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L'Afrique réelle (Blog de Bernard Lugan)

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Site officiel de l'historien africaniste Bernard Lugan, professeur à l'Université Lyon III et expert au tribunal international d'Arusha
Mis à jour : il y a 1 mois 4 jours

L'Afrique Réelle n°148 - Avril 2022

ven, 01/04/2022 - 20:34
Sommaire

Actualité
Le blé et le chaos alimentaire africain

Dossier
Rwanda : et maintenant, place aux historiens

Histoire
- Lavigerie ou la colonisation jacobine, Lyautey ou la colonisation ethno-différentialiste.
- Le 18 mars 1962, l’armée française avait gagné la guerre d’Algérie


Editorial de Bernard Lugan :

La famine à l’horizon ?

En 1960, à la fin de la période coloniale, l’Afrique ignorait les famines, elle était autosuffisante et elle exportait des aliments (voir mon livre Colonisation, l’histoire à l’endroit).Aujourd’hui, les Africains ne produisent plus de quoi se nourrir. Comment le pourraient-ils d’ailleurs avec un croît démographique annuel de 3% quand les ressources agricoles n’augmentent quant à elles que de 1% ? Enorme importatrice de blé et de maïs, l’Afrique est donc à la merci de mauvaises récoltes céréalières européennes, argentines ou australiennes… ou d’évènements imprévus, comme aujourd’hui le conflit ukrainien. La situation est d’autant plus grave qu’en 2021, avant donc cette guerre, une vingtaine de pays africains connaissaient déjà une crise alimentaire permanente, cependant que dix autres étaient au bord de la famine. Toujours en 2021, 282 millions d’Africains étaient sous-alimentés et plusieurs dizaines de millions ne survivaient que grâce à l’aide alimentaire internationale (Source : Etat de la  sécurité alimentaire et de la nutrition, Rapport 2021)Dans ces conditions, comment, à l’exception de quelques Etats pétroliers,  les pays africains vont-ils pouvoir faire face à l’envolée actuelle des cours des céréales, et cela, alors que leurs ressources sont faibles ou quasi inexistantes ? Depuis la décennie 1960, année après année, comme les chiffres du commerce des grandes économies mondiales le démontrent, l’Afrique est en effet devenue une composante de plus en plus marginale de la vie économique mondiale : - Economiquement, l’Afrique ne compte pas pour la France. Elle ne représente en effet qu'environ 3,40% de tout le commerce extérieur de la France, 50% étant réalisés avec quatre pays (Maroc, Algérie, Tunisie et Egypte). Quant à la zone CFA si constamment dénoncée par les aboyeurs de la culpabilisation, elle ne pèse que 0,79% du commerce extérieur français… - L’Afrique ne représente que 2,5% du commerce extérieur de la Grande-Bretagne, dont 60% réalisés avec 2 pays seulement, la RSA (35%) et le Nigeria (25%).- Le continent africain ne représente que 2% du commerce extérieur allemand.- Le continent africain dans son ensemble représente moins de 2% de tout le commerce extérieur américain et à peine 1% du commerce extérieur japonais. - Quant à la Chine, prédateur en quête de ressources naturelles, en 2020, sur environ 6000 milliards de dollars de son commerce extérieur,  l’Afrique en a totalisé 198 milliards, à peine 3,3%…
Catégories: Afrique

Comment la France est devenue la « colonie de ses colonies »

jeu, 24/03/2022 - 18:39
Migration, immigration, « grand remplacement », « remigration », assimilation et intégration, autant de thèmes et de notions au cœur de l’actuel débat présidentiel qui vont conditionner la vie politique française dans les décennies à venir. Ils illustrent ce basculement ethno-démographique qui fait que, peu à peu,  comme le dit Jean-Luc Mélenchon, la France devient une nation  « créole ».
Or, cet actuel changement de peuple est la conséquence directe de notre aventure coloniale d’hier. Plus de 90% des néo-Français étant des « sujets » ou des descendants de « sujets » de notre ancien empire colonial, la France est donc bien devenue « la colonie de ses colonies » comme le prophétisait Edouard Herriot en 1946.

Il est donc nécessaire et urgent de comprendre pourquoi cette révolution s’est produite. Faute de quoi, à travers les « solutions » que les candidats proposent, et qui se ramènent toutes à l’ « assimilation-intégration », à l’adhésion aux « valeurs de la République » et à la « laïcité », les échecs coloniaux d’hier vont automatiquement et tragiquement se répéter en France. Et comme il ne sera pas possible d’y procéder par amputation territoriale comme l’avait  si dramatiquement fait le général de Gaulle avec l’Algérie, l’avenir s’annonce donc pour le moins  « problématique »…

Mon livre « Colonisation, l’histoire à l’endroit. Comment la France est devenue la colonie de ses colonies » est l’outil permettant d’aborder et de mettre en perspective ces questions devenues existentielles.

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19 mars 1962 : en « célébrant » les « Accords d’Evian » et le « cessez-le-feu », la France va « célébrer » l’épuration ethnique des Européens d’Algérie et le massacre des Harkis

mar, 15/03/2022 - 15:32
Les 18 et 19 mars 2022, la France va « célébrer » le soixantième anniversaire des « accords d’Evian » et du « cessez-le-feu » en Algérie. La double « célébration » d’un abandon et  d’une tragédie.Le 18 mars 1962, à 17h 40, le général de Gaulle offrit l’Algérie au FLN alors que l'armée française l’avait emporté sur le terrain. A cette date, 250 000 Algériens servaient sous le drapeau tricolore, soit cinq fois plus que les maquisards de l’intérieur et les membres de l’ALN stationnés en Tunisie ou au Maroc.Sans la moindre garantie sérieuse, les évènements qui suivirent le démontrèrent tragiquement, plus d’un million d’Européens et plusieurs centaines de milliers de musulmans attachés à la France furent ainsi abandonnés au bon vouloir de l’ennemi d’hier (voir à ce sujet mon livre « Algérie l’Histoire à l’endroit »). Puis, le 8 avril 1962, par un référendum ségrégationniste puisque le pouvoir gaulliste l’avait ouvert aux seuls Français de métropole, les Français d’Algérie, pourtant les premiers concernés, en ayant été écartés (!!!), « les accords d’Evian » furent ratifiés par 90,81% de « oui ». Aujourd’hui, les enfants de ces 90,81% paient à travers le « grand remplacement », l’indifférence, le soulagement, la lâcheté et pour certains, la trahison de leurs parents...
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Catégories: Afrique

Mali, les Touareg seuls face à l’Etat islamique

sam, 12/03/2022 - 10:36
Première conséquence du départ des forces française du Mali, l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) a lancé une puissante entreprise d’élimination des Touareg, notamment les Daoussak, à travers des attaques meurtrières et massives dans la région de Ménaka, notamment à Tamalat, Ichinanane, Anderazmboukane et Ekarfane, des noms qui parleront aux anciens de Barkhane... 
Plusieurs de ces localités ont été prises et des dizaines de civils touareg y ont été purement et simplement « liquidés ». Dans les violents combats, les Touareg ont essuyé de nombreuses pertes, dont plusieurs de leurs chefs militaires.
A travers ces attaques contre les Touareg, l’EIGS cible directement les divers mouvements signataires des Accords d’Alger de 2015, dont le CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) et le MSA (Mouvement pour le salut de l’Azawad. En réalité, c’est une guerre contre les Touareg qui vient d’être déclenchée.
La stratégie de l’EIGS est claire : depuis son bastion de la « région des trois frontières », remonter vers le nord pour s’attaquer au cœur de la seule résistance régionale potentielle, à savoir les Touareg. Une fois ces derniers vaincus, plus rien ne s’opposera à une conquête rapide de tout le Mali en raison de l’ « évanescence » de son armée. Et ce ne seront pas les mercenaires russes de « Wagner » qui seront en mesure de s’y opposer, leur principale mission étant de sécuriser la junte au pouvoir.
Désormais, nous allons donc assister à une coagulation défensive ethnique des Touareg avec la concrétisation du rapprochement entre le CMA-MSA et la composante touareg d’Aqmi dirigée par Iyad ag Ghali. Mais également à l’entrée en action de l’Algérie qui ne peut en aucun cas laisser l’EIGS se rapprocher de ses frontières et qui, d’une manière ou d’une autre va être contrainte de s’impliquer militairement.
Une évolution que je n’ai cessé d’annoncer et dont j’explique la genèse dans mon livre « Les Guerres du Sahel des origines à nos jours ».
Catégories: Afrique

Contrairement à ce que prétendent ses dirigeants, l’Algérie n’est pas en mesure de remplacer partiellement la Russie dans la fourniture de gaz à l’UE.

ven, 04/03/2022 - 15:00
Profitant du lourd contexte géopolitique, l’Algérie prétend pouvoir compenser une partie des volumes de gaz russe en augmentant ses exportations en direction de l’UE via le gazoduc Transmed qui la relie à l’Italie. Un simple effet d’annonce construit car les réserves algériennes s’épuisent et sa production est aux trois-quarts consommée localement.
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Catégories: Afrique

L'Afrique Réelle n°147 - Mars 2021

mar, 01/03/2022 - 19:29
Sommaire
Actualité :
Tunisie : rétablir l’ordre et la confiance avant les voluptueux éthers de la démocratie
Dossier : Libye
- Un pays désertique coupé en trois ensembles- Une société d’abord tribale
- La guerre contre le colonel Kadhafi (2011) 
- Le chaos (2011-2019)
- Entre guerre et hypothétique recomposition (2019-2022)

Histoire :
Qui était Abd el Kader ?


