Une guerre d'indépendance a opposé une guérilla aux forces gouvernementales éthiopiennes entre 1961 et 1991. La fin de l'empire unitaire d'Éthiopie de Hailé Sélassié, en 1974, et la prise du pouvoir par M. Mengistu Hailé Mariam (dit « le Négus rouge ») en 1978 n'y ont rien changé (1).
Pendant ce long affrontement, le Front populaire de libération de l'Érythrée (FPLE), constitué en 1972, avait développé une coopération militaire étroite avec la guérilla du Front populaire de libération du Tigré (FPLT), qui luttait depuis la province du Tigré contre le Négus rouge. Après la victoire de la coalition FPLE-FPLT en mai 1991, la sécession de l'Érythrée s'est effectuée de manière consensuelle en 1993, le FPLE prenant le pouvoir à Asmara tandis que son allié le FPLT s'installait à Addis-Abeba. L'alliance paraissait d'autant plus naturelle que les deux fronts étaient dirigés par des chrétiens tigréens.
Les tensions survenues par la suite ont souvent été qualifiées de « syndrome grand frère - petit frère ». Dans la lutte, le FPLE revendiquait l'antériorité, une meilleure organisation, un rayonnement international indiscutable, alors que le FPLT ne disposait que d'un ancrage régional. Bien que dirigeant un pays beaucoup moins peuplé (6 millions d'habitants contre 94 pour l'Éthiopie), il ne se donnait pas la peine de dissimuler son sentiment de supériorité. Les premières années furent calmes, mais néanmoins marquées par des revendications économiques de plus en plus fortes de la part de l'Érythrée : demande de parité monétaire birr-nakfa, demande d'arrêt des investissements industriels au Tigré.
Le chef du FPLT devenu président de l'Éthiopie, Meles Zenawi, tenta de faire entendre raison à son ancien allié. Il fit valoir que, en tant que dirigeant d'un grand pays peuplé à 95 % de non-Tigréens, il subissait des contraintes bien plus lourdes que durant les années de guerre. En mai 1998, prenant prétexte de revendications sur des espaces territoriaux minuscules et sans valeur stratégique ou économique, l'Érythrée attaqua son grand voisin. Il s'ensuivit une guerre de deux années dans laquelle périrent environ 70 000 combattants et qui coûta plus de 2 milliards de dollars.
La lutte de guérilla de la guerre d'indépendance laissa place à un conflit conventionnel rappelant la première guerre mondiale en Europe — tranchées, attaques frontales meurtrières, barrages d'artillerie lourde —, qui n'aboutit à rien. L'armistice signé à Alger en juin 2000 ne fut suivi d'aucun traité de paix. Il laisse beaucoup d'amertume des deux côtés. Ce conflit larvé menace toujours de dégénérer en un conflit ouvert dès qu'une faille apparaît dans l'un ou l'autre camp.
(1) Lire « En Éthiopie, des rivalités ethniques si anciennes, si profondes… », Le Monde diplomatique, septembre 1991.
Le regard occidental est marqué par la volonté constante de chercher dans le Sud-Est européen un islam radicalement différent de celui pratiqué dans le reste de l'oumma. En réalité, cette tentation n'est pas nouvelle. On pouvait déjà la voir à l'œuvre dans le rôle central accordé au bektachisme (lire le glossaire) dans le récit national albanais. La tendance à dissocier bektachisme et islam sunnite fut encore accentuée par le communisme autarcique et autoritaire d'Enver Hodja, du moins jusqu'à l'interdiction de toute pratique religieuse en 1967 : le bektachisme devenait ainsi une sorte de religion nationale, d'autant que la direction mondiale de la confrérie, très centralisée, s'était repliée à Tirana en 1927, après l'interdiction des ordres soufis dans la Turquie de Mustafa Kemal Atatürk (1). En réalité, les confréries furent des relais importants de l'affirmation nationale albanaise. Depuis la chute du communisme, les tentatives de reconstituer une hiérarchie bektachie totalement séparée de la communauté islamique se heurtent à un échec : lors du recensement de 2011, seuls 2,09 % des Albanais se sont déclarés de confession bektachie.
