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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 1 week 2 days ago

Pour Zelensky, oui, mais jusqu’où ?

Fri, 06/01/2023 - 16:29

Peu avant les fêtes, Volodymyr Zelensky a été reçu triomphalement à Washington. Rien de plus normal vu l’agression illégale au regard du droit international dont est victime l’Ukraine et le réel courage de son président.

Mais derrière les hourras de façade, une partie importante des élus américains, n’incluant pas seulement des républicains, commence à se poser des questions sur la stratégie du président Biden en Ukraine et à être un peu agacée par la posture jusqu’au-boutiste de l’homme au tee-shirt kaki qui n’a pas su faire l’effort de se vêtir autrement pour intervenir devant le Congrès.

Il est vrai que le chef d’État ukrainien semble de plus en plus s’enfermer dans le rôle qu’il s’est créé au début de la guerre, celui d’un nouveau Churchill droit dans ses bottes et visionnaire – alors que quelques jours avant l’offensive russe, il demandait encore assez abruptement à Joe Biden de cesser d’alerter le monde d’une possible attaque russe en laquelle il ne croyait pas.

La situation de Zelensky est très différente de celle de Winston Churchill en 1940. Malgré de très grandes difficultés, le Premier ministre anglais savait alors qu’il pouvait compter sur les immenses ressources de l’Empire britannique et il avait compris que la guerre pouvait connaître une autre issue que celle d’une victoire de l’Allemagne nazie.

Dans le cas de la guerre en Ukraine, il est évident – à moins d’un événement totalement inattendu sur le front où bien d’un improbable coup d’État à Moscou – que Kiev ne pourra pas remporter une victoire pleine et définitive. Jamais l’Ukraine, du moins à court terme, ne reprendra la Crimée, ni probablement l’ensemble des territoires de l’Est.

C’est pourquoi le président Zelensky devrait cesser de tenir des propos tels que « Nous ne traiterons jamais avec Poutine » ou, comme il y a encore quelques jours, « nous ne pardonnerons jamais ».

La realpolitik existe, malheureusement. Et malgré un combat juste et courageux, Kiev devrait le comprendre et se dire prête après ses récents succès sur le terrain à négocier sur des bases réalistes. Sinon, l’Ukraine pourrait continuer à perdre des soutiens autant à Washington qu’auprès de l’opinion américaine et apprendre à ses dépens lors de la prochaine offensive russe que l’aide occidentale à ses limites.

 

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Essayiste et chercheur associé à l’IRIS, Romuald Sciora vit aux États-Unis. Auteur de plusieurs ouvrages sur les Nations unies, il a récemment publié avec Anne-Cécile Robert du Monde diplomatique « Qui veut la mort de l’ONU ? » (Eyrolles, nov. 2018). Ses deux derniers essais, «Pauvre John ! L’Amérique du Covid-19 vue par un insider » et «  Femme vaillante, Michaëlle Jean en Francophonie », sont respectivement parus chez Max Milo en 2020 et aux Éditions du CIDIHCA en 2021.

Semaine internationale | Ukraine, Brésil, Israël, Chine

Fri, 06/01/2023 - 16:20

Nouveau format ! Dans la « semaine internationale », Pascal Boniface revient chaque vendredi sur les évènements qui ont marqué l’actualité internationale de la semaine. Au programme cette semaine : les dernières évolutions de la guerre en Ukraine et les déconvenues militaires russes ; l’investiture de Lula au Brésil ; la situation en Israël après la mise en place du nouveau gouvernement Netanyahou ; la Chine après la politique 0-Covid.

Rencontres de haut niveau entre la Turquie et la Syrie : quelles significations, quelles conséquences ?

Fri, 06/01/2023 - 16:12

 

Le 28 décembre dernier, les ministres turc et syrien de la Défense se sont entretenus lors d’une réunion à Moscou avec leur homologue russe, une première rencontre officielle à ce niveau entre Ankara et Damas depuis le début de la guerre en Syrie. Comment ont évolué les relations entre les deux pays depuis ? Pourrait-elle être le prélude à une normalisation des relations entre la Turquie et la Syrie ? Le point avec Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS.

Mercredi 28 décembre, les ministres turc et syrien de la Défense se sont rencontrés en présence de leur homologue russe, pour les premiers pourparlers officiels de haut niveau entre Ankara et Damas depuis la rupture diplomatique entre les deux pays en 2012. Quelle est la genèse de cette rupture diplomatique ?