Editorial de Bernard Lugan
En Tunisie comme en Libye, la transplantation des « principes » démocratiques et des valeurs abstraites postulées universelles de l’Occident, l'ignorance ou même parfois le mépris de l’histoire, ont provoqué le chaos. 
En conséquence de quoi, la Tunisie est aujourd’hui placée devant un choix très clair :- L’anarchie politique avec l’effondrement socio-économique suivi de la prise de pouvoir par les islamistes.- Un régime fort capable de rétablir ordre et confiance. 
Avec courage, le président Kaïs Saied a choisi la seconde option. Or,  ceux qui, en 2011, ont provoqué le chaos avec la « révolution du jasmin », mènent actuellement campagne contre lui. Avec naturellement le soutien des médias français et des éternels cocus  de la « bonne gouvernance ».  
En Libye, en dehors d’une nouvelle guerre de tous contre tous, deux options sont possibles :
1) La reconstitution d’un Etat fort, ce qui semble difficile dans un pays historiquement caractérisé par une définition de non-Etat (voir mon livre Histoire de la Libye). Une option qui impliquerait un retour à la situation antérieure avec l’émergence d’un nouveau « colonel Kadhafi ». Dans l’immédiat, aucune personnalité ne semble en mesure de jouer ce rôle. Sauf peut-être Saïf al-Islam, le fils du colonel. Lui seul serait en effet en mesure de reconstituer les anciennes alliances tribales au sein des grandes confédérations de Cyrénaïque, de Tripolitaine et du Fezzan.  
2) La constitution de deux pôles confédérés, donc la reconnaissance officielle de l’éclatement de la Libye. Une telle orientation aurait l’avantage de circonscrire les luttes de pouvoir au sein de deux régions et donc de limiter l’effet domino régional. 
Cependant, le plus important est de voir que  l’avenir de la Libye passe par la recomposition des solidarités tribales détruites par la guerre que Nicolas Sarkozy, bien mal inspiré par BHL, déclencha contre le colonel Kadhafi.
Plus généralement, dans toute l’Afrique, tant au nord qu’au sud du Sahara, la priorité n’est pas économique, même si le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont pour but l’intégration dans l’économie planétaire. Les vrais problèmes du continent sont politiques, institutionnels et sociologiques. Nous sommes en effet devant une  évidence de politique d’abord. Or, nos impératifs universalistes nous empêchent et même nous interdisent de voir l’évidence de la différence car le corps social africain n’est pas celui de l’Europe ou celui de l’Asie. L’approche économique ressemble à celle d’un jardinier qui s’obstinerait à vouloir greffer un prunier sur un palmier et qui s’étonnerait qu’en dépit des montagnes d’engrais déversées, sa greffe ne prenne pas. Sans parler naturellement du postulat démocratique dont le résultat est l’ethno-mathématique électorale, le pouvoir revenant automatiquement aux  ethnies les plus nombreuses.
Catégories: Afrique

Offre spéciale : Algérie, histoire à l'endroit

mer, 23/02/2022 - 18:39
























L’année 2022 marque le soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, donc de l’épuration ethnique des Européens et du massacre des Harkis.

Tout au long de l’année, les médias vont imposer leur vision de ces tragiques évènements. Une vision qui n’est rien d’autre que le copié-collé de l’histoire officielle écrite par le FLN après l’indépendance et qui, une fois de plus, aura pour but  de culpabiliser les Français.

Cette fausse histoire repose sur 10 grands mensonges que je démonte dans mon livre Algérie l’histoire à l’endroit. Les 10 grandes controverses de l’histoire. Un livre qui vient d’être réédité pour la troisième fois, et dont la table des matières est donnée ci-dessous :
- L’Algérie est-elle Berbère ou Arabe ?- Comment des Berbères chrétiens sont-ils devenus des Arabes musulmans ?- Pourquoi Bougie et Tlemcen n’ont-elles pas créé l’Algérie alors que Fès et Marrakech ont fondé le Maroc ?- L’Algérie, Régence turque oubliée ou marche frontière de l’empire ottoman ?- Abd el-Kader, une résistance « nationale » ou arabe ?- Mokrani, une résistance « nationale » ou berbère ?- Que s’est-il passé à Sétif et à Guelma au mois de mai 1945 ?- Sétif au-delà des mythes- 1954-1962 : la « révolution unie », un mythe ?- La revendication berbériste- Le FLN a-t-il militairement vaincu l’armée française ?- La guerre d'Algérie ne s'est pas terminée le 19 mars 1962- Le 17 octobre 1961 à Paris : un massacre imaginaire ?- La France a-t-elle pillé l’Algérie ?
Afin que ce livre de réfutation de la doxasoit en possession du plus grand nombre possible de résistants de la pensée afin de leur donner les arguments qui leur permettront de répondre point par point à la propagande qui va s’abattre sur la France à partir du 19 mars, date de la signature des « accords d’Evian », nous vous proposons :

- De commander un exemplaire de ce livre au prix de 29 euros, port colissimo compris au lieu de  34  euros.
- De commander 5 exemplaires de ce livre au prix de 135 euros, port colissimo compris au lieu de 170  euros.
- De commander 10 exemplaires de ce livre au prix de 250 euros, port colissimo compris au lieu de 340 euros.
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Mali : les éthers idéologiques expliquent l’éviction de la France

ven, 18/02/2022 - 18:46
Le vendredi 18 février 2022, la junte militaire au pouvoir à Bamako a exigé que le départ des forces de « Barkhane » se fasse immédiatement, et non pas par étapes, comme l’avait annoncé le président Macron. Comment en sommes-nous arrivés à une telle situation et à une telle rupture ? 
Comme je ne cesse de le dire et de l’écrire depuis des années, notamment dans mon livre Les Guerres du Sahel des origines à nos jours, au Mali, les décideurs français ont additionné les erreurs découlant d’une fausse analyse consistant à voir le conflit à travers le prisme de l’islamisme. Or, ici, l’islamisme est d’abord la surinfection de plaies ethno-raciales millénaires qu’aucune intervention militaire étrangère n’était par définition en mesure de refermer. 
De plus, au moment où de plus en plus d’Africains rejettent la démocratie à l’occidentale, la France s’arc-boute tout au contraire sur cette idéologie vue en Afrique comme une forme de néocolonialisme. Plus que jamais, les dirigeants français auraient donc été inspirés de méditer cette profonde réflexion que le Gouverneur général de l’AOF fit en 1953 : « Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte »… En un mot, le retour au réel africain et non l’incantation aux idéologies plaquées. 
Voilà la grande explication de ce nouvel échec français en Afrique. Sans même parler du refus bétonné de simplement s’interroger sur les arguments de la junte malienne. Immédiatement clouée au pilori par Paris qui ne lui laissa aucune marge de manœuvre, cette dernière fut automatiquement acculée à une fuite en avant maximaliste afin de ne pas perdre la face. Les petits marquis qui font la politique africaine de la France devraient pourtant savoir qu’en Afrique, la priorité des priorités lorsque l’on entre en contentieux, est de ne jamais faire perdre la face à son interlocuteur. Mais cela ne s’apprend pas à Science-Po…
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Un « contrat » fut-il mis par l’OTAN sur la tête du colonel Kadhafi ?

mar, 15/02/2022 - 18:00
La France alors dirigée par Nicolas Sarkozy  porte une très lourde responsabilité dans la désintégration de la Libye avec toutes les conséquences tant locales que régionales qui s’en suivirent et qui s’en suivent encore. Mais pourquoi donc est-elle ainsi entrée aussi directement dans une guerre civile dans laquelle ses intérêts n’étaient pas en jeu ? Pourquoi l’OTAN s’est-elle également aussi profondément immiscée dans cette guerre ? L’alibi humanitaire évoqué par BHL n’apportant pas une réponse satisfaisante, deux questions demeurent toujours sans réponse :
- La France est-elle à l’origine de la guerre contre le colonel Kadhafi ?
- Le but de cette guerre était-il la mort de ce dernier ?
Des éléments de réponse existent que je mets en lumière à l’occasion de la réédition actualisée aux éditions du Rocher de mon livre « Histoire de la Libye des origines à nos jours » et qui sont exposés dans le communiqué qui suit.
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Entretien avec Bernard Lugan pour son dernier livre : Comment la France est devenue la « colonie de ses colonies »

