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Centre Thucydide

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Le Centre Thucydide - analyse et recherche en relations internationales - est un institut de recherche de l'Université Panthéon - Assas (Paris II). Il publie l' Annuaire français de relations internationales (revue aux Editions Bruylant) qui rassemble chaque année, dans un esprit pluridisciplinaire, les contributions de spécialistes, universitaires et chercheurs, diplomates, experts, français ou étrangers. Il publie également en liaison avec le Sociological Association of the UAE, la collection Global Undestanding Series (LGDJ). Le Centre Thucydide se consacre en général aux relations politiques internationales et en particulier aux questions de sécurité internationale. Il est dirigé depuis sa fondation en 1999 par Serge SUR.
Mis à jour : il y a 2 mois 3 semaines

L'inhérence en droit international

ven, 29/05/2015 - 12:18

Inhérence : « Caractère de ce qui est inhérent », nous dit le Nouveau Petit Robert, merci. Inhérent : « Qui appartient essentiellement à un être, à une chose, qui lui est joint inséparablement. », éclaire le même dictionnaire. C'est peut-être pourquoi l'adjectif est plus employé que le substantif. On peut ajouter : qui possède par ailleurs une existence distincte et ne se confond donc pas avec l'être ou la chose en cause. La mort est ainsi inhérente à l'homme, mais le spectre de la mort est beaucoup plus large et l'extinction même de l'humanité ne la ferait pas disparaître. L'inhérence unit et sépare donc à la fois, elle introduit autant de fusion que d'altérité, ce qui veut dire qu'elle ajoute autant qu'elle déploie, qu'elle développe autant qu'elle définit. Appartenir essentiellement, être joint inséparablement sont deux caractéristiques différentes et la formule du dictionnaire exprime bien cette ambiguïté. On la retrouve dans le Dictionnaire des synonymes, dont la caractéristique est de ne pas proposer de synonymes : « Inhérence : voir adhérence » ; et avec ce dernier terme, « inhérence exprime l'union d'une qualité à une substance »...

La place des pays émergents aux Nations unies

jeu, 28/05/2015 - 11:42

De par sa composition universelle, l'ONU a historiquement été la première organisation à accorder une place, une voix et une tribune aux pays émergents. Ces derniers ont, en retour, peu à peu modifié en profondeur l'organisation, qui ne rassemble plus aujourd'hui, comme en 1945, les seuls vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Cette évolution, qui débute au moment où les pays nouvellement décolonisés adhèrent à l'ONU, ne s'est pas déroulée sans remous ni résistances....

Comprendre la guerre

mar, 26/05/2015 - 10:48

Lorsqu'Yves Lacoste écrit que « La géographie, ça sert d'abord à faire la guerre », il évoque l'utilisation de la géographie par les acteurs de celle-ci1. La guerre est revenue, depuis plus de vingt ans, dans notre environnement immédiat, quelle que soit la forme qu'elle prenne. L'histoire qui s'écrit dans un quotidien guerrier, militaire et tragique nous conduit aujourd'hui à la comprendre, à la faire comprendre et à l'enseigner. Il ne s'agit pas d'en faire un objet historique distinct, mais d'inclure et de proposer, dans le cadre des questions soulevées dans l'histoire et au présent et en l'état de celles-ci, des problématiques qui s'y rapportent...

CHAPITRE VII ET MAINTIEN DE LA PAIX : UNE AMBIGUÏTÉ À DÉCONSTRUIRE

sam, 23/05/2015 - 22:22

La question de l'usage de la force armée a été au cœur des débats entre 1939 et 1945 pour construire une organisation internationale efficace pour maintenir la paix. Le résultat de ces discussions a été la rédaction du Chapitre V et du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, véritables innovations de l'ONU par rapport à la Société des Nations. Les rédacteurs de la Charte ont voulu créer une sorte de directoire à la tête de l'Organisation, prenant des « mesures directes » pour régler les différends internationaux et ayant les moyens (notamment militaires) de ses décisions. Le Chapitre V crée un Conseil de sécurité, organe restreint aux pouvoirs discrétionnaires, qui s'appuie sur l'entente entre les Cinq Grands pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Le Chapitre VII prévoit quant à lui la mise sur pied d'un dispositif permettant d'agir au cas où l'ordre international serait menacé et les principes fondamentaux de la Charte violés : des forces mises à disposition (à partir d'accords spéciaux), principalement par les cinq membres permanents du Conseil et dirigées au plan stratégique...

Refaire l'armée française (1943-1945) : l'outil militaire, l'instrument politique, le contrôle opérationnel

ven, 22/05/2015 - 22:09

Refaire l'Armée française, du début de l'année 1943 à la Victoire en 1945, c'est se placer au confluent de trois questions. Refaire une armée pour libérer le pays : c'est la dimension militaire et interalliée de la Libération ; refaire l'Armée de la République : c'est la question de l'« outil » militaire, aux ordres du pouvoir politique ; refaire l'Armée de la France, c'est refaire un instrument d'une puissance à reconstruire...

PRESENTATIONS ET REPRESENTATIONS DU DROIT INTERNATIONAL DANS LES FILMS ET LES SERIES TELEVISEES

jeu, 21/05/2015 - 22:05

Invité par les organisateurs à présenter les conclusions de ce colloque passionnant, je me sens à la fois très honoré et très inférieur. Très honoré, parce que le colloque marque le cinquantième anniversaire du Centre de droit international de l'Université libre de Bruxelles, et que nous connaissons la créativité, la vitalité et l'apport à la pensée internationaliste de la doctrine belge. On le sait, la Belgique a toujours été très active et présente sur le plan international. Le fait qu'elle ne soit pas un grand Etat lui donne la distance nécessaire face aux intérêts, aux ambitions, aux passions et aux propagandes des grandes puissances. Elle se projette spontanément dans des espaces matériels et intellectuels qui débordent les cadres restreints d'Etats, si étendus soient-ils, dont l'autisme est la première tentation. En particulier, sa contribution à la construction européenne, comme sur un autre plan à la francophonie, transcende sa dimension géographique. L'apport de ses écrivains, poètes, peintres, musiciens, auteurs de bandes dessinées est immense, et le sujet même de notre colloque souligne l'importance culturelle du pays, culture qui est un grand ressort de l'influence internationale...

De l'art et des relations internationales

jeu, 21/05/2015 - 09:02

« Qu'est-ce que l'Art ? » / « What is Art ? », demande un membre du jury du très prestigieux programme de bourse d'étude Rhodes Scholarship à un étudiant finaliste. « Short for Arthur » (« Le diminutif d'Arthur ») souffle le candidat espiègle. Quelle autre réponse apporter ? Le Larousse définit l'art comme la « création d'objets ou de mises en scène spécifiques destinées à produire chez l'homme un état particulier de sensibilité, plus ou moins lié au plaisir esthétique ». Ce processus créatif peut prendre mille formes : arts...

La relation transatlantique à l'épreuve des changements mondiaux

jeu, 21/05/2015 - 08:58

La relation transatlantique, forte, durable, basée sur des intérêts partagés, des valeurs et des échanges intenses, est un des socles les plus solide du paysage international. Mais cette relation, aussi vigoureuse soit-elle, n'est pas...

Les États-Unis , de l'hyperpuissance au primus inter pares

jeu, 21/05/2015 - 08:55

Au regard des déconvenues des années 2000, l'« hyperpuissance » américaine appartient déjà à des temps anciens. Douze longues années de guerre en Afghanistan et neuf en Irak ont grignoté le moral des Américains et les « sursauts » (surge) militaires n'ont pas suffi à sauver les projets américains au Moyen‐Orient. Le regard que porte le monde sur 'Amérique et les Américains sur eux-mêmes a été terni par cette boue collante.

LA SOCIÉTÉ CIVILE ORGANISÉE

jeu, 21/05/2015 - 08:49

Dans un discours dans l'Iowa à deux mois de la première pri- maire démocrate, le jeune sénateur Barack Obama assénait cette menace à peine voilée : « Je suis dans cette course pour dire aux lobbyistes du secteur privé que l'époque où ils décidaient de l'ordre du jour à Washington est terminée. J'ai affronté les lobbyistes plus que tout autre candidat dans cette course – et j'ai triomphé. Ils...

J Street face à l'AIPAC : Quand David s'attaque à Goliath

jeu, 21/05/2015 - 08:47

Dans un discours dans l'Iowa à deux mois de la première pri- maire démocrate, le jeune sénateur Barack Obama assénait cette menace à peine voilée : « Je suis dans cette course pour dire aux lobbyistes du secteur privé que l'époque où ils décidaient de l'ordre du jour à Washington est terminée. J'ai affronté les lobbyistes plus que tout autre candidat dans cette course – et j'ai triomphé. Ils...

Défendre la France et assurer la sécurité nationale - De la défense des frontières à la défense sans frontières.

mer, 20/05/2015 - 13:56



L'histoire moderne et contemporaine de la France est intimement liée à la défense de ses frontières. La « ceinture de fer » de Vauban, achevée entre 1690 et 1700, aura joué ce rôle jusques et y compris pendant les guerres révolutionnaires et au-delà. La ligne de fortifications mise en place dans les années 1880-1890 par le général Séré de Rivières [1], avec Verdun pour barrer la route de Paris, sert jusque pendant la Grande Guerre. La ligne Maginot, conçue et construite dans les années trente pour assurer la défense du Nord et de l'Est, tombe après avoir été tournée et non sans combattre, à la fin de juin 1940.

La dissuasion nucléaire et la force de frappe en portent encore la trace et la marque, des années soixante aux années quatre-vingt dix. Le nucléaire, c'est la sacralisation de la frontière nationale, dans l'indépendance nationale.

Vingt-cinq ans après la fin de la Guerre froide, treize ans après les attentats du 11 septembre, les principes de la politique publique de défense et de sécurité évoluent dans le sens d'un rapprochement de la sécurité intérieure et de la sécurité extérieure. La notion et l'importance de la frontière s'estompent. L'accent mis sur la sécurité plus que sur la défense a des conséquences sur la place des militaires dans le système de défense et de sécurité nationale.

Si notre organisation de défense remonte, pour l'essentiel, au début des années soixante, le cadre, le contexte et les acteurs de notre système de défense et de sécurité ont connu des transformations majeures, dont les livres blancs de 1972, 1994, 2008 et 2013 sont des témoins. Notre organisation de défense et de sécurité est en effet passée de la défense nationale (Livre blanc de 1972) à la défense (Livre blanc de 1994), et de la défense à la défense et la sécurité nationale (Livres blancs de 2008 et 2013). Au cœur de ce travail : la recherche de la frontière de la défense de la France.

