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B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages
Mis à jour : il y a 1 mois 2 semaines

Dans la gueule du loup, avec Anne Nivat

sam, 14/08/2021 - 09:55

(B2) Direction Grozny, Nice et Falloujah, avec l’intrépide Nina. Trois pays, trois villes, trois histoires, avec un point commun : un sentiment de révolte puissant.

Nina, jeune reporter de guerre, est partie voir la guerre, comme elle le dit elle-même, en Tchétchénie. Fin 1999, la guerre bat encore son plein dans cette république russe, aux frontières de la Géorgie. Aux côtés de Mahmoud, elle vit les bombardements, et nous emmène au fil de ses rencontres avec la rébellion tchétchène, et les forces de sécurité russes.

Autre lieu, autre époque : Nice, en 2021. Elle rencontre Abdel, dans un café. Il lui raconte son histoire, comment il est parti à Falloujah, en Irak, et pourquoi. C’est une autre sorte de rébellion : « J’me suis dit, et moi, ma vie, mes vingt ans, j’en fais quoi ? C’était aussi une façon de m’opposer à mes parents, des musulmans non pratiquants. Je voulais leur démontrer que pour moi, ils s’étaient soumis. Moi j’avais vingt ans, et j’voulais pas subir. Tout ça s’est mélangé dans ma tête. Partir, ok, mais fallait une bonne raison… Ou alors une mauvaise… Partir défendre mes frèrres musulmans qui étaient dans la merde pourrait me donner un but, comme une sensation d’exister… » Alors, Abdel commence à regarder des vidéos de massacres d’enfants et de femmes sunnites en Irak. Son désir de vengeance le pousse à partir. Partir faire la guerre à vingt ans, il trouvait ça « classe ! ». Peu après il comprend : la guerre, c’est dégueulasse. C’est la désillusion pour le jeune homme. 

L’histoire d’Abdel fait replonger Nina dans ses souvenirs de Falloujah, à la même période. Là bas, nous assistons avec elle aux affrontements entre Américains et Iraquiens.

Les trois personnages confrontent leurs idées sur la guerre, sur la rébellion, les sentiments qu’elles provoquent avant, pendant et après, partagent leurs souvernis sur l’horreur de ce qu’ils ont vu et vécu. Ils nous prennent par la main, nous présentent à leurs rencontres, leurs peurs. Et dévoilent un bout de leur histoire, une fiction certes, mais certainement peu éloignée de la réalité de milliers de personnes dans le monde.

« Dans la gueule du loup », BD de Anne Nivat, Jean-Marc Thévenet et Horne. Editions Marabout, 119 pp, 19,95 euros.

(Aurélie Pugnet)

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Catégories: Défense

Géopolitique de l’Europe, les bases pour réviser cet été

dim, 08/08/2021 - 21:32

(B2) L’heure est venue pour la bulle européenne de quitter Bruxelles, les bureaux gris de la Commission européenne, délaisser l’affreuse moquette grisâtre du Parlement, arrêter de trainer dans les cafés italiens, permettre à Schuman dee redevenir un homme et plus un rond-point. Planifier son mail ‘out of office’ et partir ! Mais pour ceux qui restent à Bruxelles, qu’ils soient dans les institutions, journalistes, lobbyistes, chercheurs, il va bien falloir s’occuper. C’est l’occasion idéale pour faire un peu de révision…

« Géopolitique de l’Europe » propose 40 fiches thématiques répondant à des questions pour comprendre les enjeux européens. Des questions des plus pratico-pratiques (À quoi sert l’Union européenne d’un point de vue commercial ?), aux plus philosophiques (L’Europe, c’est la paix ? Le piège de Tocqueville ?). On y trouve des fiches explicatives aussi, sur la différence entre les compétences partagées/exclusives/d’appui, le rôle des institutions (ne confondez plus Conseil de l’UE et le Conseil européen), et une chronologie des traités. Elles présentent encore les différentes coopérations de défense en Europe, les investissements de la Chine sur le vieux continent, les perceptions de menaces selon les pays…

Les explications sont basiques, didactiques, courtes, et avec des schémas. C’est l’introduction idéale avant de se pencher plus en détail sur un sujet en particulier.

Un livre recommandé aussi pour les étudiants, ou pour s’instruire à la plage, à l’abri des regards indiscrets de vos collègues et concurrents.

« Géopolitique de l’Europe, 40 fiches illustrées pour comprendre le monde », par Olivier de France, préface de Pascal Boniface, Editions Eyrolles, pp. 184, 17,90 euros.

Et pour tout connaître des dernières évolutions de la politique de défense européenne, l’indispensable à se procurer : la nouvelle ‘boîte à outils’ de la défense européenne, qui vient de paraître, ainsi que notre ouvrage de référence sur la PSDC. Et pour aller plus loin, sur la défense, la sécurité et la diplomatie européennes c’est sur B2 Pro que ça se passe.

(Aurélie Pugnet)

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Catégories: Défense

[Maroun Labaki] Mon cœur saigne pour Beyrouth

sam, 07/08/2021 - 17:58

(B2) Un très beau texte d’un confrère belge, d’origine libanaise, un an après l’explosion dans le port de la capitale libanaise, qui a mis à genoux des milliers de familles… et l’État libanais

Ce 4 août, mon cœur saigne pour Beyrouth. Je suis né au Liban, et c’est dans ses montagnes que plongent mes racines. C’est dans ses pinèdes que logent mes doux souvenirs d’enfant. C’est sur sa ligne de fracture entre l’Orient et l’Occident que j’ai appris que nous sommes tous différents et tous les mêmes. J’ai été nourri à sa diversité.

Longtemps, les Libanais m’ont irrité, à toujours lier leurs malheurs à de supposées interférences étrangères, à toujours rejeter la faute sur leurs voisins. Trop facile. On ne bâtit pas un État sur des combines. Un jour, on finit par payer.

Mais les Libanais ont trop payé pour leurs erreurs. Depuis près de deux ans, mais surtout depuis l’explosion au port de Beyrouth du 4 août 2020, les Libanais ont plongé dans la misère. La livre libanaise ne vaut plus rien, plus personne n’a accès à son épargne, il n’y a plus de médicaments, il n’y a plus d’essence, il n’y a plus d’électricité. Imaginez juste ma maman – qui n’est pas la plus mal lotie.

Le pays est parti en vrille, mais depuis un an la classe politique ne parvient pas à former un gouvernement ! Chacun tient l’autre par la barbichette, et tous ses sombres cleptomanes craignent par-dessus tout le grand déballage de leurs ignominies. Ils soufflent donc sur les braises confessionnelles dans l’espoir d’enfumer encore longtemps le peuple…

Le peuple a cependant grandi dans l’épreuve. Que s’est-il passé il y a exactement un an ? Qui connaissait l’existence de cette bombe à retardement au milieu du port de Beyrouth ? Les Américains affirment que seules 500 tonnes de nitrate d’ammonium ont explosé. Où sont alors passées les 2.250 autres tonnes de la cargaison débarquée on ne sait trop comment en 2013 ? Le Hezbollah a-t-il fait main basse sur ce trésor, en tout ou en partie, afin de renforcer son arsenal ? L’a-t-il aimablement cédé à son allié Bachar el-Assad ? Ce n’est pas faire injure aux chiites de poser ces questions ! Les Libanais, chiites compris, ont le droit de savoir. La classe politique libanaise, quasiment dans son ensemble, s’est pourtant appliquée à torpiller l’enquête… Un scandale dans le scandale !

Les magouilles, la corruption, le clientélisme, l’incurie, la spéculation, l’économie-casino : les Libanais veulent aussi savoir qui a volé leur argent, qui a piloté ce désastre annoncé. Peut-on dans ce contexte faire l’économie d’une rupture institutionnelle ? J’en doute plus que jamais. Ne pourrait-on, ici ou là, invoquer le droit d’ingérence ? On n’est pas loin en tout cas de la non-assistance à peuple en danger. SOS Beyrouth. SOS Liban.

Maroun Labaki

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En pause estivale

dim, 01/08/2021 - 08:52

L’été venu, l’équipe de B2 part en pause estivale. Le rythme a été intensif ces derniers mois. Et tout le monde a besoin de souffler. Nous vous offrirons néanmoins quelques articles exclusifs, pour vous distraire ou vous informer. Nous reprendrons la plume si l’actualité européenne devient brûlante. Sinon ce sera l’occasion de relire un des 15.000 articles que vous n’avez pas eu le temps de lire ou, tout simplement, de faire pause. C’est bien aussi…

© NGV

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Dernières nouvelles des missions et opérations de maintien de la paix de l’UE – PSDC (juillet 2021)

sam, 31/07/2021 - 19:25

(B2) Le tour des missions et des opérations ne ressemble finalement jamais à un autre. Ce mois ci, nous embarquons à côté des Européens sur le pont d’un navire, à terre. Ou pour escalader les pentes d’une montagne pour y cueillir des mines anti-personnel. Ils applaudissent à la créativité de forces de l’ordre, pour lutter contre la corruption. En Iraq, la mission étend sa présence au Kurdistan…

Niamey (Niger). Nouvelle compagnie mobile à la frontière

La création d’une troisième Compagnie Mobile de Contrôle des Frontières (CMCF) est sur les rails. Un accord vient d’être signé en ce sens entre la mission européenne de soutien aux forces de sécurité intérieures et de la stabilisation du Niger (EUCAP Sahel Niger) et la Police nationale. Détails ici

(crédit : EUCAP Sahel Niger)

Erbil (Iraq). Présence renforcée en Kurdistan irakien

Dans la perspective de l’ouverture d’une présence à Erbil, le chef de la mission de l’Union européenne de conseil à la sécurité intérieure (EUAM Iraq), Christoph Buik, s’est déplacé pour une série de rencontres avec les autorités régionales. L’enjeu est de renforcer la coopération dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité. Une visite largement relayée par la presse locale. Détails ici

Le chef de mission C. Buik, et Dr Hemin Hawrami, vice-président du Parlement du gouvernement régional du Kurdistan (crédit : EUAM Iraq)

Mogadiscio (Somalie). Bateau à terre

Le « ship in a box » (SIAB), le centre de formation des forces de l’ordre, a servi de terrain d’exercice à une formation d’intégration conjointe entre les unités de police maritime du port de Bosaso (BP-MPU) et des forces de police somaliennes (SPF-MPU). Le SIAB est la reproduction, à terre, d’un pont de navire marchand. Il été remis à la police maritime des forces de police somaliennes (SPF-MPU) par la mission de l’UE de soutien aux capacités maritimes (EUCAP Somalia), il y a deux ans. Détails ici

À bord du SIAB, les forces de l’ordre s’entraînent, notamment, aux procédures d’embarquement pour des inspections à bord des navires marchand (crédit : EUCAP Somalia)

Treskavica (Bosnie-Herzégovine). Déminage en haute montagne

Lorsque les membres de l’équipage de l’hélicoptère des opérations aériennes de l’EUFOR Althea (opération de stabilisation de l’UE) partent avec l’Agence de protection civile (CPA) de Bosnie-Herzégovine, sur les pentes du Mont Treskavica (2088 mètres au sommet), ce n’est pas pour un exercice ou un simple circuit de randonnée. Mais pour une opération de déminage. Ici, sur des sentiers de randonnée, on retrouve encore des mines anti-personnel et des restes explosifs de guerre déplacés par les avalanches. Détails ici

