideau de fer durant quarante ans. La Hongrie n’est pas en reste : ce pays qui a fait tomber le mur du communisme érige à son tour une barrière « anti-immigrés » afin de rendre infranchissable sa frontière de 175 km avec la Serbie : sur les 81.000 migrants entrés illégalement dans le pays depuis janvier, 80.000 sont, de fait, passés par son voisin… La Grèce a elle-aussi, depuis 2012, son mur « anti-immigrés » de 12,5 km afin de protéger la partie la plus vulnérable de sa frontière de 150 km avec la Turquie.
Le vice-chancelier allemand, le social-démocrate Sigmar Gabriel, n’a donc pas tort d’affirmer que « l’Union a échoué lamentablement ». De fait, une gestion collective de ce flux sans précédent semble hors de portée des Européens. Tout simplement parce que « s’enfermer dans une logique purement intra-européenne, c’est donner la priorité aux agendas nationaux », analyse Patrick Weil. En effet, la plupart des pays sont confrontés à un ras-le-bol de leur population (hormis en Allemagne qui se réjouit de l’arrivée de Syriens parfaitement formés) vis-à-vis de l’immigration musulmane. C’est le cas en France, avec un FN menaçant, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Autriche ou encore en Suède. « Il faut sortir du psychodrame européen dans lequel l’ONU nous a enfermé en affirmant que l’Union ne prenait pas ses responsabilités ce qui est faux quand on voit les chiffres », poursuit Patrick Weil, « en convoquant une conférence internationale afin d’impliquer toutes les parties prenantes de cette crise. Ainsi David Cameron aura du mal à faire valoir ses contingences domestiques face à Barak Obama ».
Si la Syrie, l’Afghanistan, l’Irak fournissent aujourd’hui le gros du contingent de réfugiés, c’est dû à l’action des États-Unis et de ses alliés britanniques, australiens, saoudiens ou des monarchies du Golfe qui a déstabilisé la région. « Cette crise de l’asile n’est pas due à l’Europe, elle est simplement géographiquement proche de l’épicentre de la crise », insiste Patrick Weil. Une conférence internationale s’impose d’autant plus que plusieurs pays du Moyen-Orient sont menacés de déstabilisation : un tiers de la population de la Jordanie ou du Liban est composée de réfugiés et deux millions de Syriens se trouvent en Turquie. C’est en réalité toute la région qui est devenue un baril de poudre et ce n’est pas une énième réforme des lois européennes qui y changera quoi que ce soit.
N.B.: article paru dans Libération du 21 août
Le président français a décerné la Légion d'honneur aux trois jeunes Américains et au Britannique du Thalys Amsterdam-Paris ayant maîtrisé vendredi Ayoub El Khazzani, qui tentait d'ouvrir le feu à la kalachnikov à bord du train.
La Gauche radicale grecque Syriza et ses frondeurs, en complet désaccord avec le premier ministre Alexis Tsipras, se sont livrés à de virulents échanges alors que la Grèce est entrée vendredi dans une nouvelle période d'instabilité politique et que des élections anticipées sont prévues en septembre.
Onze États européens n'ont pas de mesures efficaces contre la corruption lors de transactions à l'étranger, selon un nouveau rapport de Transparency International.
Lars Løkke Rasmussen, Premier ministre danois, veut avancer la date du référendum sur l’abandon de la clause d’exemption de la politique européenne en matière de justice.
La rencontre lundi 24 août France-Allemagne-Ukraine-Commission européenne devait se focaliser sur le conflit ukrainien. L'urgence du problème des réfugiés risque de modifier l'agenda.
Le maintien des politiques d’austérité au mépris des choix des citoyens fait le jeu de l’extrême-droite en Europe, selon Yanis Varoufakis et Arnaud Montebourg.
