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B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages
Mis à jour : il y a 1 semaine 6 jours

[Actualité] Un dhow iranien capturé par les pirates au Puntland intercepté et suivi à la trace par les Européens (v3)

mer, 29/11/2023 - 18:35

(B2) Les marins de l'opération européenne EUNAVFOR Atalanta ont repéré un navire de pêche  capturé par les pirates la semaine dernière au large du Puntland.

Boutre de Pêche AlMeraj1 (photo : Eunavfor Atalanta)

Capturé la semaine dernière

Battant pavillon iranien, le Al-Meraj 1, ce boutre de pêche (ou dhow) aurait été capturé par les pirates au large de Eyl (Puntland), mercredi dernier (22 novembre), selon les informations du MSCHOA / MICA Center de Brest (qui assure la veille informationnelle dans la zone de l'Océan indien pour l'opération européenne). A bord de deux skiffs, les pirates avaient — selon une méthode bien rodée à la fin des années 2010 — placé des échelles pour aborder le dhow à la coque bleue et blanche, menaçant l'équipage avec des armes de type AK47 (Kalachnikov) et RPG (lance-grenades). Puis ramenant leur proie sur la côte.

Suivi par voie aérienne et localisé très au large des côtes

L'opération navale de l'Union européenne a, depuis plusieurs jours, déployé des « moyens dédiés » pour localiser le navire, notamment l'avion de patrouille maritime de l'opération basé à Djibouti (un Casa Vigma) et un drone de bord de type Scan Eagle. Ses deux navires, la frégate italienne Durand de la Penne et la frégate espagnole Victoria se sont relayés pour « suivre de près les mouvements du boutre et signaler sa position ». Et le dhow intercepté au large des côtes du Puntland (Somalie) « à plus de 230 milles marins » des côtes somalienne.

Un suivi à la trace durant plusieurs jours

Depuis le moment de l'interception, le boutre a été suivi à la trace. Les navires marchands étant informés de la présence d'un bateau suspect dans la zone. Finalement, ayant perdu ses deux skiffs remorqués et les conditions météorologiques étant défavorables, le Al Meraj 1 a viré de bord, et remis le cap sur les côtes du Puntland, toujours étroitement surveillé par les unités d'ATALANTA, Le navire « navigue pour l'instant vers les côtes somaliennes sous la surveillance des moyens d'EUNAVFOR », indique le QG de l'opération situé à Rota (Espagne) à B2 vendredi (1er décembre).

Un usage possible de bateau-mère

Hors de question en effet pour les marines européennes de laisser un tel navire. Il aurait fort bien pu servir de bateau-mère pour « faciliter de nouvelles attaques de pirates contre des navires marchands ». Mais les Européens ne sont pas intervenus. D'après nos informations, la situation à bord est assez « confuse » (1). Il est difficile de préciser dans quelle mesure l'équipage collabore, ou non, avec les pirates. D'où la terminologie prudente utilisée par EUNAVFOR : le boutre « aurait été enlevé par des pirates ».

Escorté par une frégate espagnole

Dès que le boutre de pêche sera dans les eaux territoriales somaliennes, ce sera aux Somaliens de prendre le relais. L'opération européenne n'ayant plus d'autorisation de pénétrer dans ces eaux, la résolution du Conseil de sécurité des nations unies, n'ayant pas été renouvelée. La position exacte du Al Meraj 1 a ainsi été communiquée aux forces de police somaliennes, précise l'opération dimanche (3 décembre). Des forces somaliennes habituées à interagir avec leurs homologues européens, ayant été souvent formées ou invitées à s'entrainer à bord des navires d'Atalanta.

Une rançon demandée

Les ravisseurs exigeaient, selon le média somalien Garowe Online, du propriétaire du navire le versement d'une rançon de 400.000 $. Les responsables de l'opération Atalanta ont lancé un appel à la vigilance. Recommandant à tous les navires dans la zone de « s'inscrire dans le système d'enregistrement volontaire (VRS) du MSCHOA », le centre de sécurité maritime pour la Corne de l'Afrique, situé à Brest.

Alertes sur le Golfe d'Aden

Plusieurs alertes ont été lancées ces derniers jours par les autorités maritimes (MSCHOA et UKMTO). Mercredi (29 novembre), plusieurs capitaines ont ainsi repéré un petit canot suspect dans les parages du Golfe d'Aden. Lundi (27 novembre), un canot avec trois personnes à bord s'est approché d'un navire marchant à 60 nautiques au sud de Aden au Yémen. Le canot a suivi le navire pendant une heure avant de changer de direction.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. L'histoire ne dit pas si le navire de pêche avait une autorisation en bonne et due forme pour pêcher dans la zone. L'opération reste aussi prudente sur les circonstances entourant la capture par les pirates.

Une résurgence ?

La piraterie somalienne n'est plus aussi effective que dans la fin des années 2010. Mais elle surgit de temps à autre. La dernière attaque d'envergure, recensée par B2, avait eu lieu en août 2021 contre un cargo battant pavillon turc, au nord de la capitale somalienne (lire : tentative d'attaque de pirates au large de Mogadiscio).

En avril 2019, un navire militaire espagnol de Atalanta avait intercepté un navire de pêche yémenite utilisé par les pirates (lire : Les pirates repartent à l’attaque. Un bateau-mère stoppé net dans l’Océan indien) ; les ravisseurs arrêtés avaient été transférés aux Seychelles pour jugement (lire : Les cinq pirates arrêtés par les Espagnols transférés aux Seychelles).

En février 2018, c'était un tanker battant pavillon de Singapour mais appartenant à un armateur letton qui avait été attaqué au large des côtes somaliennes (lire : Un chimiquier letton attaqué par les pirates au large de la Somalie). En avril 2017, c'était un dhow indien qui avait capturé par les pirates.

Lire aussi :

Corrigé et complété le 1.12 à 19h35 - le boutre de pêche n'a pas été libéré, mais juste intercepté et suivi à distance. Précisions aussi sur les moyens employés et la situation à bord. Mis à jour le 3.12 sur la remise aux autorités somaliennes (précisions sur les conditions météo et circonstances du suivi du navire).

Catégories: Défense

[En bref] L’attaque contre le Central Park déjouée. Les cinq pirates somaliens arrêtés

mer, 29/11/2023 - 09:35

(B2) La marine américaine a déjoué dimanche (26 novembre) une attaque de pirates somaliens contre un tanker dans le golfe d'Aden près du Yémen.

L'USS Mason (Photo : US Navy Robert Aylward - Archives B2)

Cette attaque classique de pirates prenant le contrôle de navires a été combinée avec des tirs de missiles provenant du Yémen. Pouvant induire à une certaine concertation entre pirates et Houthis.

Une attaque menée par cinq hommes armés

Le tanker battant pavillon libérien a été « abordé par cinq individus armés alors qu'il était en transit dans le golfe d'Aden, près du Yémen » dimanche (26 novembre). Les pirates « ont tenté d'accéder à la cabine de l'équipage » puis « ont tenté alors de prendre le contrôle » du navire, a raconté le général US Pat Ryder lors d'une réunion avec la presse au Pentagone lundi (27 novembre). « L'équipage, pour l'essentiel, a pu s'enfermer dans un lieu sûr » à l'intérieur du navire.

La CTF 151 sur zone

Répondant à l'appel de détresse lancé dans la soirée de dimanche (26 novembre) le navire américain USS Mason, plusieurs navires alliés et avions, parties prenantes de la CTF 151 (la force conjointe initiée par les USA). Les cinq pirates — des Somaliens apparemment — ont alors tenté de s'enfuir à bord d’une petite embarcation. Ils ont été rattrapés et « arrêtés » par l'équipe de visite et d'arraisonnement de l'USS Mason. Celle-ci est montée à bord du tanker, l'a sécurisé et libéré l'équipage. Ils sont détenus à bord du USS Mason a précisé Pat Ryder.

Tir de missiles balistiques

Lundi 27 au matin, deux missiles balistiques ont été tirés depuis des zones contrôlées par les Houthis au Yémen, en direction des zones où évoluaient les deux navires, l'USS Mason et le Central Park. « Les missiles ont atterri dans le golfe d'Aden, à environ 10 milles marins des navires. On ne sait pas encore exactement ce qu'ils visaient » a indiqué Pat Ryder précisant que ni l'USS Mason ni le Central Park n'avaient été endommagés par les missiles. Le Central Park a remis ses moteurs en marche et a repris sa route.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi : [Actualité] Un dhow iranien capturé par les pirates au Puntland intercepté et suivi à la trace par les Européens

Catégories: Défense

[Reportage] Des Mirage français (et des F-16 belges) au-dessus de la Lituanie

mar, 28/11/2023 - 16:01

(B2) Pour la dixième fois consécutive depuis 2004, des avions français seront basés dans les pays baltes. Prêts à faire face à toute alerte. Notamment des avions militaires russes toujours tentés de faire un peu de provoc' aux bordures des pays baltes.

Escorte de Mirage 2000 (© NGV / B2)

B2 a pu accompagner les pilotes de l'armée de l'air et de l'espace qui se déploient en Lituanie ces jours-ci. Avec une bonne vingtaine de journalistes de différents pays de l'OTAN, nous avons pris ainsi place à bord d'un A300M MRTT (1). Départ au petit matin, sur la base de Istres, dans le sud de la France (la BA 125 pour les intimes de la chose aérienne). Direction Šiauliai en Lituanie, alors que le soleil pointe à peine le bout de son nez sur la Méditerranée.

Dixième participation française

Durant quatre mois, de fin novembre 2023 à fin mars 2024, des avions Mirage 2000-5F assureront la police du ciel au-dessus des pays baltes. Aux côtés des F-16 belges et polonais.

Une présence active des avions alliés sur le ciel balte

C'est la dixième participation à la surveillance du ciel balte (Baltic Air Policy), précise l'état-major des armées, la septième en Lituanie (2), en 20 ans. La présence aérienne alliée a, en effet, été renforcée depuis 2014 et la première intervention militaire russe en Ukraine (Crimée et Donbass). Elle est encore plus actuelle depuis 2022, et la seconde intervention russe en Ukraine (plus massive). Les moyens ont été densifiés.

En relais des Italiens et Espagnols

Les Français viennent s'insérer dans un dispositif rodé depuis des années. Ils seront aux côtés des Belges qui assureront la Baltic air policing classique. Tandis que les Polonais seront à Amari (Estonie) relayant les Espagnols. Ils auront fort à faire. La Quick reaction rapid italienne a réalisé, en quatre mois de présence (1er aout à novembre) 60 alertes. 70% étant liés au survol d'avions russes à destination ou au départ de l'enclave russe de Kaliningrad.

Deux fois deux Mirage

Quatre avions Mirage 2000-5F du groupe de chasse 1/2 « Cigognes » sont déployés pour cette mission. Ils seront basés à Šiauliai, en Lituanie. Les Mirage évoluent, en général, par paire. Ces avions de chasse monoplaces, normalement dédiés à la défense aérienne, sont capables d’interdire toute intrusion aérienne sur un large territoire mais aussi d’assurer la protection de bombardiers ou d’autres aéronefs stratégiques. Ils sont équipés d’un radar multi-cibles performant et peuvent être dotés de missiles air-air de type MICA.