Les derviches et les pratiquants de l'islam soufi sont souvent perçus comme des modèles de tolérance, alors que la constitution et le rayonnement des grandes confréries dans les Balkans sont indissolublement liés à l'armée ottomane — les membres du corps d'élite des janissaires étaient traditionnellement bektachis — et que ces confréries, notamment les puissants naqshbandis, ont été les dernières, dans les années 1920, à défendre le principe du califat et à s'opposer au projet de Turquie moderne et laïque que défendait Atatürk. En réalité, l'islam soufi a toujours eu deux visages : l'un mystique, hétérodoxe et volontiers frondeur, et l'autre militaire et proche du pouvoir, que l'on ne retrouve pas en Afrique ou en Turquie. Ce n'est pas un hasard si la confrérie naqshbandie connaît depuis la fin de la guerre un vif renouveau en Bosnie-Herzégovine, en s'appuyant sur les cadres issus de l'armée et ceux du Parti d'action démocratique (SDA), la formation de l'ancien président Alija Izetbegović. Un pèlerinage soufi comme l'Ajvatovica (2) fait ainsi figure de commémoration patriotique, et la fréquentation d'un lieu de prière favorise bien souvent l'avancement d'une carrière dans le parti ou dans l'administration.
Dans les années 1990, la volonté de singulariser l'islam des Balkans répondait à des exigences politiques fort concrètes : le conflit de Bosnie-Herzégovine était contemporain de la guerre civile en Algérie et, pour certains intellectuels français, qui perçoivent moins le monde comme un ensemble de réalités à décrypter que comme une succession de causes à embrasser, il était opportun de pouvoir opposer un bon et un mauvais islam. On s'extasiait de voir des Bosniaques, d'indéniable tradition musulmane, boire de l'alcool, comme si aucun Turc n'avait jamais bu un verre de raki ! En partie à cause de la confusion entre l'identité nationale « musulmane » et la croyance religieuse, on trouvait particulièrement « modernes » des musulmans qui ne pratiquaient pas leur religion — un peu comme s'il fallait s'étonner de voir des Français baptisés catholiques manger de la viande le vendredi.
La réalité du processus de laïcisation engagé sous le socialisme yougoslave empêchait de comprendre l'existence parallèle d'un islam vécu par une partie de la population d'origine musulmane, ainsi que la renaissance de la pratique qu'entraînèrent l'éclatement de l'État socialiste et la guerre. Les musulmans bosniaques devenaient des archétypes de musulmans délivrés des observances rituelles de leur religion et, à ce titre, étaient perçus comme un modèle que l'on pouvait opposer aux tentations du radicalisme affectant l'ensemble du monde musulman. Pourtant, au cours des décennies suivantes, nombre de jeunes musulmans des Balkans s'engagèrent dans les rangs du djihad mondialisé. On en dénombrerait plus de huit cents en Syrie (3).
Cette construction idéologique renvoie aux incertitudes du regard occidental sur les Balkans eux-mêmes. S'inscrivant dans le droit-fil des travaux d'Edward Saïd sur l'orientalisme, l'anthropologue bulgare Maria Todorova a créé la notion de « balkanisme » (4) : alors que l'Orient imaginé par l'Europe serait un « non-lieu », une utopie servant à projeter les fantasmes occidentaux, les Balkans, eux, précisément parce qu'ils forment une marche, une zone-tampon entre Occident et Orient, relèveraient de l'ordre du réel, d'un réel qu'un Occident démiurge s'efforce depuis deux siècles de contrôler et de modeler. L'idée d'« européanisation des Balkans » mise en avant depuis la fin de la guerre du Kosovo, en 1999 (5), comme substrat idéologique du processus d'intégration européenne, n'est que le dernier avatar de cette longue tradition : il s'agit de supposer que le rapprochement européen doit entraîner une transformation des sociétés balkaniques, qui abandonneraient peu à peu des traits définis comme culturels tels que la mauvaise gouvernance, la corruption, les tentations autoritaires ou une certaine propension au désordre. Certains, dans les Balkans, vont encore plus loin, comme l'écrivain Ismaïl Kadaré (6), pour qui les Albanais devraient rejeter la foi musulmane et revenir au catholicisme de leurs très lointains ancêtres pour affirmer leur identité européenne.
