(B2) Les Houthis du Yémen mettent leur menace à exécution. Des missiles et drones ont visé, dimanche (3 décembre), plusieurs navires commerciaux naviguant dans le sud de la mer Rouge. Une réplique voulue à l'attaque d'Israël à Gaza.
Un destroyer américain sur zone
Les attaques se sont succédé dimanche matin et après-midi, menés à la fois par des missiles ou des drones, selon l'US CentCom, le commandement américain, compétent sur le Golfe persique, qui a détaillé chacune de ces attaques et la réplique engagée par un destroyer américain qui patrouillait sur zone. A plusieurs reprises, ce sont des navires britanniques qui ont été visés. Propriété d'actionnaires ayant souvent la double nationalité britannique et israélienne.
Une première attaque contre un navire britannique
Vers 9 h 15 (heure locale), l'USS Carney (DDG64), un destroyer de la classe Arleigh Burke normalement basé à La Rota, a « détecté une attaque de missile balistique antinavire tirée depuis les zones contrôlées par les Houthis au Yémen » indique le CentCom, Direction : un cargo battant pavillon des Bahamas, détenu et exploité au Royaume-Uni, le MV Unity Explorer (1). Le missile a « explosé à proximité du navire ».
Un drone abattu
Un peu plus tard, vers midi l'USS Carney — qui « se trouve alors dans les eaux internationales » selon le commandement US —, détecte un drone « lancé depuis les zones contrôlées par les Houthis au Yémen » se dirigeant dans sa direction. Le drone est abattu « sans dommage pour le navire américain ni aucun blessé parmi le personnel ». La cible spécifique du drone n'était « pas claire » reconnait cependant le CentCom. « Nous ne pouvons pas évaluer pour le moment si le Carney était une cible des drones. »
Un navire marchand cible d'un missile
Quelques minutes plus tard, vers 12 h 35, un nouveau navire marchand, le MV Unity Explorer lance un appel de détresse avoir « été touché par un missile tiré depuis les zones contrôlées par les Houthis au Yémen ». L'USS Carney se dirige vers le navire marchand pour évaluer les dommages. Les dégât semblent « mineurs ». Mais, dans l'intervalle, un autre drone en approche est détecté. Il est abattu « sans dommage ni blessé, sur le Carney comme le Mv Unity Explorer ».
Troisième attaque contre un autre navire britannique
Vers 15h30, c'est au tour du MV Number 9, un porte-containers battant pavillon panaméen et détenu par une société britanique, d'être touché par un missile tiré « depuis les zones contrôlées par les Houthis au Yémen » alors qu'il naviguait dans les eaux internationales de la mer Rouge. « Sans dommages ».
Quatrième attaque
Une heure plus tard, vers 16h30, le MV Sophie 2, un autre vraquier battant pavillon panaméen, envoie un appel de détresse indiquant avoir été touché par un missile. L'USS Carney a de nouveau répondu à l'appel de détresse mais n'a signalé aucun dommage significatif. Alors qu'il était « en route pour apporter son soutien », le navire américain a cependant abattu un drone « se dirigeant dans sa direction ».
Des précédents
Ces attaques surviennent après la capture d'un navire britannique (lire : [Actualité] Les Houthis détournent en mer Rouge un navire « israélien ». Plusieurs marins européens capturés). Le week-end précédent, la marine américaine avait déjà déjoué cette fois, une attaque de pirates somaliens contre un tanker dans le golfe d'Aden près du Yémen (lire : [En bref] L'attaque contre le Central Park déjouée. Les cinq pirates somaliens arrêtés)
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) Les Européens jouent avec le feu au Proche-Orient. S'ils n'y prennent garde, ils pourraient se retrouver demain avec la « pire crise » migratoire que l'Union européenne ait connue. A côté la crise des années 2015-2015 pourrait presque paraître contenue.
Le poste frontière de Rafah - point clé pour le passage de Gaza vers l'Égypte - ici lors de la libération des otages (photo : MAE Pays-Bas)La seule porte de sortie : l'Égypte
La volonté israélienne est en effet d'en finir aujourd'hui avec le réduit de Gaza, de pousser ses habitants à fuir... Les derniers bombardements le prouvent. La volonté affichée par certains dirigeants israéliens aussi. L'Égypte est la seule voie de sortie possible. L'issue terrestre Nord comme la voie maritime étant bloquées par Israël. Or le gouvernement égyptien l'a bien fait comprendre au Haut représentant de l'UE comme aux quelque dirigeants européens venus au Caire. Il est hors de question d'accueillir ces Palestiniens. Pour des raisons politiques. Ce serait réduire à néant le processus de paix reposant sur une solution à deux États. Mais aussi pour des raisons internes et de sécurité. Ce serait subir un enkystement de mouvements islamiques aux antipodes du régime de al-Sissi qui a proscrit les Frères musulmans et consorts.
Les pays de la région peu disposés
De solution alternative, il n'y en a pas vraiment. Aucun autre pays de la région n'est disposé aujourd'hui à accueillir ces réfugiés. Pour les mêmes raisons. Auxquelles s'ajoute une autre : ils sont débordés. Si entre 2012 et 2015, ils ont accueilli à bras ouverts des centaines de milliers de Syriens à la recherche d'un asile, ils ne sont pas prêts à renouveler ce geste maintenant (surtout pour les Palestiniens). La Jordanie estime qu'elle a aussi fait le nécessaire. Le Liban est exsangue. La Turquie a fait le maximum en hébergeant déjà plusieurs millions de Syriens sur son sol.
Des bateaux vers l'Europe
Pour Le Caire, la solution est donc toute trouvée. Si l'Égypte se retrouve forcée, malgré elle (car la pression sera trop forte aux frontières de Rafah), de recueillir des Palestiniens de Gaza, ils seront rapidement mis sur des bateaux : direction l'Europe. Or accueillir une telle population, forte d'un peu moins deux millions d'âme, remplie d'une amertume certaine, d'une possible volonté de vengeance, et qui comprend en son sein quelques extrémistes notoires, formés au maniement des armes, à l'intelligentsia terroriste, ne sera pas de tout repos pour les Européens. Tel Aviv, Beyrouth et Le Caire le savent, les Européens sont prévenus. A bon entendeur...
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) Les marins de l'opération européenne EUNAVFOR Atalanta ont repéré un navire de pêche capturé par les pirates la semaine dernière au large du Puntland.
Capturé la semaine dernière
Battant pavillon iranien, le Al-Meraj 1, ce boutre de pêche (ou dhow) aurait été capturé par les pirates au large de Eyl (Puntland), mercredi dernier (22 novembre), selon les informations du MSCHOA / MICA Center de Brest (qui assure la veille informationnelle dans la zone de l'Océan indien pour l'opération européenne). A bord de deux skiffs, les pirates avaient — selon une méthode bien rodée à la fin des années 2010 — placé des échelles pour aborder le dhow à la coque bleue et blanche, menaçant l'équipage avec des armes de type AK47 (Kalachnikov) et RPG (lance-grenades). Puis ramenant leur proie sur la côte.
Un suivi à distance durant plusieurs jours
L'opération navale de l'Union européenne a, depuis plusieurs jours, déployé des « moyens dédiés » — notamment l'avion de patrouille maritime de l'opération basé à Djibouti (un Casa Vigma) et ses deux navires la frégate italienne Durand de la Penne et la frégate espagnole Navarra — pour « suivre de près les mouvements du boutre et signaler sa position ». Cette « vaste opération de suivi » a permis de localiser précisément le boutre. Le dhow a ensuite été intercepté au large des côtes du Puntland (Somalie) indique l'opération européenne mardi 28 (novembre).
Un usage possible de bateau-mère
Hors de question en effet pour les marines européennes de laisser un tel navire. Il aurait fort bien pu servir de bateau-mère pour « faciliter de nouvelles attaques de pirates contre des navires marchands ». Mais les Européens ne sont pas intervenus. D'après nos informations, la situation est plutôt « confuse » (1). Et il est difficile de préciser dans quelle mesure l'équipage collabore, ou non, avec les pirates. D'où la terminologie prudente utilisée par EUNAVFOR : le boutre « aurait été enlevé par des pirates ».
Escorté par une frégate espagnole
Celui-ci « navigue pour l'instant vers les côtes somaliennes sous la surveillance des moyens d'EUNAVFOR », indique le QG de l'opération situé à Rota (Espagne). Plus précisément Les deux skiffs qui entouraient le navire de pêche au début ont décampé sans demander leur reste quand le Navarra s'est rapproché. Il reste des « pirates » à bord apparemment. Dès que le boutre de pêche sera dans les eaux territoriales somaliennes, ce sera aux garde-côtes somaliens de prendre le relais. L'opération européenne n'ayant plus d'autorisation de pénétrer dans ces eaux, la résolution du Conseil de sécurité des nations unies, n'ayant pas été renouvelée.
Une rançon demandée
Les ravisseurs exigeaient, selon le média somalien Garowe Online, du propriétaire du navire le versement d'une rançon de 400.000 $. Les responsables de l'opération Atalanta ont lancé un appel à la vigilance. Recommandant à tous les navires dans la zone de « s'inscrire dans le système d'enregistrement volontaire (VRS) du MSCHOA », le centre de sécurité maritime pour la Corne de l'Afrique, situé à Brest.
Alertes sur le Golfe d'Aden
Plusieurs alertes ont été lancées ces derniers jours par les autorités maritimes (MSCHOA et UKMTO). Mercredi (29 novembre), plusieurs capitaines ont ainsi repéré un petit canot suspect dans les parages du Golfe d'Aden. Lundi (27 novembre), un canot avec trois personnes à bord s'est approché d'un navire marchant à 60 nautiques au sud de Aden au Yémen. Le canot a suivi le navire pendant une heure avant de changer de direction.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Une résurgence ?
