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Actualité. Réflexions. Reportages
Updated: 8 hours 27 min ago

[Analyse] Une nouvelle opération maritime au large de la Libye pour contrer les flux de migrants. Est-ce réaliste ?

Sun, 17/09/2023 - 14:30

(B2) C'est la volonté du gouvernement italien affichée par sa première ministre Giorgia Meloni comme son ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani. Voir une opération maritime type Sophia reprendre du galon au large des côtes africaines, de la Libye et Tunisie en particulier.

Briefing interne à Eunavfor Med en août 2015 (photo : EUNAVFOR / Archives B2)

La Commission européenne vient de proposer une série de propositions pratiques (lire : [Actualité] L'Italie appelle l'Europe à l'aide. Le plan en dix points de la Commission. Une nouvelle opération maritime à l'étude). Un sujet que Ursula von der Leyen connait bien, pour avoir été ministre de la Défense au moment de la crise migratoire de 2015-2016 (1).

Sur le papier, l'opération maritime pour contrer les réseaux de trafic de migrants parait être une belle idée. Dans les faits, cette opération a déjà été tentée dans le passé. Il faut donc se rappeler les raisons de l'échec de l'opération Sophia, du moins sous l'angle de la lutte contre la migration illégale, avant de remonter une autre opération qui pourrait connaitre les mêmes difficultés. Et elles sont multiples.

La première d'entre elle est que l'opération Sophia n'a jamais reçu l'autorisation d'aller dans les eaux territoriales libyennes ou tunisiennes, et encore moins dans les ports de ces pays pour bloquer les départs de bateaux. Il n'est pas sûr qu'elle obtienne cette autorisation aujourd'hui de Tripoli comme de Tunis. L'autre solution, d'obtenir une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sous le chapitre VII (avec usage de la force), parait hors de portée (elle se heurterait à un veto russe ou chinois ou les deux à la fois).

Son alternative, une mission menée par Frontex avec des moyens des garde-côtes européens n'a pas la même envergure que les navires militaires, pour des raisons juridiques et pratiques en particulier en haute mer. La taille des navires des garde-côtes n'est pas la même que celle des navires militaires, comme d'intervention de force auprès de navires de trafiquants.

Deuxièmement, elle repose sur une obligation internationale issue du droit de la mer, de recueillir les naufragés en mer et de les amener au plus proche port sûr. En l'espèce, les ports libyens ne sont pas reconnus automatiquement comme sûrs, du moins pour des réfugiés (lire : La Libye n’est pas un pays sûr. Fed. Mogherini joue la franchise). Cela nécessiterait alors de les rapatrier vers un port européen et que leurs demandes d'asile soient traitées comme telle (soit par le pays du port d'arrivée, soit par le pays du pavillon du navire). Une opération maritime ne règlerait pas ainsi l'arrivée de réfugiés ou migrants. En revanche, elle permet de la réguler... et de sauver des vies en mer.

Troisièmement, l'exit strategy de l'opération reposait sur la formation des garde-côtes libyens, en nombre, respectant les normes internationales de droits de l'Homme. Cette stratégie a avorté du fait de l'interruption puis du refus persistant par Tripoli de poursuivre cette formation. La Libye préférant alors l'offre turque jugée moins conditionnée au respect de certaines règles (lire : La formation des garde-côtes libyens : aux mains des Turcs ? Mauvais signal pour les Européens).

Quatrièmement, elle nécessite des moyens. Or, un à un, les États membres ont à l'époque abandonné l'opération Sophia, pour des raisons essentiellement politiques. Débordée, l'Italie (de Giuseppe Conte et Matteo Salvini) refuse le débarquement des personnes recueillies en mer dans ses ports des navires de l'opération. La France et l'Allemagne, notamment (lire : L’Allemagne se retire de l’opération Sophia), suivie par d'autres (Irlande, etc.) décident de ne plus fournir de moyens à l'opération.

Celle-ci finira par tourner à vide... sans navires. L'Autriche et la Hongrie (notamment) lui donnent le coup de grâce refusant que l'opération serve les valeurs qui l'avaient fondées (sauver des vies en mer). Seule l'Espagne se dit prête à mettre un navire dans l’opération Sophia. Un vrai plouf comme nous l'appelions alors (lire : Points de suture pour l’opération Sophia qui repart pour six mois … sans bateaux).

Réussir une nouvelle opération maritime supposerait que ces problèmes soient réglés aujourd'hui. Ce qui est loin d'être le cas...

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire pour mémoire : ‘Ite missa est’ pour l’opération Sophia ?

Un bilan de Sophia non négligeable

Pour mémoire, début 2017, plus de 18 mois après son lancement au printemps 2015, l'opération affiche un bilan qui n'est pas négligeable : 32.000 migrants secourus, 372 navires de trafiquants détruits, 100 suspects remis à la police et justice italiennes pour être jugés. Mais les trafiquants s'adaptent à la nouvelle donne (lire : Méditerranée. Les flux de migrants se renversent, les trafiquants s’adaptent). Et les problèmes demeurent (lire : L’opération Sophia rame. Pourquoi ?).

  1. En 2018 - 2019, Ursula von der Leyen avait fortement critiqué l'attitude de Rome, dirigée par Giuseppe Conte et Matteo Salvini. Le dirigeant de la Lega était alors ministre de l'Intérieur. Lire : Von der Leyen (ministre allemande de la Défense) tâcle l’Italie pour avoir saboté l’opération Sophia (V2)

Le DC9 d’Ustica a été abattu par un avion de chasse français dénonce l’Italien Amato

Sat, 02/09/2023 - 19:12

(B2) L'ancien premier ministre italien  s'est confié en détail ce samedi (2 septembre) dans le quotidien La Repubblica. Il confirme ce qui est un des plus grands mystères de l'aéronautique moderne. L'affaire du DC9 d'Ustica. Un drame côté italien. Un secret bien gardé du côté de l'OTAN, américain comme... français. Giulano Amato demande à la France et au président Macron de faire toute la vérité.

Giuliano Amato en 2007 (Photo : Commission européenne / Archives B2)

Il y a 43 ans, le 27 juin 1980, un peu avant 21h, le vol 870 du DC-9 d'Itavia, parti de Bologne vers Palerme, s'abime en mer dans le nord de la Sicile, près de l'île d'Ustica. Bilan : 81 morts. L'hypothèse d'un tir de missile de forces de l'OTAN a souvent été évoquée, côté italien. Jamais vraiment confirmée, côté américain comme français ou d'autres alliés de l'OTAN. Si l'Italie a mené plusieurs enquêtes, aucune n'a été menée en France. Et toute trace soigneusement dissimulée.

Objectif : tuer Kadhafi

L'ancien premier ministre Giuliano Amato (parti démocrate) pointe selon « la version la plus crédible [...] la responsabilité de l'armée de l'air française, avec la complicité des Américains » et d'autres. Leur objectif : « tuer Kadhafi ». Une accusation déjà portée en son temps par le premier ministre d'alors, le démocrate-chrétien Franciso Cossiga, devenu président ensuite (1). 

Un exercice de l'OTAN en écran de fumée

Pour brouiller les pistes, les alliés ont une idée : « simuler un exercice de l’OTAN, avec de nombreux avions en action, au cours duquel un missile devait être lancé contre le leader libyen. » Un exercice qui est en fait une véritable « mise en scène qui aurait permis de faire passer l’attaque pour un accident involontaire ».

Un missile lancé par un chasseur français

L'objectif des attaquants : viser le Mig où est présumé avoir pris bord Kadhafi de retour de Yougoslavie. Ayant senti le danger de tout ce mouvement dans le ciel, « le pilote du Mig se cache près du Dc9 pour ne pas être touché ». Les chasseurs alliés tirent. « Le missile lancé a fini par toucher le DC9 de l'Itavia ». Les 81 passagers et membres d'équipage décèdent. Ce missile a été « lancé par un chasseur français partant d'un porte-avions au large des côtes sud de la Corse [le Foch] ou de la base militaire de Solenzara, très fréquentée ce soir-là » relate Amato. « La France n'a jamais fait la lumière là-dessus. »

Kadhafi prévenu par Craxi

Un coup pour rien. Les Mig 23 qui ont décollé de Yougoslavie pour retourner en Libye, via le sol italien, étaient à vide. « Kadhafi a été prévenu du danger et n'est pas monté dans son avion. » Selon D'Allema, c'est Bettino Craxi, responsable du parti socialiste italien, alors député européen, lui-même qui a « prévenu Kadhafi du danger qui régnait dans le ciel italien ». Une affirmation qu'il « a apprise » par la suite, « sans preuve » reconnait-il.

Le Mig visé s'écrase aussi

Quant au Mig, il finit aussi par s'écraser. Toutes les évolutions aériennes inattendues ont « provoqué un épuisement du carburant ». Une autre version existe selon laquelle le Mig aurait été touché par le missile français et l'explosion aurait submergé le DC9 « mais cette thèse me convainc moins ».

Le silence opaque

Amato dénonce aussi le silence des Italiens. « Dès le début, les militaires sont restés dans un silence blindé, entravant les investigations », s'en tenant à des versions peu crédibles démenties par les faits, celle de la bombe posée dans l'avion. « Des mensonges ! ». L'OTAN bloque toute information. L'enquête de « Rosario Priore, un très bon juge d'instruction [...] a dû s'arrêter à la porte de l'OTAN ». Quant à la France, elle « n'a jamais fait la lumière » sur son implication.

Le temps de la vérité est venu

Pour Amato, « quarante ans après », le temps est venu de faire la vérité. « Un silence prolongé ne me semble pas être une solution. » Et de demander à Emmanuel Macron « d'enlever la honte qui pèse sur la France ». De deux manières : « soit en démontrant que cette thèse est infondée, soit, une fois sa validité vérifiée, en présentant les plus sincères excuses à l'Italie et aux familles des victimes au nom de son gouvernement ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. La guerre civile fait rage au Tchad voisin, la Libye attisant le conflit entre les différentes factions libyennes (entre Goukouni Weddeye et Hissène Habré notamment) et occupant aussi la bande d'Aouzou au nord du pays. Kadhafi soutient aussi les mouvements terroristes divers. 

Sur le sujet voir aussi le documentaire de Emmanuel Ostian, Capa 2015, diffusé sur Canal Plus

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L’OIIP un think tank autrichien aux méthodes peu ordinaires

Fri, 01/09/2023 - 16:13

(B2) L'Österreichisches Institut für Internationale Politik, l'institut autrichien pour la politique internationale, a publié début décembre sur son site une étude sur la boussole stratégique. Dénommée : The EU Strategic Compass: Challenges and opportunities for Austria (télécharger ici). Étude fort intéressante en soi, publiée dans le cadre d'un « programme de coopération » avec le ministère de la Défense. Puisée aux meilleures sources. Et pour cause !

L'auteur, L. S., a repiqué largement dans les articles et archives de B2 Pro, non seulement les sources primaires (les textes originaux non rendus publics de la boussole ou les communiqués du Conseil), mais aussi nos différentes analyses. Tout cela sur plusieurs pages. Tics de langage et circonvolutions habituelles de B2 compris. Sans citer à aucun moment aucun des articles dont il s'est inspiré, encore moins le site ou ses auteurs. Ni même remercier quelque part B2. Ce qui est non seulement un problème de moralité, mais aussi une infraction grave à toutes les règles prévalant en matière de droits d'auteur, en France, en Autriche ou en Europe.

L'auteur contacté par B2 prétend qu'il n'est « pas au courant » des règles de citation comme de copyright ! Il croyait souscrivant une adhésion à B2 (B2 pro) pouvoir donc "piller" sans scrupules, sans même respecter le droit moral des auteurs à être cité ! Curieux pour un ancien militaire, qui a été conseiller politique à l'ambassade de France de l'OSCE à Vienne, et a commis plusieurs ouvrages, notamment sur le droit des armes.

Quant à l'OIIP, elle a fini par promettre de retirer l'étude de son site (1). Suite à la demande de B2. Sans aucune excuse publique ni correction sur son site, comme c'est la règle. Pire, elle ne veut en aucune façon assumer sa responsabilité, au moins morale et rejette toute la faute sur son chercheur.

Curieuses méthodes pour un think-tank renommé qui prétend à la rigueur scientifique, dans un pays, l'Autriche, où le simple soupçon de plagiat vaut à son auteur une démission quasi-automatique.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. L'étude était toujours accessible malgré tout

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[Analyse] Après le coup d’état au Niger, plusieurs questions se posent

Wed, 30/08/2023 - 11:45

(B2) Faut-il intervenir militairement au Niger ? Faut-il continuer à former des armées africaines qui font des coups d'État ensuite ? Quid des missions de formation européenne sur place ? Les questions sont nombreuses, dérangeantes au besoin. Mais il faut se les poser.