Dans ces visions schématiques, l'islam et l'orthodoxie, cet héritage byzantin, sont perçus comme les marqueurs identitaires d'une altérité négative. Pourtant, l'islam demeure un facteur déterminant dans les Balkans. Mais quel statut lui reconnaître dans le regard d'un Occident traversé de courants islamophobes ? L'idée d'un « islam européen » répond précisément à ce défi, en permettant d'imaginer, dans des Balkans enfin « européens », un islam « modèle ». Or les réalités de l'islam vécu et pratiqué dans les Balkans restent bien sûr plus complexes que le binôme réducteur opposant radicalité et modération, et cet islam restera toujours traversé par les contradictions et les tensions qui affectent l'ensemble du monde musulman, tout en étant riche de son histoire spécifique.
(1) Cf. Nathalie Clayer, Aux origines du nationalisme albanais. La naissance d'une nation majoritairement musulmane en Europe, Karthala, Paris, 2006.
(2) Ce pèlerinage, théoriquement organisé depuis le XVe siècle, avait été interdit par les autorités communistes. Depuis la fin de la guerre, il draine à nouveau des milliers de personnes dans le village de Prušać. Cf. Rodolfo Toè, « Islam : l'Ajvatovica, le grand rassemblement des musulmans de Bosnie », Le Courrier des Balkans, 8 juillet 2011.
(3) « Foreign fighters : An updated assessment of the flow of foreign fighters into Syria and Iraq », The Soufan Group, New York, décembre 2015.
(4) Maria Todorova, Imaginaire des Balkans, Éditions de l'EHESS, Paris, 2011.
(5) Lire Marie-Janine Calic, « Européaniser “l'autre Europe” », Le Monde diplomatique, juillet 1999.
(6) Ismaïl Kadaré, La Discorde. L'Albanie face à elle-même, Fayard, Paris, 2013.
L'empressement du Figaro à servir le patron de Moët Hennessy Louis Vuitton (LVMH) prêterait à sourire si M. Bernard Arnault, dirigeant de la multinationale du luxe, n'était pas lui-même propriétaire de titres aussi influents sur des secteurs différents de l'opinion française que Les Échos — acquis en 2007 contre l'avis des journalistes — et Le Parisien. À ces deux journaux, desquels il n'a rien à redouter puisque l'autopromotion et l'autocensure y opèrent sans accrocs (1), s'ajoute L'Opinion. M. Arnault finance en effet largement ce quotidien d'obédience patronale, constamment relayé par les revues de presse et doté de diverses chroniques dans l'audiovisuel malgré son lectorat rachitique. En période de luttes sociales, un tel quadrillage se remarque, car si l'œil et l'oreille s'habituent à presque tout, mieux vaut quand même ne pas trop les provoquer en postulant par exemple que chaque auditeur est un actionnaire — ou un réactionnaire — qui déteste les grévistes.
La famille Dassault, elle, semble adorer le clan Arnault. Ces trois dernières années, le quotidien détenu par M. Serge Dassault, troisième fortune de France, a consacré une rafale d'articles laudateurs et de cahiers spéciaux à la deuxième fortune du pays. Le 7 mars 2013, ce fut à l'occasion du « show tout en séduction de Louis Vuitton ». Quelques jours plus tard, la remise à M. Arnault des insignes de chevalier commandeur de l'Empire britannique par le prince Charles était elle aussi dûment relatée par Le Figaro. Le 6 mars 2014, un article très affable du même quotidien annonçait : « Bernard Arnault reçoit le prix David Rockefeller du MoMA à New York pour sa générosité ». Octobre 2014 donna l'occasion à l'ensemble de la presse, dont Le Figaro, qui sait bien ce que pèsent les budgets publicitaires de LVMH (2), de célébrer l'inauguration du bâtiment de la Fondation Louis Vuitton à Paris.