mer, 09/02/2022 - 11:25
L'Afrique Réelle :Vous publiez un livre dans lequel vous expliquez que la conséquence de la colonisation d’hier est la colonisation à rebours que subit aujourd’hui la France au point, dites-vous d’en faire désormais la « colonie de ses colonies ». L’actuel « grand remplacement » est-il donc une conséquence de la colonisation ?
Bernard Lugan :Clairement oui et pour deux raisons :1) La première est que ce sont essentiellement nos anciens « sujets » coloniaux qui déferlent sur la France, leur ancienne métropole. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il y eut ainsi au maximum, 1,5 million de Français installés dans tout l’Empire, dont plus des deux tiers dans la seule Algérie. Or, aujourd’hui, les populations originaires de l’ancien Empire vivant en France, comptent plus de dix millions de personnes, naturalisés compris, soit dix fois plus qu’il n’y eut de « colons » dans tout l’Empire français. Quant aux Algériens qui, depuis les « Accords d’Evian », bénéficient de facilités d’entrée en France, 80% d’entre eux ont des parents en Europe, très essentiellement en France où existe le regroupement familial. Autant dire que le mouvement de colonisation à rebours n’est pas prêt de s’arrêter et cela d’autant plus que nombreux sont ces néo-colons qui installent leur mode de vie sur des fractions de plus en plus importantes du territoire français. Peut-on donc parler d’autre chose que de colonisation à rebours et de France devenue la colonie de ses anciennes colonies ?2) La seconde raison, et là est le cœur du problème, est que l’idéologie dominante justifie cette colonisation d’aujourd’hui par le prétendu « pillage colonial » que nous aurions opéré en Afrique hier. C’est au nom de ce postulat culpabilisateur que l’actuel changement de peuple nous est imposé dans une ultime volonté d’expiation de « crimes » coloniaux imaginaires. Voilà pourquoi, remettre à l’endroit l’histoire de la colonisation était donc une impérieuse nécessité car, avec la traite des Noirs, la colonisation constitue le deuxième grand pilier de l’acte d’accusation dressé contre l’Homme Blanc. Un acte d’accusation qui permet aux terroristes de la pensée de tenter de nous mettre en état de soumission. Mon livre est donc un outil de combat destiné à donner aux Résistants les arguments permettant de réfuter la colossale et mortifère entreprise de déconstruction historique que nous subissons aujourd’hui. 
L'Afrique Réelle :Votre livre est ancré sur deux grands points. Dans le premier vous démontrez, chiffres détaillés à l’appui, que la France ne s’est pas enrichie en Afrique, et que tout au contraire, elle s’y est ruinée. Dans le second vous expliquez le substrat idéologique hérité des « principes de 1789 » au nom desquels la gauche républicaine a lancé la France dans l’impasse de la colonisation. Commençons par la doxa qui soutient que la colonisation française fut une bonne affaire pour la France et qu’elle fut provoquée par les surplus de capitaux auxquels il fallait trouver des débouchés.
Bernard Lugan : Il s’agit là d’un énorme mensonge car la France n’a pas placé ses surplus de capitaux dans ses colonies. Avant 1914, les colonies françaises dans leur ensemble, Indochine, Algérie et Antilles comprises, n’attiraient en effet pas le capital privé français puisque les investissements privés y étaient grosso modo équivalents en volume à ceux réalisés dans le seul empire ottoman. Plus généralement, et contrairement à ce que veulent faire croire les « décoloniaux », et également contrairement à ce que postulait Jules Ferry, ne furent pas des raisons économiques qui poussèrent la France à la conquête d’une Afrique inconnue dont, par définition, tous ignoraient si elle recelait des richesses. Ce ne fut pas non plus pour y trouver des débouchés à son industrie car ces derniers n’existaient pas… Ce fut pour des raisons conjoncturelles politiques ou stratégiques, mais également idéologiques.
L'Afrique Réelle :Restons si vous le voulez bien, sur le postulat de l’enrichissement de la France par la colonisation.
Bernard Lugan :Vous avez raison de parler de ce postulat qui sous-entend que l’industrialisation et la richesse française reposeraient sur l’exploitation et le pillage de l’Afrique. Un peu de logique s’impose car, si la richesse était mesurée à l’échelle des possessions impériales, le Portugal aurait dû être une grande puissance industrielle mondiale. De même, la révolution industrielle française aurait dû se faire dans les régions des grands ports coloniaux, c'est-à-dire à Nantes, à Bordeaux ou à La Rochelle, et non en Lorraine. De plus, dans la décennie 1960, les pays les plus riches et les plus développés étaient ceux qui n’avaient jamais eu de colonies, comme les Etats-Unis d’Amérique, la Suède et la Suisse ou ceux qui les avaient perdues comme la Hollande ou l’Allemagne. En revanche, la Grande-Bretagne et la France qui étaient avec le Portugal, les principales puissances coloniales étaient à la traîne car les capitaux dépensés outre-mer n’avaient pas permis la modernisation et la mutation des industries métropolitaines. Le miracle est que la France ait tout de même réussi à atteindre son niveau de richesse malgré son boulet économique impérial…Je pose une autre question de bon sens : puisque la doxa soutient que la France tirait sa prospérité de son Empire africain, pourquoi son économie ne s’est-elle donc pas effondrée avec la décolonisation ? Et pourquoi, tout au contraire a-t-elle bénéficié de cette rupture ? En effet dans la décennie qui suivit les indépendances, jamais la croissance du capitalisme français n’a été aussi vigoureuse, ses transformations structurelles aussi rapides et le développement des infrastructures françaises aussi impressionnant. Soulagée du boulet économique et financier colonial, la France a pu enfin investir dans les infrastructures nées durant les décennies « glorieuses » des années 1960-1990.
L'Afrique Réelle :Chiffres à l’appui, vous montrez qu’effectivement, la France n’a pas pillé l’Afrique, mais qu’elle s’y est tout au contraire ruinée. Pour la clarté de votre démonstration, vous avez d’ailleurs converti en euros les sommes colossales englouties par elle et à fonds perdus dans ses colonies, ce qui permet immédiatement de mesurer la saignée subie par la France et qui réduit à néant le postulat du « pillage colonial ».
Bernard Lugan :Pour les listes de chiffres, et elles sont effectivement parlantes, je préfère renvoyer à mon livre. Quelques exemples cependant. Après 1945, et alors que la décolonisation était en marche, la France qui sortait ruinée du conflit et qui avait toutes ses infrastructures à reconstruire, notamment 7000 ponts sur 9000, 150 gares principales, 80% de son réseau de navigation fluviale, son réseau ferré, ses usines, 50% de son parc automobile etc., lança dans son Empire et donc à fonds perdus pour elle, une fantastique politique altruiste de développement et de mise en valeur. Ces gigantesques programmes de grands travaux qui se firent aux dépens de la métropole, permirent de construire en Afrique 220 hôpitaux dans lesquels soins et médicaments étaient gratuits, 50.000 kilomètres de routes bitumées, 18.000 kilomètres de voies ferrées, 63 ports, 196 aérodromes, des centaines de barrages, de ponts, de centrales électriques, des milliers d’écoles, de dispensaires, de maternités, de conduites d’eau, de fermes modèles, de bâtiments divers, etc. Cela coûta à la France 22% de toutes ses dépenses sur fonds publics et fut payé par les impôts et l’épargne des Français. Et l’on ose nous parler de « pillage colonial » !!!Deux autres exemples, en 1952, soit en pleine période de préparation de la décolonisation, la totalité des dépenses de la France dans son Outre-Mer, représentait 1/5e du budget français, un pourcentage colossal et suicidaire pour une économie alors en phase de reconstruction. Durant la décennie 1946-1956, pour la seule création d’infrastructures, l’Etat français a investi l’équivalent de 120,42 milliards d’euros dans ses colonies, et pour la seule année 1958, soit à peine deux ans avant les indépendances, le total de toutes les dépenses outre-mer coûtèrent à la France l’équivalent de 323 milliards d’euros. 
L'Afrique Réelle :Vous écrivez, et cela semble à première vue paradoxal, que les colonies qui ruinaient la France n’avaient que peu d’intérêt économique pour elle, et, contrairement à la doxa qui postule que la France s’y fournissait en matières stratégiques, vous montrez que tel n’était pas le cas. Bernard Lugan :Stratégiques le riz, le sucre, l’huile d’olive, les arachides, le coton et les bananes qui constituaient près de 70% des importations impériales françaises ? Stratégique le vin algérien qui constituait 25% de toutes ses importations impériales ? Tout au contraire, les matières premières minières impériales, phosphates du Maroc compris, ne représentaient que 5,6% des importations coloniales françaises en 1910, et 4,8% en 1958.
L'Afrique Réelle :Vous démontrez, autre paradoxe, qu’en plus, les productions impériales qui n’étaient en rien stratégiques, et que la France aurait pu acheter sur le marché international sans avoir à supporter le poids de la mise en valeur de son l’Empire, lui étaient vendues par ses propres colonies plus cher que sur le marché international. Un comble !
Bernard Lugan :Dans mon livre, je pulvérise effectivement l’idée selon laquelle l’empire africain était pour la France un fournisseur à bon compte. En effet, « bonne fille », la France lui a toujours acheté ses productions environ 25% au-dessus des cours mondiaux. Et comme, en plus, en amont, elle avait subventionné les dites productions, la perte fut donc double pour la France comme Jacques Marseille et Daniel Lefeuvre l’ont bien montré. Quelques exemples : le litre de vin algérien était payé 35 francs alors que, à qualité égale, le vin grec, espagnol ou portugais valait 19 francs. Le cacao de Côte d’Ivoire était payé 220 francs les 100 kilos quand le cours mondial était de 180 francs. Pour les arachides du Sénégal, les agrumes et les bananes en général, le prix colonial français était de 15 à 20% supérieur aux cours mondiaux. En 1930 le prix du quintal de blé métropolitain était de 93 francs quand celui proposé par l’Algérie variait entre 120 et 140 f, soit 30 à 50% de plus. Tout cela entraîna un surcoût pour le budget français. Pour les seules années 1954 à 1956, ce surcoût s’est élevé à plus de 50 milliards de FF, soit 81 milliards d’euros. De plus, à cette somme exorbitante, il faut encore ajouter le soutien des cours des productions coloniales qui coûta à la France 60 milliards par an pour les seules années 1956 à 1960, soit 97 milliards d’euros annuellement, l’équivalent du montant de l’impôt sur le revenu des personnes physiques françaises pour l’année 2021 !!! Même la main d’œuvre industrielle était plus chère dans l’empire que celle de la métropole. Ainsi, en Algérie, selon un rapport de Saint-Gobain daté de 1949 par comparaison avec une usine métropolitaine située en province, l’ensemble des dépenses, salaires et accessoires était de 37% plus élevée en Algérie. Dans ces conditions, économiquement parlant, cela valait-il donc la peine de conserver un empire qui vendait à sa métropole des productions non rares et plus cher que ce qu’elle aurait pu acheter sur le marché international ? Nous sommes toujours très loin du prétendu « pilage colonial »…
L'Afrique Réelle :Encore plus grave, l’Empire a, selon vous, prolongé artificiellement la survie de secteurs économiques condamnés, freinant ainsi la nécessaire modernisation de pans entiers de son économie. 
Bernard Lugan :Dans les années 1980, Jacques Marseille a brillamment démontré que le débouché colonial fut essentiel à la survie d’industries condamnées. Ainsi, de 1900 à 1958, les fabriques françaises de bougies et de chapeaux de paille réalisèrent plus de 80% de leurs exportations dans l’Empire. Dans ce cas, oui, l’Empire fut rentable pour certains privés qui s’enrichirent quand la France se ruinait... En revanche, pour les industries « motrices » comme l’industrie des métaux, les industries chimiques et électriques etc., le marché colonial ne jouait au maximum et encore, qu’un rôle d’appoint. Pour elles c’étaient les marchés des pays industriels qui leur offraient leurs débouchés. De plus, les colonies défavorisaient les industries françaises de pointe qui étaient pénalisées à l’exportation par les pays qui se heurtaient au protectionnisme impérial français. L’Empire permit donc le « sauvetage des canards boiteux », des secteurs condamnés de l’évolution économique, mais il pénalisa les secteurs d’avenir. Loin de les piller, la France était donc prise au piège de ses colonies.
L'Afrique Réelle :Que répondre aux incessantes jérémiades algériennes accusant la France d’avoir pillé le pays ?
Bernard Lugan :Ces doléances algériennes relèvent de la provocation car la « Chère Algérie » fut un véritable « tonneau des Danaïdes », un insupportable fardeau pour la métropole comme l’a si brillamment démontré le regretté Daniel Lefeuvre. Tout ce qui existait en Algérie au moment de l’indépendance y avait en effet été construit par la France, et à partir du néant. A savoir des centaines d’ouvrages d’art, des voies ferrées, des barrages, des usines, des routes, des ports, des aéroports, des écoles, des hôpitaux, des bâtiments divers. La liste est immense et je renvoie au chapitre X intitulé « La France a-t-elle pillé l’Algérie » de mon livre « Algérie l’histoire à l’endroit ».Là encore je ne prendrai que quelques exemples. En 1959, toutes dépenses confondues, l’Algérie engloutissait à elle seule 20% du budget de l’Etat français, soit davantage que les budgets additionnés de l’Education nationale, des Travaux publics, des Transports, de la Reconstruction et du Logement, de l’Industrie et du Commerce ! Une saignée permanente qui contraignit à faire des choix budgétaires douloureux, car, afin d’aider encore davantage l’Algérie, il fallut faire patienter la Corrèze et le Cantal. Le sacrifice des Français de France fut alors double puisque leurs impôts augmentaient tandis que les engagements de l’Etat dans les domaines routiers, hospitaliers, énergétiques, etc., étaient amputés ou retardés. Durant les neuf premiers mois de 1959, les crédits d’investissement en Algérie atteignirent 103,7 milliards de FF, soit 166 milliards d’euros, là encore, financés par le Trésor français. Le plus incompréhensible est que les dirigeants français acceptent de laisser insulter et calomnier notre pays par les affairistes qui ont fait main-basse sur l’Algérie, alors qu’il suffirait de publier le montant des sommes colossales qui y furent englouties jusqu’en 1962, ainsi que la liste de tout ce que les architectes et ingénieurs français y ont construit pour les réduire les aboyeurs au silence…
L'Afrique Réelle :En définitive Jules Ferry s’est donc trompé ?
Bernard Lugan :Oui, et en plus, il a trompé la France et les Français car, dès avant 1914, il était clairement apparu que l’entreprise coloniale n’était pas source de profits comme il l’avait promis. Sauf dans le cas de certains secteurs marginaux comme je l’ai montré avec les bougies et les chapeaux de paille. Aussi, comme les capitalistes privés considéraient l’empire africain comme une affaire économique sans réel intérêt et qu’ils s’en désintéressaient, ils refusèrent donc d’y investir. A travers les impôts des Français, l’Etat fut alors contraint de se substituer à eux. Pour la France l’addition fut lourde car, dans la conception de Jules Ferry, la mise en valeur et la création des infrastructures nécessaires auraient dû être confiées au capitalisme, donc relever du secteur privé. Ces investissements ne se faisant pas et les territoires n’ayant pas de ressources propres suffisantes, leurs budgets durent donc être constamment alimentés par des emprunts émis en métropole afin que puissent être entrepris en Afrique les travaux d’infrastructure lourde comme les ports, les ponts, les routes, les hôpitaux etc. La mise en valeur de l’Empire africain fut donc totalement supportée par l’épargne des Français et les sommes considérables qui y furent investies, retirées du capital disponible métropolitain afin de financer outre-mer des infrastructures pourtant nécessaires en France. Une fois encore, nous voilà loin du prétendu « pillage colonial »…
L'Afrique Réelle :Chez Jules Ferry, et vous développez ce point essentiel, il y eut également une attitude idéologique.
Bernard Lugan :Oui, car l’impérialisme de Jules Ferry reposait sur deux pieds, l’économie et la philosophie, comme il l’exposa très clairement le 28 juillet 1885, devant les députés en définissant sa doctrine coloniale. Pour lui, l’Empire devait certes offrir un débouché économique et commercial à la France, mais, et peut-être plus encore, la France « patrie des Lumières » se devait de faire connaître aux peuples qui l’ignoraient encore le message universaliste et émancipateur dont elle était porteuse. Toujours dans son célèbre discours du 28 juillet 1885, Jules Ferry ne craignit ainsi pas de déclarer :« Il faut dire ouvertement qu’en effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures ; mais parce qu’il y a aussi un devoir. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ». Or, il faut bien voir qu’à l’exception de Clemenceau et de ses amis, la gauche française partageait la même idée. Ainsi, Albert Bayet, président de la Ligue des droits de l’Homme et dignitaire franc-maçon déclara en 1931, lors du congrès du mouvement qui se tint à Vichy, que la colonisation française était légitime puisqu’elle était porteuse du message des « grands ancêtres de 1789 ». Dans ces conditions, selon lui :« Faire connaître aux peuples les droits de l’homme, ce n’est pas une besogne d’impérialisme, c’est une tâche de fraternité ». Coloniser était donc un devoir révolutionnaire, et Albert Bayet ajouta :« La France moderne, fille de la Renaissance, héritière du XVIIIe siècle et de la Révolution, représente dans le monde un idéal qui a sa valeur propre et qu’elle peut et doit répandre dans l’univers (…) Le pays qui a proclamé les droits de l’homme a, de par son passé, la mission de répandre où il peut les idées qui ont fait sa propre grandeur ».
L'Afrique Réelle : Le paradoxe que vous soulignez est que la droite catholique et monarchiste se soit ralliée à cet idéal révolutionnaire et maçonnique qu’elle combattait pourtant depuis 1789…
Bernard Lugan :Totalement lobotomisée philosophiquement et ayant perdu ses repères doctrinaux, par patriotisme mal compris, et au nom de l’évangélisation des païens, la droite nationaliste et catholique se rallia comme un seul homme à la doctrine coloniale universaliste et révolutionnaire définie par Jules Ferry, donc effectivement aux principes qu’elle combattait depuis 1789. Le responsable de cette capitulation intellectuelle fut le cardinal Lavigerie qui lança la « croisade anti-esclavagiste » et qui, en 1890, par le « toast d’Alger », demanda le ralliement des catholiques à la République. J’explique cela en détail dans mon livre.
L'Afrique Réelle :Il y eut tout de même des exceptions à droite.
Bernard Lugan :Oui, mais essentiellement au sein de la droite légitimiste. Puis, plus tard, Charles Maurras fut le premier à percevoir que la colonisation risquait de provoquer un choc démographique en retour en raison de ses principes universalistes, assimilateurs ou intégrationnistes hérités des idées de 1789. Il exprima cette crainte dans un article de haute élévation intellectuelle intitulé « Qui colonise qui ? » publié dans l’Action française, le 13 juillet 1926, à propos de l’inauguration de la mosquée de Paris.
L'Afrique Réelle :Résultat de la colonisation, la France est donc devenue la « Colonie de ses colonies ». Comment a-t-on pu en arriver là ? 
Bernard Lugan :Plusieurs raisons expliquent cette catastrophe cataclysmique unique dans l’histoire de l’humanité et qui met en grave péril existentiel nos sociétés européennes. D’abord, en amont, l’échec des pays décolonisés, puis l’avidité de certains industriels qui importèrent de la main-d’œuvre à bon marché. Ensuite, la décision criminelle de Giscard-Chirac d’autoriser le regroupement familial, ce qui fit d’une immigration temporaire de travail, une immigration de peuplement. Et enfin le terrorisme « anti-raciste » qui encouragea l’immigration tout en interdisant juridiquement aux Français de s’y opposer, la gauche pensant trouver dans les migrants un électorat de substitution…. L'Afrique Réelle :Voyez-vous une solution à ce naufrage ?
Bernard Lugan :En dehors de la remigration volontaire ou forcée, il n’en existe pas car tout le reste n’est que posture ou illusion. Ceux qui sont au pouvoir depuis des décennies, ainsi que les courants « patriotes » proposent en effet pour résoudre l’insoluble problème du « grand remplacement », les mêmes recettes d’assimilation-intégration qui furent inapplicables dans l’Empire, et les mêmes inutiles impératifs économiques du toujours plus de subventions. Le démographe Jacques Dupâquier a balayé cette utopie quand il écrivait en 2006, et depuis le phénomène s’est encore accéléré, qu’ « il ne faut pas s’imaginer que l’intégration se fera toute seule, bien gentiment ».Or, ce qui a échoué hier en Afrique échouera demain dans les banlieues et dans tous les territoires métropolitains qui connaissent une colonisation de peuplement. Avec en plus, une différence de taille : pour régler le problème, il ne sera pas possible, comme l’avait fait le général de Gaulle, d’y procéder par amputation territoriale. L’avenir s’annonce donc lourd d’orages et les générations européennes futures devront choisir entre trois options, à savoir la soumission progressive, la partition territoriale donc l’exil intérieur, et la Reconquête.Mais rien ne pourra être entrepris sans un préalable qui est l’élimination de l’idéologie culpabilisatrice reposant sur le mythe incapacitant du « pillage colonial ». Puisse ce livre contribuer à cette purge salvatrice.
Ce livre est uniquement disponible via L'Afrique RéellePour le commander, cliquer ici.
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Aux origines de l’échec français au Sahel