L'organisation de défense et de sécurité s'inscrit dans ce cadre, y compris au plan territorial et connait une évolution de moyen terme, depuis dix ans, dans le sens d'un resserrement administratif et politique au profit de l'exécutif, avec une accélération depuis 2007. Dans le même temps, la mobilisation face aux crises fait émerger une nouvelle culture de gouvernement, pour que soient assurées non plus seulement la sécurité intérieure et extérieure du pays, mais la continuité de la vie nationale.

La mise en ordre de la façon dont notre pays se défend découle, pour l'essentiel, de l'ordonnance de 1959 et des décrets des années 1960-1961. Il s'agit d'une réflexion longue, dont les origines datent des années trente et dont les textes qui la portent ont été conçus et pour une part rédigés par le général de Gaulle lui-même. On sait l'importance, l'ancienneté et la maturité des analyses de De Gaulle en la matière, alors qu'il est lieutenant-colonel, et l'un des chefs de service du Secrétariat permanent de la défense nationale, de 1932 à 1937.

C'est à cette époque qu'il travaille sur la projet de loi portant « organisation de la Nation pour le temps de guerre », adopté par la Chambre des députés et le Sénat et publiée comme loi de la République le 11 juillet 1938.
D'avoir été, pendant les cinq années qui précèdent, au cœur de ce chantier que la guerre arrêtera, en septembre 1939, représente un élément important de la construction de la culture administrative et militaire du Général [2].

L'organisation de la défense de la France voulue et mise en place par le général de Gaulle est aussi une conséquence de l' « étrange défaite » de juin 1940 et de la conscience que celle-ci, pour une bonne part, résulte d'un grave défaut d'architecture gouvernementale et militaire [3], et de l'échec de la défense des frontières dont la matérialisation la plus achevée, sinon la plus excessive fut la ligne Maginot.

Ne nous y trompons, cependant, pas. Ce qui change fondamentalement la donne, dans les années soixante, c'est la force de frappe et la dissuasion. Il n'est plus question, dès ces années-là, de politique « navale », ou de l'armement terrestre, ou bien encore aérienne dans l'esprit du général de Gaulle, mais d'une seule et unique politique de défense, arrêtée au plus haut niveau de l'Etat et par son Chef. Le nucléaire, c'est la dernière des armes, aux mains du premier des Français. C'est la sacralisation de la frontière.

Le contexte des années soixante est connu : une menace majeure, massive, militaire et mondiale, à nos frontières. Un acteur essentiel et quasi-unique : l'Etat. Une approche qui ne s'effectue plus armée par armée, mais par attributions ministérielles : à la Défense, la défense militaire ; à l'Intérieur, la défense civile ; à l'Economie, la défense économique. L'unité du tout est assurée par le Gouvernement, sous l'autorité du Président de la République.

Cette approche est énoncée et en quelque sorte silicifiée par le Livre blanc sur la défense nationale de 1972, auquel Michel Debré, ministre d'Etat et ministre de la défense nationale, apporte la légitimité et la tonalité de celui qui s'estime et qui se pose comme le dépositaire de la pensée et de l'action du général de Gaulle en matière de défense [4]. La défense, c'est la défense des frontières.

En 1994, lorsque François Léotard, ministre d'Etat et ministre de la défense propose à Edouard Balladur, Premier ministre, la rédaction d'un Livre blanc sur la défense, la Guerre froide n'est pas encore si éloignée et le texte porte encore, à bien des égards, la trace et la marque des trente années qui précèdent [5]. Il n'empêche : la question de la définition nouvelle de la frontière de la défense est posée.

Qu'en est-il aujourd'hui, plus de cinquante ans après les textes fondateurs, vingt-cinq ans après la fin de la Guerre froide, avec trois Livres blancs qui ont, chacun, rythmé l'évolution de l'organisation de la défense de la France et dont celui de 2008 [6] a fait l'objet d'un travail de révision en 2011 et laissé la place à un nouveau texte, en avril 2013 [7] ?

Deux séries d'évolutions peuvent être évoquées, s'agissant du contexte, du cadre et des acteurs de la défense et de la sécurité (1.), et du renouvellement en profondeur de l'architecture gouvernementale en la matière et de l'enchaînement des crises, à l'intérieur et à l'extérieur du territoire, qui entraîne l'émergence d'une culture de Gouvernement nouvelle (2.).

De la menace aux frontières aux menaces sans frontières et de la défense des frontières à la défense sans frontières : comment défendre la France et assurer la sécurité nationale

1. Les titres des Livres blancs déjà évoqués sont éloquents. Le Livre blanc de 1972 portait sur la défense nationale. Celui de 1994, sur la défense. Ceux de 2008 et de 2013, sur la défense et la sécurité nationale. L'évolution la plus sensible des termes de référence fait passer de la défense nationale à la défense, puis de la défense à la défense et à la sécurité nationale. Sécurité intérieure et sécurité extérieure sont désormais liées, comme le sont menaces intérieures et menaces extérieures. La frontière de la défense s'estompe, diluée dans un cadre plus large à l'intérieur, et plus lointain à l'extérieur.

1972, c'est la première patrouille du Redoutable. C'est la fin de la transition pour l'Armée de terre, dix ans après la guerre d'Algérie. C'est la rénovation de notre flotte de surface. C'est une Armée de l'Air nouvelle, dont les matériels font la fierté du pays. Le Livre blanc de Michel Debré est une réflexion "à froid" de gardiens vigilants du dogme gaulliste de l'indépendance nationale. Le territoire national et sa protection comme but ultime.

1994, c'est la fin d'une menace massive, militaire, mondiale. C'est la guerre sur notre continent et la situation mouvante du Proche et du Moyen Orient. Ce sont des adversaires possibles, divers et différents, et des conditions d'engagement incertaines. Une réflexion "à chaud", encore marquée par le cadre, le contexte et les concepts de la Guerre froide, et s'appuyant sur les matériels, les hommes et les modes opératoires existants. L'Europe de la défense, comme chantier permanent. L'ébauche de nouvelles solidarités, entre l'Alliance atlantique, les Etats-Unis et l'ONU. Des inflexions importantes à notre politique de défense : la mobilité, le renseignement, la planification, la formation et les opérations interarmées. Un « nouvel équilibre » entre la dissuasion et l'action.

Quelle frontière défendre désormais ?

2008, c'est un changement de nature de notre défense et de notre sécurité, avec la menace à nouveau mortelle, mais autre, du terrorisme et des Etats qui lui seraient liés. Avec celle, différente mais tout aussi dangereuse des armes de destruction massive. Des menaces sans frontières.

La professionnalisation, l'autonomie stratégique, la continuité entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. Les engagements et les interventions de plus en plus nombreux de la France dans des alliances ou des opérations qui ne sont pas de circonstance y répondent, dans une Europe de la défense en construction, en Afghanistan ou en Libye. La frontière de la défense de la France se confond avec celle de ses engagements en-dehors de nos frontières.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 apparaît ainsi, en quelque sorte, comme le point d'orgue d'une évolution de moyen terme, engagée un peu plus de dix ans auparavant. Celui de 2013 s'inscrit, sur ce plan, dans une forme de continuité.

Par voie de conséquence, la place et le rôle des Armées dans la mission générale de sécurité ne sont plus les mêmes.

Jusqu'en 1990, c'était la garde au Rhin étendue jusqu'à la frontière orientale de la République fédérale, et la protection du territoire national. Mission essentielle pour l'Armée de Terre, dont l'organisation reflétait l'identification à un territoire (divisions militaires du territoire, défense opérationnelle du territoire…) dont l'origine remonte à la loi de 1882 sur l'organisation territoriale de l'Armée, avec ce double attachement au sol et à la frontière, comme une inscription barrésienne de l'Armée, à la fois implantation et incarnation.

Protéger le territoire national, ce que nos armées n'avaient pas fait en 1940, avec la double assurance de la force de frappe et de l'OTAN.

Dans les années 1990-2000, l'accent fut mis sur la projection : le Golfe, les Balkans, l'Afrique. Avec une double incertitude, sur la dissuasion et sur la conscription, dont le Livre blanc de 1994, rédigé pendant la cohabitation (1993-1995) est le témoin et un « nouvel équilibre » entre la dissuasion et l'action la formule retenue, après des heures de travail rédactionnel entre les parties concernées et des allers-retours nombreux au sein de l'exécutif, témoin d'une rupture de la pensée de la défense et de la notion de frontière à défendre.

Dans le même temps, les restructurations militaires, la professionnalisation des armées, leur projection en-dehors de territoire national ont pour conséquence de rendre l'Armée invisible à la Nation.

Un troisième temps voit une nouvelle répartition entre la dissuasion, la projection et la protection, et l'accent mis sur cette mission à la fois militaire et non-militaire, comme l'est la fonction « anticipation » qui couvre, entre autres, le domaine du renseignement, « nouvelle frontière » de la défense.

Cette évolution permet de comprendre comment les missions de nos forces armées s'intègrent à la manœuvre générale de sécurité, dans le contexte d'une transformation en profondeur non de nos alliances, mais du cadre militaire de leur exercice, comme le montrent à la fois ce qu'il advient des relations transatlantiques et de leur bras armé, l'OTAN.

Dans le même temps, une évolution profonde a eu lieu, s'agissant de la puissance publique, c'est-à-dire de l'Etat.

Le général de Gaulle pouvait dire à Bayeux, le 14 juin 1952 que « La défense est la première raison d'être de l'Etat. Il n'y saurait manquer sans se renier lui-même ». Cette logique d'Etat très ancienne, le Général l'avait exprimée dans La France et son armée lorsqu'il décrit l'ordonnance de Charles VII du 2 novembre 1439 qui crée l'armée permanente, l'impôt et la loi et qu'il conclut qu' « Au lieu de l'héroïsme épisodique des paladins, de la ruse avide des routiers, du bref élan des milices, la constance des troupes professionnelles sera, pendant trois siècles et demi, le rempart de la France » [8].

Le Livre blanc de 1994, dans la même veine, allait plus loin encore, en affirmant que « L'Etat centralisé et l'armée régulière contribuent à façonner la plupart des valeurs de la société française, depuis l'impératif de la règle jusqu'au sens du service public » [9].
Cette logique semble, aujourd'hui, s'estomper. L'Etat s'est décentralisé, déconcentré, démembré, privatisé, en partie intégré dans d'autres cercles d'exercice de la puissance publique, à la fois infra et supra étatiques et nationaux. De la logique de la contrainte, on est passé à celle de la coopération et du contrat. De la défense des frontières, hier obligation de vie ou de mort, à la sécurité nationale et à une défense sans frontières, à la fois sur notre sol et loin du territoire national.