Agrémentée de photographies sublimes, l'édition du 24 octobre 2014 du Figaro Magazine confinait à la perfection. Car « quand Bernard Arnault se dévoile » (c'était le titre de l'article), sa mise à nu s'étale sur dix pages et l'expose au risque d'essuyer des témoignages critiques du genre : « Comme l'analyse sa femme, la pianiste Hélène Mercier-Arnault, “il est content que l'on ait saisi qu'il comprend les artistes, en leur donnant l'impression que tout est possible”. » Un mois plus tard, le journal de M. Dassault relève : « Bernard Arnault distingué par Forbes ». Et Le Figaro Économie du 28 octobre 2015 n'oubliera pas non plus de consacrer un article mielleux à « La leçon inaugurale de Bernard Arnault aux apprentis de LVMH ».
Le summum est toutefois atteint le 19 mai 2016. Après avoir engrangé, comme presque tous ses confrères, moult pages de publicité annonçant les « journées particulières du groupe LVMH », le supplément « Le Figaro et vous » — réceptacle privilégié des réclames de LVMH — y consacre un dossier rédactionnel qui débute ainsi : « Portes ouvertes sur le luxe. Entretien avec Bernard Arnault et son fils Antoine. » Une immense photographie des deux héros occupe la moitié supérieure de la page d'ouverture du cahier. En bas, une publicité pour le champagne Veuve Clicquot, propriété de LVMH. Bien qu'ayant pour auteurs deux journalistes du Figaro, et non un attaché de presse de la multinationale, toutes les questions rivalisent de pugnacité avec celle-ci : « Est-ce l'un des privilèges du monde du luxe que de pouvoir ouvrir ses portes tout en continuant à faire rêver ? » Faute de place, sans doute, aucune n'évoque le documentaire de François Ruffin Merci patron !, qui, à cette époque, a déjà remporté un succès inattendu (500 000 spectateurs) en détaillant une histoire nettement moins avantageuse pour M. Arnault (3).
Une semaine après le festival LVMH dans les pages du Figaro, la plupart des quotidiens nationaux, dont celui de M. Dassault, se virent empêchés de paraître au motif qu'ils avaient refusé de publier un texte du secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT). Qualifiée de « censure », la décision fut jugée inquiétante pour la démocratie. « Le projet de la CGT, projet politique, c'est qu'il n'y ait qu'un seul journal », s'étrangla Laurent Joffrin (France Inter, 26 mai), directeur de Libération, tandis que Le Figaro se présentait en « victime d'un chantage » visant à « prendre en otage le contenu éditorial des journaux pour le transformer en tribune politique » (27 mai 2016). M. Arnault, lui, s'impose quand il veut, où il veut, comme il veut, sans susciter le courroux des barons de la presse. Mais ses manières doivent être plus avenantes que celles de M. Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, puisque enluminées de luxe, d'art et d'argent.
(1) Ainsi, c'est spontanément que le directeur de la rédaction du Parisien aurait décidé d'interdire que le journal rende compte du film Merci patron !, très critique envers M. Bernard Arnault.
(2) Dix pour cent des recettes publicitaires du groupe Le Figaro en 2010.
(3) Lire Frédéric Lordon, « Un film d'action directe », Le Monde diplomatique, février 2016.
En juillet 2016, lors de la convention démocrate de Philadelphie, M. Barack Obama désigna pour lui succéder celle qui pendant quatre ans fut sa secrétaire d'État. Un symbole d'autant plus fort que le premier président afro-américain des États-Unis choisissait ainsi la femme, Mme Hillary Clinton, qui deviendrait la première présidente du pays. Comme les Noirs des États-Unis aujourd'hui, les féministes découvriront peut-être à leur tour qu'on doit se méfier des symboles, moins déterminants que les structures qu'ils promettent de bousculer et qu'ils effleurent à peine.
