Après une première flambée épidémique en 2022, la Mpox, aussi appelée « variole du singe », sévit à nouveau, obligeant l’OMS à déclencher une urgence de santé publique de portée internationale de manière à coordonner une coopération internationale. Qu’est-ce que la Mpox et quel est son potentiel épidémique ? Que nous dit la multiplication des zoonoses de nos pratiques ? Le point avec le Dr Anne Sénéquier, co-directrice de l’Observatoire de la santé mondiale de l’IRIS, pour qui la Mpox doit nous faire repenser notre approche sanitaire en la poussant sur une approche intégrée et transversale, propre au concept « One Health/Une santé ».
Qu’est-ce que la Mpox ?
Zoonose émergente, la Moox est provoquée par un virus à ADN du genre orthopoxvirus. Son identification à Copenhague au Danemark en 1958 au sein d’un groupe de singe lui a valu son nom de « variole du singe », une appellation porteuse de fausses informations et à haut risque de stigmatisation, qui a poussé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à en changer le nom pour « MPox » en 2022. Une nécessité d’autant plus pertinente que l’hôte naturel du virus MPox est en fait un rongeur de l’Afrique équatoriale : le rat de Gambie ou écureuils de forêt. À ce jour, le réservoir animal n’est pas encore formellement identifié, mais une analyse de l’ADN du virus a plutôt révélé des passages multiples chez différents animaux forestiers.
La Mpox provoque fièvre, éruptions cutanées au niveau du visage, mains, pieds, corps et régions génitales, ainsi que des maux de tête, des douleurs musculaires, le tout accompagné d’une fatigue importante. Bénigne dans la majorité des cas, on peut voir apparaitre des complications comme des surinfections cutanées ou des septicémies chez les personnes vulnérables (les personnes immunodéprimées, les femmes enceintes et les jeunes enfants).
La maladie peut se transmettre par voie cutanée, le peau à peau (par l’intermédiaire des pustules et croûtes), par voie sexuelle, et de manière indirecte via le contact de literie et/ou linges contaminés. La transmission aéroportée via les gouttelettes respiratoires d’une personne infectée est également possible.
Il existe deux types de virus Mpox : le clade 1 provenant du bassin du fleuve Congo en Afrique centrale est associé à des symptômes plus sévères (taux de mortalité pouvant aller jusqu’à 10%) et au mode de transmissions interhumaines plus efficace ; le clade 2 provenant d’Afrique de l’Ouest, avec un taux de mortalité plus faible (inférieur à 1%) et à la transmission interhumaine moins efficace.
Quel est le potentiel épidémique de la Mpox ?
En 2022, la flambée épidémique était portée par le clade 2b (un variant du clade 2), ce qui a permis, malgré la forte diffusion du virus, de maintenir un taux de létalité inférieur à 1%. Une épidémie qui avait déclenché une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) devant l’émergence de la pathologie dans 110 pays à travers le monde.
Cette année, cependant, le déclenchement de l’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) porte bien sur la Mpox, mais sur un variant du clade 1 baptisé « Clade 1b ». Il est donc porteur d’une mortalité (5 à 10%) et d’une contagiosité supérieure à l’épidémie de 2022.
Détectée pour la première fois en 1970 chez l’humain, la Mpox est endémique (présente de manière constante) en République démocratique du Congo depuis une dizaine d’années. Depuis, le nombre de cas ne cesse d’augmenter chaque année. 2024 a marqué une augmentation de +160% par rapport à 2023, alors que nous ne sommes qu’en milieu d’année avec 15 600 cas et 537 décès.
Le Clade 1b est apparu en septembre 2023 au nord-Est de la RDC près de Goma, une région de gangrenée par les conflits depuis le milieu des années 90. On y trouve de nombreux camps de déplacés dans lequel le virus circule déjà.
Au mois de juillet, 90 cas de « Mpox clade 1b » ont été identifiés dans les 4 pays voisins : le Burundi, le Kenya, le Rwanda et l’Ouganda, tout en sachant que de nombreux autres cas sont probablement passés sous les radars de la détection épidémiologique. L’OMS a en conséquence déclenché l’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) le 14 août dernier.
La déclaration de l’état d’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI), permet de coordonner une coopération internationale afin de limiter l’étendue de l’épidémie le plus rapidement possible. Elle a pour objectif de rassembler les différents acteurs et partenaires (Gavi, Unicef, etc.) pour amplifier la réponse vaccinale, en facilitant administrativement et logistiquement le processus de mobilisation des stocks de vaccination. La vaccination contre la Mpox se fait aujourd’hui avec les stocks de vaccination contre la variole humaine, mais également avec un vaccin spécifique à la Mpox approuvé récemment. Une riposte dont le coût initial est estimé à 15 millions d’US$ par l’OMS.
Des cas viennent d’apparaître sur d’autres continents : un en Suède, un autre au Pakistan. Avec une période d’incubation de 5 à 21 jours, il est fort probable de voir apparaitre d’autres cas dans les jours et semaines à venir.
L’appartenance de la Mpox à la famille des orthopoxvirus est à la fois une chance et une difficulté supplémentaire.
