Suite aux attentats de Paris du 13 novembre qui ont bouleversé la France et l’Europe, la menace terroriste qui pèse sur tout le territoire européen a atteint un niveau sans précédents. Cette menace a investi tous les pays européens et en particulier la France et la Belgique. Elle a démontré que le réseau terroriste ne connaît pas les frontières et que le phénomène est d’ampleur transnationale : les terroristes sont des ressortissants des pays membres de l’UE et agissent librement sur le sol européen. C’est pour cela que l’action de l’Union européenne a tout de suite semblé indispensable: les acteurs politiques, européens et nationaux, ont appelé à la création d’une réponse commune dans la lutte contre le terrorisme. Comment, alors, les institutions européennes ont-elle réagi après les attentats et quelles réponses ont-elles adopté face à la menace terroriste ? L’Union européenne arrivera-t-elle à dépasser les limites auxquelles elle doit faire face en matière de sécurité ?
Dès le lendemain des attentats, la réaction des chefs d’Etats et des institutions de l’Union européenne a été immédiate, à commencer par le Président français, François Hollande.Ce dernier a tout de suite montré sa volonté de créer une réponse immédiate et européenne face à la menace terroriste. Les djihadistes, selon Hollande ne sont « pas seulement l’ennemi de la France mais l’ennemi de l’Europe ». C’est dans cette optique que, lors de son discours face au Parlement réuni en Congrès, le 16 novembre à Versailles, le Président Hollande a invoqué la clause de défense mutuelle de l’Union européenne qui prévoit que « au cas où un Etats membres serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres Etats membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir (…) ». Une première dans l’histoire de la construction européenne : pour la première fois un chef d’Etat exige une réponse européenne en matière de sécurité et défense et invoque le point 7 de l’article 42 du traité de l’Union. Suite à ce discours, lors de la réunion à Bruxelles du Conseil des Affaires Etrangères du 17 novembre, les 28 pays de l’Union ont donné leur accord de principe à la demande française. Selon la Haute Représentante de l’UE, Federica Mogherini : « L’Europe a dit ‘oui’ ». Mais si cela semble être un bon début pour une réponse sécuritaire européenne en réalité, cet accord de principe que les 28 ont donné se traduira seulement par des accords bilatéraux entre la France et chaque Etat membre. En effet le Président français n’a pas invoqué la clause de solidarité du traité de l’Union, c’est-à-dire l’article 222 qui prévoit que « l’Union et ses Etats membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un Etat membre est l’objet d’une attaque terroriste ou la victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine. L’Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à disposition par les Etats membres », mais bien la clause d’assistance mutuelle : l’article 42.7 spécifie en effet que cette clause ne va pas à l’encontre du « caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres ».François Hollande a donc choisi la voie sécuritaire européenne la plus soft et la plus « nationale ». Mais les institutions européennes, c’est-à-dire Commission, Parlement européen et Conseil, ont quand même réagit massivement après les attentats. En premier lieu, le 18 novembre, la Commission a réagit en adoptant un paquet de mesures concernant le contrôle des armes à feu sur le sol de l’Union européenne renforçant la directive déjà existante. Ce paquet de mesures vise à rendre plus difficile l’acquisition d’armes à feu, à améliorer la traçabilité des armes détenues légalement et à garantir que les armes à feu neutralisées soient inopérantes tout en améliorant la coopération et l’échange d’informations entre les Etats membres.Ces propositions avaient été déjà présentées dans le programme européen en matière de sécurité, adopté en avril dernier, mais les derniers événements ont poussé la Commission à accélérer son travail sur les armes à feu afin de « répondre à la menace des armes illégales tombant entre les mains de dangereux terroristes » selon les termes utilisés par Jean-Claude Juncker. Face à une menace transfrontalière, le collège des Commissaires a compris la nécessité d’adopter des règles et des critères communs pour améliorer la sécurité européenne. Le même jour, la Commission a annoncé la création d’un Plan d’action de lutte contre le trafic illicite d’armes et d’explosifs pour contrer le marché noir et le crime organisé. Ce plan a été adopté par la Commission le 2 décembre et prévoit de restreindre l’accès aux armes et aux explosifs illégaux et d’améliorer les règles communes en la matière. Pour ce faire, il est indispensable que les Etats membres échangent des informations de façon efficace, même avec l’aide de pays du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord ou des Balkans occidentaux, et coopèrent du point de vue opérationnel avec un renforcement sécuritaire dans l’espace cyber et aux frontières extérieures de l’UE. Ce travail en accéléré de la Commission européenne montre la volonté européenne d’avoir une réponse rapide aux problèmes sécuritaires et de manque de coordination entre les Etats membres. Cette lacune sécuritaire dans l’Union européenne a été lourdement critiquée par des acteurs européens comme par exemple Guy Verhofstadt, le chef de file du Groupe parlementaire européen ALDE. Selon ce dernier, les attentats du 13 novembre sont le véritable échec de l’Union européenne et des services de renseignement. Vu la portée transfrontalière de la menace terroriste, il est évident, pour lui, que le système d’Intelligence européen ne peut pas avoir de frontières. « Soit on fait un échange obligatoire des renseignements, entre les systèmes européens, soit on crée une structure européenne » a affirmé le député européen. Cette idée de « structure européenne » souligne la volonté de certains député européens de voir un jour la création d’un centre de renseignement ou opérationnel européen et donc d’une CIA européenne ou un FBI européen mais aussi la volonté de l’appliquer ou de renforcer les outils déjà existants en matière de sécurité. Cette idée est ressortie aussi lors de la réunion LIBE du 19 novembre : le député espagnol S&D, Aguillar a souligné l ‘éventualité de créer « une sorte de FBI européen » afin d’intercepter les personnes dangereuses au niveau européen. Selon lui, il est important que l’Union européenne se développe et fasse face à la menace terroriste mais cela seulement par le biais de l’Intelligence. Si certains soutiennent cette idée,difficile à exécuter, d’autres députés ont préféré parler de renforcement des outils européens déjà existants en matière de sécurité comme par exemple Europol et une meilleure coordination de l’échange d’informations et du travail entre les services de renseignement. Cela est le discours majoritaire au sein de la Commission LIBE : les députés de tout horizon politique ont affirmé le besoin de coopération transfrontalière et accusent l’immobilisme des Etats membres qui est pour la députée Laurentin le « talon d’Achille » de l’Union européenne. Les députés, toujours, presque à l’unanimité, ont demandé donc plus d’action européenne notamment dans le contrôle des frontières extérieures, dans le programme de déradicalisation et de prévention dans les Etats membres et l’aboutissement de l’accord sur le PNR, c’est-à-dire la proposition sur les données des dossiers des passagers aériens tout en ne tombant pas dans l’amalgames qui porteraient à confondre migrant et terroriste et en assurant les libertés des citoyens européens. Ces mêmes points ont tous été réaffirmés lors de la deuxième réunion LIBE du 1er décembre. La députée du S&D, Ana Gomes, a rappelé qu’il faut renforcer l’action européenne et qu’à la base de tout cela, il faut affirmer une réelle « volonté politique » au niveau européen et au niveau national. Toujours du même groupe politique la députée Sippel a rappelé que le renforcement de la sécurité européenne doit passer par travers les outils européens qui existent mais qui sont mal ou peu utilisés.D’autres députés comme la députée française du S&D Sylvie Guillaume ou la députée hollandaise de ALDE Sophie in’t Veld ont demandé aux institutions européennes d’arriver de façon rapide à la conclusion des accords sur le PNR, tandis que d’autres comme le député Michael Boni du PPE a mis l’accent sur le besoin de politiques européennes efficaces en terme de prévention et déradicalisation. Ces thématiques sont ressorties lors du débat en plénière du 25 novembre. Les parlementaires, dans leur majorité, ont voulu montrer leur volonté à ce qu’il y ait plus de coopération entre les Etats membres et entre les services de renseignement nationaux et la conclusion des accords sur le PNR, comme a soutenu le chef de file du groupe PPE, Manfred Weber qui a appelé ses collègues européens à réagir : « Ne parlons pas mais agissons ». Le chef de file du S&D, Pitella a exhorté à créer « plus d’Europe » afin de créer plus de cohésion entre les pays européen et les services de renseignement face à la menace terroriste. Selon lui, « l’Europe doit faire l’Europe ». Tout cela doit se faire, par contre, toujours dans le cadre du respect des libertés fondamentales, comme la souligné Guy Verhofstadt à propos du PNR et sans tomber dans un discours populiste et anti-migrants, comme l’ont souligné plusieurs députés dont la chef de file GUE, Gabi Zimmer. Les députés européens rappellent alors la nécessité d’une collaboration judiciaire et policière entre les services nationaux par le biais notamment de la coordination de Europol, l’utilisation d’outils européens tels que le système d’information Schengen ou le contrôle systématique aux frontières. Le même jour, l’hémicycle européen a adopté avec 548 voix pour, 110 vois contre et 36 abstentions, la résolution rédigée par Rachida Dati (cf.autre article) concernant la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens européens par des organisations terroristes. Cette résolution met en avant le besoin à ce que les Etats membres agissent dans la lutte contre l’extrémisme dans le milieu carcéral, sur Internet et par le biais de l’éducation et l’inclusion sociale. A cela, les députés ont ajouté vouloir établir une « liste noire européenne des djihadistes et des terroristes présumés » et une définition commune du terme « combattant étrangers » afin de pouvoir les poursuivre pénalement à leur retour en Union européenne. A la fin de cette journée de débat en plénière, le Président de la République italienne, Sergio Mattarella, lors d’une allocution face aux eurodéputés, a appelé à l’unité des Européens afin de combattre la menace terroriste et la violence. Selon lui, en effet, « aucun pays n’est en mesure d’affronter, seul, le terrorisme » et l’Europe en est la seule réponse vu que « l’architecture des institutions européennes est basée sur les valeurs de démocratie, tolérance et consensus ». Si les parlementaires poussent vers une action commune européenne, cela est impossible sans le rôle du Conseil. A ce sujet justement, les ministres de la Justice et de l’intérieur se sont réunis à Bruxelles, le 20 novembre, lors d’une session extraordinaire du Conseil JAI, convoqué tout de suite après les attentats de Paris. Etienne Schneider, ministre de l’Intérieur luxembourgeois, a affirmé à ce propos que « l’Union européenne se devait de donner une réponse forte et commune, sur des priorités jugées comme essentielles pour contrer la menace terroriste qui tente de s’installer de façon durable dans l’Union européenne ». Cette réunion a permis, selon lui, l’ adoption de mesures