Golfe d’Aden. La voie maritime de l’aide alimentaire

L’escorte des bateaux du programme alimentaire mondial reste une activité phare de l’opération de lutte contre la piraterie maritime (EUNAVFOR Atalanta) dans le golfe. L’EUNAVFOR Somalie a « un taux de réussite de 100 % dans la protection du PAM dans la Corne de l’Afrique, et nous sommes pleinement engagés à le maintenir » explique le contre-amiral (LH) Luca P. Esposito, commandant de la force CTF 465. Détails ici

(crédit : EUNAVFOR Atalanta)

Ukraine. Campagne contre la corruption

Trois vidéos et trois affiches ont été retenues pour illustrer la nouvelle campagne de sensibilisation sur l’importance de la prévention et de la lutte contre la corruption, menée par la mission de conseil de l’Union européenne aux forces de sécurité intérieure ukrainiennes (EUAM Ukraine). La remise des prix a eu lieu en juillet. Près de 100 candidats, issus de 14 académies des forces de l’ordre, ont répondu au concours lancé par la mission en partenariat avec la Fondation Hanns Seidel. Détails ici et les affiches à découvrir

L’une des affiches primées (crédit : EUAM Ukraine)

Enguri (Géorgie). Visite du voisin ukrainien

Le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, s’est rendu sur le pont d’Enguri, près de la ligne de démarcation administrative abkhaze. L’occasion pour le chef de la mission d’observation de l’UE en Géorgie (EUMM Georgia), l’ambassadeur Marek Szczygieł, de lui faire un topo sur les enjeux et les évolutions contrastées de la situation en termes de sécurité et sur un plan humanitaire. Détails ici

(crédit : EUMM Georgia)

Bamako (Mali) Prise de poste

Le nouveau commandant de force de l’EUTM Mali, le général de brigade allemand Jochen Deuer, a pris son poste le 7 juillet 2021. Il succède au général de brigade Fernando Luis Gracia Herreiz (armée espagnole). Détails ici

(crédit : EUTM Mali)

(informations recueillies par Emmanuelle Stroesser)

NB : Pour tout connaître des dernières évolutions de la politique de défense européenne, l’indispensable à se procurer : la nouvelle ‘boîte à outils’ de la défense européenne, qui vient de paraître, ainsi que notre ouvrage de référence sur la PSDC

Lire aussi sur le B2 Pro (parus en septembre) :

Et sur le blog :

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Catégories: Défense

Les interprètes afghans pour la mission EUPOL Afghanistan dans un trou noir

jeu, 29/07/2021 - 09:25

(B2) La situation des interprètes afghans ayant travaillé pour la mission de l’UE ‘EUPOL Afghanistan’ se heurte à un vide juridique. Qui va les protéger ?

Aidés de leurs interprètes, les Européens ont formé les forces de la police afghanne (EUPOL Afghanistan)

Qui doit les protéger ?

Parce qu’ils étaient employés par l’Union européenne, au sein de cette mission qui s’est déroulée de 2007 à 2016, la question se pose maintenant de savoir qui doit les protéger. Question cruciale alors qu’objectivement leur vie peut être mise en danger par l’avancée des Taliban. Certains pays, tels les Pays-Bas (1), n’acceptent leur demande d’asile et de rapatriement en Europe que s’ils ont travaillé pour des nationaux, comme l’indique le quotidien Trouw qui cite le cas concret d’un interprète, traducteur et agent de liaison pour EUPOL. Celui-ci attend cependant toujours d’être fixé sur son sort.

Des interprètes en danger

Pour l’ancien avocat général Jan Gras, qui a travaillé trois ans avec EUPOL en Afghanistan, dans l’unité anti-corruption puis à la formation des hauts gradés de la police afghane, chaque Afghan qui a travaillé pour la mission de maintien de la paix est « en danger », et cela inclut également les policiers, comme il le raconte à Trouw. « Quiconque a visiblement travaillé en étroite collaboration avec nous est désormais en danger. Je sais par un policier que sa voiture a explosé, il essaie maintenant de sortir du pays. »

Une centaine de personnes concernées ?

Le nombre de personnes concernées pourrait dépasser la centaine. « C’est difficile à estimer », reconnaît Jan Gras. « Mais au sein d’EUPOL nous avions une centaine de personnes [qui] avaient tous un interprète personnel. […] Lorsque je travaillais pour l’unité anti-corruption, j’avais un interprète personnel qui était toujours avec moi. Je ne pouvais rien faire sans lui. Les Afghans ont également traduit les leçons que j’ai enseignées et les programmes que j’ai créés. »

Un recensement en cours côté néerlandais

L’excuse invoquée par le gouvernement de ne pas savoir qui a travaillé pour eux est « une pure absurdité » selon lui. « Les Afghans qui travaillaient pour EUPOL étaient employés par l’Union européenne et à Bruxelles, ils savent qui était sur la liste de paie. » La police néerlandaise et le ministère de la Justice et de la Sécurité ont décidé cette semaine de faire un inventaire du nombre d’Afghans qui ont travaillé pour la mission de police , sont en difficulté aujourd’hui et souhaitent venir aux Pays-Bas.

Rapatriement loin d’être effectif

Pour les interprètes auprès des forces armées néerlandaises, la situation est plus limpide au plan juridique, mais loin d’être réglée, malgré les engagements répétés des autorités. Selon le ministère de la Défense, au moins 70 interprètes et leurs familles (sur 273 recensés) sont toujours en Afghanistan, attendant l’autorisation de venir aux Pays-Bas, indiquent nos confrères néerlandais.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Les Pays-Bas était un des pays les plus engagés dans la mission EUPOL Afghanistan.

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Catégories: Défense

24 heures chez Ariane, fournisseur d’accès à l’espace

mer, 28/07/2021 - 13:46

(B2 chez Ariane) On part dans l’espace avec un constructeur de fusées européennes, Ariane

Après être allé voir des satellites européens, B2 est parti chez un constructeur européen de lanceurs — autrement dit, des fusées — pour envoyer ces satellites dans l’espace (lire : 24 heures chez Airbus) Et bientôt des humains ? (Lire notre interview : L’Europe doit se réveiller et organiser la présence dans l’Espace (André-Hubert Roussel et Stéphane Israël – Ariane)).

Wow !

Les téléphones, abandonnés dans une boîte étrange. Les photos, interdites. Mesures de sécurité, au max. Ce que l’on s’apprête à voir prend des airs top secret. Et c’est bien le cas. Direction les sites d’intégration des fusées Ariane 5 puis Ariane 6. Vite, vite, on se dépêche ! Il faut tout voir. Chez Ariane, on est fier de nous faire faire le tour du propriétaire, nous mettre des étoiles dans les yeux, et nous impressionner. Pas bien difficile, il y a de quoi. Le ‘wow effect‘ est présent. 

Ariane6, la nouvelle génération de lanceurs

Nous entrons dans ces bâtiments ultra-sécurisés. Chaque génération de lanceur a son hangar de production. D’un côté ceux d’Ariane 5, et à quelques mètres de là, Ariane 6, les nouveaux, où une cinquantaine de personnes seulement y travaillent. 

Ariane 62 (le chiffre 2 correspond aux deux boosters)

Sur le site des Mureaux de Arianegroup, en région parisienne, des équipes sont à la tâche pour fabriquer le premier étage (core stage) des lanceurs Ariane — soit de tout en bas, jusqu’où se trouve le dessin du numéro 6. Et c’est déjà immense, la taille d’une tour d’une douzaine d’étages à peu près. Cela donne une idée de la suite. Au final, une Ariane 6 fera 62 mètres (un immeuble de 20 étages) contre 55 mètres pour sa petite sœur Ariane 5.

Une meilleure productivité

Si la différence d’apparence entre une Ariane 5 et Ariane 6 est ce qu’il y a de plus marquant, derrière leur apparence ‘simple’ se cache un travail titanesque d’innovation. Non seulement dans la performance du lanceur lui-même, mais dans l’organisation de la production. Alors que seules cinq à sept fusées  Ariane 5 sortent des usines par an, avec Ariane 6, l’objectif de production est de douze par an, soit une fusée par mois. Cette efficacité répond à plusieurs facteurs.

Pour Ariane5, l’intégration se fait verticalement. Pour Ariane 6, elle est horizontale. Ce changement d’organisation peut paraître anodin, mais chez Ariane, il s’agit d’un véritable game changer. Ils gagnent en temps, en efficacité — par exemple tout simplement parce qu’en travaillant verticalement, si l’on oublie un outil à l’étage supérieur, il faudra prendre l’ascenseur pour aller le chercher, souci inexistant sur une intégration horizontale. Ici, on fonctionne comme dans une usine à la chaîne : chacun des équipement suit sa route avant d’être assemblé dans l’étage principal et envoyés au Havre, en bateau, sur la Seine. Là bas, il est rejoint par l’étage supérieur (second stage), arrivé de Brême, en Allemagne. Assemblés en un seul morceau, ils départent pour Kourou, en Guyane française.

Autre gain de temps non négligeable pour Ariane 6, celui d’assemblage sur le launchpad de Kourou. Alors qu’il fallait 30 jours pour une Ariane 5, seuls dix jours seront nécessaires pour la campagne d’assemblage des nouvelles Ariane 6.

En fin de course, l’objectif est aussi de rendre la production d’une Ariane 6, 40% moins chère qu’une Ariane 5.

Détour qui vaut la peine, avant de passer à la suite, pour rendre visite au moteur Vulcain 2.1 qui partira sur Ariane 6, dont la puissance est équivalente à deux trains TGV.

Vulcain 2.1 FM2 – VLine

Déjà obsolète ?

En 2024, débutera la phase de stabilisation de Ariane 6. C’est à dire que plus aucune Ariane 5 ne sera produite. Il en sera fini de cette génération, place à la nouvelle. La première Ariane 6 doit être lancée pour le second semestre 2022, alors qu’elle était au début prévue pour 2020 mais « les grands programmes de développement peuvent prendre plus de temps que prévu », justifie Stéphane Israël, le PDG d’Arianespace. A ceux qui se demandent si Ariane 6 ne sera pas obsolète une fois prête, Stéphane Israël est formel : elle ne le ne sera « pas du tout ». Au contraire, Ariane 6 « sera le lanceur de la décennie ».

Paré à toutes les opportunités

De plus, tient à rappeler son constructeur, Ariane 6 est « parfaitement adaptée à l’évolution, ainsi qu’à la demande institutionnelle et commerciale ». Pour les institutions, il y a un lanceur polyvalent pour les satellites d’observation lourds (type CSO, le satellite d’observation militaire de la France) et pour les missions scientifiques (Mars sample return, Mission de retour d’échantillons martiens). Pour les commerciaux, « la polyvalence sera la clé », souligne Stéphane Israël. Pour répondre à la tendance du moment d’envoyer des grandes constellations de satellites, il faut de grands lanceurs, comme Ariane 6. 

