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SECURITÉ : UNE COOPERATION EUROPE- AFRIQUE AU BILAN MITIGE…

par András István Türke
2014-07-31, Géopolitique africaine 51.
http://www.geopolitique-africaine.com

Par le biais de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), l’Union européenne joue un rôle non négligeable dans les opérations de maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale partout dans le monde. Elle a ainsi conduit au cours des dix dernières années une quinzaine de missions ou d’opérations sur le continent africain, dont neuf sont toujours en cours. avec des résultats mitigés…

C’est en 2003, après être intervenue dans les Balkans (en Bosnie- Herzégovine, puis en Macédoine), que l’Union européenne élargit son rayon d’action vers l’afrique avec l’opération militaire artémis. Une opération perçue comme sa première opération militaire autonome, sa première mission de réaction rapide hors d’Europe, sa première opération appliquant le principe de la « nation-cadre » et sa première opération « relais » avec les Nations Unies.

L’opération artémis se déroule à Bunia du 12 juin au 1er septembre 2003, sous l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU (résolution 1484). Elle a pour objectif d’empêcher une catastrophe humanitaire en Ituri, région du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), déchirée par de violents combats entre ethnies rivales. Elle vise aussi à sauver le processus de paix en RDC en mettant un terme à un conflit ayant déjà causé plus de 3 millions de victimes directes ou indirectes.

Dix-huit pays européens participent à l’opération, assistés du Brésil, du Canada et de l’afrique du sud. Soit, au total, 2 200 hommes (avec les relèves) dont 400 sont regroupés sur la base arrière d’Entebbe, en Ouganda. La France assume la fonction de « nation cadre » de l’opération et fournit le contingent le plus étoffé : environ 80 % des effectifs engagés. Elle sera relayée par la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC) après le retrait des derniers soldats présents à Bunia.

L’opération artémis contribue à une stabilisation sensible de la zone : la population de Bunia passe de 40 000 à 100 000 habitants, les marchés rouvrent, l’aéroport et le camp de réfugiés de Bunia sont sécurisés et désarmés. L’Union européenne signe avec la RDC un programme de coopération de 205 millions d’euros sur une période de cinq ans et soutient également un programme plurirégional mené par la Banque mondiale.

Mais cette stabilisation s’avère fragile : après le démantèlement de la mission européenne, les massacres reprennent en Ituri. Qui plus est, on apprend que certains soldats de l’opération artémis informés des massacres perpétrés à 5 kms de Bunia — massacres de l’envergure de ceux de Srebrenica en 1995 en Bosnie-Herzégovine qui avaient fait 8.000 victimes — n’ont eu ni les moyens, ni l’autorisation d’intervenir…autre constat : la totalité des forces militaires mises à la disposition d’artémis n’est déployée que 36 jours après le vote de la résolution du Conseil de sécurité, même si les soldats français, eux, sont arrivés une semaine après. Les lacunes des moyens de transport aérien sont criantes. avec la mise en service de l’airbus a400M, l’acheminement aurait été possible directement à Bunia, sans escale à Entebbe. Le problème est que la charge utile de l’airbus est quatre fois moins grande (20 tonnes) que celle de l’antonov (80 tonnes). Ce sont donc les gros-porteurs russes — loués pour l’occasion — qui sont utilisés.

RDC : OPÉRATIONS POST-ARTÉMIS

Après l’opération artémis, la présence militaire de l’UE en RDC continue, mais avec un changement du théâtre : de l’Est-Congo (Ituri) à l’Ouest (Kinshasa, la capitale). Trois missions sont lancées : deux missions de long terme, EUPOL Kinshasa,•1 la première mission de police (civile) de la PSDC en afrique, et EUSEC RDC, une mission dont l’objectif général est de soutenir les autorités congolaises pour reconstruire une armée apte à garantir la sécurité sur toute l’étendue du territoire et créer les conditions favorables à un retour au développement économique et social. Enfin, une opération temporaire, EUFOR RDC, se déploie pour stabiliser le Congo démocratique pendant les élections présidentielles de 2006.

