China hat unter der neuen Führung eine Reihe außenpolitischer und außenwirtschaftlicher Initiativen gestartet, die weit über die eigene Region hinausweisen. Die US-Regierung steht den chinesischen Plänen ablehnend gegenüber und sieht vor allem die von China angestoßenen Finanzinstitutionen als Herausforderung für die etablierten und westlich dominierten Einrichtungen. China dagegen argumentiert, es handle sich um sinnvolle und wichtige Ergänzungen der bestehenden Architektur. Die europäischen Staaten schlossen sich der Haltung der USA nicht an, viele wurden Gründungsmitglieder der Asiatischen Infrastrukturinvestitionsbank (Asian Infrastructure Investment Bank, AIIB). Chinas übergreifende Vision der »neuen Seidenstraßen« über Land und See zielt auf eine Integration Asiens und Europas durch Infrastrukturnetzwerke und erfordert daher ebenfalls eine Positionierung von europäischer Seite. Um zu einer besseren Abstimmung untereinander zu kommen als im Falle der AIIB, müssen EU und europäische Staaten die wirtschaftlichen und politischen Dimensionen der chinesischen Initiativen im Gesamtzusammenhang diskutieren und bewerten.
Nilüfer Göle est sociologue et directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris). Elle répond à mes questions à l’occasion de la parution de son dernier ouvrage « Musulmans au quotidien : une enquête européenne sur les controverses autour de l’islam », aux éditions la découverte.
Votre enquête veut donner la parole aux « musulmans ordinaires » sur lesquels se focalisent les controverses, mais qui sont absents des débats médiatiques. Comment expliquer cela ?
Il y a une focalisation médiatique sur l’islam sans donner la voix aux musulmans, en ignorant les visages multiples. Les controverses autour de l’islam présentent une occasion pour nos sociétés de confronter la différence islamique, de débattre des normes séculières et religieuses, de familiariser l’un avec l’autre. Mais, très souvent, l’hypermédiatisation empêche l’exploration de la multiplicité des points de vue, la possibilité d’échange, et reproduit des oppositions binaires, des représentations simplistes et caricaturales d’autrui. Les traits de la différence sont constamment agrandis, les personnages à scandales sont sollicités dans les débats médiatiques, tandis que la présence des musulmans « ordinaires », leur insertion au sein de la vie quotidienne dans les pays européens, est désavouée. Les citoyens musulmans ne sont en rien ordinaires, car ils sont « survisibles » comme sujet de controverses, tout en restant inaudibles et invisibles. J’ai voulu renverser la perspective et rendre compte des visages humains et des trajectoires multiples des musulmans de citoyenneté européenne. Pour cela il fallait mettre en place un dispositif de recherche, un « espace public expérimental », créer un lieu d’écoute et d’échange entre gens impliqués ou tout simplement concernés par les controverses autour de l’islam. L’islam est devenu une affaire publique. Cela signifie qu’il devient une affaire de tous et non seulement des musulmans et des migrants. Ces controverses signalent la présence des musulmans dans la vie publique et que l’on se trouve dans une phase post-migratoire.
Selon vous, c’est la conjonction de deux affaires en 1989, celle du foulard en France et la fatwa contre Salman Rushdie, qui ont rendu visible la présence de l’islam en Europe, mais d’une façon très dérangeante. Vit-on encore sous ce double choc ?
Rétrospectivement, on peut dire qu’en 1989 les deux acteurs emblématiques de l’islam en Europe avaient fait leur irruption sur la scène publique. Depuis, le voile des femmes musulmanes d’un côté, et la fatwa de mort de l’autre, désignent le champ shariatique dans lequel nous débattons de la présence des musulmans. Mais, il faut distinguer les deux logiques d’action, les façons de croire bien différentes. Cela devient un enjeu principal aussi bien pour les musulmans que pour la démocratie des pays européens. Ne pas faire l’amalgame entre les actes terroristes, les assassinats ciblés et les pratiques de la croyance ordinaire deviennent une condition sine qua non pour faire société. Or la figure du djihadiste semble occuper tout le terrain aussi bien media et politique qu’académique. L’espace public est dominé par la médiatisation des débats, les régulations juridiques et l’emprise des politiques sécuritaires. C’est l’ordre public qui prime sur la vie de la cité, tout en amenuisant le potentiel démocratique de l’espace public.
Contrairement aux idées reçues, votre livre et votre enquête montrent, en fait, que les musulmans affirment leur citoyenneté. Pouvez-vous préciser ?
En effet, contrairement à ce que l’on pense, l’affirmation de la religiosité ne signifie pas automatiquement une hostilité à l’égard d’autrui, ni un rejet de la citoyenneté. Au quotidien, les musulmans ordinaires cherchent à aller vers autrui, s’investir dans les espaces de vie européens, saisir les opportunités professionnelles, voire artistiques, investir la vie associative, tout en cherchant à affirmer, voir réinventer, leur rapport à la foi. Ainsi on voit l’émergence d’un « islam européen », que l’on ne retrouve pas dans les pays à majorité musulmane. Les musulmans en Europe sont dans un apprentissage de leur citoyenneté en situation minoritaire, dans un environnement séculier et sans pouvoir se projeter dans un Etat islamique. Ils sont moins dans une démarche shariatique et plus à la recherche des « styles de vie halal ». C’est le « certificat halal », le permis de vivre comme une euro-musulmane qu’ils cherchent à obtenir. Les fatwas de mort, les attentats terroristes, font dérailler le parcours et l’avenir de la citoyenneté des musulmans, en confisquant le sens de leur religion. L’initiative citoyenne du mouvement « pas en mon nom » / « not in my name », est une réponse à cette logique djihadiste et rompt avec cette représentation violente de la communauté des croyants. Les musulmans en Europe se trouvent aussi en rapport d’interdépendance avec les citoyens d’autres religions et de confessions. Une chaine humaine créée par les musulmans, autour de la synagogue à Oslo, après les attentats ciblés à Paris et à Copenhague, illustre bien ce genre performatif de la concitoyenneté, produit par les dynamiques européennes.
Invité par les organisateurs à présenter les conclusions de ce colloque passionnant, je me sens à la fois très honoré et très inférieur. Très honoré, parce que le colloque marque le cinquantième anniversaire du Centre de droit international de l'Université libre de Bruxelles, et que nous connaissons la créativité, la vitalité et l'apport à la pensée internationaliste de la doctrine belge. On le sait, la Belgique a toujours été très active et présente sur le plan international. Le fait qu'elle ne soit pas un grand Etat lui donne la distance nécessaire face aux intérêts, aux ambitions, aux passions et aux propagandes des grandes puissances. Elle se projette spontanément dans des espaces matériels et intellectuels qui débordent les cadres restreints d'Etats, si étendus soient-ils, dont l'autisme est la première tentation. En particulier, sa contribution à la construction européenne, comme sur un autre plan à la francophonie, transcende sa dimension géographique. L'apport de ses écrivains, poètes, peintres, musiciens, auteurs de bandes dessinées est immense, et le sujet même de notre colloque souligne l'importance culturelle du pays, culture qui est un grand ressort de l'influence internationale...