La piraterie somalienne n'est plus aussi effective que dans la fin des années 2010. Mais elle surgit de temps à autre. La dernière attaque d'envergure, recensée par B2, avait eu lieu en août 2021 contre un cargo battant pavillon turc, au nord de la capitale somalienne (lire : tentative d'attaque de pirates au large de Mogadiscio).
En avril 2019, un navire militaire espagnol de Atalanta avait intercepté un navire de pêche yémenite utilisé par les pirates (lire : Les pirates repartent à l’attaque. Un bateau-mère stoppé net dans l’Océan indien) ; les ravisseurs arrêtés avaient été transférés aux Seychelles pour jugement (lire : Les cinq pirates arrêtés par les Espagnols transférés aux Seychelles).
En février 2018, c'était un tanker battant pavillon de Singapour mais appartenant à un armateur letton qui avait été attaqué au large des côtes somaliennes (lire : Un chimiquier letton attaqué par les pirates au large de la Somalie). En avril 2017, c'était un dhow indien qui avait capturé par les pirates.
Lire aussi :
Mis à jour et corrigé à 19h35 - le boutre de pêche n'a pas été libéré, mais juste intercepté et suivi à distance. Précisions aussi sur les moyens employés et la situation à bord
(B2) La marine américaine a déjoué dimanche (26 novembre) une attaque de pirates somaliens contre un tanker dans le golfe d'Aden près du Yémen.
L'USS Mason (Photo : US Navy Robert Aylward - Archives B2)Cette attaque classique de pirates prenant le contrôle de navires a été combinée avec des tirs de missiles provenant du Yémen. Pouvant induire à une certaine concertation entre pirates et Houthis.
Une attaque menée par cinq hommes armés
Le tanker battant pavillon libérien a été « abordé par cinq individus armés alors qu'il était en transit dans le golfe d'Aden, près du Yémen » dimanche (26 novembre). Les pirates « ont tenté d'accéder à la cabine de l'équipage » puis « ont tenté alors de prendre le contrôle » du navire, a raconté le général US Pat Ryder lors d'une réunion avec la presse au Pentagone lundi (27 novembre). « L'équipage, pour l'essentiel, a pu s'enfermer dans un lieu sûr » à l'intérieur du navire.
La CTF 151 sur zone
Répondant à l'appel de détresse lancé dans la soirée de dimanche (26 novembre) le navire américain USS Mason, plusieurs navires alliés et avions, parties prenantes de la CTF 151 (la force conjointe initiée par les USA). Les cinq pirates — des Somaliens apparemment — ont alors tenté de s'enfuir à bord d’une petite embarcation. Ils ont été rattrapés et « arrêtés » par l'équipe de visite et d'arraisonnement de l'USS Mason. Celle-ci est montée à bord du tanker, l'a sécurisé et libéré l'équipage. Ils sont détenus à bord du USS Mason a précisé Pat Ryder.
Tir de missiles balistiques
Lundi 27 au matin, deux missiles balistiques ont été tirés depuis des zones contrôlées par les Houthis au Yémen, en direction des zones où évoluaient les deux navires, l'USS Mason et le Central Park. « Les missiles ont atterri dans le golfe d'Aden, à environ 10 milles marins des navires. On ne sait pas encore exactement ce qu'ils visaient » a indiqué Pat Ryder précisant que ni l'USS Mason ni le Central Park n'avaient été endommagés par les missiles. Le Central Park a remis ses moteurs en marche et a repris sa route.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : [Actualité] Un dhow iranien capturé par les pirates au Puntland intercepté et suivi à la trace par les Européens
(B2) Pour la dixième fois consécutive depuis 2004, des avions français seront basés dans les pays baltes. Prêts à faire face à toute alerte. Notamment des avions militaires russes toujours tentés de faire un peu de provoc' aux bordures des pays baltes.
B2 a pu accompagner les pilotes de l'armée de l'air et de l'espace qui se déploient en Lituanie ces jours-ci. Avec une bonne vingtaine de journalistes de différents pays de l'OTAN, nous avons pris ainsi place à bord d'un A300M MRTT (1). Départ au petit matin, sur la base de Istres, dans le sud de la France (la BA 125 pour les intimes de la chose aérienne). Direction Šiauliai en Lituanie, alors que le soleil pointe à peine le bout de son nez sur la Méditerranée.
Dixième participation française
Durant quatre mois, de fin novembre 2023 à fin mars 2024, des avions Mirage 2000-5F assureront la police du ciel au-dessus des pays baltes. Aux côtés des F-16 belges et polonais.
Une présence active des avions alliés sur le ciel balte
C'est la dixième participation à la surveillance du ciel balte (Baltic Air Policy), précise l'état-major des armées, la septième en Lituanie (2), en 20 ans. La présence aérienne alliée a, en effet, été renforcée depuis 2014 et la première intervention militaire russe en Ukraine (Crimée et Donbass). Elle est encore plus actuelle depuis 2022, et la seconde intervention russe en Ukraine (plus massive). Les moyens ont été densifiés.
En relais des Italiens et Espagnols
Les Français viennent s'insérer dans un dispositif rodé depuis des années. Ils seront aux côtés des Belges qui assureront la Baltic air policing classique. Tandis que les Polonais seront à Amari (Estonie) relayant les Espagnols. Ils auront fort à faire. La Quick reaction rapid italienne a réalisé, en quatre mois de présence (1er aout à novembre) 60 alertes. 70% étant liés au survol d'avions russes à destination ou au départ de l'enclave russe de Kaliningrad.
Deux fois deux Mirage
Quatre avions Mirage 2000-5F du groupe de chasse 1/2 « Cigognes » sont déployés pour cette mission. Ils seront basés à Šiauliai, en Lituanie. Les Mirage évoluent, en général, par paire. Ces avions de chasse monoplaces, normalement dédiés à la défense aérienne, sont capables d’interdire toute intrusion aérienne sur un large territoire mais aussi d’assurer la protection de bombardiers ou d’autres aéronefs stratégiques. Ils sont équipés d’un radar multi-cibles performant et peuvent être dotés de missiles air-air de type MICA.
Un détachement d'une centaine de militaires
Le détachement Air français se compose d’une centaine de personnels : six pilotes de chasse, une quarantaine de mécaniciens, une quinzaine de fusiliers et commandos de l’air, des pompiers de l’air (3), ainsi que des soignants du service de santé des armées, des militaires du service de l’énergie ou des spécialistes des systèmes d’information et de communication (CIS). Ce qui est relativement peu en soi. Tout simplement car la plupart de la logistique (fuels, etc.) est assurée sur place, soit par les Lituaniens, soit par d'autres Nations OTAN.
Pleine interopérabilité OTAN
Toutes les actions aériennes des pays alliés sont normalisées dans des procédures de type OTAN, bien intégrées par chacune des forces. Des normes utilisées tant sur le sol national qu'en opérations extérieures. Des procédures de vols, à l'atterrissage ou au ravitaillement en vol, jusqu'aux multiples détails, tels les signaux de parking sur une piste, tous les appareils de l'Alliance opèrent ainsi selon les mêmes modalités, assurant une « complète interopérabilité ». Ce qui « facilite énormément l'interaction entre tous les alliés », témoigne le colonel Gaudillière, porte-parole des opérations de l'armée française, qui parle en connaissance de cause (ancien pilote de Rafale, il a aussi commandé la BA125, la base aérienne d'Istres).
Ravitaillement en vol d'un F-18 finlandais (© NGV / B2)Objectif : Identifier et dissuader
La mission de tous les aéronefs engagés dans le dispositif répond à un mode opératoire assez similaire, assez classique dans la sûreté aérienne : qui répond à quatre missions : identifier, contrôler, surveiller ou intercepter. En premier lieu, il s'agit d'identifier tout aéronef suspect (« douteux » dans le langage aéronautique) pénétrant ou survolant l’espace aérien balte.
Trois critères d'appréciation d'un avion douteux
Un avion est considéré comme suspect, s'il ne répond pas à certains critères : 1° pas de contact radio avec les organismes de contrôle civil, 2° pas de dépôt d’un plan de vol ou non-respect de ce plan de vol, 3° coupure du transpondeur et donc pas de moyen d'identification de l’aéronef. En cas de doute, deux avions décollent pour « prendre liaison, à des fins de vérification » avec l'avion. C'est ce qu'on appelle un « Alpha scramble », pour une alerte réelle (à distinguer d'un « Tango scramble » dédiée aux décollages pour entraînement).
Contact par tous moyens
De façon concrète, un contact radio est pris, à proximité, par tous les moyens possibles (UHF, canal de détresse, etc.). À défaut, c'est un contact visuel — de cockpit à cockpit — qui est assuré (par le biais de petites affiches que montre le pilote). Au besoin, l'avion est escorté jusqu'au sortir de l'espace aérien balte, et pris en charge par les avions polonais, finlandais ou suédois, selon sa direction (cf. carte).
De la simple perte de contact radio à l'intention volontaire
Parfois, il s'agit d'une simple perte de contact radio avec le sol (panne ou défaillance), il s'agit alors pour les avions de l'OTAN de « porter une assistance en vol » à l'appareil en détresse, de l'escorter et le guider au besoin jusqu'à sa destination ou (en cas d'urgence), le terrain le plus proche. C'est souvent le cas pour les avions civils. Pour les avions russes (militaires et parfois civils), la donne est différente. De façon volontaire, les avions russes coupent leur transpondeur ou transgressent leur plan de vol.
La FIR ou l'espace territorial ?
Précision importante : les avions russes ne violent pas généralement l'espace aérien balte, au sens territorial du terme. Ils évoluent en marge de celui-ci, dans la FIR, la zone de responsabilité du contrôle aérien d'un des pays baltes. Le tout pour provoquer ou « stimuler » le contrôle aérien balte. Ces vols sont parfois à visée très provocatrice, coïncidant avec des évènements particuliers (fête nationale, visite d'une personnalité d'un pays de l'OTAN). Histoire pour Moscou de marquer son empreinte sur la zone.
