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Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère
(n° 3/2020). Morgan Paglia, chercheur au Centre des études de sécurité de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Jonah Schulhofer-Wohl, Quagmire in Civil War (Cambridge University Press, 2020, 318 pages).
Assistant professor à l’université de Leyde aux Pays-Bas, Jonah Schulhofer-Wohl est l’auteur de plusieurs articles et rapports sur les guerres civiles. Dans cet ouvrage, tiré de sa thèse de doctorat soutenue à l’université de Yale, il déconstruit la notion de « bourbier ».
La première partie de ce livre se concentre sur la définition de cette notion. Pour l’auteur, les bourbiers résultent d’une dialectique stratégique entre des parties combattantes. Les protagonistes se trouvent enlisés dans le processus mortifère de la guerre civile, quand la poursuite des dynamiques d’escalade et de destruction apparaît moins coûteuse que le désengagement. La durée d’un conflit ne saurait donc définir à elle seule un bourbier.
Plusieurs facteurs favorisent et entretiennent l’enlisement. Outre les dynamiques endogènes du conflit – comme la mainmise d’un belligérant sur des ressources naturelles, ou une zone géographique peu accessible (montagnes, jungle) –, les parties combattantes peuvent bénéficier de l’aide de puissances extérieures pour soutenir leurs opérations dans la durée. L’internationalisation entretient le processus d’escalade en abaissant le coût de la guerre, et tend à complexifier une équation d’ores et déjà difficile à résoudre, où les intérêts des acteurs locaux et de leurs parrains internationaux s’entremêlent.
Équation est le mot qui convient pour désigner une démonstration qui s’appuie sur la théorie des jeux et l’équilibre de Nash pour modéliser le piège de l’enlisement. Si l’on peut regretter que la profusion d’équations et de modélisations statistiques rende la lecture de certains passages fastidieuse, cette mise en équations permet à l’auteur d’éclairer les différents choix qui s’offrent aux parties combattantes et à leurs parrains. Il constate d’abord que les belligérants peuvent choisir entre des stratégies non territoriales à bas coût et des stratégies territoriales plus coûteuses. Il observe que les soutiens internationaux n’ont que peu de prise sur le choix de leur protégé en faveur de l’une ou l’autre de ces stratégies.
L’ouvrage est organisé autour de plusieurs études de cas. Sur les 158 guerres civiles recensées entre 1944 et 2006, plusieurs ont été emblématiques du phénomène d’enlisement. Les analyses de la guerre civile libanaise (1975-1990) – où l’auteur a conduit plusieurs enquêtes de terrain – et des conflits au Tchad et au Yémen offrent des éléments de comparaison bienvenus. Pour chacun de ces cas, l’auteur s’attache à évoquer le point de vue de toutes les parties prenantes et des puissances internationales parrainant les belligérants, et explore, en outre, l’ensemble des options stratégiques et des décisions prises dans les différentes séquences des conflits (combat, négociation, désescalade). Il évoque notamment un cas paradoxal où la combinaison d’un soutien étranger et d’une stratégie low cost non territoriale pourrait conduire à une situation dans laquelle le meilleur choix pour toutes les parties combattantes serait le statu quo : poursuite des combats sans concession ni escalade. L’éclairage historique et l’analyse comparée permettent de comprendre pourquoi certains conflits tendent vers l’enlisement et d’autres vers une résolution.
On ne peut que conseiller la lecture d’un ouvrage qui retiendra l’attention, tant par sa démarche scientifique rigoureuse que par son contenu passionnant, et qui offre des clés de compréhension de nombre de conflits actuels.
Morgan Paglia
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Accéder à l’article de Gérard-François Dumont, « L’urbanisation du monde : pourquoi, jusqu’où ? » ici.
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Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère
(n° 3/2020). Marie-Pierre Rey propose une analyse de l’ouvrage de Sophie Momzikoff-Markoff, Les hommes de Gorbatchev. Influences et réseaux (1956-1992) (Éditions de la Sorbonne, 2020, 358 pages).
Tiré d’une thèse soutenue en 2015 à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et structuré en huit chapitres chronologiques, cet ouvrage traite de la perestroïka gorbatchévienne et plus particulièrement de la « nouvelle pensée », c’est-à‑dire de l’ensemble des principes et pratiques qui dominèrent la politique extérieure du dernier secrétaire général du Parti communiste d’Union soviétique (PCUS). Lancée à partir de 1986, cette nouvelle pensée contribua, en quelques années seulement, à l’émergence de relations internationales fondées sur un dialogue apaisé entre Est et Ouest, à la promotion de mesures de désarmement, et en fin de compte à la remise en cause de la guerre froide : autant d’éléments qui valurent à Mikhaïl Gorbatchev le Prix Nobel de la paix en 1990. C’est dire son importance.