Un détachement d'une centaine de militaires

Le détachement Air français se compose d’une centaine de personnels : six pilotes de chasse, une quarantaine de mécaniciens, une quinzaine de fusiliers et commandos de l’air, des pompiers de l’air (3), ainsi que des soignants du service de santé des armées, des militaires du service de l’énergie ou des spécialistes des systèmes d’information et de communication (CIS). Ce qui est relativement peu en soi. Tout simplement car la plupart de la logistique (fuels, etc.) est assurée sur place, soit par les Lituaniens, soit par d'autres Nations OTAN.

Pleine interopérabilité OTAN

Toutes les actions aériennes des pays alliés sont normalisées dans des procédures de type OTAN, bien intégrées par chacune des forces. Des normes utilisées tant sur le sol national qu'en opérations extérieures. Des procédures de vols, à l'atterrissage ou au ravitaillement en vol, jusqu'aux multiples détails, tels les signaux de parking sur une piste, tous les appareils de l'Alliance opèrent ainsi selon les mêmes modalités, assurant une « complète interopérabilité ». Ce qui « facilite énormément l'interaction entre tous les alliés », témoigne le colonel Gaudillière, porte-parole des opérations de l'armée française, qui parle en connaissance de cause (ancien pilote de Rafale, il a aussi commandé la BA125, la base aérienne d'Istres).

Ravitaillement en vol d'un F-18 finlandais (© NGV / B2)

Objectif : Identifier et dissuader

La mission de tous les aéronefs engagés dans le dispositif répond à un mode opératoire assez similaire, assez classique dans la sûreté aérienne : qui répond à quatre missions : identifier, contrôler, surveiller ou intercepter. En premier lieu, il s'agit d'identifier tout aéronef suspect (« douteux » dans le langage aéronautique) pénétrant ou survolant l’espace aérien balte.

Trois critères d'appréciation d'un avion douteux

Un avion est considéré comme suspect, s'il ne répond pas à certains critères : 1° pas de contact radio avec les organismes de contrôle civil, 2° pas de dépôt d’un plan de vol ou non-respect de ce plan de vol, 3° coupure du transpondeur et donc pas de moyen d'identification de l’aéronef. En cas de doute, deux avions décollent pour « prendre liaison, à des fins de vérification » avec l'avion. C'est ce qu'on appelle un « Alpha scramble », pour une alerte réelle (à distinguer d'un « Tango scramble » dédiée aux décollages pour entraînement).

Contact par tous moyens

De façon concrète, un contact radio est pris, à proximité, par tous les moyens possibles (UHF, canal de détresse, etc.). À défaut, c'est un contact visuel — de cockpit à cockpit — qui est assuré (par le biais de petites affiches que montre le pilote). Au besoin, l'avion est escorté jusqu'au sortir de l'espace aérien balte, et pris en charge par les avions polonais, finlandais ou suédois, selon sa direction (cf. carte).

De la simple perte de contact radio à l'intention volontaire

Parfois, il s'agit d'une  simple perte de contact radio avec le sol (panne ou défaillance), il s'agit alors pour les avions de l'OTAN de « porter une assistance en vol » à l'appareil en détresse, de l'escorter et le guider au besoin jusqu'à sa destination ou (en cas d'urgence), le terrain le plus proche. C'est souvent le cas pour les avions civils. Pour les avions russes (militaires et parfois civils), la donne est différente. De façon volontaire, les avions russes coupent leur transpondeur ou transgressent leur plan de vol.

La FIR ou l'espace territorial ?

Précision importante : les avions russes ne violent pas généralement l'espace aérien balte, au sens territorial du terme. Ils évoluent en marge de celui-ci, dans la FIR, la zone de responsabilité du contrôle aérien d'un des pays baltes. Le tout pour provoquer ou « stimuler » le contrôle aérien balte. Ces vols sont parfois à visée très provocatrice, coïncidant avec des évènements particuliers (fête nationale, visite d'une personnalité d'un pays de l'OTAN). Histoire pour Moscou de marquer son empreinte sur la zone.

(Nicolas Gros-Verheyde, à bord d'un MRTT et à Siauliai en Lituanie)

Lire aussi notre [Fiche-Mémo] La surveillance aérienne de l'OTAN au-dessus des pays baltes

  1. C'est désormais l'appareil multirôle standard de l'armée de l'Air (avec l'A400M) permettant aussi bien le transport de personnes, de fret, que de blessés (avec le kit Morphée permettant d'avoir une vraie salle de réanimation volante) ou le ravitaillement en vol. L'armée de l'air est déjà dotée de 12 appareils de ce type. 15 à l'échéance sont prévues.
  2. Les précédents ont eu lieu en 2007, 2010, 2011, 2013, 2016 et 2022.
  3. La plupart des aviateurs déployés proviennent de la 2e escadre de chasse, stationnée sur la base aérienne BA116 de Luxeuil-Saint-Sauveur. Une unité héritière de la légendaire escadrille des Cigognes.

Catégories: Défense

[Actualité] Les Houthis détournent en mer Rouge un navire « israélien ». Plusieurs marins européens capturés (v3)

lun, 20/11/2023 - 16:57

(B2) C'est un acte de piraterie « politique » qui vient de se dérouler en mer Rouge. Les Houthis, la force au pouvoir au Yémen,  affirment avoir détourné un navire marchand, le Galaxy Leader.

Dépose des hommes armés par un hélicoptère (Flux Video : AlMasirahTV - Sélection B2)

Ayant traversé le canal de Suez en Egypte, ce navire transporteur de voitures qui bat pavillon des Bahamas a été détourné à 14’50 Nord, 4’15 Est à 50 nautiques de Hodeidah alors qu'il se dirigeait vers le port de Pivavav en Inde. L'officier de sécurité de la compagnie a « perdu les communications avec le navire », après que celui-aurait été « abordé par des personnes non autorisés » a confirmé le centre britannique de suivi de la marine marchande (UKMTO) dimanche (19 novembre).

Une dépose par hélicoptère

Les forces houthis n'ont pas fait preuve d'amateurisme. Un hélicoptère a déposé sur le pont du navire une bonne demi-douzaine d'hommes armés qui ont très vite pris possession du navire, selon une vidéo diffusée par la télévision, Al Masirah du mouvement Houthi. Ils ont fait irruption dans le poste de pilotage et menaçant de leurs armes ses membres pour leur ordonner de se dérouter vers le port du Yémen.

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Un avertissement

Les Houthis entendent ainsi donner un « avertissement » à Israël. Tous les navires « appartenant ou traitant avec l'ennemi israélien » deviendront « une cible légitime pour les forces armées ». Ce tant « jusqu'à ce que l'agression contre Gaza cesse et que les actes odieux contre nos frères palestiniens à Gaza et en Cisjordanie cessent ». Ils exhortent aussi « tous les pays dont les citoyens travaillent dans la mer Rouge à éviter tout travail ou activité impliquant des navires israéliens ou appartenant à des Israéliens » Quant à l'équipage du navire, il est traité « conformément aux principes et aux valeurs de notre religion islamique » assure son porte-parole sur XTwitter.

Un navire opéré par des Japonais, propriété britanniques et d'Israéliens

« Il n'y a pas de cargaison à bord » a assuré l'affréteur, la compagnie de transport maritime japonaise NYK Line. Ce navire  est exploité la société britannique Galaxy Maritime Ltd., basée dans le paradis fiscal de l'Isle de Man, et propriété de Ray Shipping LTD, basée à Tel Aviv, dont l'actionnaire principal est Rami Ungar, l'un des principaux importateurs de voitures en Israël, comme il l'affirme lui-même.

25 membres d'équipage retenus, dont plusieurs Européens

Parmi les 25 membres d'équipage, retenus en otage, figurent au moins trois citoyens de l'Union européenne : deux Bulgares, le capitaine et son second, selon le secrétaire du ministère de l'Intérieur, Jivko Kotsev, cité par la télévision bulgare ; ainsi qu'un Roumain selon le ministère roumain des Affaires étrangères — et des Ukrainiens. Selon nos informations, une notice — dite IRTB (Industry Releasable Threat Bulletin) — est en cours de préparation pour informer l'industrie du transport maritime de la nouvelle situation causée par le conflit.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Mis à jour : v2 le 20.11 à 20h00 avec les détails sur les membres de l'équipage et l'IRTB, v3 21.11 vidéo de la dépose hélicoptère

Catégories: Défense

[Opinion] Le retour des guerres majeures (Pierre Schill)

ven, 13/10/2023 - 08:51
(B2) Dans un texte diffusé sur les réseaux sociaux, le général Pierre Schill, chef d'état-major de l'armée de terre française livre un point de vue court, mais percutant, sur sa lecture des évènements en Israël après l'offensive du Hamas. Nous en livrons le contenu

« J’ai été consterné et marqué par les images d’une violence extrême en provenance du Levant qui font irruption sur nos écrans depuis samedi dernier. J’affirme clairement ma solidarité et ma sollicitude pour les victimes, ainsi que ma conviction profonde que le terrorisme - au sens propre de l’emploi de la terreur - doit être combattu avec la plus grande détermination partout où il apparaît.

« Cette réaction d’horreur devra s’accompagner dans les prochains jours d’une analyse militaire, car les évènements d’Israël comme ceux d’Ukraine ou du Haut- Karabagh doivent servir à nous préparer à toute situation, y compris la plus imprévisible.

« Mais surtout, ma première réaction porte sur un fait indéniable : nous assistons au retour des guerres majeures.
Les conflits mettant à l’œuvre un déchaînement de violence paroxystique, dans lesquels les verrous moraux et juridiques sautent sous les coups de boutoir de la barbarie la plus débridée, alors qu’on les pensait relégués dans les livres d’Histoire, font un retour fracassant.

« Le réel frappe à notre porte et nous rappelle que l’homme est un loup pour l’homme, que les États sont engagés dans une compétition permanente et que la guerre est redevenue un moyen privilégié de règlement des différends.

« Dès lors, l’état de préparation des forces armées relève plus que jamais de la précaution la plus élémentaire pour s’assurer de ne pas être à la merci de la volonté du premier compétiteur venu.

« Nous n’avons pas le droit d’être pris en défaut sur ce point. Tous, nous devons en être convaincus. »

(Pierre Schill)

Catégories: Défense

[Actualité] Attaques du Hamas sur Israël. Plusieurs pays européens évacuent leurs concitoyens (v4)

dim, 08/10/2023 - 20:45

(B2) C'est la Pologne qui a, la première, dimanche (8 octobre) annoncé le lancement de l'évacuation de ses concitoyens d'Israël. Le Portugal a embrayé ainsi que la république Tchèque. D'autres suivent. Le mouvement s'accélérant même en milieu de semaine.

(Photo : MOD Pologne)

Après l'attaque multiple menée par les militants du mouvement Hamas contre plusieurs villes et habitations civiles dans le Sud d'Israël, aux alentours de Gaza, de nombreux touristes sont restés coincés — de nombreuses compagnies aériennes civiles ayant interrompu leur vol. « Nous sommes prêts à assurer rapidement et efficacement le retour chez eux des touristes polonais qui séjournent actuellement en Israël » a assuré le ministre de la défense, Mariusz Błaszczak.