Il faut tout d’abord préciser que cette rencontre entre les ministres de la Défense turc et syrien sous l’égide du ministre russe de la Défense, marque la poursuite, l’approfondissement et l’officialisation au plus haut niveau de prises de contacts, de pourparlers et de négociations qui existent depuis près de trois ans entre les responsables des services de renseignement turcs et syriens. Hakan Fidan, le responsable des services de renseignement turcs, le MIT, s’est rendu à plusieurs reprises à Damas et, visiblement, son homologue est lui-même venu à Ankara. Cette rencontre du 28 décembre marque une nouvelle étape incontestablement importante puisqu’il y avait eu rupture des relations entre les deux pays au début du processus révolutionnaire en Syrie, en 2011.

Dans la période précédant cette rupture, à partir de 2004-2005, les relations entre la Turquie et la Syrie s’étaient considérablement fluidifiées avec de nombreuses visites réciproques accompagnées de multiples accords économiques et politiques. Ce rapprochement entre Ankara et Damas a même culminé avec la tenue d’un conseil des ministres commun. Au début du mouvement de contestation qui s’est cristallisé en Syrie, à partir du début de l’année 2011, les autorités turques ont dans un premier temps tenté d’infléchir les positions de Bachar el-Assad avec de nombreuses navettes entre Ankara et Damas. Des ministres turcs se sont ainsi rendus à Damas pour tenter de convaincre Bachar el-Assad de limiter la répression et de procéder à des réformes exigées par le mouvement de contestation. À chaque fois, Bachar el-Assad faisait de grandes promesses. Mais sitôt ces émissaires repartis en Turquie, le dirigeant syrien continuait son œuvre de répression de plus en plus violente, si bien que les responsables turcs ont radicalement modifié leur approche.

Au cours de l’été 2011, la Turquie a opéré un virage dans son approche du conflit syrien, et n’a dès lors plus cherché à convaincre le président syrien, considérant toutes tentatives vaines, mais a soutenu l’opposition syrienne qui commençait à s’organiser et à se structurer. La première réunion publique d’importance de cette opposition, fut le congrès fondateur du Conseil national syrien, organisé à Istanbul en octobre 2011. À partir de ce moment, la Turquie a rompu ses liens avec les autorités syriennes et a mis tout en œuvre pour tenter de faire chuter le régime de Bachar el-Assad. Erdogan ne cessait de répéter que le régime du président syrien n’en avait plus que pour quelques semaines à résister, ce que deux ministres français des Affaires étrangères successifs – en l’occurrence Alain Juppé et Laurent Fabius – avaient déclaré sensiblement dans les mêmes termes. Bachar el-Assad est toujours au pouvoir en ce début d’année 2023 et on peut considérer qu’il a gagné la guerre même s’il n’a bien sûr pas remporté la bataille de la paix.

À partir de 2016, considérant que les principaux États qui étaient mobilisés contre le régime de Bachar el-Assad, notamment la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, commençaient à comprendre que la guerre serait gagnée par Bachar el-Assad et que la Turquie était la seule à continuer à vouloir la chute de ce dernier et à soutenir activement les différentes oppositions – en ayant même eu quelque complaisance à l’égard de certains groupes djihadistes – les dirigeants turcs, craignant de s’isoler, ont de nouveau changé de cap. L’autre facteur déterminant pour Ankara était la zone autonome tenue par les groupes nationalistes kurdes qui contrôlaient une région importante du nord de la Syrie, nommée le Rojava. L’autonomie de cette zone inquiétait beaucoup les responsables turcs puisqu’elle était susceptible, considéraient-ils, de faire germer des idées dangereuses aux Kurdes de Turquie. La priorité est donc donnée à la lutte contre les positions tenues par les groupes nationalistes kurdes de Syrie, dont la proximité avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) était avérée, et non plus à la lutte pour abattre Bachar el-Assad. En ce sens, l’intégration de la Turquie au sein du groupe d’Astana en compagnie de la Russie et de l’Iran au début de l’année 2017 donnait un nouveau poids à la Turquie pour agir sur les scénarios de sortie de guerre en Syrie.

La réunion des ministres de la Défense turc et syrien est incontestablement la dernière étape en date de ces différents évolutions et revirements. Elle peut être porteuse de rapprochement encore plus important entre les deux pays.

Selon un communiqué turc, les pourparlers ont porté sur la lutte contre le terrorisme. Alors qu’Ankara menace de lancer une offensive terrestre contre des groupes kurdes syriens, quelles pourraient être les conséquences de cette rencontre sur la situation des Kurdes en Syrie ?