(Nicolas Gros-Verheyde, à bord d'un MRTT et à Siauliai en Lituanie)
Lire aussi notre [Fiche-Mémo] La surveillance aérienne de l'OTAN au-dessus des pays baltes
(B2) C'est un acte de piraterie « politique » qui vient de se dérouler en mer Rouge. Les Houthis, la force au pouvoir au Yémen, affirment avoir détourné un navire marchand, le Galaxy Leader.
Ayant traversé le canal de Suez en Egypte, ce navire transporteur de voitures qui bat pavillon des Bahamas a été détourné à 14’50 Nord, 4’15 Est à 50 nautiques de Hodeidah alors qu'il se dirigeait vers le port de Pivavav en Inde. L'officier de sécurité de la compagnie a « perdu les communications avec le navire », après que celui-aurait été « abordé par des personnes non autorisés » a confirmé le centre britannique de suivi de la marine marchande (UKMTO) dimanche (19 novembre).
Un avertissement
Les Houthis entendent ainsi donner un « avertissement » à Israël. Tous les navires « appartenant ou traitant avec l'ennemi israélien » deviendront « une cible légitime pour les forces armées ». Ce tant « jusqu'à ce que l'agression contre Gaza cesse et que les actes odieux contre nos frères palestiniens à Gaza et en Cisjordanie cessent ». Ils exhortent aussi « tous les pays dont les citoyens travaillent dans la mer Rouge à éviter tout travail ou activité impliquant des navires israéliens ou appartenant à des Israéliens » Quant à l'équipage du navire, il est traité « conformément aux principes et aux valeurs de notre religion islamique » assure son porte-parole sur XTwitter.
Un navire opéré par des Japonais, propriété britanniques et d'Israéliens
« Il n'y a pas de cargaison à bord » a assuré l'affréteur, la compagnie de transport maritime japonaise NYK Line. Ce navire est exploité la société britannique Galaxy Maritime Ltd., basée dans le paradis fiscal de l'Isle de Man, et propriété de Ray Shipping LTD, basée à Tel Aviv, dont l'actionnaire principal est Rami Ungar, l'un des principaux importateurs de voitures en Israël, comme il l'affirme lui-même.
25 membres d'équipage retenus, dont plusieurs Européens
Parmi les 25 membres d'équipage, retenus en otage, figurent au moins trois citoyens de l'Union européenne : deux Bulgares, le capitaine et son second, selon le secrétaire du ministère de l'Intérieur, Jivko Kotsev, cité par la télévision bulgare ; ainsi qu'un Roumain selon le ministère roumain des Affaires étrangères — et des Ukrainiens. Selon nos informations, une notice — dite IRTB (Industry Releasable Threat Bulletin) — est en cours de préparation pour informer l'industrie du transport maritime de la nouvelle situation causée par le conflit.
(NGV)
Mis à jour à 20h00 avec les détails sur les membres de l'équipage et l'IRTB
(B2) Alors que le conflit au Proche-Orient a fait éclater l'unité des Européens, Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne tient bon la barre du bateau "Europe" à la dérive. Il joue pleinement son rôle de coordinateur, mais aussi d'impulseur alors que le moteur ministériel a des ratés. Dans les limites de ses fonctions, mais en utilisant tous les ressorts possibles.
Une Europe en débandade
La guerre déclenchée entre le Hamas palestinien et Israël a mis à nu les divisions farouches entre les gouvernements européens sur le conflit au Proche-Orient. Avec une explosion en plein vol de l'unité. Des divisions exposées de vive voix, lors des visites en Israël comme en Palestine, et aux yeux de tous les partenaires extérieurs, à l'ONU (1).
Un langage commun dur à exprimer
Qui aurait cru qu'un simple appel à un cessez-le-feu voire à une trêve humanitaire immédiate aurait suscité autant de discussions, comme lors des dernières réunions des Affaires étrangères ou du Conseil européen ? Qui aurait cru que le simple rappel des paramètres habituels (pas d'issue au conflit sans solution politique, deux États vivant côte-à-côte, arrêt de la colonisation, Jérusalem comme capitale des deux États) serait aussi difficile à exprimer ?
Entre jeux personnels et défaitisme
Sous le coup de l'émotion de l'attaque sanglante du Hamas en Israël le 7 octobre et de la nécessaire solidarité avec le peuple issu de la Shoah, certains responsables européens semble avoir oublier ce langage auparavant si rituel, qu'on n'y prêtait guère attention. Comme s'ils n'y croyaient plus. D'autres préfèrent jouer une musique personnelle (2). Le couple franco-allemand est aux abonnés absents. Encore une fois, comme au début de l'intervention russe en Ukraine, Olaf Scholz et Emmanuel Macron sont allés, chacun de leur côté, en Israël (et Palestine pour le second).
Une révélation dans la crise
Dans cette "chienlit" européenne, un seul personnage semble tenir la barre du radeau européen, Josep Borrell, le Haut représentant de l'UE. L'Espagnol âgé aujourd'hui de 76 ans se révèle au grand jour dans cette crise, tentant de ramener les 27 à la raison. Son âge, comme son caractère, légèrement ombrageux, considérés comme un handicap à sa nomination, se révèlent, ici, un sérieux atout. Tout comme son expérience. L'homme émerge, solide, et respectueux non seulement de la lettre mais de l'esprit des Traités.
Gardien du cap européen
Le Haut représentant remplit ainsi sa fonction, utilisant au maximum les compétences qui lui ont été confiées, forçant parfois le consensus qui peine à émerger. Cela a été le cas lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères du 23 octobre à Luxembourg. Réunion harassante, difficile où les 27 montrent alors leurs divisions. Devant la presse, il fixe une position qui gratte le poil de la gorge de quelques ministres (l'Autrichien, le Hongrois, ...) la jugeant pas assez fidèle à leurs pensées. Inlassablement, sur les réseaux sociaux aussi, il fait le rappel à la loi humanitaire, critiquant le siège de Gaza, appelant à une « pause des hostilités urgente » pour acheminer l'aide humanitaire, et à une solution politique. Au prix de vertes critiques (3). Il n'en a cure.
... et forceur de consensus
Pour Borrell, il faut que l'Europe prenne position, sur le juste milieu. Une position d'équilibriste. Les faits lui donnent bientôt raison. La situation sur le terrain est devenue critique. Les positions des principaux alliés d'Israël, tels les États-Unis et l'Allemagne, évoluent. Les critiques se font plus discrètes. Le langage commun rejoint le « consensus » avancé de façon un peu audacieuse, quelques jours auparavant. Le Haut représentant arrive, au forceps, peu à peu, à amener les 27 sur un langage commun plus dynamique. Le 12 novembre, il obtient ainsi une déclaration « au nom de l'Union européenne » (donc à l'unanimité des 27) un peu plus dynamique que les précédentes appelant à des pauses « immédiates ». L'adjectif a tout son sens. Le 13 novembre, il présente des paramètres pour l'après-Gaza que certains membres trouvent trop déséquilibrés (Lire : [Actualité] Les six paramètres de l’après offensive sur Gaza selon les Européens. Face à l’urgence, des ponts flottants à Gaza ?). Mais qui se révèlent fort justes. Quelques jours plus tard, les États-Unis de Joe Biden affichent publiquement une position similaire ; le président américain allant même plus loin en menaçant de sanctions les colons extrémistes israéliens (4).
Une leçon pour l'avenir
Cet épisode justifie, plus jamais, le fait d'avoir un personnage au sein de l'arsenal européen, qui soit chargé d'exprimer la voix de l'Europe, de rappeler la position intangible européenne, qu'elle ne soit pas l'otage des positions nationales. Ce rôle devra être renforcé. Face à l'adversité extérieure, chacun devrait aussi ranger ses ego de côté, cesser de vouloir faire des coups médiatiques sans lendemain. C'est le prix à payer pour que l'Europe puisse exister dans le concert mondial.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi :
(B2) Sous des dehors très actifs, l'Europe de la défense, alias l'Union européenne de défense, n'arrive toujours pas à franchir le cran supplémentaire et nécessaire au niveau stratégique. Malgré des outils aujourd'hui disponibles en nombre, elle peine à faire sa révolution. Se satisfaisant de quelques avancées, elle parait incapable d'accomplir sa mue géopolitique. Inquiétant dans ces temps troublés. Revue de détails.
En quelques années, l'Union européenne s'est dotée de plusieurs outils majeurs : Coopération structurée permanente (PESCO), Facilité européenne pour la paix (FEP), Fonds européen de défense (FEDef), structure de commandement des missions militaires (MPCC) et renforcement du commandement des missions civiles (CPCC), une direction sur l'industrie de défense (DG DEFI) à la Commission européenne. Le tout doté d'une doctrine (la boussole stratégique) et soutenu par un service diplomatique européen (SEAE), qui a trouvé son rythme de croisière.
Il serait logique d'être satisfait de cette progression. Mais crier victoire serait audacieux. La plupart de ces avancées datent des années 2010 - 2019. Or, dans le même temps, le monde a évolué de façon plus heurtée et plus rapide. Les conflits sont multiples, plus durs, et surtout plus proches de l'Europe (Syrie, Russie-Ukraine, Israël-Palestine). Des États clés peu éloignés sont déliquescents (Libye, Liban, Soudan) sans compter les coups d'États militaires (au Sahel) qui peuvent contribuer à cette instabilité. Et cette phase ne semble pas terminée. Les acteurs de la scène mondiale, et pas uniquement les plus gros, n'hésitent plus à appliquer le jeu de la force plutôt que le rôle du droit, le fait accompli plutôt que la négociation.
Dans ce contexte, la réunion des ministres de la Défense, ce mardi (14 novembre) apparait comme un anachronisme de plus avec un agenda aussi court que possible (un petit déjeuner, deux-trois heure de réunion et un déjeuner) et de faibles résultats à attendre malgré des défis nombreux (lire : [Confidentiel] A l’agenda de la double réunion Affaires étrangères et Défense (13 et 14 novembre).