Il n'est pas sûr que les ministres de la Défense et leurs collègues des Affaires étrangères réunis ces 30 et 31 août en réunion informelle à Tolède en Espagne osent aborder toutes ces questions en public. Mais il en sera certainement question dans les couloirs.

1° L'intervention militaire de la CEDEAO est-elle souhaitable ?

Une intervention militaire de la CEDEAO serait extrêmement hasardeuse. Sauf retournement extrême de situation, elle pourrait souder les Nigériens plutôt que les diviser. Miser sur une implosion de la junte est aussi risqué et pourrait laisser le pays dans une situation à la Soudanaise, plus dangereuse en soi que cette prise de pouvoir par les militaires. La victoire est donc loin d'être assurée.

Même une victoire militaire acquise, resterait ensuite à tenir et gérer le pays avec des forces de sécurité et de défense traversées par des mouvements d'opposition et qui pourront trainer des pieds.

Au surplus, une intervention militaire serait une opportunité formidable pour les mouvements terroristes type Daech, Al Qaida et autres qui pourraient mener des offensives risquant d'aboutir, de façon meurtrière, sur plusieurs villes du pays. Le danger n'est pas théorique.

Bref, la voie militaire pour résoudre la crise du Niger apparait comme une voie de tous les dangers.

2° L'intervention de la CEDEAO peut-elle être soutenue par les Européens ?

Si officiellement la CEDEAO bénéficie de l'appui politique des Européens, dans la pratique la situation est bien différente. Et les Européens sont loin d'être aussi décidés et unis. Sont-ils prêts à fournir une aide logistique (transport aérien par exemple) ou en termes de renseignement ? Mise à part la France, aucun pays ne semble disposé à le faire et surtout pas ceux qui ont des troupes sur place (Belgique, Italie, Allemagne). Sont-ils prêts à dire oui à une possible demande de soutien financier de la CEDEAO ? Notamment, via la Facilité européenne pour la paix. Pas sûr du tout.

3° Cette intervention peut-elle être dissuasive ?

Cela semble peu évident. Le coup de force des militaires obéit à des impératifs et mobiles souvent internes (1), comme le prouve le coup de force au Gabon. En revanche, se mettre pieds et poings liés dans les mains des militaires pour solutionner un problème politique est plutôt un risque d'assurer la contagion de coups d'État. Dans les pays prêts à fournir des troupes (Bénin, Guinée-Bissau Côte d'Ivoire, Nigeria, Sénégal ...), qui sera celui où les forces passeront à l'acte demain ?

4° Que faire des missions militaires européennes sur place ?

Sur les cinq missions de formation (EUTM) ou de partenariat militaire (EUMPM) que l'Union européenne a en Afrique, trois d'entre elles (Centrafrique, Mali, Niger) sont en état de suspension sidérale. Elles fonctionnent au ralenti, voire sont officiellement suspendues, du fait soit de coup d'État militaire (Mali, Niger), soit d'une concurrence forte d'autres acteurs (Russie notamment), contrecarrant les plans européens (Centrafrique). Idem pour les missions civiles d'assistance des forces de sécurité intérieure : EUCAP Sahel Mali est au point mort et EUAM RCA fonctionne à moitié.

Rester sur place est nécessaire disent les uns (l'Espagne par exemple) pour ne pas laisser la place à d'autres et se garantir d'évolutions possibles. S'en aller est la seule solution pour ne pas cautionner un régime militaire disent les autres (France pour le Mali, mais pas pour le Niger). Chacun des arguments est recevable. Mais il faudra bien trancher un moment donné.

5° Faut-il continuer à former des armées qui font des coups d'État ensuite ?

C'est une question de fond, qui ne sera peut-être pas abordée de façon frontale à Tolède. Car elle est très complexe et À multiples facettes. Mais il faudra bien se la poser un jour. Le développement à marches forcées des armées et forces de sécurité, voulu par les Occidentaux pour lutter contre le terrorisme, n'arrive-t-il pas à mettre en position de force les militaires face aux civils, aboutissant ensuite à une prise de pouvoir ?

La doctrine européenne de formation des armées africaines, inspirée en grande partie par la France, ne date-elle pas d'une autre époque ? Faut-il la conserver, le transformer ou l'abandonner. Une grosse revue stratégique s'impose.

6° Finalement, ne faut-il pas changer d'attitude envers l'Afrique ?

Le fait que ces évènements se produisent essentiellement dans les anciennes colonies françaises interpelle. Les discours officiels mettant en avant le nécessaire partenariat et l'égalité entre Européens et Africains sont-ils la réalité ? Les dernières prises de parole, par leur ton condescendant, leur arrogance, n'en sont pas le meilleur témoignage. Trois ans après le sommet France-Sahel de Pau en janvier 2020 (Lire : Sommet de Pau : Africains et Français conviennent de travailler ensemble) le résultat semble un beau désastre.

Une méthode semble avoir fait son temps : celle de convoquer les dirigeants africains et leur asséner la leçon, celle de faire des dénonciations publiques outrageantes. Soutenir certains gouvernants de façon trop ouverte équivaut aujourd'hui à un véritable "baiser de la mort" pour ceux-ci.

Enfin, le double standard est difficile à nier. Le coup de force au Tchad, les entailles certaines à la démocratie de pouvoirs en place "d'amis de la France" au Gabon ou au Sénégal tout autant que le quasi-silence de Paris sur ces pays interpellent. Ils ne passent pas inaperçus, surtout en Afrique.

7° Se préparer à faire face à des possibles rétorsions ?

Pays très pauvre, le Niger est certes très dépendant de l'extérieur. Mais il ne manque pas de moyens de pression non plus, contrairement à ce qu'indiquent certains commentaires. À commencer par l'immigration. Le Niger est un des « verrous » mis en place par les Européens (à Agadez) notamment pour sinon empêcher, au moins limiter, la remontée des populations du Sud vers l'Europe, via la Libye (ou la Tunisie ensuite). Un chantage à l'ouverture de ce verrou est toujours possible. Il faut s'y préparer.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Ne voir ce coup que par le prisme de l'ingérence russe est biaisé. On semble plus dans l'opportunisme politique — la Russie (comme d'autres acteurs) se profile sur place, ravie de prendre la place des Français (et Européens) — que dans une situation à la centrafricaine, où la Russie a poussé les Français dehors.

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[En bref] Le Mistral en surveillance et formation dans le Golfe de Guinée

Tue, 22/08/2023 - 21:53

(B2) Le porte-hélicoptères Mistral de la marine française démarre sa mission de sécurité maritime Corymbe dans le Golfe de Guinée.

Il assurera à la fois la surveillance maritime de la zone, des interventions au besoin en cas d'attaques de pirates (lire : [Brève] Attaque d’un bateau de pêche au large de Freetown). L'objectif est surtout d'assurer un partenariat avec les marines de la région.

Dans une semaine, le 27 août, il quittera ainsi Dakar (Sénégal) avec une trentaine d’officiers des marines de la région (Bénin, RD Congo, Congo, Cote d'ivoire, Gabon, Ghana, Guinée, Mauritanie, Nigéria, Sénégal, Togo, Maroc) pour commencer la formation embarquée SIREN dédidée à l’Etat en mer, co-organisée dans le cadre de l’Architecture de Yaoundé.

(NGV)

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[En Bref] Dernière évacuation au Niger, assurée par un avion belge

Tue, 22/08/2023 - 08:26

(B2) La Belgique a terminé une opération visant à rapatrier les derniers ressortissants belges et européens du Niger.

Plusieurs allers et retour

Un avion de transport A400M a effectué plusieurs vols aller-retour entre Niamey, la capitale du Niger, et Libreville, la capitale du Gabon, avant de repartir ensuite pour la Belgique. L’avion « s'est posé sur l’aéroport militaire de Melsbroek la nuit dernière » annonce le ministère belge de la défense. En tout quelque « 130 Belges, ressortissants européens et ayants droit » ont ainsi pu être rapatriés.

Avec l'autorisation de la junte

La Défense a « réussi à obtenir l’autorisation d’effectuer un certain nombre de vols pour ramener des personnes » précise la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder. L'avion a aussi « transporté du matériel militaire belge » ajoute-t-elle. La Belgique a en effet une mission de coopération technique avec l'armée du Niger, de longue date formant notamment ses forces spéciales.

En complément de l'opération de début août

Une opération menée en toute discrétion. Une centaine de Belges et d’ayants droit avaient déjà pu quitter le Niger au début du mois, à bord de vols français (lire : [Actualité] L’opération d’évacuation des ressortissants français et européens du Niger. Sans heurt. Dernier bilan)

(NGV)

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[Brève] Attaque d’un bateau de pêche au large de Freetown

Fri, 18/08/2023 - 10:55

(B2) Un navire de pêche chinois a été attaqué par 13 hommes armés le 22 juillet à 10h55 UTC au large de Freetown au Sierra Leone. Après une intervention des garde-côtes libérians, l'équipage a été libéré 36 heures après le 24 juillet.

Le FV Shenghai2 amarré au Port de Bushrod (photo : MOD Liberia

L'alerte générale est donnée le 23 juillet 2023, vers 8 heures, par le Centre d'opérations maritimes conjointes de la marine de la Sierra Leone. Deux navires de pêche, le FV Aliman et FV Shenghai-2 ont été attaqués par des pirates à 20 nautiques au large du port de Freetown au Sierra Leone (à 8° 36' nord et 13° 3° ' Ouest), signale le message. Les pirates se sont emparés d'un des deux navires : le FV Shenghai2, avec à leur bord 23 membres d'équipage (6 Chinois et 13 Sierra-Leonais).

« Dès réception de l'information, le centre d'opérations maritimes des garde-côtes libériens entame une surveillance et une coordination continues avec les marines de la Sierra Leone et de la Côte d'Ivoire » indique le QG des forces armées du Liberia qui coordonne l'opération. L'opération en mer mobilise deux navires des garde-côtes et onze marins.

Plusieurs heures de filature

« Après environ 12 heures de recherche, l'équipe d'opérations spéciales des garde-côtes libériens localise le navire suspect à une distance proche des frontières maritimes internationales entre le Libéria et la Sierra Leone » indique le communiqué des forces armées du Libéria. « Le navire est suivi jusqu'à ce qu'il atteigne la zone générale de Monrovia à environ 9 milles marins au large de la communauté de King Grey, RobertsField Highway ». Pour « des raisons tactiques » le contact physique des garde-côtes avec le navire ne se produit qu'en pleine nuite à 0 heures le 23 juillet 2023 à la position 06o 07' Nord, 010o 47' Ouest.

Intervention musclée

Les garde-côtes libériens abordent et sécurisent tout d'abord le pont inférieur du navire. Les pirates ripostent par des tirs. Après cet échange, trois pirates prennent le large à bord un bateau de sauvetage, un premier pirate est alors capturé et deux membres d'équipage secourus. Après quelques heures de négociation, les garde-côtes reprennent l'assaut sur le pont supérieur, arrêtent un deuxième pirate et libèrent les 21 membres d'équipage restants. Le reste des pirates s'est envolé. Le navire est sécurisé et ramené sur la base des garde-côtes libériens sur l'île de Bushrod. Trois fusils d'assaut et une Winchester sont saisies.

(Nicolas Gros-Verheyde)

 

Lire aussi :

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[Commentaire] Niger : une opération moins complexe qu’au Soudan et en Afghanistan. Les raisons

Wed, 02/08/2023 - 12:05

(B2) L'opération d'évacuation des citoyens français et européens est facilitée par plusieurs facteurs structurels et conjoncturels. Cinq éléments peuvent l'expliquer.

Enregistrement des évacués par la gendarmerie prévotale des armées à l'aéroport de Niamey (Photo : EMA COM)

L’opération d’évacuation des ressortissants français et européens du Niger apparait incontestablement moins difficile qu'en Afghanistan à l'été 2021 (lire : Comment se déroule l’évacuation de Kaboul ? Une des opérations les plus complexes de l’histoire récente) ou au Soudan en avril dernier (Sagittaire, Eva Sierra… ! Plusieurs rotations assurées par les Européens).

Premièrement, elle intervient dans un contexte finalement assez pacifié, malgré des tensions politiques réelles entre la junte militaire et la France et quelques échauffourées. Il n'y a pas de combat de rue (comme au Soudan) ou de guerre aux portes de l'aéroport (comme en Afghanistan). Il y a peu de risques d'attentat ou de tir contre un avion.

Deuxièmement, les Européens (Français et Italiens notamment) ont un point d'appui militaire sur place, directement sur l'aéroport. La partie militaire de l'aéroport — la base aérienne projetée 101 pour la force française — jouxte en effet l'aéroport civil Diori Hamani. Ce qui évite d'acheminer sur place des forces en nombre, notamment pour assurer la protection des avions ou des personnels ou tout simplement enregistrer les demandeurs d'évacuation.

Troisièmement, l'aéroport de Niamey est fonctionnel et équipé pour accueillir les passagers. Ce qui change de l'aspect sommaire de la base militaire choisie au Soudan pour l'évacuation.