Dans le carnet de commandes de la mission Ariane 6, se trouve déjà les satellites de navigation Galileo (le GPS européen), de géosatellites pour les opérations américaines (Viasat), et européennes de Eutelsat (deux entreprises de connexion par satellites).

L’innovation continue

Comme le dit Stéphane Israël, Ariane 6 « n’est pas la fin du voyage », seulement le « début d’un nouveau ». Et « il faudra toujours innover davantage. » Ariane se projette déjà vers les prochaines générations, après Ariane6, sur son site de Vernon, en Normandie. On y croise Thémis et Prometheus (ce dernier est développé en partie aussi à Ottobrunn en Allemagne). Ne vous fiez pas à leurs petits noms, ce sont en fait de grosses machines à la puissance redoutable. L’un est un démonstrateur d’étage de fusée réutilisable (reusable stage demonstrator) et le second un moteur réutilisable… vers l’infini et l’au-delà !

(Aurélie Pugnet)

Toutes les images sont créditées à Arianegroup/Arianespace

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24 heures chez Airbus Defence & Space, au milieu des satellites, vecteurs de la souveraineté européenne

mar, 27/07/2021 - 14:40

(B2 à Toulouse) Les Européens ont besoin de leur accès à l’espace pour être indépendants face aux autres puissances spatiales. En particulier, avec leurs propres satellites. Immersion chez Airbus Defence & Space, un constructeur de satellites européens

Nous les utilisons tous les jours, et pourtant nous ne les voyons jamais. Les satellites qui oscillent au dessus de nous envoient nos mails, nous permettent de regarder la télévision, nous guident sur les routes, prennent des photos de la Terre… C’est charlotte sur la tête, blouse blanche Airbus sur le dos, que B2 a arpenté le site d’Airbus, à Toulouse, qui fabrique ces fameux objets. B2 a visité pour vous des salles blanches — ces espaces clos limitant la quantité de contaminants à l’intérieur — où sont construits, testés, assemblés des satellites européens et leurs équipements.

Le tout avec le téléphone en mode avion laissé à l’extérieur… Ici, on ne rigole pas avec la sécurité et l’hygiène. Les satellites et leurs équipements sont fortement protégés, pour des questions de sécurité industrielle et de souveraineté. Une fois assemblés et prêts, ils sont envoyés dans l’espace, et impossible, dès lors, de les réparer s’ils venaient à tomber en panne… Interdiction aussi donc, d’écrire au crayon gris, la pointe en graphite entrant en contact avec le papier pourrait créer des poussières… et endommager les équipements.

Airbus Space and Defence a été sélectionné, comme Thales Alenia Space pour travailler sur la deuxième génération de satellites de navigation européen Galileo (Airbus)

Des gros appareils photo 

Premier arrêt, la salle d’intégration des équipements optiques. Un autre nom pour désigner d’immenses appareils photos mis sur les satellites pour observer la Terre depuis l’espace. Ils servent à surveiller autant les catastrophes, que détecter le manque d’eau de cultures, suivre les changements météorologiques, ou cartographier une zone. Dans le civil, la résolution est de 30 cm (avec les derniers Pléiade néo d’Airbus), et encore plus basse pour les militaires… Le futur et l’innovation ne s’arrêtent pas à la taille de la résolution. Chez Airbus on veut notamment travailler sur la vidéo, l’agilité des appareils, le nombre des bandes spectrales (Airbus fait déjà des instruments qui peuvent décrypter 13 bandes spectrales différentes sur le même satellite).

Ici, le principal défi est d’intégrer tous les équipements avec une précision parfaite. Un satellite a un côté à l’ombre, un autre au soleil soit un côté sous +150 et l’autre à -120 degrés celsius. Tel un rail de chemin de fer qui gonfle sous la chaleur cuisante de l’été, il faut s’imaginer l’impact de la chaleur sur un satellite — et le degré de perfection nécessaire pour éviter une catastrophe.

Satellites d’observation (Airbus)

Les yeux et les pieds du satellite d’observation

La perfection n’est pas laissée à l’écart dans la suite de notre parcours. Dans un bâtiment tout proche, se cachent des équipements stratégiques, principalement dédiés à l’Observation (1), comme sur la photo ci-dessus. De leurs petits noms : gyroscopes, actionneur gyroscopique (CMG). En clair, ce sont les yeux et les pieds des satellites. Entre deux panneaux lumineux prêts à alerter : « danger d’asphyxie » et « évacuation immédiate », les équipes d’Airbus fabriquent donc ces petites choses au rôle si important.

L’actionneur gyroscopique (CMG), c’est les pieds. Il oriente le satellite d’observation (donc jusque trois tonnes, rappelons qu’il n’y a pas d’air dans l’espace), pour prendre des photos comme il le souhaite.

Les yeux prennent la forme du gyroscope. Lui sait comment le satellite est orienté. Nous en avons tous sur nous, ils sont présents dans nos smartphones pour faire pivoter les écrans en format paysage/ portrait — sauf que celui développé à Toulouse est à peu près 100.000 fois plus précis. Plus précis encore, dans un coin de la salle, un gyroscope militaire. Celui-ci est « le plus précis du monde » se vante-t-on chez Airbus (Non, on n’a pas le droit de savoir ce que cela signifie). Pour imaginer la précision de la chose, dans le gyroscope il y a des fils de fibre optique. Dans le gyroscope civil, c’est environ 200 mètre de fibre, dans le gyroscope militaire c’est 4 kilomètres de fibre bobinée — le travail prend un mois entier.

Et quand le satellite se perd, il fait appel à un senseur solaire, ce petit boîtier de la taille de votre main, qui saura remettre le satellite sur le droit chemin.

C’est l’heure de l’évaluation !

Passage obligatoire pour les gyros et CMG : les tests. Des heures entières dans des boîtes qui tournent et retournent dans tous les sens, pour mesurer l’actionneur, le positionnement dans l’espace. La performance est ici mesurée à la précision. Le CMG est si sensible que la climatisation ou un train qui passe non loin fera trembler la table et bouger l’actionneur, et le gyroscope enregistrera un mouvement. Pour éviter ce genre de souci, la table de test est prévue en conséquence : elle est est faite de marbre, pèse plusieurs tonnes, posée sur une plaque anti-sismique et désolidarisée du bâtiment, coulée plus profond dans la Terre. En termes d’innovation des gyros et CMG, une voie en particulier est recherchée : être encore plus performant, soit plus fiable et précis…

15 jours pour cartographier la Corée du Nord

Au sein d’Airbus Defence & Space se cache un département de commercial intelligence, soit un service de fourniture d’analyse d’images satellites. Les images satellites sont belles à voir, mais sans analyse elles peuvent paraître un peu inutiles. 

La mission : se préparer à répondre à différentes menaces. Par exemple, une invasion ou une guerre : les militaires peuvent avoir besoin d’images très rapidement et donc accès aux images civiles — Airbus a des contrats avec la direction générale de l’armement (DGA) et la direction du renseignement militaire (DRM). Face au terrorisme, les armées ont aussi besoin de couvrir les terrains, pour faire un battle management assessement, estimer les dégâts après une frappe, vérifier si une zone est habitée… Pour la marine, ils surveillent les côtes, dont les ports, et observent les échanges. Autre zone d’intérêt : le suivi de travaux dans des endroits peu sécurisés, comme des pipelines ou des mines. Grâce aux images, des équipes mesurent le tas de gravas, ou l’avancement de la construction pour leurs clients, qui n’ont donc pas à envoyer du personnel de sécurité sur place.

Avec ses satellites, Airbus mettrait par exemple 4 à 5 mois pour cartographier le Mali, une quinzaine de jours pour la Corée du nord. Sans surprise, certaines zones font l’objet de restrictions. Airbus ne peut pas vendre des images sous un mètre de résolution dans les zones sensibles françaises (exemple, quand on y voit des zones opérationnelles françaises ou des corps militaires français).

Assemblage & tests

Dernière étape : l’assemblage et les tests. C’est l’heure de vérité pour les satellites. Les panneaux sont déployés, puis ils passent des tests de radio fréquence, de résistance aux températures extrêmes… C’est le moment aussi de se rendre compte de la différence de taille entre un satellite de télécommunications en orbite géostationnaire, qui fait la taille de deux ou trois bus mis bout à bout, et d’un petit satellite d’observation pour constellation, qui fait la taille d’un frigidaire.

Pour continuer votre voyage dans l’espace, lire nos 24 heures chez Ariane.

(Aurélie Pugnet)

(1) Les CMG sont surtout utilisés pour les satellites d’observation en orbite basse (low earth orbit, LEO). Les satellites télécoms en orbite géostationnaire (GTO) fonctionnent plutôt avec de la propulsion, car ils n’ont pas besoin de la même agilité.

Lire aussi :

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Catégories: Défense

Retour sur l’opération Artémis. Le modèle d’origine des battlegroups, un mythe ?

dim, 25/07/2021 - 10:17

(B2) Chercheur patenté, bon connaisseur des missions PSDC, Laurent Borzillo revient sur l’opération Artémis, la première opération militaire autonome de l’UE. Une opération atypique qui n’est pas à l’origine des battlegroups, contrairement à l’imagerie européenne

Arrivée des forces sur Bunia (Reportage TV – INA) Postdoctorant (programme ambassadeur DGRIS), Laurent Borzilo est rattaché au CNRS (Cepel) et au réseau d'analyse stratégique (UQAM). Ses propos n'engagent que lui. Mais ils nous ont semblé intéressants de les mettre à disposition de nos lecteurs pour exercer leur oeil critique.

Une absence d’emploi des battlegroups notable

Lorsque l’on aborde le cas des groupements tactiques de l’UE (GTUE ou battlegroup en anglais), on ne peut malheureusement que constater leur absence d’emploi jusqu’ici. Ce, alors que les premiers GTUE d’alerte ont désormais plus de 16 ans. Plusieurs auteurs (chercheurs ou praticiens) ont depuis plusieurs années écrit sur les raisons expliquant selon eux cette absence d’emploi ou sur les réformes nécessaires pour modifier cette situation considérée par plusieurs comme navrante. Pour certains, ceci est d’autant plus regrettable du fait de la réussite de ce qui fut l’opération Artémis lancée en 2003 en Ituri (République démocratique du Congo), quelques mois avant la décision relative à la création des GTUE.

La première opération autonome de l’UE

Considérée comme la première opération autonome de l’Union européenne, bien qu’ayant été réalisée avant la mise sur pied des GTUE, de par certaines de ses caractéristiques (effectifs projetés, rapidité de déploiement, durée limitée de l’opération, réalisation des objectifs, etc.), Artémis est devenue d’une certaine manière non pas la première mission des GTUE, mais ce que l’on pourrait dénommer la « mission 0 », précédant la création des GTUE, mais ayant les mêmes caractéristiques de ce que serait censée être une opération avec les GTUE. Ce faisant, la preuve serait ainsi faite de la validité du concept des GTUE, l’absence de volonté politique étant quant à elle l’unique responsable de leur non-emploi jusqu’ici.