Pourtant, notre organisation de défense et de sécurité conserve l'empreinte d'une tradition étatique, historique et nationale, qui ne semble pas dépassée.

Cette tradition historique de notre pays consiste, à l'époque contemporaine, à prendre en compte l'ensemble des intérêts de défense et de sécurité du pays. C'est dès 1906 que fut institué un Conseil supérieur de la défense nationale qui réunissait, sous l'autorité du Président du Conseil, les ministres responsables en la matière !

Les institutions dont il s'agit sont nationales, parce qu'elles expriment des obligations permanentes et une continuité de l'exercice de leurs missions : garantir la défense et la sécurité de l'Etat, des populations, du territoire. La frontière demeure donc !

2. Cette organisation s'est renforcée depuis 2002. C'est véritablement à compter de ce moment, que l'on peut dater une inflexion sensible de notre organisation de défense et de sécurité. C'est d'ailleurs à ce moment qu'est rédigée, sous l'autorité du Chef d'état-major des Armées et du délégué aux affaires stratégiques du ministère de la défense une note qui énonce clairement les principes sur lesquels doit reposer une stratégie de défense et de sécurité pour que convergent objectifs de sécurité intérieure et de sécurité extérieure [10].

S'agissant des « principes d'actions de la France », la note avance l'idée que « … la politique de défense s'appuie sur une démarche interministérielle (…) la nature globale de la défense est amplifiée par les liens (…) entre les menaces intérieures et extérieures, ce qui tend à fusionner les notions de sécurité et de défense. Cette politique (…) doit assurer la sécurité des institutions, des populations, des biens, et des ressources ». Loin de nos frontières.

Le Président de la République est, depuis cette date, la clef de voûte non seulement de la défense, mais de la sécurité intérieure et de la sécurité extérieure du pays. Dès l'été 2002 sont mises en chantier trois lois de programmation, pour la défense, la sécurité intérieure, la justice. Un Conseil de sécurité intérieure, pendant du Conseil de défense et présidé comme ce dernier par le Chef de l'Etat, est institué.

L'exemple du renseignement est particulièrement éloquent. Parce que le renseignement est la première frontière de notre défense, mais il n'a pas de frontières. C'est pourquoi le Président de la République, chef de l'Etat et chef des Armées, est aujourd'hui de facto l'autorité opérationnelle des services de renseignement, dont les opérateurs sont les services et le Secrétariat général de la défense nationale (SGDN), devenu en 2010 Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), assure la régulation du système.

C'est en 2008 qu'est rédigé un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

C'est en 2010, que le SGDN devient SGDSN.
Un seul Conseil de défense et de sécurité nationale réunit désormais, sous l'autorité du Président de la République, les responsables civils et militaires du pays. Mais le départ avait été donné près de dix ans auparavant.

Dans l'organisation de la défense nationale, de 2002 à nos jours, se fait ainsi jour une continuité de moyen terme dans le resserrement du dispositif, avec une inflexion forte de 2007 à 2011.

De ce resserrement politique et administratif, les questions de renseignement portent la marque la plus visible, dans l'esprit duLivre blancde 2008 où la fonction « anticipation » était venue s'ajouter aux missions déjà arrêtées en 1994. Avec des décisions majeures, comme la création de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), résultat de la réunion en un même ensemble de la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG) et de la Direction de la sûreté du territoire (DST) et le passage de la Direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN) de la Défense à l'Intérieur.

L'institution d'une Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), distincte de la DGPN, en mai 2014 se comprend aussi dans ce contexte.

Il n'y a là nulle rupture, mais une continuité de moyen terme, fonction du rapprochement de la sécurité intérieure et de la sécurité extérieure, et de l'évolution de l'architecture de défense et de sécurité de notre pays. La défense de la France se joue à l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières.

Les crises qui se sont succédé, depuis plus de dix ans, sur le territoire et en-dehors de nos frontières, sont à la fois un élément d'explication et le fondement d'une nouvelle culture de Gouvernement en la matière.

Les années 2001-2011 sont, en effet, celles des crises « en chaîne », pour reprendre l'expression que Raymond Aron appliquait au long terme des conflits du premier XXème siècle [11]. Avec, au présent et dans le même temps, une des plus graves crises, économique, financière et budgétaire qui affecte l'ensemble des « Occidentaux », mettant à mal des solidarités de près de cinquante ans en Europe et une relation transatlantique devenue incertaine.

La crise n'a pas de frontières.

En arrière-plan, une réalité nouvelle : le monde ne connaît plus « …la menace de deux Grands qui conçoivent, construisent, composent des bombes destinées à leur destruction réciproque, dans un dialogue somme toute d'égal à égal qui leur fournit un cadre commode pour un arrangement rationnel. Mais des Etats encore à l'âge de pierre à bien des égards, déraisonnables et déraisonnés, ni ici, ni là : Etats « du seuil », dont l'usage du nucléaire ou la menace de celui-ci s'apparente quelquefois à un prétexte, (…) tantôt à une dangereuse réalité » [12].

La frontière entre puissances nucléaires et puissances nucléaires en devenir s'estompe elle aussi, et peut-être une forme de dissuasion avec elle.

En surplomb : les menaces que font peser, partout, les groupes terroristes dont les soubresauts politiques, les conséquences de la mondialisation, les sursauts identitaires et les revendications religieuses sont comme le terreau, en particulier dans le monde arabo-musulman et en Afrique sub-saharienne, mais aussi sur notre territoire.

Elles n'ont pas de frontières.

Le contexte intérieur et extérieur de ces crises est différent de celui des dix années qui ont suivi la fin de la Guerre froide. L'Etat n'est plus seul, engagé dans une chaîne de responsabilités et de solidarités qui va du niveau local à l'international, en passant par l'européen. Ce sont d'autres frontières qui disparaissent.

Dans le même temps, l'Etat joue sa crédibilité à chaque crise, dans un tempo de plus en plus court, sous le regard d'une opinion publique de plus en plus exigeante et distante à la fois, à la mesure du sentiment qu'elle exprime que l'intérêt collectif ne s'incarne plus uniquement, spontanément, nécessairement dans l'Etat.

L'exemple de ces infrastructures que l'on qualifie en France de « vitales », aux Etats-Unis de « critiques », au Canada d' « essentielles » parce qu'elles sont un élément décisif des économies et des sociétés modernes (transports, communication, réseaux matériels et immatériels…) montre à la fois la complexité des systèmes, l'interdépendance et la multiplication des acteurs, la difficulté pour la puissance publique de s'assurer de la permanence et de la disponibilité de ces systèmes qui, aujourd'hui, conditionnent la continuité de la vie des Nations.

La prise de conscience de l'importance de ces sujets, au milieu de la décennie quatre-vingt-dix, s'est traduite en premier lieu par le renforcement de la sécurité des systèmes d'information. C'est ainsi qu'a été créée en France, au sein du SGDN, en 1999 la Direction centrale de la sécurité des systèmes d'information (DCSSI), devenue Agence nationale depuis, et qu'une réflexion d'ampleur a été engagée, au même moment, sur le rôle du Gouvernement en matière de protection et de permanence des infrastructures vitales.

Les systèmes d'information, c'est la dématérialisation de la menace, la déterritorialisation de la défense, la négation même de la frontière.

Voilà bien un tournant important des politiques de défense et de sécurité, au début du XXIème siècle : l'enjeu et l'objet d'une politique publique de défense et de sécurité ne sauraient se limiter, comme hier et pour essentiel que cela demeure, au « …fonctionnement normal et régulier des pouvoirs publics ».

La frontière disparaît à mesure que la distinction entre sécurité intérieure et sécurité extérieure disparaît elle aussi.

Défendre la France et assurer la sécurité nationale, c'est donc bien assurer la continuité de la vie nationale, sur le territoire national et partout où celle-ci peut dépendre de nos engagements extérieurs, dans le cadre de nos alliances, c'est bien ce qui donne le sens à une politique publique de sécurité nationale dans l'après-Guerre froide.
Dans le contexte d'une défense sans frontières et d'une projection et d'une continentalisation, sur mer, sous les mers, au-dessus des mers, des enjeux de puissance [13].

On voit bien, dans ces conditions, comment notre pays a pu passer de la défense nationale (1972) à la défense (1994), puis de la défense à la défense et la sécurité nationale (2008 et 2013).

Les vingt dernières années de cette évolution de long terme s'inscrivent dans le contexte de l'après-Guerre froide et se distinguent cependant dans l'émergence d'une organisation nouvelle de la défense nationale.

Dans le contexte de la réforme des Armées, là où les militaires étaient les seuls en 1972, ils sont les premiers en 1994 et les uns parmi d'autres, en 2008 comme en 2013. De la distinction à l'indistinction.

La dernière décennie en est la preuve, avec une série d'évolutions de moyen terme et une inflexion très forte à partir de 2008. La mission de sécurité nationale, c'est aujourd'hui la continuité et la permanence des outils à la disposition de la puissance publique, le resserrement administratif et politique autour de l'exécutif, le rassemblement de la Nation autour de l'objectif.

C'est sur ce dernier qu'il importe de faire porter l'effort, et c'est le sens de la démarche de révision du Livre blancde 2008, dès 2011 et de la rédaction d'un nouveau Livre blancen 2013, pour contraint qu'il soit par l'état des finances publiques.

Le Livre blancde 2013 réaffirme la priorité de l'autonomie stratégique de notre pays, dans le cadre de nos alliances et de nos engagements. Les Armées devraient préserver des capacités-clef : moyens de renseignement, capacités de commandement, forces spéciales. Pour conserver l'initiative, les forces devraient se spécialiser et s'organiser, avec un objectif de capacité de projection de 15000 hommes dans une opération extérieure « de coercition majeure ». L'accent mis sur le renseignement militaire, intérieur et extérieur, sur la protection des systèmes d'information, sur la coordination interministérielle en matière de sécurité nationale s'inscrit dans une volonté d'assurer la continuité de la vie nationale, à l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières.

La réflexion et l'action s'inscrivent désormais dans le cadre historique d'un Etat souverain, dépositaire des intérêts vitaux de défense et de sécurité de la France, adossée à l'assurance ultime de la dissuasion nucléaire, pour tenir compte au présent des acteurs en chaîne réunis par un Etat qui défend, protège et assure, à l'intérieur de nos frontières, les infrastructures civiles et militaires indispensables à la continuité de la vie nationale, dont nos alliances et nos interventions sont, à l'extérieur de nos frontières, le prolongement et le dépassement de celles-ci.