concrètes qui permettront de «renforcer considérablement nos outils de lutte contre le terrorisme». En effet, les ministres ont convenu sur 8 points principaux: le PNR, les armes à feu, le contrôle des frontières extérieures, le partage d’informations, le financement du terrorisme, la réponse judiciaire au terrorisme et la lutte contre la radicalisation. Le PNR : Le Conseil a affirmé la nécessité de finaliser l’accord sur le PNR européen avant la fin de l’année 2015, afin que la directive soit opérationnelle et efficace incluant notamment les vols intracommunautaires, une durée de rétention des données raisonnable et qui ne se limite pas à des crimes transnationaux. Cet outil est « indispensable » notamment dans le but de suivre les combattants étrangers, a affirmé le ministre de l’Intérieur français Cazeneuve. Les armes à feu : Concernant ce sujet, le Conseil s’est engagé « à démarrer immédiatement les travaux du Conseil au niveau de la proposition de refonte de la directive « armes à feu » qui vient d’être présentée par la Commission » a communiqué Etienne Schneider. En plus d’approuver alors l’adoption du 18 novembre de la Commission en matière d’armes à feu, les ministres se sont engagés à créer un renforcement de la collaboration entre les Etats et Europol. Le contrôle des frontières extérieures : Le conseil a conclu que pour faire face à la menace terroriste, il était nécessaire que les contrôles aux frontières extérieures « n’est pas une option, c’est une obligation » par le biais d’outils tels que le système VIS et le système SIS ou les agences Frontex et Europol. Pour ce faire les ministres invite la Commission à présenter une proposition de révision ciblée du Code Schengen et de sa proposition concernant « les Frontières Intelligentes ». Le partage d’informations : Concernant le partage d’informations sur les terroristes suspectés entre les pays membres, « les lacunes sont patentées » a affirmé Etienne Schneider. Ce qui est grave puisque « l’Union dispose d’outils efficaces pour échanger des informations concernant ces individus, par exemple via le système SIS II ».Les ministres ont convenu qu’il est nécessaire que les Etats utilisent pleinement ces outils comme le système Prüm qui permet l’échange de données telles que les empreintes digitales ou l’ADN et qu’ils collaborent de façon systématique avec Europol et le Centre européen de la lutte contre le terrorisme, une plateforme d’information qui sera lancée en janvier 2016. Le financement du terrorisme : Malgré l’existence de la directive concernant la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchissement d’argent, les ministres ont convenu qu’il fallait renforcer le volet relatif à la collaboration entre les Cellules de renseignement financier. La réponse judiciaire au terrorisme : Le Conseil pendant la réunion a approuvé la signature de l’Union européenne à la Convention du Conseil de l’Europe concernant la Prévention au terrorisme et le Protocole additionnel relatif au Combattants étrangers, faite à Riga le 22 octobre dernier. Ils ont également souligné qu’il est l’important à ce que les Etats membres échangent les casiers judiciaires des présumés terroristes et utilisent dans ce sens le système ECRIS (European Criminal records Informations System). La lutte contre la radicalisation : Pour ce qui concerne le volet « prévention » les ministres réunis se sont penchés sur la question de la radicalisation et ont convenu qu’il est nécessaire à ce que la Commission européenne propose le placement de financements afin de renforcer les outils judiciaires nécessaires à prévenir la radicalisation ou encore à instaurer des programmes de réintégration et réhabilitation. Cela est selon la ministre de la Justice française, Christiane Taubira, « un travail de longue haleine à entamer dès aujourd’hui ». Toutes les institutions ont répondu présent après les attentats européen. Mais il ne faut pas oublier une figure centrale dans la lutte européenne contre le terrorisme : Gilles de Kerchove, le coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme.Son intervention lors de la réunion en commission LIBE, le premier décembre, a souligné la nécessité d’agir de façon européenne mais a aussi montré les faiblesses de l’UE dans le domaine de la sécurité, qui selon le traité de Lisbonne est exclu des compétences européennes. Malgré cela, les récents événements de Paris ont fait surgir 3 défis importants pour l’UE :
C’est dans cette optique qu’il incite les institutions européennes à avoir des réponses appropriées concernant la prévention, la répression et l’action extérieure de l’UE. Mais si les défis sont multiples pour l’Union européenne, ses institutions devront faire face à ses limites sécuritaires mais surtout aux obstacles qui sont les pays membres qui ont de réelles difficultés à créer « plus d’Europe » en matière de sécurité, symbole de la souveraineté. Cela est évident si on regarde les résultats du référendum danois du jeudi 3 décembre : 53,1 % de danois ont dit « non » à une coopération européenne renforcée en matière de sécurité. Le Danemark refuse de céder sa souveraineté à l’Union et s’exclut même de l’agence Europol. Alors que les partis traditionnels, tous, s’étaient prononcés pour le OUI8 La recherche d’une sécurité européenne, apparemment tant souhaitée, tant voulue par les acteurs politiques, semble alors être un élément de pure rhétorique. Fernando Pessoa avait raison : « Nous voulons une Europe qui parle d’une seule et même voix, mais dans toutes ses langues, de toutes ses âmes. »
Emilie Gronelli
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the European Union after November 13th