Trois avions mobilisés

Varsovie a mobilisé au début trois avions de transport : deux avions C130 Hercules et un Boeing 737 pour cette opération, dénommée NEON. Deux avions polonais se sont posés à l'aéroport Ben Gourion de Tel Aviv dès dimanche (8 octobre). Le troisième a décollé de Varsovie dimanche soir avec, à son bord, une équipe médicale militaire. Les avions pourront au besoin évacuer d’autres citoyens européens et étrangers qui souhaiteraient quitter le pays, précise le gouvernement polonais. Des avions Casa ont pris le relais assurant à partir de lundi (9 octobre) un pont aérien entre Tel Aviv en Israël et Chania en Crète, permettant ainsi de raccourcir le temps d'évacuation. Douze navettes ont ainsi été organisées jeudi (12 octobre).

L'expérience polonaise

L'aviation de transport et les forces spéciales polonaises ont « une certaines expérience dans ce type d'opérations » précise l'état-major : elles avaient mené une opération d'évacuation des Polonais de Wuhan (Chine) lors de l'épidémie de Covid-19 en 2020, et en 2021 pour l'évacuation de Kaboul.

D'autres pays embraient le pas

Le Portugal a aussi mobilisé un C-130 de ses forces aériennes pour « effectuer une mission d'aide au retour des Portugais » d'Israël, a annoncé en début de soirée, la défense portugaise.

L'Italie a assuré plusieurs rotations de ses avions militaires de Tel Aviv vers Pratica di Mare. Deux ont atterri mardi (10 octobre) dans la matinée à Pratica di Mare, ramenant environ 200 personnes, un troisième avion militaire a atterri dans l'après-midi. Deux autres vols assurés par une compagnie aérienne privée (Neos) à « prix contrôlés » (NB : 350 euros) seront assurés mercredi (11 octobre), indique la Farnesina. De nombreux pèlerins se trouvaient dans le pays, coincés par l'annulation des vols réguliers.

De son côté, la Tchéquie a profité du déplacement de son ministre des Affaires étrangères Jan Lipavský en Israël — pour exprimer son soutien à son homologue Eli Cohen —, pour ramener des citoyens tchèques bloqués dans le pays.

34 ont ainsi pu rentrer dans l'avion ministériel dès mardi (10 octobre) soir. Une autre rotation a été assurée mercredi (11 octobre) dans la nuit, permettant de rapatrier une quarantaine de citoyens tchèques à l’aéroport militaire de Kbely, à Prague, à 3h40.

Des citoyens tchèques évacuent de Tel Aviv à bord de l'A319 ministériel (Photo : MFA Tchéquie)

L'Autriche a préféré envoyé un avion C-130 vers Chypre. De là, un service de navette vers Israël sera mis en place pour ramener les Autrichiens. Il devait décoller de Linz mercredi (11 octobre) en matinée annonce la Bundesheer. A bord de l'avion, des psychologues de l'armée. (mis à jour) Mais l'opération a été reportée. L'avion étant tombé en panne. Construit en 1966 (57 ans d'âge !), il est en fonction depuis 2003 dans l'armée autrichienne s'excuse Michel Bauer, le porte-parole de l'armée.

Les Pays-Bas ont annoncé mardi (10 octobre) envoyé un avion de transport militaire de type A330 de l'unité multinationale d'avions de transport multirôles (MRTT) stationnée à la base aérienne d'Eindhoven, gérée par l'Otan, pour « rapatrier les personnes possédant un passeport néerlandais et souhaitant quitter Israël » comme l'a précisé la ministre de la Défense Kajsa Ollengren.

199 personnes ont ainsi pu être rapatriées mercredi (11 octobre). Une deuxième rotation a été organisée dans la foulée. L'appareil se posant à Eindhoven vers 1h30 du matin dans la nuit de jeudi à vendredi (13 octobre) avec plus de 200 Néerlandais à bord et une vingtaine d'Européens, précise le ministère néerlandais des Affaires étrangères. D'autres vols sont prévus dans les prochains jours, indique la défense néerlandaise.

La Roumanie a choisi de privilégier des vols privés, organisés notamment par la compagnie nationale Tarom, à la demande du ministère des Affaires étrangères. 239 ressortissants roumains ont ainsi été rapatriés entre mercredi et jeudi, à bord de quatre vols (Tarom, El Al et deux compagnies privées). En tout depuis le début du conflit, 18 vols spéciaux, assurés par Tarom et d’autres compagnies privées ont permis de rapatrier environ 1800 ressortissants roumains assure le porte-parole du ministère, Radu Filip à Agerpress

Il reste encore 300 citoyens roumains en Israël qui ont demandé une aide pour rentrer et 150 vivant à Gaza (350 Roumains sont recensés dans le territoire palestinien).

La France a annoncé qu'un vol spécial opéré par Air France sera assuré jeudi (12 octobre) pour permettre aux « compatriotes qui le souhaitent, et n’ont pu trouver de places disponibles dans les vols commerciaux encore ouverts à Tel Aviv, de regagner le territoire national » indique le quai d'Orsay, mardi (10 octobre) en fin de soirée.

Le premier vol a atterri à l'aéroport Charles de Gaulle jeudi (12 octobre) au soir ramenant 377 personnes. D'autres vols sont prévus vendredi (13 octobre).

L'Allemagne a demandé à la compagnie nationale Lufthansa d'effectuer plusieurs vols spéciaux jeudi et vendredi à destination d'Israël pour rapatrier les ressortissants et binationaux. Quatre vols avaient déjà été organisés jeudi (12 octobre) permettant d'évacuer 950 personnes, annonce le ministère des Affaires étrangères.

La Hongrie a choisi (comme l'Autriche) Chypre comme hub d'évacuation. 65 citoyens hongrois d'Israël, dont 18 enfants, ont pu rejoindre Chypre par bateau jeudi (12 octobre) annonce le ministre des Affaires étrangères Peter Szijjártó. Ils seront rapatriés par avion en Hongrie.

Après avoir hésité le Royaume-Uni a lancé jeudi (12 octobre) son opération d'évacuation. Via des avions privés, avec trajet payant. Chaque personne devant acquitter un montant de 300 £ précise le communiqué du Foreign Office.

À suivre...

(Nicolas Gros-Verheyde)

Mis à jour le 10 octobre (Italie, Tchéquie, Autriche, Pays-Bas, Allemagne, France) - le 12 octobre (Hongrie, Allemagne, Royaume-Uni, Pologne, Roumanie) - le 13 octobre (bilan chiffré Italie, Pays-Bas, Tchéquie)

Catégories: Défense

[Editorial] Le retrait français du Niger. Inéluctable, tardif

lun, 25/09/2023 - 18:05

(B2) Le retrait de l'ambassadeur français du Niger était inéluctable. De même que le retrait des soldats français. Il aurait été sans doute plus sage et plus avisé de le faire plus tôt. Sans ce bras de fer inutile et finalement perdu.

La décision prise par le président Emmanuel Macron était la seule possible. Annoncée dimanche (24 septembre) au détour d'une interview télévisée bien préparée (1) sur TF1 et France 2, elle interpelle.

Le fond et la forme

Si sur le fond, la position française est logique — refuser de composer avec une junte militaire et considérer le président élu Mohamed Bazoum comme la seule autorité légitime — la forme est beaucoup plus discutable. Camper comme un matamore sur une position ferme — nous ne bougerons pas —, pour ensuite, plier bagage, sans tambours ni trompettes est plutôt incompréhensible. Aucune justification concrète n'est donnée à ce revirement. La seule explication valable étant que la situation était politiquement, militairement et moralement intenable.

Mali, Niger, bis repetita

La même situation s'était produite au Mali où, dans un premier temps, les Français avaient dit, nous ne partirons pas, puis avaient finalement plié bagage, clôturant l'opération Barkhane (lire : Le retrait du Mali : une sacrée défaite française). Au final, l'image et la réputation de la France en sort écornée. Elle laisse l'impression que si une junte militaire est ferme et droite dans ses bottes dans le refus de la coopération, la France après avoir dit haut et fort ce qu'elle pense, rompt le camp. C'est un très mauvais signal envoyé à tous nos alliés en Afrique et un bel encouragement pour de futurs coups d'État.

Un repli sur le territoire européen ?

En même temps, ce départ signe, avec celui qui l'a précédé au Mali, la fin des grosses opérations extérieures conduites par l'armée française (2) en Afrique, voire même dans le monde. Le repli est ainsi sonné vers la défense du territoire national et de l'espace européen. La visite du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, en Moldavie, est un signe notable de cette évolution. Un changement tactique, plutôt que stratégique pour l'instant (3).

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. À la 27e minute sur une question de relance, apparemment bien concertée avec l'Élysée, de la présentatrice du 20h de TF1, Anne-Laure Coudray
  2. L'opération Chammal en Iraq pourrait faire exception. Mais elle se déroule de façon très discrète et, surtout, dans une coalition (conduite par les Américains et non les Français).
  3. Cela ne signifie pas la fin des engagements extérieurs. La France conserve un nombre non négligeable  de points d'appui en Afrique ou ailleurs dans le monde, qu'il s'agisse de bases militaires accueillies par les pays africains (Djibouti, Tchad, Côte d'Ivoire, Sénégal, etc.) ou du Moyen-Orient (Émirats arabes unis), ou des départements et territoires d'outre-mer (Guyane, La Réunion, Nouvelle Calédonie, etc.).

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[Analyse] Un coup de grisou sur le couple franco-allemand aux racines plus profondes

jeu, 21/09/2023 - 17:30

(B2) Les mois passent. Et le couple franco-allemand patine toujours. Sur une question-clé : la défense. La rencontre des ministres Lecornu et Pistorius, aujourd'hui à Évreux, pourra sans doute aplanir quelques difficultés passagères. Mais elle ne suffira pas à redynamiser une relation difficile. De partenaires, Paris et Berlin, sont devenus rivaux. L'enjeu : le leadership européen dans ce domaine.

Les Allemands bien présents lors de l'évacuation au Soudan, mais en deuxième temps (Photo : Bundeswehr)

Des ratés en cascade

Entre la rénovation en commun des hélicoptères Tigre, stoppée, le projet d'avion de patrouille maritime, avorté, la liste des projets interrompus ces dernières années est désormais plus longue que celles des projets enclenchés. La réalité est cruelle : sur les quatre projets définis il y a cinq ans, au sommet de Meseberg, un seul a été enclenché : le SCAF. Non sans difficultés. Et toujours sans certitude sur son aboutissement (1).

Un encalminage révélateur d'un blocage

Quant au dernier, le  système de chars du futur, alias MGCS, il est encalminé. On peut se demander si le projet allemand de préparer le successeur du char Leopard actuel enterre le projet commun ou, au contraire, lui donne un coup de pression ? L'un se situant à cout terme, à l'horizon 2030, l'autre à plus long terme, à l'horizon 2040 (lire : [Actualité] MBT versus MGCS. Quelles répercussions sur la coopération franco-allemande ?). Peu importe. Ce qui est intéressant c'est de bien voir que dans l'un ou l'autre des projets, ce n'est pas la France, mais l'Allemagne qui est au cœur des projets.