dim, 06/02/2022 - 22:20
L’échec de la France au Sahel était prévisible. Les lecteurs de ce blog et les abonnés à l’Afrique Réelle savent que depuis 2011, je n’ai cessé d’en expliquer les raisons largement développées dans mon livre Les guerres du Sahel desorigines à nos jours.
Ce naufrage politique et non militaire est dû à six principales causes :
1) Corsetés par leur idéologie, les responsables français considèrent que l’enraciné et légitime droit des Peuples doit s’effacer devant les nuées des « droits de l’Homme », les chimères de la « bonne gouvernance » ou l’éthéré postulat du « vivre ensemble », idéologies inadaptées au Sahel où elles amplifient les problèmes.
2) Ces mêmes décideurs français ont privilégié les analyses économiques et sociales en s’accrochant au mirage du « développement ». Selon leur présupposé universaliste, les Africains étant des Européens pauvres à la peau noire, les recettes qui avaient marché en Europe ne pouvaient, selon eux, qu’être transposables aux Afriques. Funeste illusion et coupable aveuglement…
3) Ils ont superbement ignoré l’histoire et les réalités ethniques, oubliant les sages recommandations faites en 1953 par le Gouverneur de l’AOF : « Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte ».
4) Sans mémoire et sans culture historique régionale, les décideurs français n’ont pas vu qu’à la fin du XIXe siècle, la colonisation eut deux conséquences contradictoires. Elle libéra les sudistes de la prédation nordiste, mais, en même temps, elle rassembla victimes et bourreaux dans les mêmes limites administratives.
5) Ces mêmes responsables français n’ont pas davantage vu que dans la décennie 1960, avec les indépendances, les délimitations administratives de l’ancienne AOF devenues frontières d'Etats, s’étaient transformées en autant de prisons de peuples. Or, à l'intérieur de ces artificielles frontières, comme ils sont les plus nombreux, les lois de l’ethno-mathématique électorale donnent automatiquement le pouvoir aux sudistes. Résultat, au Mali, au Niger et au Tchad, dès les années 1960-1965, les Touareg et les Toubou qui refusaient d’être soumis à leurs anciens tributaires sudistes se soulevèrent.
6) Les irresponsables qui définissent la politique africaine de la France n’ont pas davantage compris que le Sahel est le domaine du temps long où l’affirmation d’une constante islamique radicale est d’abord la surinfection d’une plaie ethno-raciale millénaire que nous ne sommes, et par définition, pas en mesure de refermer.
Alors que la politique africaine de la France aurait dû être confiée à des hommes de terrain héritiers de la « méthode Lyautey » et de l’approche ethno-différentialiste des anciennes « Affaires indigènes », elle a, hélas, été gérée par des « petits marquis » issus des Sciences Po. Insignifiants et prétentieux, ces sectaires enkystés au Ministère de la Défense et aux Affaires Etrangères portent, avec les ministres qui en théorie les dirigent, la terrible responsabilité de l’échec français au Sahel.

