La base des fusiliers et commandos accueille le 7ème commando, composé de 160 hommes et qui sera réservé à l’appui des opérations spéciales. Cette décision est prise en cohérence avec les priorités tracées par la Loi de Programmation militaire qui donne à ces unités d’élite un rôle accru dans nos opérations. Les effectifs des commandos marins passent à 650 hommes.
Le vendredi 11 septembre 2015, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a remis en présence de l’amiral Bernard Rogel, chef d’État-Major de la Marine nationale (CEMM), ainsi que du capitaine de vaisseau François Rebour, commandant la force maritime des fusiliers marins et commandos (FORFUSCO), le fanion de la nouvelle unité et les décorations héritées du groupement autonome Ponchardier, engagé en Indochine en 1945-1946. Le ministre a ensuite remis la fourragère portée par les membres des forces spéciales maritimes françaises au pacha du nouveau commando, tout le personnel recevant ensuite sa fourragère.
Jean-Yves Le Drian a rappelé que la mise en service du commando Ponchardier « intervient dans un contexte lourd de menaces directes pour la sécurité de la France et des Français – le terrorisme djihadiste est la première d’entre elles ». La création de cette nouvelle unité s’inscrit donc dans le cadre du renforcement des moyens alloués aux forces spéciales françaises, qui vont voir leurs effectifs passer de 3 000 à 4 000 hommes.
Le commando Ponchardier s’ajoute aux six premiers commandos marine. Les commandos Trépel et Jaubert sont composés de groupes spécialisés dans le contre-terrorisme et la libération d’otages (CTLO), les commandos Montfort et de Penfentenyo mettent en œuvre des équipes spéciales de neutralisation et d’observation (ESNO), le commando Hubert dispose de groupes spécialisés dans le contre-terrorisme, la libération d’otages et l’action sous-marine avec ses nageurs de combat. Un sixième, le commando Kieffer, a été créé en 2008. Il assure la capacité de commandement de groupement de forces spéciales et met en œuvre des cellules de soutien avec ses spécialistes de l’informatique, de la guerre électronique, des drones, de la cynophilie, du renseignement ou encore de l’intervention en milieux contaminés. Quant au commando Ponchardier, il assurera le soutien technique des équipements employés par les six unités combattantes de la Marine nationale (embarcations, véhicules tactiques, systèmes d’information et de communication, armement, munitions).
La devise du commando Ponchardier est « À la vie à la mort ».
Je me rends compte de la parenté de deux mots clefs de notre époque : ceux de progrès et de croissance. Ils ont de profonds liens et pourtant leur signification s'érode...
Le "progrès" est le plus ancien. Apparu dès les Lumières, il prit toute sa signification à partir de la Révolution française puis de la révolution industrielle du XIX° siècle. Suivant Auguste Comte, le progrès devait devenir l'objet d'une nouvelle religion. Mais il ne s’agit pas simplement d'un progrès technique, il s'accompagnait également d'un progrès social, économique et surtout politique. La vie serait meilleure, les lendemains chanteraient, l'humanité marchait vers un horizon préférable à l'existence du moment. Au fond, point n'était plus besoin de religion et notamment d'une religion promettant résurrection et paradis puisque désormais on pouvait le bâtir sur terre.
Deux siècles plus tard, une telle promesse n'emporte plus l'adhésion. Auschwitz est passé par là, la pollution aussi. Personne ne remarque l'accroissement général du niveau de vie et la révolution cyber, ultime révolution industrielle et anthropologique, ne suscite guère de débats que chez quelques passionnés. La lassitude submerge tout.
Entre temps, un autre mot a remplacé ce progrès trop général pour convaincre encore. IL s'agit de la croissance. Cet ingrédient disparu, ce Moby Dick des économies essoufflées, ce carburant d'autant plus rêvé qu'il appartient désormais au passé, cette croissance a longtemps joué les offices du progrès. Grâce à la croissance, tout devait mieux aller, le niveau de vie augmenter, le chômage baisser. Oh! on est certes loin du mirage universel du progrès, la croissance est beaucoup plus petite bourgeoise et utilitaire, elle est le carburant magique après lequel on court, comme les naufragés post-Apocalypse de Mad Max 2. On a longtemps craint une pénurie de pétrole, nous voici en pénurie de croissance.
Mais toujours le même ressort, celui de cette marche dynamique et ascensionnelle. Au point qu'à écouter certains, on discerne des accents proto-religieux dans la façon qu'ils ont de prononcer "croissance", évoquant avec respect le nom d'une divinité mystérieuse et sacrée dont on espère l'incarnation.
Je force bien sûr le trait mais constate également que la "croissance" a remplacé le "progrès" dans le discours public, celui qui nous promet un mécanisme extérieur qui nous emporterait collectivement vers un futur meilleur, discours thaumaturge qui nous permet de supporter les maux du moment.
Incantatoire et éloigné du réel ?
O. Kempf
La Direction générale de l’armement a notifié le 17 août 2015 aux chantiers navals Piriou, la réalisation de quatre Bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers destinés à la Marine nationale. La commande porte dans un premier temps sur deux unités, deux autres BSAH doivent être commandés l’an prochain.
En février dernier, lors d’une intervention devant les députés de la commission « Défense », l’amiral Bernard Rogel, le Chef d’État-Major de la Marine nationale (CEMM) déplorait la lenteur du programme BSAH (Bâtiments de Soutien et d’Assistance Hauturiers), lancé en 2006. Le programme initial portait sur huit unités.
Le lundi 17 août 2015, la Direction Générale de l’Armement (DGA) a notifié à Kership, filiale commune à Piriou et à DCNS, le soin de construire quatre BSAH destinés à la Marine nationale, dont deux fermes. Une première commande porte sur deux unités, dont la mise en service pourrait avoir lieu entre 2017 et 2018. Deux autres BSAH, également prévus dans la Loi de Programmation Militaire (LPM), doivent être commandés l’an prochain en vue d’une livraison en 2019. La tête de série sera basée à Toulon, où elle remplacera les bâtiments de soutien de région Gazelle et Taape, opérationnels depuis 1978 et 1983. Les autres BSAH succèderont à Brest aux remorqueurs de haute mer Tenace (1973) et Malabar (1976), ainsi qu’au BSR Élan (1978), positionné à Cherbourg.
Longs de 70,30 mètres pour une largeur de 15,80 mètres et un tirant d’eau de 5 mètres, les BSAH bénéficient d’un design inspiré des navires de services à l’offshore. Ils se verront confier trois types de missions, le soutien d’une force navale (accompagnement d’un groupe aéronaval ou amphibie, intervention auprès d’un sous-marin en escale, remorquage de cibles et d’antennes, etc…), de soutien de région (remorquage d’engins, ancrages, relevages…) et de sauvegarde maritime dans le cadre de l’action de l’État en mer (sauvetage, assistance à la protection des biens, protection de l’environnement, lutte contre les pollutions maritimes…). Pouvant opérer sans ravitaillement pendant trente jours, ils permettront à la Marine nationale de disposer, sur chaque façade maritime de la métropole, d’unités de soutien très polyvalentes et réactives, l’objectif étant que les BSAH puissent intervenir en moins de six heures.
