(B2) Deux bombardiers russes supersoniques, de type Tupolev TU-160 « Blackjack », ont provoqué le décollage, tour à tour de plusieurs aviations de chasse européennes, lundi (15 janvier).
Un ordre du CAOC… les F-16 belges décollent
Ces deux avions évoluaient dans l’espace aérien international en mer du nord, au large des côtes néerlandaises, sans s’être signalés au préalable (comme le veut la procédure). Le CAOC (Combined Air Operations Centre), le centre de coordination des opérations aériennes de l’OTAN, basé à Uedem (Allemagne), a alors donné l’ordre de les intercepter. Les bombardiers russes ont d’abord été interceptés par des F-16 belges au nord des Pays-Bas (1). Les F-16 ont « décollé à 11h21 de la base de Florennes ». Une demi-heure plus tard, exactement « à 11h51, les pilotes avaient établi un premier contact visuel à 9000 mètres d’altitude avec les appareils russes » explique-t-on côté belge.
… avant un relais par la chasse britannique
Ils ont été escortés ensuite jusqu’à ce que deux Typhoons britanniques, qui avaient décollé de la base de la Royal Air Force de Lossiemouth, prennent le relais. Ils évoluaient « sans avoir échangé avec le contrôlé aérien. Ce qui les rendait dangereux pour toutes les autres compagnies aériennes. [Mais à] aucun moment les bombardiers russes n’ont pénétré dans l’espace aérien souverain du Royaume-Uni » confirme-t-on du côté britannique. Les deux Tupolev ont ensuite été escortés jusqu’au nord, hors de la zone d’intérêt britannique. « Les menaces auxquelles notre pays fait face s’intensifient et nous n’hésiterons pas à défendre notre ciel contre les actes d’agression » a déclaré, un rien martial le ministre de la Défense Gavin Williamson, dans un communiqué.
(NGV)
(1) Les F-16 Belges et Néerlandais assurent à tour de rôle la Quick Reaction Alert (QRA) pour les trois pays du Benelux, prêts à décoller en permanence afin de réagir en urgence à tout incident aérien. Les centres de commandement de combat de Glons et de Nieuw-Milligen surveillent respectivement de jour comme de nuit les secteurs belgo-luxembourgeois et néerlandais.
(B2) Le quatrième critère de Copenhague sur l’élargissement de l’Union européenne à de nouveaux pays est souvent oublié, ou mis de côté. Une erreur…
« La capacité d’intégration de l’Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l’élan d’intégration européenne constitue également un élément important répondant à l’intérêt général aussi bien de l’UE que des pays candidats ». Cette phrase fait suite – dans le texte – à l’énoncé des trois critères fixés par le Conseil européen de Copenhague (1993) pour l’adhésion de nouveaux États membres (1).
Elargir en tenant compte de la capacité d’intégration
En résumé, ce “quatrième critère de Copenhague” implique que toute décision d’élargissement doit être appréciée non seulement en fonction du respect des critères imposés aux candidats – mais aussi au regard de la capacité propre d’intégration de l’UE. La Commission a d’ailleurs précisé en 2006 : « L’adhésion d’un nouvel État doit être compatible avec le fonctionnement efficace des Institutions et des procédures décisionnelles de l’Union et ne pas remettre en cause les politiques communes et leur financement. »
Le quatrième critère de Copenhague a été largement ignoré/contourné dans le passé – et il semble devoir continuer à l’être lors des prochaines vagues d’adhésion.
Le risque de grossir sans réformer n’est pas à négliger
1. les risques de dysfonctionnement du Conseil (2), de la Commission (3), de la Cour de Justice (4) voire du Parlement au-delà d’un certain nombre de membres ;
2. la capacité de financement par l’UE des politiques communes (notamment les politiques de “cohésion”) face aux besoins de nouveaux États peu développés ;
3. la capacité physique des nouveaux États à satisfaire aux exigences de certaines politiques communes (Euro, environnement, concurrence, énergie,…) sans en freiner le développement ;
4. l’accroissement de la diversité politique, économique, sociale, culturelle, linguistique, … entre les États ;
5. la multiplication du nombre des “petits” États qui doivent être traités de manière égale avec les “grands” ;
6. la perte de repères géographiques et culturels de l’opinion (“Quelles sont les frontières de l’Europe”) et l’affaiblissement consécutif de l’ « affectio societatis” européen ;
7. l’accroissement du risque de dissensions inter-étatiques et de désordres intra-étatiques ;
8. le freinage de la réalisation progressive de l’Union politique, notamment sur les plans de la diplomatie et de la défense ;
9. le respect des “valeurs” fixées par l’article 2 du Traité ;
10. l’impact géo-politique des élargissements vis à vis des puissances limitrophes (Russie) ;
11. le risque de fragmentation interne de l’UE en blocs géographiques (O/E, N/S) ou en cercles (olympiques ou concentriques), etc.