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Pour en savoir plus : -. Egmont : after Paris, five questions on counter-terrorism in Europe by Thomas Renard http://www.egmontinstitute.be/publication_article/after-paris-five-questions-on-counter-terrorism-in-europe/?utm_source=the+Egmont+mailing+list&utm_campaign=e163fb2e59-T.Renard_BRICS-july2015&utm_medium=email&utm_term=0_6fda39e199-e163fb2e59-169675881 -. Travail de la commission LIBE http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fTEXT%2bIM-PRESS%2b20151118IPR03209%2b0%2bDOC%2bXML%2bV0%2f%2fFR&language=FR -. Travail du Conseil JAI du 20 novembre http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/11/20-jha-conclusions-counter-terrorism/ -. Débat en séance plénière du Parlement du 25 novembre http://www.europarl.europa.eu/plenary/fr/debate-details.html?date=20151125&detailBy=date -. Débat en commission LIBE du 19 novembre http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/committees/video?event=20151116-1500-COMMITTEE-LIBE -. Débat en commission LIBE avec Gilles de Kerchove du 1er décembre http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/committees/video?event=20151201-0900-COMMITTEE-LIBE -. Etude du CEPS: » The EU ans its Counter-terroris Policies after the Paris attacks » https://www.ceps.eu/publications/eu-and-its-counter-terrorism-policies-after-paris-attacks Travail de la Commission sur les armes à feu http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-15-6219_fr.htm http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6110_fr.htm -. Articles Eu Logos sur le PNR http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/09/08/pnr-un-premier-feu-vert-donne-par-le-parlement-europeen-un-compromis-entre-securite-et-droit-a-la-vie-privee-des-nouvelles-pressions-pour-ladoption-du-dossier-apres-lattaque-du/ http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/09/30/eu-pnr-system-condemned-by-the-european-data-protection-supervisor-lack-of-necessity-and-proportionality-the-system-might-lead-to-a-move-towards-a-surveillance-society/ -. Article Eu Logos sur la radicalisation et le rapport Dati http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/10/22/lutte-contre-la-menace-terroriste-lunion-europeenne-cherche-une-reponse-politique-et-juridique-commune-face-a-la-radicalisation/
C'est en Espagne que le plus grand débat sur l'économie collaborative a été lancé, estiment les spécialistes et les représentants de l'UE.
Dans un rapport récent, l’OCDE indique que les pays développés ont mobilisé en moyenne 57 milliards de dollars par an pour l’aide climatique en 2013 et 2014.
C’est l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui l’affirme: à partir de 2030, le réchauffement pourrait entraîner au moins 250.000 morts de plus par an dans le monde, du fait de canicules plus fréquentes, de maladies à transmission vectorielle (dont le paludisme) ou encore de malnutrition.
La consommation d'acides gras trans (AGT) en Europe, qui sont présents notamment dans produits de boulangerie, les gâteaux et biscuits, les plats cuisinés ou les produits frits, se situe en-dessous des quantités recommandées au n
C’est au terme d’un processus long, prés de trois ans, avec à l’origine la médiatrice Emily O’ Reilly, que le Parlement européen demande à Frontex d’établir un système pour traiter les plaintes concernant des violations alléguées des droits fondamentaux des migrants et demandeurs d’asile, affirment les députés dans une résolution adoptée ce mercredi. Pendant le débat en plénière avant le vote, le commissaire Dimitris Avramopoulos a promis que la Commission européenne tiendrait compte de cette idée dans sa révision de la réglementation Frontex en décembre.
Le vote intervient dans un contexte qui n’a plus rien à voir avec ce lui qui prévalait à l’origine. L’agence Frontex vient de dénombrer plus de 1,2 million de passages illégaux des frontières extérieures de l’Union européenne entre janvier et novembre 2015, soit quatre fois plus que sur l’ensemble de l’année 2014 ce qui ce donne à la recommandation une tonalité un peu surréaliste. Pour l’avenir immédiat rien ne laisse présager une diminution sensible de ces passages illégaux. C’est une nouvelle épreuve pour l’intégration de l’Union européenne, une épreuve pour laquelle l’Union n’était pas préparée. Elle démontre aussi que face à une crise de cette ampleur la taille critique pour y répondre ne peut être qu’à l’échelle de l’Europe et même au-delà tant dans sa dimension humanitaire que sécuritaire.
La résolution, adoptée par 488 voix pour, 114 voix contre avec 33 abstentions, soutient la recommandation du Médiateur européen: Frontex devrait établir un mécanisme de plaintes sur les violations des droits fondamentaux dans le cadre de ses opérations.
Le mécanisme devrait devenir « une instance de premier degré pour le traitement des plaintes », affirment les députés. Selon eux, toute personne qui estime que ses droits ont été bafoués par des garde-frontières portant l’insigne de Frontex devrait avoir le droit d’introduire une plainte. Afin d’empêcher les abus du mécanisme de plaintes, les plaintes anonymes ne devraient pas être acceptées. Cependant, les parties tierces devraient aussi pouvoir soumettre une plainte au nom de plaignants qui pourraient préférer ne pas révéler leur identité. Pour éviter des représailles inévitables compte tenu con contexte général plutôt criminogène
Les plaintes contre les agents seront envoyées par les États membres de l’UE.Étant donné que Frontex n’a pas de compétence pour engager des mesures disciplinaires contre des personnes autres que les membres de son propre personnel et n’est pas habilitée à sanctionner des États membres ou leurs agents, les députés recommandent que le bureau de l’officier aux droits fondamentaux de Frontex(créé récemment) transmette les plaintes visant un agent d’un État membre à l’autorité compétente nationale. Ils appellent Frontex et les États membres à coopérer étroitement pour assurer le suivi correct des plaintes visant des agents.