L'exercice d’alerte "Noble Jump" en Pologne a mis en lumière les défauts de la Force de réaction rapide de l’OTAN (NATO NRF) face à la Russie. La capacité de déploiement de la nouvelle force de réaction rapide de l'Otan, testée du 9 au 19 juin sur le camp d'entraînement de Zagan (ouest de la Pologne), est insuffisante face à la réactivité militaire russe, car les forces de l'Alliance ont besoin d'un mois au moins afin de déployer 30.000 militaires en Europe de l'Est. De son côté, la Russie a réussi en 24 heures à déplacer jusqu'à 100.000 soldats avec des équipements au cours de manœuvres militaires réalisées fin mai dans le District militaire central.
Les manœuvres en Pologne occidentale impliquent plus de 2.000 soldats provenant de neuf pays de l'OTAN. Les troupes aéroportées tchèques et néerlandaises, l'infanterie mécanisée allemande et norvégienne, les forces spéciales lituaniennes et polonaises, l'artillerie belge, des hélicoptères américains et une unité hongroise de coopération civilo-militaire y prennent part. L'exercice Noble Jump a été conçu pour tester les troupes de préparation élevée de l'OTAN dans les conditions du champ de bataille et veiller à ce que les concepts et les procédures soient prêts en cas de véritable crise. Le Pentagone a également révélé son intention de déployer en Europe de l'Est des chars, des véhicules blindés et des stocks d'armes lourdes, nécessaires afin d'équiper 5.000 soldats. En plus, il est prévu de créer un groupe "très mobile" fort de 30.000 soldats capables d'être rapidement déployés dans les pays Baltes, en Pologne, en Roumanie ou en Bulgarie en cas d'éventuelle "agression russe".
La formation qui se déroule en Pologne fait partie d'une série plus vaste d'activités de formation prévue en juin et appelée Allied Shield. La série comprend, outre Noble Jump :
- Baltops 2015, un exercice naval allié majeure en Pologne;
- Sabre Strike, un exercice de terrain dans les pays Baltes;
- et Trident Joust, un exercice de commandement et contrôle en Roumanie.
Au total, environ 15.000 soldats de 19 pays, dont le Canada, et trois pays partenaires participeront à cette série d'événements de formation qui se déroulent au sein de l'Alliance en 2015.
Sur fond de crise ukrainienne, l'OTAN a multiplié les manœuvres militaires conjointes dans les pays baltes ainsi qu'en Pologne. Moscou a exprimé ses préoccupations face au renforcement de la présence militaire de l'Alliance à proximité de ses frontières.
Source :
http://fr.sputniknews.com/international/20150615/1016545578.html
«You can check out anytime you like, but you can never leave» («Tu peux quitter l’hôtel quand tu veux, mais tu ne pourras jamais partir»). Pour ceux qui en doutaient encore, la Grèce vient de démontrer que l’euro, c’est comme la chanson Hotel Californiades Eagles : on est libre d’y entrer, mais une fois dedans, plus question d’en sortir. Non pas parce que la Commission européenne, l’Allemagne ou la Finlande enverraient leurs divisions pour éviter une sécession, mais parce que le coût d’une sortie serait si faramineux pour le pays qu’aucun gouvernant sensé n’oserait prendre une telle responsabilité.
S’il y a un parti qui aurait pu tenter l’aventure du retour à la monnaie nationale pour s’affranchir des contraintes européennes, c’est bien Syriza, une nébuleuse regroupant l’ensemble de la gauche radicale grecque, à la fois anti-austéritaire, nationaliste (rappelons qu’il gouverne sans problème avec Anel, un parti de droite extrême anti-austéritaire) et dont une forte minorité (environ 40 %) est europhobe. Yánis Varoufákis, l’ancien ministre grec des Finances, avait d’ailleurs préparé un plan de retour à la drachme. Mais Aléxis Tsípras a tranché : pas question de quitter l’euro. Même si le prix à payer implique de se soumettre aux dures exigences de ces créanciers contre lesquelles Syriza s’est fait élire en promettant la fin de l’austérité.