À l’heure où la Commission et le Conseil viennent de sonner la fin de la “pause” du processus d’élargissement (5) et s’apprêtent à le reprendre en fanfare avec les six États des Balkans (voire, à plus long terme, avec trois ou quatre États du « partenariat oriental ») – il serait peut-être temps temps de prendre plus sérieusement en compte le 4ème critère de Copenhague. Et surtout de “consulter” l’opinion sur l’opportunité de cette deuxième vague d’élargissement. L’exercice des consultations démocratiques voulues par le président français Emmanuel Macron devrait en être l’occasion.
Les dirigeants des Institutions et des États ne devraient pas oublier que tout nouvel élargissement devra être approuvé par référendum dans plusieurs des États membres.
L’histoire enseigne que l’éclatement des empires est souvent causé par leur extension démesurée qui provoque une perte d’unité et de contrôle de l’ensemble. Où se situe – pour l’Union en tant qu’ “empire » politico-économique – le point de rupture “le pont trop loin” ? La question mérite au moins d’être posée.
(Jean-Guy Giraud)
(1) l’article 49 TUE prévoit que ces critères « sont pris en compte par le Conseil européen »
(2) notamment la difficulté de parvenir à l’unanimité imposée au sein du Conseil européen et, pour les décisions les plus importantes, au sein du Conseil.
(3) le principe d’un Commissaire par État membre a été maintenu par le Conseil européen en dépit des stipulations du Traité de Lisbonne (article 17§5)
(4) Par décision du Conseil, le nombre des juges du Tribunal (au sein de la Cour de Justice) a déjà été porté à … 56
(5) pause décrétée jusqu’en 2019 par le président Juncker au début de son mandat – mais qui n’a nullement freiné les négociations en cours au niveau des services.
(B2) C’est une information débusquée par mon collègue allemand Thomas Wiegold. La police de la route allemande a bloqué, mercredi (10 janvier), un convoi militaire transportant plusieurs engins blindés US. Un exemple type pour illustrer la problématique de la difficulté de mobilité des moyens militaires en Europe, explique-t-il sur son site Augengeradeaus.
Lors d’un contrôle sur un transport exceptionnel sur la A4, qui était sur l’aire de repos de Oberlausitz Nord (entre Dresde et Görlitz, la frontière polonaise), la police de la circulation (sans doute averti par quelques automobilistes mécontents) a stoppé un convoi de plusieurs poids lourds ramenant, pour le compte de l’armée américaine, six canons automoteurs de type M109, de Pologne (*).
Le récit fait par la police du Land de Saxe vaut son pesant d’or… Le contrôle des policiers s’est avéré très positif. Il relève même d’un vrai festival en matière de manquement à la circulation des poids lourds, puisqu’au moins quatre chefs d’infractions ont été relevés par les policiers. 1° les semi-remorques utilisées par la société étaient tous inappropriés. 2° Les documents et les dispenses nécessaires manquaient. 3° La charge était trop large et, surtout, beaucoup trop lourde, jusqu’à 16 tonnes. En « surcharge » selon la police. 4° certains des routiers avaient dépassé leurs temps de conduite et de repos.
Après avoir dressé cette « longue liste » de PV, les pandores ont « interdit la poursuite du voyage jusqu’à ce que les véhicules appropriés soient disponibles, les autorisations nécessaires et toutes les conditions requises ». La direction du Land « va s’occuper de l’affaire » dorénavant. Et des « amendes appropriées seront infligées aux chauffeurs routiers et aux routiers concernés ».