Quatrièmement, le nombre de citoyens à évacuer est assez réduit — moins de 1000 personnes toutes nationalités confondues —, grâce aussi à la période (certains expatriés étant hors du pays pour les vacances).

Enfin, un seul pays assure la coordination de l'évacuation : la France qui joue le rôle d'entrée en premier. La plupart des pays, se reposant sur ce dispositif, n'ont pas envoyé d'avions sur place. Cela peut paraitre un détail. Mais cela limite à la fois le ballet des avions et finalement facilite la gestion des évacuations.

Il faut préciser également que la répétition en deux ans de plusieurs opérations d'évacuation combinées entre les Européens — Afghanistan août 2021, Ukraine février 2022, Soudan avril 2023 — a aussi un effet d'entraînement non négligeable. Le dispositif de coordination entre les Européens est rôdé par les crises.

(Nicolas Gros-Verheyde)

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[Actualité] L’opération d’évacuation des ressortissants français et européens du Niger débute (v2)

Tue, 01/08/2023 - 18:20

(B2) Déclenchée dans la nuit de dimanche à lundi (31 juillet), l'opération d'évacuation a débuté.

Avions A330 et MRTT sur la base d'Istres (Marseille) (Photo : BA25 / DICOD)

Objectif : « faciliter le départ des ressortissants qui souhaitent quitter le Niger ». Si les Français sont concernés en priorité, tous les Européens qui le souhaitent pourront aussi être évacués par les moyens français. Les Allemands, Belges et Néerlandais (environ 25) devraient notamment être évacués par cette voie.

Des avions blancs et gris uniquement

Deux avions de type A330 — l'un en version passagers, l'autre en version MRTT — se sont déjà posés sur l'aéroport civil de Niamey. Un autre avion est en route. Trois avions partis du « Sud de la France » a indiqué l'état-major des armées (NB : de la base aérienne 25 d'Istres normalement). L'opération s'est effectuée avec l'accord des autorités en place, c'est-à-dire essentiellement les militaires auteurs du coup d'état. « Des contacts ont été pris avec les forces nigériennes et les Nigériens responsables de l'aéroport » précise-t-on à Paris. Autrement

A bord, les équipages des aéronefs uniquement. Ce sont les militaires français présents sur place — sur la partie militaire de l'aéroport — servant d'appui et de coordination. Mais les ressortissants doivent « rejoindre l'aéroport par leurs propres moyens ».

NB : Un dispositif « léger » qui contraste à dessein avec celui utilisé pour l'évacuation du Soudan. L'objectif est en effet de procéder en douceur pour éviter tout ce qui pourrait apparaitre comme une provocation. Sont donc bannis (pour l'instant) les avions kakis de transport stratégique (A400M) ou tactique (C130J). Les militaires n'iront donc pas non plus récupérer en ville les ressortissants.

L'attaque contre l'ambassade fait déclencheur

Ce sont en bonne partie les évènements de dimanche (30 juillet) avec les manifestations violentes et l'attaque contre l'ambassade de France, ainsi que la fermeture de l'espace aérien qui ont changé le mot d'ordre à Paris, faisant pencher pour une évacuation rapide des ressortissants. Le durcissement du ton entre la junte au pouvoir à Niamey d'un côté, la CEDEAO et les Européens de l'autre, comme les arrestations de plusieurs responsables du gouvernement légitime nigérien n'ont fait que confirmer cette option. Opération annoncée par la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna et un communiqué du Quai d'orsay mardi 1er août.

Un mot d'ordre européen

Un mot d'ordre concerté et suivi au niveau européen. Plusieurs capitales (Berlin, Madrid et Rome) ont ainsi conseillé à leurs ressortissants de partir. Déclenchée dans la nuit de dimanche à lundi (31 juillet), l'opération française s'est montée à partir du dispositif présent en Afrique. Elle est notamment coordonnée depuis les éléments français déployés au Tchad qui assurent le commandement régional.

Des moyens italiens devraient s'y ajouter. Le gouvernement italien a « offert à ses concitoyens présents à Niamey la possibilité de quitter la ville par un vol spécial vers l'Italie » a indiqué le ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani sur twitter.

Pas d'évacuation des militaires, pour l'instant

L'évacuation des 1500 militaires français présents dans le pays — notamment à Niamey et dans la zone des trois frontières (avec le Mali et le Burkina) n'est « pas prévue pour l'instant » indique l'état-major des armées. Mais toutes les opérations de partenariat qui « s'inscrivent dans un accord avec les autorités légitimes » sont « suspendues ». Ce, « en attendant le retour de l'ordre constitutionnel ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

Mis à jour - Précisions pour l'évacuation des Italiens et Néerlandais

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[Analyse] La nomination ratée de Scott-Morton. Le dernier raté de Vestager

Sun, 23/07/2023 - 11:34

(B2) La nomination d'une Américaine comme chief economist était un mauvais coup fait à l'Europe. Et un non sens politique et juridique. A plusieurs titres. Sa démission était inéluctable.

La nomination annoncée de l'Américaine Fiona Scott-Morton au poste de Chief Economist de la DG Concurrence, approuvée par la Commission européenne le 11 juillet a suscité des émois, surtout en France, mais aussi plus discrètement dans d'autres pays. À juste titre.

Une nomination pas très heureuse

Un super-CV mais trois handicaps

Fiona Scott-Morton avait certes un CV long comme le bras, comme le vante la Commission européenne. Mais elle avait surtout trois gros handicaps : 1. elle était Américaine, 2. elle devait obtenir une habilitation de sécurité nationale, 3. elle avait travaillé dans un cabinet de consultance et notamment pour des clients puissants, tels Amazon ou Apple, qui ne respectent pas vraiment les règles européennes.

Nomination contestée, contestable

Cette nomination reposait sur des bases en fait très fragiles. Beaucoup plus fragiles que voulait bien se l'avouer la commissaire. Elle laissait planer une épée de Damoclès sur les différentes procédures de concurrence enclenchées par l'exécutif européen : amendes, autorisation ou refus de fusion, autorisation ou refus d'aide d'État, etc. N'importe quel acteur de ces procédures (entreprises ou Etats) aurait pu la contester. Tant elle était extraordinaire du droit commun et de la pratique de recrutement des hauts fonctionnaires européens (point 1). Ensuite, quoi qu'en dise la Commission européenne, ce poste de « conseil » est éminemment stratégique (point 2). Enfin l'habilitation de sécurité était bien requise. Point également minoré par la commissaire (point 3).

Démission inéluctable

La démission rendue publique au petit matin du 19 juillet, juste au lendemain de l'audition par la commissaire Vestager au Parlement européen, était donc inéluctable.

 

Une sacrée fausse note pour Vestager

Pour Margrethe Vestager, qui s'apprête à quitter la Commission européenne, c'est un sérieux désaveu.  La Danoise part en effet en congé sans solde en août pour faire campagne afin d'être nommée présidente de la Banque européenne d'investissement (BEI). Elle termine ainsi son parcours européen sur une grosse fausse note. Celle qui était promise pourtant à un brillant avenir européen — on la voyait même présider la Commission européenne ou, à défaut, y tenir un rôle de premier plan, dans l'ombre de Ursula von der Leyen — , achève ainsi sans fanfare un bilan européen qui aurait pu être plus glorieux.

1° Un non-Européen recruté comme haut fonctionnaire. Pratique normale, courante, légale ?

Cet élément a été largement minoré par la Commission européenne. La commissaire Margaret Vestager n'a eu de cesse de justifier, notamment lors de son audition par les parlementaires européens le 18 juillet devant la commission ECON (Économie et finances), que c'était le bon choix en laissant de côté de qui constitue la réalité juridique et l'esprit de la politique de concurrence européenne. Le service du porte-parole a « inventé » des cas similaires qui ne peuvent être comparés.

Pas assez de "bons candidats" Européens ?

Lors de son audition devant les parlementaires, en commission Économie et Finances (ECON) du Parlement européen, mardi (18 juillet), Margaret Vestager n'a eu de cesse de défendre ce choix de recourir à une extra-européenne... par le manque de candidats. Il n'y avait que 11 personnes qui répondaient à l'avis de recrutement publié en mars. 4 ont été retenus dans la short list. Et deux candidats sélectionnés dans l'épreuve finale : un Européen et l'Américaine a précisé la commissaire européenne. C'est cette dernière qui a été retenu. Sur la base de ses compétences... C'était « le meilleur choix parmi tous les candidats, tant du point de vue de ses qualifications que de sa performance au cours de la procédure de recrutement ».

Un non-sens politique, économique et juridique

Recruter une non-national à un poste de direction aussi important est plutôt extraordinaire. Il est contraire à toute règle de recrutement de la fonction publique européenne. De plus d'ordinaire, si vraiment les candidatures sont faibles, la règle est de relancer un nouvel appel à candidatures. Ce qui ne semble pas être le cas en l'occurrence. Il y a donc eu volonté de contournement des règles européennes. Le recrutement d'un non-Européen n'était pas une conséquence inattendue mais bel et bien l'objectif. Une faille politique qui pouvait devenir juridique dans les mains d'un bon avocat de droit de la concurrence...

Une grosse première !

Ce recrutement d'un extérieur à l'Union européenne est plutôt inattendu et une grosse première. Jamais à ma connaissance un Américain n'a occupé un tel poste de premier plan.

Le seul cas en mémoire est celui occupé dans la mission extérieure de la PSDC EULEX Kosovo, où un Américain (un shériff) occupait le poste d'enquêteur en chef. Mais cette présence se situait dans un contexte très particulier. Tout d'abord, la politique extérieure commune n'est pas une compétence communautaire exclusive. Régulièrement des extra-nationaux sont ainsi recrutés, soit pour pallier une lacune technique (hélicoptères russes au Tchad), soit dans un contexte d'ouverture politique nécessaire. Ensuite, la stabilisation du Kosovo a été cogérée de fait par les Européens et les Américains. Il y avait donc une logique à intégrer des Américains à cette mission (comme il est logique que des Norvégiens soient intégrés à la mission européen en Palestine, accord d'Oslo oblige).

D'autres non nationaux ont été recrutés, mais dans des postes de moindre importance. On se souvient d'un Norvégien qui figurait dans l'équipe du cabinet de Michel Barnier par exemple. Mais celle-ci était justifié par l'intégration de la Norvège au marché intérieur.

Cette logique n'est pas du tout présente dans la politique de concurrence où la Commission européenne a une compétence exclusive, peut infliger des amendes et interdictions et où peuvent interférer des positions contraires entre USA et UE.

Un singulier aveu de faiblesse

N'avoir aucun économiste, aucun expert qui veuille venir occuper un poste de premier plan (très) bien payé (pas moins de 20.000 euros par mois). Ce durant un CDD de trois ans (renouvelable une fois pour deux ans) ! C'est plutôt étonnant. Soit il y a une grosse faiblesse d'attractivité de la fonction publique européenne. Et cela doit interpeller au plus profond de l'esprit européen. Soit il y a un gros déficit de spécialistes de la concurrence communautaire et de l'économiste. Ce qui est tout aussi interpellant, vu le nombre d'universités, de facultés qui travaillent sur ces questions.

Une volonté politique de recruter hors d'Europe

En fait, le recrutement d'un extra-Européen semblait en partie joué d'avance. Comme me l'a expliqué un des porte-paroles de la Commission européenne, il avait été décidé d'ouvrir « au plus grand nombre de candidats possibles », compte tenu « des connaissances très spécifiques et de l'expertise académique requises pour cette fonction particulière ». Recruter un tel profil « montre que le Commission cherche avant tout à fonder ses politiques et décision sur la meilleure expertise possible. C’est un signal de compétence et d’ouverture à entendre les arguments de fond » explique-t-il. On se trouve ici loin des critères d'excellence.

2° Un poste de simple conseil ou de premier plan ?

Le poste de Chief economist n'est pas un simple poste de conseiller ou de chercheur prospectif. C'est un poste de directeur, à la tête d'une équipe de conseillers économistes, avec une tâche éminemment stratégique, contrairement à ce que veut bien voulu dire la commissaire Margrethe Vestager.

Ce poste a été créé dans le début des années 2000, après une série d'arrêts des tribunaux européens négatifs pour l'autorité de régulation européenne. Les juges avaient annulé coup sur coup deux décisions d'interdiction de fusion l'une entre Schneider et Legrand le 22 octobre, l'autre entre Tetra Pak et Sidel (lire : Affaire Tetra-Pak. Le tribunal sème le trouble à la Commission européenne). Un vrai coup de tonnerre dans le monde feutré de la régulation de la concurrence à Bruxelles.

Parmi les reproches faits par les juges, la faiblesse de l'analyse économique des décisions de la Commission. Ce qui avait convaincu (entre autres), le commissaire de la concurrence de l'époque, l'Italien Mario Monti de proposer dans une vaste réforme des fusions-concentrations.