Une lecture du Livre blancde 2013 devrait y conduire.

Trois piliers d'une stratégie nationale : protéger, dissuader, intervenir.

Un double impératif : prendre notre part à la défense de l'Europe par les Européens et assurer, au-delà de nos frontières et de celles de l'Europe, la sécurité nationale. Une mission : la défense de la France, dans le nouveau contexte des alliances et la nouvelle hiérarchie militaire et navale des puissances. Des moyens : conformes à nos ambitions et respectueux de notre histoire, ajustés à nos contraintes et partagés avec ceux de nos Alliés qui y consentent.



[1] Directeur du Génie de l'Armée de 1874 à 1880. Ses derniers mots furent « La frontière … la frontière »

[2] Tristan Lecoq Parlement, Gouvernement, Haut commandement. La question de l'organisation de la défense nationale (1935-1940), Mémoire de maîtrise sous la direction du Professeur G. Pédroncini Paris, Centre d'histoire militaire et de défense de l'Université de Paris I, juin 1980.

[3] Marc Bloch, L'étrange défaite, Paris, Albin Michel 1957

[4] Livre blanc sur la défense nationale, Paris, CEDOCAR 1972 (tome 1) et 1973 (tome 2)

[5] Livre blanc sur la défense, Paris, La documentation française, 1994

[6] Défense et sécurité nationale. Le Livre blanc, Paris, Odile Jacob/La documentation française, 2008

[7] Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale 2013, Paris, La documentation française, 2013

[8] Charles de Gaulle, La France et son armée, Paris, Plon 1938 p. 28.

[9] Livre blanc sur la défense, Paris, La documentation française, 1994, p. 229.

[10] Note EMA/DAS n°787 DEF/EMA/ESMG et n°5017DEF/DAS du 29 novembre 2002.

[11] Raymond Aron, Les guerres en chaîne, Paris, Gallimard 1951.

[12] Marie-Hélène Labbé, Le nucléaire à la dérive, Paris, Editions Frison Roche 2011 p. 13.

[13] Tristan Lecoq, Enseigner la mer. Des espaces maritimes aux territoires de la mondialisation, Collection Trait d'union Paris, CNDP 2013

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PRIX ALBERT THIBAUDET 2015

jeu, 14/05/2015 - 09:58

Le Jury du prix Albert Thibaudet, réuni le 6 mai 2015, a retenu en première sélection pour l'attribution du prix 2015 les ouvrages suivants (classement alphabétique des auteurs) :


1. Thierry Baudet, Indispensables frontières - Pourquoi le supranationalisme et le multiculturalisme détruisent la démocratie Editions du Toucan, mars 2015, 592 p.
2. Jean-Louis Beffa, Les clés de la puissance Editions du Seuil, avril 2015, 168 p.

3. Johann Chapoutot, La loi du sang, Penser et agir en nazi Editions Gallimard, Collection Bibliothèque des Histoires, octobre 2014, 576 p.

4. Georges Corm, Pensée et politique dans le monde arabe - Contextes historiques et problématiques - XIX-XXI siècle, Editions La Découverte, Collection Sciences humaines, avril 2015, 389 p.

5. Jean-Claude Cousseran et Philippe Hayez, Renseigner les démocraties, renseigner en démocratie,Editions Odile Jacob, avril 2015, 384 p.

6. Michel Eltchaninoff, Dans la tête de Vladimir Poutine, Editions Actes Sud, février 2015, 176 p.

7. Patrice Franceschi, Mourir pour Kobané, Editions Des Equateurs, avril 2015, 143 p.

8. Jacques Frémeaux, La question d'Orient, Editions Fayard, novembre 2014, 624 p.

9. Fabrice Monnier, Ataturk, Naissance de la Turquie moderne, CNRS Editions, avril 2015, 350 p.

10. Alain Supiot, La gouvernance par les nombres - Cours au Collège de France (2012-2014), Editions Fayard, mars 2015, 512 p.

Cette liste reste ouverte.

Le prix sera attribué le 8 juin 2015 par le Jury et remis au lauréat le 18 juin à 18 h, à l'appartement décanal du Centre Panthéon, Université Panthéon-Assas.

Le Jury du Prix Albert Thibaudet 2015 est ainsi constitué :
Président : Antoine Compagnon ; Membres : Benoît d'Aboville ; Yves Boyer ; Julian Fernandez ; Jacques Fontanel ; Nicolas Haupais ; Michel Leymarie ; Pierre Morel ; Xavier Pacreau ; Alain-Gérard Slama ; Georges-Henri Soutou ; Serge Sur

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Julian Fernandez

lun, 04/05/2015 - 15:35

Voir le CV du professeur FERNANDEZ.

La Charte des Nations Unies interdit-elle le recours à la force armée ?

jeu, 23/04/2015 - 06:40

On peut partir de quelques observations préliminaires, quelques évidences qu'il convient de rappeler :

- L'importance de la Charte dans la vie internationale, particulièrement du Conseil de sécurité, puisque le but principal de l'ONU est le maintien ou le rétablissement de la paix et de la sécurité internationales, considérées comme un bloc.

- Il existe cependant dans la Charte deux conceptions différentes de l'ensemble. Elles permettent de distinguer, intellectuellement et juridiquement, la paix d'un côté, la sécurité internationale de l'autre.

La paix, au sens positif du terme, est envisagée dans l'article 55, inscrit dans le chap. IX, qui traite de la Coopération économique et sociale internationale. Il s'agit d'une approche positive et non de la simple absence de conflits, parce qu'il s'agit d'enraciner entre les nations des relations pacifiques et amicales, de nature à établir entre Etats une paix structurelle, comparable par exemple à ce qui existe entre membres de l'Union européenne. Mais les moyens mis en œuvre par l'ONU sont modestes, les obligations posées par la Charte incertaines, de sorte que cette conception positive et large est faible.

La sécurité a un sens plus étroit, militaire et tourné vers la prévention ou l'arrêt de conflits ouverts. Elle consiste à protéger les Etats membres contre les actes d'agression, plus généralement à prévenir les menaces et atteintes à la sécurité internationale, et à y mettre fin en tant que de besoin. La paix dans ce contexte n'a plus que la signification négative de l'absence d'hostilités armées.

C'est cette conception que la Charte cherche surtout à mettre en œuvre. Elle établit à cette fin un dispositif normatif et institutionnel qui est en son cœur. Normatif avec l'article 2 § 4 limitant de façon drastique le droit des Etats membres de recourir à la force dans les relations internationales. Institutionnel avec le Conseil de sécurité, dont la mission consiste à maintenir ou à rétablir la paix et la sécurité internationales, et dont les pouvoirs sont notamment précisés dans le Chap. VII de la Charte. Une place à part doit cependant être réservée à l'article 51 de ce Chapitre, qui réserve au profit des Etats un droit « naturel » - ou « inherent » en anglais - de légitime défense, individuelle ou collective, face à une agression armée. On va revenir sur ces différents points.

- L'article 2 § 4 est la norme fondamentale de toute l'entreprise. Que dit-il ?

« Les membres de l'organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».

Il est l'aboutissement actuel d'un long effort juridique de réduction du droit des Etats de recourir internationalement à la force, essentiellement à la force armée. S'agit-il d'interdire la guerre ? On notera que le mot « guerre » ne figure pas dans le texte de la Charte, à l'exception du Préambule pour la condamner et des dispositions transitoires de sécurité, liées aux suites de la Seconde guerre mondiale. S'agit-il de ce que l'on dénommait la « compétence de guerre » des Etats ? Suivant Max Weber ou Carl Schmitt, cela reviendrait à émasculer les Etats, puisque le monopole de la légalité du recours à la force armée est pour eux une caractéristique des Etats, voire un élément de leur définition.

- Force est de constater que, depuis l'entrée en vigueur de la Charte, la violence internationale n'a pas disparu. Elle a revêtu et revêt de multiples formes, parfois inédites. La violence directe entre Etats s'est réduite, celle des acteurs non étatiques s'est développée. Elle peut être très meurtrière dans le cadre de conflits asymétriques ou de faible intensité, ou encore d'actes terroristes. C'est dire que l'analyse de la Charte ne peut être dissociée de la pratique internationale depuis près de soixante-dix ans. Il faut les confronter à partir de trois données juridiques : l'article 2 § 4 que l'on vient d'évoquer ; le rôle du Conseil de sécurité ; le sens et l'utilité de la légitime défense telle qu'elle est reconnue par l'article 51. Ce sont deux normes de la Charte qui sont en quelque sorte médiatisées par le Conseil de sécurité, ce sont elles qu'il faut analyser au regard de la pratique, de celle du Conseil aussi bien que de celle des Etats membres. Après donc avoir survolé les interprétations et pratiques de l'article 2 § 4, on dira quelques mots de la signification et des fonctions de la légitime défense selon la Charte.

I - L'ARTICLE 2 § 4 : INTERPRÉTATIONS ET PRATIQUES

Précisons que, si l'article 2 § 4 est un article central de la Charte, il reflète aussi le droit international coutumier. La norme qu'il énonce est ainsi opposable à tous les sujets de droit international. Quelles sont d'abord les lignes d'interprétation générale de cette norme, interprétations juridiques, politiques, diplomatiques, mais aussi doctrinales ? Quels sont ensuite les problèmes plus précis qui surgissent de l'analyse de son énoncé et de la manière dont il a été pratiqué ?

A- Lignes d'interprétation de l'article 2 § 4

Schématiquement, trois grandes lignes d'interprétation se proposent. On peut les qualifier respectivement d'interprétation intégriste, nihiliste, pragmatique.

- L'interprétation intégriste est la favorite de la doctrine internationaliste et spécialement française, dans une tradition pacifiste. Elle pose que l'art. 2 § 4 comporte une interdiction générale et absolue de l'emploi de la force armée dans les relations internationales, une mise hors la loi de la guerre, qui entraîne sa criminalisation. Le « crime d'agression » est considéré comme un crime international, mais aussi comme un crime individuel, qui conduit à écarter l'immunité des responsables des Etats, y compris du chef de l'Etat. Il s'agit, en dépit des avancées récentes du droit positif, qui restent à confirmer, d'une doctrine militante. Elle peut s'appuyer sur l'esprit de la Charte, la paix comme valeur suprême, et se renforcer par la référence au jus cogens, bien que celui-ci demeure en droit positif une noix creuse.