La mission 0 des battlegroups : un mythe ?

Or l’analyse de décisions prises en 2003 (lancement de l’opération Artémis, discussions sur la création des GTUE) tend à démontrer que cette filiation forte entre Artémis et les GTUE relève du mythe. Certes plusieurs des interlocuteurs interrogés pour notre recherche, ainsi que de nombreuses sources écrites primaires et secondaires font référence à cette opération lorsque le sujet des GTUE est abordé. La source primaire la plus emblématique est justement la déclaration conjointe issue du sommet franco-britannique de Londres de 2003 annonçant la création des battlegroups : « En continuant sur la lancée du succès de l’opération Artémis dans la République Démocratique du Congo, nous proposons une nouvelle initiative pour que l’Union européenne se focalise sur le développement de ses capacités de réaction rapide afin de renforcer son aptitude à répondre aux requêtes de l’ONU dans les situations de gestion des crises à court terme »2. Artémis constitue-t-elle pour autant le modèle à partir duquel les GTUE ont été imaginés et créés ?

Des objectifs proches

La nature de la mission d’Artémis cadre, il est vrai, avec les objectifs assignés aux GTUE. Celle-ci consistait à mettre rapidement fin aux combats et exactions se déroulant dans la province de l’Ituri en République démocratique du Congo. Ce, le temps que l’ONU puisse mettre sur pied une nouvelle force militaire de casques bleus dénommée « brigade Ituri », chargée d’assurer sur le long terme la paix dans cette province. La composition des troupes de l’opération Artémis bat cependant en brèche la thèse du modèle pour les GTUE. En effet, le GTUE se veut avant tout une unité multinationale.

… Mais une composition monocolore

Certes il n’existe pas officiellement de seuils quant au pourcentage que doivent représenter les militaires de la nation cadre au sein du battlegroup. Si l’on se réfère toutefois aux battlegroups d’alerte qui se sont succédé depuis 2005, la moyenne se situe entre un et deux tiers de l’ensemble des forces. Or Artémis était composée de près de 80 % de soldats français. Cela signifie donc que si Artémis avait réellement été utilisée comme modèle, en général 80 % de la composition d’un GTUE devraient être issus de la nation-cadre. La pratique de la composition des groupements d’alerte en est très loin.

Avant tout, une opération française bénéficiant d’un rapide « habillage européen »

Cette mise sur piédestal de l’opération Artémis comme modèle pour les GTUE, sert en fait à masquer une réalité bien moins enchanteresse, à savoir qu’Artémis fut avant tout une opération française bénéficiant d’un rapide « habillage européen » en incorporant des militaires issus de divers États membres, ne servant cependant que dans des postes secondaires d’état-major ou de logistique. À notre question sur l’hypothétique filiation entre l’opération en Ituri et les groupements tactiques un de nos interlocuteurs nous donna justement cette réponse tranchée.

La réalité : loin du mythe

« C’est un mythe complet voulu par les politiques. [Le chef d’état-major de l’armée de Terre] déclencha [à l’époque] l’alerte guépard, [puis] proposa le général Thonier [comme commandant d’opération] au chef d’état major des armées. En huit à dix jours on fit partir le 3° RIMA. Rapidement il fallu faire un habillage européen. Les Belges comme d’habitude fournirent un à deux C-130. Les Suédois acceptèrent et envoyèrent leurs forces spéciales d’un niveau égal voire inférieur à un régiment d’appelés en France. […] Je ne dis pas qu’il ne fallait pas le faire, car c’est bon pour la France de ne pas être seul, mais il ne faut pas se leurrer: c’était une opération française 3».

Une volonté française ardente

Plusieurs autres militaires français occupant des fonctions clés à cette époque nous ont confirmé d’ailleurs cette version, ainsi qu’un militaire allemand en poste alors à la représentation militaire allemande auprès de l’OTAN et du Comité militaire de l’UE : « Sur Artémis, les Français nous avaient prévenus qu’ils le feraient quoiqu’il arrive, mais que cela était mieux avec un affichage européen 4».

Le symbole d’une dynamique positive

Opération française bien que présentée comme européenne tant à l’époque qu’encore aujourd’hui, Artémis ne fut malheureusement pas le modèle à la base de la création des GTUE. On ne peut néanmoins nier que celle-ci a favorisé une dynamique positive en faveur du développement des capacités militaires européennes entre l’automne 2003 et le printemps 2004.

Une proposition franco-britannique à l’origine

Une des raisons possibles de cette absence de lien est peut-être à chercher dans l’origine de la proposition de création des GTUE. En effet le projet relatif à la création de ces unités fut proposé par le gouvernement de Tony Blair aux Français lors du sommet franco-britannique de Londres en 2003, ainsi que l’attestent plusieurs de nos interlocuteurs. Ceci n’empêcha pas cependant les responsables britanniques d’adopter par la suite des politiques peu favorables vis-à-vis des GTUE, une fois ces derniers sur pied.

(par Laurent Borzillo)

  • Ce papier est tiré des recherches réalisées dans le cadre d’une thèse1 menée en cotutelle entre l’Université de Montréal et l’Université de Montpellier. Une thèse portant sur les groupements tactiques de l’Union européenne (GTUE) et la brigade franco-allemande en recourant à une comparaison entre la France et l’Allemagne.
  1. Borzillo Laurent, Les forces expéditionnaires bi/multinationales en Europe : analyse comparée des politiques d’alliance de la France et de l’Allemagne (1991-2016), Universités de Montpellier et de Montréal, 2020.
  2. Jacques Chirac et Tony Blair, « Communiqué conjoint, sommet franco-britannique de Londres » Lancaster House, 24 novembre 2003.
  3. Entretien avec un militaire français membre de la direction de l’EMA en 2003, réalisé le 8 juin 2017.
  4. Entretien avec un militaire allemand membre de la représentation militaire allemande auprès de l’OTAN et de l’UE en 2003, réalisé le 9 août 2017.

Lire aussi : Opération Artémis : dix leçons pour l’Histoire

Voir ce reportage

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Takuba. Les Italiens opérationnels à la fin de l’été. Avec une capacité reconnaissance et Medevac

sam, 24/07/2021 - 15:05

(B2) La participation italienne se confirme. Elle va apporter des capacités précieuses à la task-force Takuba. Pour 2022, les Italiens pourraient passer à l’encadrement des forces maliennes

C’est un détachement Air assez semblable à celui déployé à Herat en Afghanistan avec ses A129 Mangusta (MOD Italie / Archives B2)

Un déploiement commencé en mars, clos d’ici la fin de l’été

Le redéploiement du contingent italien a commencé en mars dans la zone des trois frontières de Liptako Gourma. Les Italiens seront basés plus précisément dans les bases de Gao et Menaka. Et selon le ministre italien Lorenzo Guerini, il est prévu « d’atteindre la capacité opérationnelle initiale après l’été ».

Une capacité reconnaissance et MEDEVAC

L’apport italien se matérialisera surtout par une capacité de reconnaissance et d’évacuation sanitaire (MEDEVAC). Une capacité essentielle pour Takuba, qui lui permettra ainsi d’être autonome des moyens de Barkhane. Les Italiens mettent ainsi à disposition huit hélicoptères (quatre de transport et quatre d’attaque A129 Mangusta). Coût de la mission : 49 millions € (1,2 million € par mois pour le personnel et 1,4 million € pour le fonctionnement + 23 millions pour les coûts d’investissement et déploiement).

Un task-group de mentoring en 2022

Mais Rome prévoit, à partir de 2022, « d’étendre l’activité également à la formation des membres des forces spéciales locales ». Le contingent italien pourrait donc être plus important que prévu. La limite maximale d’engagement a ainsi été augmentée. Elle passe de 200 à 250 hommes pour la période 2021-2022. En moyenne, cela signifie une présence de 150 militaires présents sur le théâtre. Tandis que le nombre de véhicules double — passant de 20 à 44 véhicules.

Des appuis avec les missions conjointes

Des appuis associés seront « possibles vers et depuis les autres missions dans la zone », précise la note gouvernementale, notamment la mission bilatérale (MISIN) de formation des forces spéciales nigériennes. De même, les moyens nationaux, « complétés si nécessaire par des unités de forces spéciales », pourraient « éventuellement être utilisés pour soutenir les activités de ces missions ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

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BA709, la base de référence pour les pilotes de drones

ven, 23/07/2021 - 18:30

(B2, à Cognac) Futur terrain d’accueil de l’Eurodrone, la base aérienne de Cognac-Châteaubernard abrite déjà les Reaper dont une partie sont utilisés en bande sahélo-saharienne (BSS)

Au coeur du vignoble charentais, dans le sud-ouest de la France, la base aérienne 709 s’étend sur un peu plus de 450 hectares. C’est une base en pleine croissance. Une plateforme de formation des pilotes de chasse en pleine modernisation. Près de 1500 effectifs s’y croisent. Le plus gros employeur de l’agglomération, après Hennessy, la célèbre distillerie. Sur la base, on y trouve des bâtiments anciens, dont celui abritant le mess, des casernes et des hangars où se garent les Pilatus PC 21 (quasi) flambant neufs de la formation des pilotes de chasse. Outre l’Ecole de l’aviation de chasse, la base est devenue celle de la 33e escadre de surveillance, de reconnaissance et d’attaque (dite 33e ESRA), chargée de la mise en œuvre des drones MALE (moyenne altitude et longue distance) affectés à l’armée de l’air et de l’espace.

Les bureaux de l’escadron spécialisé de pilotes de drones (© ES/B2)

Comme au cinéma, ou presque…

En recul, surprotégés, des containers forment une base dans la base. C’est là qu’opèrent les équipages des drones Reaper. « La force du Reaper, c’est sa persistance, sa capacité en temps réel, sa discrétion », explique le lieutenant-colonel Samuel, de la 33 escadre de surveillance, de reconnaissance et d’attaque. La discrétion est aussi de mise dans ces containers où les équipages se relaient. Mais pas le bruit de la soufflerie, entêtant. L’équipage ne l’entend plus, sous ses casques. Tout est pensé pour leur concentration optimale. Jusqu’au rideau pour protéger de la lumière du jour au moment de la relève. Un équipage de Reaper compte quatre personnes. Deux dans le cockpit de pilotage (à gauche le pilote, à droite le capteur) et deux dans le cockpit de renseignement. Deux cockpits séparés. Mais les quatre membres d’équipage communiquent en permanence. Chacun fait face à une myriade d’écrans, claviers, tableaux et commandes.

Des équipages complets

Dans le cockpit de pilotage, le pilote est chargé du positionnement, de la coordination 3D, du tir. Le capteur se charge du guidage d’armement, de la boule optique. Volant de 5 à 10 km d’altitude, le Reaper quadrille au millimètre. Au renseignement, l’opérateur d’image analyse la vidéo en temps réel, il habille les images (en les retravaillant avec les éléments analysés). Le coordinateur tactique fait la manoeuvre, gère l’interface avec le centre de commandement. C’est « le chef d’orchestre » de la mission. Suivant les missions, « le centre de gravité sera plus ou moins mis sur le renseignement ou le pilotage » explique le lieutenant-colonel Samuel.