Une chance parce que c’est un virus apparenté à l’« orthopoxvirus variola » (la variole) éradiqué en 1980 par une campagne mondiale de vaccination mené par l’OMS. Par conséquent les personnes ayant été vaccinées dans leur enfance contre la variole sont protégées. Ils bénéficient de ce que l’on appelle une immunité croisée : la vaccination contre la variole protège à 85% contre la Mpox, tout en maintenant un taux de reproduction inférieur à 1, ce qui a permis d’éviter jusqu’en 2022 une épidémie à grande échelle.
Mais c’est également une difficulté parce qu’on ne vaccine plus contre la variole depuis les années 1980 (au moment de son éradication). De fait, les personnes de moins de 40-50 ans ne sont pas vaccinées, ce qui entrave de manière évidente l’immunité collective des populations. Nous nous retrouvons au niveau mondial avec une immunité collective diminuée impliquant un potentiel épidémique augmenté.
C’est ce qui explique, entre autres, le nombre croissant de cas annuels en RDC ces dernières années.
Comment lutter contre la Mpox ? Pourquoi observe-t-on autant de zoonoses ces dernières années ?
La fréquence des épidémies et leur impact dans les populations ne cessent d’augmenter ces dernières années. La Mpox a quitté la lisière des forêts tropicales pour s’étendre d’abord localement, puis jusqu’aux zones urbaines, d’où elles se sont catapultées dans le monde entier.
Depuis 2018, la Mpox s’est exportée depuis le Nigéria (plus grand foyer de population africain) vers le Royaume-Uni, Israël, les États-Unis et Singapour sans être en mesure de donner lieu à des clusters.
En 2022, une première épidémie mondiale avait nécessité de tirer la sonnette d’alarme : déclenchant une USPPI. Entre début 2022 et mi 2023 (fin de l’USPPI), quasi 90 000 cas ont été rapportés dont 147 décès. Nous voilà en 2024 avec un variant plus transmissible et plus virulent, jeté dans notre mondialisation devenue pathogène.
La Mpox est une zoonose, une maladie de la faune sauvage qui a su, à la faveur de l’augmentation des interactions avec l’homme, sauter la barrière de l’espèce.
Cette rencontre du monde sauvage et de notre humanité s’explique par la déforestation massive et la destruction de ces habitats. Un phénomène qui entraîne une perte de biodiversité déstructurant les dynamiques des communautés animales. Le changement d’usage des terres (agriculture dans les forêts à la recherche de terre fertile), l’urbanisation croissante et les conflits aggravent encore les risques de passage de virus de l’animal à l’humain.
Dans le cas de la Mpox, il nous faut superposer à cette dégradation des écosystèmes due aux activités humaines, une diminution de l’immunité croisée par l’arrêt de la vaccination contre la variole suite à son éradication.
On constate ainsi que se protéger des épidémies n’est pas qu’affaire de vaccination et déclaration d’USPPI. Quatre ans seulement après la première pandémie du 21e siècle, la menace que représente la Mpox doit nous faire repenser notre approche sanitaire en la poussant sur une approche intégrée et transversale, propre au concept « One Health/Une santé ». Celui-ci met en évidence les liens qui unissent la santé humaine, la santé animale et la santé planétaire. Nous ne pouvons pas maintenir une bonne santé publique dans un monde aux écosystèmes dégradés.
Pour véritablement nous protéger des zoonoses (sujet récurrent du 21e siècle), il nous faut donc prendre soin de nos écosystèmes : limiter de la déforestation et de l’agriculture intensive en bordure de forêts ; changement d’usage des terres ; stopper l’urbanisation galopante en zone forestière ; limiter les conflits… vœux pieux mais n’oublions pas qu’ils permettent l’émergence et/ou recrudescence de pathologie (Polio, cholera, Mpox, etc.)
Il faut donc changer notre manière de faire, et veiller à ce que cela soit accompagné d’un changement de comportement/consommation qui sous-tend cette dégradation des écosystèmes. Un challenge qui peut paraître insurmontable, mais a-t-on vraiment le choix ?
À la manière du changement climatique qui s’impose à notre devoir de faire, la protection de nos écosystèmes devient tout aussi urgente.
L’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) a été créée en 2005. Déclenchée pour la première fois en 2009, elle a été déclenchée 8 fois en 14 ans, avec une petite tendance à être de plus en plus fréquente : Grippe H1N, avril 2009 (continuant en 2010) ; poliovirus, mai 2014 (encore en cours) ; épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, août 2014 ; Zika, février 2016 ; épidémie d’Ebola en Kivu (RDC), juillet 2019 ; Covid-19, janvier 2020 ; Mpox (variole du singe), juillet 2022 ; nouvelle déclaration du Mpox, août 2024…
L’armée ukrainienne a récemment réalisé une percée significative sur le territoire russe, contrôlant désormais 1200 km² et 92 villages marquant un tournant dans le conflit. Cette avancée met en lumière un changement dans l’attitude ukrainienne avec un président qui semble désormais plus ouvert à des négociations. Cependant, dans un contexte d’épuisement des forces des deux côtés et de réduction de l’aide militaire occidentale, la Russie et l’Ukraine pourront-elles initier des négociations significatives ?