Commentaire : cette aventure pose la question du transport des biens militaires. D’une part, les forces armées qui transitent sur les routes « civiles » se doivent de respecter toutes les règles du code de la route (et doivent le faire respecter à leurs cocontractants), notamment les temps de repos. D’autre part, dans quelle mesure ces règles ne peuvent-elles pas être aménagées pour les convois militaires, dans certaines circonstances. Quid du contrôle… C’est tout l’enjeu du projet de « mobilité militaire » que mènent actuellement de concert la Commission européenne, l’Agence européenne de défense, les États membres (dans un des projets menés au titre de la Coopération structurée permanente) et l’OTAN.
(NGV)
(*) Et non des chars comme improprement appelés dans une première version)
Lire aussi :
L’Union européenne et la paix, L’invention d’un modèle européen de gestion des conflits sous la direction de Anne Bazin, Charles Tenenbaum, Coll. Relations Internationales, SciencePo, Les Presses, 2017
Le livre intitulé „L’Union européenne et la paix. L’invention d’un modèle européen de gestion des conflits” est un travail collectif de dix auteurs sous la rédaction d’Anne Bazin et Charles Tetenbaum. Les deux co-auteurs sont des maitres de conférence en science politique a Sciences Po Lille et les chercheurs au Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS, Université de Lille 2).
Anne Bazin dans sa recherche se concentre autour des questions liées a la politique étrangère de l’UE. Charles Tenenbaum s’interesse à la thématique des médiations internationales et résolution des conflits et de multilatéralisme.
Ce livre d’une manière scientifique et méthodique dessine une analyse approfondie et détaillée de la politique de la construction de la paix par l’UE après la guerre froide. Cet Union qui, en 2012 reçoit le prix Nobel de la Paix.
Il démontre quelles sont les logiques politiques et les changements dynamiques institutionnels qui accompagnent dans le temps la création et l’évolution d’un modèle européen de gestion des crises.
L’Union européenne apparait comme un acteur majeur de la paix et de la résolution des conflits au coté des autres organisations internationales comme Organisation des Nations Unis et Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe.
La structure du livre, accompagnée par une introduction d’Anne Bazin et de Charles Tenenbaum se compose de deux partis et se compose de 9 chapitres. Dans la première partie nous trouvons les propos théorique, concernant la création et le fonctionnement des politiques de la gestion des crises de l’UE. La deuxième partie décrit les exemples concrets d’implémentation des différents instruments et de stratégies de la politique étrangère et de sécurité: le Proche Orient, la Somalie et le Caucase afin de mieux démontrer les initiatives de la paix de l’UE dans le terrain.
Chaque chapitre est écrit par un autre chercheur venant des différents universités, pas seulement européens (Science Po Lille, Science Po Grenoble, Cardiff University, Université Hebraique de Jerusalem, College d’Europe de Bruges, Université d’Amsterdam).
Dans l’introduction les auteurs souhaitent souligner l’importance de comprendre l’évolution institutionnelle et politique de la gestion des crises made in Europe. Le premier chapitre démontre l’évolution institutionnelle des mécanismes européens dans une perspective historique et sociologique. Dans le deuxième chapitre les auteurs présentent les acteurs majeurs et les pratiques d’implantation de l paix par les institutions de l’UE. Dans le troisième chapitre l’auteur décrit les actions menées par l’Union a cote des autres institutions internationales qui s’activent dans le domaine des missions pacifiques et de gestion de crise. Dans le quatrième chapitre nous avons une analyse de la manière de laquelle sont analysées les programmes de démocratisation dans la stratégique globale de la politique de l’Union notamment la gestion de crise. Chapitre cinq présente une chronologie très détaillée de la création de la politique extérieure de l’UE. Il se divise en quatre parties:
- l'évolution normative,
- la mise en place de la politique de gestion de crises de l’UE,
- le niveau institutionnel,
- les exemples des missions de paix menées par l’Union (Croatie, Bosnie, Kosovo; Afghanistan, Libye; Tchétchénie, Georgie, Ukraine).
Le chapitre six présente l’évolution de médiation comme un des instruments pacifique de la gestion de crise par l’UE. Les trois derniers chapitres décrivent les exemples exacts de l’engagement de lUE dans la construction et du maintien de la paix dans le monde : le conflit Israélo-Palestinien, la Somalie et le Caucase.