Des nouveaux pilotes à part entière

Un pilote de drone, « c’est un pilote et pas un demi pilote » insiste le colonel Nicolas Liautey. Il est le commandant de la base depuis près d’un an, et pilote de chasse expérimenté. La formation initiale sur avion impose « avoir le sens de l’air ». Parce qu’il pilote à distance, il doit s’insérer dans la circulation, communiquer avec les organismes de contrôle aérien, savoir gérer les pannes, etc. La différence, c’est que le pilote de Reaper subit moins de contraintes physiologiques. Son corps ne subit pas les accélérations du vol. « Il n’encaisse pas les 9G d’un pilote de Rafale qui fait demi tour », livre en exemple un pilote.

Le drone reaper, en repos au sol, sur la base aérienne de Cognac-Châteaubernard (© ES/B2)

La particularité sur Reaper, c’est que le spectre des missions est large : renseignement, appui des troupes au sol, etc. Cela justifie que les premiers pilotes aient été recrutés parmi les pilotes de chasse. Le recrutement s’élargit aujourd’hui aux pilotes de transport et d’hélicoptères. Ce qui est certain, c’est qu’il faut encore recruter. Car quand un drone part pour 24 heures, ce sont des équipages qui doivent se relayer. En moyenne, 15 équipages sont nécessaires pour un orbite H24. Un officier l’assure, les jeunes recrues ne sont pas forcément « plus geek » que d’autres. « La richesse de la 33e escadre de Cognac, c’est justement qu’elle compte des profils de différents horizons. »

De Cognac à Barkhane

Le colonel Liautey aime à comparer la 33e escadre à une « start-up », « car on a beaucoup d’expérience mais pas encore de business model sur les drones ». Le « vrai carburant du drone », « ce sont les ressources humaines » résume le commandant. Le « challenge » est de former des équipages tout en apportant un soutien opérationnel en bande sahélo-saharienne (BSS). La base de Cognac-Châteaubernard est la maison mère de deux systèmes BK1 et de deux systèmes BK5 (livrés en 2020). En tout, ce sont douze drones, mais seuls six sont à Cognac. Six autres sont déjà partis en BSS (1). En deux ans, « il a fallu apprendre en marchant en parallèle d’un engagement soutenu » (au Sahel). La première capacité opérationnelle pour le BK5 en BSS date de mai. La pleine capacité est prévue d’ici 2022. D’ici là, les équipes expérimenteront encore les lasers, les munitions guidées au laser, etc.

Sa majesté le MALE

Avec son envergure de 20 mètres, le Reaper est actuellement le plus grand drone. À l’opposé du plus petit en usage dans l’armée, de 20 cm. On l’aperçoit de loin dans son hangar. Comme un grand planeur. Cela lui permet d’être plus léger, et d’avoir une autonomie plus longue (près de 24h). En revanche, il vole moins vite qu’un avion. Ici, il sort quasiment tous les jours. Pour des exercices d’entrainement dans 99% des cas. Une dizaine de pilotes s’y forment par an.

Du plus grand au plus petit, le drone miniature (© ES/B2)

À long terme (2026), les infrastructures de Cognac devront encore s’adapter, pour être prêtes à accueillir l’eurodrone MALE et ses sept mètres de largeur supplémentaire. La base accueillera les premiers à partir de 2028. Le commandant de la base n’en doute pas. À l’horizon 2030, la loi sur la programmation militaire a programmé en tout huit systèmes de drone MALE.

(Emmanuelle Stroesser)

reportage réalisé sur la base de Cognac en juin 2021

  1. Les Reaper sont armés depuis décembre 2019.

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Deux cadres de Daech neutralisés au Mali par Barkhane avec les Américains (v2)

jeu, 22/07/2021 - 17:30
(crédit : DICOD / EMA)

(B2) Les militaires français au Mali ont neutralisé « deux cadres » du groupe armé État islamique au Grand Sahara (EIGS), affilié à Daech, annonce le ministère des Armées ce jeudi (22 juillet).

Dans la région de Menaka

Cette neutralisation suit une opération « déclenchée » par la force Barkahne « en coordination avec l’armée américaine » dans la nuit de mercredi à jeudi, « sur très court préavis », contre un camp de l’EIGS, dans la région de Ménaka au Mali. Après vérification, l’identité des deux responsables neutralisés a été confirmée officiellement, vendredi (23 juillet).

Deux cadres actifs de l’EIGS

Le premier est Issa Al Sahraoui, « coordinateur logistique et financier de l’EIGS », actif au Sahel « depuis de nombreuses années ». Il a « notamment participé à l’attaque d’Inatès contre les forces armées nigériennes en décembre 2019 et recrutait et formait des djihadistes » indique la ministre des armées Florence Parly via Twitter. Le second est Abou Abderahmane Al Sahraoui, second cadre de l’EIGS. Il était « chargé de prononcer des jugements [et] connu pour ordonner les condamnations à mort ». Ce djihadiste était actif dans les groupes armés au Mali « depuis 10 ans ».

L’élimination des cadres dirigeants de Daech : une stratégie

Ce n’est pas la première fois que l’armée française vise des hommes clés dirigeant l’EIGS. C’est même un des axes suivis depuis plusieurs et appelés encore à se renforcer selon la dernière annonce du président français Emmanuel Macron (lire : L’opération Barkhane reconfigurée sur trois piliers. La menace est au Sud, cap sur le Niger dit Emmanuel Macron)

(Aurélie Pugnet)

Mis à jour le 23.07 avec l’identité des deux cadres exécutés

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Mirage 2000D. Enquête sur une avarie au-dessus du Mali

jeu, 22/07/2021 - 15:20

(B2) Une enquête va être initiée « pour préciser l’origine » de l’incident d’un Mirage 2000D dont l’équipage (un pilote et un officier navigateur système d’armes) s’est éjecté au-dessus d’une zone inhabitée de la région de Hombori, au Mali mardi (20.07), indique le ministère français des Armées. Un groupe de recherche et de combat (combat search and rescue) a évacué l’équipage, « dont l’un des membres a été légèrement blessé », vers la base de Gao. L’appareil participait à une « mission d’appui aérien au profit d’un Groupement tactique désert (GTD) dans la région de Hombori ». Il a dû subir une « avarie ». L’épave a été « localisée par la force Barkhane ».

(Agnès Faure, st.)

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Temps de travail. Halte au feu

mer, 21/07/2021 - 17:15

(B2) C’est un véritable tir à boulets rouges auquel on assiste contre les juges européens et la directive sur le temps de travail. Avec des arguments, qui sonnent creux, voire sont carrément faux. Il importe de rétablir quelques faits

Forces spéciales en opération – un des cas exprès de dérogation au temps de travail (DICOD/EMA)

Une débauche de commentaires

L’arrêt rendu par la Cour de justice le 15 juillet a suscité une série de prises de position. L’ancien premier ministre Edouard Philippe (LR) y est allé de sa prose dans une tribune publiée dans le Monde. Le porte-parole des armées, Hervé Grandjean, a enchaîné dans les colonnes du Figaro. Une flambée vibrionnante, arguant de la défense de l’honorable patrie face à l’odieuse Europe, qui se retrouve aux limites de l’exactitude, en restant extrêmement gentil (1). A ce niveau là de responsabilité, le genre d’arguments utilisés est sidérant, tellement ils sont pour certains carrément faux. Dans tous les cas, ils témoignent d’une méconnaissance et d’un mépris certain pour la chose européenne.

Le droit, rien que le droit

La réalité est que la Cour n’a fait que son travail en appliquant le droit. Ce droit a été établi et décidé par les gouvernements. La directive, qui date de 1993, a été modifiée à plusieurs reprises (en 2000 et en 2003 notamment) sans que personne ne songe à insérer une exception pour toutes les forces armées.

Un distinguo secteurs / activités

La directive sur le temps de travail englobe en fait « tous les secteurs publics comme privés ». Il ne peut y avoir d’ambiguïté dessus. C’est inscrit en toutes lettres. Elle prévoit des exceptions pour certaines « activités » des forces armées (2). Ce qui implique deux choses : 1. les forces armées sont bien incluses dans le champ de la directive, 2. seules certaines activités des forces armées sont exemptées du respect de la directive. Elle prévoit une série de règles concrètes (cf. encadré).

De nombreuses exceptions

Plusieurs exceptions sont prévues soit pour des secteurs entiers (gens de mer, médecins, routiers…) qui sont tenus à d’autres règles, soit pour certaines professions (cadres, églises, travailleurs familiaux…), soit pour certaines activités (gardes de biens et personnes, ports, presse, etc.). Aucune exclusion ou dérogation n’a été mise au point pour les militaires ou les membres des forces armées (3).

Une interprétation favorable

En indiquant que les forces armées figurent bien dans le champ d’application de la directive, les juges européens jettent certes un pavé dans la mare. Mais ils ne font que dire expressément ce qui est prévu implicitement. Il ne pouvait en être autrement. Ils donnent ensuite une interprétation des activités non soumises à la directive, notamment les entraînements, les opérations, etc. Interprétation plutôt extensive puisqu’elle exclut du champ de la directive la majorité des actions militaires. Ce qui donne en réalité une marge de manœuvre assez large aux États membres.

Un déni continu

On peut s’en alarmer, être choqué. Mais pour qui suit les affaires sociales, ce que disent les juges européens n’est pas une surprise. Cela fait plusieurs années que la Cour de justice tape du poing sur la table. On est dans une sorte de déni continu. Depuis plus de trente ans, la France — comme d’autres pays — feint d’ignorer l’application des règles européennes.

D’excuse en excuse

L’argumentation a varié au fil du temps. Au moment de la négociation de la directive du temps de travail — elle était de dire : « Cela ne nous concerne pas ». L’article 346 (réserve de sécurité nationale) a été un temps invoqué. Mais l’argument a très vite volé en éclat. Puis on a évoqué le fait que les militaires ne sont pas des travailleurs, ni des employés, ni des fonctionnaires. Argument français très spécifique, mais qui n’a aucune valeur au niveau européen en matière de règles impératives de santé. Tous ceux qui ont approché le droit social européen le savent. Du coup, aucune exception ou dérogation n’a été négociée et encore moins mise en place. Plus filous ou plus intelligents, les Britanniques avaient eux imposé un opt-out sur les questions sociales (ils s’abstenaient entièrement de participer).

Des dérogations possibles…

Il est tout à fait possible d’anticiper. Ce texte contient nombre de possibilités de dérogations. Il en est même truffé. Il suffit de les utiliser. Par exemple, il est possible de déroger aux règles pour les « activités caractérisées par la nécessité d’assurer la continuité du service ou de la production ». Le texte liste certes un certain nombre de secteurs (les sapeurs-pompiers par exemple), concernés par ce type de dérogation, sans mentionner les forces armées, mais la liste n’est pas exhaustive (le terme « notamment » en témoigne). Cette dérogation peut en outre être mise en œuvre par voie législative ou réglementaire. La France peut très bien établir sur le fondement de la directive une législation dérogatoire. Si elle ne l’a pas fait, elle ne doit pas incriminer l’Europe, mais s’en prendre à elle-même.