C’est une très mauvaise nouvelle pour les organisations nationalistes kurdes, mais aussi pour toutes les oppositions en général. La qualification de « terrorisme » utilisée par les autorités turques comme par les autorités syriennes – même si derrière ce vocable elles ne mettent pas toujours les mêmes éléments – fait en l’occurrence référence aux Forces démocratiques syriennes (FDS). Cet ennemi commun regroupe l’essentiel de l’opposition armée – du moins de ce qu’il en reste – non-djihadiste. Les FDS sont structurées, organisées et dirigées par les milices du Parti de l’union démocratique (PYD) qui est en réalité la branche syrienne du PKK. Elles contrôlent une partie du Nord-Est syrien, dont de nombreux champs de pétrole, et sont aidées financièrement et logistiquement par les États-Unis, mais aussi un certain nombre de puissances occidentales, dont la France.

Il est envisageable, même si ce ne sont à l’heure actuelle que des supputations, qu’il puisse il y avoir des opérations militaires coordonnées entre Turcs et Syriens dans cette région. Les Syriens souhaitent récupérer le contrôle de la totalité de leur territoire et ainsi mettre un terme à l’autonomie du Rojava. Pour l’État turc, l’obsession, qui est présentée comme quasiment existentielle, est d’éradiquer tout ce qui peut ressembler de près ou de loin au PKK. Or il est indéniable que les FDS et le PYG sont liés au PKK. Nous sommes encore loin d’une action conjointe turco-syrienne, mais c’est une hypothèse qu’on ne peut exclure puisque les FDS incarnent l’ennemi commun. Rappelons cependant qu’il existe une certaine forme de duplicité de la part du régime syrien qui tout en condamnant l’existence de cette zone autonome, continue à entretenir des liens avec le PKK. Ces liens ont été établis à l’époque où, durant de nombreuses années, son chef, Abdullah Öcalan, a résidé à Damas avant de se faire expulser en 1998 puis a été arrêté par les services de renseignement turcs à Nairobi en février 1999.

Alors que de nombreux pays de la région ont normalisé leur relation avec Damas cette rencontre pourrait-elle être le prélude à une normalisation des relations entre la Turquie et la Syrie ?

Cette rencontre possède une forte charge symbolique et pourrait constituer un rapprochement effectif. Par ailleurs, il a été déclaré il y a quelques jours que la prochaine réunion de haut niveau pourrait se tenir entre les ministres des Affaires étrangères turc et syrien dans un pays tiers. Elle fait suite à nombre de contacts évoqués plus haut, mais aussi à des déclarations d’Erdogan qui avait affirmé en novembre dernier que le ressentiment n’avait pas sa place en politique et qu’il ne trouvait pas inenvisageable qu’il puisse lui-même rencontrer Bachar el-Assad. Le ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglus, avait aussi laissé entendre, de façon un peu confuse, qu’une normalisation n’était pas impossible, ce qui avait fait polémique en Turquie. Quelle que soit l’exactitude de sa déclaration, il y a indéniablement au niveau des plus hautes instances de l’appareil d’État turc, une volonté de rapprochement à court terme.

Certes, il existe des intérêts communs entre les deux pays, notamment à l’égard du combat jugé nécessaire par Ankara contre les FDS déjà évoquées. Néanmoins, malgré les pourparlers et les rencontres désormais de haut niveau, Damas considère la Turquie comme une puissance occupante, un constat exact du point de vue du droit international. Depuis le déclenchement de la guerre en Syrie, il y a eu 6 interventions militaires turques dans le nord de la Syrie et la Turquie y a installé des bases militaires pour tenter de juguler les forces kurdes.

Le deuxième contentieux entre Damas et la Turquie se situe au Nord-Ouest de la Syrie, dans la province d’Idlib, où se trouve concentrée l’opposition islamiste et djihadiste restante, même si elle demeure très affaiblie. Or, la région d’Idlib est contrôlée par Ankara qui possède encore des liens étroits avec ces groupes. Sur ce dossier Damas montre également son mécontentement.

Le troisième différend, qui n’est pas des moindres, est la question des réfugiés. On dénombre 3 700 000 réfugiés syriens en Turquie et Erdogan a déclaré à plusieurs reprises qu’il voulait les reconduire en Syrie. C’est ce qui justifie selon lui les opérations militaires. Le président turc souhaite en effet établir une bande de sécurité d’une trentaine de kilomètres de profondeur le long de la frontière turco-syrienne qui s’étend sur 928 kilomètres. Ces déclarations sont avant tout rhétoriques puisqu’une très large partie de ces réfugiés ne désirent guère retourner dans leur pays d’origine. Par ailleurs, la plupart de ces réfugiés sont en effet des sunnites et le dirigeant syrien, toujours obsédé par les équilibres communautaires qui touchent son pays – les déséquilibres communautaires en l’occurrence – ne tient pas non plus à ce retour. Il s’agit d’un enjeu considérable, d’autant que la Turquie entre en pleine campagne électorale et que la question des réfugiés en devient un des enjeux. L’opposition souhaite que ces réfugiés soient renvoyés dans les meilleurs délais et Erdogan doit tenir compte du ressentiment d’une partie de l’opinion publique à l’encontre de ces derniers, notamment depuis que la crise économique a éclaté en Turquie.