Loin de se contenter de cerner la nature et l’ampleur de cette nouvelle pensée, l’ouvrage a cherché à en retrouver les origines et à en retracer la genèse. Car si la personnalité du secrétaire général a joué un rôle majeur dans son élaboration et sa mise en œuvre, les thèses qu’il énonce en 1986 n’étaient pas toutes inédites. Pour certaines, elles ont commencé à circuler dès les années 1970, de manière discrète et à l’insu de l’opinion, dans des groupes fermés et des réseaux proches du pouvoir. D’où l’intérêt, pour l’historien, de revenir avec précision sur les instances et les individus qui, en amont de la Perestroïka, ont esquissé, soutenu ou appelé de leurs vœux l’élaboration d’un projet diplomatique nouveau.
Pour ce faire, Sophie Momzikoff-Markoff a recours à un beau corpus d’archives, parmi lesquelles celles du PCUS, de la Fondation Gorbatchev, ou encore celles de l’Académie des sciences, auxquelles se sont ajoutés des fonds conservés aux États-Unis (ainsi des archives Volkogonov à Washington). Ces sources très diverses lui ont permis de bien approcher la nature et le fonctionnement des réseaux scientifiques et académiques qui, à partir de 1956, ont émergé dans le sillage du XXe Congrès et formé peu à peu une nouvelle « intelligentsia internationale ».
Apparemment très diverse, composée de consultants, de directeurs d’instituts rattachés au PCUS, de journalistes et d’universitaires, cette intelligentsia fait l’objet d’une analyse qui retrace de près le parcours de treize de ses représentants, au nombre desquels : Georgi Arbatov, Valentin Faline, Evgueni Primakov, ou encore Vadim Zagladine. Or, le suivi précis de ces treize destins qui n’ont cessé de s’entrecroiser est éloquent : leurs lieux de formation et d’apprentissage, leurs diplômes, leurs réseaux d’amitié dessinent un groupe éduqué qui, au-delà de son apparente diversité, apparaît relativement homogène.
Née dans les années 1920, formée à la MGU (Université de Moscou) ou au MGIMO (Institut d’État des relations internationales de Moscou), cette génération qui prend très tôt ses distances par rapport à la vulgate marxiste-léniniste fait ses premières armes dans les années 1970, pesant alors sur les dossiers diplomatiques les plus brûlants (dialogue stratégique avec les États-Unis, conférence d’Helsinki, question allemande…), et c’est tout naturellement que, visant à remettre en cause les poncifs, sinon les mythes, qui jusqu’alors encadraient l’action diplomatique soviétique, elle contribua à la révolution orchestrée par Gorbatchev sur le plan international. Tout le mérite de l’ouvrage est de l’avoir sortie de l’ombre.
Marie-Pierre Rey
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(n° 3/2020). Jean-François Heimburger propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Guibourg Delamotte, Le Japon dans le monde (CNRS Éditions, 2019, 256 pages).
Dirigé par Guibourg Delamotte, maître de conférences au département d’études japonaises à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), cet ouvrage collectif vise à analyser le rayonnement du Japon dans le monde et à en dégager les limites.
Sa première partie porte sur les paramètres intérieurs – politiques, économiques et sociaux. Arnaud Grivaud et Xavier Mellet démontrent, en s’appuyant sur le fonctionnement de la démocratie représentative, que le système politique japonais est hybride, composé d’éléments communs à d’autres démocraties et d’éléments propres. Adrienne Sala s’intéresse à l’économie japonaise qui, après la croissance des années 1950 à 1990 puis la stagnation des années 1990 à 2000, fait désormais face aux défis majeurs de la hausse de la dette publique et du déclin démographique. Robert Dujarric et Ayumi Takenaka décrivent le paradoxe d’un Japon économiquement puissant mais qui résiste encore à la mondialisation sociétale, et a du mal à se libérer de certaines normes héritées du passé, tel le respect de l’« ancienneté ».
La deuxième partie traite des défis sécuritaires. Valérie Niquet explique que le Japon se trouve dans un environnement instable et dangereux face aux menaces nord-coréennes surtout, mais aussi chinoises, et expose les différentes réponses, plus ou moins réalistes, qui sont envisagées, tel le renforcement des relations avec les États-Unis ou avec d’autres États. Céline Pajon analyse cette alliance nippo-américaine qui, mise à l’épreuve depuis l’arrivée au pouvoir de l’imprévisible Donald Trump, a tendance à se rééquilibrer en donnant plus de poids au Japon, lequel va jusqu’à agir de manière autonome, notamment en matière commerciale et diplomatique. Dans un chapitre un peu lourd – trois fois plus long que les autres –, Fabien Fieschi étudie les bonnes relations entre l’Union européenne et le Japon, consolidées par la signature des accords de partenariat stratégique et économique en 2018, dont l’avenir, plutôt prometteur, dépendra tout de même des politiques menées par d’autres États, tels les États-Unis et la Chine.