… jusqu’à la modification de la directive

Il est aussi possible de mettre en place une dérogation individuelle (opt-out) à la durée maximale du travail, voire de le mettre en vigueur par accord social (ce qui est délicat dans les forces armées, puisque cette forme de représentation n’est pas possible). Enfin, il est possible de réviser le texte de la directive européenne (4). Bref avec un peu d’ingéniosité juridique, la France peut respecter la directive en utilisant toutes les dérogations présentes. La Cour de justice européenne pourrait ainsi avoir un argument pour ne appliquer la directive. Cet arrêt est d’ailleurs quasiment un appel en ce sens. Inutile de crier au loup. Il vaut mieux agir concrètement.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi notre analyse complète (B2 pro) : La Cour de justice de l’UE nuance sa jurisprudence sur le temps de travail. La spécificité militaire reconnue sous conditions

  1. J’ai annoté les propos du porte-parole des armées. On peut y noter au moins cinq ‘approximations’ (en étant gentil). En termes journalistiques ce sont des fausses informations. En termes politiques, c’est de la désinformation. Télécharger ici
  2. La directive distingue bien les secteurs, des activités menées au sein de ces secteurs. Un distinguo qui peut paraître complexe, mais traduit en fait la volonté de bien saisir tous les modèles européens très différents, et d’aboutir au final à une certaine égalité.
  3. Dans les années 1993-1994 (juste après la mise en place de la directive sur le temps de travail), la ministre actuelle des armées Florence Parly a été notamment cheffe du bureau de la protection sociale et de la sécurité sociale à la direction du budget. Même si elle n’avait pas dans son escarcelle la question de l’aménagement, elle ne pouvait en ignorer la teneur au moment de la mise en place de la loi quinquennale sur l’emploi (qui prévoit un dispositif d’aménagement/réduction du temps de travail) et de la transposition de la directive.
  4. La Commission européenne publie tous les cinq ans un rapport d’application de la directive, pouvant aussi donner des pistes d’évolution. Le prochain rapport devrait être publié en 2022 (sous la présidence française).

Que prévoit la directive européenne ?

Cette directive, établie en 1993, révisée en 2000 et codifiée en 2003, ne prévoit qu’un certain nombre de règles succinctes. L’objectif est de préserver la santé des travailleurs en indiquant des limites ‘minimales’ (de repos) ou ‘maximales’ (de travail). Elle ne prévoit pas de durée moyenne du temps de travail. L’exemple donné des 35 heures est donc fallacieux. Cela ne ressort que de la législation française, et non pas européenne.

  • Un repos journalier minimal de 11 heures consécutives pour chaque période de 24 heures (art 3).
  • Un temps de pause lorsque le travail journalier est supérieur à 6 heures (modalités définies par conventions collectives, accords entre partenaires sociaux, législation).
  • Un repos hebdomadaire minimal de 24 h sans interruption par semaine. Avec dérogation si des conditions objectives, techniques ou d’organisation du travail le justifient. Calcul sur une période de référence de 14 jours. (art. 5). NB : Par dérogation à la limite hebdomadaire sur le temps de travail, il est en fait possible de travailler jusqu’à 78 heures par semaine (13 heures de travail par jour X six jours sur sept)
  • Une durée maximale moyenne de 48 heures de travail par semaine – y compris heures supplémentaires. Calcul sur une période de référence de 4 mois (art. 6).
  • La possibilité de déroger à cette limite de 48 heures maximale avec l’accord de l’employé (opt-out individuel), avec une obligation administrative légère (tenue de registres).
  • Un congé annuel payé minimal de 4 semaines (art. 7).
  • Une durée maximale quotidienne du travail de nuit : maximum 8 heures en moyenne par période de 24 heures (art. 8)

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Une armée qui perd sa singularité est une armée qui perd son efficacité (Général François Lecointre)

mar, 20/07/2021 - 12:05

(B2) Après quatre ans de bons et loyaux services, le chef d’état-major des armées françaises François Lecointre quitte ses fonctions. Un homme qui l’art de la réflexion sur la position du militaire

(crédit : Assemblée nationale)
  • Le chef d’état-major des armées (CEMA), était devant la commission de la Défense de l’Assemblée nationale le 7 juillet 2021, autour d’un thème assez général : la place des armées dans la société française et la singularité militaire ». Un thème, qui lui a permis de développer ses idées personnelles. Non sans émotions.
  • François Lecointre aura vécu une période tourmentée. Il a dû d’abord rassurer les militaires après l’éviction à grand bruit par le président Macron de son prédécesseur, le général de Villiers. Il a dû ensuite affronter une période de Covid-19 qui n’a pas été évidente.
  • Enfin, il a dû gérer les tergiversations de l’exécutif sur la transformation/clôture de l’opération Barkhane au Sahel, et subir le feu de plusieurs tribunes de militaires au ton violent contre l’autorité de l’État. Ce qui était usant.

De l’art et de la discipline du militaire

De l’art militaire et de l’art d’une civilisation

L’art militaire a une singularité centrale selon le général Lecointre. « Une société s’élabore et se construit autour du fait militaire et autour de la relation à la violence et à la force. » « C’est à partir du moment où l’on peut commencer à distinguer un civil d’un militaire, à partir du moment où on peut dire à quelqu’un vous n’aurez plus en charge la mise en œuvre de cette force, car un autre ordre en a la charge, que peut commencer à naître une civilisation. » « Une distinction qu’on retrouve à l’ère médiévale entre les Oratores (ceux qui prient), les Laboratores (ceux qui travaillent), et les Bellatores (ceux qui font la guerre). »

Une très stricte discipline envers le politique

En France, la soumission au président de la République, chef des Armées, est revendiquée par le général Lecointre. « Notre honneur de soldat est d’obéir au politique, c’est une condition essentielle de la légitimité de l’action militaire ». Cette soumission a un corollaire : l’association très étroite du commandement militaire, à l’élaboration des décisions du pouvoir politique. Avec un point phare : l’éthique. Un soldat peut s’interroger sur la légitimité de l’acte qu’il doit accomplir.

Avec un corollaire : l’association étroite aux décisions

L’obéissance ne doit pas être aveugle mais intelligente, ce qui suppose une connaissance très fine du politique. Chaque échelon militaire doit garder une marge d’appréciation et de manœuvre, en ayant bien à l’esprit l’objectif final recherché. Le militaire doit donc pouvoir « contester, discuter l’ordre ». Mais une fois « l’ordre reçu », il doit être exécuté avec la « dernière des rigueurs ». Une discipline exigeante aussi pour le président de la République qui « doit savoir rentrer dans ce débat ».

Une éthique permanente

Donner la mort n’est pas facile. « Demander de transgresser ce tabou absolu est extrêmement complexe » et « nécessite une capacité à maîtriser cette violence » (1). Cela passe « par une éthique permanente qui est au cœur de la singularité militaire » dont la clé de voûte est de « donner la mort sur ordre, au risque de sa propre mort ». « Cela passe par une capacité à s’exposer soi-même au danger parce que je ne donnerai la mort qu’en sachant que je risque ma vie ».

Mourir pour son pays

Un soldat n’accepte pas « de mourir pour son pays », mais « de tuer pour son pays ». Une chose tellement difficile à faire « qu’en réalité il accepte le risque de sa propre mort et qu’en le mettant en avant il essaie de rétablir une symétrie déontologique entre la mort qu’il donne et la mort qu’il accepte de recevoir ».

Retrouver la singularité militaire

Une armée qui se civilise

En France, les armées ont été construites selon des logiques opérationnelles qui n’ont rien à voir avec les logiques civiles, pour permettre une réactivité et une montée en puissance rapide. Mais les politiques ont changé de stratégie après la Guerre froide. « Par mesure d’économie et de rentabilité, [on a] aligné l’organisation des armées sur celle du monde civil ; on a perdu cette organisation pyramidale, on a perdu la logique de stock ». « Cette civilianisation (2 est liée pour une part à une vision de stricte économie sans en mesurer les effets, en particulier en séparant les soutiens du commandement et des unités ». Il y a aussi une autre raison, « plus politique » : l’armée peut être vue comme dangereuse, « parce qu’elle serait une tentation de césarisme, et pourrait entraîner un exécutif trop fort », en écho à un « vieux débat entre républicains et monarchistes ».

Le danger de la banalisation

Or, « une armée qui perd sa singularité est une armée qui perd son efficacité ». Cette banalisation s’est faite « d’autant plus facilement » que l’armée est devenue « comme celle du Second Empire », une armée de « corps expéditionnaire ». Face aux menaces, « une armée qui n’est qu’une armée de corps expéditionnaire n’est pas capable de défendre son pays », alerte le général pour qui il faut « absolument » reconstituer cette singularité militaire « dans toutes ses dimensions ». NB : un point qui revient à plusieurs reprises dans son exposé.

La France a-t-elle la capacité d’être un acteur stratégique

Pour être un acteur stratégique, il faut « une vision, une volonté et des capacités ». La France « est un des seuls pays d’Europe – avec la Grande-Bretagne – à avoir une vision ». Elle repose sur « un ordre international multipolaire avec des relations de puissance qui sont équilibrées entre ses pôles et régulées par le droit international ». Dans cet environnement, « il faut plusieurs puissances et l’Europe doit être une de ces puissances ». La France a les « capacités d’exprimer cette volonté et d’élaborer cette vision », estime le général d’armée. Le Livre blanc, la revue stratégique et la loi de programmation militaire (LPM) sont des « exercices d’élaboration de cette vision ». « Nous avons une capacité à élaborer une vision dans le champ militaire, géopolitique et international qui est proprement stupéfiante et unique en Europe ».

Une prise de conscience européenne en cours

Pour faire grandir les capacités en Europe, « il faut s’appuyer sur la prise de conscience que commencent à avoir les Européens » en matière géopolitique. « Nous allons disparaître si nous ne basculons pas dans la deuxième phase de construction géopolitique de l’Union européenne ». Le général salue ainsi la prise de conscience progressive en Europe « des enjeux qui mettent en danger la sécurité européenne et sa prospérité ».

L’armée du futur

La question démographique

Les questions « environnementales et démographiques », en particulier, entraînent une « obligation » pour les Européens à aider les pays africains dans leur développement « dont dépend absolument notre sécurité ». Il ne faudrait pas que « le doublement de population d’ici 2040 ou 2050 se traduise par de mouvements de grande migrations mais au contraire par le développement de l’Afrique pour que les gens aient un avenir chez eux ».

Le futur : savoir monter en puissance au-delà de 260.000 hommes

« En réalité, les armées manquent de profondeur et d’épaisseur organique ». La LPM (loi de programmation militaire) actuelle « ne permet pas de faire une armée de masse importante [mais] elle permet de consolider un modèle complet, de restaurer les fonctions qui étaient en train de disparaître, de préserver des compétences ». Une fois que ce modèle a été « préservé, sauvegardé et modernisé », à l’horizon 2030, se posera la question de la montée en puissance : « En combien de temps et à quel prix je suis capable de passer d’une armée de 260.000 hommes à une capacité d’engagement au combat très supérieure ? ».