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L'Afrique Réelle n°146 - Février 2022

mar, 01/02/2022 - 18:24
Sommaire

Dossier : Burkina Faso : autopsie de la guerre
- Les conséquences du coup d’Etat
- Une guerre qui n’est pas religieuse
- Une guerre aux causes d'abord endogènes

Les idées à l'endroit :
- « Françafrique » : un mythe qui a la vie dure
- Le Sahel face au sentiment antifrançais
- Comment la France est devenue la « colonie de ses colonies »

Editorial de Bernard Lugan
Sahel : et maintenant, que faire ?
Au Sahel, la France s’arc-boute sur l’idéologie démocratique désormais vue en Afrique comme une forme de néocolonialisme. Résultat, après la Centrafrique, elle va être « éjectée » du Mali alors que ses soldats y tombent pour assurer la sécurité de populations abandonnées par leur propre armée... Les incessantes manifestations de Bamako, les convois français bloqués « spontanément » par des civils au Burkina Faso ou au Niger, ainsi que les déclarations enflammées de responsables politiques locaux, appellent donc à un total changement de paradigme qui doit déboucher sur un désengagement rapide.Le fond du problème est que le Mali, le Burkina Faso et le Niger, Etats faillis aux armées incompétentes, accusent la France de « néocolonialisme », alors que ses soldats font la guerre à leur place… Or, si guerre il y a, c’est parce que ces trois pays ont, comme je ne cesse de le dire depuis des années (voir mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours), toujours refusé de prendre en compte les revendications de leurs minorités ethniques, Touareg ou Peul, sur lesquelles se sont opportunément greffés les jihadistes. C’est en effet sur les braises des quatre guerres touareg du Mali qu’ont su souffler ces derniers. Sans parler des humiliations permanentes subies par les pasteurs peul. De toute évidence, le rôle de Barkhane n’était pas de régler ces questions ethno-politiques inscrites dans plusieurs siècles d’histoire. En réalité, ceux qui dénoncent la France ont choisi de le faire afin de flatter leurs opinions publiques. Nous sommes en présence d’une entreprise de défausse rendue d’autant plus facile que l’accusation de néo-colonialisme est toujours prompte à échauffer des esprits gangrenés par la rente mémorielle et encouragés par l’ethno-masochisme des élites françaises. Une situation dangereuse pour les populations locales car, de cette dénonciation de la France ne sort aucune proposition, aucune alternative, en dehors d’épanchements de bile momentanés qui font bien rire les mercenaires russes…Voilà donc la France devenue bouc-émissaire permettant aux élites locales qui ont systématiquement pillé leurs pays respectifs de cacher six décennies de corruption, de détournements, d’incapacité politique, en un mot d’incompétence. Regardons la réalité en face :- Est-ce la faute de la France si, au Mali, au Burkina Faso et au Niger, le désastre est total, si les crises alimentaires sont permanentes, si l'insécurité est généralisée et si la pauvreté atteint des niveaux sidérants ?- Est-ce la faute de la France si les armées locales s’enfuient devant les groupes armés après avoir pillé ceux qu’elles étaient censées protéger ?Face au ressentiment antifrançais, l’urgence est donc de laisser les faillis face à leurs responsabilités. D’autant plus que la « françafrique » est un fantasme, la France n’ayant, ni économiquement, ni stratégiquement, ni politiquement, de véritables intérêts dans la région. 
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Nouveau livre de Bernard Lugan : Comment la France est devenue la colonie de ses colonies

mar, 25/01/2022 - 08:58
























Présentation
Dans ses colonies, la France a construit 220 hôpitaux dans lesquels soins et médicaments étaient gratuits, 50 000 kilomètres de routes bitumées, 18 000 kilomètres de voies ferrées, 63 ports, 196 aérodromes, des centaines de barrages, de ponts, de centrales électriques, des milliers d’écoles, de dispensaires, de maternités, de conduites d’eau, de fermes modèles, de bâtiments divers, etc.Cette entreprise titanesque fut intégralement payée par les impôts et l’épargne des Français. Elle coûta à la France 22 % de toutes ses dépenses sur fonds publics.Entre 1946 et 1956, alors que la décolonisation était en marche, l’Etat français dépensa encore, pour la seule construction d’infrastructures coloniales, l’équivalent de 30,29 milliards d’euros supplémentaires.Quant à l’Algérie, de 1950 à 1960, elle engloutit à elle seule 20 % du budget de l’Etat Français. Des sommes colossales qui auraient pu être utilisées à moderniser la métropole.Et l’on ose nous parler de « pillage colonial » en « réparation » duquel, dans une volonté d’expiation de « crimes » imaginaires, les Français sont aujourd’hui sommés, non seulement d’accepter, mais plus encore, d’intégrer une déferlante migratoire qui, selon la formule parlante d’Edouard Herriot, a fait de la France la « colonie de ses colonies ».Remettre à l’endroit l’histoire de la colonisation était donc une nécessité afi n de donner aux résistants de la pensée les arguments qui leur permettront de combattre l’entreprise de déconstruction historique à laquelle se livrent des groupes de pression aux méthodes totalitaires.