Finalement, même si ces contacts de niveau ministériel désormais marquent une convergence et une volonté de rapprochement voire peut-être d’accords de normalisation dans le court ou le moyen terme, il y a néanmoins persistance de nombreux sujets de divergences qui sont d’une importance considérable tant à l’égard de la caractérisation de force occupante par Damas à l’égard de la Turquie, que la situation d’Idlib ou enfin que la question des réfugiés.

 

Tensions entre les deux Corées sur le nucléaire : jusqu’où peut aller la coopération militaire entre Séoul et Washington ?

Thu, 05/01/2023 - 11:26

Depuis plus d’un an, la péninsule coréenne connait un fort regain de tensions. Alors que le dirigeant nord-coréen a annoncé le 2 janvier l’augmentation exponentielle de l’arsenal nucléaire de son pays, le président de la Corée du Sud, Yoon Seok-yeol, a évoqué son souhait de voir « la préparation, le partage d’informations, les exercices et les entraînements » concernant la dissuasion nucléaire menés conjointement par Séoul et Washington. Quel est l’état actuel de la coopération militaire entre la Corée du Sud et les États-Unis ? Comment Pyongyang perçoit-il ces exercices ? Vont-ils entrainer un regain des tensions entre les deux pays de la péninsule ? Le point avec Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’IRIS, en charge du Programme Asie-Pacifique.

En quoi consistent ces exercices nucléaires conjoints ? Quel est l’état actuel de la coopération militaire entre la Corée du Sud et les États-Unis ?

Les deux pays sont unis depuis 1953, quelques semaines après la fin de la guerre de Corée, par une alliance militaire qui suppose une assistance mutuelle. Elle fêtera donc ses soixante-dix ans cette année. En vertu de cette alliance réaffirmée à plusieurs reprises à Washington et à Séoul, près de 30 000 soldats américains sont stationnés en Corée du Sud, une présence à échelle de celle en Allemagne ou au Japon, mais à la différence qu’il ne s’agit pas ici d’un pays vaincu par les États-Unis. De même, si la guerre reprend, les forces sud-coréennes passent sous commandement américain, et s’il était question que ce rapport s’inverse en 2022, il n’en est encore rien. Les deux pays conduisent par ailleurs des exercices militaires conjoints depuis 2009. Entre 1958 et 1991, des armes nucléaires américaines furent stationnées en Corée du Sud, atteignant près de 1000 ogives à la fin des années 1960. Mais sous la présidence de George H. W. Bush, ces armes furent démantelées et il n’y a plus, officiellement du moins, d’armes nucléaires américaines stationnées en permanence dans la péninsule coréenne depuis plus de trente ans. En annonçant des exercices conjoints incluant des capacités nucléaires, le président sud-coréen Yoon Seok-yeol brise un tabou dans un contexte de regain de tensions avec Pyongyang.

Quelle(s) réaction(s) le discours de Yoon Seok-yeol a-t-il provoqué chez son homologue nord-coréen ?

Les tensions sont très fortes depuis l’élection de Yoon, en mars dernier, et les annonces successives de son cabinet, qui rompt avec son prédécesseur. Pendant cinq ans – surtout les deux premières années de son mandat – Moon Jae-In s’était efforcé d’établir un climat de confiance entre les deux pays. Mais l’arrivée au pouvoir de son successeur marque un tournant conservateur que cette annonce ne fait que renforcer. Pyongyang voit dans ces exercices une menace, et va s’en servir pour légitimer un peu plus ses activités proliférantes et son discours agressif. Comme ce fut déjà le cas sous la présidence de Lee Myung-bak (2007-2012), les conservateurs sud-coréens font malgré eux le jeu de la Corée du Nord. Au passage, il est presque étonnant de constater cet alignement total sur Washington à l’heure où la Corée du Sud affiche ses capacités mais aussi ses ambitions, notamment relevées dans une habile stratégie indopacifique qui met en avant l’indépendance et le refus d’entrer dans une logique de blocs. Avec cette annonce, Yoon se positionne presque à contre-courant de ce que la Corée du Sud peut, et doit, faire.

Ces exercices militaires conjoints pourraient-ils entrainer un regain des tensions entre les deux pays de la péninsule ?