Une Allemagne plus fédératrice que la France

Idem pour le bouclier anti-missile lancé par l'Allemagne. Présentée à l'automne 2022, l'initiative European Sky Shield (ESSI) fédère. Aux quinze pays de départ, sont venus s'ajouter quatre autres : Danemark, Suède en février, puis Autriche et Suisse en juillet (cf.Carnet 04.07.2023). Et pas à pas, le projet prend forme. Un contrat vient ainsi d'être signé, il y a quelques jours, entre Allemands et Baltes(cf. Carnet 14.09.2023) . Les Français peuvent bien tempêter (lire : [Actualité] Défense aérienne : Emmanuel Macron dézingue l’approche allemande sans proposer d’alternative concrète), le projet avance inéluctablement. Là encore l'Allemagne est au centre du jeu. La France, sur la touche.

Un réarmement en cours

Nous assistons à un changement majeur d'orientation politique en Allemagne. Pour autant qu'il soit assumé dans la durée - ce qui n'est pas encore assuré à ce stade - ce changement pourrait reconfigurer la carte de l'Europe stratégique. Pour l'heure, l'Allemagne est décidée à se réarmer, à s'équiper et le fait savoir haut et fort. Le temps des atermoiements sur la défense, de grandes déclarations à Berlin suivies de peu d'effet (lire : Défense. L’Allemagne cause beaucoup et agit peu. Pourquoi ?) semble terminé. Certes c'est lent, et parfois balbutiant.

Une lenteur allemande qui ne doit pas faire illusion

Toutes les promesses d'un réinvestissement massif — le fameux fonds de 100 milliards — ne sont ainsi pas encore tenues. Et nul ne sait ce qu'il adviendra à l'échéance. Le budget de défense reste encore grevé par les dépenses en personnels, sociales et de santé. Mais, avec la part annuelle de l'enveloppe exceptionnelle, il devrait atteindre dès 2024 la bagatelle de 71 milliards d'euros, avec pas moins de 19 milliards consacrés aux équipements. A comparer aux 47 milliards d'euros du budget français, on a un écart budgétaire de près de 25 milliards d'euros (près de 30 milliards si on rajoute le nucléaire auquel n'est pas assujetti l'Allemagne).

Une double menace sur l'Allemagne

Les Allemands n'ont pas soudainement redécouvert la géopolitique et l'outil militaire. Ils n'ont pas vraiment envie d'avoir une défense propre. Mais le contexte a changé. Et l'Allemagne, inquiète, s'adapte. Pays du centre-européen, elle doit se garder des deux côtés. Sur son flanc Ouest, l'Allemagne est inquiète (sans le dire ouvertement) d'un retour trumpiste ou de son avatar qui veuille s'en prendre à l'OTAN. Une Alliance atlantique qui reste à Berlin l'alpha et l'oméga de la défense collective. Sur son flanc Est, la stabilité acquise depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, avec le Mur de Berlin, puis sans le Mur de Berlin, est aujourd'hui menacée, durablement, par une Russie agressive.

Une agressivité russe qui fait peur

L'espionnage du Bundestag, l'assassinat en plein cœur de Berlin d'un opposant (lire : [Décryptage] Le GU (ex GRU). Un service russe hyperactif… dans l’ingérence), l'affaire Navalny, etc. ont peu à peu nourri cette inquiétude. L'offensive brutale de la Russie sur l'Ukraine a été le point de bascule. De partenaire, la Russie est devenue une menace, voire un adversaire. Ensuite, les sanctions contre la Russie se mettent en branle. Le gazoduc Nordstream est suspendu. Le soutien militaire l'Ukraine prend de l'ampleur, jusqu'à faire d'une Allemagne, auparavant hostile à exporter des armes dans un pays en guerre, le deuxième soutien de l'Ukraine, derrière les États-Unis.

Un tournant dont on doit prendre conscience

Ces changements sont souvent minorés en France. De même qu'on a peu conscience de la révolution en cours dans le rapport allemand à la défense. Alors que dans le passé, l'Allemagne était prête à s'effacer derrière le leadership français, ce n'est plus le cas aujourd'hui. L'Allemagne d'Olaf Scholz ne semble plus (du tout) disposée à se laisser dicter une conduite et joue sa carte personnelle et celle de leader européen. Si en matière opérationnelle, Berlin reste prudente dans ses engagements militaires, répugnant à s'avancer en premier ou de façon aventureuse comme sait le faire la France (2), elle n'a pas ses pruderies dans le domaine de la défense territoriale, de l'industrie de défense et de la politique de défense à l'échelle de l'Europe. La France d'Emmanuel Macron n'a ni vu venir cette évolution, ni réussi à s'y adapter. En mesure-t-elle seulement les enjeux ?

(Nicolas Gros-Verheyde, avec OJ)

  1. Ce n'est un secret pour personne que chez Dassault, un des principaux acteurs du projet (avec Airbus), on se verrait bien mener le projet en solo (autour du Rafale F5).
  2. Une attitude aventuriste dont Berlin se méfie de plus en plus. L'intervention de la Libye est restée dans les mémoires. L'attitude guerrière au Sahel, tout récemment encore au Niger, augure d'un schisme plus profond. L'Allemagne, positionnée dans une stratégie d'influence économique et politique, notamment en Afrique de l'Ouest, préfère le soft power.

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[Analyse] Une nouvelle opération maritime au large de la Libye pour contrer les flux de migrants. Est-ce réaliste ?

dim, 17/09/2023 - 14:30

(B2) C'est la volonté du gouvernement italien affichée par sa première ministre Giorgia Meloni comme son ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani. Voir une opération maritime type Sophia reprendre du galon au large des côtes africaines, de la Libye et Tunisie en particulier.

Briefing interne à Eunavfor Med en août 2015 (photo : EUNAVFOR / Archives B2)

La Commission européenne vient de proposer une série de propositions pratiques (lire : [Actualité] L'Italie appelle l'Europe à l'aide. Le plan en dix points de la Commission. Une nouvelle opération maritime à l'étude). Un sujet que Ursula von der Leyen connait bien, pour avoir été ministre de la Défense au moment de la crise migratoire de 2015-2016 (1).

Sur le papier, l'opération maritime pour contrer les réseaux de trafic de migrants parait être une belle idée. Dans les faits, cette opération a déjà été tentée dans le passé. Il faut donc se rappeler les raisons de l'échec de l'opération Sophia, du moins sous l'angle de la lutte contre la migration illégale, avant de remonter une autre opération qui pourrait connaitre les mêmes difficultés. Et elles sont multiples.

La première d'entre elle est que l'opération Sophia n'a jamais reçu l'autorisation d'aller dans les eaux territoriales libyennes ou tunisiennes, et encore moins dans les ports de ces pays pour bloquer les départs de bateaux. Il n'est pas sûr qu'elle obtienne cette autorisation aujourd'hui de Tripoli comme de Tunis. L'autre solution, d'obtenir une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sous le chapitre VII (avec usage de la force), parait hors de portée (elle se heurterait à un veto russe ou chinois ou les deux à la fois).

Son alternative, une mission menée par Frontex avec des moyens des garde-côtes européens n'a pas la même envergure que les navires militaires, pour des raisons juridiques et pratiques en particulier en haute mer. La taille des navires des garde-côtes n'est pas la même que celle des navires militaires, comme d'intervention de force auprès de navires de trafiquants.

Deuxièmement, elle repose sur une obligation internationale issue du droit de la mer, de recueillir les naufragés en mer et de les amener au plus proche port sûr. En l'espèce, les ports libyens ne sont pas reconnus automatiquement comme sûrs, du moins pour des réfugiés (lire : La Libye n’est pas un pays sûr. Fed. Mogherini joue la franchise). Cela nécessiterait alors de les rapatrier vers un port européen et que leurs demandes d'asile soient traitées comme telle (soit par le pays du port d'arrivée, soit par le pays du pavillon du navire). Une opération maritime ne règlerait pas ainsi l'arrivée de réfugiés ou migrants. En revanche, elle permet de la réguler... et de sauver des vies en mer.

Troisièmement, l'exit strategy de l'opération reposait sur la formation des garde-côtes libyens, en nombre, respectant les normes internationales de droits de l'Homme. Cette stratégie a avorté du fait de l'interruption puis du refus persistant par Tripoli de poursuivre cette formation. La Libye préférant alors l'offre turque jugée moins conditionnée au respect de certaines règles (lire : La formation des garde-côtes libyens : aux mains des Turcs ? Mauvais signal pour les Européens).

Quatrièmement, elle nécessite des moyens. Or, un à un, les États membres ont à l'époque abandonné l'opération Sophia, pour des raisons essentiellement politiques. Débordée, l'Italie (de Giuseppe Conte et Matteo Salvini) refuse le débarquement des personnes recueillies en mer dans ses ports des navires de l'opération. La France et l'Allemagne, notamment (lire : L’Allemagne se retire de l’opération Sophia), suivie par d'autres (Irlande, etc.) décident de ne plus fournir de moyens à l'opération.

Celle-ci finira par tourner à vide... sans navires. L'Autriche et la Hongrie (notamment) lui donnent le coup de grâce refusant que l'opération serve les valeurs qui l'avaient fondées (sauver des vies en mer). Seule l'Espagne se dit prête à mettre un navire dans l’opération Sophia. Un vrai plouf comme nous l'appelions alors (lire : Points de suture pour l’opération Sophia qui repart pour six mois … sans bateaux).

Réussir une nouvelle opération maritime supposerait que ces problèmes soient réglés aujourd'hui. Ce qui est loin d'être le cas...

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire pour mémoire : ‘Ite missa est’ pour l’opération Sophia ?

Un bilan de Sophia non négligeable

Pour mémoire, début 2017, plus de 18 mois après son lancement au printemps 2015, l'opération affiche un bilan qui n'est pas négligeable : 32.000 migrants secourus, 372 navires de trafiquants détruits, 100 suspects remis à la police et justice italiennes pour être jugés. Mais les trafiquants s'adaptent à la nouvelle donne (lire : Méditerranée. Les flux de migrants se renversent, les trafiquants s’adaptent). Et les problèmes demeurent (lire : L’opération Sophia rame. Pourquoi ?).

  1. En 2018 - 2019, Ursula von der Leyen avait fortement critiqué l'attitude de Rome, dirigée par Giuseppe Conte et Matteo Salvini. Le dirigeant de la Lega était alors ministre de l'Intérieur. Lire : Von der Leyen (ministre allemande de la Défense) tâcle l’Italie pour avoir saboté l’opération Sophia (V2)

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[Actualité] Drame d’Ustica. Le DC9 a bien été abattu par un avion de chasse français dénonce l’Italien Amato

sam, 02/09/2023 - 19:12

(B2) L'ancien premier ministre italien  s'est confié en détail ce samedi (2 septembre) dans le quotidien La Repubblica. Il confirme ce qui est un des plus grands mystères de l'aéronautique moderne. L'affaire du DC9 d'Ustica. Un drame côté italien. Un secret bien gardé du côté de l'OTAN, américain comme... français. Giulano Amato demande à la France et au président Macron de faire toute la vérité.