- L'interprétation nihiliste est évidemment à l'opposé. Elle s'appuie sur une appréciation réaliste de la pratique internationale. Suivant l'analyse réaliste, il existe tant de transgressions, tant de violations de l'article 2 § 4 sans réaction significative que le recours à la force armée appartient toujours à l'agenda des relations internationales. Force donc est de constater soit que le droit est impuissant, chiffon de papier, soit que l'article 2 § 4 a vécu. Pour cette interprétation, il n'est plus en vigueur, il a été effacé et au minimum profondément réduit par une coutume contraire qui a réintroduit et validé nombre d'usages internationaux de la force.

A l'heure actuelle, cette doctrine nihiliste est plutôt celle d'auteurs américains, comme Michael Glennon, qui soutiennent l'obsolescence de l'article 2 § 4. On voit le lien qui existe entre cette doctrine et la pratique américaine, voire la position officielle des Etats-Unis. Cette position est que la sécurité américaine ne peut dépendre, ou être entravée par une norme internationale. Les Etats-Unis, toutes Administrations confondues, se sont efforcés de reconquérir un droit unilatéral et discrétionnaire de recours à la force dès que l'intérêt national américain le demandait. Les contraintes juridiques ne sont pas pour autant écartées, mais ce ne sont pas celles du droit international, ce sont celles du droit interne américain. Il y faut des conditions précises, spécialement l'autorisation du Congrès donnée au Président. Dès lors qu'elle est obtenue, les contraintes internationales ne pèsent guère. On l'a vu par exemple pour l'intervention en Iraq en 2003.

- L'interprétation pragmatique s'appuie sur le texte de l'article 2 § 4 et s'efforce de le concilier avec la pratique internationale, celle des Etats, celle également du Conseil de sécurité. Elle analyse donc cet article, et sur cette base distingue différentes questions et situations. Le texte est en effet vivant, son interprétation tributaire de la pratique et ses termes suffisamment larges pour s'adapter sans périr à des évolutions diverses. C'est cette interprétation qui est ici défendue : d'une part il n'y a pas d'obsolescence de l'article 2 § 4 ; d'autre part il ne prescrit pas non plus une interdiction générale et absolue du recours à la force par les Etats. Il établit bien plutôt une réglementation restrictive, que confirme la pratique internationale. C'est ce qu'il faut maintenant analyser.

B - Problèmes et pratiques de l'article 2 § 4
On en retiendra ici que quatre, mais leur simple énumération est de nature à illustrer l'extrême complexité de cet article, qui relève d'une analyse serrée et non d'une approche holistique. Laissons ainsi de côté tout ce qui ne concerne pas le recours à la force armée. Ces problèmes envisagés se rattachent tous au texte de l'article.

- L'article 2 § 4 ne comporte d'obligations qu'à l'encontre des Etats, et qu'à leur bénéfice. Il est dit que les Etats « s'abstiennent… ». Voici une formulation qui exclut que les Etats renoncent définitivement et de façon structurelle à l'emploi de la force armée, à la « compétence de guerre ». S'ils s'abstiennent, c'est qu'ils conservent dans certains cas le droit et en permanence les moyens d'utiliser la force armée. Il s'agit d'une autolimitation plus que d'une interdiction, et une autolimitation est toujours précaire. On y reviendra, bien sûr, avec les interrogations au sujet de la légitime défense.

Ce qui nous intéresse ici, c'est la mesure dans laquelle les acteurs non étatiques sont visés par les prohibitions de l'article 2 § 4. C'est là un débat très ancien et lié aux vicissitudes de la vie internationale. Les acteurs non étatiques peuvent-il recourir à la force, et les Etats sont-il fondés à l'employer contre eux « dans leurs relations internationales » ? A l'époque de la décolonisation, l'Assemblée générale considérait d'une part que les mouvements de libération n'étaient pas concernés, d'autre part que les puissances coloniales ne pouvaient s'abriter derrière le prétexte du maintien de l'ordre interne et le principe de non intervention pour justifier les conflits coloniaux.

Cette position était donc plutôt favorable aux acteurs non étatiques, tout au moins à une catégorie d'entre eux, quels que soient les moyens qu'ils utilisaient. Elle a aujourd'hui profondément changé. Elle a changé depuis 1992, avec les attentats libyens contre des aéronefs, américains ou français, et plus largement après le 11 Septembre et la lutte internationale contre le terrorisme, terrorisme animé par des groupes criminels diffus. Elle a changé grâce à l'intervention du Conseil de sécurité. Trois remarques rapides à ce sujet.

+ D'abord, le Conseil se fonde sur le Chapitre VII et sa mission de maintien ou de rétablissement de la paix et de la sécurité internationale, non sur l'article 2 § 4. Il n'y a pas ainsi de symétrie entre cet article et les responsabilités, ou la mission du Conseil, et il ne se réfère en principe pas à l'article 2 § 4. Les menaces, atteintes ou ruptures de la paix lui suffisent, quelle qu'en soit l'origine.

+ Ensuite, le Conseil a deux approches, la première judiciaire, la seconde sécuritaire. L'approche judiciaire le conduit à créer des tribunaux internationaux pénaux, ou à réclamer la poursuite pénale des actes de terrorisme. L'approche sécuritaire aboutit à permettre le recours à la force armée par les Etats – ainsi avec la Résolution 1368 du 12 septembre 2001, qui suit immédiatement les attentats du 11 Septembre.

+ Enfin, on note une évolution de la pratique du Conseil, entre le choix de la qualification du terrorisme comme acte d'agression, qui ouvre le droit à la légitime défense – modèle Résolution 1368 – et la criminalisation du terrorisme, qui se fonde plus sur les violations du droit humanitaire, ou jus in bello, que sur le recours à la force armée, jus ad bellum, laquelle relève de l'article 2 § 4. Un exemple récent en est celui de l'ISIL, ou Daesh, dont on aurait pu considérer qu'il était agresseur contre l'Iraq et la Syrie. Or la Résolution 2170, du 15 août 2014 pour ne citer qu'elle se fonde exclusivement sur les violations du droit humanitaire. Nous reviendrons sur cette évolution fort significative lorsque il sera question de la légitime défense.

- Un mot également sur la « menace » d'emploi de la force. La notion de menace est évidemment subjective et difficile à appréhender objectivement. La question a cependant été juridiquement soulevée devant la CIJ à propos de la dissuasion nucléaire. Dans son avis consultatif du 8 juillet 1996, la Cour a estimé que la dissuasion nucléaire, qui repose sur la menace d'emploi d'armes nucléaires n'était pas contraire au droit international et par conséquent pas à l'article 2 § 4. Cette question se relie, là encore, à celle de la légitime défense sur laquelle on va revenir.

- Reste la question, qui n'est pas la moins importante, des précisions apportées par l'article 2 § 4 à la restriction du recours à la force armée. En effet, cet article ne stipule pas une abstention générale et absolue, mais il précise que la force armée ne doit pas être utilisée, rappelons le, « soit contre l'intégrité territoriale soit contre l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».

Les partisans d'une interprétation intégriste de l'article 2 § 4 estiment que cette formule est sans importance et qu'elle ne saurait rien retrancher à l'interdiction générale telle qu'ils la conçoivent. Telle n'est pas l'opinion ici défendue. Dès que l'on ajoute des précisions à la formulation d'une interdiction, il est clair que c'est pour la restreindre, d'autant plus que les limitations de la souveraineté ne se présument pas.

En d'autres termes, s'il existe des hypothèses de recours à la force qui ne portent pas atteinte à l'intégrité territoriale d'un Etat ni à son indépendance politique, et qui ne sont pas non plus contraires aux buts des Nations Unies, ces hypothèses ne relèvent pas de la prohibition. C'est le raisonnement que l'on peut suivre en faveur de l'intervention d'humanité, qui échappe au cercle des interdictions de l'article 2 § 4.

La responsabilité de protéger sa propre population est, suivant le Conseil de sécurité (Résolution 2170 du 15 août 2014, précitée), une obligation internationale de l'Etat. S'il ne le fait pas, parce qu'il est incapable de le faire, ou pire parce que c'est lui-même qui l'attaque ou qui la soumet à des exactions violentes, les autres Etats sont à notre sens fondés à intervenir pour faire respecter le droit humanitaire. C'est là évidemment un sujet débattu et complexe. C'est aussi un autre débat. Qu'il suffise ici de se borner à cette affirmation qui s'appuie non seulement sur le texte de l'article 2 § 4 mais aussi sur la pratique des Etats.

Ainsi et de façon plus générale le droit humanitaire tend à supplanter le droit de recourir à la force armée, le jus in bello le jus ad bellum – trace d'un monde où le recours à la violence armée est sinon accepté du moins subi et où, faute de mieux, l'on doit plutôt chercher à le limiter qu'à l'empêcher. Or la Charte est muette sur le jus in bello. Symbole de l'évolution de l'ONU dans son ensemble ? D'abord conçue pour construire voire imposer la paix, puis instrument d'une recherche de solidarité économique entre Etats, elle est devenue instrument compassionnel voué à l'huamanitaire. Retournement complet, on peut même envisager de faire la guerre au nom du droit humanitaire, pour arrêter et réprimer ses violations massives. Le jus in bello devient ainsi argument en faveur du jus ad bellum.

On laissera encore de côté les hypothèses dans lesquelles les recours à la force armée par les Etats se déroulent avec l'autorisation du Conseil de sécurité, parce que lui-même ne dispose pas de forces armées, ou du moins de forces armées suffisantes pour rétablir à elles seules la paix et la sécurité internationales. On sait que le Conseil organise ou enregistre des constructions sécuritaires complexes, associant contingents de Casques bleus faiblement armés et opérations militaires coercitives entreprises par des Etats membres autorisés.

Ce n'est pas non plus notre sujet. En l'occurrence, il n'y a aucun lien avec l'article 2 § 4, puisque les Etats agissent en quelque sorte comme agents de l'organisation, non de leur propre initiative. Et quand ils bénéficient d'une simple autorisation du Conseil mais agissent de leur propre autorité, c'est toujours au nom des principes de la Charte. En revanche, avec la légitime défense, la signification et la portée de ce que certains qualifient de principe d'interdiction du recours à la force armée est directement en cause, et plus largement la conception que la Charte propose du recours à la force dans les relations internationales. C'est pourquoi il faut s'y arrêter plus longuement.

II - LA CHARTE ET LA LÉGITIME DÉFENSE INDIVIDUELLE OU COLLECTIVE DES ETATS

Partons de trois remarques préliminaires.