La clé de cette capitulation en rase campagne a été livrée par le Premier ministre le 14 juillet, au lendemain du Conseil européen au cours duquel Tsípras et ses partenaires de la zone euro sont parvenus à un accord ouvrant la voie au maintien du pays au sein de la monnaie unique et à un troisième plan d’aide financière validé vendredi (on en sera à plus de 320 milliards d’euros, un montant sans équivalent dans l’histoire). Au cours d’un entretien télévisé, le Premier ministre grec a reconnu avoir commandé en mars une étude sur les conséquences d’un «Grexit» qui lui a fait comprendre qu’il n’y avait pas d’alternative crédible à l’euro : le retour à la drachme aurait ajouté la catastrophe à la catastrophe. Le PIB grec aurait sans doute été ramené à son niveau de la fin des années 80…
Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, a donc eu beau jeu de mettre brutalement le marché dans les mains de Tsípras à la veille du 13 juillet : le Grexit accompagné d’une restructuration de la dette publique et d’une «aide humanitaire», ou le respect - même douloureux - de la règle du jeu définie en commun pour rester dans l’euro. Et c’est ça l’autre leçon de la crise grecque : l’appartenance à la monnaie unique impose de respecter son règlement intérieur. En ratifiant le traité de Maastricht, les Etats ont signé un contrat qui les lie et dont ils auraient dû lire tous les paragraphes. Les Etats du Sud, France comprise, croyaient avoir fait main basse sur le mark et ses taux d’intérêt à faire rêver sans réelle contrepartie : au fond, la bonne gestion, ce serait pour un jour lointain…
Les pays du Nord ont profité de la crise grecque pour bien faire comprendre à chacun que tel n’était pas le cas : la monnaie, c’est aussi un ensemble de règles et de valeurs qui doivent être respectées bon gré mal gré. On peut s’en abstraire, mais alors il faut être prêt à en payer le prix. On comprend mieux, dès lors, que la gauche radicale et l’extrême droite françaises, sortent sonnées de l’affaire. La démagogie, Syriza l’a montré, n’est plus de saison.
N.B.: éditorial paru dans Libération du 17 août
Pour Daniel Cohn-Bendit, ancien coprésident du groupe Vert au Parlement européen, le souverainisme est une idée de droite « car il repose sur l’égoïsme national ». Pour lui, la gauche devrait tirer les leçons de la crise grecque et se battre pour organiser la solidarité entre les peuples européens, comme le propose François Hollande.
L’accord avec la Grèce est-il le résultat d’un « diktat » allemand ?
L’Allemagne a une idée très précise de la façon dont doit fonctionner l’euro : le règlement de copropriété de la monnaie unique, arrêté en commun, doit-être être respecté et les transferts financiers entre États exclus, car chacun reste responsable de sa politique économique et budgétaire. Même si l’Allemagne, sous pression de ses partenaires, a finalement accepté que les États en faillite soient aidés, c’est à condition que les pays en difficulté suivent une cure d’austérité pour redresser leurs comptes publics et faire redémarrer l’économie. Une conception partagée par une grande majorité des gouvernements de la zone euro, ceux du nord, mais aussi ceux du sud qui ont renoué avec la croissance en appliquant les recettes du nord de l’Europe. Autrement dit, si l’Allemagne a pu avoir une position très dure au cours des négociations avec la Grèce, c’est parce qu’elle était largement soutenue, seule la France ayant émis quelques réserves. On ne peut donc absolument pas parler de « diktat » allemand.
Pourquoi Alexis Tsipras a-t-il finalement cédé ?
Les Grecs voulaient le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. À 60 %, ils ont rejeté l’austérité, mais à 80 % ils voulaient rester dans la zone euro. Tsipras a dû trancher. En décidant de rester dans l’euro, il n’avait d’autre choix que de trouver à n’importe quel prix un accord avec ses partenaires. J’ai trouvé terrifiant que beaucoup trouvent géniale l’idée du référendum grec du 5 juillet parce que c’était soi-disant démocratique. Mais si en Allemagne, en Finlande, aux Pays-Bas, on avait fait un référendum pour savoir si on devait redonner de l’argent aux Grecs, le résultat aurait été négatif et de façon écrasante. C’est démocratie contre démocratie et dans cette affaire les Grecs sont minoritaires. Il ne devrait y avoir en Europe que des référendums transeuropéens sur les questions européennes avec une double majorité, celle des États et celle des peuples. Tant qu’on ne sortira pas de ce souverainisme démocratique national, on n’y arrivera pas. Le défi, c’est de faire émerger une souveraineté européenne qui sera la base d’une démocratie fédérale.