Bien entendu un tel mécanisme demande des ressources supplémentaires et une protection spéciale des groupes vulnérables. Les députés demandent des fonds supplémentaires pour assurer que l’officier de Frontex aux droits fondamentaux soit équipé correctement et dispose du personnel adéquat pour gérer les plaintes. Ils soulignent, par ailleurs, la nécessité de protéger en particulier les mineurs non accompagnés, les femmes victimes de persécutions basées sur le genre, les personnes LGBTI et d’autres groupes vulnérables.
La recommandation du Médiateur européen en faveur de l’établissement d’un mécanisme de gestion des plaintes sur les violations des droits fondamentaux a été présentée dans un rapport spécial suite à l’enquête menée à l’initiative du Médiateur en 2012 sur les obligations de Frontex en matière de droits fondmentaux.( cf. « Pour en savoir plus »)
La plupart des participants aux opérations de Frontex sont des agents dits « agents invités » envoyés par des États membres autres que celui qui accueille l’opération Frontex. Les agents invités ne peuvent accomplir des tâches et exercer des compétences que sur l’instruction et, en règle générale, en présence de garde-frontières de l’État membre hôte.
Rappelons que Frontex n’a pas de compétence pour engager des procédures disciplinaires autres que les membres de son propre personnel. Les Etats traitent les plaintes de manières très différentes. Un mécanisme d’appel doit être prévu pour les plaintes jugées irrécevables ou rejetées. Nécessité d’une coopération de Frontex avec les organismes nationaux de défense des droits de l’homme. Tous les membres du personnel, de Frontex doivent suivre une formation sur les questions de genre. Frontex doit assurer un suivi attentif des plaintes de près en demandant un retour d’information. Il demande au directeur exécutif de Frontex d’exclure tout agent coupable d’infraction aux droits fondamentaux. Ne pas hésiter à étudier la possibilité de retirer tout soutien financier à un Etat membre en cas de violation des droits fondamentaux. Le Parlement estime que le mécanisme de traitement des plaintes ne peut être efficace que si les plaignants potentiels sont sensibilisés à leurs droits. Le mécanisme de traitement des plaintes s’il veut être à la fois efficace et transparent l’officier aux droits fondamentaux doit disposer d’équipements et de personnels suffisants et des ressources supplémentaires doivent être dégagées à cette fin.. L’utilisation des fonds par Frontex doit faire l’objet d’un rapport régulier au Parlement européen. Le parlement européen se réjouit que le Médiateur européen , les membres du réseau européen des médiateurs ayant compétence dans le domaine des droits fondamentaux et le Forum consultatif de Frontex aident pleinement l’Agence et suivent les bonnes pratiques telles que celles de la Banque européenne d’investissements et d’autres organismes européens. Le Parlement européen estime que les termes utilisés pour décrire les missions de l’officier des droits fondamentaux sont trop limités et imprécis. Ils doivent être complétés lors de la prochaine révision du Règlement Frontex. Enfin le Parlement européen demande à Frontex de fournir au public toute l’information nécessaire sur son fonctionnement.
Qu’attendre dans les mois à venir ? La mise en œuvre effective du programme de répartition des réfugiés sera au cœur de la stratégie européenne des six prochains mois. L’aspect sécuritaire, suite aux attentats de Paris, est également devenu une préoccupation majeure ce qui n’était manifestement pas le cas lorsque la médiatrice a lancé son action. Le renforcement des frontières extérieures est également prioritaire. Plusieurs initiatives ont été annoncées :l a Commission européenne présentera en décembre une proposition pour renforcer l’agence Frontex, la création d’un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. Les discussions avec les pays tiers sur les réadmissions vont prendre une dimension toute particulière comme préconisées dans le plan d’action en matière de retour, tout comme la réalisation du plan d’action issu de l’accord entre la Turquie et l’Union européenne. Par ailleurs une réforme des accords de Dublin est plus que pressentie, sans oublier un droit d’asile aux pratiques uniformisées. Enfin les migrants économiques ne peuvent être oubliés : le programme de travail de Jean-Claude Juncker avait annoncé pour mars 2016 un « Paquet » de mesures sur l’immigration légale dont une révision du système de la carte bleue qui est à ce jour un véritable échec.
Après le dernier Conseil du 3 et 4 décembre s’esquissent certaines lignes de force même si elles restent fragiles : il faut améliorer Schengen, pas le détruire. Désormais sont envisagées des modifications substantielles. Les ministres ont toutefois envisagé ou débattu de l’éventualité de prolonger jusqu’à deux ans le rétablissement présumé « provisoire » du contrôle aux frontières intérieures si de défaillances sérieuses et persistantes sont constatées. Paris a confirmé que la réinstauration des contrôles à ses frontières durera aussi longtemps que la menace terroriste. Inévitablement, les mécanismes provisoires, tolérés, de contrôle se traduiront dans les faits par des restrictions à la libre circulation des personnes. Pour l’instant préservons les apparences et la façade sans trop s’attarder sur l’état réel, c’était la tactique utilisée pour préserver l’euro au plus fort des attaques et cette tactique a porté ses fruits. Les gouvernements unanimes, à demi mot, disent souhaiter la survie du mécanisme de Schengen indispensable à la survie du Marché unique, ne l’oublions jamais. Ne misons pas trop sur le caractère durable d’une diminution importante du flux des migrants.