Giuliano Amato en 2007 (Photo : Commission européenne / Archives B2)
  • Il y a 43 ans, le 27 juin 1980, un peu avant 21h, le vol 870 du DC-9 d'Itavia, parti de Bologne vers Palerme, s'abime en mer dans le nord de la Sicile, près de l'île d'Ustica. Bilan : 81 morts. L'hypothèse d'un tir de missile de forces de l'OTAN a souvent été évoquée, côté italien. Jamais vraiment confirmée... ni vraiment démentie non plus côté américain comme français ou d'autres alliés de l'OTAN.
  • Si l'Italie a mené plusieurs enquêtes (une commission d'enquête parlementaire, une enquête judiciaire longue menée par le juge Rosario Priore, plusieurs procès en responsabilité civile amenant à des jugements de cassation), aucune n'a été menée en France. Et toute trace soigneusement dissimulée.
  • Amato était aux premières loges en coulisse après les évènements. Bettino Craxi, dont il était un des proches conseillers « m'a demandé de m'en occuper en août 1986. La demande était venue du président de la République, Francesco Cossiga, sous la pression des parlementaires et des intellectuels ».

Objectif : tuer Kadhafi

L'ancien premier ministre Giuliano Amato (parti démocrate) pointe selon « la version la plus crédible [...] la responsabilité de l'armée de l'air française, avec la complicité des Américains » et d'autres. Leur objectif : « tuer Kadhafi ». Une accusation déjà portée en 2008 par le premier ministre d'alors, le démocrate-chrétien Franciso Cossiga, devenu président ensuite (1). 

Un exercice de l'OTAN en écran de fumée

Pour brouiller les pistes, les alliés ont une idée : « simuler un exercice de l’OTAN, avec de nombreux avions en action, au cours duquel un missile devait être lancé contre le leader libyen. » Un exercice qui est en fait une véritable « mise en scène qui aurait permis de faire passer l’attaque pour un accident involontaire ».

Un missile lancé par un chasseur français

L'objectif des attaquants : viser le Mig où est présumé avoir pris bord Kadhafi de retour de Yougoslavie. Ayant senti le danger de tout ce mouvement dans le ciel, « le pilote du Mig se cache près du Dc9 pour ne pas être touché ». Les chasseurs alliés tirent. « Le missile lancé a fini par toucher le DC9 de l'Itavia ». Les 81 passagers et membres d'équipage décèdent. Ce missile a été « lancé par un chasseur français partant d'un porte-avions au large des côtes sud de la Corse [le Foch] ou de la base militaire de Solenzara, très fréquentée ce soir-là » relate Amato. « La France n'a jamais fait la lumière là-dessus. »

Kadhafi prévenu par Craxi

Un coup pour rien. Les Mig 23 qui ont décollé de Yougoslavie pour retourner en Libye, via le sol italien, étaient à vide. « Kadhafi a été prévenu du danger et n'est pas monté dans son avion. » Selon Amato, c'est Bettino Craxi, responsable du parti socialiste italien, alors député européen, lui-même qui a « prévenu Kadhafi du danger qui régnait dans le ciel italien ». Une affirmation qu'il « a apprise » par la suite, « sans preuve » reconnait-il.

Le Mig visé s'écrase aussi

Quant au Mig, il finit aussi par s'écraser. Toutes les évolutions aériennes inattendues ont « provoqué un épuisement du carburant ». Une autre version existe selon laquelle le Mig aurait été touché par le missile français et l'explosion aurait submergé le DC9 « mais cette thèse me convainc moins ».

Le silence opaque

L'homme politique italien dénonce aussi le silence des militaires comme de l'OTAN. « Dès le début, les militaires sont restés dans un silence blindé, entravant les investigations », s'en tenant à des versions peu crédibles démenties par les faits, celle de la bombe posée dans l'avion. « Des mensonges ! ». L'OTAN bloque toute information. L'enquête de « Rosario Priore, un très bon juge d'instruction [...] a dû s'arrêter à la porte de l'OTAN ». Quant à la France, elle « n'a jamais fait la lumière » sur son implication.

Le temps de la vérité est venu

Pour Amato, « quarante ans après », le temps est venu de faire la vérité. « Un silence prolongé ne me semble pas être une solution. » Et de demander à Emmanuel Macron « d'enlever la honte qui pèse sur la France ». De deux manières : « soit en démontrant que cette thèse est infondée, soit, une fois sa validité vérifiée, en présentant les plus sincères excuses à l'Italie et aux familles des victimes au nom de son gouvernement ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. La guerre civile fait rage au Tchad voisin, la Libye attisant le conflit entre les différentes factions libyennes (entre Goukouni Weddeye et Hissène Habré notamment) et occupant aussi la bande d'Aouzou au nord du pays. Kadhafi soutient aussi les mouvements terroristes divers. 

Sur le sujet voir aussi le documentaire de Emmanuel Ostian, Capa 2015, diffusé sur Canal Plus

Mis à jour - Précisions sur les fonctions de Amato dans l'enquête

Catégories: Défense

[Analyse] Après le coup d’état au Niger, plusieurs questions se posent

mer, 30/08/2023 - 11:45

(B2) Faut-il intervenir militairement au Niger ? Faut-il continuer à former des armées africaines qui font des coups d'État ensuite ? Quid des missions de formation européenne sur place ? Les questions sont nombreuses, dérangeantes au besoin. Mais il faut se les poser.

Il n'est pas sûr que les ministres de la Défense et leurs collègues des Affaires étrangères réunis ces 30 et 31 août en réunion informelle à Tolède en Espagne osent aborder toutes ces questions en public. Mais il en sera certainement question dans les couloirs.

1° L'intervention militaire de la CEDEAO est-elle souhaitable ?

Une intervention militaire de la CEDEAO serait extrêmement hasardeuse. Sauf retournement extrême de situation, elle pourrait souder les Nigériens plutôt que les diviser. Miser sur une implosion de la junte est aussi risqué et pourrait laisser le pays dans une situation à la Soudanaise, plus dangereuse en soi que cette prise de pouvoir par les militaires. La victoire est donc loin d'être assurée.

Même une victoire militaire acquise, resterait ensuite à tenir et gérer le pays avec des forces de sécurité et de défense traversées par des mouvements d'opposition et qui pourront trainer des pieds.

Au surplus, une intervention militaire serait une opportunité formidable pour les mouvements terroristes type Daech, Al Qaida et autres qui pourraient mener des offensives risquant d'aboutir, de façon meurtrière, sur plusieurs villes du pays. Le danger n'est pas théorique.

Bref, la voie militaire pour résoudre la crise du Niger apparait comme une voie de tous les dangers.

2° L'intervention de la CEDEAO peut-elle être soutenue par les Européens ?

Si officiellement la CEDEAO bénéficie de l'appui politique des Européens, dans la pratique la situation est bien différente. Et les Européens sont loin d'être aussi décidés et unis. Sont-ils prêts à fournir une aide logistique (transport aérien par exemple) ou en termes de renseignement ? Mise à part la France, aucun pays ne semble disposé à le faire et surtout pas ceux qui ont des troupes sur place (Belgique, Italie, Allemagne). Sont-ils prêts à dire oui à une possible demande de soutien financier de la CEDEAO ? Notamment, via la Facilité européenne pour la paix. Pas sûr du tout.

3° Cette intervention peut-elle être dissuasive ?

Cela semble peu évident. Le coup de force des militaires obéit à des impératifs et mobiles souvent internes (1), comme le prouve le coup de force au Gabon. En revanche, se mettre pieds et poings liés dans les mains des militaires pour solutionner un problème politique est plutôt un risque d'assurer la contagion de coups d'État. Dans les pays prêts à fournir des troupes (Bénin, Guinée-Bissau Côte d'Ivoire, Nigeria, Sénégal ...), qui sera celui où les forces passeront à l'acte demain ?

4° Que faire des missions militaires européennes sur place ?

Sur les cinq missions de formation (EUTM) ou de partenariat militaire (EUMPM) que l'Union européenne a en Afrique, trois d'entre elles (Centrafrique, Mali, Niger) sont en état de suspension sidérale. Elles fonctionnent au ralenti, voire sont officiellement suspendues, du fait soit de coup d'État militaire (Mali, Niger), soit d'une concurrence forte d'autres acteurs (Russie notamment), contrecarrant les plans européens (Centrafrique). Idem pour les missions civiles d'assistance des forces de sécurité intérieure : EUCAP Sahel Mali est au point mort et EUAM RCA fonctionne à moitié.

Rester sur place est nécessaire disent les uns (l'Espagne par exemple) pour ne pas laisser la place à d'autres et se garantir d'évolutions possibles. S'en aller est la seule solution pour ne pas cautionner un régime militaire disent les autres (France pour le Mali, mais pas pour le Niger). Chacun des arguments est recevable. Mais il faudra bien trancher un moment donné.

5° Faut-il continuer à former des armées qui font des coups d'État ensuite ?

C'est une question de fond, qui ne sera peut-être pas abordée de façon frontale à Tolède. Car elle est très complexe et À multiples facettes. Mais il faudra bien se la poser un jour. Le développement à marches forcées des armées et forces de sécurité, voulu par les Occidentaux pour lutter contre le terrorisme, n'arrive-t-il pas à mettre en position de force les militaires face aux civils, aboutissant ensuite à une prise de pouvoir ?

La doctrine européenne de formation des armées africaines, inspirée en grande partie par la France, ne date-elle pas d'une autre époque ? Faut-il la conserver, le transformer ou l'abandonner. Une grosse revue stratégique s'impose.

De la même façon, le maintien de l'opération française Barkhane au Niger apparait comme (très) compliqué. Comment la France entend coopérer avec un régime militaire qu'elle estime illégitime et conspue copieusement ? Une décision devrait s'imposer, sinon aujourd'hui, du moins à court terme.

6° Finalement, ne faut-il pas changer d'attitude envers l'Afrique ?

Le fait que ces évènements se produisent essentiellement dans les anciennes colonies françaises interpelle. Les discours officiels mettant en avant le nécessaire partenariat et l'égalité entre Européens et Africains sont-ils la réalité ? Les dernières prises de parole, par leur ton condescendant, leur arrogance, n'en sont pas le meilleur témoignage. Trois ans après le sommet France-Sahel de Pau en janvier 2020 (Lire : Sommet de Pau : Africains et Français conviennent de travailler ensemble) le résultat semble un beau désastre.

Une méthode semble avoir fait son temps : celle de convoquer les dirigeants africains et leur asséner la leçon, celle de faire des dénonciations publiques outrageantes. Soutenir certains gouvernants de façon trop ouverte équivaut aujourd'hui à un véritable "baiser de la mort" pour ceux-ci.

Enfin, le double standard est difficile à nier. Le coup de force au Tchad, les entailles certaines à la démocratie de pouvoirs en place "d'amis de la France" au Gabon ou au Sénégal tout autant que le quasi-silence de Paris sur ces pays interpellent. Ils ne passent pas inaperçus, surtout en Afrique.

7° Se préparer à faire face à des possibles rétorsions ?

Pays très pauvre, le Niger est certes très dépendant de l'extérieur. Mais il ne manque pas de moyens de pression non plus, contrairement à ce qu'indiquent certains commentaires. À commencer par l'immigration. Le Niger est un des « verrous » mis en place par les Européens (à Agadez) notamment pour sinon empêcher, au moins limiter, la remontée des populations du Sud vers l'Europe, via la Libye (ou la Tunisie ensuite). Un chantage à l'ouverture de ce verrou est toujours possible. Il faut s'y préparer.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Ne voir ce coup que par le prisme de l'ingérence russe est biaisé. On semble plus dans l'opportunisme politique — la Russie (comme d'autres acteurs) se profile sur place, ravie de prendre la place des Français (et Européens) — que dans une situation à la centrafricaine, où la Russie a poussé les Français dehors.