Équipements spécifiques
Après deux ans à la tête de la Force d’Action Navale, le vice-amiral d’escadre Philippe Coindreau a passé la barre au vice-amiral d’escadre Denis Béraud, qui devient le onzième commandant de la FAN. Quant à l’amiral Coindreau, il prend le poste de sous-chef d’état-major « Performance » auprès du chef d’état-major des armées à Paris.
Le mardi 1er septembre 2015, le vice-amiral d’escadre Denis Béraud a pris officiellement le commandement de la Force d’Action Navale (FAN). Il succède au VAE Philippe Coindreau qui dirigeait la FAN depuis le 1er septembre 2013. Denis Béraud était depuis le 2 septembre 2013, le Chef d’État-Major (CEM) de la force d’action navale.
Comme le veut la tradition, l’ancien ALFAN a passé en revue à bord d’une yole, les bâtiments présents à quai, alors que la frégate Courbet effectuait un salut de 17 coups de canon. Puis il a été rejoint par son successeur, passant à son tour les bâtiments en revue avant de se faire rendre les honneurs.
La force d’action navale regroupe l’ensemble de la flotte de surface française qui regroupe 95 bâtiments de surface (dont 41 basés à Brest, 30 à Toulon et 17 Outre-mer), trois groupes de plongeurs démineurs (Méditerranée, Atlantique et Manche – mer du Nord), la flottille amphibie constituée des engins de débarquement employés notamment à partir des BPC, ainsi que le Commandement français de la Force Aéromaritime français de Réaction Rapide (COMFRMARFOR), la Cellule de Plongée Humaine et Intervention Sous la Mer (CEPHISMER), le Centre Opérationnel Météo-Océanographique (COMETOC) et le Centre de support à la Cyber Défense. ALFAN commande, par ailleurs, la Force aéronavale nucléaire (FANU).
Avec un effectif de 12 000 marins, dont 9 600 embarqués, l’amiral commandant la Force d’Action Navale (ALFAN) a pour objectif de mettre à tout moment et en toutes zones, les moyens navals sous son commandement. Ce sont en permanence 30 bâtiments qui sont déployés simultanément, en mission de lutte contre les trafics illicites, contre le terrorisme, en lutte contre la piraterie, en surveillance des approches maritimes, ou encore en mission de police des pêches.
La Force d’Action Navale compte un état-major basé à Toulon et deux antennes implantées à Brest et à Cherbourg.
Le vice-amiral d’escadre Denis Beraud est né à Toulon le 27 janvier 1960. Admis à l’école navale en 1979, il est affecté successivement à l’issue de la Jeanne d’Arc, en tant qu’officier en second, sur le patrouilleur Épée, basé à Mayotte, sur le Bâtiment de Soutien Santé (BSS) Rance, au large du Liban, puis de nouveau comme officier en second sur le Bâtiment Hydrographique (BH) Espérance en Atlantique.
Breveté de l’école de spécialité transmissions en 1985, il embarque sur l’Escorteur d’Escadre (EE) Duperré, puis sur la frégate De Grasse comme chef du service transmissions et officier de manœuvre. Il effectue alors une mission de six mois dans le golfe Persique à la fin du conflit Iran/Irak.
En 1989, il rallie le bureau transmissions de l’état-major du commandant en chef pour l’Atlantique, puis est muté en 1991 sur le porte-avions Clémenceau, qui participe à l’opération BALBUZARD en ex-Yougoslavie.
Il est nommé au commandement du chasseur de mines tripartite Lyre d’août 1993 à février 1995, à bord duquel il participe à de nombreux exercices nationaux et multilatéraux entre l’Espagne et la Grèce ainsi qu’à plusieurs neutralisations d’engins explosifs des deux derniers conflits mondiaux.
Il est promu capitaine de frégate le 1er mai 1995.
En septembre 1995, il rejoint le Collège Interarmées de Défense. Puis assume pendant deux ans la fonction de commandant en second de la frégate de lutte anti-sous-marine Dupleix.
Muté en 1998 comme officier de manœuvre à bord du porte-avions Foch, il participe pendant cinq mois à l’opération TRIDENT au large du Kosovo.
Il commande ensuite la frégate Courbet, de septembre 1999 à janvier 2001, participant notamment à la mission KHOR ANGAR de défense de la république de Djibouti, à l’exercice « Cooperative Partner 2000 », dans la partie occidentale de la mer Noire et la région près de la ville d’Odessa, partenariat pour la paix au sein duquel il assure le commandement d’un groupe multinational de cinq frégates, puis au premier stage d’entraînement intensif d’un navire français au sein du « Flag officer sea training » à Plymouth.
Breveté atomicien en 2001 et promu le 1er septembre de la même année, capitaine de vaisseau, il exerce de l’été 2001 à l’été 2002, les fonctions de chef de la division « emploi des forces aéronavales » du Commandant de la zone maritime Méditerranée. Il y met en place, à la suite des attentats du 11 septembre, le dispositif de contrôle des navires marchands à destination des ports du sud de la France.
En juillet 2002, il est désigné comme commandant en second du porte-avions Charles de Gaulle, à bord duquel il participe à la mission AGAPANTHE en Océan Indien, pendant le premier semestre 2004. Il rallie, à l’issue, Paris en tant qu’auditeur du Centre des Hautes Études Militaires (CHEM) et de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN).
Le 5 août 2005, le capitaine de vaisseau Béraud prend le commandement du porte-avions Charles de Gaulle. Pendant ces deux années de commandement, il effectue deux missions opérationnelles en Océan Indien, en soutien aux forces de la coalition engagées en Afghanistan dans le cadre de la FIAS (Force Internationale d’assistance à la Sécurité), au cours desquelles le groupe aérien embarqué effectue plus de 2 000 heures de vols opérationnels.
De 2007 à 2010, il est affecté à l’état-major de la Marine comme Officier de Cohérence d’Armée – Marine (OCA–Marine). A ce titre, il participe à la rédaction du Livre Blanc de 2008 sur la défense et la sécurité nationale, ainsi qu’aux travaux de RGPP et de loi de programmation militaire 2009-2014.
De 2010 à 2013, promu contre-amiral, il exerce les fonctions d’adjoint territorial auprès du « commandant de la zone, la région et l’arrondissement maritime Méditerranée et préfet maritime de la Méditerranée » et, à compter du 1er janvier 2011, de premier commandant de la base de défense de Toulon, la plus importante de France.
Promu vice-amiral en 2013, il est nommé à compter du 1er septembre de la même année, chef d’état-major de la Force d’action navale qui regroupe tous les bâtiments de surface de la marine.