Pour en savoir plus :
-. Texte de la résolution non législative du Parlement européen (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0422+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0422+0+DOC+XML+V0//EN
-. Dossier de l’Ombudsman avec toutes ses pièces http://www.ombudsman.europa.eu/cases/correspondence.faces/en/61415/html.bookmark
-. Compte rendu par Nea say de Eulogos de l’audition de la médiatrice , Emily O’ Reilly, par la Commission des libertés civiles (LIBE) du Parlement européen http://europe-liberte-securite-justice.org/2014/02/21/rapport-special-de-la-mediatrice-europeenne-sur-frontex-emily-oreilly-a-la-commission-libe/
REUTERS/Charles Platiau
François Hollande est-il le Guy Mollet du XXIe siècle? Poser cette question au lendemain des monstrueux attentats de Paris en ces temps d’unanimité répressive n’est pas sans risque: on peut vite vous coller une étiquette infamante de « traitre à la patrie en danger ». Mais tant pis.
Rappelons qui a été ce politicien dont le principal « succès » aura été d’écarter la gauche du pouvoir entre 1957 et 1981. Élu, début 1956, pour mettre fin à la guerre d’Algérie, qu’il juge « imbécile et sans issue », le secrétaire général de la SFIO (l’ancêtre du PS) devenu président du Conseil va faire exactement le contraire de ce qu’il a promis et entrainer son pays dans une « sale guerre » dont les traces ne sont pas près de disparaitre. Il va notamment faire voter la loi sur les « pouvoirs spéciaux », légaliser les camps d’internement administratifs, instaurer une justice militaire expéditive, faire massivement appel au contingent. Au nom de la lutte contre le « terrorisme algérien », le pouvoir socialiste couvrira la torture et les exécutions sommaires pratiquées à une large échelle par les militaires français. Guy Mollet lança aussi la France dans la calamiteuse expédition de Suez, en 1956, une entreprise guerrière et néo-colonialiste dont le sens commun peine à comprendre la logique qui se termina par une nouvelle humiliation nationale. La démocratie sortira durablement affaiblie du molletisme et la gauche laminée : de Gaulle prendra le pouvoir en 1958 à la suite d’un coup de force institutionnel et instituera une République bonapartiste centrée sur l’exécutif dans laquelle les pouvoirs législatifs, judiciaires et médiatiques lui sont soumis. Un affaiblissement démocratique dont la France n’est toujours pas sortie comme le montre le vote FN.
Il ne s’agit pas ici de dénoncer la politique économique de Hollande, qui a bien peu à voir avec ce qui avait été promis, mais de s’inquiéter du virage ultra-sécuritaire pris par le chef de l’État à la suite des massacres de janvier et de novembre. Personne ne nie que l’heure soit grave, mais, face au péril, on aurait pu attendre d’un gouvernement de gauche, qui s’est aussi fait aussi élire sur la protection et l’extension des libertés publiques, autre chose que la mise en place progressive d’un « Patriot Act » à la française.
Qu’on en juge: loi sur le renseignement intérieur qui permet une surveillance généralisée des Français, proclamation de l’État d’urgence sur l’ensemble du territoire pour la première fois depuis 1963 et dont le principal effet est de confier tous les pouvoirs à l’exécutif, promesse d’autoriser la police à faire plus librement usage de ses armes ou encore déchéance de nationalité pour les Français de naissance s’ils en possèdent une autre. Pis: le gouvernement se dit ouvert à la possibilité d’interner administrativement ou de faire porter un bracelet électronique aux personnes simplement soupçonnées d’appartenir à la mouvance terroriste.
On assiste, dans la plus parfaite harmonie sécuritaire, à un véritable détricotage de l’État de droit dans lequel le juge judiciaire, sous l’autorité duquel agit la police, est le garant des libertés publiques. Cette mise entre parenthèse de la démocratie ne peut que s’aggraver au fil des « mesures d’exception » qui ne manqueront pas d’être votées si d’autres attentats ensanglantent la France. Manuel Valls a au moins le mérite d’une certaine honnêteté, en reconnaissant que « la sécurité, c’est la première des libertés » et que « c’est pour cette raison que d’autres libertés ont été temporairement limitées, dans une mesure strictement nécessaire ».