En juin 2008, porté par une foule heureuse et confiante, M. Obama s'exclamait : « Nous pourrons nous souvenir de ce jour et dire à nos enfants qu'alors nous avons commencé à fournir des soins aux malades et de bons emplois aux chômeurs ; qu'alors la montée des océans a commencé à ralentir et la planète à guérir ; qu'alors nous avons mis fin à une guerre, assuré la sécurité de notre nation et restauré notre image de dernier espoir sur Terre. »
À défaut d'avoir mérité un prix Nobel de la paix, M. Obama aurait pu décrocher un trophée de l'éloquence. Car, qu'il s'agisse des rapports des États-Unis avec le monde arabe (4 juin 2009), des inégalités labourant la société américaine (6 décembre 2011), des haines raciales persistantes (26 juin 2015), le sillage de sa présidence découvre une traînée de très beaux discours émaillés de réels moments d'émotion. Mais avec les limites du genre… Il prononça treize allocutions pour déplorer que des massacres dans des écoles, des églises ou une boîte de nuit n'aient jamais remis en cause la vente libre des armes à feu. Au point tout de même que son ton ressembla parfois à celui de l'exaspération : « D'une certaine façon, c'est devenu une routine, enrageait-il au lendemain d'une nouvelle tuerie. L'annonce de l'événement est devenue une routine. Ma réponse à ce podium est devenue une routine. Et le débat qui suivra aussi. »
Étrange aveu d'impuissance venant de l'homme qui espérait endiguer la montée des océans. « Le vrai changement, le grand changement, c'est toujours difficile », s'excusa-t-il un jour auprès de ceux qu'il avait déçus. Ne restait plus au Moïse de 2008 qu'à devenir le greffier désolé des chausse-trapes que le système politique américain avait accumulés sous ses pieds : un Congrès presque toujours hostile, une majorité d'États contrôlés par des élus républicains, des campagnes électorales permanentes, une Cour suprême qui avait conforté le poids des lobbys et de l'argent, etc.
Pourtant, quand il le voulut vraiment, M. Obama usa de son pouvoir réglementaire pour contourner l'obstruction des républicains. Un président démocrate à la rhétorique incandescente aurait donc pu montrer moins d'indolence à appliquer les lois antitrust ; à diligenter des poursuites contre les banquiers responsables de la crise du siècle (presque tous épargnés) ; à menacer les universités qui ne cessaient de relever leur prix d'inscription — jusqu'à se rendre inabordables à une fraction croissante des classes moyennes américaines — de devoir se passer de leurs aides publiques. Et puis, que vaut vraiment l'argument du « si seulement on avait pu… » quand nombre d'États et de municipalités dont les démocrates détiennent tous les pouvoirs locaux ressemblent davantage à des îlots de privilèges qu'à des laboratoires du progrès social (1) ?
À entendre les républicains et la presse étrangère, M. Obama incarnerait ce qu'il y a de plus à gauche dans la politique américaine. Inutile d'objecter le creusement des inégalités, la persistance de la pauvreté, l'incarcération de masse, qu'il ne fit que commenter ; sa fascination pour Wall Street et la Silicon Valley ; son entêtement libre-échangiste ; sa disposition à organiser les plans de table de la Maison Blanche en fonction du montant déboursé par ses convives ; le recours croissant à l'assassinat par voie de drones des ennemis des États-Unis (et de leurs familles). Car, à l'aune de ce que risque d'entreprendre celle (ou celui) qui lui succédera, on pourrait regretter assez vite l'homme qui rétablit les relations diplomatiques avec Cuba et engagea un dialogue avec l'Iran.
Ce qui manqua à M. Obama, ce fut avant tout la volonté de combattre. Alors que ses adversaires pratiquaient contre lui la politique de la terre brûlée, il ne chercha jamais à mobiliser ses partisans. Trop confiant dans les vertus de son intelligence, il imagina qu'il lui suffirait de parler pour convaincre, et d'avoir raison pour vaincre. Incurablement centriste, il avoua avoir pour modèle Dwight Eisenhower, un républicain modéré qui fut président pendant huit ans lui aussi, mais à une époque marquée par la croissance et la confiance.