Après une journée de négociations à Doha, les discussions se prolongent pour tenter d’éviter une escalade des conflits au Proche-Orient et espérer un cessez-le-feu à Gaza. La situation reste critique et les négociations difficiles après les frappes israéliennes à Beyrouth et l’assassinat du chef du Hamas Ismaël Haniyeh à Téhéran. Pendant ce temps, la situation humanitaire à Gaza continue à se détériorer, les critiques verbales des pays occidentaux peinent à se traduire en actions concrètes.
Après deux semaines, les Jeux olympiques de Paris 2024 prennent fin. Au delà des victoires des athlètes, ils auront été un véritable succès pour la France et pour Paris, qui a brillé de la cérémonie d’ouverture à la clôture des Jeux hier. Rendez-vous désormais pour les Jeux paralympiques qui s’ouvriront le 28 août.
Une nouvelle étape a été franchie. Après le double assassinat par Israël, les 30 et 31 juillet dernier, du responsable du Hezbollah libanais, Fouad Chokr, à Beyrouth, et du chef politique et ex-négociateur pour le Hamas, Ismaïl Haniyeh, à Téhéran, le monde retient son souffle. Deux exécutions de leaders importants, dans deux capitales symboliques, qui appellent une riposte de grande envergure, promettent l’Iran et le Hezbollah. L’hypothèse d’une attaque coordonnée n’est pas à exclure.
Pour le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, ces attaques étaient-elles un moyen de détourner l’attention de la communauté internationale des bombardements constants, depuis plus de 300 jours, dans la bande de Gaza ? Figuraient-elles une tentative de reprendre l’avantage sur l’« Axe de résistance » dirigé par Téhéran, et allant du Hezbollah libanais aux Houthis yéménites, en passant par les milices chiites afghanes et irakiennes et les milices palestiniennes sunnites ?
Spécialiste des relations internationales et auteur de dizaines d’ouvrages – parmi lesquels une bande-dessinée de vulgarisation, Géostratégix –, Pascal Boniface décrypte pour Jeune Afrique les circonstances de ces attaques ciblées – perçues comme des victoires politiques en Israël – et les risques d’une guerre régionale élargie qu’elles impliquent.
Jeune Afrique : Quel est le message envoyé par Tel Aviv avec le double assassinat du leader du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et du responsable du Hezbollah libanais, Fouad Chokr ?
Benyamin Netanyahou répétait à l’envi que les dirigeants du Hamas sont des « morts debout » et qu’ils paieraient tous le prix des attentats du 7 octobre 2023. Sur le plan de la politique intérieure, c’est un succès. Sauf que, en supprimant le responsable politique du Hamas avec lequel il négociait, le Premier ministre israélien montre qu’il n’a pas pour priorité la libération des otages et qu’il n’est pas prêt à un cessez-le-feu. Si la trêve était décrétée, les deux partis extrémistes qui le soutiennent quitteraient la coalition, ce qui entraînerait la chute de son gouvernement. Or, Netanyahou a choisi de se maintenir au pouvoir coûte que coûte ; faire de la libération des otages une priorité ne lui serait donc pas profitable; ce serait carrément contre-productif.
Est-ce perçu également comme une victoire par les alliés occidentaux de Benyamin Netanyahou ?
C’est comme cela qu’il le présente, puisqu’il a fait disparaître deux ennemis importants. Mais le tout est de savoir s’il n’est pas dans une logique d’escalade. En ce qui concerne le leader du Hezbollah, Américains et Européens avaient suggéré au Premier ministre israélien de ne pas attaquer Beyrouth, capitale d’un pays qui a des liens très forts avec les pays occidentaux. Jusqu’ici, les alliés d’Israël admettaient qu’il frappe le sud du Liban, mais se montraient réticents à des frappes sur Beyrouth. Par cette attaque, Netanyahou a certes éliminé un responsable important du Hezbollah, mais il a surtout agrandi le fossé qu’il y a entre Joe Biden et lui – et probablement Kamala Harris. Une fois de plus, il a choisi de conforter sa coalition gouvernementale, de faire plaisir à ses ministres d’extrême droite, Ben Gvir et Smotrich.
S’agit-il d’un énième calcul politicien de Netanyahou, au détriment des otages et malgré les risques d’un embrasement régional ?
De nombreux responsables politiques et dirigeants des services israéliens de renseignement estiment que le seul but de Netanyahou est de se maintenir au pouvoir, notamment pour ne pas avoir à affronter ses ennuis judiciaires. La poursuite de la guerre le lui permet, et un cessez-le-feu serait pour lui un échec.
À ce jour, Israël n’a toujours pas reconnu être à l’origine de la frappe qui a tué Ismaïl Haniyeh. Comment l’expliquez-vous ?
Les Israéliens ont reconnu être les auteurs d’une attaque, celle de Beyrouth, mais pas de l’autre. Effectivement, on peut se demander s’ils s’abstiennent de revendiquer l’assassinat de Haniyeh pour ne pas admettre ouvertement qu’ils ont renoncé à toute possibilité de négocier la libération des otages. C’est évident : si vous voulez négocier, vous ne tuez pas le négociateur.
Est-ce qu’Israël veut déclencher une guerre régionale qui obligerait Washington à intervenir?