Une gestion de crise enkylosée par les lourdeurs du passé
La gestion de crises de la PSDC, qui était auparavant le côté opérationnel le plus actif, traverse une mauvaise passe.
Un tiers des missions inactives ou inefficaces
Certaines missions, auparavant au premier plan comme au Sahel (Mali, Niger, Centrafrique...), sont en agonie active. Les missions atones (EUBAM Libya, EUAM Iraq,...) n'arrivent pas à se redynamiser. Cela a été proposé. Mais à chaque fois, les États membres ont une bonne raison pour refuser d'ouvrir le débat et passer à la case : fermeture. Résultat : les missions continuent sans efficacité, mais en consommant de l'argent communautaire. Sur les quelque 330 millions € de budget dédiés aux missions civiles, cela représente près d'un tiers (115 millions €) selon nos estimations, qui peut être économisé ou redéployé.
Entre missions Potemkine
L'exemple de la mission de gestion du point frontière de Rafah (EUBAM Rafah) entre la bande de Gaza et l'Égypte est symbolique de cette dichotomie entre affichage et réalité. Cette mission est au ralenti depuis des années. Aucun rapport, aucun élément public ne permet de savoir ce qu'elle a réalisé. J'ai posé la question et obtenu un espèce de boulgiboulga administratif cachant mal cette inefficacité. Avec l'éclatement du conflit au Proche-Orient, on aurait dû assister à une nouvelle dynamique, en urgence. Car l'UE a en Palestine une de ses plus anciennes missions (EUPOL Copps) qui a une bonne connaissance du terrain. Rien... au contraire.
... et missions de bon voisinage
Les seules missions "efficaces" sont les bonnes vieilles missions-opérations dans les Balkans, ou dans le voisinage Est (formation des Ukrainiens, observation en Géorgie ou en Arménie, État de droit au Kosovo). Tensions obligent. Mais aussi car ses missions-opérations reposent sur des objectifs précis, cadencés, et souvent un cadre opératif "exécutif" ou "semi-exécutif" (1). Malheureusement, la discrétion reste aussi de mise (2). Malgré tout le discours sur l'importance de la communication stratégique, de contrer la désinformation, l'Union européenne reste toujours totalement incapable de tout simplement informer sur ce qu'elle fait.
La réaction rapide de crise atone
Du côté de la réaction rapide aux crises, l'encéphalogramme est plat. Certes un coup de peinture a été donné aux bons vieux battlegroups (jamais utilisés et jamais utilisables) en mettant au point une Capacité de déploiement rapide (RDC en acronyme anglais). Intention louable. Mais rien de révolutionnaire. C'est ni plus ni moins l'effectif théorique des deux battlegroups de permanence. Et celle Capacité ne sera opérationnelle qu'en 2025. Autrement dit un siècle à l'heure les bouleversements mondiaux actuels !
Réétudier des scénarios pour ne pas agir ?
Ce dispositif pourra-t-il un jour être utilisé ? Le doute persiste. Les principaux aléas du passé restent là : unanimité nécessaire de décision, volonté politique aléatoire, coûts financiers globalement à charge des pays intervenants (3). Même sur un sujet consensuel comme l’évacuation des citoyens européens, cette nouvelle Capacité est restée à quai, par exemple lors de l'évacuation du Soudan ou d'Israël tout récemment. Or l'évacuation de citoyens nationaux (ou européens) est un sujet parfaitement connu et balisé des armées européennes, voire même de l'Union européenne. Le premier exercice (sur table) et le premier concept européen - que j'ai en archives - date du printemps 2006 ! Presque 20 ans ! On peut se demander concrètement ce que fait l'état-major de l'UE (dirigé aujourd'hui par un général néerlandais M. Van de Laan) et fort de 200 personnels. (Lire aussi : Force de réaction rapide. Une idée, loin d’être révolutionnaire. Un peu d’audace Svp)
Un financement industriel qui pose question
Des avancées nettes
Du côté de l'industrie de la défense, l'Europe là aussi a connu de nettes avancées. Le fonds européen de défense alias FEDef fonctionne depuis bientôt deux ans, bien doté (1 milliard € par an) pour deux fonctions : recherche & technologie (R&T) et recherche & développement (R&D). Une enveloppe supplémentaire a été mise en place pour développer l'industrie des munitions en Europe et 300 millions € supplémentaires. Mais pour aller plus loin, ça cale.
L'étage supérieur bloqué
La volonté du commissaire européen Thierry Breton de pousser les feux et d'obtenir un fonds pour les acquisitions en commun en Europe, s'est heurtée à un double Niet. Les États membres ne sont en fait pas trop d'accord pour augmenter leur contribution (4). Le message interne peut se résumer à ceci : « Super ton idée, Thierry... mais trouve l'argent dans ton budget. Not in my pocket ». Autrement dit : pas un kopeck de plus pour la défense. Une difficulté qui s'ajoute à un certain sentiment chez les plus europhiles de l'incapacité de réaliser l'objectif stratégique rêvé.
Un objectif stratégique en passe d'être raté
L'espoir de voir se créer une industrie de défense européenne capable de rivaliser avec celles des USA ou de la Chine (l'objectif stratégique du FEDef) est pour le moins "défraichi". Ces fonds sont ainsi devenus le terrain des "chasseurs de subventions". Et cela ressemble parfois davantage à de l'opportunisme financier qu'à un vecteur de changement stratégique. La dynamique de consommation des fonds entraine plutôt une dynamisation du tissu des PME et des "petits" ou "moyens" États qui veulent tous avoir leur projet et leur industrie. Ce qui logique et légitime au niveau national se révèle une erreur stratégique au niveau européen.
Le manque
Malgré quelques renforcements, l'Union européenne n'a toujours pas cette agence de défense, autonome, dotée d'un financement nécessaire, capable de passer des marchés directement, et d'orienter ainsi de façon précise les priorités industrielles. Cette agence prévue au Conseil européen de 2003, a été mise en place il y a 20 ans maintenant. Mais, malgré un certain renforcement — quelques millions d'euros en plus cette année, (lire : [Confidentiel] Budget en augmentation pour l’agence européenne de défense), l'ambition reste trop mesurée face aux défis. Les États membres rechignent encore une fois à déléguer quelques compétences.
La question taboue de l'utilité publique
A cela va s'ajouter une interrogation : quelle est l'utilité de dépenser de l'argent public vers une industrie qui a grosso modo un seul problème — trop de demandes, pas assez de personnel (5) — et engrange des bénéfices notables ? Cette question, taboue aujourd'hui dans les milieux de défense, effleure dans le débat à fleurets mouchetés qui a commencé entre États membres sur la révision du cadre budgétaire pluriannuel (en décembre pour la révision, en 2025-2026 pour le prochain cadre). Elle pourrait être exprimée plus brutalement dans la campagne électorale européenne (d'ici juin 2024) ou à l'occasion d'un rapport de la Cour des comptes. Vraie question.
Une politique de défense encore loin d'être commune
Résultat, que ce soit au niveau opérationnel ou industriel, l'ambition d'avoir une politique de défense commune parait aujourd'hui une étape infranchissable, même dans un contexte de crise intense.
Une boussole qui perd le Nord ?
Au niveau politique, la fameuse boussole stratégique sensée fixer un cap pour les prochaines années se révèle fidèle aux défauts de ses prédécesseurs (stratégie globale de Mogherini, stratégie intégrée de Ashton) : un beau document de réflexion, une mise à plat honnête des problèmes, un foisonnement de priorités mais un fracassage en beauté sur la réalité au moindre incident. Les États continuent d'avoir leur ligne politique, leurs intérêts, et les communautés de vision sur ce sujet restent limitées. Les divisions sur la guerre entre Israël et Palestiniens le prouvent. Les divisions, plus discrètes sur l'Afrique (rester ou ne pas rester au Niger), soulignent des lignes de fractures non résorbées. L'unité forte des Européens face à la guerre russe en Ukraine ne doit pas faire illusion, elle est la conséquence de deux éléments : une sensation de menace immédiate et (surtout) la pression américaine forte exigeant que l'Europe tienne son rang.
Une Facilité à bout de souffle
La seule avancée palpable de l'Union européenne est au plan financier : avec la Facilité européenne pour la paix. C'est indéniable. Pour financer les opérations et la fourniture d'équipements militaires, la Facilité tourne à tour de bras. Mais le dispositif atteint ses limites. Ou plutôt, le succès est tel (avec la guerre en Ukraine) que son plafond financier a déjà dû être augmenté à deux reprises (+ 3,5 milliards € sur la période). Et qu'une nouvelle augmentation (+ 5 milliards par an et + 20 milliards sur la période 2024-2027) a été mise sur la table. Sauf que les États membres, en particulier ceux qui financent le plus (Allemagne, France, etc.) commencent à tousser. En particulier leurs ministères des Finances qui n'avaient pas prévu de trouver autour d'un milliard d'euros de plus pour la défense ! (lire : [Décryptage] Une facilité militaire à 20 milliards pour l’Ukraine. C’est compliqué !).
La PESCO entre deux eaux
La coopération structurée permanente qui était sensée être le niveau politique de la défense européenne, 'arrive pas à percer. Six ans après sa mise en place, elle s'est installée dans une certaine monotonie, habituelle à l'Union européenne, avec une multiplication de projets (un véritable arbre de Noël), une ligne stratégique faible, des résultats hasardeux (lire [Confidentiel] Dopée par le guerre russe en Ukraine, la PESCO présente encore bien des faiblesses). Mais c'est surtout le niveau politique qui est le grand absent. En toute logique, la seconde guerre russe en Ukraine (2022), le Haut Karabagh ou la guerre entre Israël auraient dû déclencher une réunion d'urgence, une réaction... Rien.