M. Obama a pensé que l'élire à la Maison Blanche épuisait l'audace dont les Américains étaient capables. D'autant plus que, selon lui, « le pays n'a pas besoin de changement radicaux (2) ». Au terme de sa présidence, il lui faut admettre que la majorité de ses concitoyens sont plus que jamais persuadés du contraire.
(1) Cf. Thomas Frank, Listen, Liberal. What Ever Happened to the Party of the People ? Metropolitan Books, New York, 2016.
(2) Time no 11, vol. 180, New York, 10 septembre 2012.
Numéro coordonné par Benoît Bréville et Serge Halimi
Édition : Olivier Pironet
Conception graphique : Nathalie Le Dréau, Boris Séméniako
Les limites du symbolisme
Benoît Bréville et Serge Halimi
Cinq pour cent de chômage, 2,4% de croissance, des prix du pétrole bas, une Bourse au plus haut : à première vue, l'économie américaine semble s'être remise de la grande récession de 2008. Pourtant, les inégalités sociales atteignent des niveaux record. Et, pour les migrants clandestins, les travailleurs pauvres, les victimes de l'incarcération de masse ou les résidents des anciennes villes industrielles, la crise reste une réalité bien tangible
« Nous avons perdu Detroit »
John Nichols
Des puits de pétrole dans les jardins
Christelle Gérand
Quelle est votre cote de crédit ?
Maxime Robin
« L'Alena générera plus d'emplois qu'il n'en détruira »
Lori M. Wallach
Qui profite des travailleuses immigrées ?
Danièle Stewart
En Louisiane, le business des prisons
M. R.
Chicago en panne de logement social (inédit)
Judith Chetrit
La charité contre l'État
B. B.
En 2008, l'élection d'un président noir avait renvoyé au monde l'image d'une Amérique apaisée, débarrassée de ses clivages raciaux. Huit ans plus tard, tandis que la discrimination électorale revient à pas feutrés et que la police continue de tuer un Noir tous les trois jours, la désillusion n'en est que plus grande. Mais, porté par une nouvelle génération de militants, l'espoir de changement vibre toujours.
L'illusion d'une Amérique post-raciale
Desmond King
Blancs ou noirs, tous les shérifs se ressemblent
Raphaël Kempf
Malcolm X, toujours vivant
Achille Mbembe
Black Lives Matter, le renouveau militant (inédit)
Sylvie Laurent
Selma, un film, une légende
Adolph Reed Jr
Retour en force de la discrimination électorale
Brentin Mock
M. Barack Obama laissera derrière lui un paysage politique méconnaissable. Divisés comme jamais, les républicains présentent à l'élection présidentielle un milliardaire opposé au libre-échange et haï par les caciques du parti. Côté démocrate, un sénateur se disant « socialiste » a tenu la dragée haute lors des primaires à la candidate de l'establishment, dont chacun sait qu'elle serait moins progressiste que le président sortant, qui avait lui-même déçu.
Fox News, une industrie de l'outrage
Rodney Benson
Guerre civile au sein de la droite
S. H.
Feu sur l'avortement
Jessica Gourdon
Un milliardaire à l'assaut de la Maison Blanche
S. H.
Et la « classe créative » envoûta les démocrates…
Thomas Frank
Socialisme, ce mot qui n'effraie plus
Bhaskar Sunkara
Durant les huit dernières années, les États-Unis ont participé à une coalition pour faire chuter Mouammar Kadhafi en Libye, puis ont refusé de renverser M.Bachar Al-Assad en Syrie ; ils ont multiplié les bombardements illégaux par drones, mais se sont engagés dans un effort diplomatique multilatéral pour signer un accord avec l'Iran. Ils ont renoué des relations avec Cuba, tout en jouant les pompiers pyromanes en Ukraine. Peut-on déceler une logique derrière ces choix en apparence contradictoires ?
Aux origines du messianisme américain (inédit)
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Un marché commun pour marginaliser la Chine
Martine Bulard
Dégel entre Washington et La Havane
Salim Lamrani
L'Iran, un ennemi présentable
Trita Parsi
Le meilleur des mondes selon Washington
Noam Chomsky
Les hérétiques de la crise ukrainienne
Stephen F. Cohen
Existe-t-il une « doctrine Obama » ?