La création du poste de Chief Economist est un élément majeur de la réforme. « Il est clair qu'il est nécessaire d'améliorer les capacités économiques de la direction générale de la concurrence » indique l'Italien dans un discours prononcé en novembre 2002.

Mario Monti définit précisément ce poste, qui a une vocation très large, très politique et bien loin de la fonction d'un simple conseiller. Le rôle de l'économiste en chef « ne se limitera pas à sa participation au contrôle des concentrations, mais s'étendra également à l'application du droit de la concurrence en général, y compris le contrôle des aides d'État. »

Le profil recruté doit être à la hauteur de la tâche. « Il doit s'agir d'un éminent économiste, détaché temporairement auprès de la Commission, garantissant ainsi que le titulaire de ce poste est quelqu'un ayant une très bonne connaissance de l'économie industrielle. Il sera directement rattaché au directeur général. »

Une nomination qui doit s'accompagner du recrutement d'économistes industriels au sein de la DG (qui était davantage peuplée de juristes ou spécialistes administratifs). Une « priorité ». De même il affiche la volonté de « faire davantage appel à des expertises économiques extérieures ». « En particulier, j'envisage que nous commanderons plus fréquemment nos propres études économétriques indépendantes. » Un propos qui montre combien le poste de chief economist était dans la lettre et dans l'esprit de la Commission européenne réservé à un Européen.

3° Un problème de sécurité nationale

Contrairement à ce qu'a affirmé la commissaire, la nouvelle nommée aurait dû avoir une habilitation de sécurité. L'avis publié pour le recrutement en témoigne.

Or cette habilitation ne peut être fournie normalement que par l'autorité nationale (en l'occurrence les USA).

Ce qui posait un sacré problème. D'une part, il fallait que les USA la délivrent. D'autre part, les autorités européennes n'auraient eu aucun contrôle sur la nature et la fiabilité de cette habilitation.

(Nicolas Gros-Verheyde)

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[Editorial] Coup de force raté en Russie. Quelques éléments de réflexion

Mon, 26/06/2023 - 20:16

(B2) Chacun aura son analyse des évènements après le coup de force raté de Prigojine et du retrait piteux des mercenaires de Wagner sans combattre. Mais on peut poser quelques éléments de réflexion.

Tout d'abord, le système du pouvoir russe est dysfonctionnel. Depuis quelques mois déjà, le président russe Vladimir Poutine ne semble plus avoir toute la main pour imposer toute sa volonté et une discipline à ses alliés. La faiblesse de réaction de Moscou à l'annonce par les Alliés de l'OTAN de l'équipement en avions F-16 comme à la tenue d'un sommet européen en Moldavie à quelques km des premiers soldats russes présents en Transnistrie prouve une certaine atonie du pouvoir par rapport à sa virulence au début de l'offensive en février 2022. Mais le « système » n'a pas encore trouvé le remplaçant idoine. Et, malgré des atermoiements, l'ensemble des forces armées et de sécurité reste fidèle au pouvoir du Kremlin.

Ensuite, Evgueni Prigojine ne semble pas avoir agi tout seul et de façon « spontanée ». Il a sans doute bénéficié de certains soutiens, au sein même du pouvoir de la part de certains responsables politiques, voire de certains parties des services de sécurité. Mais il n'a pas reçu certainement ni le soutien promis ni les assurances souhaitées. De là à penser que certains au sein de l'appareil militaire russe l'ont laissé marcher seul vers Moscou pour mieux écraser celui qui a acquis trop de pouvoir, c'est une hypothèse qu'on ne peut écarter. L'armée régulière pourrait récupérer la main sur des paramilitaires de Wagner.

Enfin, l'hypothèse d'un effondrement de la Russie qu'aucun dirigeant ne voulait envisager jusqu'à présent est désormais clairement sur la table. En cas de défaite notable en Ukraine, ou d'enlisement mortifère (1), il n'est pas exclu que des militaires excédés de la faiblesse du régime ou de l'ampleur des pertes, alliés à des politiques, ne veulent prendre le contrôle du pays ou ne dépêchent l'un des leurs pour le faire. Cette heure ne semble pas venue.

Du côté européen, cette heure est à la fois redoutée et espérée. Certains pays craignent un désordre nouveau, avec le risque d'une possible absence au pouvoir, fatal pour le contrôle de l'arme nucléaire (2). D'où une phraséologie sur la nécessité de ne pas « humilier » la Russie qui n'est plus présente officiellement mais reste bien dans toutes les têtes de Washington à Berlin. D'autres souhaitent un changement de régime en Russie et sa « neutralisation » seule à même de mettre fin à un cycle d'interventions militaires réguliers dans le voisinage russe depuis une soixantaine d'années. Point de vue particulièrement présent chez les Balto-Polonais.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. C'est toute une classe d'âge qui est en train de faire les frais de l'offensive en Russie. Les pertes (morts et blessés graves) — environ une centaine de milliers d'hommes — privent non seulement l'armée russe d'une partie de son élite mais aussi la population russe d'une partie de sa classe d'âge active, à un moment où sa démographie est en berne.
  2. Arme nucléaire qui reste sous étroit contrôle du président russe, malgré certaines déclarations.

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[Film] Vivre pour des idées

Sun, 21/05/2023 - 22:06

(B2) La démocratie participative peut-elle exister ? C’est autour de cette idée que se noue ce 52 minutes captivant.

Tout commence en fait un matin de printemps, quand plusieurs Bruxellois-es découvrent dans leur boîte aux lettres le courrier suivant : « Vous avez été tiré au sort, pour répondre à cette question : Comment voulons-nous que la 5G soit implantée en Région Bruxelles-Capitale ? ». Ils seront 45 à venir siéger au sein du parlement bruxellois.

Pour la première fois dans l’histoire politique moderne, des citoyens et parlementaires sont invités à travailler ensemble, autour de la même table, afin de rédiger des propositions destinées au gouvernement.

Chacun s’immerge alors au sein d’un projet de société inédit : la première commission délibérative citoyenne de Belgique. Fadhela, l’aide-cuisinière, Jean-François, l’ébéniste, et Eloise, une lycéenne… Tous brillants, passionnés, ils portent le film et surtout des questions.

Ces commissions délibératives vont-elles remettre le citoyen au centre des débats ? Ou ne sont-elles que de la poudre aux yeux ? Vont-elles apporter un nouveau souffle à notre démocratie ? Ou ne s’intéressent-elles qu’au détail des sujets… Vaste question. Mais la démocratie mérite sans doute d’être régénérée.

Un véritable laboratoire politique est en train de naitre qui pourrait inspirer le reste de l’Europe. C’est en tout le motto des deux réalisateurs Eric D’Agostino et Jérôme Van Grunderbeeck

Vivre Pour des Idées, vers une nouvelles démocratie ? est à voir sur RTBF la Trois ce lundi 22 mai à 21h25.

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[Actualité] Évacuation du Soudan. Le gros retard à l’allumage des Britanniques

Sat, 06/05/2023 - 10:41

(B2) De façon étonnante, le Royaume-Uni, pourtant bon connaisseur du Soudan, une ancienne colonie, a été absent dans les premiers jours. Les évacuations n’ont commencé que le 25 avril.

Dernier vol de la RAF un C130J part de Port Soudan (Photo : Royal Air Force)

Le gouvernement de Rishi Sunak (Conservateur) n’a ainsi tout d’abord ordonné l’évacuation que du personnel de son ambassade (diplomates et autres “fonctionnaires”). Opération effectuée dimanche (23 avril).

Le chef de la diplomatie britannique, James Cleverly, a justifié cette absence par la capacité « très limitée » d’évacuer d’autres ressortissants britanniques dans un milieu de guerre. Une excuse, plutôt inaudible au Royaume-Uni (1). Chacun pouvait observer que d’autres alliés, notamment les membres de l’UE, menaient rotation sur rotation. D’autres avaient choisi la voie routière, tels l’Arabie saoudite, l’Égypte ou l’Inde, assurant la mise en sécurité des citoyens.

Comble de l’ironie, ce sont finalement les Européens (de l’UE) qui ont commencé par évacuer les ressortissants britanniques.

Une opération déclenchée avec retard

Sous le feu des critiques, le premier ministre Rishi Sunak a fini par battre en retraite et annoncer, mardi (25 avril) « une évacuation à grande échelle des détenteurs de passeports britanniques du Soudan » par la RAF (Royal Air Force). Priorité étant donnée « aux plus vulnérables, familles avec enfants et personnes âgées ». Cette « phase 2 » de l’opération d’évacuation a démarré le jour même.

Les militaires britanniques ne devaient pas opérer de la même façon que les Français. Ils n’iront pas chercher en ville leurs ressortissants. Le Foreign office a ainsi prié ses ressortissants de gagner l’aéroport « dès que possible » et « par leurs propres moyens ».

Les vols britanniques opéreront à partir du même aéroport que celui utilisé par les Européens : Wadi Saeedna, situé au Nord de Kharthoum. Ce sont les Français qui ont assuré l’ouverture de l’aéroport, relayés par les Allemands. Ceux-ci ont remis les « clés » de l’aéroport aux Britanniques.

Près de 30 vols en tout

Un premier vol d’un A400M de la RAF a ainsi rapatrié à Chypre 38 ressortissants. Il sera suivi de plusieurs autres. Il y a en effet environ 4000 Britanniques au Soudan dont 2000 environ ont demandé leur évacuation, selon la BBC. Le dernier vol C130 du 47e Squadron est parti dans la nuit du 3 au 4 mai de Port Soudan à destination de Chypre servant de hub pour les rapatriements britanniques. En tout, 2450 personnes ont été évacuées sur 30 vols partis soit de Wadi Saeedna ou de Port Soudan, a annoncé le ministère britannique de la Défense.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. NB : La doctrine anglo-saxonne en cas de crise diffère sensiblement de la doctrine européenne. Ce n’est pas le gouvernement qui assure l’évacuation de ses concitoyens mais le secteur privé.

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[Actualité] Sagittaire, Eva Sierra… ! Plusieurs rotations assurées par les Européens. Environ 1500 personnes évacuées (v8)

Tue, 25/04/2023 - 18:30

(B2) L’opération d’évacuation du Soudan, des diplomates et citoyens, a permis l’évacuation de près de 1500 ressortissants, de toutes nationalités, européens tout d’abord, mais aussi africains, asiatiques, américains et alliés. La coordination et la solidarité ont joué à plein. La France a ouvert le bal suivi des Allemands. Du côté britannique, cela a tardé davantage…

Evacuation à bord d’un A400M (Photo : Bundeswehr)

Cet article a été créé et restructuré (pour faciliter la lecture) à partir de l’article publié dimanche (23 avril) et mis à jour à plusieurs reprises au fur et à mesure de l’actualité.

Trois éléments décisifs

Cette opération (Sagittaire pour les Français, Eva Sierra pour les Espagnols) a été facilitée par trois éléments concrets. Premièrement, la base arrière de Djibouti — la BA 188 française, comme les points d’appui espagnol ou japonais — , où se sont prépositionnés avions et forces, a facilité le travail. Si certains n’ont pas utilisé Djibouti, c’est pour des raisons pratiques : ils avaient des éléments en Jordanie mais par manque de place sur le tarmac djiboutien. Le second élément clé et décisif est le rôle joué par les forces françaises (lire : [Actualité] Évacuation des diplomates et citoyens au Soudan, une opération Terre Air Mer se prépare). Le facteur « entrée en premier » — négocié en amont auprès des belligérants, réalisé sur le terrain par les militaires (forces spéciales comme logisticiens), a été un atout majeur et la condition existentielle de cette opération. Le troisième et dernier élément est la coordination permanente qui a eu lieu tant au niveau stratégique (entre capitales) qu’au niveau opératif (notamment la cellule de coordination placée à Djibouti) et au niveau tactique (sur place à l’aéroport de Wadi Sayyidna). A la fois pour coordonner les arrivées et décollages d’avions que répartir les différents ressortissants (UE et hors UE) à aller récupérer et convoyer. L’objectif : utiliser au maximum la piste unique de l’aéroport sans incident, jour comme nuit (lire aussi : [Actualité] Sagittaire ! Comment s’est préparée, planifiée l’opération française d’évacuation au Soudan ?).

Selon un bilan dressé par le Haut représentant de l’UE lundi (24 avril), la noria européenne — 11 vols dimanche et 20 autres prévus lundi, soit 31 rotations au total —, a permis de mettre en sécurité « au moins 1200 personnes de toutes nationalités », avec « 400 personnes restant à évacuer », soit plus de 1500 personnes au total dans des conditions complexes et difficiles.