L'UE à la remorque de l'OTAN
Au final, alors que l'OTAN, malgré ses lourdeurs initiales, a su s'adapter finalement assez vite à la nouvelle donne du conflit de haute intensité en Ukraine - elle y a même retrouvé une seconde jeunesse, déployant des forces à l'Est de ses frontières, refondant ses processus, ses concepts, de façon plutôt rapide, l'Union européenne est restée à la traine. Elle n'a pas osé révolutionner ses processus, sa structure, son mode de pensée, à la hauteur des évolutions en cours (6). Aujourd'hui concrètement, le partage des tâches (rêvé par certains, refusé par d'autres) entre une OTAN militaire sur les gros engagements et une UE civile chargée des questions de souveraineté économique ou de "petites" missions de gestion de crises, est clairement la norme.
Commentaire : L'Union européenne de la défense est morte ?
L'Union européenne de la défense verra-t-elle le jour, un jour ? Pas sûr. Si des évènements comme le 24 février 2022 (l'offensive russe sur l'Ukraine), le 19 septembre 2023 (l'offensive azéri sur le Haut Karabagh), le 7 octobre 2023 (l'offensive du Hamas en Israël et sa réplique israélienne sur Gaza) ne suscitent pas de révolution, quel évènement pourra le susciter ? L'Union européenne sa cantonne, volontairement, dans sa position favorite : être un financeur (la politique du carnet de chèques), un législateur (sur l'aspect industriel et économique, mais pas militaire) et un pourvoyeur d'aide humanitaire. Globalement le tryptique des années 1990-2000. Mais elle n'arrive pas à franchir l'échelon supérieur, stratégique et géopolitique. Malgré tous les mots et réels engagements de Paris, Bruxelles ou Berlin. Chacun semble avoir oublié l'épisode Trump (qui n'est pas une parenthèse de l'histoire) et a enfouir la tête dans le sable. De façon assez paradoxale, on pourrait même dire que l'Europe de la défense (tout comme le pilier européen de l'Alliance) a été gravement atteinte le 24 février 2022.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi :
(B2) Un film aux couleurs merveilleuses, des mets choisis et un script ciselé. En cuisine, le couple Juliette Binoche et Benoit Magimel aidée de la jeune Galatéa Bellugi concocte les mets plus délicieux les uns que les autres.
Dans une casserole fricasse la viande, dans une autre les oignons, tandis que les légumes tous plus frais que les autres se découpent, pour rejoindre les premiers. Le beurre vient se faufiler à travers les interstices, tandis que les épices viennent relever le tout. Et ainsi de suite, de recette en recette, de préparation en sortie du four, nos papilles frétillent. On se surprend à tenter de retenir les secrets de ces délices. Les amis réunis à table qui dégustent ensuite chacun des plats, dans des dialogues tout aussi savoureux, sont aussi un régal.
Mais c'est tout. Le film s'étire en longueur, sans nervosité, on reste observateur de scènes sans cesse renouvelées, mais finalement répétitives. Au point que au bout de 45 minutes de film (celui-ci dure 2h15), l'ennui guette. On se prend même à regarder la montre.
(NGV)
De Tran Anh Hung. Production : Curiosa Films, avec UMedia & France 2. Casting
(B2) Malgré tous les discours officiels, la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne n'a pas connu avec Maastricht le saut espéré. 30 ans après l'entrée en vigueur du Traité sur l'Union européenne, l'Europe ne marche toujours pas sur deux pattes. L'une économique, l'autre politique.
À l'origine, l'ambition était grande. Il ne s'agissait ni plus ni moins que de poser les bases d'une politique étrangère vraiment commune. Dans les propositions faites par la Commission Delors, en 1990, le cadre est posé : lieu de décision unique au Conseil, majorité qualifiée pour les décisions de politique étrangère, compétence des ambassadeurs du Coreper pour préparer les décisions, consultation ou information du Parlement européen, mise en place d'un embryon de service diplomatique au sein du Conseil, une clause de solidarité, etc.
De tout çà, il ne restera quasiment rien. Bien sûr, la politique étrangère est incluse dans le Traité. On prévoit une discussion entre les États membres au sein du Conseil. On met en place un mécanisme de décision, l'action commune. Mais on est bien loin de l'ambition de départ. Les ajouts de Maastricht consistent surtout à faire un peu de toilettage à la coopération politique qui préexistait, sans lui donner cependant les outils, les processus ni les moyens pour aboutir à ce que l'Europe parle d'une seule voix. « La machinerie mise en place ne marchera pas » lâche Jacques Delors, un rien amer en décembre 1991. « C'est là un des plus grands sujets de déception pour la Commission (européenne). »
Les réticences des uns — Allemagne notamment, France aussi mais aussi certains "petits" pays inquiets de la communautarisation de certains sujets — auront raison de l'ambition. L'éclatement du conflit en Yougoslavie, achèvera la réflexion. L'accord des Douze se fera finalement sur la monnaie unique, la Grande réalisation du Traité de Maastricht. Mais le saut en matière étrangère sera reporté à plus tard.
Une partie de ces propositions se retrouve un quart de siècle plus tard dans le Traité de Lisbonne, mais pas en totalité. Et sans avoir l'efficacité des propositions de 1990. Les autres propositions (majorité qualifiée par exemple, lieu de décision unique...) sont encore dans l'impasse. Et cela pèse aujorudh'ui sur la « voix de l'Europe » qui peine à rester unique. La division des Européens sur le conflit actuel entre Israël et Gaza le montre (lire : [Actualité] L’Unité européenne sur Gaza se fracasse à l’ONU).
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) La Turquie a refusé hier (mardi 31 octobre) de donner son autorisation à l'inspection d'un navire marchand battant son pavillon par les militaires européens, chargés de veiller à l'embargo international sur les armes vers la Libye.
Un porte-containers à destination de Misrata
Les militaires de l'opération maritime de l'UE en Méditerranée (EUNAVFOR MED IRINI) voulaient inspecter le MV Kosovak, battant pavillon turc. Un porte-containers parti d'Ambarli dans la nuit du 30 au 31 vers Misrata (où il doit arriver le 2 novembre selon les trackers maritimes). Il est soupçonné par les Européens de transporter des matériels prohibés par la résolution 2292 du Conseil de sécurité des Nations unies (cf. encadré).
Le 11e refus
Ce n'est pas une surprise. La Turquie refuse couramment, en cas de soupçon avéré, son consentement. C'est même « la onzième fois que la Turquie refuse son consentement » précise-t-on au QG de l'opération européenne à Rome !
L'opération — commandée par le contre-amiral italien Stefano Turchetto et en mer par le commodore grec Konstantinos Bakalakos — dispose actuellement de trois navires : la frégate italienne ITS Frecale (F-571), la frégate française FS Commandant Ducuing (F-795) et la frégate grecque HS Aegean (F-460) qui sert de navire amiral. Elle bénéficie aussi de la contribution d'une demi-douzaine d'avions de surveillance (Embraer 145 grec, Antonov 28B1 Bryza polonais, P3C Orion allemand, Atlantique 2 ou Falcon 50 français et Beechcraft King Air 350 de CAE Aviation affrété par le Luxembourg), ainsi que de drones Predator italiens, qui se relaient en l'air.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Des inspections pas totalement dues au hasard
Contrairement aux demandes d'information qui sont régulières sur les navires en Méditerranée, faites au hasard, en général par radio, les inspections sont plus rares et déclenchées sur la foi d'informations. Des renseignements obtenus par différents moyens, notamment via les surveillances effectuées par les avions de patrouille maritime de EUNAVFOR ou l'analyse des images satellitaires.
En septembre 2023, l’opération EUNAVFOR Med Irini a ainsi fait des demandes d'information (hailings) sur 338 navires marchands (11863 au total depuis le début de l'opération) mais effectué 8 visites "amicales" (friendly approaches) sur des navires avec l’accord des capitaines ou de l'État du pavillon (563 au total depuis le début de l'opération). Au total, seulement 26 abordages (boarding) ont eu lieu.
Notons aussi que pas moins de 2426 images satellitaires ont été analysées pour le compte de l'opération par le SatCen (le centre satellitaire de l'UE). Et que sur les 26 abordages (boarding) de navires, seulement trois ont été déroutés pour saisir les marchandises prohibées (1 avec du pétrole militaire, 2 avec des équipements militaires).
(B2) Tous les indices sont concordants. Si le conflit dérape, il va falloir évacuer plusieurs milliers de ressortissants européens du Liban, voire si possible de Gaza. Plusieurs pays mobilisent des moyens importants vers Chypre. Qui va servir de hub aéronaval et de centre de coordination.
Une sorte de bis repetita de l'opération d'évacuation du Liban de 2006. Avec deux grosses différences. Les citoyens européens ne peuvent pas sortir par la Syrie, toujours en guerre civile. La bande de Gaza est totalement bouclée. Les points frontières terrestres sont fermés. Et la marine israélienne patrouillant au large, empêchant toute échappatoire par la mer.
Se préparer à une évacuation massive
La crainte des Européens et des Alliés de l'OTAN est un embrasement dans la région. Et plusieurs capitales ont donné à leurs ressortissants la consigne d'évacuer le Liban : l'Allemagne l'a fait dès le 20 octobre, le Royaume-Uni également conseille de partir tant que les liaisons régulières fonctionnent. Mais l'enjeu est également de pouvoir extraire les nationaux et binationaux coincés à Gaza. Les Pays-Bas et le Canada très vite, suivi de l'Allemagne ont très vite dépêché des moyens sur place. La France vient de prendre le train en marche (cf. ci-dessous).
Le scénario du pire
Chypre se prépare au scénario du pire. « Plus de 100 000 personnes pourraient devoir être évacuées du Liban, d'Israël et de la région dans son ensemble si la violence au Moyen-Orient s'intensifie », indiquent des diplomates nationaux, selon la presse chypriote. Nicosie tente également d’établir un couloir humanitaire entre Chypre et Gaza. Un corridor qui constituerait une route alternative supplémentaire à celle passant par l’Égypte.