Par décret du 14 juillet 2014, il est nommé sous-chef d’état-major « soutiens et finances » de l’état-major de la marine à compter du 1er septembre 2014.
Il est élevé aux rangs et appellation de vice-amiral d’escadre le 1er septembre 2015, date à laquelle il a pris le commandement de la Force d’action navale.
Le vice-amiral d’escadre Denis Béraud est commandeur de la légion d’honneur, officier de l’ordre national du mérite et du mérite maritime, titulaire de la médaille commémorative de France avec agrafes ex-Yougoslavie et Afghanistan, de la médaille d’outre-mer avec agrafes Liban et Ormuz et de la médaille de l’OTAN avec agrafes ex-Yougoslavie et Kosovo.
Il est marié et père de quatre enfants.
Le capitaine de vaisseau François Rebour a pris le commandement de la force maritime des fusiliers marins et commandos (ALFUSCO) et le commandement de la marine à Lorient (COMAR Lorient). Il succède au contre-amiral Olivier Coupry qui commandait la FORFUSCO et la Marine à Lorient depuis le 29 août 2012.
Le mardi 25 août 2015, le capitaine de vaisseau François Rebour a pris le commandement de la force maritime des fusiliers marins et commandos (ALFUSCO) et le commandement de la marine à Lorient (COMAR Lorient). Il succède au contre-amiral Olivier Coupry qui commandait la FORFUSCO et la Marine à Lorient depuis le 29 août 2012. Breveté commando et certifié nageur de combat, François Rebour était dernièrement adjoint pour la défense et la sécurité à l’État-major de la Marine.
La cérémonie s’est déroulée sur la base des fusiliers marins et des commandos à Lanester en présence de délégations des 17 unités de la force, des unités de fusiliers marins et de commandos marins, ainsi que de délégations de l’école des fusiliers marins et des autres unités de la Marine à Lorient, notamment de la base aéronavale de Lann-Bihoué. M. Thomas Degos, Préfet du Morbihan, le général de division de Saint-Quentin, Commandant les opérations spéciales, et les maires de Lanester, Caudan, Guidel, Larmor-Plage et Plouhinec étaient également présents ainsi que les chefs de corps du 3e RIMA, du 13e RDP.
Le capitaine de vaisseau François Rebour va commander les 2 300 fusiliers marins et commandos marine, à Lorient. Il aura notamment en charge l’élargissement de périmètre autorisé par 500 recrutements de fusiliers marins en 2015 (et sans doute autant en 2016), et la mise sur pied d’un septième commando pour l’appui aux opérations spéciales (Caos).
Le capitaine de vaisseau François Rebour fait partie de l’élite des commandos marine et des nageurs de combat du commando Hubert, basé à Saint-Mandrier (Var). Entré à l’École navale en 1983, il se spécialise en devenant officier fusilier-marin.
Breveté commando et certifié nageur de combat, il a servi aux commandos Jaubert et Hubert, de même qu’en échange dans les forces spéciales navales américaines.
Il est breveté de l’enseignement militaire supérieur (7ème promotion), ancien auditeur du collège des Hautes Études militaires (60ème promotion), de l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale (63ème promotion), de même que du Collège Européen de Sécurité et de Défense.
Il a servi à bord du bâtiment d’intervention sous-marine Triton, de l’aviso escorteur Amiral Charner et du porte-hélicoptères Jeanne d’Arc.
Il a commandé le commando Hubert et le bâtiment support de nageurs de combat Poseidon.
Comme officier supérieur, sa carrière s’est principalement orientée sur la conception et la conduite des opérations navales et interarmées dans un cadre interministériel et international.
Il a été successivement affecté à l’État-major de la marine (bureau emploi des forces), aux États-Unis (officier de liaison pour la lutte contre la drogue), au Centre Interarmées de Concept et de Doctrine (CICDE), au Centre de planification et de conduite des Opérations Interarmées (CPCO), et à la division internationale de l’État-major des armées.
Il était dernièrement adjoint pour la défense et la sécurité à l’État-major de la Marine.
Le 25 août 2015, le capitaine de vaisseau François Rebour a pris le commandement de la force maritime des fusiliers marins.
François Rebour est marié et père de quatre enfants.
Publié au début de l'année, le Dictionnaire encyclopédique de l'Etat est une Bible. De Diplomatie à Westphalie, d'Etat de droit à Paix, de Biens publics de l'Etat à Sécession ou Vatican, on y trouve énormément de chose pour le juriste (de droit public, en général), le poiltiste, l'internationaliste et donc le géopolitologue.
J'y signe l'article "Guerre" (sous l'angle du politique, sachant qu'un autre article le traite du point de vue du droit).
Chez Berger-Levrault, sous la direction du Pr Mbongo, de F Hervouet et de C. Santulli.
O. Kempf
J'ai publié dans le numéro d'été consacré au "nucléaire militaire", un article un peu théorique sur la sphère stratégique nucléaire (ci-dessous, intro, plan détaillé, conclusion). Sachez que je travaille pas mal sur ces questions de dissuasion en ce moment. On verra ce que ça donnera. Mais je profite de ce court billet pour recommander chaudement le numéro de la RDN, qui est passionnant et extrêmement complet. Il vaut réellement le détour.
L’arme nucléaire apparue au milieu du siècle dernier a profondément structuré les stratégies militaires d’un grand nombre d’Etats, qu’ils en soient dotés ou non. Elle a donné naissance à une « sphère stratégique nucléaire » qui s’articule avec les grandes stratégies mais aussi avec les autres stratégies de milieu (terre, mer, air …). Cette sphère stratégique obéit à un certain nombre de principes, les uns portant sur la dialectique stratégique, les autres sur les capacités, ce qui a entraîné de profondes conséquences sur la mise en œuvre de l’arme.
I La sphère stratégique nucléaire
Je décris cette notion, évoquée dans "Introduction à la cyberstratégie".
II Principes de doctrine stratégique
Le système français repose sur une double série de principes, les uns portant sur la dialectique stratégique, les autres sur les capacités. Quatre principes portent sur la dialectique stratégique : ceux de volonté, d’omni-direction, de continuité et de flou. Trois principes portent sur la capacité stratégique : ceux de crédibilité, de permanence et de suprématie. Ces sept principes ont plusieurs conséquences stratégiques, propres à cette mécanique de la dissuasion.
Conclusion
L’arme nucléaire constitue donc une sphère stratégique autonome. Si elle ne saurait ordonner tous les conflits, elle demeure toutefois structurante au point de profondément affecter l’ensemble de calculs stratégiques. La sphère nucléaire, en tant que sphère stratégique, présente une caractéristique : elle est issue de la maîtrise scientifique de la matière et en cela, elle peut être perçue sous son seul aspect d’innovation technologique. Pourtant, l’essentiel n’est pas là : il est dans le caractère artificiel et anthropogène de cette arme et donc de cette sphère stratégique. Celle-ci, pour la première fois dans l’histoire, n’est pas simplement un milieu naturel qui est dominé par la technologie, elle est une création humaine, un « milieu » artificiel (même si, on l’a compris, le mot milieu est inadapté et justifie qu’on ait adopté celui de sphère stratégique).