Il y a peut-être une tentative d’Israël d’entraîner l’Iran dans un affrontement avec Washington. Auquel cas, les liens qu’entretient Israël avec les États-Unis et les pays européens seraient renforcées. Parce que l’Iran a un effet repoussoir sur les Occidentaux, qui pourtant commencent à critiquer l’action d’Israël à Gaza – même s’ils n’exercent pas de réelles pressions sur Netanyahou. Si, comme on l’a vu le mois dernier, l’Iran s’en prenait directement à Israël, tous les pays occidentaux assureraient Tel Aviv de leur solidarité.
Le secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, ne s’est pas exprimé sur l’attaque ayant coûté la vie à Fouad Chokr, à Beyrouth. Washington aurait-il approuvé l’élimination du chef du Hezbollah qu’elle tient pour responsable de la mort, en 1983, de 240 marines américains ?
C’est dur à déterminer. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que les Français et les Américains, qui ont payé un lourd tribut à des attentats menés par Fouad Chokr, ne vont pas pleurer sa disparition. Mais c’est plutôt l’escalade en tant que telle qui est inquiétante.
Ismaïl Haniyeh était à Téhéran pour la cérémonie d’investiture du nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian. Cette attaque ne représente-t-elle pas un échec cuisant des services iraniens ?
On parle d’un leader important d’un mouvement allié, qui a été reçu par le Guide suprême, et qui s’est rendu en Iran pour l’intronisation du nouveau président. Le fait qu’il soit tué chez eux, représente une faille sécuritaire importante et un camouflet pour les services iraniens. Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’Israël tue à Téhéran. Ils ont éliminé ainsi de nombreux responsables du programme atomique iranien. En outre, ce que l’on peut noter, c’est qu’ils ont choisi de supprimer Haniyeh à Téhéran et pas à Doha, où il était peut-être plus facile de l’avoir. Israël, quelles que soient ses positions officielles, n’a donc pas voulu perturber ses relations avec le Qatar.
Quelles conséquences pourraient avoir la mort d’Ismaïl Haniyeh sur le fonctionnement du Hamas ?
Le Hamas a perdu une pièce essentielle, son leader politique. Premier ministre palestinien de mars 2006 à juin 2014, il a été l’homme de tous les contacts et rendez-vous internationaux. Mais, même si Haniyeh et Chokr [pour le Hezbollah] étaient importants, ce n’est pas en supprimant les dirigeants d’une organisation qu’on l’élimine. On y met fin lorsqu’elle n’a plus de base sociale, lorsqu’elle n’a plus de soutien. Ce qui est loin d’être le cas du Hamas.
À quel type de riposte faut-il s’attendre de la part des Iraniens ?
Les Iraniens n’ont pas vraiment les capacités d’attaquer Israël. Ils le savent très bien. Et ils savent aussi que s’ils le faisaient, ils auraient un bloc occidental face à eux. Après le bombardement de leur bâtiment consulaire à Damas, ils avaient affirmé qu’ils ne resteraient pas sans réaction. Mais avant de passer à l’acte, ils ont prévenu et ont fait en sorte qu’il n’y ait pas de morts israéliens. Évidemment, ils avaient noté que les pays occidentaux, qui n’avaient pas critiqué le bombardement visant leur infrastructure, avaient immédiatement condamné les tirs de leurs drones et missiles sur Israël. Si les Iraniens attaquaient directement, Ils rendraient ainsi service à Netanyahou. Il serait donc plus avisé de leur part de s’appuyer sur leurs alliés de « l’Axe de résistance ».
Une attaque coordonnée de l’ensemble des membres de cet « Axe de résistance » serait-elle imaginable ? Quel est le degré d’influence de l’Iran sur ses « proxies » ?
Certes, ces mouvements sont liés à l’Iran, qui peut les aider à s’armer. Mais ils ont aussi leurs propres ambitions et leurs propres leaders ; les Iraniens ne les dirigent pas. Ce ne sont pas de simples marionnettes. Reste à voir ce que fera le Hezbollah, qui peut intensifier ses frappes. Dans tous les cas, les limites de l’acceptable disparaissent petit à petit, et on se rapproche chaque jour un peu plus du gouffre.
Quelle analyse faites-vous de ce qu’il se passe sur le terrain ? Comment se portent les troupes ?
Israël n’est pas affaibli militairement et a toujours la main. Mais après dix mois de guerre, il ne l’a pas encore gagnée. Ce qui montre les limites des solutions militaires aux problèmes politiques.
Dans l’éventualité d’une victoire de Kamala Harris à la présidentielle américaine de novembre prochain, peut-on imaginer la nouvelle locataire de la Maison-Blanche moins conciliante avec Israël que ne l’est Joe Biden? Lors d’une visite de Netanyahou à Washington, en juillet dernier, elle n’avait pas hésité à faire pression pour parvenir à un accord de cessez-le-feu.
Oui, certainement. Elle n’est pas de la même génération que Biden. Elle vient d’un État, la Californie, qui est beaucoup plus ouvert, et, donc, qui n’a pas le classicisme de la politique américaine. Bien sûr, elle ne couperait pas les liens avec Israël. Mais elle serait plus exigeante que Biden qui, pour l’instant, n’a fait que protester. Benyamin Netanyahou n’a suivi aucun de ses conseils, ni aucune de ses propositions.