Le plan Estia déclenché
Depuis le début de l'offensive armée entre Hamas et Israël, Chypre a activé son plan national spécial dénommé « Estia », qui a permis d'évacuer essentiellement les citoyens bloqués en Israël (environ 1200). Plusieurs pays (Autriche, Hongrie, Pologne, Allemagne) s'étant servis de Chypre comme de hub pour leur propre opération d'évacuation.
Une coordination étroite avec 20 pays
Au centre de coordination des secours de Zenon (JRCC, Joint Rescue Coordination Centre), qui dépend du ministère de la Défense, une vingtaine de pays sont aujourd'hui présents pour assurer la liaison (dont des Suédois, Néerlandais, Britanniques, Canadiens et Français). Ainsi que des agents du mécanisme européen de protection civile. Enjeu : gérer au plus près les opérations afin de pouvoir faire un partage des places entre navires et avions. Sa localisation toute proche de l'aéroport de Larnaca facilite le travail.
L'alarme donnée
Le ministre chypriote des Affaires étrangères, A. Kombos, a sonné l'alerte, mardi dernier (24 octobre) lors du Conseil des Affaires européennes (CAG), « Le nombre de rapatriements pourrait augmenter considérablement ». Il a demandé « l'activation du Mécanisme européen de protection civile ». Demande qui (pour l'instant) n'a pas reçu de réponse positive. Le mécanisme n'est pas activé, a confirmé à B2 un porte-parole de la Commission.
Les moyens sur zone
Plusieurs pays ont déployé des moyens.
La France a envoyé son porte-hélicoptères (ou BPC) Tonnerre (L-9014) sur zone. Un ordre donné par Emmanuel Macron, assez tardivement, mercredi 25 octobre en fin d'après-midi. Le navire, qui a quitté Toulon dans l'après midi, était dans le détroit de Messine vendredi (27 octobre) et devrait sur place dimanche (29 octobre), selon les prévisions de l'état-major des armées.
A bord une « capacité d'emport de matériel humanitaire » (NB : mais pas directement du fret, des capacités hospitalières) — une vingtaine de soignants (médecins, chirurgiens, infirmiers) du service de santé des armées — des hélicoptères pour assurer la liaison avec la terre et sans aucun doute des forces spéciales (NB : point non confirmé, ni démenti par l'état-major). Ce navire pourra rayonner dans sa zone d'opération « entre Chypre et les pays riverains de la région » indique le porte-parole de l'état-major des armées. NB : on doit comprendre le Liban essentiellement, mais ce pourrait être Israël et Gaza, si une porte de sortie s'ouvre.
Un navire aux multiples capacités (Lire : Le BPC un formidable “couteau suisse”).
L'Allemagne a fait décoller deux avions A400M dans la nuit du 20 au 21 octobre. Avec à bord des militaires prêts à des opérations. Direction : la base aérienne de Akrotiri (sous contrôle britannique). Objectif : « accroître sa propre capacité de réponse » et « compléter le développement des capacités de leadership et de planification du groupe opérationnel pour une éventuelle option d'évacuation » comme le précise le commandement des opérations de la Bundeswehr. A bord des forces spéciales et parachutistes. En tout, 1000 militaires allemands seraient sur place.
Le navire ravitailleur Frankfurt-am-Main (F-1412) — un des plus navires de la marine allemande doté d'un hopital de bord (iMERZ ou centre intégré de sauvetage des opérations maritimes) est déjà à Limassol, rappelle notre collègue Thomas Wiegold de Augengeradeaus. La corvette Oldenburg (F-263) est sur zone. Tandis que la frégate Baden-Württemberg (F-125) est en route.
Les Pays-Bas ont déployé sur place deux avions de transport militaire C-130 et un avion civil affrété, qui ont décollé d'Eindhoven, le 18 octobre. A bord 200 fusiliers-marins et du personnel de soutien à Chypre « pour pouvoir réagir rapidement » le cas échéant, précise-t-on à La Haye. Les avions y resteront « aussi longtemps que nécessaire ». Une équipe d'appui consulaire rapide (SCOT) du ministère des Affaires étrangères est également sur place pour épauler l'ambassade, au cas où.
Le Canada a prépositionné sur place un avion C-17A Globemaster lll et plus de 300 militaires, « prêts à réagir » raconte le Globe Mail. Un avion qui a déjà fait une navette vendredi (27 octobre) entre Beyrouth et Chypre. Le Canada est particulièrement inquiet : il compte nombre de binationaux au Liban (17.000 s'étaient déjà enregistrés).
Le Royaume-Uni avait très tôt décidé de renforcer ses effectifs à Chypre, avec l'avantage de disposer sur place deux bases de souveraineté. Deux navires de débarquement auxiliaires de la Royal Navy – le RFA Lyme Bay (L-3007) et RFA Argus (A-135) – trois hélicoptères Merlin et une compagnie des Royal Marines, sont « en attente pour fournir un soutien pratique à Israël et à ses partenaires dans la région » indiquait ainsi le gouvernement britannique dès le 13 octobre. Objectif : « dissuasion et réassurance ». Le HMS Duncan (D-37), un destroyer de type 45, se trouve également dans les parages, au titre des groupes permanents de l'OTAN (SNMG).
La Suède a également déployé jeudi (26 octobre) un avion Hercules C-130.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Plus de 1000 nationaux européens à Gaza
Difficile d'avoir une idée précise. Ces informations sont distillées au compte-goutte. Selon nos sources, les Européens compterait plusieurs centaines de nationaux coincés à Gaza. Côté français on estime à 50 les binationaux sur place et 170 au total en comptant les différents personnels (humanitaire, institut culturel, etc.). 230 binationaux ou nationaux roumains sont recensés, a annoncé la ministre des Affaires étrangères, lundi (23 octobre) L. Odobescu (cf. Carnet 24.10.2023). On peut ajouter 120 Belges, 30 Irlandais, etc.
(B2) Rejoignez-nous pour cet évènement incontournable en matière de géopolitique, centré sur les enjeux actuels et futurs du bassin méditerranéen, du Moyen-Orient et des défis maritimes mondiaux
Il s'agit de la deuxième édition de ces rencontres, organisées par la Fondation Méditerranée d'Études Stratégiques (FMES), avec la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) et dont Bruxelles 2 est parentaire.
Objectif : explorer, éclairer et débattre de questions clés avec les personnalités les mieux placées.
Plusieurs chefs d'état-major européens ou responsables militaires de plusieurs pays (France, Italie, Espagne, Égypte, Grèce...) seront présents, aux côtés d'industriels, de chercheurs de tous horizons (FMES, IRSEM, FRS, CESM, EUISS, Fondation Jean Jaurès, etc.), et de responsables politiques. Ainsi qu'un grand témoin, en la personne de Nathalie Loiseau, présidente de la sous-commission "sécurité-défense" (SEDE) du Parlement européen.
Entrée gratuite, mais inscription obligatoire.
(Henri Cholous)
Le programme en détail
JEUDI 9 NOVEMBRE
(matin)
La Méditerranée espace géographique multi-théâtre : point d’application de la puissance aérienne et spatiale. Avec le général Stéphane Mille (chef d'état-major de l’armée de l'air et de l'espace français), le général Luca Goretti (chef d'état-major de l’armée de l'air et de l'espace italien) et le général Javier Salto Martinez Avial (chef d'état- major de l’armée de l'air et de l'espace espagnol).
Levant et Méditerranée orientale : nouvel espace d'expression des puissances. Avec Hasan Yükselen (directeur de la sécurité et des études stratégiques à l'Institut de politique étrangère d'Ankara) et Mohamed Kamal (directeur de l'Institut de recherche et d'études arabes et professeur de sciences politiques à l'université du Caire).
Ruptures technologiques et environnementales dans les fonds marins. Avec Thierry Duchesne (FMES), Olivier Guyonvarch (ambassadeur de France en Jamaïque) et Nicolas Mazzucchi (directeur de recherche au Centre d'Études Stratégiques de la Marine).
(après-midi)
Convergences terrestres Sud-Européennes. Avec le général Pierre Schill (chef d'état-major de l'armée de terre française), le général Aggelos Choudeloudis (chef d'état-major de l'armée de terre grecque) et le commandant général Salvatore Camporeale (commandant des forces d'opérations terrestres italiennes).
Stratégies d’influence : lutte informationnelle, puissance normative et facteur religieux. Avec Maxime Audinet (IRSEM) et Nad'a Kovalčíková (EUISS).
Intelligence artificielle et drones : les enjeux du combat collaboratif. Avec Nilza Amaral (Chatham House), Éric Lenseigne (Land & Air System de Thales), Bruno Fichefeux (FCAS) et Cyril Lévy (Naval Group).
Du canal de Suez à la corne de l’Afrique : un enjeu géostratégique majeur. Avec Mahamoud Ali Youssouf (ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale de la République de Djibouti) et aussi Marie-France Chatin (journaliste à Radio France Internationale).
VENDREDI 10 NOVEMBRE
Grand témoin : Nathalie Loiseau, présidente de la sous-commission "sécurité-défense" (SEDE) du Parlement européen
(matin)
La route maritime du golfe arabo- persique à la Méditerranée, enjeux et menaces - Quelle action pour les marines européennes et riveraines ? Avec l'amiral Nicolas Vaujour (Chef d'état-major de la Marine nationale française), l'amiral Ashraf Ibrahim Atwa Megahed (Chef d'état-major de la Marine égyptienne) et l'amiral Antonio Piñeiro Sánchez (Chef d'état-major de la marine espagnole).
Le Maghreb, la Méditerranée et l'Europe : enjeux stratégiques. Avec Miguel Alvarez de Eulate y Moreno (FESEI), Chloé Berger, Thomas Volk (KAS), SEM Mohammed Tawfik Mouline, Amiral (R) Kamel Akrout (IPASSS).
Enjeux technologiques : l'offensive a t-elle pris le pas sur la défensive ? Avec avec Xavier Pasco (FRS), Laurent Duport (MBDA), Xavier Mesnet (Thales) et Océane Zubeldia (IRSEM).