- La légitime défense selon la Charte est régie par son article 51, situé dans le Chapitre VII, et non dans le Chapitre I comme l'article 2 § 4. Le Chapitre VII, on le sait, traite essentiellement du Conseil de sécurité, de ses compétences et de ses pouvoirs. C'est donc un nouveau personnage, un organe international, qui s'introduit, puisque l'article 2 § 4 concerne essentiellement les Etats, éventuellement les acteurs non étatiques. Il faut tenir compte aussi bien de la position de l'article 51 dans l'économie générale de la Charte que des termes précis de son énoncé. Cet énoncé, quel est-t-il ?

« Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».

- La plupart, pas tous mais la plupart, des recours à la force par les Etats depuis 1945 ont été fondés sur la légitime défense et y ont recherché leur justification juridique. Cette extension pratique de la légitime défense n'invalide-t-elle pas l'article 2 § 4, ne constitue-t-elle pas une contradiction interne de la Charte qui la prive de toute efficacité ? C'est l'analyse dominante, mais aussi la perception spontanée des non juristes que de dire que la légitime défense est conçue comme une exception à une interdiction du recours à la force, mais que l'exception a pris tellement d'importance qu'elle menace le principe, voire qu'elle l'a renversé.

- En réalité, et c'est ici la thèse qui est ici soutenue, la légitime défense occupe dans la Charte aussi bien que dans la pratique une position flottante. Elle dépend des situations, et surtout de l'attitude du Conseil de sécurité, de sa capacité de décision et d'action. Au fond, on peut dégager trois conceptions de la légitime défense, individuelle ou collective, conceptions qui figurent toutes les trois dans la Charte, qui y sont virtuellement inscrites. La pratique et ses contraintes conduisent l'une ou l'autre de ces conceptions à s'actualiser en fonction des situations, et la porte n'est jamais fermée aux autres, le flottement n'est jamais résorbé. Ces trois conceptions, on peut les qualifier : la première est celle d'une légitime défense résiduelle, la seconde celle d'une légitime défense fonctionnelle, et la troisième celle d'une légitime défense structurelle.

A - La légitime défense résiduelle

- C'est cette conception que retient la majorité de la doctrine : puisque le recours à la force armée par les Etats est interdit, la légitime défense n'est qu'une exception, exception qu'il convient d'enfermer dans les limites les plus étroites. Elle est objectivement une contradiction dans la Charte qu'il faut rendre inopérante le plus vite possible. L'article 51 en fait au demeurant un expédient provisoire et conservatoire, afin de ne pas donner une prime à l'agression, jusqu'à ce que le Conseil prenne les mesures nécessaires pour y mettre fin. Il est en effet la seule instance internationale légale et légitime pour décider du recours à la force armée.

- En outre, la légitime défense ne peut s'exercer qu'à l'encontre d'une agression armée d'un Etat en provenance d'un autre Etat. C'est du moins ce qu'affirme la CIJ dans son avis consultatif du 9 juillet 2004 sur le Mur palestinien. Notons simplement ici que la Cour ajoute alors un mot à l'article 51, qui n'énonce nullement que l'agression, fait générateur de la légitime défense, doive être le fait d'un Etat, ce qui laisse ouverte l'agression commise par des acteurs non étatiques.

- Cette conception résiduelle de la légitime défense, qui n'est que conservatoire et provisoire, est celle que l'on peut accepter lorsque le Conseil fonctionne et prend effectivement les mesures efficaces pour arrêter l'agression et rétablir la paix et la sécurité internationales. Alors la sécurité collective se substitue à la légitime défense, individuelle ou collective – et il ne convient pas de confondre sécurité collective et défense collective. La conception résiduelle correspond donc à un fonctionnement optimal de la Charte et du Conseil de sécurité face à une agression armée.

- Notons toutefois une limite du caractère résiduel. Même avec cette conception, on ne peut exclure la légitime défense préventive, lorsqu'elle apparaît comme la seule qui permette de repousser efficacement une agression imminente. Sans pouvoir ici approfondir ce point, on peut relever que le seul principe qui encadre juridiquement la légitime défense est celui de la proportionnalité, et que la proportionnalité peut permettre de prendre des mesures préventives. Là encore, l'évaluation de la proportionnalité est affaire de situations.

B - La légitime défense fonctionnelle

A la différence de la précédente, elle n'est plus ni une exception à une prétendue interdiction du recours à la force par les Etats ni une faille de la sécurité collective. Tout au contraire, elle s'y incorpore pleinement, elle en devient à la fois une conséquence et un instrument.

- Elle n'est pas une exception à l'interdiction du recours à la force, mais à l'inverse elle est une conséquence et un élément de sa réglementation. C'est dans la mesure où un Etat est victime d'un acte d'agression, que donc l'article 2 § 4 est violé, que cet Etat peut légitimement recourir à la force armée pour se défendre. Il y a donc solidarité entre les articles 2 § 4 et 51, nullement exception ou contradiction. Et s'il s'agit de légitime défense collective, elle est plus nettement encore un outil de la sécurité collective.

+ C'est ainsi que le Conseil de sécurité, aux termes mêmes de l'article 51, peut se référer à la légitime défense, la reconnaître, autoriser sur sa base le recours à la force armée par les Etats et du même coup l'encadrer. C'est ce qu'il a fait avec la Résolution 678 en 1990 lors de l'invasion et de l'annexion du Koweit par l'Iraq, puis en 2001 avec la Résolution 1368 qui a suivi les attentats d'Al Quaida. Il est en effet compétent pour qualifier un acte d'agression et en tirer les conséquences, conformément à l'article 39 de la Charte. Mais l'article 51 lui permet d'ouvrir des voies imprévues dans la Charte. En voici deux.

+ La première est l'autorisation donnée aux Etats membres, seuls ou en coalition, de recourir à la force armée. Les conflits qui en résultent ne sont pas pour autant des conflits des Nations Unis, les forces mobilisées combattent sous pavillons nationaux et non sous celui de l'ONU. Ainsi que l'avait souligné à l'époque M. Perez de Cuellar, Secrétaire général, la guerre d'Iraq en 1991 n'a pas été une guerre des Nations Unies.

+ La seconde est que le Conseil peut qualifier d'agression des actes dirigés contre un Etat mais provenant d'acteurs non étatiques, comme il l'a fait pour les attentats du 11 Septembre. On sait que cette possibilité est contestée par la CIJ, mais on voit mal ce qui peut autoriser la Cour à modifier le texte de l'article 51, qui n'énonce nulle part que l'agression doit être le fait d'un Etat. Ajoutons que, en faisant du « crime d'agression » un crime individuel, le Statut de Rome renforce la thèse suivant laquelle l'agression peut être le fait d'acteurs non étatiques.

- Il reste que des organisations internationales permanentes peuvent se constituer au nom de la légitime défense collective, comme l'OTAN. Le risque est alors que cette légitime défense collective se substitue à la sécurité collective, voire ne la supplante. C'est tout particulièrement le cas lorsque le Conseil est paralysé par le veto, incapable de qualifier un acte d'agression et de réagir en conséquence, de sorte que la légitime défense devient pleinement autonome, échappant à tout contrôle institutionnel universel. On sait que telle a été la situation dominante à l'époque de la Guerre froide. Alors apparaît une troisième posture de la légitime défense, qui n'est plus ni résiduelle ni fonctionnelle, mais structurelle.

C - La légitime défense structurelle

Si on lit attentivement l'article 51, le caractère structurel de la légitime défense est au fond des choses. Elle est le fondement même de la Charte. Ainsi il faut lire la Charte à l'envers : il n'y pas d'abord l'interdiction du recours à la force, ensuite une exception, mais d'abord et avant tout la légitime défense et ensuite, de façon subsidiaire, la réglementation du recours à la force. Voyons comment le démontrer.

- Considérons en premier lieu le texte de l'article 51. Le droit de légitime défense y est qualifié de « naturel », ou « inhérent » dans la version anglaise, ce qui est au demeurant plus satisfaisant. En d'autres termes, la légitime défense est indissolublement liée au statut de l'Etat, à sa souveraineté, elle est un produit de son existence et de son droit à la vie, ainsi que le reconnaît l'avis consultatif de la Cour en 1996 à propos de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires. L'article 2 § 4 n'est quant à lui nullement inhérent ou naturel. La Charte peut disparaître, et avec elle la réglementation du recours à la force, la légitime défense ne disparaîtra pas pour autant. Il n'y a donc pas de rapport de symétrie entre les deux normes, l'une est conjoncturelle, l'autre est structurelle.

Considérons en second lieu le contexte de la Charte. L'article 51 énonce que « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense… ». Aucune disposition, c'est à dire pas l'article 2 § 4, mais pas non l'obligation de régler pacifiquement les différends, et chaque Etat est fondé à se considérer en situation de légitime défense tant que le Conseil de sécurité ne s'est pas prononcé.

C'est dire que la légitime défense est extérieure, antérieure et supérieure à la Charte, de l'aveu de la Charte elle-même. De subsidiaire, elle devient ainsi principale, d'arrière-plan elle peut toujours revenir au premier plan. C'est ainsi que les Etats conservent le droit de s'armer et que la Charte n'impose aucune limitation à ces armements. Ils « s'abstiennent » de recourir à la force armée, mais ils n'ont pas renoncé à le faire, comme on l'a déjà noté. Ils restent les acteurs et les garants de leur propre sécurité.

- Cette troisième virtualité est toujours présente si le Conseil ne peut exercer ses compétences. Dans cette hypothèse dont on sait qu'elle n'est pas irréaliste, la légitime défense vient compenser ou corriger l'exercice du veto et ses conséquences. Il y a ainsi une certaine symétrie entre veto et légitime défense, parce qu'elle rétablit l'égalité juridique entre Etats. Elle rétablit l'égalité en termes de droit à la sécurité là où le veto introduit une dissymétrie pour ne pas dire une discrimination. Légitime défense et veto sont ainsi deux piliers de la Charte. La légitime défense renvoie à des systèmes de sécurité alternatifs à la sécurité collective en cas de défaillance du Conseil. On pourrait aller plus loin dans l'analyse de cette relation entre le veto, sauvegarde de la sécurité collective d'un côté, et la légitime défense, sauvegarde de la sécurité individuelle de l'autre, mais il faut ici conclure.

De ce qui précède on peut tirer deux conclusions opposées. S'ouvre en effet une alternative, qui traduit l'ouverture, la flexibilité et l'intelligence de la Charte.