Indiscutablement. Il faut y ajouter le problème lié à la prolifération. Selon plusieurs études, une grande partie de la population sud-coréenne serait aujourd’hui favorable à ce que ce pays se dote de l’arme nucléaire, afin d’assurer sa protection face aux manœuvres de Pyongyang. Ce serait évidemment une violation du Traité de non-prolifération (TNP), mais au-delà, un risque sécuritaire dépassant très largement la péninsule, et pouvant provoquer une véritable escalade dans la région. On imagine ainsi difficilement Tokyo et Pékin rester les bras croisés. La sécurité de la Corée du Sud est une nécessité, et l’alliance avec les États-Unis en est la pierre angulaire. Mais il y a dans l’annonce de ces exercices incluant des capacités nucléaires une provocation aussi inutile que dangereuse.

 

Économie mondiale 2023 : turbulences, tempêtes ou catastrophes ? Entretien avec Sylvie Matelly

Wed, 04/01/2023 - 18:05



Discours d’investiture de Lula : des engagements et des défis

Wed, 04/01/2023 - 17:37

Christophe Ventura, directeur de recherche à l’IRIS et responsable du Programme Amérique latine/Caraïbe, vous donne régulièrement rendez-vous pour ses “Chroniques de l’Amérique latine”.

Élu pour la troisième fois président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva a été officiellement investi ce 1er janvier 2023. Christophe Ventura revient sur son discours prononcé à Brasilia, mêlant engagements et défis.

➡️ Retrouvez tous les épisodes des « Chroniques de l’Amérique latine » sur la chaîne YouTube de l’IRIS : https://www.youtube.com/watch?v=G1YMLo6Mhno&list=PL3c38cSa3wcDZJsQpzOJLqZzxFCWqJTPj&index=1
📄 Consulter la traduction du discours du président Luiz Inacio Lula da Silva au Congrès national brésilien : https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2023/01/OBSAL22_Discours-Lula_Janvier-2023.pdf
📄 Les notes du programme « Amérique latine/Caraïbe » de l’IRIS : https://www.iris-france.org/programmes/amerique-latine-caraibe/

Perspective géopolitique 2023

Wed, 04/01/2023 - 16:13

Conflit en Ukraine, situation sanitaire et sociale en Chine, soulèvement en Iran, crise environnementale, fracture « West vs the Rest », sans oublier les nombreux conflits autres qui secouent la planète… Que peut-on attendre de l’année 2023 d’un point de vue géopolitique ?

L’analyse de Pascal Boniface.

G20 : un directoire mondial ou un forum inutile ?

Mon, 14/11/2022 - 19:14

 

Le sommet 2022 du G20 s’ouvre demain, 15 novembre, en Indonésie dans le contexte international particulièrement tendu de la guerre en Ukraine. La semaine dernière, la Russie a annoncé qu’elle ne serait pas représentée par son chef d’État Vladimir Poutine, mais par son ministre des Affaires étrangères, dérogeant ainsi à la tradition du G20. L’occasion de revenir, dans cette vidéo illustrée, sur le rôle, la symbolique mais aussi les contradictions de ce groupe qui prend depuis 2008 la forme d’un sommet annuel des chefs d’États et de gouvernements.

Lula 2023-2027, quelle politique étrangère ?

Sat, 12/11/2022 - 18:32

Lula a emporté sur le fil les présidentielles brésiliennes le 30 octobre dernier. Le Brésil devrait bientôt entrer en alternance politique. Le changement attendu est multiforme. Il est démocratique, et sans doute social. Mais sera-t-il aussi diplomatique ?

La politique extérieure n’est jamais au cœur des campagnes électorales. Qu’il s’agisse du Brésil, de la France ou de tout autre pays du monde. Malgré tout, elle figure toujours en bas de page, en queue de débats, voire au hasard d’initiatives et de publications consacrées à d’autres sujets. La question concernant le Brésil mérite cela dit une attention particulière. Lula, de 2003 à 2010, pendant donc ses deux mandats présidentiels, avait attiré l’attention des médias et des chancelleries en raison de son activisme international. Son ex-ministre des affaires étrangères, Celso Amorim, lui avait trouvé une appellation d’origine révélatrice : celle de « política externa ativa e altiva ». Dénomination que l’on pourrait traduire de la façon suivante, « une politique active et ambitieuse [1]».

La formule a été revendiquée pendant cette campagne tout à la fois par Celso Amorim et par Lula. Dans sa « Lettre pour le Brésil de demain [2]», publiée le 27 octobre, trois jours avant le deuxième tour, le candidat du PT, réaffirme en effet en paragraphe 12, la nécessité pour le Brésil, « de retrouver une politique extérieure souveraine active et ambitieuse ».

