(B2) 82 voix contre, 29 voix pour et 1 abstention, le vote en commissions du Parlement européen jeudi rejetant la candidate française Sylvie Goulard est sans appel. Retours sur les raisons d’un échec
Inutile de se voiler la face. C’est un échec. C’est la première fois que la France voit un de ses candidats rejetés. Un échec sérieux pour l’intéressée elle-même, pour la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen mais, surtout, pour Emmanuel Macron. Chacun a une part de responsabilité dans cette tragédie politique.
La première raison : la campagne électorale offensive d’Emmanuel Macron
La volonté affirmée du leader de La République en marche de casser le jeu politique européen habituel, et notamment de fracturer le principal parti, les chrétiens-démocrates du PPE (dont font partie Les Républicains), a été perçue par les intéressés comme une véritable déclaration de guerre. Cet épisode est parfois oublié dans l’inventaire des raisons qui justifient une certaine rancœur contre Emmanuel Macron, mais il ne doit pas être négligé. Car c’est de là que tout part.
Le président français voulait, lors des élections, réitérer au plan européen son coup génial réussi en France lors de l’élection présidentielle : casser les partis traditionnels et prendre le leadership européen. Il n’a pas vraiment réussi, même si le groupe centriste-libéral a réussi une certaine percée. Sa tentative de débauchage dans les rangs des ‘populaires’, comme de jouer de l’effet Orban comme d’un repoussoir pour diviser le parti, a échoué, mais elle a laissé des traces. Le parti l’a perçu comme une menace existentielle.
L’éviction de László Trócsányi, le commissaire désigné par Viktor Orbán, membre du parti populaire européen, est venue comme une goutte d’eau. Les PPE avaient prévenu qu’ils en ferraient un test de la bonne volonté de coopération des centristes. « S’ils [les libéraux centristes du groupe Renew] envoient bouler le candidat du Fidesz, nous répliquerons » m’avait confié, avant même le début des auditions, un eurodéputé du PPE. Sentiment confirmé en termes plus ronds mais tout aussi fermes, par un autre.
Deuxième raison : le sentiment d’une exception française
Nombre d’eurodéputés se sont interrogés pourquoi les deux commissaires, roumain et hongrois avaient vu leur candidature rejetée pour conflit d’intérêt, mais pas la commissaire française. Un ‘double poids, double mesures’ qui a heurté, à gauche, chez les Verts, mais aussi à droite, et surtout dans les rangs des pays de l’Est. Résultat, avant même l’audition, dans les couloirs se formait une coalition, improbable, allant de la gauche aux nationalistes de droite, en passant par les Verts, les Socialistes et les démocrates-chrétiens, pour être très dure avec la candidate française.
Troisième raison : la largeur du portfolio confiée à la Française
Placer le marché intérieur, l’industrie et les PME, la défense et l’espace, le numérique et l’audiovisuel… sous la responsabilité d’une seule personne avait une certaine logique politique. Mais cela a été perçu comme trop important et un cadeau fait à la France. Sylvie Goulard avait trois directions générales (les ministères de la Commission) sous sa coupe. « Il faudrait un hercules féminin pour gérer tout cela » persifle l’Allemand de la CDU, Christian Ehler un rien envieux. « C’est une charge de travail impressionnante que vous avez » ironise la sociale-démocrate croate Biljana Borzan.
Quatrième raison : avoir sous-estimé l’exigence de la morale
Nombre de députés n’ont pas compris pourquoi la Française, sous la menace d’une enquête pour les assistants parlementaires du Modem, avait préféré démissionner de son poste de ministre de la Défense, mais refusait de prendre le même engagement au niveau européen. Invoquer ‘la présomption d’innocence’ à tout bout de champ, et la différence entre la situation au niveau européen et une coutume installée en France, a davantage irrité que convaincu. « Les même normes élevées devraient valoir aux niveaux européen comme national » remarque la Danoise chrétienne-démocrate Pernille Weiss, suivie par nombre de Nordiques, pour qui on ne peut badiner avec certaines choses. « Je ne comprends pas que ce qui vous empêche d’être ministre en France ne vous empêche pas d’être commissaire » tâcle la sociale-démocrate allemande Evelyne Gebhardt.
Quant à son travail effectué pour l’Institut Berggruen, un think-tank d’un homme d’affaires germano-américain, quand elle était députée, la défense de la Française était assez faible. Invoquer le fait que ce cumul était légal, qu’il ne s’agissait pas d’un contrat de salarié mais « de consultance », ou que le tout visait un objectif très européen, n’a pas convaincu. L’ampleur des sommes en jeu, le manque d’information sur le travail réellement effectué, et surtout le manque de regrets de la commissaire ont achevé de semer le doute. Chacun avait vraiment l’impression que l’homme d’affaires avait ‘acheté’ le carnet d’adresses de l’ancienne eurodéputée.