IMPORTANT : CE LIVRE EST UNIQUEMENT DISPONIBLE VIA L'AFRIQUE RÉELLE
Prix : 27€
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Le covid en Afrique : un petit rhume ?

jeu, 06/01/2022 - 15:22
Le centre épidémiologique Epicentre rattaché à (MSF) Médecins Sans Frontières, a publié en date du 28 décembre 2021 un article intitulé « Covid-19 en Afrique : le virus circulerait plus qu’annoncé » et, en sous-titre « L’épidémie de Covid 19 a-t-elle été sous-estimée ? »

Ces deux titres « alarmistes » cachent l’intérêt principal de l’article qui est de ramener le « fléau du siècle » à sa juste réalité. Du moins en ce qui concerne l’Afrique où les dévastations annoncées ne se sont pas produites puisque les cas officiels de Covid, y sont particulièrement bas. Un mystère compte tenu de sa contagiosité et du très faible taux de vaccination.

Aussi, afin de tenter de comprendre cette exception africaine, plusieurs études ont été réalisées sur la séroprévalence, ce marqueur infaillible permettant de comptabiliser le nombre de sujets ayant, à un moment ou à un autre, été en contact avec le, ou les, virus du Covid.

L’étude qui a été menée dans six pays, le Mali, le Niger, le Kenya, le Soudan, la RDC et le Cameroun a ainsi permis à ses auteurs d’établir que le pourcentage de personnes asymptomatiques, c’est-à-dire qui n’éprouvent aucun symptôme, est très élevé. Ainsi, selon les analyses de séroprévalence, 42% des Nigériens ont été infectés à un moment ou à un autre par le, ou les, covid, et cela, sans ressentir le moindre symptôme alors que le taux national officiel est de 0,02% malades. Au Mali, les rapports sont de 25% et de 0,07%, et au Soudan de 34% et de 0,08%.

L’étude balayant une volonté des autorités de camoufler les vrais chiffres de malades, l’explication est potentiellement triple :

1) N’ayant aucun symptôme, les ressortissants de ces pays ne vont pas se faire dépister.

2) Le virus circule d’une manière très importante, mais souterraine, et sans provoquer de formes graves. Sauf, comme en Europe, chez les personnes à risque, les jeunes y étant peu sensibles. Or, la population africaine est jeune. Dans ces conditions, écrit le rapport, « Au Niger il n’est peut-être pas nécessaire de vacciner toute la population, dont la moyenne d’âge est de 15 ans ». D’autant plus que l’étude nous apprend que 42% de la population est désormais immunisée puisqu’elle a été en contact avec le virus…

3) A travers ce qu’écrivent les auteurs, mais sans qu’ils le disent ouvertement, en Afrique, l’immunisation naturelle de la population semblant donc être une réalité,peut-il en être de même en Europe ? Voilà qui mériterait une nouvelle étude. 
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L'Afrique Réelle n°145 - Janvier 2022

mar, 04/01/2022 - 16:52
Sommaire

Dossier : L’année 2021 en Afrique : bilan et perspectives pour 2022

Dossier : Les guerres africaines d'hier permettent de comprendre celles d'aujourd'hui et de prévoir celles de demain- Est-il possible de prévoir les conflits africains de demain ?
- Les guerres anciennes
- Les guerres africaines depuis les indépendances
- Les causes des conflits africains : droit des Peuples ou droits de l’Homme ?


Editorial de Bernard Lugan

Libye : les nuées démocratiques face aux réalités

En Libye, les élections du 24 décembre 2021 ont été annulées et « reportées ». Les naïfs avaient assuré qu’elles allaient permettre de refermer la parenthèse de chaos ouverte en 2011 par un Nicolas Sarkozy bien mal inspiré par BHL. Un échec de plus pour la bien-pensance démocratico-occidentale. Depuis 2011, refusant de prendre en compte les réalités humaines, cette dernière prétend en effet reconstruire la Libye autour d’un préalable électoral incompatible avec le système politico-tribal. D’où une impasse reposant sur quatre grandes erreurs :
1) Le postulat de l’existence de la nation libyenne
Or, il n’existe pas d’identité libyenne. La constante historique est ici la faiblesse du pouvoir par rapport aux tribus. Les bases démographiques des groupes tribaux ont certes glissé vers les villes, mais les liens tribaux ne se sont pas distendus pour autant. Groupées en (alliances ou confédérations), les tribus ont leurs propres règles internes de fonctionnement qui ne coïncident pas avec la démocratie occidentale individualiste fondée sur le « One man, one vote ».
2) Ne pas avoir vu que le colonel Kadhafi avait fondé son pouvoir sur l'équilibre entre les trois grandes confédérations libyennes.
Or, le colonel éliminé, ces dernières ont repris leur autonomie par rapport au pouvoir central.
3) Avoir privilégié les politiciens rentrant d’exil et négligé les vraies forces du pays
Or, adoubés par les Occidentaux, ces politiciens ne représentent qu’eux-mêmes et non les vraies forces du pays qui sont les tribus. Le 14 septembre 2015, le Conseil suprême des tribus de Libye avait déclaré à ce sujet que seul le fils du colonel Kadhafi, Seif al-Islam était habilité à parler en son nom.
4) Avoir imposé le préalable électoral avant de reconstruire l’Etat
Or, la priorité n’est pas électorale. Comme après 1945, il fallait établir un nouveau pacte social en partant du réel tribal et régional. Tout au contraire, corsetés par leur idéologie, les Occidentaux ont postulé que des élections allaient permettre de dégager un consensus « national_» entre les factions libyennes. En 2012 et en 2014, trois élections furent alors organisées au forceps et elles permirent d’élire un Congrès général, une Assemblée constituante, puis une Chambre des représentants. Au mois d’août 2014, menacée par les milices, cette dernière se réfugia à Tobrouk, en Cyrénaïque. Au lieu de créer un consensus, ces trois élections ont tout au contraire accentué les divisions locales, élargi le fossé entre Tripolitaine et Cyrénaïque et provoqué une guerre civile à l’intérieur de la guerre civile, surtout en Tripolitaine. Avec pour résultat, une guerre de tous contre tous sans issue, ponctuée d’accords internationaux jamais appliqués sur le terrain, et enfin l’immixtion de la Russie et de la Turquie.Aujourd’hui, et plus que jamais, la Libye étant coupée en deux, l’on voit mal autrement qu’à travers un système confédéral, il serait possible de ramener la Cyrénaïque et les Tripolitaines à s’inventer un destin commun. Mais la « communauté internationale » s’obstine à exiger que la date des élections soit fixée…
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Orages de papier : Bernard Lugan dit tout !

jeu, 30/12/2021 - 20:57
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Les causes de l’échec politique de la France au Sahel

sam, 18/12/2021 - 18:40
Au Sahel, dix ans après l’accueil triomphal fait aux forces françaises, et après que 52 des meilleurs enfants de France soient tombés pour défendre des Maliens préférant émigrer en France plutôt que se battre pour leur pays, les manifestations anti-françaises se succèdent. Les convois militaires circulent désormais sous les insultes, les crachats et les jets de pierre. Sur l’axe routier partant de la Côte d’Ivoire, la situation devient à ce point difficile que la question du ravitaillement de Barkhane commence à se poser. Fin novembre 2021, au Niger, après la mort de plusieurs manifestants qui avaient bloqué un convoi militaire français, le gouvernement nigérien a mis en accusation Barkhane… La stratégie française de redéploiement au Niger des forces jusque-là stationnées au Mali va donc relever de l’équilibrisme…
La situation régionale est à ce point dégradée que, par crainte de manifestations, le président Macron vient de renoncer à se rendre sur place afin d’y rencontrer les responsables régionaux. Peut-être se rendra-t-il uniquement sur une emprise militaire pour fêter Noël avec une unité française.

Pourquoi un tel désastre politique? Après nous être auto-chassés de Centrafrique par l’accumulation de nos erreurs, allons-nous donc connaître un nouvel et humiliant échec, mais dans la BSS cette fois ?

Comme je ne cesse de le dire et de l’écrire depuis des années, et comme je le démontre dans mon livre Les Guerres du Sahel des origines à nos jours, les décideurs français, ont dès le départ fait une fausse analyse en voyant le conflit régional à travers le prisme de l’islamisme. Or, la réalité est différente car l’islamisme est d’abord la surinfection de plaies ethno-raciales millénaires qu’aucune intervention militaire n’est en mesure de refermer.

Au nord, il s’agit de la résurgence d’une fracture inscrite dans la nuit des temps, d’une guerre ethno-historico-économico-politique menée depuis 1963 par les Touareg. Ici, la solution du problème est détenue par Iyad Ag Ghali, chef historique des précédentes rebellions touareg. Depuis 2012, je n’ai cessé de dire qu’il fallait nous entendre avec ce chef Ifora avec lequel nous avions des contacts, des intérêts communs, et dont le combat est d’abord identitaire. Or, par idéologie, par refus de prendre en compte les constantes ethniques séculaires, ceux qui définissent la politique africaine française ont considéré tout au contraire qu’il était l’homme à abattre… Le président Macron a même plusieurs fois ordonné aux forces de Barkhane de l’éliminer et cela, jusqu’à dernièrement, au moment où les autorités de Bamako, négociaient directement avec lui une paix régionale…Déjà, le 10 novembre 2020, Bag Ag Moussa, son lieutenant, avait été tué par une frappe aérienne.