Mis à jour avec la mention de Barkhane

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[En bref] Le Mistral en surveillance et formation dans le Golfe de Guinée

mar, 22/08/2023 - 21:53

(B2) Le porte-hélicoptères Mistral de la marine française démarre sa mission de sécurité maritime Corymbe dans le Golfe de Guinée.

Il assurera à la fois la surveillance maritime de la zone, des interventions au besoin en cas d'attaques de pirates (lire : [Brève] Attaque d’un bateau de pêche au large de Freetown). L'objectif est surtout d'assurer un partenariat avec les marines de la région.

Dans une semaine, le 27 août, il quittera ainsi Dakar (Sénégal) avec une trentaine d’officiers des marines de la région (Bénin, RD Congo, Congo, Cote d'ivoire, Gabon, Ghana, Guinée, Mauritanie, Nigéria, Sénégal, Togo, Maroc) pour commencer la formation embarquée SIREN dédidée à l’Etat en mer, co-organisée dans le cadre de l’Architecture de Yaoundé.

(NGV)

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[En Bref] Dernière évacuation au Niger, assurée par un avion belge

mar, 22/08/2023 - 08:26

(B2) La Belgique a terminé une opération visant à rapatrier les derniers ressortissants belges et européens du Niger.

Plusieurs allers et retour

Un avion de transport A400M a effectué plusieurs vols aller-retour entre Niamey, la capitale du Niger, et Libreville, la capitale du Gabon, avant de repartir ensuite pour la Belgique. L’avion « s'est posé sur l’aéroport militaire de Melsbroek la nuit dernière » annonce le ministère belge de la défense. En tout quelque « 130 Belges, ressortissants européens et ayants droit » ont ainsi pu être rapatriés.

Avec l'autorisation de la junte

La Défense a « réussi à obtenir l’autorisation d’effectuer un certain nombre de vols pour ramener des personnes » précise la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder. L'avion a aussi « transporté du matériel militaire belge » ajoute-t-elle. La Belgique a en effet une mission de coopération technique avec l'armée du Niger, de longue date formant notamment ses forces spéciales.

En complément de l'opération de début août

Une opération menée en toute discrétion. Une centaine de Belges et d’ayants droit avaient déjà pu quitter le Niger au début du mois, à bord de vols français (lire : [Actualité] L’opération d’évacuation des ressortissants français et européens du Niger. Sans heurt. Dernier bilan)

(NGV)

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[Brève] Attaque d’un bateau de pêche au large de Freetown

ven, 18/08/2023 - 10:55

(B2) Un navire de pêche chinois a été attaqué par 13 hommes armés le 22 juillet à 10h55 UTC au large de Freetown au Sierra Leone. Après une intervention des garde-côtes libérians, l'équipage a été libéré 36 heures après le 24 juillet.

Le FV Shenghai2 amarré au Port de Bushrod (photo : MOD Liberia

L'alerte générale est donnée le 23 juillet 2023, vers 8 heures, par le Centre d'opérations maritimes conjointes de la marine de la Sierra Leone. Deux navires de pêche, le FV Aliman et FV Shenghai-2 ont été attaqués par des pirates à 20 nautiques au large du port de Freetown au Sierra Leone (à 8° 36' nord et 13° 3° ' Ouest), signale le message. Les pirates se sont emparés d'un des deux navires : le FV Shenghai2, avec à leur bord 23 membres d'équipage (6 Chinois et 13 Sierra-Leonais).

« Dès réception de l'information, le centre d'opérations maritimes des garde-côtes libériens entame une surveillance et une coordination continues avec les marines de la Sierra Leone et de la Côte d'Ivoire » indique le QG des forces armées du Liberia qui coordonne l'opération. L'opération en mer mobilise deux navires des garde-côtes et onze marins.

Plusieurs heures de filature

« Après environ 12 heures de recherche, l'équipe d'opérations spéciales des garde-côtes libériens localise le navire suspect à une distance proche des frontières maritimes internationales entre le Libéria et la Sierra Leone » indique le communiqué des forces armées du Libéria. « Le navire est suivi jusqu'à ce qu'il atteigne la zone générale de Monrovia à environ 9 milles marins au large de la communauté de King Grey, RobertsField Highway ». Pour « des raisons tactiques » le contact physique des garde-côtes avec le navire ne se produit qu'en pleine nuite à 0 heures le 23 juillet 2023 à la position 06o 07' Nord, 010o 47' Ouest.

Intervention musclée

Les garde-côtes libériens abordent et sécurisent tout d'abord le pont inférieur du navire. Les pirates ripostent par des tirs. Après cet échange, trois pirates prennent le large à bord un bateau de sauvetage, un premier pirate est alors capturé et deux membres d'équipage secourus. Après quelques heures de négociation, les garde-côtes reprennent l'assaut sur le pont supérieur, arrêtent un deuxième pirate et libèrent les 21 membres d'équipage restants. Le reste des pirates s'est envolé. Le navire est sécurisé et ramené sur la base des garde-côtes libériens sur l'île de Bushrod. Trois fusils d'assaut et une Winchester sont saisies.

(Nicolas Gros-Verheyde)

 

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[Commentaire] Niger : une opération moins complexe qu’au Soudan et en Afghanistan. Les raisons

mer, 02/08/2023 - 12:05

(B2) L'opération d'évacuation des citoyens français et européens est facilitée par plusieurs facteurs structurels et conjoncturels. Cinq éléments peuvent l'expliquer.

Enregistrement des évacués par la gendarmerie prévotale des armées à l'aéroport de Niamey (Photo : EMA COM)

L’opération d’évacuation des ressortissants français et européens du Niger apparait incontestablement moins difficile qu'en Afghanistan à l'été 2021 (lire : Comment se déroule l’évacuation de Kaboul ? Une des opérations les plus complexes de l’histoire récente) ou au Soudan en avril dernier (Sagittaire, Eva Sierra… ! Plusieurs rotations assurées par les Européens).

Premièrement, elle intervient dans un contexte finalement assez pacifié, malgré des tensions politiques réelles entre la junte militaire et la France et quelques échauffourées. Il n'y a pas de combat de rue (comme au Soudan) ou de guerre aux portes de l'aéroport (comme en Afghanistan). Il y a peu de risques d'attentat ou de tir contre un avion.

Deuxièmement, les Européens (Français et Italiens notamment) ont un point d'appui militaire sur place, directement sur l'aéroport. La partie militaire de l'aéroport — la base aérienne projetée 101 pour la force française — jouxte en effet l'aéroport civil Diori Hamani. Ce qui évite d'acheminer sur place des forces en nombre, notamment pour assurer la protection des avions ou des personnels ou tout simplement enregistrer les demandeurs d'évacuation.

Troisièmement, l'aéroport de Niamey est fonctionnel et équipé pour accueillir les passagers. Ce qui change de l'aspect sommaire de la base militaire choisie au Soudan pour l'évacuation.

Quatrièmement, le nombre de citoyens à évacuer est assez réduit — moins de 1000 personnes toutes nationalités confondues —, grâce aussi à la période (certains expatriés étant hors du pays pour les vacances).

Enfin, un seul pays assure la coordination de l'évacuation : la France qui joue le rôle d'entrée en premier. La plupart des pays, se reposant sur ce dispositif, n'ont pas envoyé d'avions sur place. Cela peut paraitre un détail. Mais cela limite à la fois le ballet des avions et finalement facilite la gestion des évacuations.

Il faut préciser également que la répétition en deux ans de plusieurs opérations d'évacuation combinées entre les Européens — Afghanistan août 2021, Ukraine février 2022, Soudan avril 2023 — a aussi un effet d'entraînement non négligeable. Le dispositif de coordination entre les Européens est rôdé par les crises.

(Nicolas Gros-Verheyde)

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[Actualité] L’opération d’évacuation des ressortissants français et européens du Niger. Sans heurt. Dernier bilan (v5)

mar, 01/08/2023 - 18:20

(B2) Déclenchée dans la nuit de lundi (31 juillet), l'opération d'évacuation a débuté. Menée essentiellement par la France, avec l'Italie. Au profit des autres ressortissants européens présents sur place.

Avions A330 et MRTT sur la base d'Istres (Marseille) (Photo : BA25 / DICOD)

Objectif : « faciliter le départ des ressortissants qui souhaitent quitter le Niger ». Si les Français sont concernés en priorité, tous les Européens qui le souhaitent pourront aussi être évacués par les moyens français. Les Allemands (moins de 100), Belges et Néerlandais (environ 25) devraient notamment être évacués par cette voie.

Des avions blancs et gris uniquement

Deux avions de type A330 — l'un en version passagers, l'autre en version MRTT — se sont déjà posés sur l'aéroport civil de Niamey : le premier dès 2h30 du matin dans la nuit de lundi à mardi. Un autre avion est en route. Trois avions partis du « Sud de la France » a indiqué l'état-major des armées (NB : de la base aérienne 25 d'Istres normalement).

L'opération s'est effectuée avec l'accord des autorités en place, c'est-à-dire essentiellement les militaires auteurs du coup d'État. « Des contacts ont été pris avec les forces nigériennes et les Nigériens responsables de l'aéroport » précise-t-on à Paris.

À bord, les équipages des aéronefs uniquement. Les militaires français présents sur place — sur la partie militaire de l'aéroport — servent d'appui et de coordination. Mais les ressortissants doivent « rejoindre l'aéroport par leurs propres moyens ».

NB : un dispositif « léger » qui contraste à dessein avec celui utilisé pour l'évacuation du Soudan. L'objectif est en effet de procéder en douceur pour éviter tout ce qui pourrait apparaitre comme une provocation. Sont donc bannis (pour l'instant) les avions kakis de transport stratégique (A400M) ou tactique (C130J). Les militaires n'iront donc pas non plus récupérer en ville les ressortissants.

L'attaque contre l'ambassade fait déclencheur

Ce sont en bonne partie les évènements de dimanche (30 juillet) avec les manifestations violentes et l'attaque contre l'ambassade de France, ainsi que la fermeture de l'espace aérien, qui ont changé le mot d'ordre à Paris, faisant pencher pour une évacuation rapide des ressortissants.

Le durcissement du ton entre la junte au pouvoir à Niamey d'un côté, la CEDEAO et les Européens de l'autre, comme les arrestations de plusieurs responsables du gouvernement légitime nigérien n'ont fait que confirmer cette option. Opération annoncée par la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna et un communiqué du Quai d'orsay mardi 1er août.

Un mot d'ordre européen

Un mot d'ordre concerté et suivi au niveau européen. Plusieurs capitales (Berlin, Madrid, Rome, Bruxelles, La Haye, Vienne) ont ainsi conseillé à leurs ressortissants de partir sans tarder.

Déclenchée dans la nuit de dimanche à lundi (31 juillet), l'opération française s'est montée à partir du dispositif présent en Afrique. Elle est notamment coordonnée depuis les éléments français déployés au Tchad qui assurent le commandement régional.