Si l’Irlande, le Portugal et bientôt Chypre sont tiré d’affaires, ce n’est pas la cas de la Grèce qui en est à son troisième plan d’aide.
Ce dont a besoin la Grèce, c’est de temps pour se doter d’un Etat fonctionnel. Pour l’instant, elle est même incapable de dépenser l’argent qu’on lui verse sans aide administrative européenne. Au début de la crise, en 2010, le commissaire à l’agriculture avait appelé son collègue grec pour lui dire qu’il y avait entre 3 et 6 milliards d’euros de disponible dans le budget agricole. Il ne l’a jamais rappelé. C’est pareil dans tous les secteurs. Savez-vous qu’il y a plus de panneaux solaires et d’éoliennes en Suède qu’en Grèce ! Ce qu’on doit faire dans ce pays, c’est du « state building » afin que l’Etat soit capable d’accompagner l’économie et de lever l’impôt. Je me demande aussi pourquoi Athènes n’a toujours pas demandé à la Suisse combien de fonds grecs – on parle de 20 à 30 milliards d’euros- ont trouvé refuge dans ses coffres pour vérifier s’il ne s’agit pas de fraude fiscale. De même, si Tsipras a été capable d’organiser un référendum en dix jours, pourquoi n’en fait-il pas un pour modifier la Constitution afin de taxer armateurs et Eglise ? Ou encore, pourquoi ne pas réduire le budget militaire pour abonder à hauteur de deux milliards par an un fonds de protection social minimal ? Il faut savoir qu’il n’existe pas de revenu minimal garanti après un an de chômage, ce qui concourt à la crise humanitaire. Les Européens pourraient y consacrer 5 milliards d’euros sur le prochain plan d’aide. Cela aiderait à bâtir une vraie solidarité européenne. Mais, bon, je ne suis pas sûr que le partenaire de coalition de Syriza, le parti de droite radicale ANEL, accepte de diviser par deux le budget de la défense…
L’Allemagne a-t-elle été solidaire de la Grèce ?
La désolidarisation est générale en période de crise. Il y a une Allemagne égoïste, une France égoïste, une Finlande égoïste, etc. Regardez ce qui s’est passé pour la répartition du traitement des demandes d’asile : cela a été un festival d’égoïsmes nationaux. Mais, en même temps, la solidarité existe en dépit des postures des uns et des autres. Ainsi, les Allemands qui ne voulaient pas d’une Europe des transferts financiers ont accepté la création du Mécanisme européen de stabilité qui est en fait l’équivalent d’un trésor européen : c’est par ce biais qu’on a transféré à la Grèce plus de 200 milliards d’euros (en tenant compte du troisième plan d’aide), des emprunts faits sur les marchés, mais garantis par les États. Et il faut ajouter les 53 milliards de prêts bilatéraux de 2010. Tout le monde triche et cela fausse le débat européen ! Au lieu de tirer les conséquences d’une monnaie unique et de l’assumer, on mène une politique économique et financière de plus en plus bancale.
Une solidarité qui profite aux banques affirme une partie de la gauche française…
C’est du baratin ! Aucune société ne peut vivre sans banques : les banques, c’est le crédit, cela permet aux entreprises, aux agriculteurs, aux ménages de vivre. Pour faire fonctionner une économie de marché, on a besoin d’elles.
N’est-il pas plus facile de changer la France qu’une Europe majoritairement de droite ?
Il n’existe pas de majorité en France pour changer de modèle économique pas plus que dans les autres pays. Ce n’est pas l’Europe qui est de droite, ce sont les sociétés qui sont de droite. L’alternative à François Hollande qui est un social-démocrate, c’est Nicolas Sarkozy, Alain Juppé ou Marine Le Pen, pas Jean-Luc Mélenchon ou Arnaud Montebourg. Il est aussi difficile de faire changer l’Europe que de changer les politiques des États nations.