Cinq rotations françaises

De façon concrète, un premier avion français a quitté Khartoum dimanche (23 avril) après-midi et a atterri à Djibouti vers 18h (heure Paris). À son bord, 88 évacués. Un autre avion « sur zone » a décollé en fin d’après-midi. Avec une centaine d’autres ressortissants. Deux autres avions ont réussi à décoller, dans la nuit de dimanche à lundi, portant le total d’évacués à 491 personnes, dont 196 Français, selon un point de situation parvenu à B2 lundi à 15h. Un cinquième et dernier avion français parti dans la journée de lundi, a permis d’évacuer les derniers restants sur la liste tricolore, portant le total à 538 personnes dont 209 Français, selon le Quai d’Orsay. Plus de 300 ressortissants ont donc été évacués (représentant 39 autres nationalités).

Les avions A400M en stand by sur le tarmac de l’aéroport soudanais (Photo : MOD Espana)

La « protection consulaire » européenne a joué à plein

Tous les ressortissants européens qui le souhaitaient ont pu être évacués. Ainsi près de 300 ressortissants d’autres nationalités ont été évacués par les Français, dont des ressortissants de douze États membres de l’UE (Allemands, Autrichiens, Belges, 13 Danois, Finlandais, Grecs, Hongrois, 36 Irlandais, Italiens, Portugais, 9 Roumains (2), 21 Suédois). Les Polonais ont pu bénéficier de l’assistance française dans la capitale soudanaise jusqu’à l’aéroport avant d’être évacués par des avions espagnols et allemands.

Trois blessés pris en charge

Parmi les rapatriés, trois blessés, dont deux blessés grecs, comme l’a confirmé le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Dendias, et un blessé belge de la délégation de l’UE, le chef d’ECHO, l’office européen d’aide humanitaire.

D’autres nationalités évacuées

Parmi les autres nationalités (24 en tout) prises en charge par les Français : des Américains (USA), des Britanniques, des autres pays européens (Islande, Moldavie, Suisse), africains (Afrique du Sud, Burundi, Éthiopie, Lesotho, Maroc, Namibie, Niger, Ouganda, Rwanda, Sénégal, Soudan, Togo, Tchad) ou d’Asie (Australie, Inde, Japon, Corée du Sud, Nouvelle-Zélande, Philippines).

Les autres rotations de vols européens

Plusieurs pays européens (Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Suède) ont suivi la voie ouverte par les Français. L’Allemagne prenant même le relais dans le contrôle de l’aéroport après le départ des Français.

L’Allemagne assure des rotations en continu

Deux avions allemands, en provenance de Jordanie, ont d’abord pu rapatrier plus de 200 ressortissants dès le dimanche après-midi (23 avril) — 101 dans le premier vol, 113 dans le second — vers Al Azrak. « Notre objectif est de faire sortir le plus de ressortissants allemands possible de Khartoum. Dans le cadre de nos possibilités, nous emmènerons également des Européens et d’autres ressortissants avec nous » déclare la défense allemande.

Un troisième avion arrivé dimanche à Khartoum (1) est reparti dans la nuit vers la Jordanie avec 97 personnes à bord portant le total des évacués par la Luftwaffe à 311 personnes, selon le commandement allemand des opérations.

Deux autres rotations ont lieu lundi (24 avril). Une rotation a lieu mardi (25 avril) avec 30 personnes à bord indique le commandement allemand. Un vol, atterri dans la nuit de mardi à mercredi (26 avril) en Jordanie, a permis de mettre à l’abri 78 personnes. Et un dernier vol a rapatrié 65 personnes.

En tout, les avions allemands ont évacué « 780 personnes dont 240 nationaux », et 40 nationalités différentes, selon le bilan final donné par la Bundeswehr. L’Allemagne a annoncé mercredi (26 avril) soir, clore son opération et avoir rapatrié tout son personnel de la base opérationnelle avancée (FOB) de Khartoum.

Des rotations néerlandaises

Lors du premier vol de deux C-130, les Néerlandais ont amené hommes et matériels, notamment des forces spéciales (fusiliers-marins) une équipe médicale de la Défense, des équipes d’appui consulaire rapide (SCOT) des Affaires étrangères ainsi une équipe de la brigade des missions spéciales de sécurité de la Maréchaussée (gendarmerie).

Six rotations de C-130 vers Aqaba, la base avancée néerlandaise, ont ensuite eu lieu : trois lundi (24 avril) (le premier avec 32 personnes dont 15 Néerlandais, (3à), deux mardi (25 avril). En tout, 70 Néerlandais rapatriés (et 80 autres par des vols d’autres pays) ainsi que 100 personnes de 18 autres nationalités précise Wopke Hoekstra, le ministre des Affaires étrangères, depuis La Haye.

Deux avions italiens

Deux C-130 italien (avec à son bord forces spéciales et carabinieri) ont suivi le même chemin vers Djibouti. « Tous les Italiens qui le souhaitaient sont désormais en lieu sûr » a annoncé dimanche soir le ministre de la Défense Guido Crosetto.

Un avion espagnol

Un avion espagnol A400M a assuré la rotation sur Djibouti annonce le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Albares, tard dans la soirée de dimanche (23 avril). A bord, 34 ressortissants espagnols et 38 autres ressortissants de 11 nationalités différentes (NB : européens et latino-américains), selon le ministère.

Convoi terrestre de l’ONU

Un convoi de l’ONU est parti de Khartoum avec près de 1700 personnes est arrivé à Port Soudan au terme d’une bonne journée et demie de voyage. La frégate française Lorraine (D-657), basée à Djibouti, a fait mouvement pour prêter assistance. Elle peut évacuer jusqu’à 500 personnes vers Djeddah, si l’ONU le demande, précise-t-on côté français. Temps de la traversée : environ 8 heures selon mes informations.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi : le gros retard à l’allumage des Britanniques

  1. Pour l’Allemagne, lire aussi sur Augengeradeaus « Bundeswehr beginnt Evakuierungsmission im Sudan (Neufassung) ». A la différence des Français, il n’y a pas eu de convoi collectif. Comme le précise T. Wiegold, les citoyens allemands ont été invités à se rendre sur cet aérodrome par leurs propres moyens « de manière indépendante et à vos propres risques ».
  2. Comme l’a confirmé le ministre Bogdan Aurescu.
  3. Un C-130 a une capacité d’emport plus de la moitié moindre de celle d’un A400M (qui peut emporter une bonne centaine de personnes)

Mises à jour – Dimanche 23 avril, 18h, bilan allemand, 20h détails sur les moyens engagés coté français + photos ; 22h bilan espagnol ; 23h50 bilan italien et grec ; lundi 24 avril, 9h, troisième avion allemand, (12-14h) autres nationalités européennes et africaines, 18h bilan Haut représentant ; mardi 25 avril, mise à jour des différents chiffres ; mercredi 26 avril, 12h, rotations allemandes.

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[Actualité] Sagittaire ! Comment s’est préparée, planifiée l’opération française d’évacuation au Soudan ? (v3)

Sun, 23/04/2023 - 17:52

(B2) Ces derniers jours, les diplomates de la cellule de crise du Quai d’Orsay, comme les planificateurs militaires français ont peu dormi. Avec deux options principales dans la manche. Les Français ont joué le rôle d’entrée en premier pour leurs collègues européens. Avec brio et audace, si on en croit les premiers retours. Récit

Rassemblement avant départ (Photo : Etat-major des armées FR)

NB : pour faciliter la lecture, le détail des rotations et le bilan de l’opération ont été placés dans un article séparé, lire : Sagittaire, Eva Sierra… ! Plusieurs rotations assurées par les Européens. Plus de 1500 personnes évacuées.

La préparation de l’opération Sagittaire

Une intense planification a commencé bien en amont au niveau diplomatique comme militaire. Les forces prépositionnées à Djibouti ont été placées en alerte, de même que certaines unités terrestres qui sont venues renforcer les forces déployées à Djibouti, avec plusieurs avions (3 A400M et un C130) et une frégate. L’opération reçoit un nom de code : « Sagittaire », le signe du feu.

L’option aérienne préférée à l’option terrestre

Tâche particulièrement ardue pour les planificateurs. Aucune n’avait été choisie au préalable. Deux options ont ainsi été travaillées « simultanément » par les planificateurs du ministère de la Défense : une option par la route (puis la mer), et une option par l’air. C’est finalement cette dernière option qui a été choisie. Mais au dernier moment. Les circonstances ont dicté ce choix. Pour des raisons, à la fois tactiques et pratiques. Passer par la route nécessite une « grosse volumétrie de véhicules », précise-t-on du côté du ministère des armées. Il faut « assurer des points de ravitaillement en carburant, en eau » etc. Et les « premiers retours d’expérience des premières évacuations » (1) ont achevé de convaincre Paris que la voie aérienne était finalement la moins mauvaise des solutions. Celle-ci s’étant avérée finalement difficile mais praticable (cf. ci-dessous). Des moyens ont cependant été prépositionnés « afin de garder toutes les voies possibles » précise-t-on à l’état-major des armées. Au cas où, une troisième option a été préservée via Port Soudan : la voie maritime.

Une opération très complexe

Personne ne se le cache : cette opération est « d’une extrême complexité » jurent les diplomates comme les militaires. Car « durant la trêve, les combats continuent ». Et car, contrairement à leurs camarades américains et britanniques, les Français sont fait le choix non seulement d’évacuer le personnel diplomatique, mais aussi tous les citoyens français « qui le veulent », et même certains citoyens de pays « amis », « partenaires » ou alliés. Un choix adopté par tous les pays européens qui participent à l’opération et se coordonnent étroitement entre eux.

De nombreux Européens dans les avions français

Les Français devraient ainsi prendre en charge des ressortissants de plusieurs pays européens (Allemagne, Belgique, Suisse, Royaume-Uni…), a précisé le Quai d’Orsay, mais aussi « du Niger, Maroc, Égypte, Éthiopie, etc. », ainsi que les membres de la délégation de l’UE. « De nombreux » partenaires étrangers « nous ont demandé assistance et nous essayons de les aider dans cette phase difficile » indique un diplomate.

Un important travail diplomatique en amont

Des contacts tout azimut ont été pris au niveau stratégique (= politique). Assurés à Paris par le président de la République (E. Macron) avec ses homologues d’Éthiopie et de Djibouti, comme avec les belligérants. Et la ministre des Affaires étrangères (C. Colonna) avec les ministres des pays arabes (Émirats arabes unis, Égypte, Arabie saoudite) — qui ont des contacts avec les Soudanais — et ses homologues européens et alliés de l’Allemande A. Baerbock à l’Américain A. Blinken en passant par les Suédois, Belges. En fait, elle a eu des contacts « avec quasiment tous ses homologues » confie un diplomate.

Couloirs aériens et trêve

Il a fallu en effet rouvrir les couloirs aériens. Les pays (NB : l’Éthiopie) qui avait fermé l’espace aérien vers le Soudan ont accepté de le rouvrir. Il a fallu aussi négocier avec les belligérants, des deux côtés, le général al-Burhan (des forces armées soudanaises) comme le général Hemedti (des forces d’intervention rapides soudanaises). Une négociation qui n’a concerné que « l’évacuation et la mise en place des conditions de sécurité » adéquates, s’empresse-t-on de préciser au Quai d’Orsay, pour éviter que cela soit vu comme une concession faite à l’un ou l’autre des belligérants. Sur ce point là, les forces militaires présentes sur place ont adopté une position de « stricte neutralité ».

Phase de localisation et de regroupement

Pendant ce temps, à Khartoum, l’ambassade de France a commencé à localiser ses ressortissants (qui voulaient être évacués) puis à les regrouper, tout en permettant l’approvisionnement en fuel « qui commence sérieusement à manquer sur place », en eau et en alimentation. La chute des réseaux (internet, téléphone…) ne facilite pas aussi ce travail de localisation des différents ressortissants. Le manque de carburant, d’eau, d’alimentation, avec des combats importants complique aussi la tâche des diplomates de la cellule de crises et les militaires chargés de la planification des évacuations (lire : [Actualité] Évacuation des diplomates et citoyens au Soudan, une opération Terre Air Mer se prépare).

La mise en place de l’opération : l’entrée en premier

Durant l’opération, les Français ont joué le rôle qu’avaient assuré les Américains à Kaboul : c’est-à-dire l’entrée en premier, le contrôle et l’ouverture de l’aéroport, comme son bon fonctionnement.

Un hub d’évacuation européen à partir de Wadi Sayyidna

Dans la nuit de samedi à dimanche, une ouverture se fait jour. Un premier avion (C-130) décolle- de la base aérienne de Djibouti (la BA 188 pour les intimes). Direction : l’ouest et l’aéroport militaire de Wadi Sayyidna. Un aéroport créé dans les années 1940 par les Américains puis Britanniques et utilisé par l’armée de l’air soudanaise. Resté en bon état, contrairement à celui de Khartoum en partie détruit, il est sous le contrôle des forces régulières. il sera celui sur lequel les Français comme les autres forces (Royaume-Uni, Allemagne) vont prendre appui pour mener leur opération. Environ 150 militaires, des forces spéciales essentiellement, sont mobilisés côté français, pour cette première phase de l’opération.