Le conflit du sud (Macina, Liptako, région dite des « Trois frontières » nord et est du Burkina Faso), a lui aussi des racines ethno-historiques résultant de la confrontation séculaire entre Peul et diverses populations sédentaires. A la différence du nord, deux guerres très différentes s’y déroulent. L’une est l’émanation de larges fractions Peul conjoncturellement regroupées sous le drapeau d’AQMI (Al-Quaïda pour le Maghreb islamique). L’autre est effectivement d’abord religieuse et elle est menée par l’Etat islamique l’EIGS (Etat islamique dans le Grand Sahara). L’EIGS a pour objectif la création dans toute la BSS (Bande sahélo-saharienne), d’un vaste califat trans-ethnique remplaçant et englobant les actuels Etats. Tout au contraire, les chefs régionaux d’AQMI qui sont des ethno-islamistes, ont des objectifs d’abord locaux et ils ne prônent pas la destruction des Etats sahéliens.

Avec un minimum d’intelligence tactique, en jouant sur les rapports de force régionaux et ethniques, la question du nord Mali pouvait être rapidement réglée, ce qui aurait permis un rapide désengagement permettant d’opérer la concentration de nos moyens sur la région des « 3 frontières », donc contre l’EIGS[1]. Or, à l’inverse de ce que préconisaient les chefs militaires de Barkhane, Paris s’obstina dans une stratégie « à l’américaine », « tapant » indistinctement les GAT (Groupes armées terroristes), et refusant toute approche « fine »… « à la Française »...comme nos anciens l’avaient si bien réussi en Indochine et en Algérie. Le fond du problème est que, pour les dirigeants français, la question ethnique est secondaire ou même artificielle, quand elle ne relève pas, selon eux, du romantisme colonial...
 
Le dernier et caricatural exemple de l’aveuglement idéologique, fut la réaction de Paris face au coup d’Etat du colonel Assimi Goïta qui s’est produit au Mali au mois d’août 2020. Au nom de la démocratie, de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit, notions relevant ici du surréalisme politique, la France a coupé les ponts avec l’ancien commandant des Forces spéciales maliennes dont la prise de pouvoir était pourtant une chance pour la paix. Ayant par ses fonctions une juste appréciation des réalités du terrain, ce Minianka, branche minoritaire du grand ensemble sénoufo, n’avait en effet de contentieux historico-ethnique, ni avec les Touareg, ni avec les Peul, les deux peuples à l’origine des deux conflits du Mali. Il ouvrit donc des négociations avec Iyad Ag Ghali, ce qui ulcéra les décideurs parisiens. Englués dans leurs a priori idéologiques, ces derniers ne prirent pas la mesure du changement de contexte qui venait de s’opérer, et ils continuèrent à parler de refus de « négocier avec le terrorisme ». Prenant pour prétexte ce coup d’Etat, Emmanuel Macron décida de replier Barkhane, ce qui fut compris comme un abandon. Et, pour achever le tout, Bamako ayant demandé l’aide de la Russie, la France menaça, ce qui fut dénoncé comme étant du néo-colonialisme….

Reposant sur un refus obstiné de prise en compte des réalités du terrain, cette accumulation d’erreurs a donc conduit à une impasse. Désormais, la question est de savoir comment en sortir sans danger pour nos forces. Et sans que notre départ ouvre la porte à un génocide qui nous serait reproché. Pour mémoire, au Rwanda, c’est parce que l’armée française s’était retirée qu’il y eut génocide, car, si les forces du général Kagamé n’avaient pas exigé leur départ, ce génocide n’aurait en effet pas eu lieu.

Quatre grandes leçons doivent être tirées de ce nouvel et cuisant échec politique africain :

1) L’urgente priorité étant de savoir ce que nous faisons dans la BSS, il nous faut donc définir enfin, et très rapidement, nos intérêts stratégiques actuels et à long terme afin de savoir si oui ou non, nous devons nous désengager, et si oui, à quel niveau, et sans perdre la face.

2) A l’avenir, nous ne devrons plus intervenir systématiquement et directement au profit d’armées locales que nous formons inlassablement et en vain depuis la décennie 1960 et qui, à l’exception de celle du Sénégal et de la garde présidentielle tchadienne, sont incompétentes. Et si elles le sont, c’est pour une simple raison qui est que les Etats étant artificiels, aucun véritable sentiment patriotique n’y existe.

3) Il faudra privilégier les interventions indirectes ou les actions rapides et ponctuelles menées à partir de navires, ce qui supprimerait l’inconvénient d’emprises terrestres perçues localement comme une insupportable présence néocoloniale. Une redéfinition et une montée en puissance de nos moyens maritimes projetables serait alors nécessaire.

4) Enfin et d’abord, nous devrons laisser l’ordre naturel africain se dérouler. Cela implique que nos intellectuels comprennent enfin que les anciens dominants n’accepteront jamais que, par le jeu de l’ethno-mathématique électorale, et uniquement parce qu’ils sont plus nombreux qu’eux, leurs anciens sujets ou tributaires soient maintenant leurs maîtres. Cela choque les conceptions éthérées de la philosophie politique occidentale, mais telle est pourtant la réalité africaine.
 
Depuis plus d’un demi-siècle, en Afrique, l’obsession occidentale des droits de l’homme conduit aux massacres, l’impératif démocratique provoque la guerre et les élections débouchent sur le chaos. 
Plus que jamais, il importe donc de méditer cette profonde réflexion que le Gouverneur général de l’AOF fit en 1953 : « Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte »… En un mot, le retour au réel et le renoncement aux nuées.
[1] L’on pourra à ce sujet se reporter à mon communiqué en date du 24 octobre 2020 intitulé « Mali : le changement de paradigme s’impose ».
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L'Afrique Réelle n°144 - Décembre 2021

mer, 01/12/2021 - 10:24
Sommaire
  
Actualité
  
- Afrique du Sud : Analyse des élections municipales du mois de novembre 2021
- Algérie-Maroc : La dangereuse fuite en avant de l’Algérie
- Ethiopie : La guerre du Tigré et les menaces du démembrement de l’Ethiopie


Editorial de Bernard Lugan

Dans ce dernier numéro de l’année 2021, trois dossiers d’actualité sont traités.1) En Afrique du Sud, les élections municipales qui se sont déroulées le lundi 1er novembre 2021 ont marqué à la fois la fin de la domination absolue de l’ANC sur la scène politique du pays, et l’émergence de nouvelles forces ethniques ou catégorielles. Certes, l’ANC reste le premier parti,  mais son déclin s’accélère car il passe de quasiment 70% des voix en 2011 à 46% en 2021. Le parti de Nelson Mandela paie le prix de ses prévarications, de sa gestion calamiteuse, de son incapacité à assurer la sécurité, et des luttes internes entre ses factions affairistes, clientélistes, ethniques et racialistes. 2) Entre l’Algérie et le Maroc, la crise s’exacerbe chaque jour un peu plus sur fond de course aux armements. Alors que le Maroc se tient sur la réserve, l’Algérie souffle sur le feu. Après avoir unilatéralement rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, puis après avoir interdit son espace aérien aux avions civils marocains et mis un terme au projet de gazoduc à destination de l’Espagne transitant par le Maroc, le discours guerrier algérien est encore monté d’un niveau après la destruction de deux camions algériens par un drone marocain. Que cherche donc Alger en jouant aussi dangereusement avec le feu ? La réponse est claire : l’Algérie est économiquement en faillite et politiquement au bord du précipice avec une jeunesse qui n’a plus qu’un seul espoir, la migration vers l’Europe… Quant à l’armée dont 30 généraux sont ou ont été emprisonnés, elle est divisée en clans qui se haïssent. Le « Système » est donc aux abois et c’est pour retarder l’inévitable implosion qu’il s’est engagé dans une fuite en avant nationaliste qui lui sert de stratégie de survie. 3) En Ethiopie, en raison des apparentements ethniques transfrontaliers, la guerre qui oppose actuellement l’armée éthiopienne aux sécessionnistes du Tigré, rejoints par plusieurs forces ethniques opposées au gouvernement central est une menace gravissime pour la stabilité de toute la Corne. Le fond du problème, et les abonnés à l’Afrique Réelle le savent, est que les Tigréens qui sont à l’origine de l’Ethiopie, et qui, en 1991 ont sauvé le pays, n’acceptent pas  l’ethno-mathématique électorale qui les condamne à se trouver sous la tutelle de leurs anciens vassaux au seul motif que ces derniers sont électoralement plus nombreux qu’eux. Comme partout ailleurs en Afrique, le système démocratique occidentalo-centré du « one man, one vote » a donc débouché sur le chaos. Un chaos amplifié par l’intransigeance guerrière du Premier ministre Abiy Ahmed… prix Nobel de la Paix 2019…
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Bernard Lugan présente ses Nouvelles incorrectes

dim, 14/11/2021 - 20:09
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La Première Guerre mondiale ne s’est pas terminée le 11 novembre, mais le 25 novembre 1918, en Afrique orientale allemande

mer, 10/11/2021 - 18:25
C’est en effet le 25 novembre 1918, soit 14 jours après la signature de l’Armistice du 11 novembre, que les derniers combattants allemands déposèrent les armes. Loin des fronts d’Europe, en Afrique orientale, où, commandés par le général Paul-Emil von Lettow-Vorbeck, ces irréductibles invaincus avaient résisté quatre ans durant à 300 000 Britanniques, Belges, Sud-africains et Portugais. 
Au mois d’août 1914, à la déclaration de guerre, l‘Afrique orientale allemande (actuelle Tanzanie moins l’île de Zanzibar, plus le Burundi et le Rwanda), était défendue par la Schutztruppe composée de 216 officiers et sous-officiers allemands ainsi que de 2540 askaris africains. La mobilisation des réservistes, colons et fonctionnaires, porta le contingent à 2500 Allemands ultérieurement renforcés par les 322 marins du Königsberg et les 102 de la Môwe. Au plus fort de ses effectifs, von Lettow-Vorbeck disposa de 60 compagnies d'infanterie et de deux compagnies montées, chacune d'entre elles à effectif de 200 askaris, soit environ 3000 Allemands et 12 000 askaris.
 