Des moyens italiens sont prévus. Le gouvernement italien a « offert à ses concitoyens présents à Niamey la possibilité de quitter la ville par un vol spécial vers l'Italie » a confirmé le ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani sur Twitter.

Pas d'évacuation des militaires, pour l'instant

L'évacuation des 1500 militaires français présents dans le pays — notamment à Niamey et dans la zone des trois frontières (avec le Mali et le Burkina) n'est cependant « pas prévue pour l'instant » indique l'état-major des armées françaises. En revanche, toutes les opérations de partenariat sont « suspendues ». Ce, « en attendant le retour de l'ordre constitutionnel ». Elles « s'inscrivent [en effet] dans un accord avec les autorités légitimes »

(mis à jour)

Premiers rapatriés à Paris et Rome

Deux premiers vols ont déjà atterri à Roissy Charles de Gaulle (Paris) dans la nuit de mardi (1er août), permettant l'évacuation de 350 Français et des ressortissants d'une dizaine de nationalités (Autriche, Belgique, Canada, USA, Portugal, Éthiopie, Inde, Liban, Niger) annonce le quai d'Orsay, mercredi matin. Deux autres vols ont eu lieu mercredi (2 août). Un cinquième et dernier vol a eu lieu jeudi (3 août), portant le total d'évacués à 1079 personnes : 577 ressortissants français et et près de 500 ressortissants étrangers de 50 nationalités différentes. Un des vols a été médicalisé par des médecins de la sécurité civile afin de prendre en charge des cas médicaux.

Des Européens de quasiment toute l'Europe (Allemagne, Autriche, Belgique, Italie, Portugal, Suède, Pays-Bas, Espagne, Finlande, Roumanie, Danemark, Luxembourg, Pologne, Slovaquie, Suisse, Géorgie, Royaume-Uni) ont ainsi pu regagner le continent. Des ressortissants d'Afrique (Bénin, Sénégal, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Nigéria, Tchad, Congo, Ethiopie, Botswana, Cameroun, Cap-Vert, Gabon, Côte d’Ivoire, Maroc, Mauritanie, Togo, Tunisie), d'Amérique (États-Unis, Canada, Brésil, Colombie, Bahamas), d’Asie (Inde, Japon, Vietnam, Corée du Sud), d’Océanie (Australie) et du Moyen-Orient (Liban, Turquie, Turquie) ont également été évacués.

Côté italien, un Boeing 767 de l'Aeronautica militare a atterri à Rome, mercredi (2 août) matin, avec à son bord 87 personnes : 36 Italiens (dont l'ambassadrice italienne à Niamey), 21 Américains (dont 14 religieux), 4 Bulgares, 2 Autrichiens, 1 Hongrois, 1 Nigérian, 1 Nigérien et 1 Sénégalais selon l'agence Ansa.

Des personnels européens ont également été rapatriés. L'évacuation s'est déroulée sans heurt pour l'instant (lire aussi : [Commentaire] Une opération moins complexe qu'au Soudan et en Afghanistan).

Une évacuation soutenue par le mécanisme de protection civile de l'UE. Celui-ci financera ainsi 75 % des coûts de transport de la France qui a demandé l'activation du mécanisme.

Une « coopération simple et pragmatique en temps de crise, qui montre ce que l’Europe peut faire ensemble » a commenté la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock remerciant son homologue française C. Colonna.

Mit Hilfe unserer französischen Freunde konnten wir bereits über 40 Deutsche aus #Niger ausfliegen. Vielen Dank, @MinColonna, für diese unkomplizierte & pragmatische Zusammenarbeit in Krisenzeiten, die zeigt, was Europa gemeinsam leisten kann. 1/2

— Außenministerin Annalena Baerbock (@ABaerbock) August 2, 2023

(Nicolas Gros-Verheyde)

Mis à jour - Précisions pour l'évacuation des Italiens et Néerlandais - Premier bilan des rapatriés (2.8 matin) - Galerie photos - soutien européen (2.8 midi) - deuxième bilan et bilan définitif (3.8)

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[Analyse] La nomination ratée de Scott-Morton. Le dernier raté de Vestager

mar, 25/07/2023 - 11:34

(B2) La nomination d'une Américaine comme chief economist était un mauvais coup fait à l'Europe. Et un non sens politique et juridique. A plusieurs titres. Sa démission était inéluctable.

La nomination annoncée de l'Américaine Fiona Scott-Morton au poste de Chief Economist de la DG Concurrence, approuvée par la Commission européenne le 11 juillet a suscité des émois, surtout en France, mais aussi plus discrètement dans d'autres pays. À juste titre.

Une nomination pas très heureuse

Un super-CV mais trois handicaps

Fiona Scott-Morton avait certes un CV long comme le bras, comme le vante la Commission européenne. Mais elle avait surtout trois gros handicaps : 1. elle était Américaine, 2. elle devait obtenir une habilitation de sécurité nationale, 3. elle avait travaillé dans un cabinet de consultance et notamment pour des clients puissants, tels Amazon ou Apple, qui ne respectent pas vraiment les règles européennes.

Nomination contestée, contestable

Cette nomination reposait sur des bases en fait très fragiles. Beaucoup plus fragiles que voulait bien se l'avouer la commissaire. Elle laissait planer une épée de Damoclès sur les différentes procédures de concurrence enclenchées par l'exécutif européen : amendes, autorisation ou refus de fusion, autorisation ou refus d'aide d'État, etc. N'importe quel acteur de ces procédures (entreprises ou Etats) aurait pu la contester. Tant elle était extraordinaire du droit commun et de la pratique de recrutement des hauts fonctionnaires européens (point 1). Ensuite, quoi qu'en dise la Commission européenne, ce poste de « conseil » est éminemment stratégique (point 2). Enfin l'habilitation de sécurité était bien requise. Point également minoré par la commissaire (point 3).

Démission inéluctable

La démission rendue publique au petit matin du 19 juillet, juste au lendemain de l'audition par la commissaire Vestager au Parlement européen, était donc inéluctable.

 

Une sacrée fausse note pour Vestager

Pour Margrethe Vestager, qui s'apprête à quitter la Commission européenne, c'est un sérieux désaveu.  La Danoise part en effet en congé sans solde en août pour faire campagne afin d'être nommée présidente de la Banque européenne d'investissement (BEI). Elle termine ainsi son parcours européen sur une grosse fausse note. Celle qui était promise pourtant à un brillant avenir européen — on la voyait même présider la Commission européenne ou, à défaut, y tenir un rôle de premier plan, dans l'ombre de Ursula von der Leyen — , achève ainsi sans fanfare un bilan européen qui aurait pu être plus glorieux.

1° Un non-Européen recruté comme haut fonctionnaire. Pratique normale, courante, légale ?

Cet élément a été largement minoré par la Commission européenne. La commissaire Margaret Vestager n'a eu de cesse de justifier, notamment lors de son audition par les parlementaires européens le 18 juillet devant la commission ECON (Économie et finances), que c'était le bon choix en laissant de côté de qui constitue la réalité juridique et l'esprit de la politique de concurrence européenne. Le service du porte-parole a « inventé » des cas similaires qui ne peuvent être comparés.

Pas assez de "bons candidats" Européens ?

Lors de son audition devant les parlementaires, en commission Économie et Finances (ECON) du Parlement européen, mardi (18 juillet), Margaret Vestager n'a eu de cesse de défendre ce choix de recourir à une extra-européenne... par le manque de candidats. Il n'y avait que 11 personnes qui répondaient à l'avis de recrutement publié en mars. 4 ont été retenus dans la short list. Et deux candidats sélectionnés dans l'épreuve finale : un Européen et l'Américaine a précisé la commissaire européenne. C'est cette dernière qui a été retenu. Sur la base de ses compétences... C'était « le meilleur choix parmi tous les candidats, tant du point de vue de ses qualifications que de sa performance au cours de la procédure de recrutement ».

Un non-sens politique, économique et juridique

Recruter une non-national à un poste de direction aussi important est plutôt extraordinaire. Il est contraire à toute règle de recrutement de la fonction publique européenne. De plus d'ordinaire, si vraiment les candidatures sont faibles, la règle est de relancer un nouvel appel à candidatures. Ce qui ne semble pas être le cas en l'occurrence. Il y a donc eu volonté de contournement des règles européennes. Le recrutement d'un non-Européen n'était pas une conséquence inattendue mais bel et bien l'objectif. Une faille politique qui pouvait devenir juridique dans les mains d'un bon avocat de droit de la concurrence...

Une grosse première !

Ce recrutement d'un extérieur à l'Union européenne est plutôt inattendu et une grosse première. Jamais à ma connaissance un Américain n'a occupé un tel poste de premier plan.

Le seul cas en mémoire est celui occupé dans la mission extérieure de la PSDC EULEX Kosovo, où un Américain (un shériff) occupait le poste d'enquêteur en chef. Mais cette présence se situait dans un contexte très particulier. Tout d'abord, la politique extérieure commune n'est pas une compétence communautaire exclusive. Régulièrement des extra-nationaux sont ainsi recrutés, soit pour pallier une lacune technique (hélicoptères russes au Tchad), soit dans un contexte d'ouverture politique nécessaire. Ensuite, la stabilisation du Kosovo a été cogérée de fait par les Européens et les Américains. Il y avait donc une logique à intégrer des Américains à cette mission (comme il est logique que des Norvégiens soient intégrés à la mission européen en Palestine, accord d'Oslo oblige).

D'autres non nationaux ont été recrutés, mais dans des postes de moindre importance. On se souvient d'un Norvégien qui figurait dans l'équipe du cabinet de Michel Barnier par exemple. Mais celle-ci était justifié par l'intégration de la Norvège au marché intérieur.

Cette logique n'est pas du tout présente dans la politique de concurrence où la Commission européenne a une compétence exclusive, peut infliger des amendes et interdictions et où peuvent interférer des positions contraires entre USA et UE.

Un singulier aveu de faiblesse

N'avoir aucun économiste, aucun expert qui veuille venir occuper un poste de premier plan (très) bien payé (pas moins de 20.000 euros par mois). Ce durant un CDD de trois ans (renouvelable une fois pour deux ans) ! C'est plutôt étonnant. Soit il y a une grosse faiblesse d'attractivité de la fonction publique européenne. Et cela doit interpeller au plus profond de l'esprit européen. Soit il y a un gros déficit de spécialistes de la concurrence communautaire et de l'économiste. Ce qui est tout aussi interpellant, vu le nombre d'universités, de facultés qui travaillent sur ces questions.

Une volonté politique de recruter hors d'Europe

En fait, le recrutement d'un extra-Européen semblait en partie joué d'avance. Comme me l'a expliqué un des porte-paroles de la Commission européenne, il avait été décidé d'ouvrir « au plus grand nombre de candidats possibles », compte tenu « des connaissances très spécifiques et de l'expertise académique requises pour cette fonction particulière ». Recruter un tel profil « montre que le Commission cherche avant tout à fonder ses politiques et décision sur la meilleure expertise possible. C’est un signal de compétence et d’ouverture à entendre les arguments de fond » explique-t-il. On se trouve ici loin des critères d'excellence.

2° Un poste de simple conseil ou de premier plan ?

Le poste de Chief economist n'est pas un simple poste de conseiller ou de chercheur prospectif. C'est un poste de directeur, à la tête d'une équipe de conseillers économistes, avec une tâche éminemment stratégique, contrairement à ce que veut bien voulu dire la commissaire Margrethe Vestager.