Cela fait 10 mois que la population gazaouie est soumise aux bombardements intenses de l’armée israélienne. Les systèmes sociaux et sanitaires sont compléments détruits et le bilan humain ne cesse de s’accroître : The Lancet évoque même près de 186 000 morts dans le conflit à Gaza. Si les attentats du 7 octobre sont inqualifiables et doivent être condamnés, rien ne justifie la réponse disproportionnée orchestrée par Benjamin Netanyahou, une réponse qui ne porte pas ses fruits puisque le Hamas n’a pas été éradiqué et tous les otages n’ont pas été libérés. Face à l’enfer que vivent les civils gazaouis, il est impossible de se taire sur le va-tout militaire de Benjamin Netanyahou qui mène tout droit à l’embrasement général. L’analyse de Pascal Boniface
Alors qu’il venait de rencontrer le Guide suprême Ali Khamenei à Téhéran, Ismaël Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas, a été tué dans la capitale iranienne par une frappe ciblée, imputée aux services israéliens. Quelques jours après l’assassinat du numéro 2 du Hezbollah libanais, Fouad Chokr, l’armée israélienne peut se targuer d’avoir fait tomber une nouvelle tête d’un dirigeant impliqué dans les attentats du 7 octobre. Malgré les réticences de Washington et le risque d’expansion du conflit, c’est une politique offensive et militaire que Benjamin Netanyahou et son gouvernement continuent de mener après bientôt 11 mois de bombardements dans la bande de Gaza. En revanche, par ce va-tout belliqueux, Benjamin Netanyahou prend également le risque de couper court à toutes possibilités de négociations pour libérer les otages encore détenus par le Hamas.
L’analyse de Pascal Boniface
Dans une lettre adressée au Roi du Maroc Mohammed VI et rendue publique par l’Élysée ce mardi, Emmanuel Macron a fait part du soutien de la France au plan marocain d’autonomie du Sahara établi en 2007, « la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies » selon les mots du président français. Si Stéphane Séjourné, ministre des Affaires étrangères, avait annoncé le cap en évoquant le « caractère existentiel » de la question sahraouie pour le Maroc en février dernier, la lettre du président Emmanuel Macron marque un véritable tournant diplomatique dans la position française sur le conflit. Ainsi, si la France se montre ostensiblement en faveur de Rabat et entend entamer un nouveau chapitre des relations avec le Maroc, tout porte à croire que s’ouvre une nouvelle période de tensions avec l’Algérie voisine.
L’analyse de Pascal Boniface.
Dernière ligne droite avant l’élection présidentielle vénézuélienne. Le 28 juillet prochain, les vénézuéliens sont appelés aux urnes pour élire leur nouveau président. Dans un contexte de crise sociale, politique et économique très élevé, l’élection du nouveau président vénézuélien constitue un enjeu majeur pour la région et pour les relations avec les États-Unis. Les craintes de fraudes ou de non reconnaissance des résultats de l’élection sont également élevées, d’autant plus que le mano à mano entre Nicolas Maduro et Edmundo González se poursuit dans les sondages. Quels sont les éléments importants à retenir dans cette fin de campagne vénézuélienne ? Quels sont les enjeux régionaux et internationaux de cette élection ? Christophe Ventura, directeur de recherche à l’IRIS et responsable du Programme Amérique latine/Caraïbe, analyse le contexte politique et électoral au Venezuela quelques jours avant l’élection présidentielle.
Les performances sportives indiennes n’ont pas vraiment marqué les précédentes éditions des Jeux olympiques. Déconsidérée par l’État, associée à la pauvreté, et fortement impactée par le système des castes, la pratique du sport en Inde – et notamment de haut niveau – est défavorisée par ce contexte. En dépit de cela, l’Inde se porte candidate pour organiser les Jeux olympiques de 2036. Narendra Modi l’avait signifié à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de la 141e Session du Comité international olympique (CIO) à Mumbai en octobre 2023, soulignant l’enthousiasme national « à l’idée d’organiser des Jeux olympiques. » Le pays souhaite ainsi s’affirmer sur la scène sportive internationale, notamment afin de concurrencer son voisin chinois, qui brille aux JO. Pour ce faire, l’Inde devra fournir des efforts considérables, à commencer par l’établissement d’un système de détection de jeunes talents.
L’analyse de Pascal Boniface.
À l’aune des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, Lukas Aubin, directeur de recherche à l’IRIS, responsable du programme Sport et géopolitique, vous propose un rendez-vous régulier pour étudier les enjeux géopolitiques du sport. Dans ce seizième épisode, Lukas Aubin explique comment les États fantômes ou États non reconnus par l’ONU utilisent le sport afin d’influencer, de rayonner ou tout simplement de faire connaître leur existence. Il est fréquent que les institutions sportives supranationales, comme la FIFA ou le CIO, marquent une différence entre géographie sportive et géographie politique. Ainsi, pour les États fantômes, le sport constitue alors un moyen de cimenter l’identité nationale et un premier pas dans leur quête d’affirmation sur la scène mondiale. Conséquemment, le sport moderne est parfois l’avant-garde de la création des États-nations. À travers des exemples concrets, Lukas Aubin évoque le lien fort entre sport, nation et reconnaissance internationale.
Amable Sablon du Corail est responsable du Département du Moyen Âge et de l’Ancien Régime aux Archives nationales. Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de son livre « Louis XI : ou le joueur inquiet » aux éditions Alpha Histoire.