Elle présente des caractéristiques propres (les sept principes énoncés) qui emportent de multiples conséquences que nous avons esquissées. Cependant, malgré sa totalité, la sphère nucléaire ne saurait réduire à néant toutes les rivalités de puissance qui trouvent d’autres lieux pour s’exprimer, que ce soit dans d’autres champs (guerre économique, cyber conflictualité) ou d’autres modalités (conflits irréguliers). Mais la sphère nucléaire organise les relations westphaliennes qui demeurent, aujourd’hui, centrales. C’est ce qui assure la pérennité de l’arme et milite pour poursuivre les efforts de mise à niveau afin notamment de maintenir les compétences (dans le domaine nucléaire –arme, vecteur, porteur) plus encore que dans d’autres, quand on abandonne une compétence, il faut trente ans d’efforts pour la récupérer.
Pourtant, les possibilités stratégiques de contournement de la sphère nucléaire semblent se profiler. Au fond, elles reposent sur la négation du caractère absolu de la puissance nucléaire. L’apparition de nouvelles formes de puissance stratégique et technologique est envisageable, mais encore à un horizon encore lointain. D’ici là, l’arme nucléaire est incontournable et il serait inconséquent de renoncer à la maintenir.
Voici un livre que les cuistres ne doivent pas apprécier. Pensez ! un amateur d'histoire qui se mêle d'écrire un livre d'histoire !
Or, sa lecture est non seulement agréable mais très instructive. Elle permet de parcourir les siècles, au prétexte de parcourir les routes de France. J'ai particulièrement apprécié qu'il commence "tôt", c'est-à-dire au VIe siècle avant JC, manière de montrer l'enracinement géographique de longue durée de ce qui deviendra, tardivement, l'hexagone.
Les routes choisies ne sont pas "évidentes" sauf certaines qui tombent sous le sens. Pour la plupart, il s’agit d'itinéraires qui permette à Lorànt Deutsch de parcourir le pays, de long en large. Prétexte à nous rafraîchir la mémoire historique, à visiter les régions de France, à rendre concret, chronologiquement et spatialement, notre histoire partagée.
Voici peut-être le principal reproche que les hautains feront au livre : il est accessible, selon un schéma chronologique classique, où la transversalité est celle du territoire, notion quasiment chauvine.
Moi, ça m'a plu, j'ai appris des tonnes de choses et ce la m'a soufflé quelques réflexions sur la géopolitique de la France (voir mon livre). En fait, une sorte de géohistoire appliquée et joyeuse, populaire et non élitiste. D'ailleurs, le livre a rencontré un succès réel. Mérité, à mon avis.
O. Kempf
Près de quatre mois après son départ des côtes françaises, pour commémorer l’expédition du marquis de La Fayette en Amérique, la réplique exacte de l’Hermione, célèbre frégate du XVIIIème siècle, était de retour à Brest le lundi 10 août 2015 en début d’après-midi.
L’Hermione s’est présentée en fin de matinée à la pointe Saint-Mathieu. Elle a été accueillie au large de Brest par la frégate Latouche-Tréville qui l’a ensuite escortée dans le goulet. Ce navire de la Marine nationale porte le nom du comte Louis-René-Madeleine Le Vassor de Latouche-Tréville, qui commanda l’Hermione de 1779 à 1782 et s’illustra pendant la guerre d’Indépendance des États-Unis. Escortée par une myriade de vieux gréements, dont La Recouvrance, et une nuée de voiliers de plaisanciers, la frégate toutes voiles dehors, est entrée à 13h30 en rade de Brest. À 14 heures, sous un rayon de soleil, les deux frégates ont échangé des coups de canon, puis les lances du remorqueur de haute mer l’Abeille-Bourbon sont entrées en action et ont irisé la rade de milliers de gouttes d’eau. Après avoir ferlé ses voiles, l’Hermione a fait son entrée dans le port de commerce, pour accoster peu avant 15 heures, sous les applaudissements des nombreux spectateurs et les «hourras» lancés par les gabiers vêtus de rouge. Tout l’équipage était massé sur le pont pour saluer la foule.
En 1780, c’est à bord de l’Hermione que le marquis de la Fayette était allé apporter le soutien de la France aux insurgés américains contre l’Angleterre. Copie conforme du trois-mâts, la frégate symbole de l’amitié franco-américaine, avait quitté l’île d’Aix (Charente-Maritime) le 18 avril 2015, en présence du président François Hollande. À New York, l’Hermione était l’invitée d’honneur de la parade nautique organisée à l’occasion de la fête nationale américaine, célébrant l’indépendance du pays le 4 juillet 1776.
Au total, l’aventure aura été rythmée par 18 escales, dont 13 escales américaines. Et 177 personnes y auront participé, 17 marins professionnels et 160 matelots volontaires, embarquant par rotations lors des escales.
L’Hermione fera escale à Brest du 10 au 17 août et à Bordeaux du 20 au 26 août pour ensuite rejoindre son port d’attache à Rochefort en Charente-Maritime le 29 août.
Voici un excellent numéro de la revue Questions Internationales sur La puissance militaire. Numéro double d'été (mai-août 2015) et que je vous conseille vivement d'acquérir pour la plage... 12 euros, c'est donné vu la qualité des articles que j'ai lus. En effet...
...la plupart des auteurs ont fait l'effort d'une réflexion originale, à partir de leurs domaines d'expertise, cela va de soi.
L'introduction (8 pages quand même) de Serge Sur est copieuse est dresse un très bon tour du sujet. J'ai particulièrement apprécié le premier sous-dossier sur "la puissance militaire en mouvement" avec notamment (je note ceux qui m'ont particulièrement frappé) les textes de Christian Malis, Yves Boyer, Michel Goya et Corentin Brustlein. Le deuxième sous-dossier (Quelques acteurs militaires) s'intéresse plus aux déclinaisons de cette puissance militaire, qu'elle soit par milieu (puissance aérienne ou navale) ou géographique (puissance américaine, chinoise, russe). Enfin, la troisième partie évoque la puissance militaire dans l'histoire, heureuse façon de donner quelques aperçus historiques. J'ai notamment rertenu les articles sur Rome (B. Rossignol) et l'empire ottoman (Jean Marcou).
Bref, 200 pages de très bonne tenue qui valent le détour.
O. Kempf
Le 27 juillet 2015, des chasseurs d’épaves d’Ocean X Team auraient trouvé un submersible russe datant de la guerre 14-18, qui aurait sombré en 1916 après une collision près des côtes suédoises. De petite taille, ce vestige de l’Union Soviétique ne mesurerait que 20 mètres de long pour 3,5 mètres de larges.