B. B.
Ce numéro est accompagné de photographies de l'agence Magnum et de Romain Blanquart.
CartographieCécile Marin
Démocratie (peu) représentative
Des frontières, pour qui, pour quoi ?
EncadrésB. B. & S. H.
Les habitants partiront d'eux-mêmes…
Triste Amérique. Le vrai visage des États-Unis
DocumentationOlivier Pironet
Chronologies
• Entre la carotte et le bâton
Sur la Toile
Dates de parution des articles• John Nichols, « Nous avons perdu Detroit », octobre 2013
• Christelle Gérand, « Ma maison, ma voiture, mon puits de pétrole », juillet 2015
• Maxime Robin, « Aux États-Unis, l'art de rançonner les pauvres », septembre 2015
• Lori Wallach, « Mirages du libre-échange », juin 2015
• Danièle Steward, « La Californie aux prises avec ses travailleurs immigrés », mars 1994
• Maxime Robin, « En Louisiane, prisons cherchent prisonniers », novembre 2013
• Judith Chetrit, « Chicago en panne de logement social » (inédit).
• Benoît Bréville, « La charité contre l'État », décembre 2014
• Desmond King, « Pour les Afro-Américains, amer bilan d'une présidence noire », janvier 2015
• Raphaël Kempf, « Prions pour notre shérif et sa victoire aux élections », décembre 2015
• Achille Mbembe, « Un inépuisable mythe par temps d'adversité », février 1993
• Sylvie Laurent, « Black Lives Matter, le renouveau militant » (inédit).
• Adolph Reed Jr, « Selma et la légende noire », mars 2015
• Brentin Mock, « Retour feutré de la discrimination électorale », octobre 2014
• Rodney Benson, « Délire partisan dans les médias américains », avril 2014
• Serge Halimi, « Guerre civile au sein de la droite américaine », avril 2016
• Jessica Gourdon, « Guérilla contre l'avortement aux États-Unis », décembre 2013
• Serge Halimi, « Quand la Maison Blanche est à vendre », juillet 1992
• Thomas Frank, « Les démocrates américains envoûtés par la Silicon Valley », mars 2016
• Bhaskar Sunkara, « Un socialiste à l'assaut de la Maison Blanche », janvier 2016
• Perry Anderson, « Aux origines du messianisme américain » (inédit)
• Martine Bulard, « Libre-échange, version Pacifique », novembre 2014
• Salim Lamrani, « À Cuba, vers la fin de l'embargo », janvier 2015
• Trita Parsi, « Le temps de la haine entre les États-Unis et l'Iran est-il révolu ? », mars 2015
• Noam Chomsky, « Le meilleur des mondes selon Washington », août 2003
• Stephen F. Cohen, « Hérétiques contre faucons », octobre 2014
• Benoît Bréville, « Les États-Unis sont fatigués du monde », mai 2016
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In this virtual roundtable of six podcasts hosted by Professor Sarwar Kashmeri, the Foreign Policy Association aims to shed some light and serve as a catalyst for developing awareness, understanding and informed opinions on the key issues that face American policymakers as they seek to peer over the horizon to manage the U.S.-China relations.
In the sixth and final installment of the virtual roundtable, Marc Chandler—Global Head of Currency Strategy at Brown Brothers Harriman—discusses China’s economic growth and its transition from a focus on the industrial sector to a services and consumption sector.
When asked about this transition, Chandler explained: “If you just think about the two sectors, the industrial sector has falling prices, and services have rising prices. So it could be that part of the transition that China seems to be on is being affected by deflation of the goods sector and inflation in the services sector.”
Questioned about China’s decisions to set up its own infrastructure bank, while also joining the WTO, the IMF and the World Bank Chandler argues that: “China is of two minds. One mind is that it is a status quo power, for example joining the WTO. But on the other hand, it is also a revisionist power but it is not happy with the international financial architecture in which one country—the U.S.—seems to dominate.”
http://foreignpolicyblogs.com/wp-content/uploads/M-Chandler-MSTR-081716-V2.mp3
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