Mais, là où le Premier ministre est malhonnête ou naïf, on ne sait plus ce qu’il faut souhaiter, c’est lorsqu’il utilise le mot « temporaire »: ce qui se met en place, ce n’est pas d’un « État d’exception », car les lois de circonstances adoptées depuis janvier dernier sont appelées à s’inscrire dans le temps. Pour reprendre le langage guerrier de la gauche de gouvernement, la France ne peut pas désarmer tant que l’ennemi n’a pas été réduit à néant. Or, quand on voit les succès américains dans la « guerre au terrorisme », on peut d’ores et déjà affirmer que l’État d’exception est destiné à devenir l’État permanent. Qui osera lever l’État d’urgence au risque de devoir le rétablir en s’excusant si une nouvelle tuerie survient ? Manuel Valls évoque déjà sa prolongation pour six mois. De même, non seulement on ressort la loi de 1955 sur l’Etat d’urgence de la naphtaline, mais François Hollande veut désormais la constitutionnaliser, car il sait que cette loi attentatoire aux libertés fondamentales a peu de chance de passer l’examen du Conseil constitutionnel, tout comme il veut constitutionnaliser la déchéance de nationalité.
Ce gouvernement, dépassé par des circonstances tragiques, tombe en réalité dans le piège des terroristes (de Daesh aujourd’hui, d’autres hier). Le but du terrorisme, c’est de détruire la démocratie, l’État de droit et les « libertés bourgeoises » comme le disaient les Brigades rouge italiennes ou la Rote Armée Fraktion allemande afin déciller les yeux du peuple (musulman en l’occurrence) sur la véritable nature de l’État ou désormais de l’Occident chrétien et de le pousser à la révolte. Un piège dans lequel aucune autre démocratie confrontée au terrorisme n’est tombée : pas d’État d’urgence dans l’Italie des « années de plomb », dans l’Allemagne de la RAF, dans l’Espagne de l’ETA, dans la Grande-Bretagne de l’IRA, même si des lois répressives ont été adoptées. Plus récemment, les attentats islamistes de Madrid en 2004 et de Londres en 2005 n’ont pas mené ces pays à proclamer l’État de guerre. Au contraire, ils ont tous campé sur leurs principes, ce qui ne signifie nullement qu’ils soient restés inertes, comme en témoignent leurs succès dans la lutte contre le terrorisme.
Le respect scrupuleux de l’État de droit est bien plus exigeant que de céder à la panique, mais aussi à des calculs politiciens: chacun sait bien qu’il s’agit, au fond, non pas d’instaurer un Etat autoritaire, mais d’enlever des arguments à la droite et à l’extrême droite dans la perspective des régionales comme en témoigne le pillage de leurs programmes (de la déchéance de nationalité à la « garde nationale », de vieilles idées du FN, en passant par la surveillance du net ou les camps d’internement). Le pouvoir socialiste va même jusqu’à donner des coups de mentons souverainistes avertissant l’Europe que la France est prête à faire exploser le système (pacte de stabilité, espace Schengen) si nécessaire. Des gesticulations qui ravissent le FN puisque ses thèses sont ainsi validées par la gauche…
Le drame est que, si le parti de la famille Le Pen arrive un jour au pouvoir, il n’aura plus beaucoup de lois à changer: presque tout l’arsenal répressif dont il rêve sera en place et l’opinion publique sera habituée à cette absence de liberté au nom d’une sécurité qui ne sera jamais assez assurée. Quant à l’Europe qui nous empêche de nous défendre, pourquoi ne pas la quitter ? C’est cela le mollétisme: le calcul politique au détriment de l’intérêt d’une gauche qui est en train de perdre son âme et, surtout, de l’intérêt de la nation.
N.B.: version longue de mon article paru dans Libération du 3/1
Jamais la tentation du repli sur le réduit national n’a été aussi forte. Après le massacre de Paris, la France s’est déclarée en «guerre» et a proclamé l’État d’urgence, c’est-à-dire à une mise entre parenthèses de l’État de droit, un événement inouï et unique en Europe : ni les Espagnols, pourtant durement frappés en 2004, ni les Britanniques, après les attentats de 2005, ne l’ont fait, pas plus que tous les pays européens touchés par le terrorisme au cours des 50 dernières années.
François Hollande, s’estimant trahi par Schengen, a aussi rétabli les contrôles aux frontières intérieures, comme si elles avaient déjà arrêté le moindre terroriste, menaçant même de les maintenir ad vitam aeternam, ce qui signerait la fin de l’espace de libre circulation. Dans l’élan, il a désigné l’un de ses plus fidèles alliés, la Belgique, comme la source des attentats qui l’ont frappé, afin de mieux masquer le naufrage de ses propres services et le fait que les commandos étaient surtout composés de Français. Le royaume n’a évidemment guère apprécié ce «blâme game» de la Grande Nation pour le moins malheureux au moment où il faut mobiliser les énergies… Les coups de menton du chef de l’État ne se sont pas arrêtés là : devant le congrès réuni à Versailles le 16 novembre, il a martialement enterré le Pacte de stabilité budgétaire : «Le Pacte de sécurité l’emporte sur le Pacte de stabilité», a-t-il martelé. Une proclamation totalement incompréhensible, puisque les dépenses annoncées ne représenteront que quelques centaines de millions d’euros supplémentaires, pas de quoi remettre en cause la trajectoire budgétaire française (rappelons que 2 (et non 4 comme écrit par erreur) milliards d’euros représentent 0,1 % du PIB français…).