On ne peut dire si le sous-marin est récent et depuis combien de temps il repose sur les fonds marins, mais les lettres cyrilliques sur la coque indiquent qu’il est russe. Pour le moment, il est impossible de tirer des conclusions sur l’âge de l’épave mais certains spécialistes estiment qu’il peut s’agir d’un sous-marin russe datant de la Première Guerre Mondiale. En attendant, la marine suédoise se veut prudente, cette découverte intervient neuf mois après la traque d’un mystérieux sous-marin dans le pays scandinave, sans pouvoir établir sa nationalité.
À l’époque, la Marine impériale russe mettait en œuvre plusieurs types de sous-marins. Les caractéristiques du submersible découvert par la société Ocean X Team pourraient être ceux des classes Holland Design 27B, Osetr et Som. S’agissant des sous-marins de la classe Holland Design 27B, trois exemplaires furent construits. L’un sombra à Saint-Petersbourg, un second coula en 1915 en mer Blanche tandis que le dernier fut désarmé en 1918. Ceux de type Osetr, furent tous désarmés avant le début de la Premiere Guerre Mondiale, le dernier le sera en 1914. Il s’agirait donc d’un submersible appartenant à la classe Som, dont sept exemplaires furent construits. Quatre de ces sous-marins furent capturés par la marine allemande, deux se sabordèrent à Sébastopol en 1919 et un, celui qui donna le nom à cette série, le Som, coula avec ses dix-huit hommes d’équipage le 10 mai 1916 dans la Baltique après être entré en collision avec l’Angermanland, un bateau à vapeur battant pavillon suédois. Le Som construit en 1904 à Vladivostok (Est de la Russie) intégrera la flotte russe de la mer Baltique en 1915.
Le sous-marin est complètement intact, n’a pas de dégâts visibles sur la coque et les écoutilles sont fermées. L’équipage n’a pas pu s’échapper quand le sous-marin a coulé. Une prochaine expédition avec des plongeurs permettra d’examiner l’épave de plus près pour confirmer cette thèse.
La Vigie, lettre d'analyse stratégique publiée par Jean Dufourcq et Olivier Kempf et paraissant tous les deux mercredis, vous propose son numéro double 21 et 22.
Vous trouverez dans ce numéro daté du 23 juillet 2015 un texte intitulé Quelques suites géopolitiques de l'accord avec l'Iran, un autre sur En finir avec les Livres Blancs, une Lorgnette sur Réagir aux crises.Enfin, pour ce numéro double d'été (prochaine parution prévue pour le 19 août), nous vous présentons en Lectures d'été une sélection d'ouvrages qui nous ont marqués cette année et qui pourraient susciter votre attention pour creuser tel ou tel sujet. Si vous êtes déjà abonné à La Vigie, vous pouvez accéder directement au numéro 21-22 en vous rendant sur cette page. N'oubliez pas de vous connecter afin d'y accéder.
Enfin, pour ceux qui n'auraient pas reçu le courriel signalant le numéro 20 (Conséquences géopoitiques d'un Grexit | Place de l'universel en stratégie), en voici les liens :https://www.lettrevigie.com/?p=831
Vous pouvez également lire les billets publiés en livre accès sur le site :
Suites stratégiques de l'accord avec l'Iran
En finir avec les Livres Blancs
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Jean Dufourcq et Olivier Kempf
Avec une croissance économique stabilisée autour de 5 %, le Vietnam, comme tout pays émergent, cherche à consolider sa position stratégique en se dotant de moyens militaires en adéquation avec ses ressources financières. La situation géopolitique régionale – notamment les rivalités dans les îles Spratleys – tend à favoriser le développement des forces navales. La marine vietnamienne se développe et cherche à prendre une nouvelle place sur l’échiquier du Sud-Est asiatique.
Je profite de ce début d'été pour signaler quelques parutions qui méritent le détour : Vous avez le temps, sur les plages, de les feuilleter et qui sait? de les lire.
HS Sciences et avenir
Très bon numéro hors série. On y parle de cyber, de drones, de soldat du futur, de nucléaire, de robots, 'armes à effet dirigé. J'ai appris plein de trucs. Ils ont eu la gentillesse de me poser des questions et l'article reflète convenablement ce que j'ai pu raconter, mais là n'est pas le plus important : le reste (les autres sujets) est passionnant. D'habitude, je suis rarement conquis : là, c'est réussi.
Conflits n°6
Petit à petit, la revue conflit s'installe comme la revue de géopolitique de référence. Son mérite, réunir tout un tas de professeurs de classes prépa, qui apportent donc de la solidité. Très bon dossier sur l'Iran mais les autres articles sont bien faits.
Guerres et histoire n° 25
Le bimestriel continue sa course. Dernière livraison sur la grande armée, où je vérifie ce que j'avais appris autrefois : une charge se fait au trop, seuls les derniers mètres passant au galop...
Géoéconomie n° 75
Numéro assez divers (Al COustillère, B. Courmont...) dont un dossier sur l'Afrique.
O. Kempf
Ayant participé au sommet de l'intelligence économique, organisé début juin à Chamonix, j'y ai répondu à quelques questions sur la valeur de l'information dans l'entreprise : en deux minutes, les trois strates de la cyberstratégie d'entreprise.
O. Kempf
La revue en ligne Res Militaris, animée par B. Boëne, vient de publier un numéro spécial cybersécurité (Sommaire) avec tout plein d'auteurs (les habituels et plein de nouvelles plumes). J'y signe un article "Marges et marginalités dans le cyberespace" que je vous donne en lecture ci-dessous.
Résumé : Le cyberespace est entré dans toutes les dimensions de nos vies, privées ou publiques : sa centralité devrait donc a priori l'exclure des marges. À cause justement de ce mouvement de fond, la notion de marge se trouve bouleversée. De plus, le cyberespace suscite l'apparition de nouvelles marges et favorise la naissance de mouvements nouveaux et massifs permettant des expressions insoupçonnées, car longtemps restées marginales. En ce sens, le cyberespace serait un révélateur de marginalités destinées à devenir rapidement plus centrales.
Marges et marginalité dans le cyberespace
Le mot “marges” recèle de multiples sens : géographique, social, technique, politique, comportemental... Ces diverses acceptions constituent autant de clefs d’analyse pour comprendre la nature des pratiques sur le cyberespace. Lui qui était à l’origine marginal est devenu désormais un outil central du fonctionnement de nos sociétés. Il n’est plus désormais un aspect de nos vies qui ne soit confronté à cette nouvelle réalité. Le cyberespace est un espace social et comme tel, il pose la question de la permanence des marges anciennes et de leur renouvellement.