(après-midi)
Rivalités de puissances : Chine, États-Unis, Russie et monde arabe. Avec Pascal Ausseur (FMES, ancien vice-amiral d'escadre), Maya Kande (CREW) et Igor Delanoë (CCI France-Russie, Moscou).
Enjeux énergétiques. Avec Annabelle Livet (FRS), Elaï Rettig (Université Bar-Ilan), Michel Derdevet (Confrontations Europe), Éric Baldecchi (Total).
Regard de la jeunesse euro-méditerranéenne sur les enjeux stratégiques de la région. Avec Gildas Leprince alias Mister Geopolitix (Vidéaste YT) et Antoine Poirier (Institut d'études politiques de Bordeaux).
Télécharger le programme
Le site des FMES
(B2) Coup sur coup, les Européens viennent de se voir rappeler à l'ordre des conflits non réglés à leurs frontières. Par la force.
La force les Européens adorent la mettre en scène... Mais ils ont renoncé à l'exercer (Photo : MOD Allemagne - évacuation du Soudan - Archives B2)Trois coups de boutoirs à la tranquillité européenne
La dernière attaque du Hamas contre Israël déclenchée le 7 octobre, la résurgence des violences au Nord Kosovo avec plusieurs morts serbes et kosovars le 24 septembre (lire : [Actualité] Affrontements armés au Nord Kosovo entre Kosovars et Serbes. Au moins quatre morts) ou l'offensive azérie réussie le 19 septembre sur le Haut Karabagh, annexant cette enclave peuplée d'Arméniens à l'Azerbaïdjan, ne sont pas comparables.
Ces évènements ont cependant en commun qu'ils sont des conflits oubliés pour certains, gelés pour d'autres, qui n'ont pu être traités à temps. En quelques semaines, ce sont ainsi trois coups de boutoir supplémentaires portés à la tranquillité européenne qui s'ajoutent au conflit de haute intensité déclenchée, il y a plus d'un an en février 2022, par la Russie contre Ukraine.
Conflits gelés, oubliés, contenus
En Cisjordanie et à Gaza, les violences n'avaient en fait jamais vraiment cessé. Elles continuaient à un rythme lent, faible, presque inaudible. Mais elles ont été minorées faisant l'objet régulièrement de communiqués de condamnation des Européens, tantôt d'une colonisation illégale au regard du droit international, de violences ou d'attaques terroristes palestiniennes. Communiqués tellement routiniers et répétitifs qu'ils passaient à la trappe.
À l'Est de l'Ukraine jusqu'à début 2022, le conflit de basse intensité, était considéré comme contenu. Tant qu'il ne débordait pas du Donbass et ne dépassait quelques morts par semaine, on pouvait en quelque sorte s'accommoder. Et le processus de discussion (en « format Normandie ») entre les parties au conflit s'était épuisé.
En Azerbaïdjan, le conflit gelé du Haut Karabagh qui s'est réveillé à l'automne 2020 s'est terminé trois ans plus tard par la récupération (ou l'occupation selon les parties) du territoire enclavé dans son territoire. Et l'esprit de la médiation européenne s'est fracassé sur la réalité de la force.
Un endormissement sur des bases
Dans ces différents cas, nous nous sommes endormis sur une croyance que l'équilibre précaire existant pouvait être conservé sur une longue durée et évoluer pacifiquement vers la paix, avec un peu d'effort, un peu d'argent, quelques admonestations ou promesses de part et d'autre. Il n'en est rien.
L'Europe fait aujourd'hui face à un nouveau monde où la force fait loi. Un monde où elle n'a pas vraiment d'arguments, ayant renoncé à des interventions de stabilisation et de pacification. Soit par manque de volonté (Syrie, Moyen-Orient, ....). Soit par sensation d'échec (Afghanistan 2001, Iraq 2003 (1), Libye 2011, Sahel 2012). Soit car l'Europe avait d'autres préoccupations (Crise migratoire 2015-2016, Élections 2019, Covid-19 2020, etc.). Du coup, nous en sommes réduits à être ballottés par les stratégies de tension nourries par d'autres.
Investir ou subir
Ce qui vient de se passer entre Israël et le Hamas, la long de la bande de Gaza, sonne un sérieux rappel à ces réalités. L'Europe ne peut pas se désintéresser du monde, ou ne plus s'y investir (cf. encadré). Ou alors elle devra apprendre à subir, revers après revers, les tensions qui parcourent son voisinage.
Entre l'interventionnisme sans limite (de temps notamment) et une préoccupation distante, il doit y avoir un juste milieu. L'Europe doit aussi de façon urgente concentrer ses efforts sur les crises encore gelées ou conflits maitrisables : sur sa façade Est (Abkhazie et Ossétie du Sud, Transnistrie), Sud-Est (Bosnie-Herzégovine, Kosovo (2)) et Sud (Libye, Tunisie).
(Nicolas Gros-Verheyde)
Un Conseil européen atone
Exceptée la guerre russe en Ukraine et la Biélorussie, le Conseil européen reste relativement peu concerné ni saisi des conflits du monde. Combien de temps ont consacré les 27 au processus de paix au Moyen-Orient ou à la situation au Haut Karabagh avant que les conflits n'éclatent ? Ne parlons pas des conflits persistants en Afrique, de la Somalie à la Libye, en passant par le Soudan. Seul le Sahel a eu droit à une lueur d'attention.
Pourtant, c'est bien au Conseil européen qu'échoit le rôle de dresser les orientations stratégiques de la politique extérieure et de sécurité de l'UE (lire : [Analyse] Le coup médiatique de Von der Leyen en Israël : un véritable coup de force institutionnel ?). Et c'est à lui que revient de faire « régulièrement » une analyse des menaces (terrorisme, etc.) qui pèsent sur l'Union européenne. Il faut croire que malgré les dires, le Moyen-Orient ou l'Arménie n'ont pas constitué ni une menace pour la sécurité européenne ni une préoccupation politique réelle.
(B2) Un pays tiers a demandé l'aide de l'UE. Les Européens décident d'intervenir. Il faut débarquer sur une plage, sécuriser un port, puis avancer de façon terrestre. C'est le scénario que jouent depuis hier (lundi 16 octobre) quelque 2800 militaires de neuf États membres (Autriche, Espagne, France, Hongrie, Irlande, Italie, Malte, Portugal, Roumanie) au large de Cadiz en Espagne.
Un test de la future capacité de déploiement rapide
Aidés de six navires, des hélicoptères et même deux avions Eurofighter. Enjeu de ce premier exercice militaire (Milex 23) qui durera jusqu'au 22 octobre : tester un peu grandeur nature ce que pourrait la future capacité de déploiement rapide de l'UE qui doit être opérationnelle d'ici l'année 2025. Avec pour la première fois, des personnels réels sur le terrain (d'où le nom de Livex 23).
Du beau monde
Une démonstration en présence du Haut représentant de l'UE, Josep Borrell, du président du comité militaire de l'UE, le général Robert Brieger et de quelques autres hauts gradés, dont le chef d'état-major de la Défense espagnole (JEMAD), l'amiral général Teodoro E. López Calderón.
Une belle prouesse
Le seul regret c'est à quelles centaines de miles nautiques de là, cette force aurait pu jouer un autre rôle, face à Israël et Gaza, ne serait-ce que pour contribuer à évacuer les Européens existants, ou au besoin faire une démonstration de présence. Cela aurait eu beaucoup d'intérêt, de force et de panache.
(NGV)
(B2) C'est une fiction, mais bâtie sur de solides éléments. Pour qui a pu suivre un peu le président (Chirac) et sa femme (Bernadette), on a sans peine à imaginer que ces fiction cinématographique repose sur certains (solides) éléments.
Outre le romanesque nécessaire au film, on retrouve en effet une femme de président, discrète dans l'ombre, mais bien présente, dans l'arrière-cour, et au besoin devant les projecteurs. Ferme à l'égard de Jacques, n'hésitant pas à le rabrouer parfois ou lui lancer un regard qui en disait autant (j'avais pu le vérifier un jour de déplacement présidentiel à Berlin).
Catherine Deneuve campe assez parfaitement cette lente montée en puissance de la Première dame, de son initiative de pièces jaunes à sa réconciliation et la propulsion de Nicolas Sarkozy pour prendre les rênes du pouvoir.
(NGV)
« J’ai été consterné et marqué par les images d’une violence extrême en provenance du Levant qui font irruption sur nos écrans depuis samedi dernier. J’affirme clairement ma solidarité et ma sollicitude pour les victimes, ainsi que ma conviction profonde que le terrorisme - au sens propre de l’emploi de la terreur - doit être combattu avec la plus grande détermination partout où il apparaît.
« Cette réaction d’horreur devra s’accompagner dans les prochains jours d’une analyse militaire, car les évènements d’Israël comme ceux d’Ukraine ou du Haut- Karabagh doivent servir à nous préparer à toute situation, y compris la plus imprévisible.
« Mais surtout, ma première réaction porte sur un fait indéniable : nous assistons au retour des guerres majeures.
Les conflits mettant à l’œuvre un déchaînement de violence paroxystique, dans lesquels les verrous moraux et juridiques sautent sous les coups de boutoir de la barbarie la plus débridée, alors qu’on les pensait relégués dans les livres d’Histoire, font un retour fracassant.
« Le réel frappe à notre porte et nous rappelle que l’homme est un loup pour l’homme, que les États sont engagés dans une compétition permanente et que la guerre est redevenue un moyen privilégié de règlement des différends.
« Dès lors, l’état de préparation des forces armées relève plus que jamais de la précaution la plus élémentaire pour s’assurer de ne pas être à la merci de la volonté du premier compétiteur venu.