- Ou bien on constate que, face à la guerre, dans son effort pour la mettre hors la loi et l'éradiquer, la Charte est en quelque sorte coupée en trois. L'article 2 § 4, le Conseil de sécurité et la légitime défense sont à la fois associés, superposés - et déconnectés. Ils sont un peu comme les trois Curiace, chacun insuffisant à lui seul pour vaincre Horace mais qui ne parviennent pas à se rejoindre. De cette incapacité résultent les conflits internationaux ou hybrides et la fragilité du système de sécurité collective institué par la Charte.

- Ou bien, et ce sera plutôt la conclusion de cette analyse, on souligne que la Charte est riche de virtualités qui lui permettent de s'adapter aux situations les plus diverses et les plus imprévues. Les déconnexions que l'on a observées lui donnent la souplesse nécessaire face à une conflictualité évolutive. Grâce aux opérations du maintien de la paix, elle a ainsi permis au Conseil de sécurité d'intervenir dans des conflits internes. Il a pu agir contre les acteurs non étatiques, instituer des juridictions internationales pénales, définir le corpus du droit humanitaire international. Grâce au veto, le Conseil a su préserver sa propre existence et au minimum éviter d'aggraver les tensions entre membres permanents. La sécurité collective reste certainement imparfaite, mais la valeur ajoutée de la Charte en la matière est incontestable.

L'équipe de l'AFRI 2014

mer, 01/04/2015 - 07:58

Comité de parrainage
Joachim Bitterlich / Gabriel de Broglie / Jean-Pierre Cot / Michel Foucher / John Groom / Jean-Marie Guéhenno / François Heisbourg / Christian Huet / François de La Gorce / Bertrand de La Presle / Thierry de Montbrial / Jean-Bernard Raimond / Pierre de Senarclens / Stefano Silvestri / Georges-Henri Soutou / Bernard Teyssié / Hubert Thierry / Louis Vogel

Conseil d'administration
Michel Mathien, Président - Guillaume Parmentier, Vice-Président - Yves Boyer, Trésorier - Daniel Colard - Emmanuel Decaux - Renaud Dehousse - Anne Dulphy - Jacques Fontanel - Jean-François Guilhaudis - Nicolas Haupais - Alexandra Novosseloff - Xavier Pasco - Fabrice Picod - Bernard Sitt - Serge Sur, membres

Comité de rédaction et de lecture
Gilles Andréani / Stéphane Aykut / Célia Belin / Yves Boyer / Frédéric Bozo / Grégory Chauzal /Jean-Pierre Colin / Emmanuel Decaux / Renaud Dehousse / Anne Dulphy / Julian Fernandez / Jacques Fontanel / Nicolas Haupais / Chantal de Jonge Oudraat / Pascal Lorot / Michel Mathien / Françoise Nicolas / Alexandra Novosseloff / Xavier Pacreau / Xavier Pasco / Fabrice Picod / Leah Pisar / Simon Serfaty / Bernard Sitt / Serge Sur

Direction
Serge Sur, Directeur / Anne Dulphy et Nicolas Haupais, Directeurs adjoints

Secrétariat de rédaction
Sophie Enos-Attali

L'AFRI est publié par le Centre Thucydide – Analyse et recherche en relations internationales (Université Panthéon-Assas (Paris II), en association avec :

Le Center for Transatlantic Relations, SAIS (Johns Hopkins University, Washington), le Centre sur l'Amérique et les relations transatlantiques (CART), le Centre d'études européennes de Sciences-Po (Institut d'études politiques de Paris), le Centre d'études et de recherches interdisciplinaires sur les médias en Europe (CERIME, Université Robert Schuman de Strasbourg), le Centre d'études de sécurité internationale et de maîtrise des armements (CESIM), le Centre d'histoire de Sciences-Po (Institut d'études politiques de Paris), le Centre de recherche sur les droits de l'homme et le droit humanitaire (Université Panthéon-Assas (Paris II), Espace Europe Grenoble (Université Pierre Mendès France, Grenoble), l'Institut Choiseul pour la politique internationale et la géoéconomie, l'Unité mixte de recherche Identités, Relations internationales et Civilisations de l'Europe (IRICE, CNRS/Université Paris I – Panthéon-Sorbonne/ Université Paris IV – Sorbonne).

L'AFRI est publié avec le concours du Centre d'analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère des Affaires étrangères, de l'Université Panthéon-Assas et de son Pôle international et européen

Centre Thucydide, Université Panthéon-Assas,
bureau 219, 12, place du Panthéon, 75005 Paris Site Internet : http://www.afri-ct.org dd

Ouverture de l'AFRI, volume I, 2000

mer, 01/04/2015 - 00:00

En dépit d'une grande effervescence intellectuelle en France à leur sujet depuis quelques années, les relations internationales n'ont pas encore acquis dans ce pays une reconnaissance qui en ferait une discipline universitaire de plein exercice. Le développement de leur étude et des recherches qui les concernent demeure empirique et éclaté entre de multiples disciplines plus traditionnelles - spécialement le droit, la géographie, l'histoire, la science ou sociologie politique, les sciences économiques, sans oublier diverses sciences naturelles ou exactes. On sait qu'au surplus les principaux centres de recherche se sont développés en dehors de l'Université avec laquelle ils n'entretiennent que des liens épisodiques.

Le présent Annuaire Français de Relations Internationales voudrait concourir à l'amélioration, qui est heureusement en cours, de cette situation. Il souhaite contribuer à la reconnaissance d'une doctrine francophone dans le domaine des relations internationales, alors que les travaux en la matière sont dominés et même écrasés par une abondante littérature anglo-saxonne ou d'obédience anglo-saxonne souvent de grande qualité. Il n'a cependant ni l'ambition ni la prétention de former une « école française », et surtout pas de le faire à lui seul. Le pluralisme intellectuel, la diversité des approches, les débats théoriques sont en effet essentiels pour la vitalité d'une discipline. Rassembler les spécialistes et confronter les tendances, tel est son objectif initial. La formule d'un Annuaire est au demeurant une tradition francophone, avec notamment ce précédent illustre que constitue l'Annuaire Français de Droit International.

Le pluralisme n'implique pas pour autant de se dissoudre dans un éclectisme sans consistance, ou dans un syncrétisme artificiel. Beaucoup des auteurs ici regroupés - mais pas tous - ont en commun de penser que les relations internationales restent dominées par les Etats. Ils ne souscrivent pas aux thèses qui soutiennent que l'Etat est dépassé, que le transnationalisme, la mondialisation et l'autonomie croissante des sociétés civiles le rejettent progressivement en dehors de l'histoire. Non pas qu'ils s'attardent à une conception statique de l'Etat. Il ne s'agit évidemment pas de l'Etat comme totalité close, hérissé de frontières et réalisant la fin de l'histoire. Tout au contraire, on doit constater que l'Etat a toujours démontré et continue à démontrer une remarquable capacité d'adaptation aux transformations idéologiques, politiques, économiques et sociales, qu'il sait organiser ses propres mutations, comme l'atteste par exemple la construction européenne. Il demeure ainsi la forme d'organisation politique indépassable - et la seule légitime - de notre temps. Le XXe siècle a été le siècle de la prolifération des Etats, et rien n'indique que le XXIe rompra avec leur dynamique.

L'Etat ne saurait pour autant être considéré comme une valeur ou comme une fin en soi. Tout au contraire, il est un instrument, il est apporteur de services au profit du groupe qu'il représente. Il doit en particulier être le cadre d'organisation et de garantie de ses libertés, individuelles, collectives et politiques. Aucune autre institution n'est en mesure de remplir ce rôle, si lui-même ne le remplit pas toujours de façon satisfaisante. Au moins ouvre t-il en son sein des possibilités de pression et de contestation qui le rendent perfectible et lui permettent de corriger ses propres erreurs ou lacunes. Comment ne pas songer à cette phrase de Jean Jaurès (la Revue de Paris, 1er décembre 1898), dont le style a plus vieilli que le sens : « Briser les nations ce serait renverser des foyers de lumière et ne plus laisser subsister que de vagues lueurs dispersées de nébuleuses, ce serait supprimer aussi les centres d'action distincts et rapides pour ne plus laisser subsister que l'incohérente lenteur de l'effort universel, ou plutôt ce serait supprimer toute liberté, car l'humanité, ne condensant plus son action en nations autonomes, demanderait l'unité à un vaste despotisme asiatique ».

Cette conception statocentrique n'ignore pas l'existence de phénomènes transnationaux, et pas davantage le fait que les Etats deviennent de plus en plus des machines à négocier des réglementations ou régimes internationaux. Ils sont de plus en plus intégrés dans des réseaux multiples de solidarités et d'interdépendances. Il sont également soumis au contrôle, à la critique, à la pression et à la concurrence de groupes multiples, qui définissent pour eux-mêmes leurs cadres intellectuels, matériels et géographiques d'activité. Mais ce n'est pas tant à la disparition des frontières que l'on assiste qu'à leur diffusion ou à leur démultiplication. L'atténuation des frontières étatiques - au demeurant très relative en dehors de la construction européenne - ne se traduit pas en effet par la naissance d'une société internationale œcuménique. Elle conduit bien davantage à la multiplication de barrières invisibles mais sensibles entre groupes, cultures, minorités, régions, intérêts, niveaux de développement économique et technologogique, etc .. L'Etat reste cependant la première des institutions internationales et la source essentielle de toute régulation internationale.

Ce phénomène est particulièrement visible dans le domaine économique, celui qui est actuellement le plus marqué par la mondialisation ou globalisation. Il se traduit en apparence par la dépossession progressive des Etats de l'une des sources de puissance essentielles. La production comme la distribution des ressources paraissent de plus en plus obéir à une logique indépendante de l'action et des politiques volontaristes des Etats. On assiste bien davantage en réalité à un déplacement des cadres et des conditions de leur intervention. Si aucun Etat individuel ne peut plus se soustraire à la pression des échanges internationaux qui sont conduits par des sociétés privées, il n'en reste pas moins que cette libération des échanges doit être doublement organisée : d'une part par l'ouverture progressive des marchés qui se réalise au travers d'accords interétatiques ; d'autre part par le développement de nouvelles règles du jeu, sur le plan monétaire, commercial, comme sur ceux de l'environnement, de la santé publique, demain peut être de la protection sociale. Une telle organisation ne peut être réalisée que par des accords interétatiques, et les acteurs privés sont eux-mêmes de plus en plus demandeurs de ces réglementations internationales, productrices de stabilité, de prévisibilité et de sécurité des échanges.