Ainsi, après avoir questionné cette notion de marges, le présent article montrera que le cyberespace a permis l’apparition de nouvelles marges – de comportements déviants qui lui sont intrinsèques – avant de permettre, grâce à sa diffusion générale, la naissance de mouvements nouveaux et massifs permettant des expressions insoupçonnées car restées longtemps marginales. En ce sens, le cyberespace serait un révélateur de marginalité.
Questionner les marges
Les marges peuvent être géographiques, sociales ou liées à la mobilité. L’apparition du cyberespace les modifie en profondeur.
Marge géographique
La marge peut d’abord être “géographique”. Elle se rattache à un autre terme, proche, celui de “marches”, qui revêt pourtant une signification politique immédiate. Sont particulièrement éclairants ici les travaux de Michel Foucher,1 qui distingue la frontière linéaire et le front marchant. Aujourd’hui, en effet, nous concevons “naturellement” la frontière comme une ligne séparant deux territoires. Cette perception est toutefois le résultat d’un processus historique né à l’occasion des traités de Westphalie, au 17e siècle. Peu à peu au cours de l’histoire moderne, la frontière s’est rapprochée de ce modèle linéaire au point de devenir, pour beaucoup, la seule façon de la concevoir. Ainsi, la fin du 19e siècle et le 20e siècle virent de nombreuses frontières tracées à travers le monde, selon un processus d’orogénèse dû notamment aux puissances coloniales. Toutefois, ce modèle oublie les marges d’autrefois, frontières larges qui permettait d’avoir des étendues non appropriées, des no man’s lands qui ménageaient des espaces poreux entre territoires.
Ce début de 21e siècle voit la remise en cause de ces frontières linéaires, et l’admission de leur porosité. C’est évident dans le monde réel et le sujet a été abondamment discuté. Il apparaît également dans le cyberespace : tout un courant d’analyse questionne la notion de frontières dans le cyberespace et constate une apparente balkanisation qui passe par l’érection de ces limites.2 Toutefois, celles-ci sont floues et larges. Elles sont structurellement perméables et laissent “de la marge” pour que des acteurs déterminés puissent les franchir. Il s’agit plutôt de nouvelles “marges”, assez profondes pour permettre un certain niveau de sécurité à ceux qui les mettent en place.
Marge sociale
La marge peut aussi être sociale et désigner celui qui est “en marge” de la société. Cette marginalisation peut être choisie pour des motifs philosophiques (Diogène), religieux (moines et ermites) ou en réponse à des aspirations à la liberté (nombre d’“autonomes” motivent ainsi leur mode de vie). Elle peut surtout être subie, à la suite d’accidents de la vie ou pour des raisons économiques ou sociales (SDF et exclus, mais aussi populations migrantes). Force est de constater que ces marginaux n’ont pas une utilisation particulière du cyberespace. Cela ne signifie pas qu’ils en sont totalement absents (les monastères ont des sites Internet ; beaucoup de SDF ont des téléphones portables avec un accès minimal au réseau ; des mouvements politiques radicaux ont des façades sur Internet ; il existe de nombreux cybercafés qui permettent de se connecter au cyberespace), mais l’observateur ne remarque pas une interaction significative entre le cyberespace et ces marginaux “traditionnels”. Celui qui choisit d’être en marge de la vie sociale sera aussi en marge de ses évolutions, fussent-elles cybernétiques.
Marge et mobilité
La mobilité a souvent été un attribut de la marge. Les chemineaux d’autrefois qui parcouraient les campagnes étaient souvent perçus, par les populations enracinées dans la terre, comme des menaces. On y voyait l’étranger, la différence, le danger. Outre ces chemineaux civils, les guerriers de hasard et autres bandes armées ont longtemps été considérés comme des menaces encore plus directes, amenant le danger de la guerre et de la violence sur les biens et les personnes. Enfin, les Roms continuent de nos jours de faire face à l’hostilité de bien des populations, tant ils sont souvent perçus comme des voleurs et des menaces à la sécurité publique. Ainsi, la mobilité est traditionnellement perçue comme l’expression de la marginalité par rapport à un ordre social territorialisé. Avec la mondialisation et le cyberespace, cette perception évolue. Tout le monde devient de plus en plus mobile, et le cyberspace est pour chacun le facilitateur de cette mobilité accrue. Les ordinateurs “portables”, les téléphones “mobiles”, les tablettes et autres
ardoises électroniques, l’accès permanent à ses réseaux sociaux où que l’on soit, constituent autant de signes de l’inversion des perceptions. Là où la mobilité était considérée comme exceptionnelle et potentiellement dangereuse, elle devient une norme partagée par tous. La mobilité n’est plus une marge. Le cyberespace modifie donc la perception traditionnelle des marges. Par ailleurs, il révèle de nouveaux types de marges.
Le cyberespace, facteur d’émergence de nouvelles marges
Le cyberespace a en effet produit de nouveaux types de marginalité.
Technique cyber et marginalité : le hacker
Le cyberespace est un espace artificiel, construit par l’homme et sa technique. La maîtrise de cette technique entraîne des comportements marginaux. Le premier exemple qui vient à l’esprit est celui des hackers, dont le grand public a souvent une perception négative. Ils sont pourtant des spécialistes de la sécurité informatique et leurs intentions ne sont pas systématiquement malignes, loin de là. On les distingue ainsi selon leur “couleur” : les “blancs” sont juste des professionnels qui effectuent des tests d’intrusion au profit de leurs clients, les “gris” n’hésitent pas à entrer dans des systèmes sans y être autorisés, sans forcément avoir de mauvaises intentions (souvent à la recherche de l’exploit informatique qui assoira sa réputation), les “noirs” enfin créent des maliciels et autres dispositifs d’intrusion illicites, pour des motifs personnels (nuire, faire du profit, obtenir des informations sensibles). Ils sont des “pirates informatiques” qui agissent pour leur propre compte, en marge des lois existantes. Hackers gris et plus encore noirs sont donc des marginaux, qui profitent de leur connaissance pointue des systèmes informatiques pour franchir les bornes des entreprises ou organisations qu’ils ciblent. Évoluant en marge de la loi et des règles, ils sont à l’évidence des marginaux d’un nouveau type.
Pourtant, leur marginalisation n’est qu’apparente, car ils sont souvent “réintégrés” dans le monde “normal” au fur et à mesure de la diffusion généralisée du cyberespace, qui est désormais au cœur de nos organisations sociales. Nombre de cyberpirates sont ainsi recrutés par des compagnies tout à fait officielles, même si beaucoup d’autres se mettent en lien avec des réseaux criminels traditionnels. La nature marginale des hackers reste floue.