Il est difficile d’interpréter à partir de là, le cap que pourra prendre la politique extérieure brésilienne. Le point 12 de la lettre adressée par Lula aux électeurs du deuxième tour reste en effet très général. Le Brésil, est-il annoncé, dialoguera « démocratiquement » et en « respectant l’autodétermination des peuples » avec, dans l’ordre, « les BRICS [3], les pays africains, l’Union européenne, et les États-Unis ». Il agira pour « l’intégration régionale », plus particulièrement celle du Mercosur. Suivent ensuite des engagements non précisés sur « le commerce extérieur, la coopération technologique, des relations plus justes et démocratiques entre pays, le développement durable dans le cadre de la Convention du climat ».

Son conseiller diplomatique et ex-ministre des Affaires étrangères Celso Amorim a donné quelques explications de texte, permettant de nourrir le point 12 de la Lettre au Brésil de demain« Quelles seront les grandes lignes de la politique extérieure de Lula » lui a demandé un journaliste espagnol [4] au lendemain de la courte victoire du candidat pétiste ». Réponse du diplomate, « Elle ne sera pas très différente de celle qu’elles ont été dans le passé, défense du multilatéralisme, bonnes relations avec les États-Unis, mais aussi avec l’Union européenne, la Chine, avec les BRICS (principales économies émergentes), tout comme avec l’Afrique, si importante pour le Brésil, (..) et le plus important l’intégration sud-américaine, de bonnes relations avec les voisins. La lutte contre le changement climatique sera un aspect clef (..), la pandémie, les droits humains et la justice sociale internationale ».

En réponse à d’autres questions et à d’autres sollicitations, l’ex-ministre a apporté quelques compléments, en particulier sur les BRICS et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces additifs arrondissent quelque peu les propos tenus par Lula le 5 mai 2022. « Ce gars-là », avait-il dit en parlant de Zelensky, « est aussi responsable que Poutine (..) Comme Saddam Hussein était aussi coupable que Bush ». Les BRICS selon Celso Amorim, peuvent jouer un rôle positif dans le règlement du conflit entre la Russie et l’Ukraine, des BRICS renforcés par l’adhésion de l’Argentine [5]. L’invasion, a-t-il expliqué, doit être condamnée parce qu’elle rompt les principes fondamentaux de la Charte des Nations unies. Cela dit, la Russie « a de sérieux motifs permettant de comprendre son désagrément ». C’est pourquoi les BRICS peuvent jouer un rôle positif, parce que la Russie est l’une des parties au conflit et la Chine, qui a une forte influence, pourrait avec les Européens et le Brésil agir en recherche de paix.

L’intégration, a-t-il confirmé, est celle de l’Amérique du Sud. Elle peut être accélérée par le renforcement du Mercosur et son élargissement à la Bolivie. D’autant plus que beaucoup de gouvernements sont à gauche. Il va être plus facile aujourd’hui par exemple de dialoguer avec la Colombie de Gustavo Petro, qu’avec hier celle d’Álvaro Uribe. D’autre part, conséquence de la guerre en Ukraine, les États-Unis et l’Europe ont besoin du pétrole vénézuélien. Ce qui va « ouvrir la voie à une négociation, quelle qu’elle soit » conduisant ces pays à « ne plus insister dans les stratégies de reconnaissance d’un quelconque nouveau Juan Guaidó [6]».

La mise en musique reste à mettre en partition. Celso Amorim se dit prêt à répéter sur la crise russo-ukrainienne, son geste médiateur de 2011 sur le nucléaire iranien. Mais les contraintes sont aujourd’hui bien nombreuses. Intérieures tout d’abord, politiques, parlementaires, comme économiques et sociales. Elles vont accaparer l’agenda gouvernemental. Mais extérieures aussi. Européens et Nord-américains ont jusqu’ici ignoré l’hypothèse BRIC pour résoudre le conflit européen.

En revanche ils pressent Lula de préserver la forêt amazonienne. Le représentant des États-Unis à la COP 27, Al Gore, par exemple, se référant à la victoire de Lula s’en est félicité, parce qu’a-t-il dit « le peuple brésilien a choisi d’arrêter la destruction de l’Amazonie ». Zelensky et Poutine, quant à eux, ont de concert mais parallèlement envoyé des télégrammes de félicitations au vainqueur. Côté intégration latino-américaine les choses méritent décantation. Andrés Manuel López Obrador (AMLO) du Mexique a invité Lula, comme il l’a fait au lendemain de l’élection du Chilien Gabriel Boric à faire le pari de la zone de libre-échange de l’Alliance du Pacifique. Alors que l’Uruguay, faisant fi de la solidarité Mercosur, négocie bilatéralement un accord commercial avec la Chine .

 

Cet article est une republication du site Nouveaux espaces latinos.

