(B2 à Vienne) L’opération de lutte contre les trafics en Méditerranée, mise en place en juin 2015, n’a plus tellement la cote à Rome. Et Paris n’est pas prêt à mourir pour la sauver. Survivra-t-elle à l’hiver ? Les ministres de la Défense, doivent en discuter lors de leur réunion informelle à Vienne aujourd’hui
(crédit : marine portugaise)
Le gouvernement italien a coincé la review de l’opération EUNAVFOR Med / Sophia en introduisant une condition : l’Italie n’acceptera plus de façon automatique d’accueillir des migrants et réfugiés recueillis par les navires européens. Elle milite pour mettre en place un dispositif de coordination et de répartition des personnes secourues en mer.
Une condition de l’existence de l’opération
En retirant cette autorisation, le gouvernement de Rome sait fortement qu’il met en péril l’opération. La prise en charge par l’Italie des personnes (migrants ou demandeurs d’asile) secourues en mer à l’occasion des patrouilles était une condition précise posée par plusieurs pays européens dès le début de l’opération Sophia (EUNAVFOR Med) au printemps 2015, pour fournir des moyens navals de l’opération. Aucun pays ne voulait, en fait, se retrouver obligé de devoir accueillir des personnes qu’il aurait recueilli à bord. Le Royaume-Uni notamment en avait fait une condition sine qua non expresse, la France et l’Allemagne également.
La génération de force future compliquée
Rome sait fort bien qu’il va compliquer les futures générations de force. Mais il semble n’en avoir cure. L’affaire du Diciotti est, à cet égard, très parlante. Au-delà du message intérieur, le ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini a voulu envoyer un message à ses alliés européens : même pour nos propres navires, il n’y aura plus d’accueil automatique. Inutile donc de chercher une issue similaire dans les autres dossiers.
Une opération mal aimée par le gouvernement
Ce n’est plus un secret pour personne. L’opération Sophia n’a plus vraiment la cote en Italie. Même si le ministre italien des Affaires étrangères, Enzo Moavero Milanesi, s’en défend : « l’Italie reconnaît la contribution fondamentale de la mission « Sophia » à la lutte contre la traite des êtres humains et est disponible pour une éventuelle extension de ses tâches », affirme-t-il dans un message envoyé à la veille des réunions informelles de Vienne des ministres de la Défense et des Affaires étrangères. Elle cumule aux yeux du nouveau gouvernement italien certains vices de conception. Son principal tort est d’avoir été voulue par le gouvernement précédent et mise en œuvre par la Haute représentante de l’UE (tous du parti démocrate, l’ennemi juré du mouvement 5 étoiles). Mais ce n’est pas le seul : cette opération a été conçue à un moment, en 2015, où le sauvetage des vies en mer (après plusieurs naufrages) était conçu comme l’affichage d’une valeur européenne. Même si l’objectif formel de Sophia n’est pas le secours en mer, c’est une partie de la raison d’être de celle-ci. Et plusieurs pays (Allemagne, Irlande notamment) ne communiquent sur cette opération qu’à travers cet élément. Il faut être clair : cette opération n’aurait sans doute pas vu le jour sans cet aspect.
Si Rome veut tuer l’opération, la France ne la défendra pas
Dans une note diplomatique interne, révélée par l’Express, la ministre chargée de l’Europe, Nathalie Loiseau, estime que l’opération Sophia, est une « mauvaise réponse à de vrais défis ». Elle constitue surtout un « outil efficace de sauvetage des vies humaines de migrants en perdition ». Une raison qui justifie que Matteo Salvini voit aujourd’hui Sophia « avec méfiance », explique-t-on au Quai d’Orsay. « Nous devons lui laisser supporter le coût moral d’un arrêt éventuel de l’opération (créée à la demande de l’Italie) » en résistant à l’envie de sauver « à tout prix » un instrument qui n’est pas adapté. Pour Paris, le travail contre les passeurs est insuffisant, l’idée serait plutôt de mettre en place une « conférence internationale sur la lutte contre le trafic d’êtres humains ».
(Nicolas Gros-Verheyde)
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Je participerai au prochain forum économique de Kryniça, en Pologne, du 4 au 6 septembre prochain. Cet événement qui devient le Munich de l'Europe de l'est prend chaque année plus d’ampleur (3000 participants en 2016).
J'interviendrai à la table ronde : Federalisation of Europe - Is It Possible?
Présidée par Slawomir Debski, Director, Polish Institute of International Affairs, Poland, elle réunira :
Aler en Europe de l'est, rencontrer à la fois la défiance envers la Russie (que j'avais beaucoup ressentie il y a trois ans, lors de ma première venue) et peut-être la défiance envers l'UE, voilà qui va être intéressant.