Assiduité cyber et marginalité sociale
Toutefois, sans aller jusqu’à ces extrémités, le cyberespace favorise l’émergence de nouveaux comportements qui font vite apparaître des catégories neuves de marginaux au sein de la société normale. Le geek est cette personne passionnée par un domaine (science fiction, jeu vidéo, fantastique). Une catégorie particulière de geek est celle du nolife : sa passion devient alors une dépendance qui va jusqu’à constituer un frein à ses relations humaines et sociales. Il sort peu à peu de la société, ne vivant que dans le monde virtuel de sa passion. Force est de constater que ces nolife sont apparus avec le cyberespace : la question n’est pas tellement celle des jeux vidéo mais de leur mise en réseau et donc de la participation à une communauté particulière, inaccessible au commun des mortels. Cet isolement est permis par le cyberespace qui produit donc des cas nouveaux de marginalité. Ces marginaux “habitent” au cœur du cybermonde qu’ils sont en train de construire.
Mais à l’opposé, la non-fréquentation du cyberespace ne devient-elle pas une nouvelle marginalité ? Un individu non connecté n’est-il pas marginal ? Constatons ainsi que cela constitue l’un des critères de recherche des services de renseignement. Ceux-ci observent l’activité numérique d’un individu et paradoxalement, celui qui n’en a pas attire l’attention et devient un suspect potentiel. Cela fait penser aux difficultés rencontrées par les sous-marins nucléaires : ceux-ci ont tellement réussi à réduire leur niveau de bruit que la poche de silence qu’ils créent constitue, dans le bruit de fond sous-marin ambiant, une signature de leur présence. Ainsi se pose la question de l’usage “normal” du cyberespace. Par rapport à sa pratique “moyenne”, les comportements extrêmes (pas d’usage, ou trop d’usage) constituent des marges. Cependant, le comportement “normal” sur le cyberespace évolue lui-même au cours du temps, à mesure du développement rapide du cyberespace. Les marges comporte-mentales évoluent en conséquence.
Marges scientifiques : à la pointe du progrès ?
Ces nouveaux comportements posent un certain nombre de questions entourant leur régulation sociale. Ainsi, le comportement marginal sur le cyberespace peut-il le rester longtemps ? Est-il lié à la notion d’isolement ? Le marginal n’est-il pas le moteur de nouveaux progrès ? C’est ce que clament par exemple nombre de hackers, qui affirment que leur recherche des failles de sécurité permet, au final, d’améliorer la robustesse générale des systèmes informatiques, donc le bien collectif.
Dans cette optique, on peut également s’interroger sur la notion de progrès informatique. L’innovation numérique et technologique peut-elle naître de comportements initialement marginaux ? Le statut de marge a-t-il un rapport avec la topologie de l’Internet (avec ses parties peu ou pas connectées3) ? Doit-on chercher la marge sur le Dark Web ? Dans le cyberespace, quel lien existe-t-il entre marge et audience ? Existe-t-il un hacking “mainstream” et un autre “de marge” ou marginal ? Enfin, la notion de marge a un sens pour le code lui-même : existe-t-il des codes marginaux dans l’ensemble des codes ? Comment en donner une définition ?
Le lecteur l’aura compris, la notion de marge scientifique est cruciale pour comprendre le développement du cyberespace.
Ainsi, la question des marges techniques du cyberespace suscite des questionnements à la fois en termes de régulation sociale et de progrès scientifique.
Apparition de mouvements de “révolte” permis par le cyber : révélation de nouvelles marges
Outre de nouveaux comportements techniques, le cyber permet l’apparition de comportements politiques révélant de nouvelles marges.
Militantisme citoyen en faveur de la régulation politique du Web
Le comportement “politique” vient en premier lieu de mouvements propres au Net (Quadrature du Net, Piratebox, …) et qui interrogent la structuration même du cyberespace. Ces débats posent la question de l’Internet ouvert et libre, de la neutralité du Net, du logiciel libre, de la protection des droits individuels et de la vie privée... Ils sont souvent regroupés sous la thématique de la gouvernance du Net. Celui-ci est alors perçu comme un espace commun de l’Humanité. Y accéder constitue un nouveau droit de l’Homme qui doit être préservé des appétits monopolistiques des grandes compagnies.
Face à ces militants qui défendent les droits individuels, on observe deux types d’acteurs : les États et organisations étatiques ou paraétatiques d’une part, les entreprises d’autre part. La controverse s’est articulée autour de quelques grands sujets : celui de la régulation d’Internet (sommet de l’Union Internationale des Télécommunications à Dubaï en 2012), celui du modèle dit “multi-parties prenantes”, celui de la tutelle de l’ICANN,4 celui enfin de la surveillance généralisée assurée par certains États (cas du scandale PRISM). Cette attitude est donc d’emblée politique et considère le cyberespace comme un espace politique. Toutefois, seuls certains militants promeuvent une telle prise de conscience, fort éloignée de la conscience politique de leurs contemporains. En ce sens, ils sont marginaux comme souvent les militants politiques les plus avancés d’une cause, selon l’idéal-type bien établi de l’avant-garde politique.
“Hacktivisme”
À côté de ces mouvements publics, d’autres militantismes apparaissent avec le cyberespace : il s’agit de ce qu’on a appelé les “hacktivistes” – spécialistes du cyberespace qui utilisent leurs connaissances pour promouvoir un message politique plus ou moins construit, mais portant sur l’organisation sociale du monde et pas simplement du cyberespace. Ils peuvent être plus ou moins organisés : qu’on pense aux exemples de Wikileaks,5 d’Anonymous
ou d’Intercept,6 emblématiques de nouveaux comportements qui veulent établir un lien entre cybermonde et monde social, et servir de truchement révélateur de “scandales politiques”. Toutefois, ces nouveaux mouvements ne sont possibles qu’à partir d’une culture geek d’origine.
Un type particulier d’hacktivisme est apparu il y a quelques années : il s’agit du “hacker patriote”, qui décide de participer à une action de masse dans le cadre d’une conflictualité organisée. L’un des premiers exemples connus est celui de l’agression contre l’Estonie en 2007, à l’occasion de laquelle de nombreux internautes russes participèrent à la surcharge des sites estoniens. Le système s’est répété, de façon organisée et semble-t-il préméditée, lors de la guerre russo-géorgienne en 2008. Désormais, il n’est pas de conflit où les parties ne tentent de mobiliser leurs partisans afin d’influencer l’opinion mondiale (guerre entre Israël et Hezbollah de 2006 au Liban ; conflits successifs entre Israël et le Hamas ; guerre des tweets en Afghanistan, etc.). Le cyberespace permet donc l’apparition de nouveaux comportements politiques, initialement marginaux mais qui deviennent de plus en plus normaux.
Du point de vue géopolitique, le cyberespace peut être instrumentalisé par les terroristes et djihadistes, structurellement marginaux.7 Le cyberespace permet par ailleurs une certaine égalisation des puissances, au moins temporaire. La Syrian Electronic Army peut ainsi faire chuter le cours du Dow Jones,8 un groupuscule iranien casser le système interne de la compagnie pétrolière Aramco pendant six semaines. En fait, le marginal géopolitique obtient une visibilité certaine qu’il n’aurait pas eue auparavant.