Cet ouvrage présente des normes, des pratiques ainsi que des acteurs de l’UE selon une démarche de sociologie des relations internationales:
- les enquêtes sociologiques approfondies,
- les entretiens avec des praticiens, des experts et des diplomates qui participent dans ce processus directement.
Les auteurs soulignent que l’UE développe depuis la fin de la guerre froide les divers instruments de sa politique étrangère:
◦ la gestion des crises,
◦ la prévention,
◦ la médiation,
◦ la réconciliation,
◦ la démocratisation,
◦ des droits de l’homme.
En effet, elle souhaite avoir un rôle majeur dans la pacification des zones de conflit dans le monde.
Les auteurs souhaitent montrer comment grâce aux divers outils de la sociologie et de la science politique, la politique étrangère de l’UE et ses actions extérieurs évoluent. Ils mettent l’accent sur les stratégies alternatives de résolution des conflits développés par l’UE au cours des années.
Il convient de souligner que l’UE et sa politique étrangère sont montrées dans une optique multilatérale, internationale, en comparaison aux autres organisations intergouvernementales, universelles ou régionales qui possèdent déjà depuis plus longtemps les instruments de gestion des crises. En effet, toutes ses organisations participent dans l’organisation du monde.
L’histoire de la politique extérieure de l’UE est animé par l’objectif de mettre les Européens a contribution dans la résolution des conflits. En effet, selon les auteurs, l’UE souhaite devenir conflict manager global.
De la lecture de ce lire découle deux conclusions :
1. la diplomatie européenne sur le niveau régional et mondial reste historiquement liée à la pacification des conflits grâce aux plusieurs modèles de médiations : le soutien financier aux ONG, des expertises externes, le soutien des partenaires,
2. la faiblesse, l’incohérence des moyens entretenus et le manque d’un soutien politique mènent à une baisse d’influence progressive à l’échelle mondiale et à une baisse de la capacité d’intervention de l’UE.
D’ou besoin d’évolution des instruments, de mécanismes et d’institutions spécialisés afin de redéfinir la nouvelle politique de la paix de l’Union.
Il convient de souligner les valeurs scientifiques et même didactiques de cet oeuvre. Malgré son style très technique, qui semble momentanément rude, cette lecture mène à une réflection et un jugement critique envers la politique de l’UE.
*
Chronologie - politique de la paix de l’UE:
NORMES-THEORIE
1. Maastricht - chapitre 5- PESC
1. résolution de conflit
2. missions de Petersberg (UEO) : maintien de la paix, missions humanitaires, gestion de crise, rétablissement de la paix
2. Amsterdam - maintien de la paix, missions de forces de combat
3. St.Malo 1998 - capacités militaires (parallèlement - institutionnalisation de la politique européenne de sécurité et de défense
4. Göteborg 2001 - prévention des conflits = un des principaux objectifs des relations extérieurs de l’UE
5. Stratégie européenne de secouriste - équilibre civili-militaire dans la gestion des crises
PRATIQUE
• 34 missions lances - dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense entre 2003-2015 (16 achevés, 18 en cours début 2015)
• deux tiers de ces missions ont un caractère civile (coopération police/justice, renforcement de l’Etat de droit)
• taille modeste - qqn dizaines/centaines d’agent.
INSTITUTIONS
• Parlement eu. - groupes de médiation - évolution vers une prévention de conflit et une médiation
• Création de l’Institut européen de la paix (IEP) à l’initiative de la Suède et de la Finlande
▪ médiation européenne de la paix européenne
▪ diplomatie informelle
▪ politisation des enjeux lies a la médiation des conflits (différents intérêts des pays membres de l’UE)
ETUDES DE CAS
Processus Israélo-Palestinien
- jeux d’intérêts des pays membres de l’UE; production normative croissante de l’UE et pas de stratégie politique clairement définie ; par conséquent - une baisse d’influence progressive de l’UE, incohérence entre les normes promues et la capacité d’intervention de l’UE; financement de l’UE majeur (poids financier)
écrit par dr Kinga Torbicka, chercheuse associée de l`Institut Europa Varietas
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