Malgré le chevauchement des mandats de l’UNPOL (mission de l’ONU) et de l’EUPOL, la coordination policière fonctionne plutôt bien. Le bilan de l’EUSEC, en revanche, est plus ambigu puisqu’en 2008, trois ans après son lancement, les forces du CNDP•2 ne sont pas neutralisées au grand dam des Forces armées de la République démocratique du Congo (FaRDC)… L’EUFOR RDC, elle, ne rencontre pas de difficultés majeures. Mais, elle connaît les « problèmes traditionnels » des missions européennes (interopérabilité défaillante, non-standardisation, manque de personnel et d’avions de transport tactique, sous-estimation de l’importance des actions civilo-militaires (aCM), etc.

Le système RETEX qui contribue à l’amélioration de l’outil de défense en participant à son évaluation au contact des réalités permet de tirer des enseignements utiles de ces missions. Mais le plus grand problème en RDC reste qu’il n’existe pas de conception régionale pour la pacification de la région des Grands lacs (RDC, Rwanda, Ouganda, RCa, problème Hutus-Tutsis, etc.). Un manque de vision préjudiciable.

FACE À LA CRISE AU DARFOUR

La crise du Darfour, au Soudan, connaît une nouvelle phase à partir de février 2003. L’Union africaine, pour la première fois depuis sa création, décide la mise en place d’une vraie mission civilo-militaire : la Mission de l’Ua au Soudan (aMIS). À cause de l’insuffisance de ressources financières propres et d’un manque d’expérience de ce type de mission, l’Ua est obligée de solliciter le soutien de l’Union européenne, de l’OTaN, de l’ONU et d’autres partenaires internationaux.

Pendant la mission de soutien de l’UE (2004-2007), presque toutes les bourgades les plus importantes sont détruites ou fortement endommagées. Les attaques des forces du gouvernement et des Janjawids (miliciens) ne cessent pas. Les mésententes des grandes puissances et des organisations internationales permettent aux parties qui ne sont pas prêtes à respecter un cessez-le-feu de tirer leur épingle du jeu. En raison des bonnes relations que le régime soudanais entretient avec la Russie et la Chine, le Conseil de sécurité de l’ONU demeure divisé sur la question du Darfour et les embargos décrétés par l’UE ne sont pas suivis d’effets.

Dossier parallèle, celui du Soudan du Sud qui devient indépendant en juillet 2011. Les relations de ce nouvel État sont très tendues avec la République du Soudan à cause des gisements pétroliers. Une guerre civile bloque le développement du pays. Dans le cadre de l’EUaVSEC- South Sudan (EU aviation Security Mission), entre juin 2012 et janvier 2014, un effectif de 34 personnes de l’Union européenne contribue à la sécurisation de l’aéroport international de la capitale. Par ailleurs, plus de 600 certificats de formation militaire sont délivrés. Mais, la mission n’est pas jugée assez efficace pour être prolongée.

au Darfour, les conclusions à tirer de l’action européenne sont essentiellement comptables : si l’UE soutient la Mission de l’Ua à hauteur de 300 millions d’euros au titre de la facilité africaine de paix, elle refuse au Soudan le bénéfice du 10e et du 11e Fonds européen de développement (FED), faute de ratification de l’accord de Cotonou révisé en 2005. Toutefois, par une décision du Conseil de juillet 2010 et une décision de la Commission de décembre 2013, l’UE alloue au Soudan 105,5 millions d’euros provenant de reliquats des précédents FED et du STaBEX (Système de stabilisation des recettes d’exportation) pour répondre aux besoins humanitaires et de développement, soit 76 millions d’euros au bénéfice des territoires de l’Est soudanais, du Sud Kordofan et du Nil bleu, et 22,5 millions d’euros au profit du Darfour.

Ce rôle de « grand argentier » ou de « généreux donateur » de l’UE n’est pas négligeable. Il montre néanmoins ses limites en n’apportant aux Européens qu’un minimum de respect et peu de reconnaissance… L’Union européenne n’a pas pu ou pas su collaborer efficacement avec l’Union africaine, une organisation aux projets ambitieux mais aux ressources financières trop modestes. Les mésententes entre l’OTaN et l’UE concernant le transport aérien stratégique n’ont rien arrangé. D’où, en 2006, notre suggestion aux responsables de l’Institut de sécurité de l’UE•3 de consacrer plus d’attention aux interactions du conflit du Darfour au Tchad et en RCa. L’opération « DORCa II »•4 lancée pour prévenir une déstabilisation progressive de la région et gérer la crise humanitaire issue des vagues de réfugiés est allée dans ce sens. Mais, elle n’a été menée que par la France...

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