Nouveaux mouvements sociopolitiques
Enfin, il y a désormais de nombreux exemples de mouvements politiques “marginaux” qui réussissent à percer grâce au cyber. Outre les grands cas habituellement décrits (révoltes arabes), on observe pléthore de mobilisations réussies et entretenues grâce au cyber, forçant élites et instruments habituels de médiation (médias, partis politiques, syndicats) à répondre à ces nouvelles demandes : Indignados espagnols, “révolte des tentes” israélienne, “printemps érable” québécois, “manif pour tous”, “bonnets rouges” et autres “pigeons”... Il ne s’agit pas simplement de la “guerre de l’information”, mais de nouvelles mobilisations rendues possibles par le cyberespace. Au fond, on voit apparaître des “cyber-révoltes” où le cyber permet de nouvelles formes de mouvements collectifs.
Le cyberespace permet non seulement l’expression d’opinions marginales mais aussi leur diffusion et leur partage, donc leur agrégation, prémisse à de nouvelles mobilisations. Alors que les intermédiations traditionnelles étaient hiérarchisées à partir d’un noyau qui diffusait la ligne politique, le cyberespace favorise des modèles horizontaux où la ligne s’établit par partages successifs. Les marges d’autrefois qui n’avaient pas, ou avaient peu, accès aux moyens d’expression publics réussissent désormais à trouver une audience générale.
Conclusion
Les marges étaient ces anciennes marches, frontières étendues aux confins des empires et permettant de séparer par une bande de terre des territoires souverains. Peu à peu pourtant, la frontière était devenue linéaire. Cette linéarité s’efface depuis peu, grâce notamment au cyberespace qui favorise porosité et flou. Les lignes redeviennent des marges et, expression de la modernité du moment, le cyberespace redonne vie à des pratiques pré-modernes. Les marges qui étaient établies aux limites des comportements sociaux médians sont elles-mêmes modifiées. La mobilité est désormais un attribut partagé par tous, tandis que la pratique du cyberespace devient universelle. Paradoxalement, celui qui s’en abstrait devient marginal tandis que des marges propres au cyberespace surgissent : hackers de tout type ou chercheurs informatiques en sont des exemples.
Le cyberespace est un espace structurellement social. Il permet l’émergence de mouvements politiques marginaux, mais dont la place grandit de plus en plus : aux avant-gardes habituelles s’ajoutent les “hacktivistes”, les hackers patriotes ou de nouvelles cyber-révoltes. La marge d’autrefois trouve une nouvelle centralité. Le cyberespace renouvelle ainsi en profondeur la notion de marges, selon ses multiples acceptions. Non qu’il n’existe plus de marges : simplement, elles s’expriment différemment et surtout évoluent à grande vitesse. Or, la marge d’antan supposait une certaine stabilité, une déviance continue par rapport à une position établie. La marge nouvelle apparaît dès lors non plus comme une séparation ou un extrême, mais comme le front marchant de l’évolution sociale, selon le sens américain du mot frontier, bien mis en évidence par M. Foucher. La frontier marque le point d’où l’on peut avancer et progresser. La cybermarge y ressemble fortement : la marge n’est-elle pas ce qui donne précisément au système “de la marge” (d'ajustement, d'innovation, d'adaptation), en favorisant objectivement sa survie ?
O. Kempf est docteur en science politique, chercheur associé à l’IRIS (Paris), et directeur de publication de la lettre d’analyse stratégique La Vigie (https://www.lettrevigie.com). Il dirige la collection "Cyberstratégie" chez Economica. Derniers ouvrages : Alliances et mésalliances dans le cyberespace (Economica, 2014) et Introduction à la cyberstratégie (Economica, 2015, 2e édition).
Normalement, le patrouilleur hauturier L’Adroit aurait dû être rendu au groupe industriel français DCNS, au terme d’un accord de trois ans passé avec la Marine nationale. Cet accord permettait à la marine française de préparer le projet de bâtiment de surveillance et d’intervention maritime BATSIMAR. L’industriel et le ministère de la Défense ont négocié un nouveau contrat de mise à disposition qui porte jusqu’à l’été 2016.
Après quatre mois d’un déploiement qui l’aura conduit du Canal de Suez au détroit de Gibraltar, en passant par le Cap de Bonne Espérance, le patrouilleur hauturier L’Adroit a accosté le vendredi 3 juillet 2015 au matin à Toulon.
Durant ce déploiement, le patrouilleur a participé à l’opération européenne de lutte contre la piraterie ATALANTE, en conduisant plusieurs opérations de renseignement au large des côtes somaliennes. Le 5 avril 2015, alors que la situation se dégrade sérieusement aux Yémen, le patrouilleur contribue, avec la frégate de type La Fayette, (FLF) Aconit à l’évacuation de ressortissants français depuis le port d’Aden. Ensuite, il participera à la mise en place d’une route d’évacuation entre les ports d’Al-Mokha (Yemen) et de Djibouti en escortant les boutres dans la zone sensible du détroit de Bab-al-Mandeb. À partir du 28 avril 2015, il entame deux semaines de mission de surveillance maritime, de contrôle de pêche illégale et de veille contre l’immigration clandestine le long de la Zone Économique Exclusive (ZEE) française du canal du Mozambique. À cette occasion, l’Adroit participera à plusieurs exercices avec les marines étrangères, notamment en Afrique Centrale et en Afrique de l’Ouest.
Arrivé à Mayotte pour les festivités de Camerone, le patrouilleur quittera Mayotte le samedi 2 mai, pour porter assistance à Serge Girard en panne de dessalinisateur. Serge Girard l’ultrafondeur français, était parti de la Réunion en mars pour deux ans de traversée des espaces maritimes et terrestres. Le 10 mai 2015, victime dans le canal du Mozambique de courants et de vents contraires dans une mer déchaînée et étant dans l’impossibilité de rejoindre la côte africaine, Serge Girard sera secouru par un cargo norvégien.
Au total, ces derniers mois, le patrouilleur Adroit aura parcouru plus de 17 000 nautiques et fait escale dans treize ports différents.
Rédigé pour les élèves de l’École Navale, ce nouveau Traité de navigation s’adresse aussi aux marins, professionnels ou amateurs, ainsi qu’aux industriels. C’est en partenariat avec la prestigieuse École Navale que les éditions Vagnon publient cette bible de plus de 350 pages ! Un traité complet basé sur une reprise du cours de navigation des officiers de la Marine Nationale.
Son auteur Charles Lorieux est officier de marine, il est responsable des questions de navigation et manœuvre au sein de la Force d’Action Navale (FAN), qui regroupe la flotte de surface de la Marine nationale. Il a fondé ce livre sur son expérience maritime variée : neuf navires de guerre, mais aussi quarante années de pratique de la navigation à la voile. De 2008 à 2011, il a enseigné la navigation à l’École Navale.