Une armée petite par rapport à la Chine et la Russie

« Nous sommes une armée puissante certes, mais par rapport à la Chine ou à la Russie, nous sommes une petite armée ». Cela devra passer par des alliances. « D’où l’intérêt de travailler avec les Européens à ce qu’on est capable de mettre sur pied pour regrouper nos efforts ». Ce qui inclut d’avoir une capacité de « coopération opérationnelle » et en matière de « normes industrielles et technologiques ».

(Agnès Faure, st., avec Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Il faut distinguer les forces de l’ordre « qui n’ont la possibilité de tuer qu’en situation de légitime défense, c’est-à-dire pour protéger une vie qui est agressée » — et les forces armées « qui ont cette obligation redoutable de mettre en œuvre la force de façon délibérée y compris jusqu’au point de tuer ». C’est inhérent à l’État de droit : « On ne peut le faire que lorsque la nation, son existence même, est en danger ».
  2. Ouverture des forces armées à la présence, voire l’ingérence de civils.

À écouter ici : le passage du général Lecointre devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale. Un véritable cours de philosophie militaire.

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Une attaque au camp d’EUTM Mali à Koulikoro

lun, 19/07/2021 - 17:01

(B2) Trois inconnus ont ouvert le feu, dimanche (18 juillet) vers 6h du matin, à l’entrée du camp de formation de l’armée malienne de Koulikoro, base également des formateurs européens de la mission EUTM Mali. Les agresseurs ont « utilisé des armes à feu de poing » signale la mission. La sécurité du camp a alors « riposté ». « Les assaillants ont fini par s’enfuir. »

(NGV)

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Dans les coulisses de la task force Takuba (Ltt-Col. François)

mer, 14/07/2021 - 16:12

(B2) Travail avec les Européens, coopération avec les Maliens, renseignement, planification, opérations… Le lieutenant-colonel François au béret rouge, issu des forces spéciales, connait bien la task-force Takuba pour en avoir planifié la montée en puissance, puis l’avoir commandé en début d’année. Sa parole rare, mais d’or

Le lieutenant colonel François (en béret rouge au centre) défile, avec un groupe de militaires européens, en tête du défilé militaire ce 14 juillet. Les Suédois sont reconnaissables à leur tenue plus claire et béret vert olive, les Italiens à leur béret bleu.

Il est parfois difficile de savoir comment travaillent les ‘Takuba’, comment Français, Européens et Maliens interagissent. Un officier supérieur des forces spéciales s’est prêté au jeu des questions réponses de façon ouverte avec B2.

Comment est née l’idée de Takuba, de voir des forces spéciales européennes opérer ensemble au Sahel ?

— Tout simplement d’une forte appétence des pays européens à venir travailler au Sahel avec les forces spéciales françaises. Nous avons eu nombre de discussions informelles, dans des groupes de travail, des séminaires internes de l’OTAN, ou dans le cadre du salon Sofins… Nous avons parfois travaillé ensemble sur d’autres théâtres.

Une appétence ? C’est étonnant. Ce n’est pas l’impression qu’on a à l’extérieur

— Elle est présente. Je peux en témoigner. Le CPCO [Centre de planification et de conduite des opérations] reçoit des appels de quasiment tout le monde. Pour l’instant, l’appétence est même un peu plus forte que le besoin. On cherche plutôt à réguler la génération de force pour que tout le monde ne vienne pas en même temps et pouvoir durer dans le temps. [NB : les Suédois sont là jusqu’en 2022, il faudra les remplacer]

Comment expliquez-vous cet engouement ?

— D’un côté, d’un point de vue militaire, il y a une certaine confiance dans les forces spéciales françaises, dans notre réputation. Les Européens veulent découvrir un nouveau terrain, partager le savoir faire africain que nous avons acquis. Il y a le sentiment aussi de pouvoir améliorer leurs procédures, leurs connaissances. De l’autre côté, au niveau politique, la France a demandé aux pays européens de davantage s’engager. Et, côté européen, on sent une réelle inquiétude et une volonté de régler la situation au Sahel. C’est un peu à la rencontre entre ces convergences de volontés militaires et politiques que se situe cet engagement. Même si, parfois, le chemin peut être long entre l’appétence militaire et la décision politique finale.

La fin de l’engagement de l’Afghanistan a aussi aidé ?

— C’est vrai. La fin des opérations en Afghanistan, la réduction de voilure en Iraq libèrent des forces et les rendent disponibles.

Que proposez-vous de si spécifique par rapport aux autres engagements multinationaux de si intéressant pour eux ?

— Ils ne viennent pas s’intégrer dans une coalition existante, ils viennent chercher une coopération. Nous avons aussi une ouverture la plus complète possible à l’information et au renseignement. C’est très différent du renseignement des opérations multinationales [NB : les Américains partagent le renseignement de façon assez ouverte qu’avec le réseau des ‘Five Eyes’ (Royaume-Uni, Canada, Australie, etc.), mais de façon plus limitée ailleurs]. Tout ce qui est récolté au sein de la task-force Takuba est partagé immédiatement, entre nous, avec l’ensemble des partenaires. C’est un peu plus difficile et plus long pour déclassifier des renseignements classifiés français. C’est un défi pour nous. Mais on y arrive.

Il y a quand même de grosses différences par rapport à l’Afghanistan pour les Européens ?

— Ils découvrent une nouvelle culture. Avec les Afghans et Iraquiens, les rapports étaient, en quelque sorte, très professionnels. Ici, avec les Maliens, on est beaucoup plus intégrés avec les troupes locales. Il y a une proximité qu’il n’y avait pas en Afghanistan. On discute, on vit, on mange avec eux. C’est une grosse différence. Les Européens ont été un peu surpris, c’est vrai, au départ. Mais il se sont ouverts assez vite.

Comment arrivez-vous à travailler ensemble, alors que vous venez d’armées différentes ?

— Pas si différentes. Nos forces sont totalement interopérables, notamment grâce au travail réalisé au NSHQ, le quartier général des opérations spéciales de l’OTAN (1). Cela a une fonction normative sur nos capacités, nos compétences techniques (comme le guidage aérien, soutien médical, etc.). Tout cela — comme l’école des forces spéciales à Chièvres — nous a beaucoup aidé. Quand des Estoniens arrivent avec des Français, cela matche donc tout de suite. Il n’y a pas besoin de s’entraîner durant plusieurs semaines pour s’initier aux procédures. Nous avons les mêmes. Idem à l’état major. Les modalités de planification et de conduite sont assez semblables, dans l’esprit des forces spéciales, de bottom-up.

Qu’entendez-vous par bottom-up ?

— Ce n’est pas l’état major qui dicte, mais les task-group en commun avec leur ULRI malienne [unité légère de reconnaissance et d’intervention] qui font remonter les propositions. À l’état-major ensuite de mettre cela en musique, de synchroniser, de vérifier.

Dans la pratique, cela donne ?

— Le ‘Com TG’ [commandant de la task-group] a des contacts quotidiens avec les forces armées maliennes [FAMA]. Ils repèrent ensemble des zones d’intérêt. Par exemple, un lieu où on n’a pas été depuis longtemps, où il y a une opération civilo-militaire (CIMIC) qui se déroule, ou si on veut reconnaitre un point donné, ou tout simplement si on a du renseignement…

D’où vient ce renseignement ? Est-ce côté malien, de votre côté, du côté des Takuba ?

— Je resterai discret sur ce point. Ce que je peux vous dire c’est que les Maliens ont des informations. Nous en avons également. Il y aussi des officiers européens sur le terrain chargés du recueil du renseignement, et de l’analyse et du traitement des informations à l’état-major…

… et on peut alors planifier ?

— Oui. De ce travail sort une zone où on peut opérer. De son côté, le ‘Com TF’ [commandant de la task-force] mène des contacts opérationnels avec des Maliens pour décider d’une opération. Les Takuba vont alors planifier une opération. Un Conops [concept d’opération] est mis au point, qui sera validé par les commandements et l’état-major de la task-force. Nous impliquons au maximum les Maliens. C’est leur territoire. Ils le connaissent bien. Et notre objectif n’est pas de planifier des opérations, mais que les Maliens soient en position de planifier eux-mêmes leurs opérations.

Du coup, vous êtes capables de réagir vite ?

— C’est la spécificité des forces spéciales : avoir beaucoup de souplesse, être capable de réagir vite, de changer rapidement leur fusil d’épaule.

Comment se passe la coopération avec les Maliens ?

— C’est le même principe que pour la planification. L’approche de Takuba, ce sont des opérations des FAMA, où ils sont actifs. Le but n’est pas qu’ils jouent la partition dressée par nous ou de mener le combat à leur place. Le but est qu’ils fassent l’opération. On apprend ainsi aux ULRI maliennes à rouler et éviter les IED [engins explosifs improvisés] (2). On leur met les capacités qui les assurent et les réassurent [NB : soutien médical, appui feu, etc.]. Progressivement, au fur et à mesure qu’ils auront les capacités, on mettra de moins en moins d’accompagnement et soutien. J’en ai été le témoin. Au début des opérations, en cas de prise à partie, ce seront les forces spéciales qui règleront le problème rapidement, monteront à l’assaut concrètement. Mais, au bout de quelques mois, on fera un effort de ne pas monter à l’assaut — c’est un réel effort de ne pas s’engager je peux vous assurer — pour que les Maliens règlent le problème eux-mêmes. Cela progresse. En janvier, ce n’était pas le cas, maintenant ils y vont.

La nuit, le jour, …

— Il y a beaucoup de fantasmes sur les forces spéciales. C’est très simple en fait. On part au combat avec les Maliens, on les accompagne. On est peu dans l’inverse de l’action habituelle des forces spéciales, avec beaucoup de technicité. Ici c’est un travail de générosité, plus que de technique. Ce sont de petites équipes qui partent. On retrouve un peu l’esprit des colonnes de Stirling (3). Ces vieilles patrouilles de forces spéciales dans le désert, la chaleur, le sable, les camps qu’on monte dans la nuit. C’est un peu l’aventure. Avec des véhicules qui cassent, qui crèvent, où il faut attendre, se protéger, et attaquer. Et souvent improviser.

Quel est l’enjeu aujourd’hui pour la task-force. Faut-il grossir ?

— Pas automatiquement. Le volume [NB : environ 600 hommes] est le bon aujourd’hui. Ce qu’il nous faut davantage, ce sont des capacités. On l’oublie souvent. Mais dans une opération, il y a plus de la moitié de forces conventionnelles qui fournissent du soutien, de la protection, des capacités de Medevac. Aujourd’hui, on s’appuie essentiellement sur les capacités de Barkhane. Mais si celles-ci ne sont pas disponibles, on ne peut pas intervenir. L’accompagnement au combat des FAMA peut être assez limité en hommes. Mais nous avons toujours besoin de soutien, d’appui feu, de soutien médical. C’est vital. L’enjeu pour Takuba c’est donc de devenir autonome…

… cela commence avec les Italiens qui arrivent avec de grosses capacités ?

— Oui. Ils sont en cours de déploiement avec trois hélicoptères Chinook et 3 hélicoptères et du soutien médical. Ce qui est important. Sans moyens médicaux, d’Evasan (évacuation sanitaire), on ne monte pas une opération.