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[1] Celso Amorim, Teerã, Ramalá e Doha, memórias da política externa ativa e altiva », São Paulo, Benvira, 2015

[2] Carta para o Brasil do Amanhã

[3] C’est à dire la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud

[4] Sebastián Fest, « El futuro de Brasil, la entrevista », El Mundo, 1er novembre 2022, p 22

[5] Flavia Marreiro, Brad Haynes, « Amorim defende Argentina nos BRICS », Reuters, 19 octobre 2022

[6] In Nueva Sociedad, n°301, septembre-octobre 2022

 

Après les élections de mi-mandat, qu’attendre de la présidence Biden ?

Fri, 11/11/2022 - 11:20

Les « midterms » de 2022 étaient le premier scrutin aux États-Unis depuis la tentative d’insurrection au Capitole, le 6 janvier 2021.

C’était un test pour la démocratie : autant la présidentielle de 2020 avait été marquée par une participation record (66,8 %), autant l’incertitude planait cette année. Or, l’électorat s’est fortement mobilisé : il s’éleverait à environ 48 %, soit un peu moins des 51,8 % de participation aux midterms de 2018, ce qui était très élevé pour ce type de scrutin – rappelons qu’aux États-Unis le taux de participation est calculé par rapport au nombre de personnes ayant le droit de vote et non par rapport au nombre d’inscrits sur les listes électorales.

Le deuxième test portait sur la résistance des Démocrates, et celle-ci fut inattendue : même si, à ce stade, les résultats définitifs ne sont pas encore connus, Joe Biden n’a pas été la victime du vote sanction qu’on lui prédisait. Les Démocrates conservent même leur majorité au Sénat après leur victoire dans le Nevada.

Fin limier de la politique américaine, Biden dispose d’une très bonne connaissance des rouages électoraux et des attentes de son électorat. Il demeure sous-estimé, y compris dans son propre camp. L’inflation n’a pas eu raison de lui et il est probable également que les énormes réformes qu’il a engagées, par la voie législative, en faveur des infrastructures, des emplois verts ou de la relance économique post-Covid, auxquelles il faut ajouter la décision d’annuler en partie la dette étudiante pour plus de quarante millions d’Américains, ont été plus récompensées que prévu.

Une fois encore, la démocratie a résisté aux attaques

À droite, force est de constater que le trumpisme marque le pas.

C’était le troisième test. Il est loin d’avoir disparu puisqu’il persiste sous les traits du plus grand rival de Donald Trump à ce jour, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, triomphalement réélu et tout aussi extrémiste que Trump sur le fond, et puisque des dizaines de « deniers » – ceux et celles qui nient le résultat de la présidentielle de 2020 – ont gagné.

Ils et elles sont cependant beaucoup moins nombreux qu’on le redoutait. Trump ne serait-il donc pas le faiseur de rois (et de reines) que beaucoup pensaient ? Dans les meetings qu’il a tenus aux côtés de candidates et candidats qu’il avait choisi de soutenir – plus en raison de leur flagornerie et leurs excès que pour leur compétence –, il a surtout parlé de lui-même et de son obsession de « l’élection volée » (selon lui) il y a deux ans. Mais gagner une primaire républicaine, où c’est surtout la base la plus fervente qui vote, n’est pas la même affaire que remporter une élection face à une ou un adversaire démocrate. La leçon de l’extrémisme du Tea Party de 2010, qui avait déjà plombé les Républicains deux ans plus tard avec la réélection de Barack Obama, n’a, semble-t-il, pas été retenue, tant le culte de la personnalité de Trump l’a emporté.

Le rejet de Trump et du trumpisme et du danger que l’ancien président fait courir à la démocratie (limitation de l’accès au vote des minorités, refus de certifier des élections si elles sont perdues, etc.) a, ainsi, mobilisé les Démocrates, et notamment les femmes – sans doute aussi les jeunes, à l’échelle nationale.

Depuis l’annulation de l’arrêt Roe vs Wade par la Cour suprême le 24 juin dernier, plusieurs États fédérés (Californie, Kentucky, Vermont, Michigan) ont mis au vote, le 8 novembre, des référendums pour inscrire, ou au contraire supprimer le droit à l’avortement dans la loi ou leur Constitution. Chaque fois, c’est le camp des pro choice qui l’a emporté.

Au-delà des référendums, les sondages de sortie des urnes indiquent que la préservation de ce droit a très largement motivé les Démocrates à voter pour un ou une candidate qui garantirait aux femmes cette liberté. « Les femmes ne sont pas sans pouvoir politique ou électoral », écrivait (ironiquement ?) le juge ultra-conservateur à la Cour suprême Samuel Alito dans l’arrêt « Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization » en juin dernier. Il ne croyait pas si bien dire.