Von Lettow-Vorbeck organisa le mouvement de sa troupe à partir de deux voies ferrées. L’une, au nord, le Nordbahn, courait le long de la frontière du Kenya ; l’autre le Zentralbahn, traversait toute la colonie, reliant l'océan Indien au lac Tanganyika sur lequel se déroulèrent de furieuses batailles navales. Dans un premier temps, ces deux voies ferrées  permirent aux Allemands de déplacer rapidement leurs compagnies, de faire face aux offensives ennemies, et de lancer des contre-attaques, notamment au Kenya, afin de couper la ligne ferroviaire anglaise reliant l’océan indien au lac Victoria.
Entre le Kilimandjaro et l'océan Indien, les Allemands eurent initialement l'avantage. Aussi, comme ils ne parvenaient pas à enrayer leur offensive, les Britanniques opérèrent un débarquement sur leurs arrières afin de contraindre von Lettow-Vorbeck à combattre sur deux fronts à la fois. Le 3 novembre 1914, à Tanga, dans l’extrême nord du territoire allemand, une flotte de 16 navires anglais mit ainsi à terre un corps de débarquement fort de 6500 hommes. Cependant, menée  par moins d’un millier d’Allemands, la contre-attaque fut foudroyante et le 5 novembre, les Britanniques rembarquèrent, abandonnant des centaines de prisonniers et une quantité considérable de matériel.
 
Dans la seconde moitié de l’année 1915, la disproportion des forces en faveur des Britanniques fut telle que la steppe du Serengeti devint indéfendable. Von Lettow-Vorbeck qui ne pouvait pas recevoir de renforts changea alors de tactique. Les coups de main ou les brutales et brèves contre-attaques remplacèrent les assauts frontaux, ce qui lui permit de harceler l'ennemi tout en évitant de s'épuiser contre ses énormes réserves. La guérilla d'Afrique-Orientale débuta alors pour ne s'achever qu'en novembre 1918.
 
Ayant face à lui des dizaines de milliers de Britanniques, de Sud-Africains, de Belges et bientôt de Portugais, von Lettow-Vorbeck retraita lentement vers le sud, d’une manière parfaitement organisée et contrôlée, tout en lançant de puissantes contre-attaques. Au mois de novembre 1917, il envahit le Mozambique portugais. Durant neuf mois, il y nomadisa, y enchaînant les victoires, dont celles de Ngomano et de Namacurra qui lui permirent de réapprovisionner et de rééquiper totalement la Schutztruppe en armement moderne.
 
Au mois de septembre 1918, menacé par une vaste offensive anglo-portugaise, il se déroba une nouvelle fois et retourna en territoire allemand, passant au travers des lignes alliées, laissant une fois de plus ses adversaires médusés. Comme l’écrivit le commandant en chef britannique « Il y a toujours trois routes ouvertes à l’ennemi et von Lettow-Vorbeck prend d’ordinaire la quatrième ».
 
A ce stade de la guerre, ayant laissé ses blessés et ses malades dans des hôpitaux de campagne, ayant renoncé à son ravitaillement et à son artillerie, avec 200 Allemands et 2000 askarisencore en état de combattre, il continua à livrer bataille, se payant même le luxe d’envahir la colonie britannique de Rhodésie. Certains de ses lieutenants lui proposèrent alors de traverser le continent jusqu’au Sud-Ouest africain occupé par l’armée sud-africaine… et de marcher sur l’Afrique du Sud pour y soulever les Boers qui attendaient leur revanche sur les Anglais… Mais, le 13 novembre 1918, par l’interception d’une estafette motocycliste anglaise, von Lettow-Vorbeck apprit qu’un armistice avait été signé en Europe.
Sur ordre de Berlin, il fut alors contraint de cesser le combat. Mais, comme pour lui, il n’était pas question de reddition ou de capitulation, il négocia pied à pied avec le commandement britannique auquel il déclara qu’il avait encore les moyens de combattre durant deux années. Les Britanniques acceptèrent ses conditions, à savoir une remise des armes et non une capitulation, les Honneurs militaires, le droit pour les officiers de conserver leurs armes, le non-internement et le rapatriement rapide en Allemagne. Quant aux askaris et aux porteurs, ils devaient être payés par les Britanniques et autorisés à retourner dans leurs foyers.
 
Finalement, le 25 novembre 1918 au matin, à Mbaala, dans la région d’Abercorn, en Rhodésie du Nord, l’actuelle Zambie, alors que l'armistice avait été signé 14 jours auparavant, une colonne allemande se rangea face à l'Union Jack hissé sur un mât de fortune. Derrière le Dr Schnee, gouverneur de l'Est africain allemand et le général von Lettow-Vorbeck, commandant en chef, 155 Allemands, officiers, sous-officiers, rappelés et volontaires, ainsi que 1156 askariset 1598 porteurs se formèrent en carré face aux forces britanniques qui leur rendirent les Honneurs. Durant quatre années, conduits par un chef de guerre exceptionnel, ces survivants avaient résisté à 300.000 soldats britanniques, belges, sud-africains et portugais commandés par 130 généraux, après leur avoir tué 20.000 hommes et leur en avoir blessé 40.000.
 
Durant ces années, plusieurs fois atteint par les fièvres, quasiment laissé pour mort, von Lettow-Vorbeck ne s’était jamais découragé. Il avait reçu la croix de l’ordre « Pour le Mérite » le 18 août 1916, puis, en 1917 après sa grande victoire de Mahiwa, la « Croix pour le Mérite  avec Feuilles de Chêne ». Le 20 octobre 1918, dernier officier général promu par le Kaiser Guillaume II, il fut nommé général (GeneralMajor). Durant toute la campagne d’Afrique, une solide fraternité d’armes unit Allemands et askaris, ces derniers vouant une véritable dévotion à un chef qu’ils admiraient et auquel ils avaient donné le nom de Bwana mukubwa ya akili mingi  (le grand homme qui peut tout).
 
Rapatriés en Europe par les Britanniques, les survivants allemands de l’épopée de l’est africain ne tardèrent pas à écrire une autre page d’histoire, elle aussi peu connue. Le 2 mars 1919, acclamés par une foule en liesse, par la porte de Brandebourg et la Pariser Platz, ils firent une entrée triomphale à Berlin. A leur tête le général Paul von Lettow-Vorbeck se tenait à cheval coiffé de son célèbre chapeau colonial à bord redressé orné de la cocarde impériale.
Paul von Lettow-Vorbeck fut ensuite intégré comme Brigadier général dans la nouvelle armée allemande de 100.000 hommes. Le 1er juillet 1919, sur ordre du gouvernement, il écrasa le soulèvement communiste de Hambourg à la tête d’un corps de volontaires, le  « Lettow-Korps ». Ce même mois de juillet, il fut nommé Commandant de la 10° Brigade d’Infanterie. En 1920, il prit part au putsch Kapp-Luttwitz, et après son échec, le 15 mai 1920, il fut mis à la retraite sans solde, cependant que nombre de membres du « Lettow-Korps » partaient rejoindre les corps-francs du Baltikum.
Personnage légendaire, le général Paul-Emil von Lettow-Vorbeck devrait, aujourd’hui, être honoré en Allemagne. Mais le politiquement correct particulièrement virulent dans un pays littéralement étranglé par ses complexes existentiels, a fait qu’à Wuppertal, Brême, Cuxhaven, Mönchenglabad, Halle, Radolfzell et même à Graz, en Autriche, les rues portant son nom ont été débaptisées. En 2010, le conseil municipal de Sarrelouis, sa ville natale, avait fait de même avec l’avenue von Lettow-Vorbeck. Quant aux quatre casernes de la Bundeswehr qui, à Brême, à Bad Segeberg, à Hambourg-Jenfeld et à Leer, portaient son nom, elles furent débaptisées pour recevoir ceux de  déserteurs, de militants communistes ou anti-militaristes (!!!).  
Mais, loin des petitesses de la nouvelle Allemagne, là-bas, en Afrique, entre le Kilimandjaro et la Rovuma, de Tanga à Kigoma et de Tabora à Ruhengeri,  la grande ombre du Bwana mukubwa ya akili mingi, flotte encore dans les notes lointaines mais de plus en plus étouffées des fifres et des caisses plates… Heia Safari !
  Cette épopée illustrée de très nombreuses cartes et photographies originales est racontée dans mon livre Heia Safari ! Général von Lettow-Vorbeck, du Kilimandjaro auxcombats de Berlin (1914-1920)
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