La joie des europhobes
Les europhobes n’ont pas caché leur joie devant ce qu’ils ont immédiatement identifié comme des actes de souveraineté : la France attaquée réagit seule et envoie bouler toutes les contraintes européennes en général, Bruxelles en particulier. L’appel au patriotisme, la France peinte en bleu blanc rouge et sonorisée à la Marseillaise, voilà qui les a remplis d’aise. De fait, durant cette semaine de folie, on n’a pas vu de drapeaux européens ou entendu l’hymne à la joie, et on n’a guère entendu le mot Europe si ce n’est pour dénoncer son impotence, voire sa responsabilité dans le drame qui a touché le pays. François Hollande, saisi de panique, serait-il en train de liquider l’héritage de François Mitterrand et de Jacques Delors ? Ces «actes de souveraineté» en annoncent-ils d’autres qui, mis bout à bout, détricoteront le projet européen ?
On n’en est heureusement pas encore là, puisque Paris, derrière le brouhaha nationaliste à usage interne (il faut empêcher le FN de capitaliser sur l’horreur), a immédiatement demandé une réunion du Conseil des ministres de la Justice et de l’Intérieur à Bruxelles. Certes, la France a menacé de remettre en cause Schengen, mais il semble que ce soit surtout pour obtenir un durcissement du contrôle aux frontières extérieures y compris pour les ressortissants communautaires ainsi que la reddition des défenseurs des libertés publiques qui bloquent la création d’un PNR (passenger name record qui collectera tous les déplacements aériens dans et en dehors de l’Union). Objectifs atteints sur le principe lors de la réunion du 20 novembre.
De même, le gouvernement a actionné l’article 42-7 du traité sur l’Union européenne, dont l’existence même avait été oubliée, qui est l’équivalent de l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord prévoyant une assistance militaire mutuelle si l’un de ses membres est attaqué. Les 27 partenaires de Paris ont répondu présents, y compris les neutres, la Grande-Bretagne oubliant même d’arguer sur le fait que l’OTAN serait un cadre plus approprié pour obtenir une telle aide… Cela ne veut pas dire que l’Union va entrer en guerre contre le terrorisme, Paris voulant surtout pouvoir demander une assistance sur une base bilatérale à tel ou tel pays selon ses capacités, mais quel signal politique !
Enfin, François Hollande n’a pas remis en cause la répartition de 160 000 demandeurs d’asile entre les pays de l’UE, alors même que Daesh a infiltré des terroristes parmi les réfugiés manifestement dans ce but, les terroristes ayant les moyens d’entrer autrement en Europe qu’en empruntant la dangereuse route des Balkans. Seule la Pologne, désormais dirigée par les populistes de Droit et Justice (PiS) est tombée dans le panneau tendu par «l’État islamique» en envisageant, avant de se rétracter, de ne pas appliquer ce plan européen.
Des signaux contradictoires
On le voit, les signaux envoyés par Paris sont contradictoires, ce qui montre qu’au sein de l’appareil d’État, les deux tendances sont à l’œuvre. Rien ne garantit l’issue de ce bras de fer qui pour l’instant penche dangereusement du côté des souverainistes. Car il ne faut pas s’arrêter seulement à l’action européenne du gouvernement socialiste, mais considérer l’ensemble de sa politique. Or, son virage ultra-sécuritaire est clairement inspiré par la droite la plus dure et l’extrême droite : loi sur le renseignement intérieur, État d’urgence utilisé pour la première fois depuis la guerre d’Algérie, déchéance de nationalité pour les Français de naissance (alors qu’en 2010 la droite avait été traitée de fasciste et de pétainiste pour avoir institué la déchéance pour la nationalité acquise depuis moins de 15 ans), création d’une «garde nationale», etc. Même des camps d’internement administratif pour les Français rentrant de Syrie ne sont pas écartés. Le FN en est réduit à la surenchère en demandant désormais la suppression du droit d’asile…
Ce virage ultra-sécuritaire sidère nos partenaires, notamment les pays ayant connu des régimes autoritaires au XXe siècle. Rappelons qu’au lendemain des attentats de janvier dernier à Paris, ils s’étaient opposés avec un bel ensemble à l’adoption d’un «Patriot Act» à l’européenne en estimant qu’une telle réponse nuirait surtout aux libertés publiques du plus grand nombre, ne permettrait pas de lutter efficacement contre le terrorisme qui est affaire de renseignements et donnerait une image catastrophique d‘une Europe violant les libertés publiques alors qu’elle donne des leçons au monde entier. La France s’est néanmoins lancée seule dans une aventure que ne renierait pas Georges W. Bush. Un comble pour un gouvernement de gauche qui semble avoir abandonné ses valeurs, comme au temps de la guerre d’Algérie, qui pourrait inspirer d’autres pays qui hésitaient à franchir un tel pas.
Chocs en stock
Pour son malheur, le choc terroriste que subit l’Union s’ajoute à la crise des réfugiés, à la crise de la zone euro, à la crise économique… Le risque de morcellement, et non d’éclatement, est bel et bien là : une Europe forteresse, fermée au reste du monde, pourrait émerger de cette succession de chocs d’une violence inouïe, une Europe qui ne serait elle-même qu’une juxtaposition de pays forteresses limitant les libertés publiques au nom de la sécurité. Bref, l’Europe, mais sans union et sans doute avant la désunion. Si ce scénario noir se réalise, ce serait une victoire pour Daesh dont le but est justement d’abattre le modèle européen de paix, de liberté, de coopération et d’ouverture au monde. L’avenir de l’Europe se joue à nouveau en France.
N.B.: Article paru dans l’Hémicycle de novembre 2015.