La troisième et dernière partie est consacrée aux moyens diplomatiques mis en œuvre. Marianne Péron-Doise explique que la défense japonaise est renforcée, en termes budgétaires et capacitaires, par un gouvernement qui insiste sur les menaces croissantes, la plupart des citoyens restant, tout en ayant conscience de l’évolution de l’environnement stratégique, opposés à l’envoi de militaires japonais sur le terrain. Sarah Tanke, dans un chapitre à la structure étonnante, sans introduction ni présentation des problématiques, présente notamment les objectifs des activités du Japon dans les instances onusiennes, ce travail lui permettant de légitimer son action internationale. Marylène Gervais examine les atouts et les limites du soft power du Japon, qui pourrait selon elle en tirer davantage parti en faisant mieux connaître d’autres domaines d’expertise, de manière à augmenter son influence dans le monde.
L’ouvrage, qui fournit des analyses pertinentes sur des thèmes variés et complémentaires, offre néanmoins un tableau qui peut paraître incomplet. Certaines questions importantes, voire prioritaires, comme les enlèvements de Japonais par la Corée du Nord, les relations nippo-russes, ou encore les liens avec l’Inde ou l’Afrique, auraient par exemple mérité d’être (davantage) étudiées.
Jean-François Heimburger
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Accéder à l’article d’Elie Cohen, « La souveraineté industrielle au révélateur du COVID-19 » ici.
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(n° 3/2020). Martin Quencez propose une analyse de l’ouvrage de Alexander Cooley et Daniel Nexon, Exit from Hegemony: The Unraveling of the American Global Order (Oxford University Press, 2020, 256 pages).
La présidence de Donald Trump a vu se multiplier les ouvrages et articles traitant du déclin des États-Unis sur la scène internationale. Comme le rappellent les auteurs, l’idée n’est pas nouvelle : depuis 1945, elle est même régulièrement mise à jour lors de périodes de troubles politiques, économiques et stratégiques, et ces prédictions se sont révélées peu probantes. Pourtant, cet ouvrage offre une réflexion originale sur la fin de l’hégémonie américaine et sur les différents facteurs internes et externes qui l’expliquent. Écrite avant la crise du COVID-19, l’analyse des deux auteurs se veut ancrée dans l’actualité : si Donald Trump n’est qu’un symptôme de la crise actuelle, sa présidence permet largement d’expliquer pourquoi – cette fois-ci – l’incapacité des États-Unis à garder leur rôle d’hegemon est bien réelle.
La thèse s’articule en huit chapitres plus ou moins théoriques. Après avoir détaillé les raisons historiques et structurelles du « système hégémonique américain » et de sa déchéance, Alexander Cooley et Daniel Nexon soulignent l’abandon par l’administration Trump des principes fondateurs de l’ordre international post-guerre froide qui ont permis aux États-Unis de profiter d’une situation d’hégémonie incontestée pendant près de trente ans. Ils éclairent les éléments singuliers de cette destruction made in America : alors que les prédécesseurs de Donald Trump ont souvent ignoré et affaibli les valeurs et normes libérales à l’international, le président actuel est le seul à fonder sa politique étrangère sur leur critique systématique et explicite.
Le dernier chapitre propose une intéressante prospective sur l’ordre international qui surgira de cette période de transition. Trois scénarios sont étudiés : le plus détaillé concerne l’émergence d’une nouvelle bipolarité entre les États-Unis et la Chine ; le second expose l’hypothèse d’une multipolarité « réaliste », organisée autour de sphères d’influence ; le dernier dessine une forme d’ordre libéral – au moins pour les piliers économiques et intergouvernementaux –, gouverné par un système oligarchique. Dans tous les cas, les auteurs rejettent l’idée d’un retour possible à un ordre libéral organisé autour de l’hégémonie américaine.
Il est parfois difficile de savoir si l’ambition du livre est de démontrer la fin de l’ère post-1989, ou celle de l’ordre post-1945. L’argumentation est toutefois convaincante lorsqu’elle met en lumière l’affaiblissement rapide des mécanismes et infrastructures soutenant l’hégémonie américaine dans le monde. Tous les ingrédients – au moins théoriques – d’un changement de paradigme semblent en effet réunis et gagnent en intensité durant l’administration Trump.
Les critiques portées à l’encontre du président américain et de la politique étrangère de son administration sont connues et peuvent sembler peu originales. La comparaison avec Mikhaïl Gorbatchev mérite néanmoins d’être notée. Et ces critiques se révèlent enfin utiles pour mieux comprendre ce qui distingue le trumpisme des administrations précédentes, et déconstruisent en partie l’idée d’une continuité forte avec Barack Obama ou George W. Bush.
Les recommandations finales s’avèrent assez prévisibles – investir dans la recherche et les infrastructures, renforcer la coordination avec des alliés partageant les mêmes valeurs… –, mais l’ouvrage est un sérieux ajout à la littérature sur la fin de l’ordre libéral international, et il alimentera bien les débats sur le rôle futur des États-Unis.
Martin Quencez
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