O. Kempf
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Voici un billet que j'avais écrit en février 2016 et jamais publié. Il est intéressant parfois de relire ses textes publiés autrefois, mais ce n'est pas mal non plus de publier des textes écrits autrefois. Source
Régulièrement, les stratégistes débattent de concepts qui marquent le moment. Il y a ainsi des centres d’intérêt qui se succèdent. On pourrait y voir une mode mais il s’agit plutôt de thèmes structurant la discussion, toujours relié, d’une façon ou d’une autre, à l’actualité. Ce lien entre recherche théorique et réalités du terrain n’est pas critiquable pour une science humaine qui ne peut s’adonner à l’expérimentation empirique.
Théoriser le réel est logiquement le quotidien de telles spéculations, cherchant à comprendre les nouvelles façons de faire la guerre (or, celle-ci ne disparaissant pas, elle ne cesse de muter et d’appeler de nouvelles interprétations, sans même parler des évolutions technologiques) mais aussi à proposer de nouvelles pistes pour obtenir l’avantage.
Nous eûmes ainsi la révolution dans les affaires militaires puis la contre-insurrection. Ces temps-ci, on débat plutôt de guerre hybride ou d’A2/AD (anti access/area denial) pour décrire qui les actions russes en Ukraine, qui les poussées chinoises en mer de Chine (et désormais, les avancées maritimes russes en Baltique, mer Noire voire méditerranée orientale). Par ailleurs, chacun note une « fatigue expéditionnaire » notant que l’Irak, l’Afghanistan ou même la Libye n’ont pas donné satisfaction aux Occidentaux. Chacun de ces trois exemples pourrait bien sûr être nuancé mais force est de constater la conséquence politique de ces expériences : le moindre engagement opérationnel à l’extérieur, hormis quelques interventions aériennes ou maritimes, comme celles menées par la coalition contre l’EI en Irak et Syrie ou l’opération maritime anti-piraterie au large de la Somalie.
D’une certaine façon, cela constitue le trait dominant de la posture stratégique de Barack Obama, dont j’ai proposé une interprétation dans un article sur « l’indirection de la guerre ». Tout se passe au fond comme si le président américain avait conclu à l’inefficacité de l’outil militaire, hormis quelques frappes indirectes. Car l’expédition s’entend, dans l’esprit commun, comme l’envoi de troupes au sol afin de contrôler un territoire (et donc de favoriser un effet politique). C’est d’ailleurs cet axiome qui préside à l’approche américaine en Syrie à l’automne 2015. Devant l’arrivée de troupes russes à Lattaquié puis le développement d’un soutien appuyé aux forces syriennes, le gouvernement américain a probablement parié sur l’enlisement russe dans la zone, un nouvel Afghanistan qui avait laissé des souvenirs douloureux tant aux Américains qu’aux Russes. Autrement dit, pour Washington, cet engagement russe en Syrie était une bonne nouvelle puisqu’il allait engluer l’armée russe dans un bourbier sans fin.
Hors, ce n’est pas ce qui s’est passé, bien au contraire. L’armée russe a apporté bien sûr quelques moyens lourds, et notamment une suprématie aérienne massive, précise et destructrice. Elle a aussi donné quelques moyens terrestres (canons mais aussi chars). Elle a surtout apporté une capacité de C2, c’est-à-dire de planifier et d’exécuter des opérations combinées, dans la durée, donnant donc une tonalité systématique à une guerre qui était, de part et d’autres, brouillonne et insurrectionnelle, fondée sur des milices s’affrontant ici et là sans réel plan d’ensemble.
Au résultat, l’engagement russe compterait 5000 hommes et ne coûterait pas si cher, pas assez en tout cas pour saigner des finances russes par ailleurs contraintes. Autrement dit, à moindre coût, l’expédition russe peut tenir. Elle peut surtout gagner. Après une première phase de la campagne qui a été stabilisante, puis quelques grignotages ici et là, de plus en plus conséquents (voir la reprise des confins de la province de Lattaquié), elle a opéré une percée décisive au nord d’Alep qui constitue probablement le tournant stratégique de la guerre. Désormais, les forces syriennes semblent en mesure de l’emporter, réduisant d’abord l’opposition modérée (Alpe, Deraa), puis réduisant les islamistes autour d’Idlib avant enfin de se tourner contre l’EI.
Bien d’autres facteurs expliquent ce succès et nous y reviendrons quelque jour. Il reste que la supposition de Barrack Obama s’avère erronée : le modèle expéditionnaire en tant que tel n’est pas condamné, l’outil militaire réussit encore à produire des effets politiques. Il y faut certes des conditions et une volonté, mais démonstration est faite que l’emploi de la force armée n’est pas, n’en déplaise aux sceptiques, condamné à l’échec. En revanche, cela invalide certainement un certain modèle de guerre expéditionnaire. Constatons que si les Américains échouent, les Russes (ou les Français au Mali) réussissent quant à eux à y trouver des succès.
O. Kempf
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