Vous avez aussi une QRF, une Quick Reaction Force, armée par les Suédois aujourd’hui. Elle est déjà sortie ?

— Elle a été engagée de nombreuses fois. Ce n’est pas juste une réaction en cas de coup dur. C’est une force d’intervention, qui peut aussi être utilisée de façon pré-planifiée, faire une intervention tactique, pour avoir un effet sur le terrain de plus grande ampleur. Très utile.

Comment travaille-t-on au jour le jour avec des Estoniens, Tchèques, Suédois, pas spécialement francophones ? En anglais en français ?

— Sur le terrain, la langue est le français. Celle que les Maliens parlent. À l’état-major, la langue de travail est l’anglais. Nos contributeurs européens ont cependant fait un effort pour mettre en formation en langue française leurs opérateurs, pour être à l’aise, avec les Français comme les Maliens. Sinon on a des traducteurs Anglais-Bambara, Anglais-Français, Français-Touareg, etc. A l’expérience, tout ça est assez fluide. On se débrouille. C’est le principe des forces spéciales.

(Propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Situé à Mons, au SHAPE, le quartier général alliés, il regroupe outre les pays membres de l’Alliance, la Finlande, la Suède et l’Autriche.
  2. Les ULRI équipées par France et Barkhane avec des véhicules et motos ont été conçues pour être plus souples et légères d’emploi, aussi mobiles que les groupes terroristes.
  3. Militaire britannique engagé dans les commandos de l’armée britannique au Moyen-Orient, David Stirling développe en 1941-42 le concept du SAS, le Special Air Service, avec de petites unités (de 25 hommes) opérant dans le désert, derrière les lignes allemandes ou italiennes, à bord de Jeeps, de façon autonome, afin de vaincre.

Entretien individuel réalisé par téléphone le 13 juillet 2021

Pour prolonger cette conversation, voir le reportage sur LCP

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Une réunion des ministres sur la task-force Takuba. A 26 pour faire le point

mer, 14/07/2021 - 00:23

(B2) Après les annonces d’Emmanuel Macron sur la réorganisation de l’opération Barkhane et la nouvelle place donnée à Takuba, il était nécessaire de faire le point avec les différents pays européens engagés ou intéressés par l’opération

réunion ministérielle en VTC (MOD Roumanie)

Les ministres de la Défense ou leurs représentants de 26 pays ont participé à une réunion par vidéo-conférence ce mardi (13 juillet). Certains étaient déjà à Paris pour assister au défilé du 14 juillet qui verra les troupes de Takuba à l’honneur et défiler en tête.

Faire un état des lieux

Objectif de la réunion selon un des participants : « évaluer les derniers développements au Mali » et « aborder les questions de coopération dans le domaine de la sécurité, de la stabilité et de la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel ».

Rechercher le plus grand soutien international

Les participants ont surtout « pris acte » du projet de reconfiguration de l’engagement français au Sahel, annoncé vendredi dernier par le président français Emmanuel Macron. Ils « se sont engagés à rechercher le plus grand soutien international possible pour la stabilisation des pays du G5 Sahel et leurs programmes de lutte contre le terrorisme », rapporte l’un des participants.

La formation en ligne de mire

La future participation des alliés internationaux devrait « se concentrer sur la formation et le renforcement des capacités des forces armées nationales locales », à travers deux outils : la Task Force Takuba et la mission de formation de l’Union européenne de formation EUTM Mali. Enfin, ils ont adressé un message aux autorités maliennes pour qu’elles « suivent le calendrier électoral adopté lors du sommet de la CEDEAO en juin ».

26 pays participants

Étaient représentés à la réunion, outre la France* : 17 membres de l’UE (Allemagne, Belgique, République tchèque*, Chypre, Danemark*, Estonie*, Grèce, Hongrie, Italie*, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal*, Roumanie*, Slovaquie, Espagne, Suède*), quatre pays proches (Royaume-Uni, Norvège*, Serbie, Ukraine), deux Nord-Américains (Canada, États-Unis) et les deux pays africains les plus concernés (Mali, Niger).

(Nicolas Gros-Verheyde)

* Des pays qui contribuent directement sur le terrain ou ont déjà décidé de contribuer dans un avenir proche. On arrive ainsi à huit pays participants (en plus de la France). Notre classification est légèrement différente de celle établie officiellement qui prend en compte tous les pays qui envoient seulement un officier dans l’état-major, mais pas sur le terrain.

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La Norvège va rejoindre Takuba à l’automne

mar, 13/07/2021 - 21:03

(B2) Oslo va envoyer pour la première fois des troupes dans la task-force Takuba au Mali. Le gouvernement norvégien l’a confirmé ce mardi (13 juillet)

Le détachement Air de la Minusma (Forsvaret.no)

Cette contribution consistera en un « petit nombre de soldats » qui seront incorporés dans la contribution suédoise, indique le communiqué officiel. Deux officiers participeront également au quartier général de la task-force Takuba. Ils arriveront « au cours de l’automne » et resteront sur la même durée que les Suédois, en 2022. Cette contribution s’ajoute à celles des Estoniens, Tchèques et Suédois (déjà présents) et des Italiens (en cours de déploiement).

Oslo avait envisagé, au lancement de Takuba, d’y participer. Mais le gouvernement y avait renoncé, faute de majorité au parlement norvégien. « Nous manquons de soutien au Storting, nous sommes arrivés à la conclusion que la Norvège ne rejoindra pas cette force maintenant », avait alors justifié le ministre de la Défense norvégien, Frank Bakke-Jensen (Lire: Force Takuba : qui participe, observe ou simplement soutient ? (v4))

L’armée norvégienne est aussi présente au Mali dans le cadre de la mission des Nations-Unies (MINUSMA) avec l’envoi d’un détachement Air avec un avion C-130J.

(NGV)

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Dernières nouvelles des missions et opérations de maintien de la paix de l’UE – PSDC (juin 2021)

lun, 12/07/2021 - 16:03

(B2) La formation occupe une place prépondérante dans nombre de missions de l’Union européenne. Les circonstances dans lesquelles elle se déroule sont tout aussi variées, sous 45°C, sur terre, sur mer, en forêt, à Rome même… 

Lviv, Odesa, Kharkiv et Donetsk (Ukraine). Communiquer moins, mais mieux : le conseil fait à la police

La mission de conseil aux forces de sécurité intérieure ukrainiennes (EUAM Ukraine) s’était donnée deux ans pour améliorer la communication régionale de la Police nationale d’Ukraine (NPU). Le projet vient de se terminer. Des conseillers en communication de l’unité de communication stratégique (StratCom) de l’EUAM ont accompagné des équipes dans quatre régions du pays, en partant de l’analyse des pratiques, de conseils, formation et dons d’équipements pour faire évoluer ces pratiques. Une opération dont peuvent s’inspirer aujourd’hui les autres régions. Plus de détails ici

De nouveaux équipements (caméras, logiciels de montage, etc.) participent à l’amélioration de la communication (crédit : EUAM Ukraine)

Gao (Mali). Sur les terrains d’entraînement, le mercure ne descend jamais en dessous de 44°C…

Des visages « burinés et endurcis ». Ce sont ceux d’ex-combattants non gouvernementaux. Ils ont été dans des camps opposés lors de conflits passés. Ils sont depuis engagés dans le DDR comme on l’appelle, le processus « désarmement, démobilisation et réinsertion ». Ils ont été constitués en unités au sein des FAMA (les forces armées maliennes) et sont redéployés dans le Nord du pays. En juin, c’était au tour de la mission de l’UE de formation de l’armée malienne d’assurer la formation de 68 d’entre eux. La suite du reportage est à lire ici

(crédit : EUTM Mali)

Centrafrique. Formation sous escorte…

Fin juin, le vice amiral Hervé Bléjean, directeur de l’état-major militaire de l’UE, s’est déplacé à Bangui pour suivre, sur le terrain, les activités de formation de la mission d’entraînement militaire en République centrafricaine (EUTM RCA). Il a également assisté aux entraînements de l’EUTM (BIT7 et bataillon amphibie) en même temps que la presse.

(Crédits : EUTM RCA)

 

(Crédits : EUTM RCA)

Niamey (Niger). Bilan, perspectives et nouveauté !

C’est le 5e bilan, à mi-parcours, rendu par la mission d’appui aux forces de sécurité intérieure (EUCAP Sahel Niger) depuis son premier déploiement, en août 2012. L’occasion aussi de dresser les perspectives compte tenu des « nouvelles orientations » du partenariat entre le Niger et l’Union. La mission va développer son soutien au niveau stratégique auprès des ministères et des forces de sécurité intérieure. Plus de détails ici. La mission a débuté fin juin, une formation destinée au personnel des Eaux et Forêts. Une première ! Le motif ? Ce personnel participe bel et bien à la sécurité en contribuant à la protection de l’environnement, la lutte contre le braconnage, l’orpaillage illégal et la pollution des eaux. 

(crédit : EUCAP Sahel Niger)

Golfe d’Aden (Somalie). Le partage d’informations s’exerce aussi 

Les exercices en mer entre la Task Force 465 de la forme maritime européenne chargée de combattre la piraterie maritime (EUNAVFOR Somalia) et le navire Trikand de la marine indienne, mi juin, se sont complétés, sur terre, d’exercices entre les centres d’opérations maritimes de l’EUNAVFOR et de l’IFC-IOR Gurugram de la marine indienne. Au cœur de ces échanges, la plateforme de partage d’informations sur la région de l’océan Indien développée par le CRIMARIO, IORIS. Plus de détails ici

(crédit : EUNAVFOR Atalanta)

Libye. Week-end à Rome 

La capitale italienne a servi de terrain pour un voyage d’étude de procureurs libyens, d’officiers du ministère des affaires étrangères et d’enquêteurs du CID. Ils ont pu y rencontrer le chef de la direction nationale italienne de lutte contre la mafia et le terrorisme ainsi que des procureurs et des enquêteurs. Une visite pensée et organisée par la mission d’assistance frontalière à la Libye (EUBAM Libya), dont le mandat vient d’être prolongé jusqu’au 30 juin 2023.

(crédit : EUBAM Libya)

Iraq. Préparatifs électoraux

La mission d’observation de l’UE en Iraq (EUAM Iraq) a participé à plusieurs rencontres en juin avec le ministère de l’Intérieur et la mission exploratoire du Service européen d’action extérieure (SEAE) pour discuter de la sécurité des élections nationales iraquiennes prévues en octobre 2021. Cet engagement dans la sécurité des élections est d’autant « plus pertinent » que Bruxelles a depuis annoncé le déploiement d’une mission d’observation de l’UE en Iraq de ce prochain scrutin. 

(informations recueillies par Emmanuelle Stroesser)

NB : Pour tout connaître des dernières évolutions de la politique de défense européenne, n’hésitez pas à vous procurer la nouvelle ‘boîte à outils’ de la défense européenne, qui vient de paraître, ainsi que notre ouvrage de référence sur la PSDC

Lire aussi sur le B2 Pro (parus en juin) :

Et sur le blog : 

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