1/Mauvais fils, mauvais frère, mauvais époux, mauvais père… Vous faites un portrait assez sévère de Louis XI…
En effet, la personnalité de Louis XI est fort peu engageante. La soif de puissance se manifeste chez lui dès son adolescence et ne le quittera plus — une inclination que l’on trouve plus souvent chez un cadet, voire un parvenu, que chez un homme naturellement appelé à régner, comme c’était le cas de Louis XI, fils aîné de Charles VII. À seize ans, il participe à une révolte armée contre son père et sur son lit de mort, il planifie encore l’invasion de la Bretagne, et maintient son fils de treize ans sous une tutelle étroite. Son père a eu le mauvais goût de vivre trop longtemps, son frère de demander un apanage conforme à son rang, ses cousins des maisons princières de vouloir être associés aux affaires, sa femme de ne pas lui donner de descendants mâles robustes. Comme souvent chez les autocrates, sa crainte permanente du complot est autoréalisatrice, car ses adversaires n’ont pas d’autres choix pour survivre que d’en ourdir. Et pourtant, l’homme ne manque pas de charisme ; il sait séduire, par sa vivacité d’esprit, sa finesse psychologique, son ironie cruelle et son sens de la formule. S’il n’a pas d’amis, il est entouré d’un petit cercle de serviteurs très dévoués, pour la plupart issus de la moyenne noblesse, en qui il a une confiance absolue et auxquels il délègue de très larges pouvoirs.
2/Loin d’un pouvoir absolu, il doit sans cesse passer des compromis aussi bien avec ses alliés que ses rivaux…
L’absolutisme de la monarchie française est en germe depuis le XIIIe siècle. Il ne s’agit pas là d’un projet spécifiquement capétien. La plupart des monarques européens sont flanqués de juristes pétris de droit romain qui proclament la supériorité du pouvoir royal. Les rois de France ont mieux réussi que les autres à traduire dans les faits cette aspiration à concentrer toute la souveraineté dans leur seule personne. Cependant, il faut en effet mesurer toute la fragilité de cet État royal, dont les moyens de coercition sont dérisoires. Pour assurer l’ordre intérieur, dans un royaume d’une quinzaine de millions d’habitants, Louis XI ne dispose que de quelques milliers de sergents royaux, munis d’un bâton fleurdelysé, et d’une armée permanente de moins de 10 000 hommes. L’encadrement policier et militaire est donc 15 à 20 fois inférieur à ce qu’il est aujourd’hui !
Dans ces conditions, les rois de France doivent gouverner par consensus, d’autant plus qu’avec l’effacement des États généraux, dès la fin du XIVe siècle, l’échange politique entre le souverain et ses sujets tend à se réduire aux intrigues de cour et aux révoltes. Louis XI l’a appris à ses dépens au début de son règne : pour avoir heurté de front les intérêts de la quasi-totalité des princes, après avoir disgracié l’ensemble des conseillers et des grands administrateurs de son père, il a dû affronter un soulèvement de très grande ampleur, la Ligue du Bien public, en 1465. Vaincu, Louis XI a dû renouer avec les fondamentaux de la politique de ses prédécesseurs — voire de la politique tout court : ménager les puissants, conclure un pacte implicite avec les élites. La noblesse bénéficie des retombées de la toute nouvelle fiscalité royale, à la cour et dans l’armée – la seule armée permanente d’Europe –, tandis que les grandes villes bénéficient de larges privilèges fiscaux, commerciaux et judiciaires. Il faut également ménager un savant équilibre entre les grandes maisons princières, distribuer avec habileté et équité les pensions, les charges et les honneurs. De cela dépendra la paix intérieure en France jusqu’au règne de Louis XIV inclus.
3/L’agrandissement du territoire du royaume est-il son plus grand succès ?
Sans aucun doute ! Semblable en cela à la plupart des princes de son temps, Louis XI a fait de la « dilatation du royaume » son principal objectif politique, pour ne pas dire le seul. Il y a de ce point de vue un écart majeur avec les attentes de l’opinion éclairée (gens de savoir, légistes, théologiens, officiers du roi, bourgeoisie urbaine, noblesse) et l’idéologie dominante, obsédée par le « bon gouvernement », le « bien commun » ou le « commun profit ». Un royaume bien gouverné est un royaume en paix, dirigé par un monarque gouvernant par conseil, par « mûre et sûre délibération », avec les princes du sang et les grands seigneurs, soutiens naturels de la Couronne : à peu près l’exact contraire de ce qu’a fait Louis XI.
La « dilatation du royaume » s’opère aux dépens des grands princes, qu’ils soient français ou étrangers, que leurs possessions soient situées à l’intérieur ou à l’extérieur du royaume. Louis XI a ainsi annexé le Maine, l’Anjou, la Provence, la Bourgogne, la Picardie, et, provisoirement, le Barrois, la Franche-Comté, l’Artois, le Roussillon et bien d’autres territoires.