« Nous n’avons pas le droit d’être pris en défaut sur ce point. Tous, nous devons en être convaincus. »
(Pierre Schill)
(B2) C'est la Pologne qui a la première annoncé le lancement de l'évacuation de ses concitoyens d'Israël. Le Portugal a embrayé. D'autres devraient suivre.
Après l'attaque multiple menée par les militants du mouvement Hamas contre plusieurs villes et habitations civiles dans le Sud d'Israël, aux alentours de Gaza, de nombreux touristes sont restés coincés — de nombreuses compagnies aériennes civiles ayant interrompu leur vol. « Nous sommes prêts à assurer rapidement et efficacement le retour chez eux des touristes polonais qui séjournent actuellement en Israël » a assuré le ministre de la défense, Mariusz Błaszczak.
Trois avions mobilisés
Varsovie a mobilisé trois avions de transport : deux avions C130 Hercules et un Boeing 737 pour cette opération, dénommée NEON. Deux avions polonais se sont déjà posés à l'aéroport Ben Gourion de Tel Aviv. Le troisième a décollé de Varsovie dimanche soir avec, à son bord, une équipe médicale militaire. Les avions pourront au besoin évacuer d’autres citoyens européens et étrangers qui souhaiteraient quitter le pays, précise le gouvernement polonais.
L'expérience polonaise
L'aviation de transport et les forces spéciales polonaises ont « une certaines expérience dans ce type d'opérations » précise l'état-major : elles avaient mené une opération d'évacuation des Polonais de Wuhan (Chine) lors de l'épidémie de Covid-19 en 2020, et en 2021 pour l'évacuation de Kaboul.
D'autres pays embraient le pas
Le Portugal a aussi mobilisé un C-130 de ses forces aériennes pour « effectuer une mission d'aide au retour des Portugais » d'Israël, a annoncé en début de soirée, la défense portugaise.
A suivre...
(NGV)
(B2) Le retrait de l'ambassadeur français du Niger était inéluctable. De même que le retrait des soldats de Barkhane. Il aurait été sans doute plus sage et plus avisé de le faire plus tôt. Sans ce bras de fer inutile et finalement perdu.
La décision prise par le président Emmanuel Macron était la seule possible. Annoncée dimanche (24 septembre) au détour d'une interview télévisée bien préparée (1) sur TF1 et France 2.
Le fond et la forme
Si sur le fond, la position française est logique — refuser de composer avec une junte militaire et considérer le président élu Bazoum comme la seule autorité légitime — la forme est beaucoup plus discutable. Camper comme un matamore sur une position ferme — nous ne bougerons pas —, pour ensuite, plier bagage, sans tambours ni trompettes est plutôt incompréhensible. Aucune justification concrète n'est donnée à ce revirement. La seule explication valable étant que la situation était politiquement, militairement et moralement intenable.
Mali, Niger, bis repetita
La même situation s'était produite au Mali où, dans un premier temps, les Français avaient dit, nous ne partirons pas, puis avaient finalement plié bagage (lire : Le retrait du Mali : une sacrée défaite française). Au final, l'image et la réputation de la France en sort écornée. Elle laisse l'impression que si une junte militaire est ferme et droite dans ses bottes dans le refus de la coopération, la France après avoir dit haut et fort ce qu'elle pense, rompt le camp. C'est un très mauvais signal envoyé à tous nos alliés en Afrique et un bel encouragement pour de futurs coups d'État.
Un repli sur le territoire européen ?
En même temps, ce départ signe, avec celui qui l'a précédé au Mali, la fin des grosses opérations extérieures conduites par l'armée française (2) en Afrique, voire même dans le monde. Le repli est ainsi sonné vers la défense du territoire national et de l'espace européen. La visite du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, en Moldavie, est un signe notable de cette évolution. Un changement tactique, plutôt que stratégique pour l'instant (3).
(Nicolas Gros-Verheyde)
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(B2) Les mois passent. Et le couple franco-allemand patine toujours. Sur une question-clé : la défense. La rencontre des ministres Lecornu et Pistorius, aujourd'hui à Évreux, pourra sans doute aplanir quelques difficultés passagères. Mais elle ne suffira pas à redynamiser une relation difficile. De partenaires, Paris et Berlin, sont devenus rivaux. L'enjeu : le leadership européen dans ce domaine.
Des ratés en cascade
Entre la rénovation en commun des hélicoptères Tigre, stoppée, le projet d'avion de patrouille maritime, avorté, la liste des projets interrompus ces dernières années est désormais plus longue que celles des projets enclenchés. La réalité est cruelle : sur les quatre projets définis il y a cinq ans, au sommet de Meseberg, un seul a été enclenché : le SCAF. Non sans difficultés. Et toujours sans certitude sur son aboutissement (1).
Un encalminage révélateur d'un blocage
Quant au dernier, le système de chars du futur, alias MGCS, il est encalminé. On peut se demander si le projet allemand de préparer le successeur du char Leopard actuel enterre le projet commun ou, au contraire, lui donne un coup de pression ? L'un se situant à cout terme, à l'horizon 2030, l'autre à plus long terme, à l'horizon 2040 (lire : [Actualité] MBT versus MGCS. Quelles répercussions sur la coopération franco-allemande ?). Peu importe. Ce qui est intéressant c'est de bien voir que dans l'un ou l'autre des projets, ce n'est pas la France, mais l'Allemagne qui est au cœur des projets.
Une Allemagne plus fédératrice que la France
Idem pour le bouclier anti-missile lancé par l'Allemagne. Présentée à l'automne 2022, l'initiative European Sky Shield (ESSI) fédère. Aux quinze pays de départ, sont venus s'ajouter quatre autres : Danemark, Suède en février, puis Autriche et Suisse en juillet (cf.Carnet 04.07.2023). Et pas à pas, le projet prend forme. Un contrat vient ainsi d'être signé, il y a quelques jours, entre Allemands et Baltes(cf. Carnet 14.09.2023) . Les Français peuvent bien tempêter (lire : [Actualité] Défense aérienne : Emmanuel Macron dézingue l’approche allemande sans proposer d’alternative concrète), le projet avance inéluctablement. Là encore l'Allemagne est au centre du jeu. La France, sur la touche.
Un réarmement en cours
Nous assistons à un changement majeur d'orientation politique en Allemagne. Pour autant qu'il soit assumé dans la durée - ce qui n'est pas encore assuré à ce stade - ce changement pourrait reconfigurer la carte de l'Europe stratégique. Pour l'heure, l'Allemagne est décidée à se réarmer, à s'équiper et le fait savoir haut et fort. Le temps des atermoiements sur la défense, de grandes déclarations à Berlin suivies de peu d'effet (lire : Défense. L’Allemagne cause beaucoup et agit peu. Pourquoi ?) semble terminé. Certes c'est lent, et parfois balbutiant.
Une lenteur allemande qui ne doit pas faire illusion
Toutes les promesses d'un réinvestissement massif — le fameux fonds de 100 milliards — ne sont ainsi pas encore tenues. Et nul ne sait ce qu'il adviendra à l'échéance. Le budget de défense reste encore grevé par les dépenses en personnels, sociales et de santé. Mais, avec la part annuelle de l'enveloppe exceptionnelle, il devrait atteindre dès 2024 la bagatelle de 71 milliards d'euros, avec pas moins de 19 milliards consacrés aux équipements. A comparer aux 47 milliards d'euros du budget français, on a un écart budgétaire de près de 25 milliards d'euros (près de 30 milliards si on rajoute le nucléaire auquel n'est pas assujetti l'Allemagne).
Une double menace sur l'Allemagne
Les Allemands n'ont pas soudainement redécouvert la géopolitique et l'outil militaire. Ils n'ont pas vraiment envie d'avoir une défense propre. Mais le contexte a changé. Et l'Allemagne, inquiète, s'adapte. Pays du centre-européen, elle doit se garder des deux côtés. Sur son flanc Ouest, l'Allemagne est inquiète (sans le dire ouvertement) d'un retour trumpiste ou de son avatar qui veuille s'en prendre à l'OTAN. Une Alliance atlantique qui reste à Berlin l'alpha et l'oméga de la défense collective. Sur son flanc Est, la stabilité acquise depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, avec le Mur de Berlin, puis sans le Mur de Berlin, est aujourd'hui menacée, durablement, par une Russie agressive.
Une agressivité russe qui fait peur
L'espionnage du Bundestag, l'assassinat en plein cœur de Berlin d'un opposant (lire : [Décryptage] Le GU (ex GRU). Un service russe hyperactif… dans l’ingérence), l'affaire Navalny, etc. ont peu à peu nourri cette inquiétude. L'offensive brutale de la Russie sur l'Ukraine a été le point de bascule. De partenaire, la Russie est devenue une menace, voire un adversaire. Ensuite, les sanctions contre la Russie se mettent en branle. Le gazoduc Nordstream est suspendu. Le soutien militaire l'Ukraine prend de l'ampleur, jusqu'à faire d'une Allemagne, auparavant hostile à exporter des armes dans un pays en guerre, le deuxième soutien de l'Ukraine, derrière les États-Unis.
Un tournant dont on doit prendre conscience
Ces changements sont souvent minorés en France. De même qu'on a peu conscience de la révolution en cours dans le rapport allemand à la défense. Alors que dans le passé, l'Allemagne était prête à s'effacer derrière le leadership français, ce n'est plus le cas aujourd'hui. L'Allemagne d'Olaf Scholz ne semble plus (du tout) disposée à se laisser dicter une conduite et joue sa carte personnelle et celle de leader européen. Si en matière opérationnelle, Berlin reste prudente dans ses engagements militaires, répugnant à s'avancer en premier ou de façon aventureuse comme sait le faire la France (2), elle n'a pas ses pruderies dans le domaine de la défense territoriale, de l'industrie de défense et de la politique de défense à l'échelle de l'Europe. La France d'Emmanuel Macron n'a ni vu venir cette évolution, ni réussi à s'y adapter. En mesure-t-elle seulement les enjeux ?
(Nicolas Gros-Verheyde, avec OJ)
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