Biden appelle à renforcer le compromis avec les Républicains

Si les Républicains remportent la Chambre (les Démocrates conservent le Sénat, leur marge sera bien moindre qu’attendu.

Le président Biden, qui a profité des deux premières années de son mandat pour faire voter une série de grandes réformes, aura toutefois beaucoup plus de difficultés désormais parce qu’il est peu probable que les nouveaux élus républicains – qui prendront leurs fonctions en janvier 2023 – lui facilitent la tâche, à un peu plus d’un an de la prochaine campagne présidentielle.

C’est pourtant bien le sens de l’appel que Biden leur a lancé, le 9 novembre au soir : il estime que le compromis politique est une attente de la société, et a toujours dit faire du combat contre la polarisation politique du pays une priorité. Comme pour conjurer la perspective de deux années de paralysie institutionnelle, voire celle de possibles shutdowns (blocage du fonctionnement de plusieurs administrations fédérales) si jamais le plafond de la dette ne pouvait être relevé en cas de besoin ou si le budget de la nation ne parvenait pas à être voté en 2023 et 2024. En effet, c’est la Chambre des représentants qui donne le « la » sur les dépenses.

Le président devra encore renforcer ses efforts en matière de négociations et de tractations avec l’opposition parlementaire pour poursuivre la mise en œuvre de son programme – non seulement sur le plan socio-économique, mais aussi, et ce sera plus difficile, en matière de protection environnementale. Les Républicains le contraindront, de leur côté, à faire des compromis sur la fiscalité.

Selon le New York Times, il est cependant peu probable que Biden modifie son cap économique : la transition énergétique, qui nécessite de renoncer progressivement aux énergies fossiles, l’effort de réindustrialisation du pays dans la course avec la Chine sur les hautes technologies, la création d’emplois durables, la défense du pouvoir d’achat, la préservation des acquis de l’Obamacare, la lutte contre l’augmentation des prix des médicaments, le combat contre les inégalités sont sur sa feuille de route, surtout dans la perspective d’une possible récession l’an prochain. En revanche, plusieurs grandes lois fédérales promises à l’électorat démocrate pour, notamment, pallier les vides juridiques sur l’immigration, réguler la vente et la circulation d’armes à feu, combattre les discriminations raciales dans l’accès au vote, n’ont aucune chance d’aboutir d’ici fin 2024.

Midterms : le républicain Kevin McCarthy rêve de présider la Chambre des représentants, France 24 9 novembre 2022.

Il est un autre chantier délicat : celui de l’aide militaire à l’Ukraine. Sur le papier, un Congrès en partie républicain peut s’opposer à de nouvelles dépenses décidées par la Maison Blanche, ou voter des coupes (mais le président possède un droit de veto sur les lois). Dans les faits, le scénario le plus probable à ce stade est que les Républicains exigent davantage de transparence sur l’utilisation des moyens débloqués. Il n’empêche qu’en matière de dépenses militaires en général, la cohérence gagnerait à s’imposer dans les deux partis, démocrate et républicain : avec un budget de plus de 800 milliards de dollars, il est légitime de s’interroger sur le poids que ces dépenses font peser sur le contribuable dans une période inflationniste comme aujourd’hui.

Et 2024 ?

Une fois les derniers résultats des midterms connus (cela peut prendre encore quelques jours pour la Chambre), la course sera lancée pour la présidentielle de 2024. Même s’il laisse entendre le contraire, il est peu probable que Joe Biden, qui aura alors alors 82 ans, se représente. Qui, alors, pour lui succéder ?

Plusieurs leaders démocrates émergeront après leur élection ou réélection de la semaine dernière, sans oublier la vice-présidente Kamala Harris, qui devront continuer à composer entre une aile gauche et son électorat impatient (les jeunes en particulier) mais mobilisé donc incontournable, d’une part, et une culture de parti plus modérée d’autre part.

Chez les Républicains, le trumpisme nouvelle formule de Ron DeSantis s’imposera-t-il ou bien la doctrine plus traditionnelle l’emportera-t-elle, par pragmatisme ? À la Chambre, les Républicains mettront, dès janvier 2023, un terme à l’enquête parlementaire sur l’attaque du Capitole, comme si rien ne s’était passé. Mettront-ils leurs menaces à exécution en lançant de nouvelles enquêtes, sur les conditions du retrait de l’Afghanistan, et sur le business du fils de Joe Biden, Hunter ? Cela ne parviendra pas à masquer le fait que, lors de ces midterms, les Républicains ont raté leur coup et que pour espérer l’emporter en 2024, ils doivent également se concentrer sur une question majeure : avec ou sans Trump ?

 

 

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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