Reconnaissance & protection

Un premier détachement « d’environ 100 personnes » est projeté sur l’aéroport. Il est composé d’éléments de protection et de reconnaissance, dotés de drones, de moyens logistiques et médicaux. Le premier avion qui se pose a une tâche primaire et essentielle : « assurer les premiers contacts avec les Soudanais présents » (NB : les forces régulières soudanaises), vérifier que toutes les conditions de sécurité sont remplies pour pouvoir utiliser l’aéroport, à commencer par le niveau aéronautique (le contrôle et les voies de l’aéroport).

Une mini-base avancée

Trois autres avions (A400M et C-130) suivent avec véhicules, vivres, matériel médical, etc. À bord : une denrée stratégique : l’eau , il fait 43° au sol ! et sans hydratation pas d’opération. Concrètement, cela permet de mettre en place une mini-base vie provisoire comme de faire les premières reconnaissances en ville. Il faut en effet « aller reconnaitre et sécuriser les itinéraires qui seront empruntés pour aller chercher les ressortissants sur tous les points de regroupement (désignés par les diplomates) et les ramener sur l’aéroport » précise-t-on à l’état-major des armées. Stratégiquement, cela permet de valider la voie aérienne sur la voie terrestre. L’opération d’évacuation peut commencer.

Un échelon de commandement et coordination

Ce détachement comprend également « un échelon de commandement pour conduire l’opération et la coordination » avec les forces sur place (soudanaises) comme avec les autres Européens. « Cet échelon restera ensuite sur place tout le temps de l’opération ». Une étroite coordination se fait en effet entre Européens et Alliés non seulement à Djibouti mais aussi in situ (au niveau tactique). Les Allemands, Italiens et Suédois ont mobilisé un nombre équivalent de militaires aux Français pour aller récupérer leurs ressortissants.

Coordonner les slots de décollage

Il faut coordonner étroitement les départs, les arrivées, l’embarquement des différents ressortissants, le contrôle à l’entrée de l’aéroport, etc. La simple gestion des slots d’atterrissage et de décollage sur la seule piste disponible est particulièrement complexe. Un avion ne peut partir que sans ses ressortissants. Or rassembler ceux-ci dans un terrain en guerre n’est pas aisé.

Récupérer les ressortissants en ville

Une des phases les plus difficiles commence. Il faut en effet aller récupérer les différents ressortissants et acheminer tout le monde à Wadi Sayyidna, situé à plus d’une vingtaine de km au nord de Khartoum. Pas évident. Un point central de rendez-vous a été donné à tous les évacués potentiels : devant l’ambassade de France. Ensuite, cela nécessite de « franchir les lignes de front » et plusieurs zones urbaines (Bahri, Omdurman).

Un trajet périlleux

C’est sur ce chemin qu’un convoi français, parti de l’ambassade de France à Khartoum, a été pris pour cible dimanche matin. Un militaire français des forces spéciales a été blessé (2). Pris en charge par ses camarades et un médecin, il pu être rapatrié dans un hôpital militaire dans l’hexagone. Ses jours ne sont pas en danger précise-t-on du côté de l’état-major des armées.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Le convoi où se trouvait l’ambassadeur du Qatar aurait été attaqué sur la route, avec des affaires volées. La Turquie a aussi dû interrompre momentanément cette voie après que des explosions aient eu lieu près du point choisie de rassemblement choisi (à Khartoum).
  2. Point non confirmé tout d’abord ni par Quai d’Orsay ni par le ministère des Armées. Par prudence, l’opération d’évacuation étant en cours, il ne s’agit pas d’incriminer l’un ou l’autre. Les paramilitaires des RSF accusent en effet les forces régulières d’avoir tiré. Ceux-ci désignent leur adversaires.

Galerie photos

Préparatifs (Photo : Etat major des Armées) Dernier brief de coordination (Photo : Etat major des Armées) Evacuation du Soudan (Photo : Etat-major des armées FR) Départ à Khartoum (Photo : Etat major des Armées) On embarque (Photo : Etat major des Armées) A bord (Photo : Etat major des Armées) En vol (Photo : Etat major des Armées) La base aérienne vue du ciel (Google / Archives B2)

Mises à jour – 23 avril 20h détails sur les moyens engagés coté français + photos, – 24 avril 18h bilan global – 25 avril 18h : papier restructuré et complété avec un 2nd papier séparé sur le bilan, vol par vol.

Cet article [Actualité] Sagittaire ! Comment s’est préparée, planifiée l’opération française d’évacuation au Soudan ? (v3) est apparu en premier sur B2 Le Blog de l'Europe géopolitique.

[Actualité] Évacuation des diplomates et citoyens au Soudan, une opération Terre Air Mer se prépare (v4)

Sat, 22/04/2023 - 13:05

(B2) Les pays européens se concertent étroitement avec leurs alliés pour mener une opération d’évacuation des citoyens européens et étrangers bloqués à Khartoum. Avions et forces spéciales se prépositionnent. Un hub a été constitué à Djibouti. Un autre en Jordanie. L’opération d’évacuation se précise

Un avion A400M français au décollage à Djibouti lors d’un exercice de préparation opérationnelle en mai 2022
(archives B2 – Photo : DICOD)

Une opération pas facile à mener

Chacun se prépare à évacuer à la fois les diplomates en poste au Soudan comme les citoyens. Une opération pas évidente. Il y a environ 1500 Européens au Soudan, dont 300 Grecs (la plus grosse communauté), 250 Français, 140 Italiens, 140 Néerlandais, une centaine de Suédois, 60 Espagnols environ. Sept pays de l’UE ont une ambassade à Khartoum (France, Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Pologne, Suède) ainsi que l’Union européenne. Mais la plus grosse communauté reste américaine, avec près de 19.000 personnes dans le pays. On compte aussi plusieurs centaines de Britanniques, 60 Japonais, Coréens, etc.

Situation difficile sur place

Selon un rapport diplomatique européen, « les fournitures de première nécessité, notamment nourriture et l’eau, s’épuisent, tout comme le carburant des générateurs qui alimentent en électricité les maisons, les relais tél. et d’autres infrastructures essentielles ». La situation est très mouvante et « évolue rapidement ». Des accords de cessez-le-feu « ont bien été conclus [mais ils] n’ont pas été respectés ». L’aéroport international de Khartoum, est pour l’instant « fermé et serait en mauvais état ».

Aérien, terrestre ou maritime

Quant à la voie terrestre, elle reste longue, du moins depuis la capitale soudanaise : plus de 1000 km à partir de la conurbation de Khartoum-Omdurman, pour atteindre Wadi Haifa et l’Égypte ou Port Soudan. Elle est aussi hasardeuse, surtout en zone urbaine, avec le risque d’être pris dans des tirs. Elle est soumise aux aléas de la route (manque d’approvisionnement en carburant, eau ou nourriture selon un diplomate US). De fait, elle nécessite une escorte soudanaise, du fait des nombreux barrages. Elle est plus praticable pour les villes du Nord (Dongola, etc.) ou à l’Ouest, proches du Tchad (El Geneina, Al Fasher) ou de la Centrafrique (Nyala). Seule la voie maritime reste ouverte à partir de Port Soudan, sur la Mer rouge.

La condition : avoir une garantie de posé des avions

L’opération d’évacuation par air sera déclenchée quand les « conditions de sécurité seront réunies », indiquait un diplomate européen à B2. Si hier (vendredi) matin. L’aéroport est en partie inutilisable. Les paramilitaires de la force d’intervention rapide soudanaise (Rapid Support Forces ou RSF) du général Mohamed Dagalo * ont ouvert la porte vendredi dans la journée. « Conformément à la trêve humanitaire, [nous] sommes prêts à ouvrir partiellement tous les aéroports du Soudan au trafic aérien pour permettre aux pays frères et amis qui souhaitent évacuer leurs ressortissants de quitter le pays en toute sécurité », ont-ils promis via twitter. En attendant, chaque pays a donné ordre à ses ressortissants de se rassembler dans des lieux sécurisés (l’ambassade par exemple) pour faciliter les évacuations.

Djibouti point de rassemblement

En attendant, plusieurs avions de transport et des forces spéciales se rassemblent dans les pays voisins. Au moins deux avions de transport A400M et un avion C130 français ont ainsi été prépositionnés sur la base aérienne 188 de Djibouti, prêts à faire un pont aérien le cas échéant avec le Soudan (la distance à vol d’oiseau est de 1200 km soit 2-3 heures de vol en moyenne). À leur bord, des forces spéciales, sans doute provenant des commandos marine de Lorient (Forfusco). Selon nos informations, les Français pourraient s’occuper, outre de leurs propres citoyens, de la délégation de l’UE, des Belges et d’autres nationalités.

L’état-major espagnol a aussi dépêché plusieurs avions à Djibouti : un A330 MRTT et trois avions A400M selon les sources espagnoles. Deux autres sont en route. Avec à bord des forces spéciales, de la brigade parachutiste Almogávares (BRIPAR) selon El Confidential. Athènes a déclenché le plan Cosmos, selon la Tv grecque, prévoyant le recours à des avions, navires et les forces spéciales de la section spéciale parachutiste (ETA). Un avion des forces suédoises a aussi rejoint Djibouti. Les Italiens sont aussi sur place avec au moins un avion et des éléments de la 46ème brigade aérienne de l’armée de l’air, comme l’a confirmé le ministre A. Tajani. L’Irlande a envoyé des membres de son équipe civile d’intervention d’urgence (ECAT) qui a intégré douze militaires, chargé d’accueillir ses ressortissants.

Jordanie point arrière

Les Allemands aussi préparent des effectifs. Au moins quatre avions A400M ont rejoint la base Muwaffaq Salti à AlAzrak, en Jordanie, bien connue des Allemands pour être utilisée dans le soutien de la coalition anti-Daech, comme me l’a indiqué Thomas Wiegold de Augengeradeaus. A leur bord des parachutistes. Les Néerlandais ont aussi envoyé dans la zone un avion de transport stratégique A-330, avec une équipe médiale et des fusiliers marins, ainsi qu ‘un avion tactique type C-130, arrivés à Aqaba (Jordanie) mercredi (19 avril). Le tout suivi d’un second avion C-130. Un avion C-130 norvégien est aussi prépositionné à Amman.

Un avion C-130 néerlandais et les forces spéciales sur la base arrière en Jordanie (Photo : MOD Pays-Bas)

Les Américains en force

Les États-Unis, les plus concernés des Alliés, ont mobilisé des moyens importants. Différentes « capacités supplémentaires » ont été déployées « à proximité dans la région » (NB : Djibouti essentiellement) à « des fins d’urgence » et pour parer « à différentes éventualités » a confirmé le porte-parole du Département d’État US vendredi (21 avril). Plusieurs avions C-130 ou C-17 ont ainsi décollé des bases aériennes US en Europe (Glasgow, Ramstein, Rota, Sigonella…) ou Moyen-Orient (Al Udeid au Qatar) pour rallier Djibouti. Opération coordonnée par l’US Africa Com (le commandement américain pour l’Afrique).

Japonais, Sud-Coréens et Britanniques

Deux avions de transport tactique C-130 et Kawasaki C2 (l’A400M japonais) et un avion ravitailleur et de transport KC767 de la Force aérienne d’autodéfense japonaise rejoignent Djibouti, selon la télévision japonaise. Le ministère sud-coréen de la Défense a annoncé le départ d’un avion C-130J avec à bord une cinquantaine de militaires, dont du personnel médical et de sécurité, selon les agences. Britanniques et Jordaniens sont aussi mobilisés.

Une coordination d’urgence

Une cellule de coordination a été mise en place, regroupant tous les États concernés (Français, Américains, Espagnols, Néerlandais, etc.). Tous ces pays connaissent bien Djibouti. La France comme les USA et le Japon y ont une base militaire permanente. Le petit État de la côte d’Afrique de l’Est a aussi servi de hub aérien et maritime à l’opération anti-piraterie de l’UE (EUNAVFOR Atalanta). Et jusqu’à peu Allemands comme Japonais y avaient une base avancée sur ou près de l’aéroport. Les Espagnols y sont toujours avec un avion de patrouille maritime (Casa CN-235) et la frégate Reina Sofia, navire amiral d’Atalanta, qui a son port d’attache (provisoire) à Djibouti. Les Italiens également avec la frégate ITS Carlo Bergamini.