Cinquième raison : le persiflage à la française
Attendue au tournant, Sylvie Goulard n’a pas cherché à être humble. Au contraire. Elle s’est permise de faire des commentaires acerbes sur les uns. « Vous aussi vous avez une activité d’avocat » a-t-elle lancé à un eurodéputé qui l’accrochait un peu trop. Sa seule justification du salaire reçu de l’Institut Berggruen — « c’est une somme élevée mais elles correspond aux conditions pour ce genre de consultations internationales » — manifestait une très haute estime d’elle-même. Son leitmotiv « J’ai déjà répondu à cette question » répété à plusieurs reprises, d’une voix lasse, a été pris (à juste titre) comme la volonté de faire la leçon. Ce petit jeu teinté d’arrogance et de mépris a été mal perçu dans l’hémicycle. « Elle était déjà comme çà quand elle était eurodéputée et elle s’est attirée de sacrées inimitiés » témoigne un ancien du Parlement.
Sixième raison : des pressions
Exercées sur certains membres de l’assemblée directement par l’équipe de la Chancelière Merkel et de la présidente de la Commission, Ursula Von Der Leyen, comme du côté socialiste, les pressions qui, habituellement, marchent n’ont pas eu l’effet escompté. Dans un mouvement de rébellion collectif, le Parlement a voulu montrer son indépendance, refusant de se laisser dicter la loi, comme cela avait été le cas au dernier Conseil européen de juillet, où les Chefs avaient décidé d’outrepasser le système des Spitzenkandidaten (têtes de listes) pour imposer leur candidat.
Dernière raison : la volonté de contrôle du Parlement européen
Cet acte s’inscrit dans un mouvement continu, transpartisan, du Parlement européen dans le processus de nomination de la Commission européenne. Un mouvement qui s’est construit par étapes, pour imposer un vote de confiance sur le président de la et sur la Commission toute entière, des auditions véritables épreuves de confirmation pour chacun des commissaires individuellement, et enfin un contrôle préalable des conflits d’intérêts (lire article à suivre). En éjectant une commissaire française, sur ce motif essentiellement, le Parlement engrange une étape de plus.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Version revue et complétée de l’article paru dans Sud-Ouest vendredi 11 octobre
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(© NGV / B2)Son échec tient principalement à deux raisons
L’une est proprement politique et tient à l’ambiance au Parlement européen ces derniers jours. La Française a fait l’objet d’une volonté convergente de la plupart des groupes politiques mécontents de s’être fait ‘bouler’ leurs candidats (la Roumaine pour le S&D, le Hongrois pour le PPE, le Polonais pour les Conservateurs) de ‘prendre des otages’ dans l’autre camp, ou peu satisfaits du ‘deux poids – deux mesures’ dans l’examen des conflits d’intérêt la commission JURI (affaires juridiques). Il y avait aussi, en arrière de ce sentiment, la volonté d’infliger une certaine gifle au grand manitou de l’Europe, Emmanuel Macron.
Mais l’autre raison est plus personnelle et plus inquiétante en soi. La personnalité de l’habituée des couloirs européens, son caractère persiflant, sa suffisance ont provoqué un manque de confiance, voire une défiance ou une hostilité inégalée. Ses réponses étaient vagues sur le fond, qu’il s’agisse des conflits d’intérêts, ou du fond de ses dossiers en charge. Notamment en matière de défense, elle a fait des faux pas impardonnables (surtout une ancienne ministre de la Défense), ne donnant pas les gages attendus du Parlement européen, notamment sur l’égalité d’accès au Fonds.
En refusant d’endosser la ‘doctrine Bieńkowska’ (l’actuelle commissaire à l’Industrie’) elle s’est prêtée à une seconde question sur le sujet lors des questions écrites. En voulant moucher à tour de bras tel ou tel député, jusqu’à l’Allemande, Evelyne Gebhardt, son ancienne compère du temps de la négociation de la directive ‘services’, elle s’est prêtée à un petit jeu qui est élégant lors des dîners en ville, mais n’a aucune place au Parlement européen.
En ne disant pas rapidement ce qu’elle voulait faire pour ‘purger’ sa participation à l’institut Berggruen, think tank dirigé par un homme d’affaires germano-américain, elle a prêté le flanc à toutes les critiques. À juste titre. En politique, on ne peut à tout bout de champ prétendre que c’est ‘légal’ et que ‘tout le monde le fait’. Ce n’est plus à la hauteur des exigences, attendues aujourd’hui, des commissaires européens.
Lors de sa seconde audition, l’ancienne ministre française de la Défense devra faire preuve d’un peu plus de souplesse et d’humilité pour pouvoir convaincre. La balle est dans son camp.
(NGV)
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