La crise grecque n’a-t-elle pas montré que la zone euro ne pouvait pas être cogérée par les États ?
La folie intergouvernementale a atteint ses limites. Il n’est pas rationnel que 19 chefs d’État et de gouvernement passent une nuit blanche pour trouver, à l’unanimité, une solution à un problème économique et financier. C’est aberrant. La fédéralisation de l’Europe, c’est le seul moyen d’organiser de la solidarité entre les États et les peuples. L’intergouvernemental, c’est l’institutionnalisation de barrières nationales à la solidarité, car chacun réagit en fonction de son opinion publique.
De plus, personne n’est là pour représenter l’intérêt européen, la Commission n’ayant aucun statut.
Ce sont les ministres des Finances de l’Eurogroupe qui décident de tout à l’unanimité et leur président est le ministre néerlandais des Finances, ce qui est une aberration. La monnaie unique implique qu’on ait une institution qui représente l’intérêt général européen.
François Hollande propose justement de créer un budget de la zone euro.
De fait, l’Union ne dispose pas d’un budget capable d’agir en cas de crise : 1 % du PIB communautaire, c’est ridicule, alors que le budget américain pèse 23 % du PIB. Quand la Californie tombe en faillite, les programmes sociaux et d’investissement, qui sont des programmes fédéraux, continuent à fonctionner. Si le budget que propose Hollande est doté de 200 ou 300 milliards d’euros, si on peut l’utiliser, sur proposition de la Commission, sans avoir besoin d’une décision unanime et avec un contrôle démocratique du Parlement, c’est une bonne idée. Le budget, c’est le b a ba de la fédéralisation. Cela aurait permis d’intervenir plus rapidement et plus efficacement en Grèce, notamment en décidant d’un programme d’investissement massif.
Ce budget serait-il celui de la zone euro ou de l’Union européenne ?
On ne peut plus continuer à avoir d’un côté la zone euro, de l’autre l’UE. Il faut que ceux qui ne veulent pas de l’euro se retirent et restent dans le marché européen, une sorte de partenariat privilégié. La Grande-Bretagne, la Suède, la Turquie pourraient en faire partie. L’euro sera ainsi la monnaie de toute l’Europe.
Et l’idée d’une avant-garde au sein de la zone euro ?
Mettre en place à quelques-uns une convergence fiscale et sociale me paraît une bonne idée. Cela aurait un effet d’entrainement. Si l’Allemagne et la France lançaient une vraie fédéralisation, y compris en mettant en commun le siège français au conseil de sécurité de l’ONU, cela créerait une dynamique extraordinaire.
Peut-on encore être de gauche et Européen ?
Si l’on veut vraiment une régulation sociale de la mondialisation, une régulation écologique, cela passe par l’Europe. Pour la gauche, l’Europe est une utopie nécessaire, car elle permet de dépasser l’État nation et cette croyance que c’est lui qui nous protège le mieux. Or les États nations ne s’en sortiront pas seuls : dans vingt ans, l’Allemagne ou la France pèseront dans le monde l’équivalent de ce que pèsent aujourd’hui Malte ou le Luxembourg en Europe. Vous croyez que Malte a les moyens de défendre un projet de civilisation ? Être de gauche aujourd’hui, c’est participer à cette construction et lutter contre un retour souverainiste. Le souverainisme est de droite parce qu’il repose sur l’égoïsme national et l’égoïsme n’est pas une valeur de gauche. Si on veut une répartition plus juste des richesses en Europe, ça ne se fera pas État par État. Croyez-vous que la France ou l’Allemagne seules auraient été capables de voler au secours de la Grèce ? La construction de cet espace politique qui s’appelle l’Europe prendra du temps. Mais il a fallu attendre 1945, avec le vote des femmes, pour que la France devienne un véritable espace démocratique.
N.B.: entretien paru dans Libération du 11 août