Premières évacuations – terrestres

  • Des premières évacuations ont eu lieu, menées par les forces saoudiennes a annoncé la télévision d’Etat. Un convoi routier, escorté par les Soudanais, a pu atteindre Port Soudan. De là cinq navires ont pris le relais, emmenant vers Djeddah, le port saoudien de la Mer rouge juste en face) jusqu’à 400 citoyens saoudiens et diverses nationalités (dont des Bulgares et Canadiens).
  • L’évacuation menée par les Qataris selon la même voie s’est heurtée apparemment à des incidents durant le chemin, le convoi se faisant voler plusieurs objets.
  • Une première opération d’évacuation a pu être menée par voie aérienne dans la nuit de dimanche (23 avril), avec trois hélicoptères CH47 Chinook selon Washington (six appareils selon les paramilitaires des RSF). « Aujourd’hui, sur mes ordres, l’armée américaine a mené une opération pour extraire le personnel du gouvernement américain de Khartoum en réponse à la situation au Soudan » a ainsi déclaré Joe Biden. Elle a permis d’évacuer les diplomates US et leurs familles de Khartoum, mais aussi plusieurs Européens (des Suédois, selon nos informations, seraient parmi eux). Un avion des forces suédoises a d’ailleurs décollé de Djibouti dimanche matin tôt direction Stockholm.
  • Le Quai d’Orsay a aussi confirmé la coordination des moyens et la mise en place d’opérations conjointes d’évacuation (cf. communiqué). Lire aussi

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi : [Actualité] L’opération française d’évacuation des citoyens du Soudan a démarré. Premier bilan

Pas d'utilisation de la capacité de déploiement rapide. Précision : il n'est « pas question de l'utilisation de la capacité de déploiement rapide » de l'Union européenne, a confirmé à B2 un officiel européen. Ce dispositif, développé dans le cadre de la boussole stratégique européenne, à partir des battlegroups de l'UE, est encore en préparation. Mais ce sera assurément une sorte de test grandeur nature. Un des premiers scénarios développés pour l'utilisation de cette capacité est en effet l'évacuation de citoyens européens en danger dans un pays tiers.

* Un homme (alias Hemedti) peu recommandable en soi. Avec les milices Janjawid, ils sont soupçonnés d’avoir été responsables en bonne partie des massacres dans le Darfour comme de la répression des manifestations en 2019 (lire sur Tv5 monde).

Mis à jour – premiers éléments d’évacuation maritime par l’Arabie saoudite – Nouveaux avions espagnols et suédois + évacuation US / FR / SWE + attaque du convoi français et situation sur place.

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[Analyse] Les Européens bloquent sur la livraison de munitions à l’Ukraine ? Un peu exagéré non ! Explications

Fri, 21/04/2023 - 15:00

(B2) Les Européens n’arrivent pas s’entendre sur les munitions. Et tout cela est de la faute de la France. C’est la petite ritournelle entendue dans les couloirs de Bruxelles à Kiev en passant par Varsovie. Qu’en est-il exactement…

(Photo : Ministère bulgare de l’Économie – Archives B2)

Un “french bashing” relayé par plusieurs articles de presse, notamment dans la presse polonaise (agence Pap) ou européenne (Politico), et par quelques politiques, notamment le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kuleba, qui s’est fendu d’un tweet plutôt maladroit (cf. encadré).

Un plan en trois volets

Il faut reprendre les éléments depuis le début. Le 9 février dernier, les Chefs (d’État et de gouvernement) ont lors du Conseil européen décidé d’accélérer les livraisons d’armes à l’Ukraine, notamment sur les munitions. Un paquet a été élaboré, approuvé par les ministres le 20 mars dernier (lire : [Décryptage] Au moins 2,5 milliards d’euros pour doper la production de munitions dans l’UE et la livraison à l’Ukraine). Ce plan comprend trois volets, bien distincts – même s’ils partagent le même objectif stratégique (soutenir l’Ukraine) – qui s’étalent dans le temps, comme B2 l’expliquait dès février (lire : [Confidentiel] Achat de munitions en commun. Urgence, Court terme, Moyen terme. Des solutions s’échafaudent).

Où en sont les trois volets ?

Le premier volet (urgence) vise aux livraisons de munitions à l’Ukraine, le plus vite possible, provenant des stocks existants ou de commandes déjà passées, ‘reroutées’ sur l’Ukraine. Doté d’1 milliard d’euros (*), il a déjà été approuvé par les 27, avec effet rétroactif au 9 février (lire : [Décryptage] Le milliard d’euros pour les livraisons urgentes de munitions à l’Ukraine approuvé).

Le deuxième volet, doté d’un autre milliard d’euros, vise à financer des achats en commun, pour le court-moyen terme, il est encore en cours de discussion, au sein des ambassadeurs des 27. Et un accord est attendu d’ici quelques jours, début mai au plus tard normalement (lire : [Confidentiel] Le paquet munitions se précise. Non sans difficultés).

Le troisième et dernier volet, visant le moyen terme et le renforcement les capacités de l’industrie européenne à produire, n’est pas encore discuté. Un peu plus complexe, il doit être élaboré de la Commission européenne. C’est là où se situe plutôt le problème aujourd’hui. Chacun attendait une proposition d’ici la fin du mois. Mais d’après mes informations, l’équipe du commissaire Thierry Breton a un peu de mal à faire entendre sa voix au sein du collège des commissaires. Les gardiens du ‘trésor’ budgétaire européen se font un peu tirer l’oreille. En termes diplomatiques, on parle d’un agenda de la Commission « chargé ».

Où est le blocage ? Où est l’urgence ?

Parler de blocage, de non-respect du paquet, voire de possible mise en danger des vies ukrainiennes (comme le dit D. Kuleba, cf. encadré) est donc suranné. Il existe des difficultés à préciser les termes de l’accord européen. Certes. Mais on est dans la logique même de la machinerie européenne qui doit transcrire, en termes précis et juridiques, un accord politique qui n’a pas été précisé tout. L’ambiguité étant parfois la vertu d’un accord. Les quelques jours passés à discuter ne menacent en rien à la fois la défense ukrainienne (et la contre-offensive en préparation) comme ne compromettent pas le fond de la décision.

D’une part, le “job” a déjà été fait sur le premier volet, le plus important : l’urgence. Des livraisons ont déjà été faites pour un montant non négligeable. D’autre part, le deuxième volet (achats en commun) ne sera pas effectif avant plusieurs mois. Les achats devront être lancés en juin au plus tôt, d’ici septembre au plus tard (pour avoir droit au financement européen). Et l’arrivée effective des munitions achetées n’aura pas lieu avant la fin de l’année (au mieux), voire plutôt 2024 ou 2025 (le temps de production en quantité). Autrement dit, on se situe plutôt dans l’hypothèse de la troisième offensive russe ou contre-offensive ukrainienne (l’année prochaine) plutôt dans que l’actuelle (la seconde offensive ou contre-offensive). En pratique, les 27 ont jusqu’au 31 mai au plus tard pour approuver cette décision.

En attendant, rien n’interdit d’ailleurs à un État de devancer l’appel et de fournir des munitions à l’Ukraine sur son propre budget ou de déclencher des procédures d’achat, sans attendre. Il pourra bénéficier du “bonus” européen, s’il en respecte les principales conditions. Les trois principales sont d’ores-et-déjà connues : 1° il faut être plusieurs pour acheter, 2° le faire entre Européens et 3° acheter auprès d’industries basées en Europe.

Un processus a d’ailleurs déjà été lancé, dans le cadre de l’agence européenne de défense, pour l’achat des munitions de type 155 mm, regroupant quasiment tous les pays (26 États sur 27 selon mon dernier décompte). D’autres processus sont en cours au niveau national, du côtés des Allemands et des Français, notamment.

Faire de tels achats ne se réalise d’ailleurs pas en 24 heures. Il faut définir qui peut être intéressé, déterminer ce qui va être acheté (quels types de munitions, en quelles quantités), comment le faire (qui assumera l’achat, quelle sera la part de chacun, financière et en matériel livré, le calendrier de livraison) et enfin auprès de qui acheter et la procédure à suivre (appel d’offre ou contrat de gré à gré).

Quant à la difficulté d’acheter à l’industrie européenne, invoquée par certains États membres (Pologne notamment), pour justifier d’ouvrir les marchés, c’est un faux semblant. D’une part, il parait logique que l’argent européen (fourni aux 2/3 par le quatuor Allemand-Français-Espagnol-Italien) aille consolider l’industrie européenne plutôt que financer l’industrie sud-coréenne, turque ou serbe. Ensuite, contrairement à l’idée souvent répandue, l’Europe a de la ressource. La plupart des États sont dotés d’une industrie locale apte à fournir des munitions (de norme OTAN ou ex-soviétique). Du Dezamet polonais au Nexter français en passant par l’Allemand Rheinmetall, l’Italien Leonardo, le Bulgare VMZ, le Roumain Romarm ou le Nammo finno-norvégien, le tissu industriel européen est finalement assez riche. Et il tourne à plein. « Nous n’avons pas à rougir de nos petits muscles » témoigne (à juste titre) un diplomate.

Précisons au surplus que quand on parle d’un financement européen, il ne s’agit pas d’une subvention immédiate. L’argent promis arrivera dans la poche des budgets nationaux… dans longtemps. On parle en effet de « rembourser » les livraisons, une fois celles-ci « faites » à l’Ukraine (bordereau de livraison à l’appui). Et le paiement obéit à un échéancier plus ou moins lointain. Selon mes informations, ces remboursements ne pourraient pas intervenir avant horizon… 2025 !

Autrement dit, une semaine de plus dans la discussion… ne change pas vraiment la donne ni au plan politique ni au plan militaire. Cela serait en revanche différent si la discussion se prolongeait jusqu’à juin.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Commentaire : Quand Kuleba dérape

Les propos du ministre ukrainien Dmytro Kuleba tançant l’Union européenne pour son « incapacité » à mettre en œuvre « sa propre décision » peuvent être mis sur le compte d’une certaine « frustration ». Mais quand le diplomate en chef ukrainien parle d’« un test pour savoir si l’UE dispose d’une autonomie stratégique dans la prise de nouvelles décisions cruciales en matière de sécurité » et qu’il ajoute que « pour l’Ukraine, le coût de l’inaction se mesure en vies humaines », il commet une erreur grave, politique, pas vraiment à la hauteur des évènements.

The inability of the EU to implement its own decision on the joint procurement of ammunition for Ukraine is frustrating. This is a test of whether the EU has strategic autonomy in making new crucial security decisions. For Ukraine, the cost of inaction is measured in human lives.

— Dmytro Kuleba (@DmytroKuleba) April 20, 2023

Ce propos témoigne en effet à la fois d’un sérieux manque de connaissance du dossier. Pour avoir une autonomie stratégique d’action, sur le moyen terme, il ne faut pas acheter à l’étranger, mais développer en interne la production. Ce qui est conforme à l’intérêt ukrainien. Sans cette base arrière européenne, l’Ukraine ne pourra pas mener longtemps sa contre-offensive.

Quant à évoquer de possibles vies ukrainiennes menacées, c’est totalement désobligeant, à la limite du mensonge, et en tout cas pas digne d’un responsable politique qui demande à entrer dans l’Union européenne. Il n’y a aucune vie ukrainienne menacée par les quelques jours de plus mis à décider d’une décision qui sera effective… en 2024 au mieux.

——-

* Le milliard d’euros officiellement est bien en prix courants et non prix 2018 comme mentionné par erreur.

Lire aussi :

[Analyse] Sur fond de guerre en Ukraine, la solidarité européenne joue à plein. Les intérêts nationaux aussi !

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[Actualité] Un tanker chinois détourné par les pirates dans le Golfe de Guinée. 2e attaque en quinze jours (v2)

Fri, 14/04/2023 - 16:30

(B2) Un tanker portant un logo blanc et rouge sur le côté a disparu des écrans radars à environ 300 nautiques au sud d’Abidjan en Côte d’Ivoire à 7°14 Nord et 4°34 Ouest, a annoncé lundi (10 avril) le centre de veille maritime pour le Golfe de Guinée (MDAT-GOG), établi à Brest et Portsmouth. Le Success 9, battant pavillon de Singapour, opéré par la société Hai Soon Group a sans doute capturé par des pirates.

Le patrouilleur ivoirien Sekongo escortant le Success 9 (photo : Etat-major de Côte d’Ivoire)

(mis à jour) Le CRESMAO, le centre régional pour la sécurité maritime en Afrique de l’Ouest, a été mis en alerte. Un patrouilleur P400 de la marine de Côte d’Ivoire, le contre-amiral Fadika, aidé d’un avion Falcon 50 français de la base de Dakar et de moyens espagnols, sont partis à sa recherche. Le tout coordonné avec le système de partage de l’information Yaris (lire aussi : Dans le Golfe de Guinée, le chat sécurisé mère de toutes les informations).

Après cinq jours de recherche, le chimiquier a pu être relocalisé à plus de 30 nautiques au large d’Abidjan samedi (15 avril). Il a été escorté jusqu’au port d’Adidjan par les patrouilleurs ivoiriens, dont le Sekongo (P1501) « l’équipage est sain et sauf et a fait l’objet d’une prise en charge psychologique » précise-t-on du côté ivoirien comme français.