Son bilan intérieur est plus mitigé, ou, pour mieux dire, plus clivant. Les uns ont célébré, et continuent de le faire, l’accélération du développement de l’État en France, perçu comme un progrès, préalable nécessaire à une plus grande égalité entre les personnes. Les autres ont déploré la pratique solitaire du pouvoir de Louis XI, son autoritarisme et son arbitraire judiciaire, dont les fameuses cages de fer et quelques exécutions spectaculaires ont perpétué le souvenir dans la mémoire collective.
4/Assez frugal, toujours en déplacement dans le royaume, il semble se tenir à l’écart des plaisirs, du luxe et du faste…
On oublie trop souvent que ce roi a d’abord été formé à la très rude école de la guerre de Cent Ans. Rien n’est plus faux que cette image de roi diplomate prémachiavélien qui lui colle à la peau depuis si longtemps. Louis XI est d’abord un roi-soldat, qu’on devrait rapprocher plus volontiers d’un Henri IV ou d’un Frédéric II de Prusse que des princes italiens de la Renaissance. Son mode de vie, comme sa pratique du gouvernement, en découlent : ses nombreux déplacements, son amour de la nature, des animaux, de la chasse… et un assez net penchant pour les repas bien arrosés et bien fournis, avec des hommes partageant les mêmes goûts. Son rejet absolu de la vie de cour et de ses divertissements raffinés le singularise parmi les souverains de son temps. Il ne faudrait cependant pas en faire un homme austère, refusant le luxe ou les plaisirs de la vie. Le coût de l’hôtel de Louis XI dépasse très largement celui de la cour des ducs de Bourgogne, si brillante et si fastueuse pourtant !
Cet article est également disponible sur le blog de Pascal Boniface et Médiapart.
Il n’est un secret pour personne à Washington que Joe Biden, après s’être accroché à sa candidature comme une moule à son rocher, a négocié avec peu de dignité son retrait de la course à la Maison-Blanche. C’est-à-dire accepter de s’en retirer et de soutenir Kamala Harris en échange de la garantie que personne ne le pousserait à quitter le Bureau ovale d’ici janvier.
Le 46e président des États-Unis, qui avait promis de ne pas se présenter à un second mandat, n’aurait jamais dû en premier lieu être encouragé par le parti démocrate à concourir aux primaires. On parle quand même d’un homme qui, il y a quelques années déjà, introduisait devant les caméras du monde entier, sa petite-fille en la présentant comme son fils Beau, décédé depuis un bon moment. Dans une démocratie saine, Joe Biden ne devrait tout simplement plus être en fonction depuis longtemps.
Malheureusement, la république américaine est souffrante. Cela aussi est un secret de Polichinelle. Il y a du Brejnev chez Biden quand on sait son état de santé. Du Eltsine surtout, quand on connaît son entourage, qui s’est cramponné au pouvoir et l’a isolé depuis plus d’un an des réalités politiques.
Mais bon, dorénavant tout cela est du passé, et the show must go on.
Kamala Harris a toutes les qualités pour être présidente. Que ce soit comme sénatrice ou comme procureure générale de Californie, elle a su faire preuve à plusieurs occasions d’une ténacité et d’un courage exemplaires ainsi que d’un vrai sens politique. Qualités pas si courantes au sein de l’establishment washingtonien. Aujourd’hui, elle paraît faire l’union autour d’elle. Même si c’est en trainant la patte, les ténors démocrates l’ont en grande partie rejointe, la plupart de ses principaux rivaux potentiels, Gavin Newsom et Josh Shapiro, respectivement gouverneurs de Californie et de Pennsylvanie, en tête ont annoncé qu’ils ne se présenteraient pas… Les planètes semblent donc s’aligner. Les délégués officialiseront probablement leur soutien début août et la convention démocrate de Chicago, qui suivra de peu, devrait être une simple formalité. Le bain de sang d’une guerre fratricide entre démocrates, qui aurait été catastrophique, nous étant ainsi épargné. Et aux grincheux qui diront qu’Harris n’aura aucune légitimité en tant que nominée puisqu’elle n’aura pas obtenu sa nomination à la suite d’une sélection, il suffira de répondre qu’elle a remporté les primaires aux côtés de Joe Biden.
Le problème n’est pas là. Il tient à la perception que le peuple américain, dans sa majorité, a de sa personne et de son action depuis près de quatre ans.
Biden et son entourage immédiat n’ont jamais pu encadrer Harris. Les violentes et souvent justifiées attaques de celle-ci durant la campagne des primaires de 2020 à l’encontre de l’ancien vice-président de Barack Obama ont laissé de profondes cicatrices. Depuis, Biden ne s’est jamais vraiment pardonné d’avoir cédé aux pressions de ceux qui l’avaient poussé à prendre l’élue californienne comme colistière. Le mot d’ordre a donc été pendant longtemps de faire payer « celle qui n’a été choisie que parce qu’issue des minorités » en l’éloignant des centres de décisions et en l’isolant le plus possible sur la scène politique intérieure, d’où l’image d’amateurisme qui lui colle injustement à la peau. On se serait presque cru revenu au temps où John Kennedy, jaloux, marginalisait son vice-président Lyndon B. Johnson, pourtant destiné à devenir le dernier grand président américain – du moins pour ce qui est de la politique intérieure.