Ce poste a été créé dans le début des années 2000, après une série d'arrêts des tribunaux européens négatifs pour l'autorité de régulation européenne. Les juges avaient annulé coup sur coup deux décisions d'interdiction de fusion l'une entre Schneider et Legrand le 22 octobre, l'autre entre Tetra Pak et Sidel (lire : Affaire Tetra-Pak. Le tribunal sème le trouble à la Commission européenne). Un vrai coup de tonnerre dans le monde feutré de la régulation de la concurrence à Bruxelles.

Parmi les reproches faits par les juges, la faiblesse de l'analyse économique des décisions de la Commission. Ce qui avait convaincu (entre autres), le commissaire de la concurrence de l'époque, l'Italien Mario Monti de proposer dans une vaste réforme des fusions-concentrations.

La création du poste de Chief Economist est un élément majeur de la réforme. « Il est clair qu'il est nécessaire d'améliorer les capacités économiques de la direction générale de la concurrence » indique l'Italien dans un discours prononcé en novembre 2002.

Mario Monti définit précisément ce poste, qui a une vocation très large, très politique et bien loin de la fonction d'un simple conseiller. Le rôle de l'économiste en chef « ne se limitera pas à sa participation au contrôle des concentrations, mais s'étendra également à l'application du droit de la concurrence en général, y compris le contrôle des aides d'État. »

Le profil recruté doit être à la hauteur de la tâche. « Il doit s'agir d'un éminent économiste, détaché temporairement auprès de la Commission, garantissant ainsi que le titulaire de ce poste est quelqu'un ayant une très bonne connaissance de l'économie industrielle. Il sera directement rattaché au directeur général. »

Une nomination qui doit s'accompagner du recrutement d'économistes industriels au sein de la DG (qui était davantage peuplée de juristes ou spécialistes administratifs). Une « priorité ». De même il affiche la volonté de « faire davantage appel à des expertises économiques extérieures ». « En particulier, j'envisage que nous commanderons plus fréquemment nos propres études économétriques indépendantes. » Un propos qui montre combien le poste de chief economist était dans la lettre et dans l'esprit de la Commission européenne réservé à un Européen.

3° Un problème de sécurité nationale

Contrairement à ce qu'a affirmé la commissaire, la nouvelle nommée aurait dû avoir une habilitation de sécurité. L'avis publié pour le recrutement en témoigne.

Or cette habilitation ne peut être fournie normalement que par l'autorité nationale (en l'occurrence les USA).

Ce qui posait un sacré problème. D'une part, il fallait que les USA la délivrent. D'autre part, les autorités européennes n'auraient eu aucun contrôle sur la nature et la fiabilité de cette habilitation.

(Nicolas Gros-Verheyde)

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[Editorial] Coup de force raté de Wagner en Russie. Quelques éléments de réflexion

lun, 26/06/2023 - 20:16

(B2) Chacun aura son analyse des évènements après le coup de force raté de Prigojine et du retrait piteux des mercenaires de Wagner sans combattre. Mais on peut poser quelques éléments de réflexion.

Tout d'abord, le système du pouvoir russe est dysfonctionnel. Depuis quelques mois déjà, le président russe Vladimir Poutine ne semble plus avoir toute la main pour imposer toute sa volonté et une discipline à ses alliés. La faiblesse de réaction de Moscou à l'annonce par les Alliés de l'OTAN de l'équipement en avions F-16 comme à la tenue d'un sommet européen en Moldavie à quelques km des premiers soldats russes présents en Transnistrie prouve une certaine atonie du pouvoir par rapport à sa virulence au début de l'offensive en février 2022. Mais le « système » n'a pas encore trouvé le remplaçant idoine. Et, malgré des atermoiements, l'ensemble des forces armées et de sécurité reste fidèle au pouvoir du Kremlin.

Ensuite, Evgueni Prigojine ne semble pas avoir agi tout seul et de façon « spontanée ». Il a sans doute bénéficié de certains soutiens, au sein même du pouvoir de la part de certains responsables politiques, voire de certains parties des services de sécurité. Mais il n'a pas reçu certainement ni le soutien promis ni les assurances souhaitées. De là à penser que certains au sein de l'appareil militaire russe l'ont laissé marcher seul vers Moscou pour mieux écraser celui qui a acquis trop de pouvoir, c'est une hypothèse qu'on ne peut écarter. L'armée régulière pourrait récupérer la main sur des paramilitaires de Wagner.

Enfin, l'hypothèse d'un effondrement de la Russie qu'aucun dirigeant ne voulait envisager jusqu'à présent est désormais clairement sur la table. En cas de défaite notable en Ukraine, ou d'enlisement mortifère (1), il n'est pas exclu que des militaires excédés de la faiblesse du régime ou de l'ampleur des pertes, alliés à des politiques, ne veuillent prendre le contrôle du pays ou ne dépêchent l'un des leurs pour le faire. Cette heure ne semble pas venue.

Du côté européen, cette heure est à la fois redoutée et espérée. Certains pays craignent un désordre nouveau, avec le risque d'une possible absence au pouvoir, fatal pour le contrôle de l'arme nucléaire (2). D'où une phraséologie sur la nécessité de ne pas « humilier » la Russie qui n'est plus présente officiellement mais reste bien dans toutes les têtes de Washington à Berlin. D'autres souhaitent un changement de régime en Russie et sa « neutralisation » seule à même de mettre fin à un cycle d'interventions militaires régulières dans le voisinage russe depuis une soixantaine d'années. Point de vue particulièrement présent chez les Balto-Polonais.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. C'est toute une classe d'âge qui est en train de faire les frais de l'offensive en Russie. Les pertes (morts et blessés graves) — environ une centaine de milliers d'hommes — privent non seulement l'armée russe d'une partie de son élite mais aussi la population russe d'une partie de sa classe d'âge active, à un moment où sa démographie est en berne.
  2. Arme nucléaire qui reste sous étroit contrôle du président russe, malgré certaines déclarations.

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[Film] Une nouvelle démocratie, plus participative, est-elle possible ?

dim, 21/05/2023 - 22:06

(B2) La démocratie participative peut-elle exister ? C’est autour de cette idée que se noue ce 52 minutes captivant.

Tout commence en fait un matin de printemps, quand plusieurs Bruxellois-es découvrent dans leur boîte aux lettres le courrier suivant : « Vous avez été tiré au sort, pour répondre à cette question : Comment voulons-nous que la 5G soit implantée en Région Bruxelles-Capitale ? ». Ils seront 45 à venir siéger au sein du parlement bruxellois.

Pour la première fois dans l’histoire politique moderne, des citoyens et parlementaires sont invités à travailler ensemble, autour de la même table, afin de rédiger des propositions destinées au gouvernement.

Chacun s’immerge alors au sein d’un projet de société inédit : la première commission délibérative citoyenne de Belgique. Fadhela, l’aide-cuisinière, Jean-François, l’ébéniste, et Eloise, une lycéenne… Tous brillants, passionnés, ils portent le documentaire, par leurs interrogations, leurs envies.

Ces commissions délibératives vont-elles remettre le citoyen au centre des débats ? Ou ne sont-elles que de la poudre aux yeux ? Vont-elles apporter un nouveau souffle à notre démocratie ? Ou ne s’intéressent-elles qu’à l’aspect secondaire des sujets, ne laissant aux citoyens à régler le détail… Vastes questions.

Un véritable laboratoire politique est-il en train de naitre qui pourrait inspirer le reste de l’Europe ? Cette formule participative est difficile à pratiquer, surtout dans l’enchevêtrement des compétences qui caractérise la région bruxelloise (et la Belgique). Elle peut paraitre limitée dans son exercice, factice. Mais au fil des minutes, se révèle cependant une véritable source d’optimisme. La démocratie mérite sans doute d’être régénérée. C’est en tout cas le motto des deux réalisateurs, Eric D’Agostino et Jérôme Van Grunderbeeck.

Vivre Pour des Idées, vers une nouvelles démocratie ? est à voir sur RTBF la Trois ce lundi 22 mai à 21h25.

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[Actualité] Évacuation du Soudan. Le gros retard à l’allumage des Britanniques

sam, 06/05/2023 - 10:41

(B2) De façon étonnante, le Royaume-Uni, pourtant bon connaisseur du Soudan, une ancienne colonie, a été absent dans les premiers jours. Les évacuations n’ont commencé que le 25 avril.

Dernier vol de la RAF un C130J part de Port Soudan (Photo : Royal Air Force)

Le gouvernement de Rishi Sunak (Conservateur) n’a ainsi tout d’abord ordonné l’évacuation que du personnel de son ambassade (diplomates et autres “fonctionnaires”). Opération effectuée dimanche (23 avril).

Le chef de la diplomatie britannique, James Cleverly, a justifié cette absence par la capacité « très limitée » d’évacuer d’autres ressortissants britanniques dans un milieu de guerre. Une excuse, plutôt inaudible au Royaume-Uni (1). Chacun pouvait observer que d’autres alliés, notamment les membres de l’UE, menaient rotation sur rotation. D’autres avaient choisi la voie routière, tels l’Arabie saoudite, l’Égypte ou l’Inde, assurant la mise en sécurité des citoyens.

Comble de l’ironie, ce sont finalement les Européens (de l’UE) qui ont commencé par évacuer les ressortissants britanniques.

Une opération déclenchée avec retard

Sous le feu des critiques, le premier ministre Rishi Sunak a fini par battre en retraite et annoncer, mardi (25 avril) « une évacuation à grande échelle des détenteurs de passeports britanniques du Soudan » par la RAF (Royal Air Force). Priorité étant donnée « aux plus vulnérables, familles avec enfants et personnes âgées ». Cette « phase 2 » de l’opération d’évacuation a démarré le jour même.

Les militaires britanniques ne devaient pas opérer de la même façon que les Français. Ils n’iront pas chercher en ville leurs ressortissants. Le Foreign office a ainsi prié ses ressortissants de gagner l’aéroport « dès que possible » et « par leurs propres moyens ».

Les vols britanniques opéreront à partir du même aéroport que celui utilisé par les Européens : Wadi Saeedna, situé au Nord de Kharthoum. Ce sont les Français qui ont assuré l’ouverture de l’aéroport, relayés par les Allemands. Ceux-ci ont remis les « clés » de l’aéroport aux Britanniques.

Près de 30 vols en tout

Un premier vol d’un A400M de la RAF a ainsi rapatrié à Chypre 38 ressortissants. Il sera suivi de plusieurs autres. Il y a en effet environ 4000 Britanniques au Soudan dont 2000 environ ont demandé leur évacuation, selon la BBC. Le dernier vol C130 du 47e Squadron est parti dans la nuit du 3 au 4 mai de Port Soudan à destination de Chypre servant de hub pour les rapatriements britanniques. En tout, 2450 personnes ont été évacuées sur 30 vols partis soit de Wadi Saeedna ou de Port Soudan, a annoncé le ministère britannique de la Défense.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. NB : La doctrine anglo-saxonne en cas de crise diffère sensiblement de la doctrine européenne. Ce n’est pas le gouvernement qui assure l’évacuation de ses concitoyens mais le secteur privé.

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