Un tanker danois victime d’une attaque

C’est le deuxième incident en quelques jours. Le 25 mars dernier, en soirée, un abordage similaire a eu lieu à environ 140 nautiques à l’Ouest de Pointe Noire (Congo). Avec une issue un peu moins optimiste.

Un tanker danois, le Monjasa Reformer, battant pavillon du Libéria, avait été « arraisonné » par cinq pirates armés arrivés à bord d’un skiff. Le patrouilleur de haute mer, Premier L’Her de la Marine nationale, alors en escale à Libreville (Gabon), après l’exercice African Nemo, reçoit l’ordre de se rendre sur la zone, tout d’abord sur la dernière position connue du tanker (05°03’N-009°35’E).

Le tanker piraté est finalement relocalisé quelques jours plus tard, jeudi (30 mars), en route vers le Nigeria, par le drone aérien de bord, précise la préfecture maritime de l’Atlantique. On aperçoit sur les images captées de l’air un skiff pirates accolé au tanker. Le temps que le Premier Maitre l’Her se rapproche, les pirates se sont envolés. Non sans avoir pris quelques otages au passage. Sur les 16 marins de différentes nationalités du Monjasa Reformer, six en effet manquent à l’appel : enlevés par les pirates. Trois marins légèrement blessés sont pris en charge par le médecin de l’aviso. Le tanker sera ensuite escorté jusqu’au port de Lomé (Togo).

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi : Dans le Golfe de Guinée, des pirates plus structurés, plus audacieux

Mis à jour le 17 avril avec les informations (Cote Ivoire et France) sur la relocalisation du navire. Modification du titre

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[Editorial] La Suisse : le beurre, l’argent du beurre et la comtesse en prime

Sun, 26/03/2023 - 21:25

(B2) La Suisse développe une industrie de l’armement à l’export, veut se rapprocher de l’OTAN mais interdit toute réexportation d’armes vers l’Ukraine. Au nom de sa neutralité. Les Européens devront en tirer des conséquences. Acheter à l’industrie suisse est aujourd’hui risqué pour l’autonomie stratégique. Il faudra s’en passer. Suspendre aussi l’arrangement avec l’agence européenne de défense est une option à étudier.

Le cyber, un des domaines où la Suisse voudrait se rapprocher de l’OTAN (Photo : Armée suisse – prise de commandement du bataillon cyber 42 – Archives B2)

Que veut la Suisse ? Berne entend se rapprocher de l’OTAN comme de l’Union européenne. C’est une volonté exprimée clairement dans un document publié par la Confédération en septembre dernier. La Suisse qui participe déjà à la plateforme d’interopérabilité de l’OTAN espère aussi obtenir le statut de partenaire privilégié, dit « nouvelles opportunités » (alias EOP), réservé à quelques happy few (Australie, Géorgie, Ukraine). La ministre suisse de la Défense, Viola Amherd, était mercredi au siège de l’OTAN pour tenter de convaincre ses interlocuteurs. Sans vraiment réussir.

La neutralité suisse, un problème ? À priori non, du moins selon l’OTAN. Le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, l’a dit expressément mercredi : « la neutralité » helvétique n’est « nullement un obstacle à leur collaboration ».

Ce qui bloque ? Berne refuse toujours de voir les équipements et matériels qu’elle a vendus aux autres pays européens — par exemple les véhicules cédés au Danemark ou les munitions pour le Guépard allemand — réexportés vers l’Ukraine pour le besoin des forces ukrainiennes engagées pour défendre leur territoire face à la Russie. C’est la loi sur le matériel de guerre qui interdit l’exportation d’armements suisses vers des pays en guerre civile ou en conflit armé avec un autre État. Le gouvernement suisse a bien tenté d’assouplir la loi. Rien n’y a fait : le parlement suisse a refusé, tout récemment encore (le 8 mars).

Commentaire : l’hypocrisie suisse faite Reine

Les Européens doivent dire leur fait aux Suisses : on ne peut pas se proclamer neutre, user de cette neutralité quand cela arrange, la recouvrir d’un mouchoir les autres moments, et manquer à la solidarité minimale ensuite.

Se rapprocher de l’Alliance, c’est renoncer à la neutralité

S’intégrer davantage dans l’Alliance atlantique, c’est choisir aujourd’hui clairement son camp. C’est-à-dire assumer de ne plus être neutre. L’OTAN n’est plus du tout l’organisation des années 2000 avec des relations sinon cordiales avec la Russie, du moins animée d’un certain esprit de coopération. Alliés et occidentaux sont aujourd’hui engagés fortement dans un soutien militaire massif à l’Ukraine, considérant la Russie non seulement comme un adversaire, mais comme un ennemi qu’il faut “neutraliser”. On peut parler donc de guerre, par proxy interposé.

Vendre à l’export, c’est prendre le risque

Du côté de l’industrie de l’armement, on nage en pleine hypocrisie. On ne peut pas exporter des munitions, un des points principaux productions nationales, et en interdire leur utilisation. Les seules exportations suisses ont représenté en 2022 près d’un milliard CHF (idem en €). Un chiffre en hausse de 212 millions par rapport à 2021. Des exportations orientées en grande partie vers les pays de l’Alliance (Allemagne, Danemark, Allemagne, etc.), mais aussi vers deux pays qui ne sont pas vraiment des modèles démocratiques : le Qatar (1ère destination à l’export) et l’Arabie saoudite (4e position). Exporter des armements létaux vers l’Arabie saoudite en guerre au Yémen est donc possible, mais pas la réexportation des armements européens vers l’Ukraine ?

La meilleure des solutions pour les Européens : ne plus acheter suisse

Les Européens devront en tirer des leçons pour demain. Premièrement, il est très risqué en terme d’autonomie stratégique européenne de s’équiper auprès de fabricants suisses. Il est plus sûr de se passer d’acheter aux entreprises suisses à l’avenir.

Deuxièmement, il faudra revoir sans doute l’arrangement administratif qu’a la Suisse avec l’agence européenne de défense. Ou au moins le suspendre. Il n’est pas souhaitable que la Suisse puisse jouer sur les deux tableaux : participer à l’effort européen, bénéficier de ses efforts d’innovation, mais ne pas assurer la solidarité minimale ensuite.

(Nicolas Gros-Verheyde)

NB : B2 a cherché à avoir la position de la ministre de la Défense après la réunion à l’OTAN. L’accès à la mission suisse où se tenait la conférence de presse a été refusé. « Interdit aux correspondants européens », dixit le service de presse de l’ambassade.

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[Analyse] Sur fond de guerre en Ukraine, la solidarité européenne joue à plein. Les intérêts nationaux aussi !

Sun, 19/03/2023 - 14:58
Slovénie – Phare de Piran (Photo : ministère slovène des infrastructures)

(B2) La guerre en Ukraine a été un signal d’alarme, salvateur pour nombre d’États. Ils ont enclenché la modernisation de leur armée… En bénéficiant de la solidarité européenne. Un retour sur investissement, à un moment donné, pourra être nécessaire. Le débat est ouvert.

Un geste de solidarité

Depuis février 2022, et le début de la deuxième intervention russe en Ukraine (la première étant en 2014), plusieurs pays, surtout à l’Est du continent, ont très vite envoyé à l’Ukraine leurs matériels d’origine soviétique. Un geste sous-tendu par une volonté politique réelle et un principe d’efficacité. Autant en effet équiper les Ukrainiens avec du matériel robuste, testé et immédiatement employable, plutôt qu’avec du matériel certes plus moderne, mais qui nécessite une certaine appropriation au niveau humain comme technologique (1).

Une belle opportunité pour certains

Pour nombre d’armées de l’Est, dotées d’un vieux matériel vieillissant et, en partie, obsolète, ces « dons » ont aussi été une excellente opportunité pour se débarrasser de certains vieux matériels (sans même avoir à se poser la question de leur recyclage) et renouveler les équipements nationaux. Avec un enjeu vital : moderniser leur armée et adopter un nouveau standard plus otanien de leurs équipements.

Ceux qui financent

Une démarche d’autant plus facile à accomplir que — outre d’être dicté par les circonstances —, une bonne partie de cet effort est financé par d’autres : Américains notamment, mais aussi Européens, en particulier par les plus gros contributeurs de l’Union européenne.

Le « quatuor » de l’UE (Allemagne, France, Italie, Espagne) fournit ainsi deux tiers du financement (64%) de la facilité européenne pour la paix, l’instrument privilégié de financement européen du soutien militaire (2). Soit 2,3 milliards d’euros, sur l’effort déjà engagé et près de 3,6 milliards au total si les projets actuels sont approuvés (3).

Tandis que les pays baltes participent de façon minime à cet effort de solidarité européen. À eux trois, Estonie, Lituanie, Lettonie contribuent pour 0,6% de l’effort global. Soit à peine 28 millions d’euros de contribution (sur les 3,6 milliards déjà engagés) ! Moins que la Grèce, par exemple (45 millions €).

Ceux qui bénéficient

La Pologne qui a entamé un rééquipement à vitesse Grand V avec du matériel hors UE en partie (chars Abrams US, chars sud-coréens K2 et obusiers K-9, avions F-35, etc.) est un des pays qui a fourni le plus d’assistance militaire (avec l’Allemagne, environ 2,43 milliards d’euros selon l’Institut Kiel) et sera le plus gros bénéficiaire de ce financement européen : ± 900 millions €, selon une première évaluation. Mais Varsovie tait soigneusement le chiffre

La Lituanie qui a fourni, en ratio de son PIB, un énorme effort de soutien à l’Ukraine — plus de 400 millions € selon le chiffre officiel — verra pris en charge une petite moitié de cet effort par les autres Européens. Le tout pour une contribution minime à l’effort général, une petite dizaine de millions d’euros. Si on met en relation la contribution mise au pot et le retour attendu : Vilnius reçoit environ vingt fois plus de la solidarité européenne !

La Slovaquie, de l’aveu de son premier ministre (lire : Pologne et Slovaquie équipent les forces ukrainiennes avec des Mig-29), doit recevoir environ 700 millions $ de compensation made in US et 900 millions € au total (soit environ 250 millions d’euros). C’est près de la moitié de son budget de défense pour 2022 ! (4).

Derrière les grands mots, des intérêts nationaux bien compris

La facilité européenne pour la paix — avec ses remboursements de vieux matériels (pris en charge en moyenne à 50-60% de la valeur déclarée) — est ainsi devenue un instrument clé de la modernisation des armées européennes. Ce sans aucune condition de préférence européenne.

Il n’est pas donc pas tout à fait anormal — comme le demandent la France, mais aussi la Belgique, la Grèce et d’autres pays —, que soient mises dans la balance certaines conditions de “retour sur investissement” pour l’industrie européenne. Ce que débattent depuis quelques jours les ambassadeurs afin de favoriser l’achat en commun de munitions (lire : [Confidentiel] Où en est le débat sur les munitions ? La discussion continue entre ambassadeurs). L’Allemagne et la France en particulier ne peuvent pas continuer à financer, sans conditions, la modernisation des armées sans retour.

Certains pays (Baltes et Polonais en particulier) souhaiteraient, en revanche, que le robinet de financement continue de couler sans conditions. Une question urgente, de vie et de mort pour l’Ukraine face à la Russie arguent-ils, avec force (5). Mais, ce qu’oublient de dire Vilnius, Tallinn ou Varsovie, c’est que le soutien militaire européen est devenu vital aussi pour leur propre budget militaire et leur politique de modernisation de l’armée.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Les premiers chars arrivés sur place ont ainsi été de type soviétique type T-72 ou T-64, avant que les chars de type occidental (Leopard en particulier) sur lesquels ont été formés les Ukrainiens arrivent. Idem pour les avions de chasse. Les Mig 29 qui arrivent vont permettre à l’Ukraine de combler en urgence le vide, le temps que la formation sur de nouveaux appareils de type occidental (F-18 ou Mirage) se fasse.
  2. Cette Facilité, placée hors budget communautaire, est financée selon le même principe : une contribution obligatoire fixée selon la part dans le revenu net brut (RNB) européen de chaque pays.
  3. 3,6 milliards € déjà engagés au titre des sept tranches déjà décidées pour le soutien militaire à l’Ukraine + 2 milliards € supplémentaires ont été mis sur la table dans la dernière proposition du Haut représentant de l’UE (Lire : [Décryptage] Et un. Et deux milliards pour fournir des obus à l’Ukraine. Les 27 presque d’accord).
  4. Environ 2 milliards en 2022 selon les statistiques prévisionnelles de l’OTAN pour 2022.
  5. Des pays qui ont une diplomatie publique très active. Ainsi quand un diplomate « européen », sous couvert d’anonymat, est cité dans les médias, pour en faire plus, vous pouvez en être certain : il s’agit d’un Lituanien ou d’un Polonais, voire d’un Estonien.

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