La bonne gestion de la crise sanitaire par Harris à partir de janvier 2021, comme ses succès dans la lutte contre le réchauffement climatique sur la scène intérieure ou son rôle central dans les discussions sur les infrastructures et les programmes sociaux sont passés inaperçus. Reste l’échec de la politique d’immigration de Biden dont on la rend injustement responsable pour y avoir été impliquée sans y être décisionnaire.
Le premier défi de la très probable candidate du parti démocrate à l’élection de novembre va donc être de se faire connaître pour ce qu’elle est vraiment, c’est-à-dire une femme de talents et d’envergure. Et connaissant le peu d’enthousiasme de la part de ses petits camarades du parti de l’âne à la soutenir réellement, ainsi que la puissance de feu des républicains, le pari n’est pas gagné d’avance.
Entre certains de ses « amis » qui ont déjà fait une croix sur l’élection à venir et se préparent pour 2028, et des adversaires prêts à tout pour revenir au pouvoir, Kamala Harris va devoir mener non seulement la campagne la plus courte de l’histoire récente des États-Unis, mais aussi la plus difficile.
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Romuald Sciora dirige l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’IRIS, où il est chercheur associé. Essayiste et politologue franco-américain, il est l’auteur de nombreux ouvrages, articles et documentaires et intervient régulièrement dans les médias internationaux afin de commenter l’actualité. Il vit à New York.
In view of the explosion in the AI chip market, the shortage of Nvidia GPUs and their exorbitant prices, many American, European and Taiwanese companies dream of overtaking Jensen Huang’s company. Nvidia’s hegemony is set to endure, given the excellence of its GPUs for AI and the software empire it has built around them. However, there is room for alternative designers and manufacturers. Rémi Bourgeot is an Economist, Engineer, and Associate Fellow at IRIS. Estelle Prin is the Founder of The Semiconductors Observatory.
Beyond investors’ focus on Nvidia’s AI chip empire, tentative alternatives are beginning to take shape. Various credible options are emerging to push back the limits of existing chips. However, Nvidia’s competitors, whether Big Tech giants or cutting-edge start-ups, are faced not only with the technical supremacy of Jensen Huang’s company, but also with the closed environment it has developed around Cuda, its proprietary platform.
Its market capitalization has exploded to around $3,000 billion, making Nvidia the third most valuable American company in the world… Since January 2023, its share price has jumped by almost 450 %. Sales for the last quarter of 2023 reached $22.6 billion, compared with $6 billion for the same period the previous year. As fanciful as Nvidia’s share price may seem, it is in line with the company’s near-monopolistic business reality.
Nvidia rides the AI wave
The company controls between 70 % and 95 % of the design of the various AI chips, positioning itself at the forefront of the current boom. It is crushing competition from AMD, Qualcomm, Amazon and Google. Some Big Tech companies have started designing their own chips for their data centers, in line with the AI boom. But this is a recent phenomenon compared to the long experience of a pure design company like Nvidia.
The latter owes its success primarily to its decade-long focus on AI, the result of a visionary gamble. Parallel computing on GPUs has proven to be well-suited to the countless linear algebra operations that underlie the training of giant neural networks. This resolute reorientation towards AI was not an obvious choice for a company originally specializing in GPUs for video games.
Nvidia also benefits from another major asset: Cuda, its software platform, which enables customers to adapt their own AI models very quickly using the company’s chips. Huang describes Cuda as the operating system (OS) of AI. Owned by Nvidia, it makes customers captive. Developed since 2007 and constantly upgraded, this software platform is now used by the majority of AI model developers worldwide. Cuda has become an international standard.
Emerging alternatives
Alternative approaches to Cuda are emerging. The Triton platform was launched by OpenAI in 2021. Meta, Google and Microsoft are contributing. Intel and AMD are also investing in it to bypass the Nvidia ecosystem.
Given the explosion of the AI chip design market, the shortage of Nvidia chips and their exorbitant prices, many North American, European and Taiwanese companies are dreaming of dethroning the company headed by Jensen Huang. In addition to the efforts of Intel, AMD and giants like Microsoft, Meta and Amazon in the AI cloud, start-ups are demonstrating their boundless creativity.
In California, Cerebras and Groq are developing alternative architectures to increase chip speed at lower cost. The aim of these rival companies is to surpass the efficiency of Nvidia chips, with architectures that are more efficient, less expensive… and consume less energy. For example, Cerebras is developing large chips rather than stacking GPUs, in order to reduce latency.
Nvidia’s hegemony is set to continue, given the excellence of its AI GPUs and the software empire it has built around Cuda to exploit them. However, the demand and interest from investors and Big Tech is such that alternative designers and manufacturers of AI chips can exist. It’s a matter of betting on original, even disruptive approaches, focusing on chip efficiency, as well as availability and price.
This article was originally published by Les Echos in French.
L’étau se resserre autour de l’élection présidentielle américaine du 5 novembre 2024. Alors que Donald Trump se montre triomphant à la suite de sa tentative d’assassinat, côté démocrate, Barack Obama a demandé à ce que Joe Biden, en mal de popularité, se retire. Cela pourrait être le cas dans les prochaines semaines, d’autant plus qu’arrive, au mois d’août, la convention démocrate à Chicago. Elle sera un moment clé qui déterminera le ou la vice-présidente de la ou du candidat du camp démocrate qui sera officiellement investi à l’issue de cette convention.
Le point de vue de Pascal Boniface.