On fait également grand cas des nouvelles formes de conflits qui traduisent la perte de maîtrise des Etats en matière de sécurité, leur impuissance face à une violence civile diffuse, l'inadaptation de leurs réactions en présence de violences collectives et massives qui débordent leurs capacités préventives, correctrices ou répressives. Les systèmes de sécurité traditionnels paraissent sans prise sur une conflictualité irrationnelle, face à l'intransigeance de groupes qui récusent tout compromis, sortent de la logique des négociations traditionnelles et reposent sur la récurrence émiettée d'une logique totalitaire. Ces conflits ont marqué les dix dernières années, après la disparition de l'affrontement Est-Ouest. Il n'en reste pas moins que les solutions passent toujours par un retour à une logique interétatique, et que la recherche d'une nouvelle stabilité repose toujours sur un effort de reconstruction de structures étatiques. En d'autres termes, les « sociétés civiles » sont souvent les problèmes et les réponses étatiques toujours les solutions.

L'AFRI aspire à être un lieu où se retrouvent des spécialistes de toutes les disciplines concernées, dans la mesure où elles comportent un objet international. Il se situe dans un cadre universitaire, qui est originellement celui de l'Université Panthéon-Assas (Paris II), et de son centre de recherche en relations internationales, mais n'entend nullement s'y confiner. Il a en effet vocation, au-delà de ce pôle organisateur, à manifester la présence des universités, de leurs centres de recherche et de leurs chercheurs dans un domaine où ils restent insuffisamment nombreux mais surtout dispersés et trop souvent isolés. Les contributions à ce premier volume montrent bien qu'il existe dans de nombreuses universités un vivier de spécialistes compétents et actifs.

Disposer d'un socle universitaire ne signifie pas non plus retenir une conception fermée ou exclusive de la recherche. Tout au contraire, il importe qu'elle soit ouverte à un grand nombre d'experts extérieurs, soit qu'ils appartiennent à des centres de recherche non universitaires, soit qu'ils proviennent de milieux professionnels. Bénéficier de leur expérience internationale et d'une réflexion qui s'appuie sur une pratique est un élément indispensable. Il n'y a pas contradiction mais complémentarité entre une recherche spéculative, soucieuse de concepts sinon de paradigmes, et les conclusions plus concrètes et plus analytiques que l'on peut retirer de la connaissance personnelle de domaines spécialisés. C'est là encore une combinaison que l'AFRI s'efforce de réaliser : le sommaire de ce premier volume en témoigne.

La structure de l'AFRI comporte deux parties. La pemière est consacrée à des études, qui sont pour partie regroupées autour d'un thème organisateur, et s'attachent pour une autre partie à des questions variées - problèmes d'actualité, questions de doctrine ou de théorie. La deuxième partie comprend une série de rubriques, chacune placée sous la direction d'un responsable, qui traitent de questions choisies dans un secteur particulier des relations internationales, et permettent de dresser un tableau d'ensemble pour l'année de référence. Les responsables des différentes rubriques constituent le Comité de rédaction. Enfin, une bibliographie critique recense un choix d'ouvrages ou articles sélectionnés dans les principaux pays francophones. Nous espérons que cette structure pourra s'enrichir à l'avenir. En toute hypothèse elle reste soumise à examen permanent et les avis et critiques des lecteurs - qui ont vocation à être de futurs auteurs - seront toujours les bienvenus.

Pour les lecteurs, l'AFRI s'adresse à un public large et divesrsifié : les universitaires et leurs étudiants, les chercheurs, mais aussi les observateurs que sont les journalistes spécialisés et les praticiens des relations internationales - diplomates, fonctionnaires internationaux, membres des ONG, parlementaires ... Le choix des problématiques développées est destiné à fournir à un public très varié des études originales qui leur permettront de trouver tous les ans la quintessence des débats en cours et les informations plus précises relatives à leurs domaines d'études ou d'expertise. L'AFRI souhaite ainsi démontrer la complémentarité de la recherche académique et de la pratique gouvernementale, administrative et associative.

Il reste à remercier tous ceux, nombreux, qui ont accepté rapidement et efficacement de coopérer à la préparation de ce premier volume -membres du Comité de parrainage, du Comité de rédaction-, auteurs. Leur nombre, leur diversité, la qualité de leur concours montrent clairement que cet Annuaire répond à un besoin, et qu'il peut s'appuyer sur un réseau très diversifié de chercheurs. Les remerciements s'adressent également à l'éditeur de ce volume, qui s'est lancé avec détermination dans cette entreprise, soulignant au passage son intérêt pour la francophonie. Ils ne seraient pas complets s'ils oubliaient le Ministère des Affaires étrangères français, dont le soutien matériel a permis la réalisation du projet - dans un respect total, il va sans dire, de l'indépendance de l'AFRI et de ses auteurs. C'est le moment de préciser que tous les auteurs se sont exprimés en toute liberté, et que les opinions qu'ils peuvent manifester leur sont personnelles, sans engager en quoi que ce soit les institutions auxquelles ils appartiennent.

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Thèses en préparation au Centre Thucydide

mar, 31/03/2015 - 21:01

Degmo ALI : La transformation du conflit somalien et les effets de l'intervention internationale depuis 1992

Abderrahman ALLWAIHEG : Les relations franco-saoudiennes (1995-2015)

Mohamed ALMARZOOQI : Menaces régionales et stratégies des pays du Golfe – Le rôle de la France

Mohamed BAHOU : L'émergence du Sahara comme espace sécuritaire depuis 2011

Emmanuel BOURDONCLE : Le traité comme concept et outil juridique en droit international public - Racines antiques et significations contemporaines

Vincent DE KYSPOTTER : Le renseignement dans les opérations du maintien de la paix – Du multiplicateur d'effets tactiques à la stratégie d'une approche globale

Chloé de PERRY SIBAILLY : La reconnaissance d'État en droit international - Étude de la pratique récente

Grégoire GAYARD : Les activités internationales des entités fédérées - Comparaison des politiques internationales du climat de la province du Québec et des régions francophones de Belgique

Béatrice HAINAUT : L'émergence d'une norme : le code de conduite pour les activités spatiales, sous leadership franco-américain

Pablo Horacio HERNANDEZ GONZALEZ : Les coopérations internationales de l'Agence Spatiale Mexicaine (AEXA)

Barbara HILD : La liberté d'expression des personnes détenues

Aurore LASSERRE : Le cinéma américain post-11 Septembre - Représentations internationales et projection nationale (2001-2012)

Perrine LE MEUR : La stratégie normative des organisations non gouvernementales

Mathilde MASSE : La compétence pénale internationale des juges internes à l'égard des crimes internationaux

Leila MURR : La diplomatie culturelle, ses enjeux, ses limites – Le cas particulier des relations France – Qatar – Arabie Saoudite

Keyvan PIRAM : Pays exportateurs de pétrole : implications politiques de l'exploitation pétrolière

Ali RACHED : L'adaptation du dispositif international de non-prolifération à la « troisième vague » de dissémination d'armes nucléaires et radiologiques

Hewane SEREQUEBERHAN : La France, l'UE et les opérations militaires européennes Artemis (2003) et Eufor (2006) en RDCongo - Analyse décisionnelle d'une européanisation

Manon-Nour TANNOUS : Les relations franco-syriennes sous les deux mandats de Jacques Chirac (1995-2007) : un cas de bilatéralisme de levier

Netton Prince TAWA : Les stratégies des anciennes puissances coloniales dans la résolution des conflits armés internes en Afrique après 1994 – Les cas de la Sierra Leone et de la Côte d'Ivoire

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Indications pour la proposition d'articles dans l'AFRI

ven, 20/03/2015 - 19:54





Les auteurs qui souhaitent proposer des textes à l'AFRI sont priés de respecter les indications suivantes. Les articles proposés seront soumis au Comité de rédaction et de lecture qui les acceptera ou non, et pourra demander précisions, corrections, compléments.

1. - Un article comprend au maximum 40 000 – 45 000 signes, espaces et notes compris. Sa présentation répond aux règles académiques et éditoriales ordinaires en ce qui concerne le plan, les notes et citations. Merci de respecter les règles de présentation suivante : Garamond 12, interligne 1, pas de style prédéfini, subdivisions en I, A, 1..., notes de bas de page en garamond 10 avec noms des auteurs référencés en petites majuscules soit, par exemple, Geneviève Dreyfus-Armand, L'exil des républicains espagnols en France, Albin Michel, 1999, 490 p.").

2. - Au texte doivent s'ajouter :
(a) Un résumé en français (10 lignes max.) et un abstract en anglais (si vous ne pouvez pas le fournir, le résumé sera traduit par le Centre Thucydide)
(b) Une liste de mots clés pour l'index matières, et une liste des noms propres cités au texte (et non dans les notes) pour l'index des noms
(c) Une courte bio, publiée en fin de volume, et vos coordonnées postales pour l'envoi du volume et des tirés à part

3. - La date de remise des articles est fixée au 15 novembre, date qui est nécessaire à la mise au point du manuscrit en vue de sa publication au printemps suivant. Passé cette date, la publication de l'article ne peut plus être garantie.

4. - Des corrections et actualisations pourront être apportées au texte remis jusqu'au 15 janvier. Elles doivent figurer en gras dans le texte initial, afin de faciliter leur insertion dans le manuscrit.

5. - Les textes des articles, accompagnés des résumés, abstracts, mots clés, bio et adresse postale sont à envoyer, de préférence par courriel doc. joint au format Word, à Sophie Enos Attali, secrétaire de rédaction ou à Serge Sur, directeur de l'AFRI.

Adresses courriel : enatt@voila.fr, enattso@yahoo.fr ou sergesur@club-internet.fr

6. – Afin d'éviter toute confusion, il est demandé aux auteurs d'intituler les documents joints qui contiennent leurs articles de la façon suivante : AFRI (année en cours) – Auteur – Titre de l'article – Date d'envoi

7. - La mise au point du manuscrit (CDRom) est assurée par la direction et le secrétariat de rédaction de l'AFRI, et les épreuves papier sont corrigées par un correcteur professionnel.

8. - Un an après la publication du volume papier, l'AFRI est mis en ligne sur le site Internet du Centre Thucydide (afri-ct.org). Le sommaire et les résumés/abstracts du dernier volume, ainsi que la chronologie et la rubrique bibliographique sont quant à eux placés sans délai sur le site. L'ensemble des articles bénéficie ainsi d'une audience considérablement renforcée.


Avec les remerciements de la rédaction de l'AFRI dd

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